Epilogue : Perséphone ou la fin d'une époque


Il est finalement parti. Le petit enfant, fils à papa, a pris en main sa destinée. Il est parti, accompagné de ses plus fidèles compagnons rescapés de la déroute d'Asgard. Les anciens chevaliers d'argent d'Athéna Igor du Toucan, Hristo du triangle Austral et Darko de la petite ourse, les lieutenants Trevor de la pieuvre, Duncan du Loch-Ness, Marino du Requin et Hossim du Crocodile, enfin des trois puissants Kamaté de la Chimère, Kaba du cobra et Nasser du Fennec.

En définitive, ça peut faire une belle équipe…

Actuellement, les chevaliers d'Athéna ont commencé leur offensive d'Asgard. Fin stratège que ce Dragon des mers, qui a compris le désir de Poséidon et su se le mettre dans la poche, au détriment d'Arion finalement condamné à l'exil. Poséidon veut régner sur un monde noyé sous les océans ? Pas de problèmes, Odin s'en chargera en laissant fondre la calotte glaciaire. Dure entreprise pour les chevaliers d'Athéna (chevaliers de bronzes ? cela aurait plutôt tendance à m'amuser profondément, mais bon, au vu des résultats de la bataille du sanctuaire…) de ramener Hilda de Polaris à de plus humbles sentiments. Et quand bien même Dragon des mers ne puisse compter sur Asgard, Sorrento de la Sirène surveille, contrôle les évènements, prêt à lancer dans la bataille toutes la flotte de Poséidon pour une éventuelle guerre Sainte généralisée…

C'est vrai que je m'emballe un peu là. Vous devez vous interroger. Enormément de choses ont changé depuis notre dernière rencontre… Soyons galant et commençons par les femmes. Athéna a repris la main sur le sanctuaire. Ses chevaliers de bronzes (brillants et âpres combattants s'il en est) ont permis que celle qui se veut réincarnation d'Athéna (aucune raison de ne plus la croire) reprenne le contrôle de son sanctuaire et de ses armées. Pour avoir été spectateur attentif de cet affrontement qui a vu la mort du traître mais oh combien puissant Saga des Gémeaux et de quatre autres chevaliers d'or, je suis au courant des tenants et des aboutissants de cette guerre civile. Ce qui est déjà moins le cas d'Arion, conscient que le sanctuaire fut ravagé par des affrontements internes, mais sans tellement en savoir plus. Cela m'arrange voyez-vous…

Ensuite, au niveau du sanctuaire de Poséidon, quelques petits ajustements ont eu lieu. Essentiellement au niveau de Sorrento. Nous l'avons quitté plutôt en colère devant le départ d'Arion et l'attitude de Dragon des Mers, prêt même à en découdre avec le Général en chef et son fidèle Bian de l'hippocampe. Finalement, une proposition plutôt intéressante lui étant été faite, l'affrontement fut évité. De justesse il faut bien avouer. Dragon des mers a chargé le Général au pipeau du contrôle d'Asgard, et lui a finalement et officiellement octroyé le deuxième rang de la chevalerie de Poséidon, lui octroyant la possibilité de gérer comme bon lui semble les forces sous-marines en cas de problèmes nordiques. Tu voulais des responsabilités, tu en as maintenant…

On pourrait prendre cela comme de la faiblesse ou du désarroi de la part du frère du maintenant défunt Saga. Je penserais plutôt que mon avis sur cet homme se confirme : c'est vraiment un génie. Sorrento l'avait fortement critiqué sur la méthode employée en Asgard ? Le voilà maintenant responsable de cette unité. Avec finalement une implication imposante devant Poséidon. En plus de le mettre franchement en situation et en première ligne, il recueille de ce fait et de sa part une plus grande docilité, ce dernier étant comblé de voir que ses désirs et avis ont été écoutés.

