Premier Age Chapitre 9 : Blessures


Je ne comprends plus Monsieur Kido. Hier, il m’a instruit de l’arrivée imminente d’un certain Mr Kajiya, qui intégrerait l’équipe sans délai. Ce qui me surprend le plus est que cet homme ne sera pas placé sous mon autorité, mais à mon niveau. Mr Kido pense que ses idées feront avancer le programme Kido dans une voie favorable.
Je ne pense pas non plus que cela soit une sanction due à mon échec sur l’analyse du Spécimen, mais je reste tout de même sur la défensive. Un peu inquiet, dirais-je même.


Note personnelle du chef du laboratoire de la Fondation Graad

Ainsi Mitsumasa m’a invité à participer à son fameux ‘programme Kido’. Curieusement, ce vieux cinglé m’a fait promettre de garder le secret sur ce travail, et ce sans m’en dire quoi que ce soit.
Tout ce que je sais est que je vais devoir coopérer avec le chef du laboratoire de la fondation Graad, un certain Mr Ninko. Ce Mr Ninko est parait-il bloqué dans son travail.
"Ses connaissances sont trop étendues.", m’a avoué Mitsumasa. Je ne suis pas sûr de comprendre le sens de ses paroles, en fait.
Je serais informé de la nature du programme Kido et de mes responsabilités dans les jours à venir. Tout cela présente bien des mystères, et c’est pourquoi je suis un peu sur la défensive. Mais après tout, je dois bien ça à Mitsumasa, qui m’a déjà bien aidé lors de l’affaire du Caire.


Note personnelle de Mr Kajiya


~ 1 ~


Des colonnes de pierres qui s’étendent à l’infini.
L’ambiance onirique d’un décors dévasté par le temps, symbole d’ancienneté, de mortalité, mais aussi de puissance, voire de renouveau.
L’air humide des fonds sous-marins. La luminosité disparate.
Et une silhouette.
Seule au monde. Abandonnée.
Elle marche lentement, mollement, semblant errer sans but précis, sans endroit où aller.
Un cœur qui bat, une douce sensation de chaleur au creux des mains, cette femme qui disait s’appeler Thétis possède bien un corps.
Juste un corps …
‘Tu vas aider les chevaliers d’Athéna.’
Une voix résonne dans sa tête dans un écho abominable.
‘Les chevaliers d’or, tu va les aider. Tu les guideras jusqu’au territoire de ton maître. Tu leur diras tout ce que tu sais. Et alors, tu seras seule. Tu ne penseras à rien, jusqu’à ce que les tiens te retrouvent.
Et alors …’
Les paroles horribles écrasent chacune des perceptions du marinas de la Sirène. Son univers se réduit à ces mots venus d’ailleurs, détruisant sa volonté, assassinant son être.
‘Tu les aideras.’
Thétis ne voit plus rien.
‘Tu leur diras.’
Elle n’entend plus rien.
‘Tu ne penseras à rien.’
Elle …
Du bruit.
Le son classique et monotone de pas foulant le sol poussiéreux du Sanctuaire de Poséidon.
Le son devient de plus en plus fort. Il devient insupportablement violent.
‘Les tiens te retrouveront.’
Les bruits de pas ont cessé.
Seules restent les voix.
Celles de ces hommes malheureux …
"Regardez !
C’est Thétis ! Thétis la Sirène !
- Que fait-elle là ?
- On l’a retrouvé, Seigneur Poséidon sera content.
- Que doit-on en faire ?
- Attrapons-là !"
… et celle, funeste, qui résonne toujours dans sa tête.
‘Les tiens te retrouveront. Et alors …’


~~~~~


Le sang. Les os qui se brisent. Les plaies horribles. Une action qui durerait un instant. Une action qui durerait éternellement …
Emportée dans le tourbillon de ses propres actions, Thétis la Sirène ne réalise même pas ce qu’elle fait. Ces hommes qu’elle frappe, ces vies qu’elle prend, ce sont tous de fidèles marinas au service de Poséidon. Certes ils ne sont que de simples gardes faisant leur ronde, mais …
L’allure féline et l’impulsivité imprévisible de la jeune femme avaient pris tous ces hommes au dépourvu. Ils avaient pour destinées la reconquête des terres émergées, après l’accomplissement du destin de l’Ebranleur du Sol.
Ils ne sont plus que corps inertes et chaires sans vie, désormais.
L’un d’eux respire encore …
"Thé … Thétis …"
Un regard vide se pose sur cet être mortellement blessé. Quelque chose qui n’aurait aucune expression …
"Sirène …
Pour … quoi … ?"
Un dernier râle. Une vie qui s’éteint.
Le visage de la femme n’exprime rien.
‘Et seulement alors, tu réaliseras.’
Tels sont les mots ultimes qui viennent douloureusement résonner dans l’esprit de la Sirène Thétis.
Les derniers.
La voix a disparu. Seul reste le silence mortel des lieux, la température douce de l’air …
… et l’odeur atroce de tous ces corps sans vie …
La jeune femme cligne des yeux. Cette étape qui la pousse ainsi à reprendre possession de ses moyens ressemble à un réveil difficile, ceux qui succèdent aux cauchemars terribles. La conscience du corps. La conscience des lieux. La conscience des actes.
Et enfin, la compréhension.
Le hurlement de la jeune femme allait être audible jusqu'aux frontières du mythique Sanctuaire de Poséidon …


