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La guerre frappe notre planète depuis l'apparition de l'Humanité. Au crépuscule du deuxième millénaire, de multiples conflits ethniques, guerres civiles et autres guérillas ébranlent la paix mondiale que nous désespérons de voir un jour. Et pour cause. Depuis un an, le nombre de conflits n'a cessé de croître. Le nombre de victimes ne cesse d'augmenter, que ce soit chez les militaires ou chez les civils. (...) Interrogée sur cette tendance inquiétante, l'ONU a déclaré qu'il ne s'agissait que d'une coïncidence. Cette analyse sonne comme une revendication de leur absence de volonté à changer les choses, ainsi que de leur totale impuissance. Ces monsieurs les puissants pensent sans doute que l'égoïsme de leur politique capitaliste et leur insouciance restera sans conséquence pour le reste du monde, mais quand les cendres des victimes calcinées se seront refroidies, il ne restera plus sur ces terres ensanglantées que les armes mortelles que nous autres, ceux de l'occident, leur auront vendu. Mais cela aussi est normal, après tout, il leur faut bien se défendre à ces petits... Hasard ou pas, c'est la mort dans l'âme que nous assistons à ces scènes de tueries atroces, dans lesquels les survivants n'ont pas assez de leurs deux yeux pour pleurer la mort de leurs enfants. Extrait d'un article paru dans la revue militante américaine Our World Il y a eu Guilty, le gardien redoutable, la première rencontre. Un être colossal, effroyablement fort et parfaitement déterminé. L'homme au masque de démon les avait finalement laissé passer, leur avait donné son consentement pour explorer la sombre île de la Reine Morte. La chose restait en soi un mystère, mais ils avaient conscience qu'il n'était pas en leur pouvoir de maîtriser la situation plus que cela, et c'est pourquoi ils avaient décidé d'admettre cette victoire, plutôt que de la comprendre. Mais quelle force avait exprimé le gardien ! Pour parvenir à lui porter un coup, les chevaliers d'acier ont du exprimer un pouvoir qu'ils ignoraient posséder. Réussir à nouveau pareil exploit, il leur est à présent difficile d'en estimer les chances. Sans doutes sont-elles plutôt faibles ... Mais l'heure est venue pour une deuxième rencontre. Une nouvelle épreuve ... "Nul ne vient ici en paix, vous allez l'apprendre à votre dépend. Je suis Sylvan, chevalier noir de l'Hydre, et je vais m'occuper de vous personnellement." C'est qu'il a dit. C'était il y a une minute, et nulle autre parole n'a été prononcée depuis. L'homme parait sûr de lui. Son apparence robuste et ses traits endurcis laissent deviner un âge certain, une certaine expérience qui transparaît par le caractère perçant et assuré de son regard. Sa chevelure raide, courte et brune retombe sur le casque de son ... Il se tient là, tout droit, sans bouger. Ses pieds semblent ancrés au sol, et rien dans son attitude n'exprime un quelconque doute. L'ambiance devient oppressante ... "Qu'est-ce qu'on fait ?", chuchote Kinô. "Il n'a pas l'air de vouloir réagir. - Il a dit vouloir s'occuper de nous, mais pour l'instant il ne fait pas grand chose. - Il est en train de nous juger. Vois son ... regard !" Ses yeux ... Le sérieux, la gravité, quelque chose d'effrayant ... "Mais qui est-il, bon sang ? Un nouvel adversaire ? Regardez son ..." Son armure. C'est ce que voulait dire Kyô, mais les mots meurent sur ses lèvres. Quelque chose de sombre, noir comme la nuit, les ténèbres insondables, effrayantes, berceau ancestral de toutes les peurs. De l'objet émane une nette sensation de puissance, mais les sens aiguisé d'un expert décélérait une étrange impression de superficialité. "L'armure de l'Hydre ..." L'idée laisse Ashita comme rêveur. "Est-ce là un chevalier sacré ? - Hum ..." Kinô a un doute. "Il a précisé être un chevalier noir. Chevaliers noirs et chevaliers sacrés sont-ils liés de quelques manières ? Regarde cette armure, et compare-la à nos armures d'acier. Elle ne semble pas être pareille. J'avais ressenti la même chose avec celle de Cassios ou avec le spécimen. Ces trois armures semblent très différentes en apparence, mais en même temps elles ont quelque chose en commun ... comment dire ... par essence. Quelque chose que nous ne possédons pas. - Te fatigue pas, Kinô." Dans les paroles de Kyô, il n'est cette fois nulle trace de la vaine fierté qui la caractérise si souvent. "De nous trois, je suis le plus apte à savoir ce qu'est une armure, ce qui la caractérise, ce qui la définie. Cette armure d'ébène ressemble aux autres armures sacrées. Elle possède cette aura, cette force qu'on ne peut ressentir qu'intuitivement, cette sorte de cosmoénergie refoulée. - Rappelez-vous les paroles du père Jacob, cette histoire de chevaliers renégats à l'ordre d'Athéna. Et si cette légende était en fait celle de ces chevaliers noirs ? Si c'est le cas, cet homme n'est pas un chevalier sacré. - Un chevalier noir ..." L'être étrange n'a pas bougé d'un pouce. "L'île est habitée. Quels sont ces habitans ? Sont-ils nombreux ? Ou au contraire ne sont-ils qu'une poignée ? Appartiennent-ils vraiment au Sanctuaire ? Toutes les questions relatives à leur organisation ou à leurs motivations se posent ..." Kinô avale sa salive avec angoisse. La sueur perle sur le front de ses deux camarades. "Sans oublier que ce Sylvan n'a pas l'air de vouloir plaisanter, et lui au moins semble bien sûr de lui ..." 'Ils sont trois. Ils ne sont pas de l'archipel, et si le gardien les a laissés passer, c'est forcément avec raison. Ils semblent posséder des sortes d'armures, sont-ils du Sanctuaire ? Si tel est le cas, que font-il là ? Ils sont blessés, est-ce le gardien qui leur a barré la route ? Dans ce cas, et si ils sont bien du Sanctuaire, pourquoi les aurait-il ne serait-ce qu'affronté ? Dans l'autre cas, que sont-ils ? Ils ne sont sans doute pas là pour les armures noirs, alors que veulent-ils ? Ils discutent entre eux, ils en savent peut-être beaucoup sur cette île. Ils n'ont pas l'air de vouloir plaisanter, et eux au moins semblent bien sûrs d'eux ...' "Laissez-moi faire. - Kyô ?" Le chevalier de l'énergie semble s'être décidé. La patience n'est pas sa principale qualité, et même si sa fierté vient d'être blessé par un monstre appelé Guilty, il conserve une certaine confiance en lui. Incapables de trouver une raison suffisante pour affronter sa volonté, ses camarades le laissent agir. "Sylvan ! Chevalier noir, ou quoi que tu sois ! Ainsi tu dis vouloir t'occuper de nous ?" Avançant d'un pas, accaparant son attention, le chevalier d'acier plonge son regard dans celui de cet être étrange ... ... et manque de chanceler tant celui-ci est froid ! Ce n'est pas de la détermination, mais cela reste quelque chose d'implacable, de presque ... inhumain ? Mais Kyô tient bon, comprenant que ce duel immobile jouera sans doute un rôle très bientôt. L'instant dure une minute, une longue et patiente minute, durant laquelle ni Kinô, ni Ashita n'osent intervenir, de peur de briser quelque chose de précieux. Le vent souffle, soulevant un peu de poussière. Vient enfin l'instant où celui qui dit s'appeler Sylvan ferme les yeux ... et exprime un sourire. "Mes mignons, inutile de chercher qui parmi nous maîtrise le mieux la situation. - Euh ..." Kyô a peur de comprendre. 