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De réputation, les chevaliers d'Athéna ne laissaient jamais à leurs adversaires l'opportunité de les frapper une deuxième fois par une même attaque. Sans aller jusqu'à affirmer que la chose était une règle ne souffrant d'aucune exception, je pense qu'une part de vérité existait derrière cette légende. Le pourquoi et le comment de la chose n'en demeure pas moins un mystère, qu'on ne peut tenter de résoudre qu'avec une hypothèse. Les futurs chevaliers d'Athéna subissaient dès la petite enfance un entraînement sévère et très rigoureux. La force physique et le combat à mains nues – offensif aussi bien que défensif – devaient ainsi leur être aussi familiers qu'il n'est concevable de l'être. A toute attaque correspond une défense, et pour de tels surhommes, trouver laquelle devait être une routine, et la maîtriser une simple question de volonté. Il ne fait aucun doute que si ces surhommes avaient 'hérité' directement de cette puissance par une autre voie, les choses n'auraient pas été ainsi. Extrait du rapport sur la chevalerie sacrée et sur le Sanctuaire, par le père Jacob Toujours très méthodique et studieux, Kinô ne rate pas une des paroles du professeur. Installé au quatrième rang de l'amphithéâtre, à droite de Kyô, il suit le cours avec une grande attention, au contraire d'Ashita qui semble dormir comme un loir. Face au tableau noir, Mr Kajiya, responsable de la formation des chevaliers d'acier, s'empare d'une craie, et élabore un problème. Son premier trait représente vaguement la forme d'un poing. "Sachant que celui a qui appartient ce poing pèse 83 kg, sachant qu'il vient de projeter son poing en direction oblique avec une vitesse de Mach 0,75 ..." Face au poing, Kajiya dessine à présent une tête. Kinô sursaute de stupeur. 'C'est moi, ça ?' " ... et sachant que la tête de Kinô est située à une distance de 102 cm, la question est ...?" 'Calculer la force de l'impact ...', suppose à tord le chevalier d'acier, néanmoins déstabilisé d'être ainsi représenté. "... quel est le réflexe optimal que devrait avoir Kinô ?" Abasourdi, Kinô ne comprend plus rien. C'est Kyô qui se lève brusquement, et hurle la réponse. "Je sais ! Il faut esquiver ! - Bonne réponse Kyô. Qu'en pense notre informaticien ? - Euh ..." Kinô cligne des yeux, incapable de réagir. "Pardon ?" Mais il n'en dira pas plus, car Kyô vient de le saisir aux épaules, et s'est mis à le secouer frénétiquement. "KINOOOO !! ESQUIVE ! ESQUIIIIIIIIVE !!!" Kinô ouvre les yeux ... "!!!!!!!" ... et avec la souplesse d'un serpent, d'un mouvement, évite de justesse un foudroyant impact. Un grand fracas retenti, au moment où un poing abat le sol à l'endroit ou se tenait le chevalier d'acier une fraction de seconde auparavant. L'adrénaline aidant, Kinô se relève d'un bond, sur la défensive, curieusement apte. 'On peut dire que ce rêve m'a été utile', a-t-il le temps de penser, au moment où son regard croise celui de la personne qui s'apprêtait à le tuer, dans son sommeil et sans sommation. L'homme porte une armure noire, mais il n'est pas un de ceux qui étaient la veille autour du feu. Il possède un nez long et désagréable à regarder, des petits yeux étirés, et la moitié dégarnie de son crâne met en valeur ses quelques cheveux raides et sales qui lui tombent en arrière jusqu'aux épaules. Son regard est furieux ... Un coup d'oeil furtif jeté sur les environs donne à Kinô un bref aperçu de la situation. Kyô se tient debout, et semble avoir retenu sa respiration au moment du choc. Kinô comprend qu'il vient de crier pour le prévenir du danger. Ashita était allongé il y a une seconde, mais semble bien éveillé, à présent. Sylvan sort précipitamment d'une des cabanes – sans doute utilisée sans autorisation – et les autres chevaliers noirs accourent, alertés. Sylvan part dans un bâillement à rendre jaloux un hippopotame, et mâche sa salive en avancent quelques mots. "Ah oui, ce problème là ... J'ai oublié de vous prévenir que Jozan du Lièvre noir est assez ... violent. Ca ne m'étonne pas qu'il cherche à vous tuer sans même savoir qui vous êtes." Kinô sent la sueur froide inonder sa figure, un frisson parcourir son échine, avant de sentir ses jambes trembler. "Dis-moi, Sylvan.", s'inquiète Ashita. "Y a-t-il d'autres détails de ce genre que tu aurais omis de nous préciser ? - Oui. Jozan ne collaborera jamais avec vous. - QUOI !" Le cri de Kyô exprime une sincère surprise, mais Sylvan le calme. "Laissez-moi faire ..." Une minute. C'est le temps qu'il faut à Sylvan pour obtenir une confirmation. Jozan possède peut-être la brutalité d'un ours, il n'en dispose pas moins d'une intelligence soutenue, et il ne lui a guère fallu plus de temps que cela pour comprendre que les chevaliers d'acier n'ont aucun lien avec le Sanctuaire. Perdant ainsi le potentiel d'un bluff qui avait plutôt bien fonctionné la veille, le chevalier de l'Hydre noire a donc choisi de sacrifier une soixante de précieuses secondes pour tenter d'obtenir quelque chose du seigneur noir. En vain ... Ses arguments étaient même le bois qui alimentait le feu de l'animosité du Lièvre noir, et il n'en fallu pas plus pour que Sylvan comprenne que pousser la discussion plus avant ne mènerait à rien, sinon à une situation plus envenimée encore. "Comme je le pensais, ce Jozan ne vous aidera pas comme ça.", confit finalement le chevalier noir aux trois membres du programme Kido. "Mais il vous reste deux possibilités. - Génial !", s'exclame