~~~~~


Quelques jours plus tôt

Ainsi donc c’est là la chambre du grand Pope.
Rien de bien enthousiasment, finalement. Etre ainsi la plus grande autorité du Sanctuaire, commander les chevaliers sacrés, rencontrer la divine Athéna, pour se retrouver dans cette grande salle vide, faite de pierres mortes, où seuls quelques rideaux simples et tableaux monotones viennent tenter, en vain, d’égayer l’ambiance plate du lieu …
Tout cela parait bien pathétique aux yeux de Thétis.
Le garde, celui qui à l’instant l’a guidé en ce lieu, se retire, la laissant seule.
Elle attend, à présent.
Cette écaille rouge qu’elle porte la rassure, mais se savoir ainsi en plein territoire ennemi n’est pas sans éveiller en elle une once d’inquiétude. Quelle chance aura-t-elle de s’en sortir vivante si d’aventure un chevalier était envoyé pour la tuer ? Elle se sent tellement vulnérable …
Une grande et grave silhouette se présente à elle.
Une cape magnifique. Un casque fier. Un masque mystérieux.
La Sirène a entendu dire que le Grand Pope est admiré dans toute la Grèce, et qu’il est célèbre pour sa sagesse. Cela devrait être une pensée rassurante, et c’est aussi parce qu’elle réalise qu’il n’en est rien que Thétis est plus inquiète encore.
Mais elle sait avoir une mission à accomplir. La volonté de Poséidon est à ce prix.
S’inclinant face à son hôte, marquant ainsi son respect et reconnaissant son pouvoir, la jeune femme délivre son message, consciente que cet homme d’autorité ne dira mot.
"Je suis Thétis, la Sirène. Je suis ici afin de représenter sa Majesté Poséidon, et de vous faire part de l’information suivante.
Les forces de l’Ebranleur du Sol sont en marche. Dans quelques minutes, ils fouleront le sol de ce Sanctuaire sacré, et viendront défier l’ordre de la chevalerie. Ils vaincront, et prendront la vie d’Athéna réincarnée.
Et alors, la destinée de mon maître pourra s’accomplir."
Les mots viennent d’être dictés. Consciente de l’importance des propos à tenir, Thétis avait pris soin d’apprendre par cœur chacune des paroles du seigneur des océans.
La Sirène avait deviné que sa mission resterait secrète, cachée aux généraux eux-mêmes, qui pourtant risquent de souffrir d’une telle initiative. Mais Poséidon tenait absolument à ce que la guerre soit officiellement déclarée. La jeune femme ne croit pas non plus que cette volonté soit le fruit du hasard ou du seul honneur de la guerre. Quelque chose de bien plus profond doit se cacher derrière cette vérité.
Thétis relève la tête. La silhouette, invisible sous ses artifices vestimentaires, semble pourtant la dévisager. Elle se sent presque gênée. Un effort lui est nécessaire pour ne pas détourner le regard.
Puis, le Grand Pope, d’un pas digne d’un homme de son rang, fait volte face, et, lui tournant le dos, semble à présent s’adresser à elle.
"Une déclaration de guerre …"
La voix exprime quelque chose de profondément maléfique. C’est un frisson qui parcourt la jeune femme. Elle vient de réaliser que quitter ce lieu l’impatiente.
"Une déclaration de guerre, ainsi Poséidon se décide enfin à attaquer."
Consciente de sa faiblesse relative, la Sirène devine par une sorte d’instinct que l’heure est au départ. Cette certitude de l’urgence aurait fait paniquer une personne normale, mais il est vrai que Thétis est tout de même servante de Poséidon, et quiconque possède ce rang sait également contrôler ses propres sentiments. C’est pourquoi ses mots expriment un calme superficiel.
"A présent, il me faut retourner auprès de mon seigneur et maître. Je vous pris de me laisser prendre congé.
- Il n’en est pas question."
Les paroles, celles qui en un instant viennent de nouer le cœur de celle qu’on appelle Thétis, ont été prononcées avec un calme olympien, bien que toujours imprégnées de cette ambiance tragiquement malsaine.
La réponse de la jeune femme ne sait plus dissimuler un hoquet de peur.
"Je …
Je vous demande pardon ?"
Dans l’absolu, rien ne pouvait prédire que la marinas, servante de l’Ebranleur du Sol, aurait été fatalement incapable de fuir, alors que brusquement l’homme de pouvoir se retournait sur elle et jetait sa main en avant. Mais hélas, la rapidité de la scène interdit à une telle réalité d’exister, et déjà un pouvoir invisible frappe la Sirène.
"Illusion Démoniaque."
La force impalpable frappe la jeune femme, la prenant totalement au dépourvu.


~~~~~


Des mots …
Plus rien n’est pareil …
Quel est ce corps ?
Celui de Thétis ? Peut-être bien …
Et cette âme qui ne ressent plus rien, comme morte, même si seulement inconsciente. Quant à l’univers tout entier, il n’est plus qu’une seule personne.
Plus qu’une seule voix.
Celle de …
‘Ne bouge pas.’
Les mots résonnent dans son esprit, écrasant toute autre volonté.
Thétis essai tragiquement de se souvenir de sa mission. De Poséidon. D’elle-même.
Mais à chaque fois la voix surgit, la frappant intérieurement dans une douleur horrible, tuant chaque tentative d’évasion de cette prison sans nom.
‘Ne bouge pas.’
A part ça, la Sirène possède une maîtrise toute relative de ses moyens. Elle sait se tenir debout. Elle sait détester l’ambiance sombre et de ce lieu dans lequel un instant plus tôt un homme de pouvoir l’avait emmené Elle sait souffrir, aussi.
Et il n’y a rien à faire …
Elle voudrait partir, faire son rapport. Impossible.
Il ne reste plus qu’à attendre que s’écoulent les minutes. Puis les heures. Le temps est en fait une notion assez subjective, dès lors qu’il ne reste rien d’autre à faire que de le contempler dans toute sa lenteur.


