Deuxième Age Chapitre 10 : Vie et Mort


Malheureusement, les circonstances ont fait que le plan initial n'a pu être envisagé. Son caractère simple et expéditif avait de quoi plaire, mais il faut se faire une raison.
J'imagine d'ici la tête de ces hypocrites de chevaliers au commencement de la première phase de notre nouvelle stratégie. Ceux qui survivront nous sous-estimerons, nous croyant stupides au point de faire preuve d'une pareille témérité dénuée de bon sens.
Les fous, s'ils savaient ...



Quelqu'un, quelque part ...


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Et les chevaliers d'acier regardent. Ils écoutent. Le brouhaha s'est tu. Les chevaliers noirs n'ont plus de voix. Ils n'ont qu'un seul regard. Tous fixent avec crainte les trois mystérieux chevaliers inconnus, venus de nulle part ébranler l'ordre des chevaliers couleur d'ébène de leur présence.
- Ils ont peur de nous, dit Kyô avec une manifeste angoisse dans la voix.
- Et ils n'ont plus de maîtres, analyse Kinô. Ce qui veut dire que ...
Sur l'Île de la Reine Morte, la loi du plus fort a sacré bon nombre de seigneurs noirs, et en ce jour à la chaleur écrasante, tous avaient cela en tête. Par diverses actions d'éclats, Kyô, Kinô et Ashita, bien qu'arrivés dans des intentions pacifiques, ont prouvé leur supériorité militaire sur les chevaliers noirs. Qu'un de ceux-ci soit capable d'égaler leurs forces, ce n'est à présent qu'une hypothèse peu probable que nul ne s'aventura à émettre. Les seuls à avoir la trempe de dominer cette horde de criminelle gisent, inconscients, au fond d'une grotte, et leur survie dépend, une fois de plus, des chevaliers d'acier.
Quelque chose de définitif vient de se produire.


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- Et ensuite ? Que s'est-il passé ?
Allons bon, tous autant qu'ils sont, ils me regardent à présent. Je croise chacun de leurs regards, et y lit tantôt de l'irritation, tantôt de la surprise, tantôt de l'indifférence. Il est vrai que cela fait une heure que nous sommes ici, et à peu prés autant que je n'ai pas ouvert la bouche, mais si une simple question anodine attire autant l'attention, et compte tenu des "précédents", je me demande vraiment ce que je fais ici. Je m'étais pourtant bien décidé à boycotter ce satané ... comment disent-ils déjà ? Conseil de la Table Ronde ? Mais bon, je ne suis pas si fort. Quand Mlle Kido s'est approchée de moi pour me demander de venir, je jubilais déjà à l'idée de la remarque cinglante que j'allais lui lancer pour justifier mon absence. J'avais calculé avec soin l'aigreur et l'ironie de ma réplique afin de percer cette carapace de glace qu'est Saori Kido, et mettait beaucoup d'espoir dans le fait de la mettre mal à l'aise ou simplement de la prendre au dépourvu. Comme il aurait été agréable de la voir faire volte-face et repartir du même pas sans insister !! Mais non, quand cela s'est produit, ma tirade est restée coincée dans ma gorge.
- J'ai conscience d'avoir été désagréable la dernière fois, mais pourriez-vous me pardonner et me faire le plaisir de venir au Conseil cet après-midi ?
C'est ce qu'elle a dit, mot pour mot, et nom de dieu qu'elle était mignonne ! Avec son air juvénile et ses allures de vierge, elle m'a d'un coup fait réaliser que jamais de ma vie je n'avais rencontré telle pureté apparente chez une jeune fille !
- Cela fait exactement une semaine que Kyô et les autres sont revenus de l'Ile de la Reine Morte, et il est plus que temps de nous réunir. Je préfère être honnête, Yûchi. En tant que chef de la sécurité du programme Kido, vous n'êtes pas de ceux qui seront là à chaque réunion, aussi je vous prierais d'accepter comme excuse d'être invité exceptionnellement à celle-ci. Je ne peux évidemment pas vous promettre de toujours vous donner raison, mais je ferais le maximum pour que vos remarques soient entendus par les autres ... et par moi-même.
Je suis alors resté ébahi, et avant que le moindre son ai pu être joué par mes cordes vocales, l'héritière d'un des plus grands empires du monde m'avait souri, avait interprété mon silence comme une acceptation prise à contre-coeur, et s'en était allée avec quelques mots de remerciements qui s'étaient envolés comme une mélodie.
Et donc me voilà à ruminer des humeurs maussades, assis à cette damnée table ronde, à écouter les élucubrations d'un gamin qui pourrait presque être mon fils. Enfin ... je suppose que je ne doit pas trouver cela si ennuyeux, parce qu'autrement je ne l'aurais pas pressé à poursuivre son récit, et tout le monde ne me regarderait pas avec des yeux de chouettes comme si j'étais une curiosité. Je commence à me demander si cette ensorceleuse de Saori Kido ne leur a pas demandé à tous d'écouter attentivement tout ce que je pourrais dire, et ce afin de flatter mon égo. Ce serait bien son genre, ça, tiens. Maudite héritière, elle m'aura bien eu, sur ce coup-là.