impétueusement Kyô. "Lesquelles ? - La première possibilité est de vous affilier au clan de Jozan." Un court silence gêné, semblable à celui qui plane quand un doute subsiste quant à la situation, met rapidement les trois jeunes garçons mal à l'aise. "Qu'est-ce que tu entends exactement par, 's'affilier à son clan' ?", s'inquiète Ashita. "Ne fais pas l'imbécile.", lui repart sèchement le chevalier noir. "Si vous vous soumettez à son autorité, il y a une petite chance pour que Jozan accepte de vous aider un peu. - C'est une plaisanterie, j'espère ? Tu nous parlais d'une deuxième possibilité. - Certes. Vous pouvez également le soumettre ... par la force." "Qu'est-ce que t'en pense, Ashita ? - Je sais pas, Kyô. On va pas se soumettre à ce Jozan, mais je n'ai pas envi non plus de me battre contre lui. - Pourquoi pas ? Une bonne dérouillée, et il verra bien qui est le plus fort. - Je ne peux pas te laisser faire cela, Kyô. Nous ne sommes pas des animaux, et la force ne doit pas être notre première solution. De plus, va savoir si nous sommes seulement capables de le battre. - Probablement. Vois comme on a ridiculisé Sylvan. - Le chevalier de l'Hydre aurait sans doute fait un combat honorable contre toi. Il nous a donné la victoire à cause de notre supériorité numérique. Et va savoir si ce Jozan n'est pas carrément plus fort que lui." Kyô et Ashita débattent discrètement de la stratégie à adopter, remarquant à peine les doutes de leur camarade. "Euh ... les gars ...", souffle timidement Kinô, inquiet, mais personne ne l'écoute. "Ashita, il ne faut pas non plus nous sous-estimer. Nous sommes des chevaliers d'aciers, nous possédons une armure, nous maîtrisons la cosmoénergie et les concepts. N'as-tu pas abattu le gardien de cette île ? - Tu ne m'as pas compris. Je ne dis pas que nous ne pourrions pas le faire, mais que nous ne devrions pas. - Euh ... Ashita ? ... Kyô ...?" Les deux garçons jettent un coup d'oeil au chevalier de la Machine Informatique. "Kinô ? - Il nous fait quoi, là, Sylvan ?" 'Les événements se précipitent', s'inquiète Kyô, qui par quelques mouvements d'échauffement se prépare pour un violent combat. 'Maudit soit ce Sylvan. Parler en notre nom, et provoquer ce seigneur noir en duel. Il faudra que je m'entretienne avec lui quand j'en aurais fini avec ces imbéciles.' "Est-ce que tu es prêt ?", lui lance Nebin. "Bof, si on veut ...", lâche Kyô dans un soupir. Prenant une vive inspiration, le chevalier de l'Energie se met en garde. L'envie de se battre ne lui manque pas, mais son adversaire lui semble tellement peu à la hauteur qu'il en a perdu toute motivation. Il aurait préféré s'en prendre à ce satané Jozan, qui un instant plus tôt a eu l'affront de tenter d'assassiner son camarade Kinô. Kyô esquisse un sourire machiavélique à la perspective de pouvoir lui faire regretter ce geste. Mais il se concentre, conscient de la pertinence des conseils d'Ashita. "Ne le sous-estime pas.", vient-il de lui conseiller. "Il est peut-être fort. Ne cherche pas à le juger, et bas-toi de toutes tes forces, tout de suite." Loin d'être enthousiaste, Kyô décide de suivre ce conseil, même s'il trouve ce combat dénué de sens. Ce Nebin du Lionet noir ne semble vraiment pas fort, et il ne comprend pas pourquoi il doit l'affronter en premier. Mais le Lièvre Noir, après être entrée dans une colère exprimant une profonde violence, s'était subitement et inexplicablement mis à l'écart, déclarant ne vouloir se battre que contre un adversaire digne de ce nom. Le meilleur moyen pour vérifier cette condition devenait ce nouveau duel, contre un de ses hommes. 'Il veut voir ce que je vaut ... Je vais lui en mettre plein la vue.' "Je t'attends, chevalier noir.", lance-t-il avec énergie. "Ca tombe bien ...", et dans la voix du chevalier noir résonne comme un air de cruauté. "PAR LA MORSURE DE NEMEE !!", hurle Nebin, se jetant en avant, poussant ses bras et écartant ses doigts, leur donnant l'allure d'une machoire. Mais Kyô ne se laisse pas intimider ... 'Mon maître coup ... de toute ma puissance ...' Devançant la charge du chevalier noir, Kyô jette son bras en avant. Nul encore ne l'avait remarqué, mais voilà bien une trentaine de seconde qu'il se concentrait sur cette attaque. "Essai un peu d'encaisser ça ! FIREBOOLT !!" Après réflexion, nul n'avait jamais vu le chevalier de l'Energie dégager pareille puissance. Ce n'est pas que sa cosmoénergie était véritablement plus grande que celle qu'il avait exprimé face au chevalier Pégase, ou plus récemment face au gardien de cette île, le triste Guilty, mais nul ici présent, ni Sylvan, ni aucun des deux camarades du chevalier d'acier, ne lui connaissait cette aptitude à forcer la violence de son attaque aussi soudainement. "AAAARRRRGGGGGHHH ...." Le malheureux chevalier noir vient de subir l'impact ardent de plein fouet, incapable de l'esquiver ou de le contrer : il est vrai qu'il était surtout concentré par sa propre offensive. Il se roule au sol, abattu par l'attaque du chevalier d'acier. Kyô en est le premier surpris : le combat n'aura vraiment pas été long : Nebin n'était définitivement pas de taille. Une seconde plus tard, un nouveau défi est lancé ... "Amusant.", lâche simplement Jozan. "Mais ... est-ce que ce sera suffisant ? J'en doute très sérieusement." Le seigneur noir, d'un bond agile, vient de se placer, et, repoussant le corps du chevalier vaincu d'un coup de pied, le laissant à son agonie, et part dans des mots sales. "J'ignore qui tu es, j'ignore