Et Arion ? Ce dernier prépare ses troupes à l'assaut " final ". Enfin pouvons nous dire… Rien de plus à signaler de ce coté là. Il reste arc-bouté sur ses positions et convictions, et sa haine envers Athéna ne cesse de grandir. Kamaté, Nasser et Kaba deviennent de leurs cotés toujours plus puissants, et seront des " alliés " de poids pour Arion. Plus efficaces sans doutes que le reste de la petite troupe qui, à part peut-être Darko, Igor et Hristo (Hristo… on en reparlera bientôt de ce sacré garnement…) peuvent augmenter divinement leurs forces lorsqu'ils sont vraiment perdus.

Et moi me demandez-vous ? Vous prenez de mes nouvelles ? C'est bien sympathique de votre part. Je suis touché… Et bien pour ma part, tout ne peut aller que pour le mieux. Je regarde avec intérêt l'avancée des forces d'Athéna en Asgard (je dis avancée car Tholl de Phecda, Fenril d'Alioth et Hagen de Merak sont déjà morts, c'est dire…), je pronostique sur la défaite de Poséidon et me prépare à l'offensive d'Arion. Finalement, tout va bien pour moi. Tout s'est déroulé quasiment exactement comme je l'avais prévu.

Je l'aurais écrit que cela ne se serait pas aussi bien passé pour moi, c'est dire !


*
**

Je m'appelle Arion, fils de Poséidon et Déméter.

Mon enfance ? De tout ce que je me souvienne, elle était heureuse et insouciante, finalement très semblable à celle de tous les enfants de mon age. Une vie tranquille où le regard ne va guère plus loin que de savoir ce que l'on va manger le soir, faite de jeux et de rêves enfantins sans grands intérêts. Cet éveil à la vie a eu lieu dans ce qui était autrefois un paisible hameau, sur les décombres de ces ruines où je suis actuellement assis. Gertazé, puisqu'il s'agit du nom de ce feu village, accueillait finalement très peu d'âme. Perdu au fin fond de l'Ukraine paysanne, arrosé par les nombreuses pluies et par le Dniepr s'écoulant majestueusement à proximité, le village de Gertazé regroupait ce qui était ma première famille ou plutôt la famille de l'enfant Svobodan ainsi que je me nommais.

Démétra, ma mère adoptive, était une femme remplie d'amour et de dévotion pour la nature et pour les siens. Et évidemment pour moi. Elle est morte, tuée par Athéna pour avoir été la réincarnation de la pacifique Déesse de la Terre Déméter. Je l'aimais, et Athéna me l'a enlevé.

Tomislav était celui que je considérais comme ce père que je n'ai jamais eu. L'exemple à suivre, lui le chasseur fier et courageux qui n'hésitait pas à braver vaillamment cette ingrate et indélicate terre asiatique, et ce dans le seul et unique but de nous permettre de nous nourrir correctement. Il est mort, transpercé par cette épée qui ne me quitte jamais et qui me sera l'instrument de ma vengeance. Le venger de celle qui se devait de le protéger, lui le brave chevalier d'argent du Lynx, lui le chevalier d'Athéna trahit par sa Déesse qui n'avait que pour unique objectif d'être la seule apte à diriger les humains, qui ne nourrissait pour seul dessein de tuer mes parents divins, Déméter et Poséidon, pour être seule maîtresse du monde.

Depuis, avec les chevaliers d'argent rescapés, les frères Hristo du Triangle Austral et Igor du Toucan, ainsi que le rude gaillard Darko de la Petite Ourse, nous fument accueillis par mon " père divin ", le Dieu des Mers Poséidon, et par son représentant divin Dragon des Mers. Là bas, dans ce cadre majestueux et finalement, avec le recul, assez chaleureux, le petit Svobodan mourut totalement pour donner naissance en substitution au Dieu Arion, bras armé de sa vengeance.