~~~~~


La porte s’ouvre.
Elle n’était pas verrouillée, mais la voix avait à chaque fois interdit à Thétis de s’en approcher.
Un homme entre.
C’est le grand Pope.
Son ennemi.
Dans l’idéal, il lui faudrait l’attaqu …
‘Ne bouge pas.’
Encore cette voix.
Impossible d’y échapper.
L’homme en face d’elle , même masqué, semble profondément essoufflé. On le croirait sortant d’une grande frayeur, ou d’un état de panique désespéré. Les mots qu’alors il oubli de garder pour lui, elle peut les entendre. Mais hélas ils n’ont pas beaucoup de sens …
"Partis … Tous …
Même Lui, il n’a fait qu’observer …"
Reprenant son souffle, l’homme semble également se ressaisir.
Son visage invisible se jette en direction de la jeune femme.
"Toi !"
Les mots à nouveau s’adresse à elle. C’est la même voix que dans sa tête. Quelque chose de maléfique …
Quelques pas dans sa direction …
Déjà le grand Pope se tient face à elle, accusateur et autoritaire.
"Dis-moi tout.
La position de Poséidon, la structure de son Sanctuaire, ses généraux, ses faiblesses, je veux tout savoir."
‘Ne bouge pas.’
Tels étaient les mots dans sa tête, il y a juste un instant.
Ils ne sont plus là.
Mais ce n’est pas encore le silence de délivrance, car déjà la voix exprime un ordre plus sombre encore.
‘Dis-moi tout.’
Dans un ultime éclair de lucidité, Thétis réalise le caractère tragique de la situation. Si elle obéit, son maître sera réellement en danger. Une telle vérité n’est pas une chose concevable pour la Sirène, mais …
‘Dis-moi tout.’
Cette voix !
Elle déchire la pensée même de la jeune femme. Ce n’est pas seulement des actes qui lui sont interdits, mais un ordre direct qui lui est imposé.Ne pas agir suffit à faire entendre la voix de mort.
‘Dis-moi tout.’
Les mots, alors, sortent de la bouche de Thétis, la Sirène, servante de Poséidon Ebranleur du Sol.
A ce moment, la jeune femme aurait tout fait pour avoir été tuée …


~~~~~


Une jeune femme pleure. Ce sont des larmes sans colère.
C’est son âme qui a brûlé, il n’en reste plus que quelques cendres.
Alors qu’elle racontait tout des secrets millénaires de son seigneur et maître, elle avait subit l’horreur. Bien des fois elle avait cherché à se taire, ou tenté de donner une fausse information. Mais à chaque fois …
‘Dis-moi tout.’
C’est terminé, à présent. Il n’y a plus rien à dire. Plus rien à garder secret. Une partie de ce qui formait son être est décédée.
Après l’avoir terrassé de requêtes, de questions innombrables, le grand Pope s’était absenté.
Il devait s’être mis à l’écart, probablement pour réfléchir à la stratégie à adopte.
Cela, c’était avant son retour, il y a juste un instant.
Combien de temps s’est écoulé depuis l’arrivée de la jeune femme au Sanctuaire d’Athéna ?
Une heure, un jour, un an …
La question n’a plus vraiment d’importance, en fait.
L’homme de pouvoir est sur le point de lui donner un ordre nouveau.
Un ordre qui ne se fait pas attendre.