'Il nous cherche, ou quoi ?', pense-t-il intérieurement. "Il ne nous provoque pas", explique Kinô. "Il tâte nos réactions. C'est un peu comme un jugement, tu vois ? -Ne t'inquiètes pas.", le rassure Ashita. "Je vois ...". Kyô porte son attention sur l'homme à l'armure sombre. "Dis-moi, Sylvan, qu'est-ce qui te pousse à te croire plus à l'aise que nous ?" Le chevalier noir ricane doucement. "Mon sens de l'observation, cela va de soi. - Ton sens de ... - Si je me fis à votre condition physique plutôt ... amochée, j'en déduis que vous sortez d'un violent combat. Ce ne sont pas les adversaires qui manquent, sur cette île, mais je ne doute pas que votre homme soit Guilty. Le gardien n'a pas pour habitude de laisser entrer sur l'île n'importe qui. D'une façon ou d'une autre, vous avez dû le convaincre, probablement en lui portant un coup. Connaissant sa force, je peux faire des suppositions sur la votre. - Trop facile !", s'emporte Kyô. "Tes déductions sont minables, tu ne sais toujours rien de nous ! - Tu crois cela ? Je constate que vous portez ce qui ressemble à des armures. De votre survie face à Guilty, j'ai déjà déduit que vous possédiez une puissance certaine, vous ne pouvez donc pas vous encombrer de protections inutiles, ce qui me donne encore des informations sur leurs solidités. De là, je peux faire deux hypothèses. L'une d'entre elles suggère que vous apparteniez au Sanctuaire Sacré. - Amusant. Continue. - Quoi qu'il en soit, il est clair que vous ne vous intéressez pas aux armures noires. Il n'y a rien d'intéressant sur cette île à part ces armures, j'en déduis donc que vous ne savez pas ce que vous faites ici. Dès lors, vous êtes dépendant des rencontres que vous allez faire, et je suis une de ces rencontres. Vous avez donc besoin de moi, et je vais pouvoir vous dicter mes ... ... conditions. - Du bluff." Kyô reste stoïque. "C'est que du baratin, que tu nous fais là. - N'ai-je pas raison ? - Peut-être, ou peut-être pas. Dans tous les cas, ton petit tour ne nous impressionne pas : nous aussi pouvons jouer à ce petit jeu. - Intéressant. - Kinô ?" Le jeune garçon s'avance, le sourire aux lèvres. Sa satisfaction, il la doit à son frère d'arme, Kyô de l'Energie, qui a su conserver son calme, et faire appel à lui pour ses compétences. "Je suis Kinô, chevalier d'acier de la Machine Informatique, et si c'est une joute verbale que tu cherches, je suis ton homme." Encore un sourire de Sylvan, qui jette son regard vers le sol, comme pour pouvoir mieux écouter. "Sylvan, tu n'es pas le seul à pouvoir faire des suppositions. D'après ton apparence et la maturité de tes propos, je devine que tu dois avoir dans les 27 ans. - Sa morphologie plaide pour les 28 années.", ajoute Ashita. "Mais on n'est pas à ça prés. - Tu possède donc un âge assez avancé. Si tu doutes de notre appartenance au Sanctuaire, c'est que dois toi-même ne pas en faire partie. A cela s'ajoute ton statut manifeste de chevalier noir. Je devine en conséquence que tu es sur cette île depuis de nombreuses années, et estime probable les chances que tu en connaisses tous les secrets. Si ton hypothèse est correcte, et que nous avons un besoin impératif d'un guide sur cette île, tu deviens une rencontre de premier choix. Tes propos laissent sous-entendre que tu aurais besoin de notre aide, ce qui dans ce cas nous place en situation de potentielle collaboration." Il y a le sourire assuré du chevalier noir. Celui de l'homme qui sait maîtriser une situation. Celui de Sylvan. Un sourire qui s'efface, emporté par la fracassante et pourtant toute simple réplique du chevalier de la Machine Informatique ... "Franchement, j'y crois pas." ... cédant la place à un furieux froncement de sourcil. "Ton baratin est basé sur un nombre de supposition redoutablement grand. Aucune certitude ne peut émerger d'un si grand nombre d'hypothèse. La vérité, c'est que tu possèdes aussi peu d'informations sur nous que nous n'en avons sur toi. Par tes paroles, tu cherches à obtenir un avantage diplomatique, voire psychologique, sur nous, ce qui te permettrait de nous manipuler, alors que tu n'as sans doute rien à nous offrir de véritablement concret. - Il me semble que ..." L'homme marque une pause, comme pour ôter un doute de son esprit. "Il me semble que ton aptitude à émettre des hypothèses est tout également développée. - Certes, Sylvan, mais moi au moins n'ai pas d'handicap à compenser. - Handicap ? - Je parle de ta force, chevalier de l'Hydre. Elle est probablement très inférieure à celui que nous venons de vaincre, et qui dit s'appeler Guilty. Je ne pense pas que mon camarade me contredira, la différence de puissance est la base de toute bonne négociation." Le jeune garçon échange un regard avec un Kyô ravi. "Ce que je veux dire, chevalier noir, c'est que ton petit jeu est démasqué. - Tu fais erreur, gamin. Ton argument est de poids, mais ne tiens que si votre supériorité physique se révèle être effective. - Une petite démonstration ?" L'hésitation. Le premier pas vers la défaite ... "Je suis d'accord. - Kyô ? Je peux te faire confiance ?" Le chevalier de l'énergie répond à son ami par un sourire confiant. Son premier pas en avant est la signature d'une action violente à venir. "Je t'attends, étranger." Ainsi s'exprime Sylvan. "Ca tombe bien, j'arrive ..." Et ainsi répond Kyô. Sa main s'avance, une vague chaleur s'en dégage, il y a le désormais classique crépitement métallique, la température qui augmente brusquement alors que la flamme se forme face à sa paume. La cosmoénergie de Kyô n'est pas encore à son apogée quand l'énergie incandescente est projetée. "Firebolt !" Sylvan exprime soudainement une expression de sérieux absolu, ébréchée d'une surprise laborieusement contenue. Voyant le feu fondre sur lui à une vitesse proche de celle du son, il jette violemment les bras en avant ... ... et intercepte le projectile de ses mains. Une sourde grimace trahit le visage de l'Hydre, qui se voit obligé de reculer d'un pas, de s'écarter de la trajectoire d'une boule de feu, qui n'avait pas fini d'exprimer son caractère dangereux au moment de l'impact. D'un dernier geste, Sylvan projette la menace à même le sol, derrière lui. Son souffle court et la sueur dégoulinante de son front attestent de l'effort apparent qu'il vient de fournir. Une dizaine de secondes s'écoule avant que l'Hydre ne se décide à regarder à nouveau en direction de son adversaire, qui de son côté est resté sagement immobile. "J'ai ..." Sylvan semble avoir perdu son inébranlable confiance. "J'ai déjà vu pire ..." Le cri de joie Kyô ne connaît aucune retenue. "J'en étais sûr, on est plus fort que lui !" Quant à Kinô, il ne fait qu'ajouter à la déception de celui qui vient de reconnaître son infériorité. "Sylvan, tu es vaincu sur le plan physique. Mon hypothèse s'est avérée fondée, ce qui fait de moi le vainqueur de notre affrontement verbal. Quel dommage, avec plus d'intuition, tu aurais pu éviter le combat, et obtenir un match nul." L'homme relève la tête. Dans ses mots sonnent comme un air de résignation. "Je sais ..." "Suivez cette route, et vous ferez la rencontre d'un des clans de l'île de la Reine Morte. Ensuite, débrouillez-vous." L'index pointé de Sylvan indique une direction anonyme. Les chevaliers d'acier se regardent, passablement déçus. "C'est ce que je dis aux gamins de l'archipel qui veulent jouer avec les chevaliers noirs.", reprend l'Hydre noire. "Ca me désole, mais je vous dois désormais un peu plus que ce simple propos. C'est pourquoi vous allez me suivre." "Le secret de fabrication des armures ? - Oui !", s'exclame Kyô. "Nos armures d'acier possèdent un potentiel certain, mais tout reste à faire. Nous possédons un spécimen très particulier d'armure, et nous sommes presque effrayés par l'écart entre elle et ce que nous portons aujourd'hui. Quelque chose nous échappe, nous le savons. La science moderne peine à reproduire ce que les forgerons des temps mythologiques ont