Entre temps, combien d'épreuves n'eus-je à subir. Cette main qui, par exemple, a dû tuer celui qui m'a accueilli et qui remplaça affectueusement ce père que toujours je ne connus jamais. Il avait une armure de glace mais un cœur chaud. Il s'appelait Torben et défendait fièrement et bravement, habillé par l'habit du légendaire Kraken, le Pilier supportant l'Arctique. Mais ce destin qui n'aura décidément jamais cessé de me m'acculer m'amena à être son bourreau, avec cette même épée qui assassina auparavant ce premier homme que je qualifiais de père. Avec pour résultat de me permettre de revêtir cet habit divin appelé : " armure du gardien de la Méditérannée " ou armure tout simplement d'Arion, mon armure.

Athéna, le perpétuel objet et catalyseur de ma haine. Ma première rencontre directe avec elle et ses sujets remontent lors d'une expédition - clandestine - au Pérou. Nous devions rencontrer le vénérable Xuacan, maître de mon ami Igor du Toucan. Quelle ne fut pas notre surprise en voyant ce charnier de disciples tranchés et piétinés par ces deux demi-Dieux dont j'ai l'image gravée au fin fond de ma rétine… L'image de ces deux silhouettes, l'une filiforme, l'autre massive, rayonnants tels des soleils dans cet exotique paysage précolombien. La représentation terrestre de ce qui se fait sans doute de plus grand, de plus fort et de plus beau. Les chevaliers d'Or d'Athéna. Aldébaran du Taureau et mon adversaire à la divine Excalibur Shura du Capricorne. Ce dernier périra de ma main, chose que je n'ai pu - pas assez fort, pas assez " divin " plutôt devrais-je dire - réaliser à l'époque de notre premier affrontement. Combat où même, soyons humble, j'étais plutôt proche de perdre la vie… Igor se fera quant à lui une joie de venger son Maître en exécutant le premier nommé. S'il arrive à s'élever à un niveau de puissance et de cosmos plus important, car pour l'instant…

Pour l'instant, aucun de mes hommes - de mes amis - ne peut légitimement prétendre passer la première maison du Zodiaque. Darko m'a, en gros, expliqué le " fonctionnement " du sanctuaire, à savoir 12 chevaliers d'or habitant 12 maisons à vaincre. Or, nous avons expérimenté la formidable puissance, que je qualifie sans peur de " divine ", des chevaliers d'or. Largement supérieure à la puissance des déjà remarquables guerriers divins d'Odin, que nous avons affronté pour parfaire les desseins hégémoniques de mon père, ainsi que les objectifs personnels de Dragon des Mers (dont je n'avais pas encore parlé, tiens !).

Dix rescapés à cette épouvantable expédition qui a sonné le glas de ma présence au sanctuaire de mon père Poséidon, dont le combat m'est maintenant totalement étranger. Parmi donc ces rescapés, mes amis " d'enfance " Hristo, chevalier d'argent du Triangle Austral, Igor, du Toucan et le puissant Darko de la Petite Ourse. De chacun de ces chevaliers d'argent, seul Darko recèle, à mon avis, le niveau pour résister aux chevaliers d'or. Et encore…

Même les trois chevaliers " vainqueurs " d'Asgard (parce qu'ils ont terrassé leurs adversaires, ce qui reste pour moi, vu l'inutilité de ces combats, une bien triste satisfaction), à savoir Kaba du Cobra, Kamaté de la Chimère et Nasser du fennec, me sembleraient presque légers. Je les ai tous affrontés en combat singulier, dans le cadre d'entraînement en vue de cette périlleuse mais décisive expédition en Grèce. Pour s'entraîner donc, mais également car j'ai besoin de jauger et d'évaluer tous mes compagnons. Ce qui nous attend, c'est tout, sauf de la rigolade. Et en tant que chef de groupe, en tant que Dieu même (n'ayons pas peur d'employer ce terme…), je dois me comporter de manière plus raisonnable et responsable que lors d'Asgard. Darko m'aide, et j'en ai grand besoin.