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- Sylvan, Jango, et les principaux seigneurs noirs défaits, les chevaliers noirs se retrouvaient à peu de choses prés privés de leurs chef, poursuit le jeune chevalier d'acier que tout le monde appelle Kinô. Leurs regards à tous se sont alors tournés vers nous. Diverses émotions les traversaient, mais ils semblaient manifestement, ainsi livrés à eux-mêmes, complètement perdus, et en nous jaugeant de la sorte c'est comme s'ils s'attendaient à ce qu'on annonce notre intention de reprendre le flambeau. Imaginez cela, le programme Kido régnant sur l'Ile de la Reine Morte ! L'idée m'a traversé l'esprit que tous ces guerriers pourraient aider le Programme, mais alors j'ai repensé au Gardien et me suis dit que c'était peine perdue. De plus, ils n'avaient probablement pas grand chose à nous apprendre, et heureusement d'ailleurs car vu leur nombre, ils n'auraient faits qu'une bouchée de nous. Non, d'un seul coup, cette responsabilité de reprendre les choses en main, qu'ils nous jetaient sur les épaules, me paraissaient être un véritable fardeaux, et je me sentais déjà mal à l'aise.
Le chevalier d'acier laisse passer une seconde, puis ...
- C'est alors qu'il s'est relevé.
Comme pour créer un suspens dramatique dont je cerne mal l'intérêt, le chevalier d'acier marque une pause, et toise du regard une assemblée pendue à ses lèvres. Je n'ai jamais vraiment compris si ce "Kinô" – comme il aime qu'on l'appelle – est un sombre crétin ou un génie illuminé. Ses attitudes infantiles me semblent en général parfaitement déplacée, même si parfois il fait preuve d'un grand sérieux. Les deux autres ne valent pas beaucoup mieux. Kyô, celui qui lance des boules de feux à la face des colosses, et plus irréfléchi, impulsif et téméraire qu'il n'est humainement possible de l'être. Face au chevalier sacré Cassios, il s'en est bien sorti, mais cette assurance, basée sur rien, qu'il avait ne me présage rien de bon. Quand au troisième, le chirurgien, je me demande vraiment à quoi il pense derrière ce masque imperturbable. Il s'offre en plus le luxe de ne pas se présenter au "Conseil", ce qui est tout de même un comble dans la mesure où il est un des plus directement concerné par cette histoire. Ses camarades semblaient bien gênés quand Mlle Kido s'est inquiétée de son absence. Ils ont prétendu qu'il ne se sentait pas bien, mais on ne m'enlèvera pas de la tête qu'il y a quelque chose de louche là-dessous. Cela a sûrement un lien avec ce qui s'est passé sur cette satané île, mais dans ce cas j'aimerais comprendre pourquoi il y a tant de cachotteries dans l'air.
- Sylvan s'est relevé, reprend celui qu'ils appellent Kyô sans que son camarade ne sourcille. Tous le prenaient pour mort, et il ne valait pas beaucoup mieux qu'un cadavre, il est vrai, mais il s'est bel et bien mis debout. Ça a complètement changé la donne, et dans la minute qui suivait tous les chevaliers noirs semblaient d'accord pour faire du chevalier de l'Hydre le nouveau maître de l'île de la Reine Morte, le nouveau seigneur de tous les chevaliers noirs. Un seul d'entre eux s'opposait encore au "sacre" de Sylvan ...
- Sylvan lui-même ! enchaîne promptement Kinô. Loin d'aimer l'idée d'en arriver là – il y serait sans doute déjà depuis des années s'il l'avait voulu – Sylvan a solennellement annoncé qu'il n'était pas question que l'Ile soit unie sous son nom. Il ne l'a pas dit, mais j'ai compris qu'il y avait en fait deux choses qu'il voulait éviter à tout prix. La première était que l'Ile soit unifiée. La deuxième était que cette responsabilité lui échoit. Je lui ai alors fait remarqué qu'en tirant les ficelles du pouvoirs dans l'ombre depuis plus d'une décennie, il était indirectement déjà le maître de l'Ile depuis bien longtemps. Il a médité sur cela plusieurs minutes sans rien dire – il régnait un silence assourdissant ! - et il a finalement déclaré qu'il acceptait d'en arriver là provisoirement. Une sorte d'intérim, quoi, bien qu'il ignore sans doute le sens de ce mot.
Arrivé à ce stade du récit, le père Jacob, vieux lunatique barbu, s'autorise une question modeste.
- Si j'ai bien compris, reprend le vieil homme, ce Sylvan avait découvert que rester passif est la défense absolue face au coupable. Pourquoi dans ce cas ne voulait-il pas unir l'Ile sous son pouvoir ? N'aurait-ce pas été le meilleur moyen de s'assurer qu'aucune action suicidaire ne soit tentée ?
- Pour ne pas être tenté lui-même, peut-être ? lui répond alors Kinô d'un air incertain. Plus sérieusement, il est dans sa nature de ne pas s'impliquer directement. Il est très doué pour jouer profil bas et manipuler les autres, mais pour ce qui est de l'action frontale, Jango lui était bien supérieur. A leur manière, ces deux personnages n'ont cessé de se combattre en utilisant les autres. Mais au final ils n'ont pu échapper à l'affrontement direct. Tout portait à croire que Jango l'emporterait, mais il semble que Sylvan était un plus fin tacticien. Bref ...
- Oui, s'impatiente Mr Ninko, venons-en au fait. Certains ici n'ont pas toute la journée.
Le responsable de la création des armures, Mr Ninko, m'ôte les mots de la bouche. Tant mieux, je n'aurais pas à parler. Ce moustachu est l'exemple type de la personne qui fait son devoir sans se poser de question. Ce que ces scientifiques peuvent m'agacer quand ils s'enthousiasment sur leurs découvertes ! Ne peuvent-ils pas comprendre que je n'en ai rien à faire de cette soi-disant "révolution" dans la conception des armures d'acier ? Est-ce que je leur explique, moi, comment je forme mes hommes à monter la garde ? Je m'occupe de la sécurité, lui des armures d'acier, cela devrait pourtant suffire pour que nous n'ayons rien à nous dire !
- Ah oui, reprend Kinô. Bref, pour la première fois depuis notre arrivée sur l'Ile, la situation était à peu prés stable, et nous avons pu commencer sérieusement notre mission. Sylvan n'est pas du genre à exprimer de la gratitude, mais il avait du calculer qu'il y gagnait à nous aider. Vu qu'il avait les chevaliers noirs sous son autorité, il lui a été facile de rassembler pour nous l'ensemble des informations disponibles sur la fabrication des armures. Cela nous a prit quelques jours de faire le tri entre les rumeurs, les simples opinions et les faits, mais nous avons finalement trouvé quelques vestiges intéressants.
- Ces vestiges, l'interrompt cet illuminé de père Jacob, datent sans doute des temps mythologiques. Il n'est pas exagéré de penser qu'ils sont ceux des fabricants des véritables armures sacrées d'Athéna, autrement dit, de ceux qui ont conçu le Spécimen. Rien de moins. Ces vestiges sont un véritable pont entre cette époque et la notre, et donc une chance énorme pour faire progresser les recherches du programme Kido.
Personne ne dit rien, mais je devine que le père Jacob s'est longuement entretenu avec les gamins. Une semaine après leur retour, chacun des membres du Conseil a eu la possibilité de faire le point avec eux dans les domaines les concernant. Autrement dit, personne ici n'a la moindre chance d'apprendre quoi que ce soit de directement utile.
- En fait, poursuit Kyô, les recherches se sont révélées laborieuses. Nous parlons de vestige, mais nous n'avons guère retrouvé que quelques structures artificielles ici et là au fond des quelques grottes et galeries qui parsèment la surface de l'Ile. Quelques fresques, une poignée de gravures aux symboles étranges presque effacées par l'usure des siècles. Nous ne sommes encore arrivées à aucune conclusion, mais le père Jacob, Mr Kajiya et Mr Adalamar – tous trois ici présents – travaillent à longueur de journée à déchiffrer ces symboles. Ils sont déjà parvenus à quelques hypothèses intéressantes, mais tout reste à faire.
- Comment s'y prennent-ils pour étudier des fresques qui sont restées là-bas ? Si j'ai bien compris la situation, rien n'a été ramené de l'Ile, n'est-ce pas ?
C'est moi qui vient de poser cette question. Ce faisant, je dévisage Mr Adalamar, un personnage que je n'ai jamais fréquenté. On dirait vraiment le cliché du raz de bibliothèque qu'on voit dans les films. Plutôt âgé, le crâne recouvert d'une chevelure grise désordonnée, le visage forgé par des plis lui donnant des allures de bouledogue, le nez en forme de pomme de terre ... Pour ce que j'en sais, c'est encore un de ces experts de la fondation Graad dont je n'ai jamais entendu parler avant. Celui-là se serait illustrés dans divers travaux historiques, et serait en conséquence une sorte d'expert en décryptologie. L'homme de la situation quoi, et en tout cas le seul à cette table à avoir été absent lors du premier conseil. Maintenant que j'y pense, je ne vois pas Mr Hakayashi et Mr Masaku, les représentant de feu le centre Okorimasen, où le chevalier d'Athéna Cassios nous avait attaqué. Avec en plus l'absence du troisième gamin, ce Adalamar a bien du mal à combler à lui seul les chaises vides.
- En effet, lance Mlle Kido qui jusqu'alors avait été aussi bruyante qu'une carpe. Lorsqu'ils ont voulu quitter l'Ile, Kyô, Kinô et Ashita se sont heurtés à un petit problème.
- Euh ... hésite Kinô, on brûle un peu les étapes mais c'est exact. Au moment de partir, nous avions préparé quelques échantillons intéressants à ramener pour étude, mais nous avons été incapables de retrouver la barque avec laquelle nous étions arrivés.
- Où était-elle passée ? Se demande Mr Ninko.
- En fait, nous sommes aujourd'hui presque sûr que le gardien l'a détruite. Je ne pense qu'il ai par là cherché à nous retenir, mais si sa mission était d'empêcher les chevaliers noirs d'entrer et de sortir, il est logique qu'il n'ait pas laissé une embarcation que n'importe qui aurait pu utiliser. Bref, nous avons dû nous débrouiller pour rentrer, et avons donc dû abandonner ce que nous portions.
- Comment cela ? s'interroge alors, surpris, Mr Adalamar, qui enfin arrive à ouvrir la bouche, la surprise l'emportant sur l'intimidation.
- Disons, lance Kyô avec une pointe de fierté tout à fait déplacée, que le plus dur n'était pas de faire dix kilomètres à la nage. Nous avons l'habitude, avec la formation du programme Kidô. Disons qu'avec nos armures d'acier sur les épaules, il aurait été dangereux de se charger plus encore.