accomplis. - Dois-je en déduire que vous n'appartenez pas au Sanctuaire d'Athéna ? - Euh ...", hésite le chevalier de l'Energie, avant d'apercevoir du coin de l'oeil l'acquiescement de son camarade. "On peut dire ça, en effet. - C'est très intéressant. Quelles sont vos relations avec le Sanctuaire ?" Kinô intervient brusquement dans la conversation. "Nos relations avec le Sanctuaire ?" Il échange un regard avec Kyô, s'assurant que ce frère d'arme comprend que cette question est d'une importance majeure, et lui laisse le soin d'y répondre. "Oui, vos relations. Sont-ce vos alliés ? - Mm ... Pas vraiment. - Et alors ? Tu ne me sembles pas stupide, gamin, tu devines que je ne vous aiderais jamais vraiment sans m'être d'abord assuré que vous n'êtes pas destiné à devenir une menace pour m... pour nous. - Evidemment.", avance Kinô, qui n'a pas oublié de prendre bonne note du lapsus de l'Hydre noire. Mais il n'a aucune hésitation. Cela fait déjà un moment qu'il a compris que les chevaliers noirs étaient presque les prisonniers du Sanctuaire Sacré. "Nous anticipons un affrontement potentiel contre le Sanctuaire." Les pas du chevalier noir s'arrêtent. Ils pivotent pour permettre à Sylvan d'observer son interlocuteur par des yeux abasourdis. "Vous êtes en ... guerre contre le Sanctuaire sacré d'Athéna ?! Par l'enfer, mais qui êtes vous donc ? - Nous sommes les enfants de la technologie, ceux choisis par le programme Kido pour rendre le monde meilleur. Nous sommes les chevaliers d'acier. - Très amusant. Rendre le monde meilleur, rien que cela. Et pour y parvenir, vous affrontez Athéna, déesse de la miséricorde, de l'amour et de la compassion, qui depuis les temps mythologiques protège la Terre contre ses ennemis. - Il y a beaucoup de choses que nous ignorons, mais la situation semble un petit peu plus complexe qu'elle ne le parait, Sylvan. Nous ne souhaitons pas cette confrontation, mais les faits sont ceux qu'ils sont, et aujourd'hui nous avons besoin d'une puissance militaire supérieure. D'où cette question sur les armures. - Mm.." Sylvan reprend la marche. "Vous courez tout droit à l'échec. - Vous dites cela car le Sanctuaire est bien plus puissant que nous. - Il ne s'agit pas de savoir mais de concevoir. Si vous saviez combien ils sont puissants, vous jetteriez tout de suite l'éponge. Vous n'avez rigoureusement aucune chance de survivre si le Sanctuaire décide de vous affronter. Que vous envisagiez seulement la chose prouve votre profonde méconnaissance des choses et par là même votre totale vulnérabilité. Ce n'est pas d'aide dont vous avez besoin. Même un miracle ne pourrait rien pour vous. - Tout cela ne nous dit pas si vous êtes disposé à nous aider." L'homme et le garçon échangent un regard, alors que leur route s'enfonce plus profondément dans l'île. "Je ne crois pas que vous soyez capable de quoi que ce soit face à pareil ennemi, mais dans la mesure où il n'y à rien que vous puissiez accomplir qui ne serve indirectement mes intérêts, et dès lors que je n'ai pas non plus de raison de ne pas vous aider, je vais faire mon possible." Les trois jeunes adolescents se regardent d'un air victorieux. Les choses semblent s'arranger pour le mieux. Le gardien qui les laisse passer, la victoire implicite sur Sylvan, et maintenant le gain de son aide ! "Cependant ...", reprend l'intéressé, crispant trois sourires dans une position hébétée. "Cependant ? - Cependant se pose un problème. Et ce problème, c'est ..." "SYLVAN DE L'HYDRE !! JE TE DEFIE !!" "Allons bon, quoi encore ..?" Une silhouette leur barre le passage. Un garçon d'une quinzaine d'année se tient là, fier, et pointe son doigt vers le chevalier noir. Il porte une simple tunique, possède une courte chevelure blonde, et exprime une forte détermination. Sylvan s'immobilise, laissant aux chevaliers d'acier le soin de l'imiter, et interpelle le garçon avec un air familier. "Qu'est-ce que tu racontes, Conan ? Pourquoi voudrais-tu me défier ? - Pour l'armure, et tu le sais ! - Merde ..." Sylvan crache par terre, et hausse le ton en relevant la tête. "Ecoute-moi bien, Conan, tu vas rentrer sagement voir ceux de ton clan, et leur dire d'arrêter ça, ou bien c'est à moi qu'ils auront à faire. - Je ne comprends rien à ce que tu racontes, Sylvan. Mais je ne partirais pas d'ici sans t'avoir vaincu ... et tué ! - Tu ne vois donc rien ? - Fais ta prière, Sylvan ! Yahaaaaaa !" Un pied s'élance, jeté en avant. Il fend l'air, rapide comme le vent, exprimant une force soigneusement calculée. Sa cible esquisse un geste, et intercepte la menace d'une main. L'instant d'après, celui qui semble s'appeler Conan mord la poussière. "Conan, tu ne gagneras pas ton armure de cette façon. - Bien sûr que si !" Se relevant, le garçon époussette un nuage de poussière de ses vêtements, avant de poursuivre. "Si je te tue, je gagne mon armure. - Je suppose que c'est ton seigneur qui t'a dis ça ? - Qu'est-ce que ça change ?" L'Hydre noir hausse encore le ton, au point de presque se mettre à crier. "C'est comme ça qu'ils se débarrassent des imbéciles, bougre d'âne ! - Il m'a aussi dit que tu chercherais à me tromper. - Et puis zut, je laisse tomber. Tu es libre de mourir si tel est ton souhait. Porte moi encore un coup, et je t'écorcherais avec ... ... ceci." D'un geste, Sylvan désigne plusieurs excroissances sur son armure. Trois pointes recourbées sur elles-mêmes émergent du gantelet de l'armure noire de l'Hydre. "C'est impossible !", s'emporte Kyô. "On dirait des crochets ! Ils n'y étaient pas il y a une seconde ! - C'est exact.", poursuit Sylvan. "Et tel est mon pouvoir, celui qui conduit mes adversaires tout droit à la mort." Le garçon hésite un instant face à l'implacable confiance de son adversaire ... "Yaaahaaa !" ... avant de s'élancer à nouveau. "Par la morsure de l'Hydre." C'est un véritable tourbillon de coups qui emporte Conan. Le malheureux est incapable de se défendre face à la multitude de coups vifs et perforant que porte l'Hydre avec ses mains. Dans un cri où douleur et stupeur se mêlent, le garçon s'effondre à nouveau. "Ca s'est curieux.", avance Ashita, dont une goutte de sueur trahit le mal à l'aise. "Il a dit vouloir le tuer, mais il a soigneusement évité les points vitaux, de sortes à ne provoquer que des blessures superficielles. Quelle précision impressionnante ! Dans l'état où il est, ce Conan ne devrait même pas avoir de problèmes pour reprendre le combat. - Tu oublies les dégâts psychologiques.", reprend Kinô. "Impossible de ne pas perdre de sa combativité après pareil traitement. Ce garçon va immanquablement abandonner. - Imbéciles !" Le mot unique de Sylvan réduit les deux analystes au silence. "Je n'ai pas pour habitude de faire preuve de pitié. - Mais alors ... pourquoi ? - Pff ..." Sans dire un mot de plus, le chevalier de l'Hydre, d'un geste, ôte son casque, avant de le jeter au sol devant Conan, qui venait de se mettre à genoux, étourdit, couvert de sang, mais curieusement apte. "Qu'est-ce qu ... - Il n'est pas en ton pouvoir de me vaincre, gamin, mais cela suffirait-il que tu rapportes ceci à ton seigneur ? Penses-tu qu'il te donnera ce que tu souhaites ? - Je ..." Le garçon lève piteusement les yeux. "Sans doute, mais ... - Alors il est à toi. Je te le donne. Allez, prend-le ! Qu'est-ce que tu attends ?" Abasourdi, Conan sent la situation lui échapper. Il croise le regard de son exécuteur, fixe à nouveau le heaume noir ... Lentement, comme pour le saisir, il tend la main. "STOP !" L'instant à de quoi stupéfaire. D'un mot, Sylvan vient de figer l'apprenti, ainsi que les trois chevaliers d'acier qui, terrassés par des émotions