Je parlais donc de ces trois surprenants guerriers. Ce sont de beaux combattants, au potentiel sans doute énorme. Mais j'ai peur, pour eux, qu'ils n'aillent au maximum de leurs immenses pouvoirs. Ils me paraissent eux aussi actuellement bien faibles contre ces monstres à visages d'anges que sont les Chevaliers d'Or. Enfin, ils sont toujours plus performants que mes derniers amis, d'une rare ténacité, d'une fidélité exemplaire et encourageante, et d'un louable courage. Mais malheureusement trop faible pour pouvoir prétendre survivre à nouveau. Je parle de mes amis lieutenant de Poséidon, Duncan du Loch Ness, Hossim du Crocodile, Marino du Requin, ainsi que mon fidèle ami Trevor de la pieuvre.

Pourtant, lorsque je me bats contre eux, je me surprends à m'énerver, à les invectiver, à les encourager à être meilleurs. A se concentrer et se remettre en position défensive aussitôt une offensive portée, à garder constamment ses six sens en éveil (car pour la plupart, ils n'en possèdent que six !), à étudier attentivement et scrupuleusement l'adversaire, sa technique, sa posture et ses points faibles, à privilégier la rapidité si la force ou la précision font défaut, ou vice versa. A jouer sur ses propres points forts et non sur ceux de l'adversaire. A être meilleur.

Mais c'est dur. Shura m'avait parlé de ce " septième sens ". Pour ma part, je l'ai sublimé - en atteignant cette essence divine - il y a bien longtemps. Je pense que Darko, Kamaté, Nasser et Kaba, en sont proches, et qu'ils peuvent, à n'importe quel instant, atteindre ce sens divin qui les rapproche inexorablement des Dieux. Peut être pourrais-je avoir quelques espoirs pour Hristo et Igor. N'ont ils pas miraculeusement survécu - d'après leurs récits - à une mort certaine contre les Guerriers divins ? Preuve que la nauséabonde prosmicuité de la mort permets aux hommes de se sublimer, d'atteindre les étoiles et le septième sens. Mais pour les lieutenants… Malgré leur immense courage, je les vois difficilement survivre. C'est affreux de partir dans une bataille en sachant déjà que je perdrais des amis. Mais c'est leur destin : ils ont voulu rester avec moi alors que je refusais, ils ont choisi leurs morts.

Je les aime. Tous, sans exception, sans distinction.

Darko m'a tenu au courant des derniers évènements au sein des équipes d'Athéna. Une guerre civile a ravagé le sanctuaire. Il paraîtrait, ce qui est tout bon pour nous, que quelques chevaliers d'or ont péri au cours d'affrontements autant inutiles que sanglants. Enfin, la guerre est elle-même l'acte sans doute le plus inutile qui est. Cependant, cette envie, cette volonté, que j'ai de vengé ma famille morte des mains de cette déesse maléfique apporte cette caution morale dont j'ai besoin pour me salir les mains du sang d'Athéna.

Actuellement, Athéna poursuit sa conquête du monde en étant entrée en guerre contre Asgard. Et sans doute après ce sera au tour de mon père Poséidon de guerroyer contre mon ennemie mortelle. Je l'ai dit à de nombreuses reprises : le combat de mon père n'est plus le mien, le combat de Dragon des mers n'a - même - jamais été le mien. Et quelque part, je souhaite voir le sanctuaire sous-marin défait par Athéna. Ou plutôt ne pas le voir gagner.

Pour une raison d'un égoïsme qui me choquerait presque. Je veux être ce bras qui tranchera la gorge d'Athéna. Je veux être le propre châtiment pour assouvir ma vengeance. Personne ne pourra plus jamais me redonner cette âme d'enfant et ce repos sinon le sang impur d'Athéna et de ses chevaliers dans lequel je baignerai mon armure et tout mon être, pour me purifier de cet amer goût perpétuellement présent au fond de ma gorge, pour me laver de ce sentiment d'impureté - de saleté - permanent qui souille mon corps, mon âme, mon histoire.

Que cette épée transperce le cœur d'Athéna et de ses chevaliers ! Sur ma mère, sur Tomislav, sur Torben et sur mes lieutenants morts en Asgard, je le jure.