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- Et donc, demandé-je, piqué d'une curiosité qui ne me ressemble pas, tout cela ne répond pas à ma question : Comment étudiez-vous des fresques qui se trouvent au milieux du Pacifique ?
- En fait, me répond Kinô en me regardant dans les yeux, ils ne travaillent pas sur les originaux, mais sur des copies manuscrites.
- Des copies manuscrites ? Vous avez pu faire ça là-bas et les ramener ?
- Pas vraiment. En fait, c'est moi qui les ai faite à notre retour.
- Pardon ? m'exclamé-je en me demandant de qui cet avorton espère se moquer.
- Tu as bien entendu. J'ai recopié de mémoire l'ensemble des gravures et illustrations que nous avons découverts.
- De mémoire ?! Qu'est-ce qu'on peut espérer en terme de fiabilité en faisant un travail pareil de ... "mémoire" ?
- Pas d'inquiétude à avoir sur leur exactitude, j'ai tout appris par coeur.
- Le pire, c'est que s'est vrai, se lamente son camarade Kyô, se démarquant de par son attitude des airs ébahis de certains convives ici présent. Kinô est un véritable monstre, il nous a à peine ralentit en faisant cela. Je crois qu'il utilise sa cosmoénergie, ou son armure, ou les deux, je sais pas trop. Kinô ?
- Euh ... Est-ce vraiment important ? Toujours est-il que nous avons au moins rapporté cela de l'Ile de la Reine Morte. C'est bien dommage, d'ailleurs, car nous avons également trouvé un objet très intéressant. Une urne ! Il s'agissait sans aucun doute d'une armure sacrée, celle du Phoenix, selon moi. Nous avons préféré ne pas y toucher, mais de l'extérieur, l'objet était magnifique. Le motif évoquant l'oiseau de feu était de toute beauté. Elle n'était pas couleur or – comme celle du Spécimen – mais d'une couleur grisâtre plus proche de celle de la pierre. Ce n'était sans doute pas une armure d'or, et il aurait été très intéressant de pouvoir l'étudier. Quant à savoir si le gardien nous aurait laissé repartir avec, c'est une autre histoire.
Le jeune chevalier d'acier marque une pause, et après un interlude d'une poignée de seconde durant lequel, perdu dans ses pensées, il laisse son assistance pendue à ses lèvres, il termine.
- Voilà en gros ce que nous pouvons dire sur notre séjour sur l'Ile de la Reine Morte.

Quoi, c'est tout ? Est-ce une plaisanterie ? Il ne va pas s'en sortir comme cela, foi de Yûchi.
- Et en ce qui concerne votre camarade, qu'avez-vous à dire ?
Tiens, il tarde à répondre, la question l'a piqué à vif. Curieux, comme il est évident de cerner les faiblesses d'un récit.
- Il s'est passé quelque chose, raconte le jeune Kinô, comme devinant que seule la vérité pouvait ne pas me mettre en colère. Lors de son combat contre Jared, le seigneur noir de Pégase. Inutile de nous demander ce qu'il s'est passé, nous n'en savons rien, et avons jugé opportun de ne pas le questionner à ce sujet. Nous laissons ce soin aux psychologues de la fondation. Toujours est-il qu'il a vécu une expérience traumatisante. Il est resté sans rien dire ou presque pendant des heures, suite à quoi il nous a tenu des propos dénués de sens comme quoi il abandonnait le Programme, qu'il n'utiliserait plus jamais son cosmos, ce genre de chose. Nous avons obtenu qu'il donne des soins élémentaires à Sven et à Sergueï, les deux seigneurs noirs survivants, mais il n'a utilisé que de la médecine traditionnelle, alors que je le sais capable d'un potentiel bien plus grand grâce à son concept. Il est vrai qu'il n'est pas censé utiliser ses "capacités" tant que sa formation n'est pas terminée, mais il s'agissait d'un cas de force majeur, et je pense qu'en temps normal il l'aurait fait.
Je m'emporte.
- Alors voilà les conséquences des décisions du Conseil ! Quelques gribouillis indéchiffrables et une perte humaine !
- Calmez-vous, je vous en prie, me supplie l'héritière, me regardant d'un air abattu.
Cette fois, je ne me laisse pas avoir. Oui, elle est divinement belle. Oui, elle possède un charisme à faire faillir même un moine, lui et tous ses voeux. Je ne me laisse pas submerger par l'irrésistible apparence de l'héritière – mais n'est-ce vraiment que son apparence – mais au moins décidé-je de faire comme elle le dit.
- Excusez-moi, bredouillé-je sur un ton qui ne dupera personne. Me permettez vous, ma demoiselle, de donnez mon opinion sur le sujet ? Voilà ce que je pense. Tout ce que j'ai entendu ici me semble être un autre parfait exemple qui vient reconfirmer ma thèse comme quoi le Sanctuaire est une menace, non seulement pour nous, mais aussi pour l'humanité toute entière.
Personne ne m'interrompt, mais tout le monde me regarde en clignant des yeux. Au moins m'écouteront-ils cette fois.
- Les chevaliers noirs sont condamnés à rester en ce lieu abominable jusqu'à ce que la vie les abatte. Avez-vous vu qui est leur geôlier ? Pour être précis, qui représente le gardien ? Au nom de qui prive-t-il ces hommes de liberté ?
- Où voulez-vous en venir ? s'inquiète l'héritière, pour qui mon intervention doit être la seule chose qu'elle ne connaisse d'avance par coeur depuis l'ouverture de cette session du Conseil.
- Ce que je veux dire, reprend-je sans tarder, c'est que le Sanctuaire équipe ses soldats d'armures invincibles, mais que quand d'autres que lui, parce qu'ils n'embrassent pas ses principes, essaient de faire de même, ils se font coller une étiquette de 'renégats' sur le front, et enfermer dans la pire des prisons. Écraser les minorités, ce n'est pas l'acte d'un dieu, c'est celui d'un dictateur. Je suis convaincu que le Sanctuaire est une menace pour le monde. Le jour viendra où cette armée cherchera à dominer chaque continent !
- Dans ce cas, me répond aussi sec la jeune fille, comment expliquez-vous qu'après plusieurs siècles d'existence cela ne se soit pas déjà produit ?
Satané sorcière, a-t-elle donc réponse à tout ? J'en ai beaucoup fait, il est vrai. J'aurais dû m'y prendre autrement.
- Yûchi n'a pas forcément tord, dit alors Mr Kajiya, que j'ai rarement autant aimé qu'à la présente seconde. Le rôle du Sanctuaire dans cette histoire me paraît violent.
- Oui, répond cet enfariné de père Jacob, mais qu'adviendrait-il si ces armures tombaient en des mains obscures ? Ce sera à coup sûr le chaos. Le Sanctuaire doit juger que la fin justifie les moyens, voilà tout.
Et d'un seul coup, tout le monde se met à parler en même temps. Tous sont avides de dire ce qu'ils pensent du rôle du Sanctuaire sacré d'Athéna sur l'île de la Reine Morte, et celui-ci est jugé tantôt comme un justicier au coeur sec, tantôt comme un tyran. Comprendraient-ils enfin que nous tenons là le 'méchant' de l'histoire ?
- S'il vous plaît, messieurs ! et l'héritière ramène le calme d'une seule parole. Le sujet est intéressant et mérite d'être débattu. Yûchi, merci d'avoir attiré mon attention sur cette hypothèse intrigante, je lui donnerais sa chance le moment venu. J'aimerais à présent que chacun d'entre vous me dise ce qu'il pense qu'il convient de faire au regard de ces nouveaux événements.
Les membres du Conseil sont plutôt bavards. Mr Ninko se dit très intéressé par toute information concernant la nature des armures, et exprime sa frustration quant au maigre résultat de la mission des chevaliers d'acier sur l'Ile. 'Un peu de matériel', lui aurait plu, mais bon, ce n'est pas lui qui a affronté les chevaliers noirs. Mr Kajiya se dit satisfait de ce qu'il a obtenu. Mr Adalamar aurait aimé voir les vestiges en personne, cela serait paraît-il "autre chose" que de simples reproductions papier. On apprend tant de la poussière ! s'exclame-t-il. Le père Jacob se dit très satisfait de toutes ces révélations et approfondir le sujet ne lui apparaît pas comme étant quelque chose d'indispensable. Je met pour ma part une nouvelle fois en garde 'ceux qui décident' du danger qui guettent les acteurs du programme Kido, et évoque les conséquences qu'auraient pu avoir cette mission sur l'Ile. Les chevaliers d'acier estiment avoir appris plus en quelques jours qu'en plusieurs années, mais à présent ils souhaitent faire le point sur cette nouvelle expérience. Ils s'inquiètent pour leur camarade, et souhaitent que rien d'important ne soit entreprit tant que celui-ci ne soit pas de nouveau des leurs.
- Bien, conclu l'héritière après que tout le monde se soit exprimé. Je vais donc changer mes plans et reporter l'action d'une semaine ou deux, suivant l'évolution des travaux et l'état d'Ashita. Les résultats de la mission ont été satisfaisants, mais tout le monde est à peu prés d'accord sur le fait qu'il reste encore beaucoup à faire.
J'entend les gamins chuchoter entre eux.
- Qu'est-ce qu'elle raconte, Kinô ? T'es au courant ?
- Oui, Kyô, elle m'en a touché un mot ce matin, comme quoi elle allait en parlerait au Conseil.
- Quoi donc ? Pourquoi elle m'a rien dit à moi ?
- Ben ... Parce qu'elle te connaît, t'aurais mis la puce à l'oreille de tout le monde et influencé le Conseil.
- Ne me dis pas que ...
- C'est une réalité, Kyô ...