contradictoires, restent incapables de réagir. "J'ai changé d'avis, je ne te donne pas mon casque. - Euh ... - A moins que ... - A moins ... que ..?" Se mettant un peu sur le côté, Sylvan pointe violemment son index en direction de ... "EEEHHH !!" Kinô ne pensait pas qu'un seul doigt pourrait un jour l'effrayer autant. Celui qu'on appelle Sylvan, et qui vient de démontrer une grande habilité au combat, vient à l'instant de le désigner. "Tu vois cet enfant, Conan ? - Euh ... oui. - Emporte-le sur lui, et mon casque est à toi." Ashita avait raison. Les blessures de Conan ne lui ont rien fait perdre de sa vitalité. C'est presque le contraire qui s'est produit. Comme souvent, l'expérience de l'échec est devenue un pivot majeur dans l'évolution d'une volonté. Du sang coule des innombrables plaies ouvertes infligées par les crocs de l'Hydre, mais aucune ne semble avoir provoqué d'hémorragie. L'absence de toute percussion dans l'attaque de Sylvan a de plus évité une quelconque séquelle au niveau du métabolisme ou des perceptions. Conscient de tout cela, Kinô regarde ce qui lui semble être une menace majeure faire quelques pas dans sa direction, un sourire assuré et chargé d'intentions belliqueuses aux lèvres. L'assaut va avoir lieu. L'assaut va ... D'un seul coup, c'est la rupture. Kinô comprend un peu tard que ... "Kyô ! Ashita ! Je ne peux pas me battre ! - Comment ?!" Comme pour illustrer le propos, le poing de Conan vient s'abattre sur la poitrine du chevalier de la Machine Informatique, avec force et fracas, l'envoyant heurter un rocher trois mètres plus loin. "Kinô ! - N'intervenez pas, chevaliers d'acier." Les mots de Sylvan sont presque durs. "Ce n'est pas un combat à mort. Ne craigniez pas pour sa vie. - Ce n'est pas tout à fait exact.", lui repart Conan sans se retourner, attrapant son adversaire au col. "C'est un combat, et n'est pas un combattant celui qui n'accepte pas l'idée de mourir." Le garçon termine sa phrase en abattant son poing fermé sur le visage de celui qu'on appelle Kinô. "Kinô ! Non ! - Laisse-le, Ashita. - Kyô ? - Il doit franchir cette épreuve. Il en va de la survie du programme Kido. Depuis la fin tragique de la première génération, nous savons tous les deux qu'on en arriverait là un jour. - Cela nous dispense-il de l'aider ?" Ce n'est qu'au moment où son camarade s'effondre face à lui, meurtri, désespéré et presque en pleurs que Kyô avance une réponse. "Fais comme tu veux." Et pourtant, il avait affronté le gardien. Ca n'avait rien de comparable. Se faire abattre d'un seul coup possédait un caractère fatal qui dédramatisait presque l'instant. Kinô se souvient parfaitement de son lamentable assaut, qui lui avait valu de perdre instantanément connaissance. Au moins était-il arrivé à rassembler un peu de courage pour tenter cet acte désespéré. Kinô n'est pourtant pas du genre à sacrifier la logique à ses émotions. Ce Conan est un simple apprenti chevalier noir. Il ignore tout des concepts. Il ignore peut-être même la cosmoénergie. Son combat contre Sylvan ne peut pas ne pas avoir laissé de séquelles, cela aussi est une évidence. Kinô n'est pas un bagarreur, mais cela fait quand même deux ans qu'il suit avec application, peut-être par jeu, la formation physique du programme Kido. Ses connaissances dans le domaine du combat ne sont pas l'axe principal de sa culture, mais couplées à sa compréhension des concepts, cela devrait lui donner un potentiel suffisant pour pouvoir se défendre face à n'importe quelle menace mineure. 'S'il vous plait ...' Face à pareille situation, le jeune garçon est tétanisé. Son esprit critique lui fait comprendre que ce Conan possède tout de même un certain potentiel. Ses coups sont rapides et puissants, il ne s'est pas laissé intimidé par l'armure, et il parvient même à frapper des zones non protégées, épargnant les points vitaux mais causant des chocs qui provoqueront rapidement une incapacité partielle, puis totale. S'essayant aux projections, Conan envoie son adversaire heurter le sol aux pieds d'un de ses compagnons. Levant les yeux, il croise le regard de Kyô. 'S'il vous plait ...' Aucune aide à attendre de lui. Ce n'est sans doute pas l'envie qui lui manque d'intervenir, mais sans doute juge-t-il que le moment est venu pour le chevalier de la Machine Informatique d'exprimer une puissance seul. "Fais comme tu veux." Les mots s'adressaient à Ashita. Kinô tourne la tête, et les deux camarades deviennent seuls au monde. 'S'il vous plait ...' "Tu te trompes, Kinô. - Ashita ? - Tu es tout à fait capable de t'en sortir, et tu le sais très bien. - Tu ne comprends pas ... - Si, Kinô, je comprends. Tu te sais physiquement capable de vaincre cet adversaire, mais tu es psychologiquement trop faible pour le faire. - On ne m'avait pas dit qu'il y aurait à se battre. - On t'avait dit que ça pourrait être dangereux. - Le programme Kido est un échec. Nous autres chevaliers d'acier ne sommes pas fait pour nous battre. Nous improvisons aujourd'hui, mais demain nous affronterons plus fort que nous ne pourrons jamais l'être, et alors tout cela aura été vain. - C'est ce que n'importe qui dirait, mais tu n'es pas de cette veine, Kinô. Tu es un chevalier d'acier, tu as été sélectionné pour ton immense potentiel, et non pour tes capacités immédiates. - Les concepts ? - Je sais que tu comprends. Cesse de te leurrer, et tout ira bien. - Mon concept n'est pas ... fait pour le combat. - Ce n'est pas ça le plus important, et ça aussi tu le sais. - Je ne suis pas capable. - Kinô, tu connais déjà l'expérience de la victoire. - Tu parles de Sylvan ? C'était juste des mots. Un combat physique est différent. - ... - Ashita ? - Sur ce point au moins, tu as tord. Comprend cela, et tu pourras gagner." 'Qu'ils sont ennuyeux !' Conan regarde avec dégoût celui qu'il lui faut combattre parler avec son frère d'arme. Ca ne changera rien. Qu'importe qui il est, qu'importe qu'il ait une armure – pourquoi n'est-elle pas noire ? –, ce seul combat est la dernière épreuve pour gagner une armure noire. Né sur l'archipel, dans une île voisine à celle de la Reine Morte, Conan refuse de croire que sa destinée est la même que ceux de sa génération. Des gamins qui quittent le nid familial pour devenir chevalier noir, il y en a beaucoup. Rares sont ceux qui y parviennent, mais Conan est bien déterminé à en faire partie. Quelle gloire doit-il y avoir à posséder une de ces armures ! Terminée l'humiliation d'être un apprenti. Envolée, la perspective de cultiver la terre ou quelque autre activité sans avenir. Une fois chevalier noir, Conan sera pareil à un roi sur tout l'archipel, il pourra même retourner voir ses parents, en espérant qu'ils soient encore en vie. Abattre le puissant Sylvan, unique chevalier noir de l'Hydre, était au-delà de ses capacités. Désespéré, il avait décidé d'en finir, et de tenter le tout pour le tout dans un combat suicidaire qui déciderait de son sacre définitif ou, hypothèse plus probable, de sa mort. Sans avenir, sans espoirs, sans rien à perdre, il avait courageusement défié l'Hydre noire. La chance lui avait souri. Vaincre un minable est à présent la seule chose qui lui manque pour posséder le casque de l'Hydre, et revenir fièrement voir son Seigneur, qui lui donnera son armure. La vérité éclatera sans doute peu de temps après, mais personne ne pourra lui ôter l'armure, et c'est tout ce qui compte. Les deux ont fini de parler. Dans le silence, le malchanceux désigné pour être son adversaire semble s'être repris, et parait réfléchir profondément. Ce n'est qu'après s'être relevé qu'il exprime pour la première fois un quelconque courage. "Viens, Conan. Essai de me frapper, encore." L'imbécile ... Conan se jette en avant sans grand enthousiasme, presque ennuyé par la trop grande facilité de ce combat. C'est aussi pour cette raison qu'il ressent de la surprise au moment où son adversaire réussi son esquive. 