même ce que tu es, mais ton insolence envers ma personne est une chose que je ne puis tolérer. Je te conseille de me vaincre, si tu ne veux pas subir le sort de ceux qui ont eu l'outrageuse idée de me défier. - Mais oui, c'est ça. Bon, on y va ? - Pfff ... La dernière personne qui a pris ma force à la légère se trouve ici." D'un geste, le chevalier noir jette deux pas devant Kyô un objet rond. Le chevalier d'acier fait aussitôt un bond en arrière en poussant un cri : à ses pieds vient de rouler la tête d'un être humain. "Qu'est-ce que c'est que cette horreur ?!", s'exclame-t-il, pris de nausées. "Ce qui reste d'un imbécile qui s'est cru suffisamment malin, ou fort, pour pouvoir porter une armure du Lièvre Noir. - Tu es un monstre ... - Et toi tu es naïf. Nous sommes sur l'Ile de la Reine Morte, nous ne sommes pas là pour jouer. La mort est notre quotidien, et si tu m'y force je ferais de la tienne ma victoire. A moins que tu ne sois suffisamment fort, mais j'ai un doute à ce sujet. - Et bien tu as tort !" Kyô refoule une profonde colère. "Et je vais te le prouver ..." Et en parlant, le chevalier de l'Energie avait laissé croître sa cosmoénergie. Le projectile incandescent quitte la main du jeune garçon. " ... FIRBOLT !" Cette technique lui a déjà permis de triompher de deux adversaires, mais sans doutes cela ne suffit-il pas. D'un saut, Jozan vient d'esquiver l'attaque, et dans le même mouvement il vient s'accroupir juste en face de son adversaire. "Qu ..." Dans sa surprise, Kyô ne peut qu'assister passif au bond du chevalier du Lièvre Noir. Les mains du seigneur noir viennent se poser sur les épaules du chevalier d'acier, et ce n'est qu'après que ses deux genoux se soient enfoncés dans l'abdomen d'un Kyô médusé, au moment où son élan l'amène au-delà de son adversaire, qu'il prononce le nom de son attaque. "Par la Frénésie du Lièvre." Kyô s'est effondré, à genoux, les mains sur le ventre, la bouche béate et les yeux hagards. La douleur le traverse, et c'est tout juste si le son des sarcasmes de son adversaire lui parvient. "Quelle déplorable technique. Elle est très lente, et la puissance n'y est pas. N'importe qui ayant compris cela n'aura jamais aucune difficulté pour l'esquiver." De son côté, passif et inquiet, Kinô est frappé d'une révélation. "Bien sûr ! Voilà pourquoi il a envoyé ce Nebin combattre ! Tu aurais dû lui dire de garder de la réserve, plutôt que de se donner à fond. J'aurais dû y penser ... - Je suis désolé, Kyô ..." Sur ses derniers mots, Ashita ferme les yeux. Mais il les rouvre aussitôt, pleins de surprise et d'espoir : sonnant tel une fausse note dans la mélodie du triomphe de Jozan, le rire étouffé du chevalier de l'Energie éclate dans l'air frais du matin. "Ha ha ha ! Comment tu as dis ? La ... 'Frénésie du Lapin' ? Tu ne manques pas d'humour, Jozan ! - Comment ? Qu'est-ce que tu insinues ?" Se relevant, le chevalier d'acier poursuit. "Qui donc es-tu pour croire m'avoir déjà battu. Tu sembles prétendre que ma technique souffre de ne pouvoir être utilisée qu'une seule fois. Et bien tu n'as plus qu'à me prouver que tu sais faire mieux ! - Pfeuh ... Impertinant. La Frénésie du Lièvre !" Quelque chose de mou. C'est cette sensation pénible de deux genoux s'enfonçant dans son abdomen qui ravive les souvenirs de Kyô. "Un chevalier ne subit jamais une même attaque plus d'une fois.", avait-il lu dans ce pittoresque essai signé de la main du père Jacob. Le chevalier d'acier se pose la question avec un sérieux qui lui ressemble bien peu. Au moment de l'impact, ce n'est qu'une idée. Sa chute précipite cette idée au state de l'hypothèse, mais ce n'est qu'au moment où son corps mord la poussière, douloureux et désagréable à habiter, qu'il en arrive à une conclusion. 'Si ce vieux lunatique a raison, il n'y a aucune raison pour que je n'en fasse pas autant.' Ravivant sa conscience, d'un saut, il se redresse. 'Vérifions cela ...' "Par la Frénésie du Lièvre. - !!!!" Dans le fond, ce Jozan est quelqu'un de tout à fait ordinaire. Telle est l'opinion de Kinô, celle qu'il formule consciemment dans sa tête, au moment où son camarade, le courageux chevalier de l'Energie, se relève pour la troisième fois. 'Un homme costaud et bourru, qui refoule ses faiblesses et les dissimule derrière un masque de violence. C'est presque pathétique, finalement.' Kyô titube légèrement, mais voilà un petit moment qu'un sourire satisfait est apparu sur son visage. Kinô l'a aussitôt reconnu. Ce sourire, cette expression, c'est l'homme qui gagne, le vainqueur : celui qui sait ce que l'autre ignore. Voilà pourquoi Kinô ne s'inquiète pas. Qu'importe la cruauté de l'adversité, être le plus fort est une chose suffisante pour ne pas craindre d'être blessé. "FIREBOLT !" Avec aisance, le Lièvre Noir esquive le projectile incendiaire. La réussite déconcertante de ses actions a agi sur lui comme un euphorisant et, tout seigneur noir qu'il est, il ne semble plus prendre le combat au sérieux. 