~ 2 ~


- NNNOOOONNNNN !!!!! et dans sa barque, Kyô hurlait au ciel son désarroi. Et pourquoi c'est encore moi qui rame, d'abord ? Bon sang, pourquoi est-ce qu'il faut qu'on y retourne !!!


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La brise calme et tranquille caresse doucement sa peau rêche qu'il a consciencieusement rasée le matin même. Pour sa toilette, il a utilisé avec délicatesse des produits soigneusement choisis afin de rendre son apparence plus soignée. Il a ensuite coiffé lentement ses quelques cheveux, même s'il sait que peu feront attention à ce détail. Il porte de plus des vêtements certes stricts mais néanmoins ouverts à quelques originalités dans le choix des tissus et des coupures.
Il soupire. Même avec toute cette coquetterie, Mr Adalamar reste un homme d'un certain âge qu'une mauvaise fée génétique n'a pas affublé d'attributs bien intéressants. Sa profession lui impose de plus assez souvent le port d'une blouse blanche qui a bien du mal à sortir de l'ordinaire, et si à cela on ajoute une vue des plus médiocre s'il ne prend soin de recouvrir son nez d'une paire de lunettes aux verres épais, il convient d'admettre que, non, Mr Adalamar n'est pas un bel homme.
Cela le perturbe, parfois. Le jour où Mademoiselle Saori Kido l'a accueilli en personne avec un sourire innocent et charmeur, il y a pensé et en a éprouvé de la tristesse.
'Ce n'est pas un complexe', se dit-il parfois, conscient qu'avec l'âge il est des choses qui se perde, tandis que d'autres voient leurs importances réduites. Toutes ces futilités lui paraissent pourtant bien en être aujourd'hui, alors que, sur le pont d'un navire commercial que rien ne distingue des autres, il attend patiemment leur retour.
- J'ai bien du mal à comprendre à quoi joue la fondation Graad, lance-t-il sur un ton inquiet à Mr Kajiya, pour qui les années ont été plus indulgentes, et qui se tient à côté de lui.
- Pourquoi ? lui répond l'intellectuel sans avoir l'air de s'inquiéter. N'as-tu pas compris les tenants et aboutissants du Programme Kido ?
- Je parlais de la situation présente.
Cette fois, l'homme qui s'est rendu célèbre au sein de la petite communauté du Programme Kido pour avoir découvert ce que sont les concepts et comment en tirer parti tarde à répondre.
- Ah oui, ça ... finit-il par avouer sur un ton presque abandonné. Saori m'avait consulté à ce sujet, et j'ai laissé entendre que mon sujet d'étude était pour l'instant assez vaste. Sa décision de retourner sur l'Ile sans délai ma plutôt surpris, mais il est vrai que lors du Conseil il ressortait l'impression que la mission était inachevée.
Mr Adalamar, ignoré des hautes sphères durant toute sa carrière, se sent un peu mal à l'aise d'entendre son interlocuteur parler de l'héritière avec autant de familiarité.
- A-t-on vraiment plus à gagner qu'à perdre dans cette histoire ? demande-t-il sans vraiment savoir si la question a une réponse.
- Sans doute pas, mais le risque a été calculé. Les enfants ont des capacités de récupération assez incroyable. Bien que fourbus, ils étaient sur pied deux jours après leur retour. Il est vrai qu'on leur en fait baver quand ils s'entraînent, mais bon ... Ashita m'inquiète un peu, mais c'est lui-même qui a affirmé qu'il se sentait prêt à repartir. Et comme on avait terminé les quelques réparations nécessaires sur les armures d'acier, il n'y avait plus vraiment de raison de délayer l'action, et nous voilà, une semaine à peine après le Conseil, deux semaine après la fin de la mission initiale, sur un bateau, à attendre que Kyô et les autres reviennent.
- Vous croyez vraiment que ce "gardien" va autoriser notre équipe d'archéologues à débarquer ?
- Honnêtement, non, avoue Mr Kajiya, lançant au même moment un regard insatisfait à son collègue. Dans le meilleur des cas, on pourra lever l'ancre et repartir bredouille.
- Que fait-on ici, alors ?
- Parce que le raisonnement que je viens de tenir, si nous nous y plions, nous échouerons.
La mer d'un bleu infini crache des postillons salés à la face des deux hommes. Le bruit des vagues résonne dans une rumeur évoquant la patience des dieux marins pour la faune qui, aquatique, arpente sans fin les sept mers.
Mr Kajiya jette un coup d'oeil inquiet à sa modeste montre.
- Ils foulent à l'instant même le sol de l'Ile. Ils rencontreront une nouvelle foi le gardien dans une soixantaine de seconde. Que les dieux grecs les protègent.


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- Nous y voilà, lance un Kyô marqué par l'angoisse, et disant cela, le premier, il foulait de son pas le sol rocailleux et chaud de l'île infernale.
Si d'habitude la témérité du chevalier de l'Énergie l'emporte sur sa sagesse, l'angoisse de se retrouver nez à nez avec un homme capable de lui tordre le coup d'un revers du poignet entame aujourd'hui son moral et le pousse à agir avec une prudence déraisonnée.
- Allons, Kyô, tu n'as pas à t'inquiéter, et disant cela, Kinô, le chevalier d'acier de la Machine Informatique, cherche sans doute plus à se rassurer lui-même qu'autre chose. Ashita est avec nous, il nous sauvera la mise si les choses dégénèrent. Pas vrai Ashita ?
- Pardon ?
A présent, les trois adolescents sont à terre, et par une marche maladroite font mine d'aller de l'avant.
- Que dis-tu, Kinô ?, s'agace le chevalier des Sciences Biologiques. Si tu m'imagines capable de mettre à nouveau Guilty à terre, je crains que tu fasses une grossière erreur. Je n'ai moi-même aucune idée de ce qui s'est passé ce fameux jour. Et j'ai bien été clair quand j'ai accepté de prendre part à l'expédition : pas - de - ...
- ... violence, oui, je sais, Ashita, j'ai compris, crois-moi.
Ce que vient de dire son camarade n'est évidemment pas une révélation pour Kinô, mais ça lui aurait plutôt plu qu'Ashita cherche à le rassurer. Ça aurait été un mensonge éhonté, et certes non, le jeune Kinô n'aurait pas été dupe. Mais tout au moins, ça aurait soulagé un peu le fardeau qui à présent l'angoisse et pèse sur ses épaules frèles.
Les trois enfants ne sont pas fiers, loin de là, attendant avec peur, presque impatients d'en finir, le moment d'affronter celui qui pourrait être leur mort à tous si telle était son bon vouloir. Ils se souviennent de leur première rencontre avec ce personnage effrayant. La façon dont il s'était moqué de leur soi-disant grotesque furtivité alors qu'ils cherchaient à être discrets. L'efficacité avec laquelle il les avait coup sur coup renvoyé en mer, se jouant de leurs laborieuses et inefficaces tentatives de le contourner. La puissance qu'il avait exprimé alors que, les menaçant de mort, il avait contre toute attente mordu la poussière.
'C'était un coup de chance', se dit Ashita, essayant de se remémorer comment il en était venu à porter un coup fatal à son adversaire. 'Il m'avait roué de coup, tout n'était que douleur, et au delà de la douleur, il y avait ...'
- Dites, s'inquiète Kyô. Vous trouvez pas ça étrange qu'il ne soit pas encore là ?
- Peut-être nous ignore-t-il car il nous connaît, et Kinô, dans sa voix, avait bien du mal à dissimuler le probable faux espoir que son hypothèse déguisait.
Dix minutes plus tard, soit neuf minute et demi de plus que prévu, le gardien n'est toujours pas apparu. Il est de nombreuses choses qui sur l'île de la Reine Morte peuvent paraître normale alors qu'elles ne le seraient pas en un autre lieu, mais Kinô le devine, celle-ci n'en fait pas partie.
C'est alors qu'ils le trouve ...