'Un coup de chance', se dit-il. Voilà plusieurs minutes que le combat se prolonge. Les deux adversaires sont en sueurs, l'adversaire de Kinô halète presque. "Quelle est cette folie ? Comment se fait-il que je n'arrive plus à te toucher ? - C'est parce que j'esquive." 'L'imbécile, ce n'est pas ce que je voulais dire.' Conan ne ressent aucune inquiétude quant à sa victoire, mais il reste perplexe quant aux événements. Après qu'il ait discuté avec son camarade, ce curieux garçon s'est soudainement mis à esquiver toutes les attaques. Sans jamais chercher à contre-attaquer, il est systématiquement parvenu à se déplacer suffisamment vite pour éviter les coups de plus en plus violent et rapide que Conan cherchait à lui porter. Ce dernier se rassurait en se disant qu'il ne se battait pas de toutes ses forces ... jusqu'a maintenant. "Yaahaa !" Il se jette en avant, de toutes ses forces, et projette une véritable pluie de coups sur son adversaire. Poings, pieds, coudes et genoux, le garçon exprime une technique, une efficacité et une vitesse qu'il ne se connaît même pas. 'C'est impossible, il ne peut pas ...' En vain ... '... esquiver tous mes coups !' Véritablement essoufflé, il commence à ressentir une vague angoisse. Cet adversaire a esquivé toutes ses attaques, sans exception aucune ... "C'est l'anticipation.", dit-il, pour toute explication. "Maintenant, Kinô !", lui lance celui avec qui il discutait. Avec un tel écart de fatigue, Conan estime mal ses chances face à ce surprenant adversaire, mais il demeure relativement confiant. Au moment où le garçon en armure s'élance, il bondit sur le côté ... "Anticiper, je sais faire aussi." ... pour réaliser qu'il vient de se jeter droit dans la trajectoire de l'attaque. "Ceci s'appelle de l'anticipation.", a le temps d'entendre Conan, avec que d'un coup de paume son adversaire lui ôte la conscience. "Kinô !", Kyô ne fait pas semblant d'être enthousiaste. "Tu y es arrivé, félicitation ! - Merci, mais je dois tout ça à Ashita." Le regard que les deux amis s'échangent est presque fraternel. "Je ne pensais pas que tu t'en sortirais avec autant d'éclat, Kinô. Comment as-tu fait ? - Comme pour la joute verbal. Contre Sylvan, je tenais compte des réponses possibles qu'il pouvait me faire pour formuler mes phrases. Les réactions face à une attaque où une défense ne sont guère différentes, tout cela reste de l'information. Et puis, ce n'était finalement pas un adversaire très fort." De joie, les trois garçons éclatent de rire. Seul Ashita remue quelques pensées. 'Anticiper ? S'il suffisait d'en décider ...' "Et maintenant ?", se demande Ashita. "Maintenant ...", lui répond Sylvan. "On va voir celui qui nous a envoyé Conan. J'ai deux mots à lui dire, et il ne sera pas pire qu'un autre pour vous renseigner au sujet des armures." A travers les paysages désolés, cinq personnages avancent à pas lent. L'apprenti n'avait pas été bien long à reprendre connaissance. Il est vrai que Kinô n'avait pas bien appuyé son coup, mais se relever aussi vite témoignait néanmoins d'une constitution plutôt forte. Conan était revenu à lui d'une humeur massacrante. Sans chercher à tenter quoi que ce soit de notable, il avait proféré quelques insultes plutôt désagréables à l'intention de Kinô et de Sylvan, et s'était enfermé dans un mutisme boudeur dont il n'était pas sorti depuis, se contentant de rendre les regards que les autres lui cherchaient avec des yeux chargés de colère et de haine. "Je crois savoir ce qu'il a.", avance Kinô, à l'attention de ses camarades. "Quelque chose s'est brisé en lui, un espoir, ou un rêve. Il a peur de ce qui l'attend, et ressent une forme de désespoir. Ca doit être d'autant plus terrible qu'il n'y a rien qu'il puisse y faire. Alors il se protège intérieurement en exprimant une profonde violence, afin de s'éloigner de nous et de refouler ses émotions. - TA GUEULE !" C'est Conan qui vient de hurler. "Ferme-là, tu m'as compris ! T'as tout faux ! Tout !" Légèrement intimidé, Kinô ressent également une grande compassion. Il cherche du secours dans les regards de ses amis, mais n'y lit rien d'agréable. Sylvan est surpris. "Qui es-tu, au juste ? On dirait que tu comprends les gens mieux qu'ils ne se comprennent eux-mêmes. - Ben ... euh, je m'appelle Kinô, et ... euh ...". Le sourire qui s'étire jusqu'aux oreilles du garçon essai de masquer son inquiétude et sa tristesse. "On a tous nos spécialités, voilà tout. - En parlant de spécialités, Sylvan ... - Mm ..?" L'intéressé jette un coup d'oeil en coin à Ashita. "Tu es le chevalier noir de l'Hydre, c'est cela ? - On peut dire ça, oui. - Ta technique de combat utilise des armes perforantes. J'ai beau réfléchir, je vois pas le rapport avec l'animal que tu représentes. - L'animal que mon armure représente, tu veux dire. C'est les crochets de l'Hydre. Simple, pourtant. - L'Hydre Mâle ou l'Hydre Femelle ? - L'Hydre Femelle, la légendaire Hydre de Lerne, celle qu'Héraclès terrassa durant le neuvième de ses travaux. - J'ai eu une idée, en repensant à la réputation de son venin mortel. - Où veux-tu en venir ?". Sylvan a l'air perplexe. "Pourquoi ne pas imaginer une attaque basée sur le poison, tu pourrais empoisonner tes crochets avec une substance nocive à effet rapide. Vu ta technique, tu n'aurais aucun mal à causer quelques blessures à ton adversaire, et le venin se chargerait ensuite de le paralyser ou de l'endormir. - Mais qu'est-ce que tu racontes ? Tu voudrais que je me déplace avec ces substances, et que je prenne le temps d'en enduire les excroissances de mon armure avant le combat ? - Euh ..." Ashita croise un regard inquiet avec ses camarades. "Pas vraiment, non. - Alors quoi ? - Rien. Je t'expliquerais plus tard. - Mm ..." Peu convaincu, Sylvan répond à présent à l'attention de Kinô. "Que s'est-il passé exactement avec ce Conan ? - Ha ! Pour le comprendre, il faut connaître un peu l'organisation ... euh ... sociale de l'île." Kinô hésite une seconde. "Et ... Serait-il possible d'en savoir un peu plus à ce sujet ? - Mmm ... Pourquoi pas ?" Laissant Conan quelques pas derrière, Kyô s'approche, afin de pouvoir écouter. "Le gardien, Guilty, a toujours autorisé une libre circulation des personnes entre l'île et le reste de l'archipel. Votre présence ici est exceptionnelle, car il ne laisse jamais d'étrangers venir, mais à part ça on est plutôt libre de faire ce qu'on veut. Cela nous permet de ne pas mourir de faim : vous aurez remarqué que la nourriture n'abonde pas sur le sol calciné de cette île. - Euh ... - Afin de subvenir à nos besoins en eau et en nourriture, nous autres chevaliers noirs allons nous ... euh ... ravitailler sur les autres îles. - Vous ... ravitailler ?", s'inquiète Kinô avec angoisse. "C'est comme cela que nous vivons, en tout cas. En retour, nous leur donnons notre protection. - Ca me rappelle l'époque féodale ! A moins que ..." Kinô exprime un doute. "Vous les protégez de quoi, au juste ? - Euh ... nous les protégeons de ... de ... Toujours est-il que nous entretenons des relations avec tous ces gens. Régulièrement, les enfants de l'archipel viennent tenter leurs chances en tant qu'apprentis chevaliers noirs. Il y en a même, plus rarement, qui y parviennent. - Et Conan est dans cette situation ... - En gros, oui.", continue l'Hydre noire. "Sauf qu'il a, en plus, joui de malchance. - De