Athéna, profite bien de tes victoires à venir… Je serais la représentation divine de la défaite. De ta défaite ! Athéna, meurs !

*
**

Le soleil se couche sur l'Ukraine. Derrière l'Oural, cet astre qui n'est qu'amour et chaleur laisse sa place au froid de la nuit et de la mort. Et chaque membre de ce groupe de mercenaire à la solde d'Arion observe la suite des évènements, sur les décombres de ce qui marqua la mort de Svobodan et le début de l'histoire. Sur ce champ de ruines brûlées par les cendres des morts et par le feu maléfique qui aura gangrené cette terre et la vie du petit Svobodan, mort pour laisser place à Arion, fils de Poséidon et Déméter.

Chacun des 10 guerriers rescapés d'Asgard qui composent le contingent d'Arion passe le temps comme il l'entend. En effet, Arion n'a pas désiré passer directement à l'attaque. Les stigmates Asgardiens sont toujours bien présents, et confondre vitesse et précipitation serait une erreur mortelle. Si certains s'entraînent ou méditent cosmiquement, d'autres préfèrent discuter, faire le point sur ces années passées au service de Poséidon ou bien ne rien faire d'autre que de regarder consciencieusement le ciel évoluer au gré du temps, apposé contre un arbre surplombant les quelques collines entourant ce qui était auparavant un village paisible fait d'amour et de tranquillité.

Par contre, et à la demande de fils de Poséidon, tous l'ont affronté en combat au moins une fois. Et tous ont pu mesurer l'exceptionnelle croissance de ses pouvoirs divins, ainsi que sa détermination et sa volonté farouche de ne pas faire de cette expédition un deuxième Asgard. Mais si tous ont attentivement écouté les conseils prodigués par l'enfant - qui a bien assimilé ceux de Dragon des Mers dont il s'est complètement détaché, il n'en parle point et n'y pense même plus -, tous ont fatalement noté l'incroyable fossé de niveau entre les leurs et le sien, qui est également celui ci des chevaliers d'or protecteurs d'Athéna.

Et pendant que la vie se passe sur cette terre ferme de Gertazé, le Royaume de Poséidon s'apprête à recevoir Athéna en personne, accompagnée de ses chevaliers protecteurs.

*
**

Avant d'être irrémédiablement brûlé, cet arbre donnait des fruits. Telles étaient les pensées qui traversaient l'esprit tourmenté et fatigué du sympathique Igor, chevalier d'argent du Toucan, rescapé des griffes du loup d'Asgard Fenril, alors qu'il caressait mélancoliquement le tronc à jamais blessé de ce monument de la nature. Il était comme ses deux compagnons de Gertazé, il ne pouvait s'empêcher de penser à ces instants finalement de grandes joies lorsque Athéna leur avaient confié la mission d'assurer la protection de Déméter. Une vie tranquille et tellement belle. Avant que la Déesse de la guerre ne change d'option et décide de mettre fin à leur tâche et à leur vie.

Il aurait pu continuer à penser encore longtemps, en silence et les larmes aux frontières visibles de ses yeux, à son ami Tomislav et à la tendre Déméter si une main étrangère n' était venue chaleureusement se poser sur son épaule droite…

- C'est toi Hristo ? Demanda calmement le chevalier du Toucan sans dédaigner se retourner.
- Oui… Mon très cher frère…

Cette réponse était pleine d'affection de la part de Hristo, chevalier d'argent du Triangle Austral, envers ce frère qu'il a failli perdre en Asgard, et vis-à-vis de qui la vie ne lui avait jamais réellement donné l'occasion d'être très proche. Mais aujourd'hui, il avait besoin de lui parler.

- Igor, tu vas bien ?

Cette question transpirait la timidité et la pudeur d'un homme finalement très avare en sentiment.