- Qu'est-ce donc que cela ? Ça ressemble à ...
- Quoi ? C'est impossible, ce ne peut pas être ...!!
- Ceci ? Ce serait lourd de conséquence si cela devait effectivement être ...


~~~~~


Immobile au milieu de l'océan, le bateau de la fondation Graad, un navire commercial en tout point semblable au Sainte Catherine qui avait il y a quelques semaines mené trois jeunes garçons à la forte destiné sur un lieu bien désagréable, abrite une équipe un peu particulière. Alors qu'en son ventre l'embarcation voit s'agiter des personnes aux compétences hétéroclites - spéléologues, historiens, gardes - sur son pont discutent encore de sujet sérieux deux membres du Programme Kido.
- Dites-moi, Mr Kajiya, quels sont les scénarios envisageables pour la rencontre de vos chevaliers d'acier et de celui que vous nommez "Guilty".
- Un miracle ferait qu'il accepte de nous laisser nous aventurer sur l'île. Elle est peuplée de chevaliers noirs à la force sans limite, mais nous n'aurions grâce à Kyô, Kinô et Ashita pour ainsi dire rien à craindre.
- Un miracle ?
- Un miracle. C'est en tout cas ce que pense le père Jacob ... ainsi que la plupart des membres du Conseil. Le plus probable, c'est qu'il interdise la chose aux chevaliers d'acier, et donc que nous rentrions bredouille. Mais il est évidemment possible aussi que pour une raison que nous ignorerons à jamais il décide de s'en prendre directement à nos messagers.
- Auraient-ils une chance ? Ils l'ont déjà vaincu une fois, non ?
- Diable, non ! Les rapports sont pourtant clair, en cas de nouveau conflit avec le gardien, les chances de succès sont inférieures à 1%, autant dire quasiment nulles !
- Ce gardien est-il si fort ? et la voix de Mr Adalamar semble s'éteindre d'angoisse alors qu'il demande cela.
- Si le gardien est fort ?
Mr Kajiya prend la peine de réfléchir une seconde.
- Je sais de quoi sont capable mes élèves. Si il est moitié aussi dangereux que je l'imagine, toute les armées du monde ne suffiraient pas pour en venir à bout ...


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- Aucun doute, s'exclame Kyô dans un air de panique ! Il s'agit bien du masque de Guilty, celui dont on nous a dit qu'il ne s'en sépare jamais !
Frappés de stupeur, c'est avec bien de la prudence que les chevaliers d'acier sont arrivés à cette conclusion. Incapable de croire l'évidence, ils ont d'abord cru s'être trompés en identifiant l'objet comme étant la figure démoniaque derrière laquelle le gardien se dissimulait à leur première arrivée, deux semaine plus tôt. Mais ils n'avaient jamais vu pareil oeuvre par le passé, et ils doutent que quiconque puisse en posséder un semblable, et pour cette raison ils se sont finalement résolus à admettre qu'il s'agit bien là de l'authentique masque rouge aux allures de diable.
- Attend, Kyô, ne le touche pas ! ordonne Kinô, les sens en alerte et le sang saturé d'adrénaline.
- Et pourquoi pas ?
- J'ai un mauvais pressentiment, n'y touche pas je t'en pris.
C'est plus inquiet qu'agacé que le chevalier de la Machine Informatique voit son camarade ignorer son conseil qui lui paraissait pourtant avisé, et s'emparer de la chose. Et à peine le soulève-t-il, que le Masque se brise ...
Perplexe, l'intrépide Kyô jauge avec soupçons le fragment de l'objet artisanal qu'il tient de ses deux mains adroites. La mâchoire et les crocs de la représentation satanique, il les possède. Quant à la partie supérieure du masque, elle gît, aussi inerte qu'une pierre, à ses pieds.
- Il est ... cassé ?! s'inquiète Kinô, ébahit.
- Il n'y pas que ça, remarque Ashita, ramassant la partie du masque qui avait chutée. Regarde cette marque, il ne fait aucun doute qu'il s'agit de traces de sang.
- Le sang du gardien ? s'inquiète un Kinô palissant.
- Comment veux-tu qu'il le sache ? s'agace Kyô. Il s'est passé quelque chose durant notre absence, nous ferions mieux de nous méfier.
- Attend ...
Un doute soudain semble chasser de l'esprit de Kinô la peur qui jusque là s'emparait de lui.
- Kyô, Ashita, vous ne remarquez rien ?
- De quoi parles-tu, Kinô ?
- Le silence ...
Ashita, intrigué, peine à comprendre où son camarade veut en venir. En l'absence de toute faune, l'île de la Reine Morte n'est jamais le théâtre de beaucoup d'agitation, exception évidemment faite des guerres perpétuelles entre chevaliers noirs. Aussi le fait que rien ne se fasse entendre ne le choque notablement. Il fait part de cette réflexion à Kinô.
- Je ne parle pas de cela, lui répond ce dernier d'un air lui priant d'écouter mieux que cela.
Pris d'un doute, Ashita va jusqu'à fermer les yeux. Ainsi s'écoule une minute, au terme de laquelle il s'est bien convaincu qu'il n'a rien compris à ce que Kinô essaye de lui faire remarquer. Il a déjà ouvert la bouche pour demander une explication au moment où il comprend.
- Je vois, dit Kyô, lui ôtant les mots de la bouche. Les chevaliers noirs, de part leur seule existence, nous imposaient une certaine pression, même si nous ne pouvions pas les voir ni les entendre. Si nous ne ressentons rien à présent, cela signifie ...
- C'est probablement cela, termine Kinô. Les chevaliers noirs ne sont plus ici. Où alors, ils sont tous morts ...