'Comme un jeu ...' Un jeu qui se terminerait par la mort atroce de son adversaire, ce dément qui aurait osé le provoquer. Après tout, les chats jouent avec les souris qu'ils assassinent. Mais Kyô n'est pas une souris, et cette confiance qu'il exprime, Kinô la ressent telle une douce chaleur. L'excitation le gagne. Kyô va gagner, c'est l'évidence même, mais ignorer totalement comment lui donne des frissons. Kinô regarde Ashita, à son côté, captivé et effrayé par les événements. Il n'y a pas en lui la rage de celui qui voit son ami se faire assassiner, mais une profonde inquiétude. Il est vrai qu'à en juger par les apparences, le vainqueur du combat serait déjà désigné. Kinô ressent la force de ses compagnons autour de lui. Entouré ainsi, il n'a pas peur. Il serre le point, et regarde attentif la fin du combat. Le chevalier du Lièvre, de son nom Jozan, crache, souillant le sol poussiéreux de sa salive. Il essuie d'un revers de main la sueur de son front, et inspire profondément. Il relève la tête, observe d'un oeil hargneux un adversaire qui tarde à manquer de se relever. 'Par la malepeste ...' Mais il ne perd pas confiance en lui. Peu importe le fait que ce soit disant chevalier d'acier surmonte sa douleur et se remette debout, en garde, prêt à accuser le coup une quatrième fois. Les attaques portent sur lui, et c'est tout ce qui compte. "Hé hé hé ..." Peu importe également ce doux ricanement qui sort de ses lèvres à présent. Jozan répond au rire par un sourire confiant. 'Tu n'en fais pas assez ...', croit-il entendre furtivement. Sans prêter y plus d'attention, il se jette en avant. "La Frénésie du Lièvre !" "Tu n'en fais pas assez." C'est ce que lui avait dit Kyô un instant avant d'accuser le quatrième coup. Mais Jozan était bien trop occupé à se rassurer lui-même pour entendre pareilles paroles. Mais cette fois, ce chevalier de l'Energie n'a même pas heurté le sol, le souillant de son corps. Pour être précis, c'est tout juste si il a vacillé. Jozan sens la sueur froide, prémisse de l'inquiétude, ruisseler sur son front, et enfin il interprète enfin les paroles. "Comment cela, qu'est-ce que je ne fais pas assez ?" Kyô titube encore un peu, la main plaquée sur le ventre. "De dégâts ...", lui souffle-t-il. "Tu ne fais pas assez de dégâts pour ... m'abattre. - Vraiment ?" Le chevalier du Lièvre Noir n'est pourtant pas du genre à écouter ses adversaires. Leur laisser le bénéfice du doute est selon lui un signe de faiblesse, qui ne donne rien de bon, surtout quand leur infériorité au combat s'avère effective. Ce point acquis, Jozan n'est pourtant pas stupide au point d'ignorer un aveu qui peut le cas échéant se révéler précieux, et un instant plus tard, il fait face à la réalité. Cet imbécile – comment avait-il dit s'appeler ? – qui portait orgueilleusement une armure noire du Lièvre, n'avait-il pas plié dès le premier coup ? La Frénésie du Lièvre est une technique assez grotesque, Jozan en est conscient, mais elle a toujours suffit à abattre ses adversaires. Maintenant qu'il y pense, aucun de ces derniers ne s'est jamais révélé être à la hauteur. 'Sans doute le moment est-il venu de changer de tactique.' "Très bien, chevalier d'acier, ou quoi que tu sois. Si ma technique ne peut t'abattre, et que la tienne ne peut m'atteindre, c'est sur nos aptitudes au combat au corps à corps que la différence se fera. - Tu crois cela ?" Mais Jozan n'a pas même laissé le temps à son adversaire de répliquer. Bondissant sur le côté avec l'agilité d'un fauve, il se glisse en un instant à droite de Kyô, et lui porte un coup de la paume de sa main au niveau du cou ... "!!!" ... un coup que Kyô bloque sans difficulté de son avant-bras. La réplique ne tarde pas, et c'est un coup de tibia qui touche l'armure noire au niveau du genou, déséquilibrant le chevalier noir. Profitant de l'occasion, Kyô s'essai à un coup de poing au ventre. Partiellement esquivé, l'impact ne frappant que le flanc. "Tu n'es pas si nul, chevalier d'acier. - Toi tu l'es, chevalier noir. Vu ta position, je me doutais que tu ne pourrais esquiver totalement mon coup. Si j'avais visé une autre partie de ton corps, je ne t'aurais même pas touché, mais le résultat est là." Le perceptible froncement de sourcils de Jozan n'échappe pas au chevalier de l'Energie. Un instant plus tard, c'est au tour de ce dernier de subir l'affront d'un impact. "Voilà une minute qu'ils en sont venus aux poings. Aucun ne semble pouvoir l'emporter, mais cela n'a pas l'air de t'inquiéter, Kinô. - Hé hé hé ... - Tu sais quelque chose, n'est-ce pas ? - Je le devine. Aucun des deux ne prendra le dessus, mais regarde attentivement. Tu comprendras à son assurance que Kyô garde le contrôle de la situation. - ..?" "Et bien, chevalier noir !", lance soudainement le chevalier de l'Energie. "Tu ne me sembles plus autant en confiance, maintenant. - Malédiction ..." Loin de se laisser intimider par les paroles provocatrices, le Lièvre Noir maintient un rythme d'attaque très soutenu. C'est loin d'être un expert dans les arts du combat, mais ses mouvements restes aussi précis qu'ils ne sont rapides et puissants. Malheureusement, pour lui, le chevalier d'acier est à la hauteur : d'un geste, il vient d'attraper le poing fermé de son adversaire. "Sais-tu quelle est ta faiblesse, chevalier noir ? C'est d'avoir cru que l'univers s'arrêtait aux frontières de cette île. - Que dis-tu ...? - Tu sais ne pas être le plus fort sur l'île de la Reine Morte, mais tes maîtres, tu les as identifiés il y a longtemps. Tu cultives ton invincibilité en évitant tout conflit avec ceux qui te battraient, et en abattant froidement les autres. Tu n'engages ainsi que des combats gagnés d'avance." Un vif coup de pied repousse le Lièvre Noir. Kyô profite de l'instant pour poursuivre. "Mais tu as oublié qu'au-delà des océans existent d'autres chevaliers beaucoup plus fort que toi, tu as oublié que ta force n'est qu'une fragile façade que tu utilises pour refouler tes faiblesses." Relevant la tête, le seigneur noir exprime un regard chargé de hargne. "Imbécile ... Tu n'es même pas plus fort que moi. Que ..." Jozan hésite une seconde, surpris et plein d'appréhension. 