malchance ? - Les chevaliers noirs sont nombreux, violents, égoïstes, et souvent stupides. Dans pareille contexte, il y a toujours des chefs qui finissent par voir le jour, et qui se placent à la tête d'un groupe. Voilà ce que l'on appelle les seigneurs noirs." Sylvan marque une pause, pour laisser le temps à ses auditeurs d'assimiler ce qu'il vient de leur dire. Puis, il poursuit. "Quand un gamin veut devenir apprenti, il entre généralement dans le premier clan qu'il trouve. Ensuite, chaque clan suit sa politique. Et c'est là que Conan n'a pas eu de chance." Tous jettent un oeil à l'intéressé, qui scrute méticuleusement le sol, faisant semblant de ne pas écouter. "Conan est entré dans un clan mineur. Le seigneur de ce clan est particulièrement insouciant des autres. Qu'un 'apprenti' se présente à lui, il lui donne toutes les corvées, toutes les tâches fastidieuses. En d'autres termes, il devient son larbin. Les enseignements de ce clan sont l'autodidactisme, ce qui veut en fait dire que les apprentis doivent apprendre à être des chevaliers noirs sans aide. Dans l'hypothèse peu probable où ils tiendraient le coup, ces gamins, en général deux ou trois ans après leurs arrivées, commencent à s'impatienter d'obtenir leurs armures. C'est là que le seigneur de ce clan a eu l'idée de leur demander ma tête comme dernière épreuve. - De fait, ils n'ont plus d'autre choix que de venir te défier.", termine Kinô, qui vient de comprendre. "Comme ils ne peuvent pas te battre, c'est la mort qui les attend, et le clan en est débarrassé." Tous tournent la tête, pour voir que Conan n'essai même plus de les ignorer. Sa colère semble soudainement être devenue sincère. "Je n'ai jamais vu les choses comme ça !", s'exclame-t-il. "Mais franchement, ça ne m'étonnerait pas d'eux. - Conan, tu es le quatrième.", répond Sylvan. "J'ai tué les deux premiers sans réfléchir. J'ai donné une chance au troisième, mais j'en ai assez de faire cette salle besogne." Kinô éprouve un espoir. "Sylvan ? Tu veux dire que tu n'es plus disposé à tuer ceux qui croisent ta route ? Tu veux te racheter ? - Je veux surtout dire que s'ils veulent assassiner des enfants, ils n'ont qu'à le faire eux-mêmes, ou alors faire en sorte que j'y gagne quelque chose." Le chevalier de la Machine Informatique est un peu déstabilisé par la cruelle froideur du chevalier noir. Leurs valeurs sont à ce point différentes qu'il en est presque effrayé, et seule la présence de Kyô et Ashita lui permettent de ne pas perdre ses moyens. Il en profite même pour repérer une faille dans toutes ces explications. "Au fait Sylvan, tu dis que ce clan t'envoi ses apprentis pour que tu leur en débarrasses ... - C'est ce que j'ai dis. - Pourquoi toi ?" Le domaine de ce clan n'est en rien distinguable du reste de l'île, et si ce n'était la présence d'une paire de cabanes, rien n'indiquerait que quiconque puisse vivre en un lieu pareil. Le sol noir et brûlant, l'air saturé de vapeurs sulfureuses et la lourde chaleur ne dépareille pas avec le reste de l'île. Lamentablement avachi sur un siège, collé contre une des cabanes, un chevalier noir ronronne de paresse. Il semble fort préoccupé par ce qu'il appellerait de l'artisanat. En fait, il taille à l'aide d'un canif une simple branche morte qu'il a trouvé on ne sait trop où, et cela semble lui apporter beaucoup de satisfaction. Il est de bon ton sur l'île de la Reine Morte de porter son armure noire en permanence, de sorte à pouvoir répondre à une menace sans délai. Certains chevaliers, plus particulièrement paranoïaques, vont jusqu'à dormir avec, gagnant quelques courbatures au passage. Spartoi est de ceux-là. "Faire des tours de gardes en pleine journée, pour protéger un camp désert ... Si on m'avait dit que j'en arriverais là ..." L'homme qui vient de parler se tient debout. Il porte également une armure noire comme la nuit, et fait les cent pas. "Nebin, cesse donc de tourner en rond, tu me donne le tournis. - Laisse-moi rire. Tu as les yeux rivés sur ton bricolage, tu ne me vois même pas. En revanche ... - Mmh ?" Le dénommé Nebin tend l'oreille. "Quelqu'un vient ? - Jozan ? Déjà ? Il est parti il y a un instant. - Ce n'est pas Jozan. - Un des autres ? Non ... Ou alors c'est ... Conan ? - Ils sont plusieurs. Sylvan est avec eux. - Oh oh ..." Se sentant enfin concerné, Spartoi se redresse. "C'était prévisible qu'on en arrive là." "Nous arrivons.", annonce le chevalier noir de l'Hydre. "Ne dites rien, ne tentez rien, soyez aussi discrets que possible, et surtout laissez-moi faire. Nul ne vient sur l'île de la Reine Morte en paix, je vous l'ai déjà dit. Ceux que nous allons rencontrer en ont fait leur devise." Les chevaliers d'acier se regardent légèrement inquiets, mais n'ajoutent rien. Ensuite seulement les cinq compagnons se montrent ... "Tiens donc, qui voilà ? Notre cheeer Sylvan ?" Les mots de Nebin sont presque provocateurs. "Accompagné par quelques illustres inconnus, et de ... ... mais est-ce là notre Conan ? Ton seigneur ne t'a-t-il pas dit que c'est la mort qui t'attendait si tu revenais sans avoir atteint ton objectif ?" La totale ironie dans ces paroles met l'intéressé cruellement en colère, mais il garde sa haine pour lui, conscient de son impuissance. Il se raisonne, car celui qu'il cherchait à tuer, Sylvan de l'Hydre noir, parle pour lui. "Ainsi parle Nebin. Nebin, chevalier noir du Lionet, comme beaucoup, beaucoup d'autre ... - Tu m'insultes ? - N'est-ce pas la vérité ?" L'intéressé trépigne de rage, ignorant d'un coup Conan, et les chevaliers d'acier qui se partagent un air d'incompréhension totale. "Je ne suis pas venu pour vous chercher querelle, mais pour m'entretenir avec votre seigneur." Nebin ne dit rien pendant un moment, l'oeil sévère, et répond sèchement. "Il est parti." Spartoi vient à son secours, devinant que la situation risque de dégénérer, et manifestement peu désireux de voir les choses s'envenimer. "Jozan est allé assassiner un impertinent. - Je vois. Un apprenti à qui on aurait joué un mauvais tour. - Non.", corrige Nebin. "Un chevalier noir qui a su rester discret ... jusqu'à aujourd'hui." Un lourd silence s'installe, mais ne dure pas. "Bien, nous allons l'attendre ici. Vous nous invitez jusqu'à son retour. - Mais bien sur, et sur un plateau d'argent, avec tout cela ? Sylvan, je crois que tu n'as pas bien compris. Tu n'es pas désirable ici. Part immédiatement, toi et ta troupe de clowns, où il t'en cuira. - J'avais prévu cette réaction. - Et alors ?" Sylvan désigne d'un geste Kyô et ses deux compagnons. "Reconnais-tu ces trois individus ? - Ceux que je fréquente ne portent pas ces pseudo armures ridicules. - Sais-tu pourquoi tu ne les connais pas ? C'est parce qu'ils n'appartiennent pas à l'archipel. - Pas à l'archipel, bien sur, bla bla bla, et ... QUOI ! - Tu m'as bien entendu." Nebin et Spartoi dévisagent les trois membres du programme Kido avec des yeux écarquillés. Leurs mâchoires se décrochent de façon synchronisée, et ils poussent un seul cri. "Mais alors ..!!! - Oui, le gardien les a laissé passer, et vous savez ce que cela veut dire. - Ils sont du Sanctuaire, c'est cela ? - A-t-on gagné votre hospitalité ? - Jozan ne sera probablement pas de retour avant demain matin : sa proie est habile. Ensuite, c'est plus notre problème." Sylvan se tourne vers les chevaliers d'acier. "Ca vous va ? - Quelles sont les autres alternatives ?", demande Kinô. - Quelles autres alternatives ?", lui répond froidement Sylvan, en s'installant à la place qu'occupait Spartoi il y a un instant, et en se mettant à son aise. Les heures s'écoulent, lentes et patientes. Après une brève