~~~~~


'Se séparer', s'inquiète Ashita. 'Quelle idée étrange, alors qu'il y a peut-être une menace quelque part. Comment Kinô peut-il être aussi sûr de lui qu'il n'y a rien à craindre ? Lui qui est si peureux d'habitude, comment ne pas lui faire confiance ..?'
Parti de son côté, le chevalier des Sciences Biologiques se déplace rapidement, attentif à tout, vers le lieu qu'il se rappelle comme étant le territoire du clan de Tordek, le chevalier noir de l'Ours.
'On aurait peut-être dû prévenir l'équipe d'abord, mais Kinô doit savoir ce qu'il fait.'
Tordek de l'Ours noir était un chef de clan inféodé à Jango. Il était présent au moment où les trois seigneurs noirs les avaient retrouvés, et il avait utilisé une technique étrange pour tous les chasser de là où ils étaient. Une sorte de téléportation, très imprécise, mais qu'il semblait utiliser pour protéger ceux de son clan. Autant dire que si il reste quelque chose de vivant quelque part, c'est sans doute là.
Le coeur d'Ashita se noue, alors qu'il repense aux corps sans vie des chevaliers noirs qu'ils viennent de retrouver. Après avoir découvert le masque de Guilty, Kyô, Kinô et lui ont en effet fait cette découverte funeste, celui de plusieurs corps, tués semblaient-ils par un violent poison.
- Tu crois que ... Sylvan ? s'était inquiété Kinô.
- Non, avait alors avisé Ashita. Il y a des limites à ce que le chevalier noir de l'Hydre a pu apprendre en si peu de temps. Cette technique semble redoutable. La plupart des chevaliers noirs n'ont qu'une seule blessure, à part celui-ci qui en possède deux. Comment Sylvan aurait pu créer un poison aussi violent ? Je ne suis même pas sûr qu'il s'agisse réellement d'une substance nocive. D'autre part, ces blessures ne ressemblent en aucun cas aux griffures qu'infligeait le chevalier de l'Hydre. Elles semblent plutôt causées par quelque chose de fin et pointu.
Kinô n'avait pas fait le difficile pour accepter cette théorie.
- Oui, avait-il dit. Et puis ce n'est pas du tout son genre. Et ça n'expliquerait pas la disparition du gardien.
Maintenant qu'il y pense, Ashita se dit que si les chevaliers noirs s'étaient tous entre-tués, ou si lui-même les avaient tous massacrés, le gardien n'aurait rien eu de plus à garder, et peut-être alors serait-il parti.
'Du sang sur son masque ...'
Non, décidément, cette idée laisse trop de question sans réponse pour qu'on puisse y apporter du crédit. Quant au clan de Tordek, il est déraisonnablement vide. La présence de nombreux corps aurait été plus logique, mais à moins que quelqu'un soit revenu les chercher et les emmener ailleurs, il faut bien reconnaître qu'il n'y a aucune trace de combat ici.
'C'est étrange ...'
Mais il n'a pas de temps à perdre. Il lui faut retrouver ses compagnons.


~~~~~


- Je trouve cela inquiétant, conclut Ashita après avoir raconté sa découverte à ses deux compagnons. S'il s'est définitivement passé quelque chose de sombre sur cette île durant notre absence, je serais bien gêné de devoir deviner quoi.
Les trois chevaliers d'acier ne s'étaient guère séparés qu'un petit quart d'heure, et pourtant leur sang est à présent saturé d'une angoisse sourde. Ils s'étaient divisés pour gagner du temps, comme l'avait souhaité Kinô car, selon lui, et bien que les événements qui ont commis tout ce désordre datent peut-être de plusieurs jours, il n'y a pas une minute à perdre.
- Kyô, interroge Kinô, qu'as-tu découvert ?
- Je suis allé comme tu me l'as suggéré là où vivait Jango. Tu pensais que s'il devait y avoir des chevaliers noirs quelque part ce serait là. Et bien tu avais raison, sauf qu'ils sont tous morts ! Et ce n'est pas tout, parmi les corps sans vie j'ai découvert celui du chevalier noir de l'Hydre !
- Mon dieu ...
C'est un autre espoir de Kinô qui s'envole. Sylvan de l'Hydre noir a toujours vécu en jouant profil bas, aussi il pensait que s'il devait rester un survivant au carnage, ce serait lui, et qu'il n'y aurait qu'à le trouver pour comprendre quelque chose à la situation. Mais si même Sylvan est tombé, cela ne présage rien de bon, et pose d'autres questions encore.
- Il faut donc croire que tout le monde est mort.
- Que dis-tu, Kinô ! s'emporte Ashita. Tu veux dire que ...
- Calme-toi, Ashita. Je suis comme prévu allé voir la grotte où reposaient Sven et Sergueï. Je n'ai pas retrouvé leur corps, pour la raison simple que la dite grotte était effondrée !
- Ce n'est pas vrai ... et Ashita se lamente presque.
- Cela ne veut toutefois pas dire qu'ils sont morts. Ils ont très bien pu reprendre connaissance avant l'effondrement et s'en être sortis. Ce qui m'inquiète le plus, c'est qu'il semblerait que la totalité des grottes et crevasses de l'île soient détruites.
Interdit, Kyô met un certain temps à réagir.
- Et qu'est-ce qui te fait croire cela ?
- La galerie du clan de Jozan est en miette, elle aussi. Je suis allé vérifié cela pour confirmer ma théorie. On dirait qu'une sorte de tremblement de terre a tout fait s'écrouler sur cette île. Regardez un peu la forme des rochers autour de nous, ne remarquez-vous rien de curieux ?
Kyô, perplexe, n'avait pas du tout fait attention à cela. Après tout, il n'est resté que quelques jours sur l'île, et alors il avait mieux à faire que d'observer la géologie des lieux. Qu'une pierre se tienne droite ou penchée, elle reste une pierre, et le restera pour toujours. La roche autour de lui en est de même. C'est aussi parce qu'il est convaincu de cela qu'il est à ce point stupéfait par sa découverte ...
- Regardez, cette pierre !
Le rocher qu'il désigne est aussi grand que lui. La lézarde qui semble le couper en deux semble fraîche.
Pris d'une inspiration soudaine, Kyô, intrépide et vaillant, prend un mètre d'élan, et frappe le roc de son poing ...
... fracassant celui-ci en petit morceaux, le réduisant presque à l'état de poussière ...

- A supposer qu'il y a eu un tremblement de terre, lance Ashita sur un air de plus en plus précipité, rien n'exclut qu'il n'y ait des survivants ensevelis dans les décombres. C'est notre meilleure chance !
- C'est à ça que je pense depuis le début ! le reprend Kinô. Il faut nous presser, dieu sait si nous ne pouvons sauver quelqu'un !
- Comment faire ? s'inquiète Kyô. Nous pourrions passer des jours à dégager une seule grotte, comment savoir où chercher ?
Et les trois chevaliers d'acier se regardent. Mais alors qu'un sentiment d'impuissance aurait pu les ébranler, sur chacune de leurs lèvres, naît la lueur d'espoir d'un sourire diffus ...


~ 3 ~


Mon maître est grand. Mon maître est fort. Vraiment fort. D'un doigt, hier, il a réduit un rocher en poussière, poussière qu'il a dispersé rien qu'avec le déplacement d'air provoqué par un simple mouvement de la paume de sa main. Il m'a expliqué que telle était la force des chevaliers sacré d'Athéna, et qu'elle serait mienne un jour. Même pour moi, qui ai commencé l'entraînement si tard dans ma vie. Comme j'ai hâte !
Mon maître n'a rien à prouver. Il ne cherche qu'à m'apprendre la Force, mais en dehors de cela il insiste pour être mon égal, partageant ma table un jour, une confidence le suivant. L'autre jour, je l'ai surpris en train de faire la sieste dans un hamac à l'ombre des arbres, près de là où nous vivons. Mon maître à su rester modeste malgré son statut, et vivre simplement est quelque chose à quoi il aspire, même si sa fonction doit sans doute lui imposer parfois quelques protocoles un peu stricts. Toujours est-il qu'il avait dû trouver le soleil brésilien chaud à son goût, et qu'il s'était assoupi. Je me suis glissé jusqu'à son côté, et ai contemplé son visage assoupi. Cette sérénité, presque teinté d'innocence, on aurait dit un enfant ! De plus, j'étais fier de l'avoir pris en défaut, à lui qui me répétait sans cesse qu'il me fallait toujours rester sur ses gardes. J'allais lui faire la remarque, l'aprés-midi même, mais n'en eu pas le temps.
- Et alors, Elnath ? m'a-t-il alors lancé, au moment même où nous nous retrouvions. Tu crois pouvoir fanfaronner ?
- Mais ... balbutiais-je, comprenant qu'il lisait dans mes pensées. Vous ne dormiez pas ?
Il a, alors, éclaté de rire.
- Bien sûr que si ! Ha ha ha ! Tu t'imagines que les chevaliers d'or ne dorment pas ? Ou bien qu'ils sont sans défense durant leur sommeil ? Ha ha ha, tu dois encore beaucoup progresser, Elnath.
L'entraînement de la journée s'est poursuivi sous un soleil de plomb, et à chaque instant, mon maître raillait à mon sujet, se riant de moi. Évidemment, il ne faisait que me taquiner, mais même ainsi, une profonde frustration et un agacement certain s'emparaient de moi.
J'ai frôlé ma revanche quelques semaines plus tard. La situation était en tout point identique. Lui dormant à poing fermé dans un hamac de large envergure, moi m'approchant à pas de chat. Sans le faire exploser, j'ai alors étendu ma cosmoénergie et ai concentré ma force dans la paume de ma main. Puis, j'ai abattu ma main sur sa gorge. Il n'a pas bougé. Il n'a pas sourcillé. Oh, évidemment, j'ai retenu mon coup au dernier moment, mais à ce moment j'ai réellement eu la vie de mon maître entre mes mains. Elle n'était qu'à un centimètre du tranchant de ma main.
C'est du moins ce que je croyais.
Dans le doute, j'avais prévu de ne rien dire. De ne pas me vanter de mon exploit. De nouvelles moqueries n'étaient pas ce dont j'avais besoin, fier comme je le suis. Je m'étais presque fait à l'idée que j'avais réellement accomplit quelque chose jusqu'à ce fameux jour, quelques semaines plus tard, où lors d'un combat contre lui, j'ai hissé mon cosmos à un niveau inédit.
- Félicitations ! m'a lancé mon maître. C'est bien mieux que la dernière fois.
Je lui ai demandé à quoi il faisait allusion. J'ai failli tombé à la renverse quand il m'a répondu.
- Bah, quand tu as fais mine de vouloir me couper la tête, l'autre jour.
- Que dite-vous, seigneur Aldébaran ?! Vous ...
- Ha ha ha ! et il riait de plus belle. Les chevaliers d'or seraient tous morts depuis belle lurette si il était possible de les tuer de la sorte !
- Mais ... si j'avais porté mon coup ...
- Mais tu ne l'as pas fait.
- Vous seriez mort si je l'avais fait !!
- Ben voyons, tu dois encore beaucoup travailler. Alors seulement tu auras une chance contre un véritable chevalier sacré.
Je n'en su pas plus ce jour-là. Je n'ai guère compris que longtemps après. Alors qu'il me donnait une sincère félicitations pour avoir réussir à frapper son armure d'or du taureau. Je lui ai alors directement posé la question.
- Que ce serait-il passé, si j'avais porté mon coup, ce fameux jour.
Il m'a regardé, surpris, et c'est là que j'ai su qu'il avait du respect pour ce que j'avais accompli, car il m'a répondu.
- J'aurais esquivé. J'avais encore tout le temps, tu sais.


Mon maître est fort. J'ignore pourquoi il m'a enfermé dans cette bâtisse en pierre qui nous sert pour nous reposer la nuit. J'entend des bruits de combat, dehors. Je pourrais briser le mur et rejoindre mon maître, mais c'est inutile. Avec mon aide, il ne vaut guère mieux que quand il est seul.