- Oui… Enfin, on est vivant, on est chez nous. On est avec les gens qu'on aime, tout devrait aller bien, non ?
- Normalement, oui… répondit Hristo, sans être réellement convaincu. On est vivant, je ne sais toujours pas ni pourquoi, ni grâce à qui, mais on est vivant.

Hristo voulait parler de cette mystérieuse force inconnue qui lui a permis de ne pas mourir contre Albéric de Megress, lors de cet affrontement qui ne tournait pas à son avantage. Il savait que Igor devait la chance de se trouver en face de lui grâce à cette même énergie inconnue. Ils n'en avaient parlé qu'une seule fois avec Igor, alors que le chevalier à l'armure blanche tentait de réparer ce qui était réparable des armures et écailles abîmées. Mais aujourd'hui, il avait besoin de parler à son frère. De cet évènement bizarre mais tellement important pour leurs vies, de son maître Assalbank dont il ne cessait de penser, d'Arion, de ce devoir assez bizarre qui l'obligeait à aller guerroyer " chez lui ", dans le sanctuaire de celle dont il devait assurer la protection, chez Athéna.

- Je suis comme toi, Hristo… Moi aussi je me pose des questions concernant notre survie miraculeuse. Tu as ressenti, toi aussi, cette magnifique aura qui nous a enveloppés ?
- Oui. Mais impossible de mettre une identité dessus. Et cette voix, mi homme, mi femme, qui nous exhortait à survivre, que notre mission venait à peine de commencer…
- Déméter ? osa avancer Igor du Toucan, qui s'était tourné en direction de son frère.
- Non, affirma Hristo. J'ai déjà, avec Tomislav, eu l'occasion de ressentir l'aura divine de Déméter. Elle est différente de celle qui nous a sauvé. Cette dernière possédait sans doute autant d'amour et d'affection chaleureuse de celle de Déméter, mais il y avait en plus une puissance, qui nous fut affublée…
- … et qui nous a permis de survivre en élevant notre cosmos au niveau de notre adversaire, en effet… Voire même de nous élever partiellement au septième sens !
- Qu'en pense Darko ? Tu en as parlé avec lui ? demanda Hristo avec une certaine idée de la réponse…
- Non.

La réponse ne surprit pas Hristo. Il savait, il se doutait, que son ami titulaire de l'habit de la petite ourse avait bénéficié de cette même providence. Il avait senti cette incroyable puissance qui explosa lors de son âpre combat contre Tholl de Phecda. Cependant, le caractère renfermé de leur frère d'arme ne le prédisposait pas à la confidence.

- Hristo, ce n'est pas uniquement pour me parler de ce phénomène miraculeux que tu es venu me trouver, demanda avec calme et douceur le chevalier à l'armure bleu du toucan. Que t'arrive t'il, je te trouve différent…
- Peut être est parce que je me suis occupé corps et âme à cette sauvegarde et résurrection des armures ? se risqua à répondre, sans grande conviction il est vrai, le chevalier du Triangle Austral.
- Non… Il y a autre chose… Nous sommes frères, et pourtant nous n'avons jamais trouvé le temps de se parler, de se confier l'un à l'autre….

Le silence qui suivait cette phrase n'était perturbé que par ce souffle provenant du Dniepr, qui tambourinait chaotiquement sur les feuilles mortes victimes de l'hiver Ukrainien.

- Que s'est il passé sur l'Ile de Samoa ? Hristo, parle-moi de ton entraînement, parle-moi de ton Maître…

Le chevalier à l'armure blanche se crispa nerveusement à l'écoute de cette question. Ses lèvres se plissèrent sous l'action de l'angoisse et de ces souvenirs qui ne cessaient pas de remonter à la surface. Et si sa bouche ne s'était pas ouverte pour laisser place aux explications, ses yeux se seraient vites vus inonder de larmes. Hristo le savait, il n'en pouvait plus de voir sans cesse le visage de son Maître Assalbank reparaître dès lors qu'il fermait les yeux. Pourquoi ses souvenirs, pourquoi ces flashs du passé ?