'Encore Firebolt ?' Le chevalier d'acier vient de relever son bras gauche, et concentre une cosmoénergie brillante. "Tu vois, chevalier noir, j'ai compris tout à l'heure que j'étais destiné à gagner ce combat. Contrairement à moi, tu ne possèdes pas vraiment de technique offensive efficace, et ta maîtrise n'est pas suffisante pour m'abattre. - Petit imbécile ... Ta technique, je l'ai assimilé après l'avoir vu une seule fois." Empreignant la scène d'une ambiance chevaleresque, Kyô hausse le ton. "Enfant de la technologie, membre du programme Kidô, chargé de rendre le monde meilleur, je suis Kyô, chevalier d'acier de l'Energie. Croire que ma flamme est ma seule arme est une erreur, chevalier noir. - Comment ?" Abattant son bras droit devant lui, Kyô se met à hurler. "LIGHTNING !!" "Je n'ai jamais dit être un chevalier du feu. ... LIGHTNING !!" Zébrant l'air d'une éblouissante lueur, saturant l'air d'électricité, une sorte de foudre part des doigts du chevalier d'acier. Le fait que son adversaire ne parvienne pas à esquiver l'assaut, beaucoup l'aurai mis sur le fait de la surprise et de la non-préparation, mais une personne plus au fait des réalités du combat devinerait qu'en aucune circonstance Jozan, seigneur noir du Lièvre, ne serait parvenu à se retirer de la trajectoire du faisceau foudroyant. "Aaah ..." Frappé, le corps de l'homme sursaute et s'effondre en arrière. "Bien joué, Kyô !", s'exclame un Kinô rendu hystérique par les événements. "Ne bouge pas.", s'entent-il répondre par la voix froide du chevalier de l'Energie. "Ce n'est pas terminé." "Hé hé hé ..." La voix de Jozan est soufflé presque comme un silence. "Chevalier d'acier, comment oses-tu parler de manque de puissance, alors que ta propre technique n'abattrait pas un insecte." Les membres du chevalier noir tremblent, pris de sursauts, son souffle halète, mais ses deux jambes possèdent la force de supporter son poids : Jozan du Lièvre noir vient de se relever. "Petit imbécile, ton attaque ne possède aucune force." Pourtant, son sourire se crispe à la vision de l'extrême confiance de son adversaire. Il a à nouveau tendu son bras gauche, et semble attendre quelque chose. "Qu'est-ce que tu vas faire, Jozan ? Tu vas rester à me regarder ? - A quoi bon, je pourrais bien encaisser ta technique cent fois avant de faiblir. - Tu crois cela ? Hé hé hé ... - Qu'y a-t-il de si drôle ? - Non, rien. Mais vous autres de l'île de la Reine Morte êtes si en retard technologiquement. Ne même pas comprendre quelque chose de si évident ... Mais peu importe. Ce n'est pas trop mon truc d'avoir pitié de ceux que j'affronte, mais je dois te mettre en garde. Qu'importe ta force, ton endurance ou ton armure, je n'aurais qu'à te toucher, et tu seras assommé. Peut-être même y laisseras-tu la vie." Pour toute réponse, le chevalier noir disparaît. Du moins, un oeil moins exercé l'aurait vu disparaître, au moment où il se jette sur la droite de son adversaire, tentant un nouvel assaut de ses poings. 'Tant pis pour lui.' Un coup. Deux coups. Trois coups. Trois fois les poings de Jozan viennent de s'abattre sur le corps de Kyô, meurtrissant sa chaire et mettant son armure à l'épreuve. Mais le chevalier d'acier s'était attendu à cela, aussi ne faillit-il pas. Il se mord les lèvres jusqu'au sang pour garder le contrôle de son corps, pour ne pas fléchir, et d'un mouvement calme pivote sur ses talons. Lentement, sa main gauche vient effleurer de ses doigts la nuque d'un Jozan trop sûr de lui pour chercher à éviter un geste si lent. "Shocking Grasp ..." Cette erreur lui coûte la victoire. Sans qu'il ait même le temps de réaliser quoi que ce soit, sa conscience s'éteint, et il se retrouve projeté en arrière, assommé. Intimidés par le silence interdit des chevaliers noirs, les chevaliers d'acier se rassemblent autour du corps inconscient et souillé de Jozan. "Tu l'as eu ?", s'inquiète un peu un Kinô dubitatif. "Oui, mais je serais toi j'éviterais de toucher son corps pour l'instant. - Oh ..." "Petit cachottier.", lance Ashita, plus amusé qu'autre chose. "Je te savais très motivé par les combats, Kyô, mais combien de techniques as-tu développé ? - Euh ... Avec celle-ci le compte y est. - Des attaques électriques, c'est cela ? Ha ! Tu n'es pas le chevalier de l'Energie pour rien." Les joues de Kyô s'empourprent, ce dernier étant peu habitué à être flatté de la sorte. De mémoire, Ashita ne lui a jamais tenu pareil propos. Un peu perdu, Sylvan aimerait bien y voir un peu plus clair. "Dites-donc, chevaliers d'acier, pourriez-vous m'expliquer la fin du combat. - C'est pourtant pas compliqué.", lui répond Kyô après un bref éclat de rire, jugé fort amusant par Kinô. "Tout est lié aux types de dégâts que l'électricité inflige. On n'obtient pas de blessures ouvertes comme avec une arme tranchante, pas plus que les blessures liées aux percussions d'une attaque contondante. Le feu provoque des brûlures, mais là encore ce n'est pas la même chose, bien qu'une forte décharge électrique puisse en provoquer. En fait, l'électricité attaque le système nerveux, et provoque des tensions musculaires pouvant provoquer jusqu'à l'arrêt cardiaque. Dans la pratique, du fait également de l'absence relative de localisation de l'impact, la victime endurante constate que la blessure ne l'a pas abattue, et peut penser à