~~~~~


- GRAND AXE CRUSHER !!
- Quoi !!

Des gerbes d'étincelles illuminent presque le visage du chevalier d'or au moment où son adversaire lui frappe le bras. La précieuse armure d'or parvient de justesse à amortir le choc, sauvant la vie de son glorieux propriétaire.

- Quelle est cette folie, ton attaque a ébréchée mon armure d'or !
- Hé hé hé, tu vois Aldébaran, que tu as tord de ne pas me prendre au sérieux.

Le chevalier du Taureau remue de sombre pensées. Ce n'est pas tant le fait d'avoir un adversaire coriace et prés à en découdre en face de lui qui l'inquiète. Il est en effet peu réaliste d'imaginer qu'il possède une quelconque chance de vaincre face au protecteur de la deuxième maison gardienne de la chambre d'Athéna. Mais le fait est que cela soulève de nombreuse questions. Qui est-il ? A qui obéit-il ?
Pourquoi s'en prendre à lui alors qu'il se trouve si loin du Sanctuaire ?
Aldébaran peste. Il aimerait poser ces questions, mais il doute obtenir des réponses aussi simplement, d'autant plus si cet être étrange, vêtu de cette curieuse armure qui ne ressemble en rien aux armures sacrées, et dont il peine à percevoir le visage, possède une puissance pareille.
'Tant pis', se résout-il. 'Vivant, je résoudrais toutes ces énigmes plus tard.'

- GREAT HORN !!
Jetant les paumes de ses mains en avant, le chevalier d'or ébranle le sol au moment où, de toute sa puissance, il frappe son adversaire, le projetant vers une altitude improbable.

- C'est tout ? se demande, avec un curieux sincère, le chevalier d'or. Cet être n'était finalement pas si fort. Même Bian de l'Hippocampe avait réchappé à cette attaque.
- Fu fu fu ...
C'est alors qu'un petit rire diffus ébranle la confiance du chevalier d'or.
- Qui va là ?
- L'impact violent de ton attaque, lui répond une voix sournoise, il aurait sans doute réduit en poussière ton adversaire - armure ou pas armure - si celui-ci n'avait eu la présence d'esprit d'accompagner le coup d'un saut. Un grand saut, oui, qui atténue la force de l'attaque, fu fu fu ... Ton adversaire, il reviendra, dans bien peu de temps, crois-moi. Mais en attendant ...
Le chevalier du Taureau, fier dans son armure d'or, fronce les sourcils. Il n'a pour ainsi dire jamais eu l'expérience de se sentir directement menacé, et il y a une seconde encore il doutait jamais devoir envisager s'inquiéter pour son sort. C'est pourquoi il ressent comme un pincement au coeur, voyant plusieurs silhouettes révéler leurs présences autour de lui. Tantôt surgissant d'une ombre, tantôt apparaissant dans son dos, toutes son vêtues d'étranges armures aux allures de créatures d'un autre monde.
'Combien diable sont-ils ?' s'inquiète le pourtant invincible gardien de la deuxième maison du Sanctuaire. 'Si ils ont tous le niveau de celui qui m'a frappé, ils pourraient même arriver à me vaincre. Et moi qui suit si loin du Sanctuaire, malédiction !'


~~~~~


Au-delà des océans, très loin du Brésil, si loin que même un homme valeureux - fut-il Aldébaran du Taureau - ne pourrait se douter que quelque chose est en train de se produire, un violent combat fait rage.
Des coups sont échangés, violents, meurtrissant le sol sec. De partout, d'innombrable cris, qu'ils soient de batailles ou de douleurs, résonnent comme si la guerre apocalyptique ébranlaient les lieux. Et voilà que, blessée, June, chevalier de bronze du Caméléon, pousse un cri en mordant la poussière.
- Mais bon sang, qui êtes-vous ? lance-t-elle a son agresseur en réalisant qu'elle ne pourra plus se relever.
- Qui nous sommes ? lui répond un homme vêtu d'une étrange armure. Pfff ... Quelle différence cela peut-il faire, à présent ?
Le personnage mystérieux ruisselle de sueur, et poursuit.
- Vous autres de l'île d'Andromède avez été coriaces, mais c'est terminé, maintenant.
- Terminé ? et June sent sa conscience vaciller. Vous ne vaincrez pas notre maître si facilement : il est le meilleur d'entre nous.
- Daidalos de Céphée ? Il tombera sûrement d'ici une minute ou deux. Pour être honnête, je ne suis pas sûr qu'il ait jamais eu une chance.
June jette un regard presque éteint autour d'elle. Certains de ses compagnons semblent à l'agonie, mais la plupart sont tout simplement mort. Daidalos et elle étaient les derniers. La jeune fille sent le désespoir la gagner. Après toutes ces années d'entraînement, elle s'était cru forte. Son sacre de chevalier de Bronze l'avait même convaincu qu'elle était une vaillante guerrière. Dans ces conditions, comment aurait-elle pu imaginer qu'elle serait vaincue sur le lieu-même de sa formation, en compagnie de son maître qui lui avait toujours paru invincible ?
Mais ils étaient trop nombreux. Beaucoup trop nombreux. Et forts. Ils étaient presque une dizaine à les avoir attaqués complètement par surprise, une poignée de minute plus tôt. Sans sommation, sans un mot d'explication, sans même s'être présentés, ils avaient déclenchés une véritable guerre sur l'île d'Andromède. Et eux, serviteurs du Sanctuaire, n'étaient tout simplement pas prêt à pareille rencontre. Daidalos lui-même s'était fait emmenés dans un combat violent par deux de ces ennemis étranges, laissant ses disciples en infériorité numérique.
Et voilà le résultat. June entend vaguement un cri de douleur d'une voix qu'elle identifie comme étant celle de son maître. Et sa conscience s'éteint.