"Les chevaliers d’or, tu va les aider. Tu les guideras jusqu’au territoire de ton maître. Tu leur diras tout ce que tu sais. Et alors, tu seras seule. Tu ne penseras à rien, jusqu’à ce que les tiens te retrouvent.
Tu tueras.
Et seulement alors, tu réaliseras."
Un frisson parcourt la jeune femme alors qu’elle réalise qu’elle est à jamais incapable de résister à la voix. Ainsi causera-t-elle la perte de son propre maître, ou sinon y aura contribué.
A nouveau des larmes chaudes coulent le long de ses joues.
L’homme horrible en face d’elle lui tend la main, comme pour l’inviter.
"Suis-moi, maintenant.
Je vais te présenter les quatre guerriers que tu vas accompagner."
Sortant de la pièce sombre et froide où elle avait déjà vécu tant d’horreurs, Thétis réalise avec effroi qu’elle donnerait n’importe quoi, à présent, pour pouvoir y retourner.


~ 2 ~


Quelques jours plus tard

Cela se passe quelque part sous l’océan, au pied du légendaire pilier de l’Océan Pacifique Sud, à deux pas simples du cercueil vivant de celui qui vient, pour la deuxième fois, de perdre une bataille face aux mythiques chevaliers sacrés d'Athéna.
En ce lieu, même un néophyte ne s’y serait trompé, explosent deux immenses cosmoénergies. La puissance démesurée de chacune des deux forces est d’une nature profondément différente.
Il y a celle, exprimant le terrible froid des terres glacées, de Camus le blanc, chevalier du Verseau. Et il y a celle, d’une magnificence superficielle, presque cruelle, d’Aphrodite des Poissons, gardien de la douzième et dernière maison du Sanctuaire sacré d’Athéna.
Les deux font face au pilier immortel. Les deux invoquent de concert leurs redoutables pouvoirs destructeurs.
"Aurora Execution !
- Piranha Rose !"
Le froid invincible du guerrier des glaces, les roses tranchantes de l’homme au visage agréable, autant d’arcanes mortels viennent s’échouer de toutes leurs forces sur la surface du pilier.
Ce n’est qu’un instant plus tard, le temps qu’il faut à la pression pour retomber, et aux guerriers de reprendre leurs souffles, que s’avance le splendide chevalier des Poissons. D’un geste de la main, il effleure la surface immortelle du légendaire pilier. C’est à voix haute qu’il exprime son inquiétude.
"Le pilier est intact.
- Que dis-tu ?"
Le chevalier du Verseau ne sait pas contenir une exclamation de surprise.
"Intact ? Alors que nos deux techniques mortelles l’ont heurté de leurs toutes puissances ?"
Les deux chevaliers échangent un regard ahurit.
"Alors, Camus, tu as une idée ?
- Je …"
Il avale sa salive avec lourdeur.
"Je n’ai absolument pas retenu mon coup.
- C’est pareil pour moi.
Je n'aime pas trop ça, Camus … La réussite de la mission dépend de la destruction de ces piliers.
-Aphrodite, c’est toi qui a l’autorité. Que suggères-tu ?
- Euh...
Je ..."
C’est alors qu’une voix familière les interpelle.
"Vous n’arriverez pas à détruire les piliers ainsi."
C’est ainsi que Shaka semblable à Bouddha apparaît face aux vainqueurs de l’immortel Io de Charybde, suivi de peu par le chevalier du Capricorne.