tord qu'elle possède encore l'intégralité de ses moyens, comme si elle avait reçu un coup à l'estomac et qu'elle utilisait son endurance pour surmonter l'étourdissement. Mais la réalité est différente. Jozan ignore ce que c'est que d'être électrocuté : il n'a pas dû en avoir souvent l'occasion sur cette île. Aussi, il croyait que mon attaque ne lui avait rien fait, alors qu'il avait déjà perdu la moitié de sa force. En fait, je pensais que cette seule attaque viendrait à bout de lui, mais je pense finalement que ma technique est imparfaite. L'électricité est très difficile à contrôler à l'air libre, et la puissance y perd. - D'où l'utilisation de cette deuxième technique.", reprend Ashita. "C'est exact. Avec Shocking Grasp, j'accumule une charge électrique, que je délivre au premier contact physique. Le temps de préparation est supérieur, et le toucher est plus délicat à effectuer qu'avec une technique de projection d'énergie, mais l'efficacité n'a rien à voir. - Une dernière question.", s'interroge Ashita. "Comment arrives-tu à accumuler autant d'énergie électrique au bout de tes doigts." Kyô exprime un sourire amusé et satisfait avant de répondre. "C'est évident, grâce à l'armure de l'Energie." Stupéfaits par la surprenante défaite de leur seigneur, les chevaliers noirs mettent quelques instants avant de réaliser la situation. Celui que tous croyaient invincible gît à même le sol, vaincu à plate couture par un de ces étrangers. Ces derniers n'ont pourtant pas l'air bien dangereux, alors qu'ils discutent de quelque obscur sujet autour du corps de leur maître, et pourtant il est à présent clair que, par leurs forces, ils pourraient s'approprier le commandement du clan tout entier. "Qu'ont-ils dit vouloir ?", s'inquiète l'un d'eux, regardant tout droit dans leur direction, ne cachant pas une transpiration qui ne saurait être dû à la chaleur. "Ils ont déclaré s'intéresser aux armures.", lui répond un autre, notablement moins impressionné que celui pour qui il formule cette réponse. "Est-ce que la défaite de seigneur Jozan signifie que nous devons leur obéir ?" Tous se regardent, dubitatifs et pleins de doutes quant à la chose qui serait la meilleur à faire. Ceux du camp de Jozan ne sont pas les plus rapides de l'esprit, et leur rivalité quotidienne tendrait à faire croire qu'ils ne sont bons qu'à se poignarder dans le dos, pourtant, et exceptionnellement, les voilà tous d'accord. "Qui va leur dire ? - On tire au sort. Pierre-papier-ciseaux ? - A six ? - Tu as peut-être une meilleure idée ?" Ainsi fut désigné l'ambassadeur des chevaliers noirs auprès des étrangers. "L'un d'eux s'avance vers nous.", remarque Kinô, parfaitement maître de lui. "L'action de Kyô doit leur paraître un exploit, et ils vont nous traiter avec respect. Gardons notre dignité, et nous aurons ce que nous cherchons." Silencieusement, Kyô et Ashita acquiescent, l'air graves. Soveliss avait deviné que jouer 'ciseaux' n'était pas une bonne idée avant même d'avoir présenté sa main : étonnement accordés, les cinq autres chevaliers noirs avaient joué 'pierre', le désignant d'un seul coup pour cette tache délicate. A peine a-t-il fait un pas que les étrangers semblent l'avoir remarqué. L'un d'entre eux parle discrètement à ses deux compagnons, et Soveliss n'aime pas s'imaginer quelle va être leur réaction. Encore un pas. Il doit être suffisamment près d'eux pour leur parler, à présent. Un pas de plus serait-il préférable ? Rassemblant tout son courage, le chevalier noir avale sa salive, inspire, et ... 'Zut, comment dois-je les appeler ? "Mes seigneurs ?" Il n'y avait pourtant rien de très drôle dans cette interpellation, pourtant voilà qu'un de ces mystérieux chevaliers éclate de rire, sous l'oeil noir de ses compagnons, dédramatisant et détendant la situation. "Qu'y a-t-il ?", répond sèchement et très fort celui qui vient de mettre à terre Jozan. D'un mouvement, il se place devant son compagnon hilare, et foudroie du regard le chevalier noir, dans une tentative manifeste et infructueuse d'intimidation. "Mes seigneurs.", poursuit Soveliss, préférant ignorer la pathétique et puérile euphorie qui se laisse entendre. "J'ai cru comprendre que vous étiez à la recherche d'armures. - Oui. Et alors ? - Cela se passe ici.", et d'un geste, le chevalier noir désigne une des cabanes. "Tu te moques de nous ?" Kyô a posé la question avec énervement, mais l'impassibilité de son interlocuteur a raison de son impatience, et il prend le temps de considérer la remarque. "Dans cette ... cabane ..?" "C'est entre ces quatre murs de bois que résiderait le secret des armures ?", s'interroge Ashita, dont le scepticisme éclipse pour l'instant la déception. "Kinô !", s'énerve Kyô. "Cesse de sourire bêtement, ou je m'occupe de toi." Calmé par le ton de la voix de son camarade, le chevalier de la Machine Informatique, redeviens un peu plus critique. "Je doute que les chevaliers noirs cherchent à nous mener en bateau ou à se moquer de nous." Tout en parlant, Kinô s'avance dans la cabane, et regarde dans toutes les directions à la fois. "Ils sont très impressionnés par la performance de Kyô, et nous craignent probablement. S'ils nous disent que ce que nous cherchons est ici alors ... Mais ... Qu'est-ce que c'est que ça ?" Manquant de le faire trébucher, le pied du jeune garçon vient de heurter un objet métallique. "Une poignée ..." D'un geste, il tire la chose vers lui, révélant ... "Qu'est-ce que c'est que ce truc ?", s'interroge Kyô. "Y a