~~~~~


- Il n'y en a pas d'autre ? demande une voix aiguë désagréable.
- Tous morts, il semblerait. A moins que certains se cachent.
Une poignée d'êtres étranges aux armures curieuses, du sang sur les mains, se félicitent de l'accomplissement de leur mission sordide. De leurs pieds, ils foulent le sol des Rocheuses, les fières montagnes canadiennes. Un touriste n'aurait rien remarqué, mais c'est bel et bien ici que certains chevaliers de bronze ont reçu leurs armures étincelantes. A présent, les cadavres chauds des protecteurs d'Athéna souillent le sol.
- Ces chevaliers là n'étaient pas vraiment forts. Tant pis pour eux. Quoi qu'il en soit, nous ferions mieux d'aller voir notre maître et de faire notre rapport. Je crois qu'on peut dire que la mission est un succès.
Et sans dire un mot de plus, les êtres étranges aux armures curieuses disparaissent.


~ 4 ~


- Frappe ici très précisément, perpendiculairement, et disant cela, Kinô désignait un point sur le sol.
- Tu es sûr, Kinô ? Je m'en voudrais de provoquer un éboulement.
- C'est notre meilleur chance, l'encourage Ashita d'un air rassurant. Le temps joue contre nous, jamais nous n'aurons le temps de creuser en prenant toutes les précautions. Va !
Finalement, le chevalier de l'Énergie a aussi un rôle à jouer dans cette opération de sauvetage. Qu'il y ait des survivants sur cette île après le cataclysme qui semble s'y être déroulé était loin d'être évident, pourtant, les trois chevaliers d'acier sont bien décidés à aller jusqu'au bout dans l'espoir que cette hypothèse soit vraie.
- Si il en est que nous pouvons aider, avait lancé Ashita plus tôt dans la journée, il doivent être prisonniers d'une de ces grottes en ruine. Les autres auront pu chercher de l'aide sur l'archipel.
Le problème était de savoir où se trouvaient les cavités en question. Bien qu'ayant arpenté sa surface durant quelques jours, les chevaliers d'acier étaient bien incapables de savoir les localiser avec précision. C'est là qu'est intervenu Kinô.
- Le Programme Kidô, a-t-il alors lancé. Il va enfin nous permettre d'agir comme il était initialement prévu.
Et sans dire un mot de plus, il avait étendu sa cosmoénergie autour de lui. Kyô et Ashita l'avait laissé faire sans poser de question, et ils n'étaient même pas surpris quand au bout d'une poignée de minute, Kinô a dit d'une voix grave :
- A 500 mètres à l'ouest d'ici, une grotte en ruine.
Les trois se sont ainsi dirigé par là, pour trouver rapidement ce qu'avait prédit le chevalier de la Machine Informatique. Et c'est le sourire aux lèvres qu'alors Ashita a posé sa main sur un des éboulis, et avait à son tour étendu son cosmos précieux. Suite à quoi il avait fait un signe négatif de la tête, encourageant Kinô a agir à nouveau.
- 300 mètres au Nord-Est.
Et les chevaliers d'acier y sont allé en courant.
C'est au bout d'une heure qu'Ashita s'est exclamé.
- Ici ! a-t-il lancé. Je sens des formes de vies sous le sol.
Ce à quoi Kyô s'était permi de douter.
- De quoi tu parles, Ashita, c'est juste le sol ! Y a même pas une grotte ici ! Eh, Kinô, où tu vois une cavité ici ?
- Elle est sous nos pied, avait lancé l'intéressé. Inutile d'en chercher l'entrée, il y a toutes les chances pour qu'il s'agisse d'une grotte souterraine, un espace clos dépourvu d'entrée et de sortie.
Et voilà qu'à présent Kyô s'apprête à frapper le sol. Il aimerait faire remarquer que personne ne risque de s'être cachée dans une grotte ne possédant pas d'entrée, mais il a le sentiment que ça ne ferait pas changer ses deux compagnons d'avis quant à l'urgence de briser le sol.
Un instant après, il frappe de son point nu le sol rocailleux.


~~~~~


Il était temps. Plus que temps. Certains s'aventureraient même à dire qu'il était un peu tard. Les plus enclins à le penser, en tout cas, sont les malheureux qui sont morts durant ce siège de souillure. Enfermés de la sorte dans une grotte souterraine sans issue, seuls quelques uns des apprentis et chevaliers noirs qui s'y étaient retrouvés ont survécus. Tous seraient même sans doute morts si la grotte en question avaient été réellement close. L'asphyxie seraient venu à bout de chacun d'entre eux très rapidement. Mais nul n'a suffoqué. De minces fissures renouvelaient l'air précieux quand celui-ci était consommé, et cela leur a fait gagné du temps. Ensuite, il y aurait eu la déshydratation. Sans eau, nul ne peut survivre, chevalier ou pas chevalier. Elle se rappelle quand a force de recherche l'un des siens à découvert un mince filet d'eau qui s'écoulait de la roche. Ils avaient eu de l'espoir, mais il s'agissait en fait d'eau de mer, pas vraiment potable, comme en témoignait le sel présent dans le liquide de vie. C'était désespéré, l'eau de mer pouvant être pire qu'un mais là encore, ils gagnaient un peu de temps face à une mort certaine. Mais air et eau n'étaient là qu'en petite quantité. Il était difficile de s'accrocher à la vie, difficile de croire en l'espoir. Le désespoir avait donc commencé à les emporter. Un. Puis un autre. Puis encore un autre. L'obscurité presque totale étaient un supplice plus grand encore que la soif. De plus, la faim commençaient à les affaiblir, et bientôt les emporteraient à son tour. Même les plus persévérants. Même elle.
Et puis ils sont arrivés. Il y eu un grondement. Le tremblement de terre qui avait secoué l'île une dizaine de jours plus tôt avaient épargné cette cavité, mais voilà qu'un des murs se fissure. Son oreille attentive ne lui laisse pas de doute à ce sujet. Elle se rappelle avoir empêché l'un de ces stupides chevaliers noirs de fendre la roche, le ramenant à la raison en lui expliquant qu'ils mourraient tous à coup sûr s'il essayait, ensevelis sous les décombres. Il fut le premier à rendre son âme à son créateur, et nul ne le regrettera. La peur, à présent, étreindrait son coeur de voir la grotte l'écraser, mais après tout il s'agit aussi d'un espoir, et cela lui convient.
Et puis la roche éclate, d'une façon presque chirurgicale. Le mur disparaît, réduit à l'état de cailloux. La lumière l'éblouit avant que précipitamment sa pupille se dilate pour s'y habituer à nouveau. Une sensation qu'elle avait déjà presque oublié. Et quand enfin elle y voit, il n'y a pas de doute : cet abris, sans doute isolé du monde depuis des siècles, vient de se voir offrir une ouverture.
Sans se soucier de quelqu'un d'autre que d'elle même, elle gravit l'éboulit. Et quand elle apparaît à la surface, une voix l'accueille.
- Mais je te connais ! s'exclame quelqu'un sur un ton un peu infantile. Tu es la fille apprentie du clan de Tordek !
- Les chevaliers d'acier, ainsi est-ce à vous que je dois la vie.
Et disant cela, la voix sèche de Trivia n'exprime aucune gratitude.


~ 5 ~


- Qu'en pensez-vous, vieux maître ?
- Ça a commencé. Mu, à présent, il nous faut nous hâter.

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Cette fiction est copyright Frédéric Ramirez et Gille Monchoux.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.