anicroche avec ceux de son clan, Conan a disparu, et nul ne semble plus s'inquiéter de son sort. Spartoi et Nebin vont et viennent sans faire grand chose de plus que de surveiller leurs 'invités'. Dans le cours de l'après-midi, plusieurs autres chevaliers noirs les rejoignent, certains amenant quelques provisions, la plupart restant les mains vides. Kyô, Kinô et Ashita sont les derniers à passer inaperçus. Le plus souvent, quand un chevalier noir arrive, son regard tombe rapidement sur les trois garçons. Un froncement de sourcil plus tard, un camarade le met au courant de la situation, et la suspicion se transforme rapidement en surprise mêlée à de l'angoisse. Sylvan reste stoïque, et discute calmement avec les chevaliers d'acier. "Avec ma cosmoénergie ? - Bien sûr !", lui repart Ashita. "Tu as bien vu Kyô créer des flammes, pourquoi pas du poison ? - Ce que vous me dites là est passionnant. Certains sur cette île possèdent des pouvoirs de ce genre, mais je n'avais pas vu les choses de cette façon. - Tout est lié au concept. La cosmoénergie est une force primitive qu'il est possible d'utiliser de diverses façons. Il nous a été enseigné que les concepts sont la manière la plus efficace d'exprimer toute la quintessence du cosmos. Kyô, par exemple, est le chevalier de l'Energie, et possède donc des facilitées pour manipuler le feu, l'électricité ou d'autres formes d'énergie grâce à son cosmos. Ce n'est pas que nous en serions incapables, mais nous aurions plus de mal, et arriverions à des résultats inférieurs. - Il est important de s'identifier à son concept.", poursuit Kyô. "C'est ainsi que nous autres du programme Kido avons été sélectionnés. La théorie et la pratique peuvent s'apprendre, mais c'est plus dur pour ce qui est des concepts. - Si j'ai bien compris ...", reprend Sylvan, " ... le concept sert de catalyseur à la cosmoénergie. - Exactement !", s'exclame en même temps les trois jeunes garçons. Ashita continu. "Ton concept, Sylvan, doit être l'Hydre, puisque tu es le chevalier noir de l'Hydre. Si tu arrives à accepter l'Hydre en toi, tu pourras exprimer ton cosmos de façon personnalisée. Par exemple, en empoisonnant les pointes de ton armure. - Je ne vois vraiment pas comment. - Ce n'est sûrement pas facile, mais c'est à toi de trouver la réponse." Un air dédaigneux dans le regard, Sylvan répond quand même. "Merci pour le conseil." "Je n'ai pas compris où était passé le seigneur de ce clan ?", demande Kinô. "Il est parti abattre un chevalier noir.", lui répond froidement Sylvan. "Mais pourquoi ? - Il peut exister plusieurs armures noires représentant la même constellation. Le fait d'être l'unique possesseur d'un type d'armure noire est ici une preuve de puissance, car le seul moyen d'empêcher les autres guerriers de l'île de revêtir la même armure que soi est de tous les tuer. - Ah oui ...", souffle Kinô, intimidé et un peu inquiet. "C'est pourquoi les plus puissants chevaliers noirs veillent à rester les seuls à porter leurs armures. C'est particulièrement important pour les seigneurs noirs. Il en va de leur autorité. Quand pour une raison quelconque il se trouve qu'un chevalier noir porte la même armure qu'eux, le seigneur noir prend cela pour une provocation, et il y a automatiquement un duel à mort. En général le seigneur en sort victorieux. - Et si il perd ? - Alors le vainqueur est à nouveau l'unique porteur de cette armure noire. La dernière fois que cela s'est produit, ce chevalier est devenu le seigneur noir du clan de celui qu'il venait de défaire. - Ca explique pourquoi certains tentent le diable et choisissent de porter tout de même ces armures-là. - Ca dépend. Certains s'imaginent pouvoir vaincre un seigneur noir. C'est le moyen le plus rapide de venir à la tête d'un clan, c'est vrai. Mais souvent, de telles armures sont données à de malheureux apprentis qui ne comprennent rien à ce qui leur arrive quand le chef du clan adverse vient les défier. Dans le cas présent, je devine que notre homme a pris cette armure car il n'avait pas de moyen facile d'en trouver une autre, et qu'il espérait s'en sortir en jouant profil bas. Mais même en s'il se terre en territoire ennemi, Jozan le trouvera, et le tuera probablement. - Jozan ..." Kinô laisse le nom glisser entre ses lèvres, l'air penseur. "Quelle est son signe ?" Sylvan cligne des yeux, puis répond. "Le Lièvre. Jozan, seigneur noir du Lièvre." La nuit est tombée. Les sept chevaliers noirs avalent leur repas autour d'un feu de camp, qui se laisse supporter dans la fraîcheur de la nuit. Conan, de retour, ne s'est pas joint à eux, conscient à présent qu'il n'y aura jamais sa place. En faisant la tête, il s'est rangé dans un coin et ne fait rien de notable. Sylvan et les trois garçons sont un peu à l'écart. Ils relèvent la tête au moment où un certain Dévy vient leur porter, sans dire un mot ni croiser leur regard, un morceau de volaille cuite. Les quatre personnages avalent cette pourtant piètre nourriture avec plaisir. Ce n'est qu'après qu'Ashita ai donné un morceau à Conan que leur conversation reprend. "Le programme Kido ...", se répète Sylvan, pensif. "Rendre le monde meilleur grâce aux chevaliers des temps modernes ... C'est facile à dire. - C'était facile à faire, même.", le reprend Kyô. "Nous pensions que le Sanctuaire était inactif. Si cela avait été le cas, le projet aurait abouti sans heurts. - Les choses ne sont pas telles qu'elles semblent être. Le Sanctuaire a une raison fondamentale d'exister. - Sylvan, penses-tu que nous allons trouver de l'aide sur cette île ?" Le chevalier de l'Hydre regarde Kyô d'un air sceptique. "Cet endroit possède également sa part de mystère, mais je ne suis pas capable de répondre à cette question. Je ne peux rien pour vous, sinon vous servir de guide. Je vous ai déjà amené ici. Demain, vous rencontrerez Jozan, le seigneur de ce clan. Il n'est pas aussi facile à convaincre que la meute qui le suit, sans doute vous demandera-t-il que vous l'aidiez en retour, mais peut-être pourra-t-il vous donner ce que vous recherchez. - Sylvan ?" Kinô prend la parole. "Comment se fait-il que tu ne saches pas nous aider ? Tu sembles plutôt plus âgé que les autres habitants de l'île, tu devrais en savoir long." Sylvan hésite un instant avant de répondre. "Disons que je suis une sorte d'exception." Et sans en dire plus, il s'allonge à même le sol. Jugeant peu probable de trouver une couche plus confortable, les trois chevaliers d'acier finissent par l'imiter. Le ciel est curieusement dégagé. Si loin des villes illuminées du Japon, la voûte stellaire est particulièrement belle. Les myriades d'étoiles scintillent de tous feux et la Voie Lactée brille comme une rivière faite de diamants taillés, d'une éternelle beauté. Kinô réalise qu'il n'avait jamais pris le temps auparavant d'observer les étoiles comme il le fait maintenant. Sans doute avait-il tord. 'José va s'inquiéter.', se dit-il, songeant au capitaine du Sainte Catherine. Mais le confort et la sécurité du bateau lui semblent si éloignés à présent qu'il n'y prête pas plus d'attention. "Kinô ?" C'est Ashita qui l'interpelle, mais au son de sa voix il devine qu'il n'est pas besoin de répondre. Juste d'écouter. "Kyô ?" L'instant est éternel ... "Où tout cela va-t-il nous mener ?" Kinô ferme les yeux, et formule une réponse silencieuse. 