qu'une seule façon de le savoir.", et joignant le geste à la parole, Kinô saute par l'ouverture. Une longue seconde plus tard, un bruit sourd se fait entendre, mêlée à une exclamation laissant deviner autant de surprise que de douleur. "Aïe ! Ouille ! C'était plus profond que prévu ! - Ca va, Kinô ? - Bien sûr que ça va, mais si vous voulez me suivre, utilisez cette échelle. Je l'avais pas remarquée, mais elle me semble plutôt ... euh ... utile. - Qu'est-ce que tu vois ? - Hum ..." Le chevalier laisse filer une paire de seconde avant de répondre. "Rigoureusement rien, il fait trop noir ici ! Trouvez moi quelque chose pour que je puisse m'éclairer." Seul dans l'obscurité, ses compagnons plusieurs mètres au-dessus de lui, Kinô se sent profondément vulnérable. L'obscurité est comme une feuille blanche : seule l'imagination permet de la remplire. Il n'y a pas plus de bruit, ce qui rend l'ambiance plus inquiétante encore. "Vous trouvez quelque chose ? ... Kyô ? - T'inquiètes, Kinô, y a justement des torches qui traînent. - Tu as de quoi les allumer ? - Pas de problème. Oups ..." Il y a comme une explosion, un grand flash lumineux, puis ... "Ashita, tu peux me passer une autre de ces torches, s'il te plait." Profondément las, Ashita souhaiterait, pour une fois, ne pas être le seul à être raisonnable. Sous le regard effaré de Kinô, vaguement illuminée par la lueur d'une flamme chancelante, c'est toute une galerie souterraine qui se perd vers d'obscures profondeurs. Les couloirs plutôt étroits sont consolidés à l'aide d'installations de fortunes, loin d'être des constructions de maîtres, mais néanmoins suffisamment solides pour qu'on puisse s'y sentir vaguement en sécurité. C'est après avoir fait quelques pas, et constaté que l'endroit n'est pas qu'une simple fosse que Kinô s'interroge. 'Qu'est-ce que je fais ici, moi ?' "Et ! Kyô ! - T'as trouvé quelque chose ? - Ouais, de la poussière. T'as gagné le droit d'aller quérir une explication chez nos amis les chevaliers noirs. - Pas de problème, j'y suis déjà." Le temps de prendre son souffle, et Kyô ressort à grand fracas de la cabane, et fait trembler le sol d'une voix tonitruante qui cache difficilement que sa colère n'est qu'une simulation. "Que quelqu'un vienne m'expliquer ce qui se passe ici !! - Nous n'en savons rien.", lui répond tout simplement l'un des chevaliers en armure noire. Pris de cours, Kyô ne sait pas quoi lui répondre. "Qu'est-ce que vous entendez pas 'nous n'en savons rien' ?" "Conan ! Ramène-toi ici, c'est toi qui le raconte le mieux !" Le ton sec et dur de la voix du chevalier noir n'est pas pour encourager Conan de tarder à arriver à leur niveau, et c'est sans perdre du temps qu'il commence son récit. "Les légendes de cette île, je les tiens de mon grand-père, et c'est avec ses mots que vais vous les conter. L'île de la Reine Morte. Cet îlot considéré par beaucoup comme étant le reflet des sombres enfers n'en possède pas moins une puissante histoire. C'était il y a de cela fort longtemps, plus longtemps encore que nul ne pourrait se l'imaginer. Durant ces temps oubliés, Athéna veillait sur la Terre, pour la paix, au nom de l'amour et de la compassion. La déesse guerrière avait à son côté sa puissante et dévouée chevalerie, autant d'adolescents prêts à mourir pour leur idéal : la justice divine d'Athéna. Dépourvus d'armes, ils auraient tous atrocement succombés sous les coups de leurs puissants ennemis sans ce qui faisait leur fierté autant que leur force : les merveilleuses armures sacrées. Ceux-là même qui forgèrent ces protections immortelles, ceux du mythique empire de Mu à la sombre destinée, foulaient de leurs pas le sol de l'île de la Reine Morte. Ici naquirent les armures, ici est leur berceau ... Il en est de même des armures noires. Bien que reniées par Athéna, ces armures n'en possèdent pas moins des propriétés identiques. Ceux qui choisissent de les porter sont de vaillants guerriers, injustement rejetés par un Sanctuaire décidé à n'honorer qu'une poignée d'élus, et non ceux qui le méritent réellement. Puisant leurs forces dans l'essence même de la cosmoénergie, dotées de propriétés rendant leurs porteurs semblables à des dieux, les armures noires possédaient également de puissantes capacités de régénération. De ce dernier facteur est né l'idée qu'elles seraient dotées de vie. Une armure pourrait ainsi être blessée, et disparaîtrait pour de très longues périodes, avant d'être oubliée. Plus tard, bien plus tard, sa trace serait retrouvée, et un nouveau valeureux chevalier noir pourrait à nouveau la porter, jusqu'à ce qu'elle disparaisse à nouveau." C'est avec ces mots, ceux d'un homme courageux mais sans expérience, que sont ainsi racontés à Kyô, ainsi qu'à ses deux camarades qui viennent d'arriver à son niveau, les mythes de l'île de la Reine Morte. "Si j'ai bien compris ...", demande le chevalier de l'Energie, les yeux brillant d'espoir. "Si j'ai bien compris, il vous arrive de ... trouver une armure dans ce sous-terrain ..?" Pivotant sur ces talons, le chevalier d'acier s'apprête à bondir pour en informer son camarade. Mais pris d'une inspiration soudaine, il se retient. C'est avec appréhension qu'il pose la question. "Et ... Vous en trouvez beaucoup ? - Certes oui ! Les 'apprentis' comme Conan y passent beaucoup de temps. En moyenne, on y envoi quelqu'un une journée sur deux, parfois plus quand la température baisse un peu. Ce travail de fourmis nous procure d'excellents résultats. - Qui sont ..?", et