~~~~~


"Shaka ...", affirme alors Aphrodite des Poissons.
"Qu’est-il donc arrivé à Shura, il semble trainer son bras tel un fardeau ?
Et pourquoi dis-tu que notre tentative de détruire ce pilier est vouée à l’échec ?
- Les piliers ne sont pas indestructibles. Si cela avait été le cas, ils ne seraient pas gardé par autant de redoutables généraux.
Cependant, ni Shura, brandissant Excalibur, ni moi, invoquant le châtiment du Ciel, ne sommes parvenus à entamer la surface du pilier de l’Océan Indien. Je devine que la raison de notre échec est liée à la présence immortelle de Poséidon en ce lieu.
- Que dis-tu ?
- Tu as bien compris. La solidité des piliers est d’ordre divin. C’est une chose en tout point comparable à l’esprit millénaire d’Athéna en son Sanctuaire, qui empêche tout agresseur d’atteindre sa chambre sans avoir tout d’abord traversé les douze maisons zodiacales et vaincu chacun des chevaliers d’or. Cela veut également dire qu’il n’est pas pour l'instant en notre pouvoir de briser ces piliers."
Le froncement de sourcils du chevalier des Poissons à quelque chose de palpable. Mais déjà autre chose le préoccupe. Son attention se porte à présent sur le courageux chevalier du Capricorne.
"Concernant Shura...", continue Shaka semblable à Bouddha.
"Concernant Shura, il souffre d’une blessure causée par la lance d’or du général de Chrysaor. Il faut que l’on s’occupe de lui.
- Je m’en occupe !", s’exclame alors le fraternel Camus, profondément ému par la blessure de son frère d’arme.
Tous s’étaient retourné, surpris par la promptitude du chevalier des glaces à se porter volontaire. Mais cela semble convenir tout à fait au chevalier des Poissons, qui s’empresse d’avancer les ordres nouveaux.
"Les généraux sont plus puissants que prévus, il convient de continuer à les attaquer comme nous venons de le faire. Il y a toutefois un nouvel enjeu à ces combats: obtenir des informations qui pourraient nous aider à abattre les sept piliers.
Il me semble une bonne idée de nous séparer comme nous venons de le faire, Shura avec Shaka, et Camus avec moi.
Afin de ne pas perdre de temps – ne laissons pas aux généraux celui de se réorganiser – le chevalier de la Vierge et moi partiront devant, chacun dans une direction.
Je choisis de me diriger vers le pilier de l’océan Arctique, Camus me rejoindra quand il le pourra. Shaka, je te laisse libre de choisir ta cible.
Est-ce clair ?"
Les trois chevaliers acquissent, expriment leur consentement aux ordres du commandant des forces armées d’Athéna.