'Si je le savais, Ashita ... Si je le savais ...' Le même soir, Grèce La nuit tombe sur le Sanctuaire, Axios fait quelques pas ... Il hésite. Ce n'est pas qu'il ait l'habitude de craindre son maître, mais il sait que les propos qu'il veut échanger avec lui le mettront de mauvaise humeur. Mais les doutes le terrassent, ne lui laissant pas d'autres choix que d'aller de l'avant. Prenant son courage à deux mains, Axios, chevalier de Bronze du Petit Renard, frappe deux fois à la porte en bois. "Entre, Axios." La voix est celle de son maître. Soucieux de ne pas se faire prier, le chevalier pousse le bâtant en bois, et pénètre dans la demeure. "Lors de l'entraînement d'aujourd'hui, tu voulais me parler. Je t'ai dis de venir me voir ce soir. - Et me voilà ... - Met-toi à l'aise, je te pris. - Merci, maître Tremi." Prenant un siège, Axios laisse son regard errer à travers la pièce. Tremi a beau être chevalier d'argent du signe de la Flèche, la plate banalité de son habitation n'est guère plus intéressante que celle de n'importe quel chevalier de Bronze, et Axios en est presque désappointé. "Maître Tremi, je voudrais votre opinion sur toutes ces ... rumeurs qui circulent. - Les rumeurs ?" Le chevalier d'argent possède peu d'élève, Axios en est d'autant plus fier d'en être. Sacré chevalier de bronze depuis peu, Axios a obtenu de son maître un enseignement supplémentaire, qui porte chaque jour ses fruits. Axios a régulièrement l'occasion d'échanger divers propos avec son maître, mais les circonstances le rendent légèrement anxieux : la loyauté du chevalier de la Flèche n'a jamais été mise en défaut. "Les rumeurs. La disparition des gardes, qu'on aurait retrouvé morts, les multiples enquêtes que le Grand Pope mène sans en donner la raison, ou encore ce qui est arrivé au chevalier Pégase. Certains doutes grandissent, on dit que le Grand Pope chercherait à nous cacher quelque chose, et je ne parle même pas de l'incompréhensible conclusion de la guerre contre Poséidon. - Tu devrais surveiller tes paroles, chevalier du Petit Renard." Tremi fronce les sourcils d'un air de très sérieux mécontentement. "J'ai une confiance absolue envers le Grand Pope, j'ose espérer que tu n'adhères pas à ces bruits de couloirs dénués de tout sens ?" Axios persévère. "Je me contente d'émettre une hypothèse. Ces rumeurs sont basées sur des faits, auxquels personne ne peut donner d'explication. Votre foi envers le Grand Pope est toute à votre honneur, maître, mais j'espérais de votre part plus qu'une simple affirmation." Les yeux rivés sur son élève, Tremi semble juger le sérieux de ses propos. Quittant son siège, il se dirige vers une fenêtre, et regarde le ciel en répondant. "Depuis les temps mythologiques, le Grand Pope est choisi parmi les chevaliers pour sa force, son intelligence, et sa sagesse. - Je sais cela, maître, mais ... - Tu le sais, mais apparemment tu ne le comprends pas. Si tu comprenais, tu ne douterais jamais. Athéna s'exprime à travers le Grand Pope. Il agit en son nom, pour notre bien, pour celui de notre déesse, pour celui de la Terre. Il est impossible qu'il se trompe, et quand bien même cela devrait arriver, ce n'est pas nous autres simples chevaliers qui pourrions prendre de meilleure décision. Il est le meilleur d'entre nous, et si la finalité de certains de ses agissements nous échappe, c'est juste que nous ne sommes pas capable de les comprendre. - Je saisis le sens de vos paroles, maître Tremi." Tremi, chevalier d'argent de la Flèche, dévoué serviteur du Grand Pope, regarde son disciple s'éloigner. 'Ainsi, la rumeur gagne même les chevaliers.' Axios n'est pas le meilleur des chevaliers, mais il reste son élève, et cela lui fait de la peine de le voir ainsi. Tremi regarde le ciel. Le ciel étoilé est splendide, ce soir. 'Où tout cela va-t-il nous mener ?' Tremi ferme les yeux ... Au Japon "Vous êtes là, Mlle Kido ?" Le planétarium fut conçu par Mitsumasa Kido il y a bien des années. Saori Kido s'y réfugie parfois, quand le doute ou la peur s'empare d'elle. "Mr Kajiya ? Des nouvelles du Sainte Catherine ? - Le RAS habituel. - Oh ..." La voûte stellaire artificielle est étonnement réaliste. Sa lueur calme permet à la jeune fille de laisser ses pensées aller et venir. "Mlle, puis-je me permettre ? - Bien sûr. - Pourquoi n'allez-vous pas dehors, les étoiles y sont tout aussi extraordinaires ?" Kajiya avait raison. Le ciel noir est ce soir superbement dégagé, et laisse les étoiles exprimer leur beauté comme jamais Saori ne l'avait observé. Cet émerveillement lui redonne espoir. "Je suis sûre que Kyô et les autres vont bien. - Je n'en doute pas. - Ils doivent probablement regarder eux aussi les étoiles, et se poser d'autres questions. Dans peu de temps, ils seront de retour, et nous pourrons fabriquer des armures aussi merveilleuses que le Spécimen. - Il ne faudrait pas brûler les étapes, mais il y a dans vos paroles une part de vérité." Lasse d'être debout, l'héritière Kido s'allonge à même le sol, à deux pas seulement du planétarium, rapidement imité par Kajiya. "Ces armures nous rendront plus forts.", reprend Saori. "Nous n'aurons plus à craindre le Sanctuaire, et le programme Kido prendra son envol." Kajiya soupire. L'optimisme de Saori Kido lui semble un peu exagéré. Mais quelque part, cela lui réchauffe le coeur, alors il se fait une raison. "Mr Kajiya ? - Oui ? - Où tout cela va-t-il nous mener, Mr Kajiya ? - J'aimerais pouvoir vous répondre, mademoiselle. J'aimerais." Un autre continent ... 'Trois an, déjà ...' "Cela fait trois ans, n'est-ce pas ? - Mm ... Ca ne fait pas loin de trois ans." La deuxième voix est lente et sage. Elle exprime une grande expérience de la vie. "Presque trois ans ..." Le premier homme possède une longue chevelure claire et un oeil bienveillant. Allongé sur le sol rocailleux, il contemple l'inhabituelle splendeur des étoiles. "Je crois que Kiki s'inquiète. Il aimerait passer à l'action. - Ton jeune apprenti est encore un enfant, Mû. Il possède l'impétuosité de la jeunesse, ce qui est une force tout autant qu'une faiblesse." L'homme qui s'appelle Mû ferme les yeux. "Je crains fort qu'il ait raison. Presque trois ans se sont écoulés, et ce calme résonne comme celui qui précède la tempête mortelle. N'y a-t-il vraiment rien que nous puissions faire ? - Les choses doivent se dérouler dans un certain ordre. Quand ils bougeront, nous agirons. - Ce sera trop tard. La situation au Sanctuaire se dégrade. A ce rythme, les chevaliers seront en pleine guerre civile quand ça commencera. - Ne trouves-tu pas que les étoiles sont belles ce soir ? - Si, bien sûr ...", répond Mû avec une absolue sincérité. Chacun des astres semble pareil au Soleil éclatant, qui donne la vie sur Terre. "Sais-tu pourquoi je ne m'inquiète pas, Mû ? Ce que tu vois là sont les étoiles protectrices de la Terre. Chacune d'elle est prête à donner sa vie pour une cause juste, et cette raison seule est suffisante pour que jamais nous n'ayons à nous inquiéter." Le silence s'installe. L'air est frais, le moment agréable. Une étoile filante zèbre le ciel d'un éclat magnifique. "Et celle-ci ?", demande Mû, et sa voix sonne pareille au cristal. "Est-elle aussi prête à donner sa vie ? - C'est un présage intéressant." Comme pour illustrer son propos, une deuxième, puis une troisième étoile filante illuminent les cieux de leurs scintillements. "Trois étoiles filantes ? Qu'est-ce que cela signifie ? - Oh oh oh. Il se pourrait même que cela devienne passionnant. - Vieux maître, où tout cela va-t-il nous mener ? - Vers quelque chose d'inattendu. - Que voulez-vous dire ?" Mais Dohko, vieux maître des cinq pics, depuis trois ans résidant du mont Jamir, laisse le silence répondre à sa place. Mais aucun des deux hommes, ni Mû, exalté par le calme de l'instant, ni Dohko, plongé dans de sombre pensées, ne remarque qu'à ce moment, magnifique, vient de luire une quatrième étoile filante ... |