Kyô est plein d'espoir. La mission des chevaliers d'acier n'est certes pas de trouver une armure noire, mais le programme Kido manque cruellement de sujets d'études. La quasi-indestructibilité du Spécimen freine énormément les recherches de Kajiya et Ninko. Ces armures noires ont l'air moins solides, ce qui sera un atout précieux pour l'étude des armures. C'est aussi pour cette raison que la réponse pourtant optimiste du chevalier noir le déçoit autant. "On en trouve presque une par an !" "C'était prévisible.", lâche nonchalamment Sylvan, autour duquel se sont rassemblées les trois jeunes garçons. "Prévisible ? - Oui. Ce clan n'a qu'une influence réduite sur cette île, et je doute que Jozan lui-même vous soit bien utile quand il reprendra ses esprits." Kyô jette un coup d'oeil en direction du seigneur noir autour duquel gravite un couple de ses sujets. Il fronce les sourcils et dans sa voix parait une pointe d'énervement. "Mais dans ce cas pourquoi diable nous as-tu amené ici ? - Ce n'était pas ma première idée, mais l'intervention de Conan m'a décidé à venir ici. - Génial !", s'exclame Kinô. "Quelle était donc cette première idée ? - Je voulais vous faire rencontrer quelqu'un. La personne la plus apte à répondre à votre question. Mais ce n'est finalement pas une bonne alternative. - Oh ...", soupire Kinô, déçu. "Et pourquoi pas ?", s'interroge Ashita. "Disons que ce n'est pas une personne fréquentable, bien qu'il soit incontournable sur cette île. Il se nomme Jango et est à la tête d'un groupe de chevalier noir sensiblement au-dessus de la moyenne sur le plan de la force physique. Par son charisme et son intimidation, il a convaincu plusieurs seigneurs noirs de forces plus limitées de se rattacher à son clan. Jozan en est un parfait exemple. Cette situation convient à tout le monde : Jango n'a aucune exigence particulière, tout ce qu'il veut c'est être reconnu comme étant le maître de cette île. - Ce mégalomane est-il si fort ? - Je ... Je ne sais pas, mais il a à sa solde un grand nombre de chevaliers noirs. Il est très violent, il ne vous aidera pas. N'imaginez pas que vous êtes les plus forts sur cette île, Nebin et Jozan ne sont pas des guerriers dangereux. - Que veux-tu dire ...?" Son regard dans le lointain, les mots de l'Hydre noire deviennent graves. "De tous les seigneurs noirs, on en compte quatre que Jango n'est pas parvenu à soumettre. - Quatre ? - Quatre. Ils sont sans conteste les chevaliers noirs les plus puissants, même moi je ne m'aventurerais pas à les provoquer. Très indépendant, ils sont difficiles à cerner, même pour moi." Ces derniers mots semblent beaucoup intriguer Kinô, mais il ne dit mot. "En fait, ils sont les seuls véritables seigneurs noirs. On utilise encore ce terme pour les chevaliers à la tête d'un clan tels que Jozan, mais c'est un peu un abus de langage : sur un seul mot de Jango, il perdrait l'autorité sur tous ses hommes. Celui qui nous intéresse est le Dragon noir. Il a la réputation de n'avoir jamais été vaincu au combat, du fait de sa grande force. Mais selon certaines rumeurs, il ne serait pas le seul Dragon Noir de cette île, ce qui peut vouloir dire deux choses : soit sa puissance n'est qu'une légende, soit il est capable de tolérer une telle offense à son autorité. Dans les deux cas, la situation vous sera favorable. D'autre part, il n'est un peu moins violent que Jozan, il se pourrait même qu'il ne vous attaque pas d'entrée. - Euh ... Que pourra-t-il pour nous ? - Je l'ignore, mais avec beaucoup de la chance, il vous mènera à Jango. - Eh !" Kinô s'exclame. "Je croyais qu'il ne fallait pas aller le voir ! - Avec le soutient du Dragon noir, il n'y a rien à craindre de Jango, jamais il ne prendra le risque de voir les seigneurs noirs se soulever, il sait ne pas être de taille. Ainsi sont les choses sur l'île de la Reine morte : des micro-sociétés qui choisissent de s'ignorer plutôt que de se faire la guerre. Toujours est-il qu'avec un seigneur noir à vos côtés, Jango sera au moins aussi coopératif que Jozan." Mais Kinô s'inquiète. "Est-ce vraiment une comparaison à faire ..?" Trois chevaliers d'acier, à nouveau seuls, arpentent la côte du volcan de l'île de la Reine Morte. Sylvan, depuis moins d'une journée, leur servait de guide, et les avait menés auprès de Jozan, et de ceux de son clan. L'infructueuse rencontre n'est pourtant qu'un nouveau point de départ pour les membres du programme Kido, bien que le chevalier noir de l'Hydre n'ai pas jugé bon de les accompagner. Il est des endroits où certaines personnes y gagnent à ne pas traîner, de plus il a à parler avec Jozan, d'un sujet qui mettra en péril la patience du seigneur noir. Peut-être la discussion se terminera dans le sang, mais cela n'est plus la préoccupation de Kyô, de Kinô ou même d'Ashita. Ces trois derniers se déplacent lentement, préférant la marche sereine à l'éreintante course. 'Chevaliers inconnus ...' "Comment ? - Qui a-t-il, Kinô ? - Ashita ? Tu n'as pas entendu comme une voix ? - Ma fois non. Que disait-elle ? - Elle disait ..." "Chevaliers inconnus !", rugit une voix. "C'est cela !", s'exclame Kinô. "C'est la même voix !" Mais les propos de cet homme glace le sang des trois garçons ... "Chevaliers inconnus ! Je suis Sergueï, seigneur noir du Dragon et maître de ces terres. J'ai entendu dire que vous étiez forts. Peut-être n'est-ce qu'une rumeur, peut-être est-ce vrai, c'est pourquoi, jusqu'à votre victoire, jusqu'à votre mort, je serais votre adversaire." |