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Alors que tous s’apprêtent à agir, Aphrodite d’apparence divine s’exprime sur un ton rude.
"N’oubliez les ordres du grand Pope. Il n’est pas tolérable de subir plus d’une perte. Shura est blessé et c’est déjà trop."
Certes, Camus et Shaka sont écœurés par une telle perspective, mais ils savent aussi respecter la hiérarchie, et c’est pourquoi ils ne disent mot.
Le chevalier de la Vierge, alors, s’adresse à son compagnon de route.
"Shura, je me dirige vers le pilier de l’océan Pacifique Nord.
- Tiens donc. Tu as l’air très déterminé, Shaka. Qu’est-ce donc qui te motive ainsi ?
- Thétis la Sirène, avant que nous la laissions aller, avait expliqué que le gardien de ce pilier n’est autre que Kanon du Dragon des Mers, le commandant de l’offensive des généraux sur le Sanctuaire. Je devine qu’il est le plus apte à savoir quelque chose sur les piliers.
De plus, il y a quelque chose en lui qui me fait penser à quelqu’un que j’aurais connu. J’aimerais aller vérifier cela.
- Soit. Part devant, je te rattrape dans un instant."
Soucieux de ne pas laisser le temps aux généraux de réagir, Shaka et Aphrodite bien vite partent en direction de leurs objectifs respectifs, laissant deux autres chevaliers à un autre problème.


~~~~~


"Fais-moi voir ton bras, Shura.
- Je ne peux pas."
Il faut imaginer le regard perplexe du chevalier du Verseau. Il est loin de comprendre le sens des paroles de son camarade.
"Comment ça, tu ne peux pas ?
- Je ne parviens pas à bouger mon bras droit. Depuis mon combat contre Krishna, il n’est plus qu’un poids mort."
Le visage pourtant déjà pale du chevalier des glaces pâli encore plus, entendant ces mots. A l’instant, il vient de comprendre la nature de la blessure du chevalier du Capricorne, même s’il ne peut pas se concevoir une telle vérité.
D’un geste adroit, il ôte la partie de l’armure du Capricorne qui recouvre son bras droit, arrachant au chevalier une grimace de douleur. Ce n’est qu’après un examen approfondi de la plaie béante et sanglante que Camus relève la tête, et annonce un événement bien sombre, sur un ton qui ne dissimule pas une profonde inquiétude.
"Shura, la lance d’or de Krishna a sectionné les nerfs de ton bras au niveau de l’épaule. C’est normal que tu ne puisses plus le bouger car en fait, ton bras droit est …
… mort.
- Mort, hein ?
Pff …"
Shura semble à peine concerné par la nouvelle.
"Shura, tu ne comprends pas. Ton bras ne pourra pas être guéri. Tu viens d’en perdre l’usage à jamais.
- Rassure-toi, Camus. J’avais compris cela avant même de subir l’impact tranchant. Je savais que je sacrifiais mon bras. Mais je suis tout autant capable de protéger Athéna, sois-en sûr. Dois-je te rappeler qu’Excalibur réside également dans mon bras gauche ?
- Mais …
Que comptes-tu faire, au juste ?"
La réponse est évidente, pourtant le chevalier du Verseau pose la question, terrorisé rien qu’à l’idée de la réponse de son frère d’arme.
"Ce que je compte faire ?"
Disant cela, Shura pareil à Arès vient de lever son bras gauche, comme s’il allait utiliser …
"Je ne ‘compte’ rien faire. Je ‘fais’, tout simplement."
Sous l’œil horrifié du chevalier du Verseau, le sanglant Shura vient d’abattre Excalibur sur son propre corps …


~~~~~


La couleur rouge.
Une sensation de chaleur visqueuse horrible.
Du sang. Le sang qui s’échapperait d’une blessure béante, l’hémorragie qui succéderait à …
… l’amputation.
Avant même que cela ne se soit produit, Camus du Verseau avait fait un pas en arrière. Certes il est un chevalier sacré, et sait supporter la vision de blessures tragiques, mais il y a cette fois quelque chose qui lui fait perdre ses moyens.
‘Shura, il s’est lui-même sectionné le bras droit.’
"Camus …"
La douleur doit avoir quelque chose d’atroce. Shura n’est pourtant pas de ceux qui se laissent impressionner par une blessure, et pourtant sa voix ressemble à un râle.
"Camus …
… aide-moi …
… hémorragie …"
Le sang coule toujours, semblant ne jamais vouloir cesser. Shura est à genoux, et transpire abondamment.
Dans un éclair de lucidité, alors, Camus le blanc comprend que s’il n’agit pas, son compagnon risque d’y laisser la vie. Heureusement, il ne manque pas de ressource.
"Shura, écoute-moi bien.
Je suis un chevalier du froid, tu comprends ? Je ne peux pas cautériser la plaie. Ce que je vais faire maintenant va bloquer l’hémorragie, mais c’est une solution provisoire. Il te faudra te faire hospitaliser d’urgence dés que nous serons de retour en Grèce.
Tu m’as entendu ?"
Sans même attendre une réponse, le chevalier du Verseau invoque son cosmos, avec une délicatesse qu’il n’avait jamais eu le besoin d’exprimer. Une à une, les cellules mortes du bras du chevalier du Capricorne gèlent, mettant progressivement fin à la perte mortelle de sang.
Il faudra encore quelques minutes pour que Shura soit à nouveau en possession de ses moyens, et Camus n’a pas l’intention d’abandonner ce compagnon avant que ce laps de temps ne soit écoulé.
A aucun moment le guerrier blessé n’a perdu conscience, et cela est quelque chose d’exceptionnel, Camus le sait.


~ 3 ~


Seul.
Tout solitaire qu’il est, le fraternel Camus se dirige à grande vitesse vers le pilier de l’Océan Arctique. Il a bon espoir de rattraper son camarade Aphrodite des Poissons, et il sait qu’il lui faut se hâter, car finalement ces généraux savent se trouver être redoutables, bien plus, en tout cas, qu’ils ne l’avaient paru lors de leur offensive sur les douze maisons. Mais ses pensées sont pour quelqu’un d’autre.
‘Shura …’
Il y a un instant, le chevalier du Capricorne a, de son plein gré, sacrifié son bras droit pour affaiblir le général de Chrysaor.
‘Cela a du être un combat terrible. Il est vrai que Krishna est l’assassin de Masque de Mort, l’arrogant chevalier du Cancer, mais tout de même ...’
Camus le blanc se voit désolé de devoir accepter les faits en tant que tels. Certes aucune perte n’est à déplorer dans le valeureux camp de la déesse, mais déjà l’un des fiers chevaliers aura à supporter une terrible blessure de guerre. Et il n’en guérira jamais ...
Ce n’est qu’après avoir remué ces sombres pensées que le chevalier s’inquiète enfin de sa destination.
‘Le pilier de l’Océan Arctique ...’
Thétis la Sirène, servante de Poséidon, avait, à la grande surprise de Camus, dévoilé tous les secrets du Sanctuaire de Poséidon. Elle avait parlé de Pilier central, garant de l’intégrité du domaine de l’Ebranleur du Sol, et de sa relative invincibilité.
"Il est indestructible.", avait-elle avancé sur un air presque catatonique.
"Il est indestructible, à moins que les sept piliers des sept océans soient intégralement brisés."
Ainsi était venue l’idée d’anéantir ces structures présumées vulnérables. C’est alors que la Sirène avait parlé des généraux, gardiens des piliers, comme les chevaliers d’or le sont des maisons.
Elle avait cité Io de Scylla, gardien du pilier du Pacifique Sud, et de son ami Bian de l’Hippocampe, du Pacifique Nord. Elle démontrait ainsi sa méconnaissance totale des événements des batailles du Sanctuaire d’Athéna, ce qui était tout de même une chose surprenante.
Thétis avait ensuite nommé les autres généraux gardiens des piliers immortels. Les gardiens Kanon et Krishna, qui avait guerroyé à travers les maisons zodiacales, ainsi que les généraux de la Sirène et du Lymnade, Sorrento et Kasa.
Curieusement, la Néréide était restée très évasive en ce qui concerne le général gardien de l’Océan Arctique, le Kraken.
Avait-elle oublié son nom ? L’avait-elle jamais su ?
Le mystère, de toute façon, ne va pas persister bien longtemps, suppose le chevalier des glaces. Déjà le pilier est en vue.
Déjà ...
"!!!!!"
Camus se fige dans sa course, à quelque distance de l’immortelle colonne. Quelque chose de foncièrement anormal l’aveugle, le réduisant à la perplexité. Le rendant incapable d’agir ...
"Mais ...", s’exclame-t-il à voix haute, conscient de trahir sa présence, voire son état d’esprit.
"Mais il n’y a personne ici !"
Devant le regard affolé du chevalier d’or, il n’est pas une seule âme pour l’accueillir ...


~~~~~


Les pensées de Camus le blanc ont quelque chose d’assez proche d’un vent de panique.
‘Le pilier se tient là. Le général du Kraken ne le garde pas. Où est passé Aphrodite ? Le combat les a-t-ils emmenés , lui et le général, loin d’ici ? En a-t-il déjà finit et est-il repartit ? Pourquoi ne m’aurait-il pas attendu ?’
Pas de réponse.
Juste le silence.
Le bienveillant Camus fait quelque pas en direction de la colonne de pierre, conscient de son impuissance face à elle, mais incapable de faire autre chose.
La courte distance se réduit. Le pilier a quelque chose de fascinant ...
Sa hauteur insondable le projette jusque dans les flots, son architecture massive faussement simple ne trahit pas l’hypothétique emprise de l’esprit de Poséidon, qui le rendrait presque invincible. Le symbole important qui représente ...
‘!!!’
"Mais..."
Camus vient de découvrir une vérité. C’est à voix haute qu’il exprime le fait.
"Mais ...
Ce n’est pas ..."
C’est alors qu’une voix, une voix qui sait être familière, arrache le chevalier d’or à sa réflexion, le confrontant à une situation toute nouvelle, à la nature bien plus ambiguë.
La voix appelle le chevalier. D’un seul mot.
"Maître !"
Se retournant, Camus le blanc aperçoit enfin cet homme qu’il connaît si bien. Ses mots sont encore pleins de surprises.
"Isaac ?!
Toi ici ?!"


~~~~~


Cela s’était passé en Sibérie, là où le froid immortel veille à ce que la vie soit une chose difficile. Les tempêtes de glaces y giflent le visage, le froid glacial mord de ses crocs aigus, et les vastes montagnes enneigées sont autant de pièges mortels pour le visiteur inexpérimenté.
Tel est le lieu où Camus, chevalier d’or du Verseau au service d’Athéna, a jadis choisis acquérir sa science du combat, sa maîtrise de la cosmoénergie et sa connaissance du froid, gagnant ainsi sa puissance et son sacre de chevalier. Il avait pour cela quitté le pays qui l’avait vu naître, la France, avec il est vrai un peu de nostalgie.
C’est par une matinée sommes toute bien ordinaire qu’un jeune garçon répondant au nom d’Isaac avait frappé à sa porte. Il prétendait être envoyé par le Sanctuaire dans le but de devenir le chevalier de bronze du Cygne, l’armure immortelle ayant la réputation de dormir au sein même des glaciers éternels.
Camus, alors, l’avait regardé du coin de l’œil, intériorisant ces émotions qu’il ne ressentait qu’à moitié, acceptant finalement le fait comme tel, sans chercher à y redire. Il est vrai que le chevalier du Verseau ne considérait pas son entraînement comme terminé. Il pensait sans cesse à sa maîtrise rigoureusement imparfaite de son attaque ‘Aurora Execution’, qui tendait difficilement vers ce qui pouvait être considéré comme un Graal en soit, le froid ultime, la glaciation parfaite, le Zéro Absolu. Voilà bien des années que Camus échouait, et finalement le Sanctuaire lui envoyait un élève.
‘Pourquoi pas ?’, s’était-il dit, conscient que l’apprentissage est un concept étroitement lié à celui de l’enseignement.
C’est ainsi que Camus avait fait la connaissance d’Isaac.
Ce même Isaac qui a présent se tiens à côté de lui, à quelques pas simples de là.
"Isaac ?!
Toi ici ?!
- Maître Camus, c’est bien moi. Vous n’avez pas à être surpris."
Complètement abasourdi, le chevalier du Verseau cherche à donner un sens à cette apparition soudaine. A court d’inspiration, c’est crûment qu’il pose la question. "Isaac, que fais-tu ici ?"
Le visage radieux du jeune homme exprime une profonde sympathie. Avançant d’un pas, tendant la main vers celui qui lui a tout appris, celui qui répond au nom d’Isaac tend la main vers celui pour qui il a tant d’estime, l’invitant à une chaleureuse poignée de main.
"Maître, je vais vous expliquer tout cela."
Isaac fait un pas de plus, la paume ouverte en direction de son maître.
Interloqué et profondément surpris, Camus avance sa main à son tour, près à saisir celle de son ancien élève.
A son tour, il fait un pas. Les deux hommes sont tous près.
Déjà ...
"Maître ...
- Isaac ?"
Le disciple jette son regard vers le sol.
"Maître, excusez-moi.
- Qu ..."
Le fraternel et bienveillant Camus ne peux pas terminer son exclamation.
Quelque chose vient de l’en empêcher, alors qu’une douleur sourde vient d’exploser au niveau de sa gorge.
Bien vite, le paysage tremble autour du chevalier d’or, l’emportant dans les abîmes de l’inconscience. Sa dernière pensée exprime la confiance qu’avait jusqu’alors un maître envers son propre disciple.
"Isaac ! Pourquoi ?!…"
Puis, le noir absolu, les abîmes insondables d’une pensée qui s’éteint.

Seul reste celui qui dit s’appeler Isaac, et qui prétend être l’ancien élève du chevalier du Verseau.
D’un geste il essuie sa main ensanglantée, celle qu’il vient de planter tout droit dans la gorge du finalement naïf Camus. De ses deux yeux il regarde s’effondrer le corps inconscient.
Ses pensées n’expriment aucune sagesse.
‘Des chevaliers d’or ?
Pff ...
Tant qu’ils ont des faiblesses humaines, cela sera toujours aussi facile.’


~ 4 ~


C’est un autre homme.
C’est un autre guerrier.
Aphrodite, c’est le nom qu’on lui a donné jadis, rendant sa masculinité plus inaccessible encore. Mais ce n’est pas non plus comme s’il en a jamais souffert ...
‘Ainsi voilà le pilier de l’océan Arctique, le seul dont on ignore la nature du gardien.’, se dit-il.
‘Comment se fait-il que le général du Kraken ne soit pas là à m’attendre ?’

Autour du chevalier, il n’est pas une âme qu’il faille combattre …

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Cette fiction est copyright Frédéric Ramirez et Gille Monchoux.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.