- Pourquoi veux-tu me parler de ça, demanda avec douleur Hristo à son frère… Pourquoi…
- Parce que je sens que quelque chose ne va pas. Tu as utilisé des connaissances qui nous ont tous surpris en réparant ces armures détruites… Et je vois bien que tu es bizarre…
- Je… Je n'arrête pas de le revoir. Je n'arrête pas de revoir mon Maître que j'ai dû assassiner pour avoir le droit de revêtir cette tunique de défenseur d'Athéna !
- Mais tu m'avais dis qu'il ne t'avait pas laissé le choix… Et que tu le détestais ! Que c'était un monstre et…
- Et c'est faux ! Cet homme, alors que je suis arrivé sur cette île, m'a gratifié d'un amour et d'une affection que je n'avais jamais, je te dis bien jamais, reçu ni ressenti. Il m'a pris sous son aile et m'a appris tout ce qu'il savait. Avec patience, avec amour et avec passion.

Igor écoutait comme on écoute solennellement l'artiste jouer de la musique son frère qui ne s'était jamais épanché sur son entraînement. Mais il le sentait traumatiser par ce combat qu'il avait mené contre Albéric et qui lui avait réouvert des stigmates jamais cicatrisés…

- Tu vois, Igor, cet homme qui se nommait Assalbank et qui se prêtait des origines nord-européennes était un être bon et extrêmement puissant. C'était le porteur de l'armure sacrée du triangle austral. Il m'avait appris toutes les bases de mes pouvoirs télékynésiques, il m'avait enseigné l'art de pouvoir appréhender la sauvegarde et l'entretien des armures, il m'avait donné les capacités mentales pour utiliser les arcanes de la téléportation.
- Mais alors, pourquoi…
- … cette haine ? Je ne saurais pas te l'expliquer. Toutefois, cet être bon et généreux s'est transformé, du jour au lendemain, en monstre ! Il ne m'a plus rien appris et a tout fait pour que mon respect et mon admiration se transforment en dégoût et en haine. Et je suis incapable de t'expliquer le pourquoi de ce changement, mais il était bien réel. Tu vois, ma principale arcane offensive, le Nantijka Trijlansvlo (littéralement triangle de lumière), il ne me la jamais appris. Mais il a voulu me tuer, c'était son but. Sois je mourrai, sois je devenais chevalier… Alors je n'avais plus le choix et mon cosmos, en explosant, m'a permis de le terrasser. En cristallisant toute ma haine, j'ai pu éveiller totalement mon cosmos pour le vaincre. Et là, je ne comprends pas pourquoi cette haine viscérale à son égard, pourquoi ce changement soudain, et pourquoi cette armure, finalement, est venue me recouvrir moi plutôt que de rester sur les épaules de son porteur, mon Maître, et de le protéger.
- Que veux-tu dire ?
- Je pense que c'est l'armure qui m'a donné la victoire. Que c'est l'armure qui a décidé de punir mon Maître. Que c'est l'armure qui m'a donné ce pouvoir de le vaincre. Mais pour quelle raison ? Et pourquoi ces souvenirs reviennent t'ils à la surface de ma mémoire maintenant ?
- Je ne sais pas… Tu as une raison ?
- Non… j'ai le sentiment que mon armure, mon âme me demande de me souvenir de cet homme que j'ai tant détesté, mais pourtant tant aimé avant…

Igor ne pouvait, pas plus que son frère, trouver une réponse à cette question. Est ce la proximité immédiate de la mort, présente avec de plus en plus d'insistance depuis cette expédition nordique où tout était si prés, si proche du néant. Où le gouffre béant de l'enfer n'avait jamais été aussi ouvert et attirant. Tant est-il que le chevalier du Toucan voyait tristement et presque impuissament son frère admettre, les larmes aux yeux, son désarroi et sa peine.

- Hristo, je ne sais quoi te répondre, devais bien admettre tristement Igor…
- Ecoute, je ne te demande pas de réponses. Seulement, je tiens à te faire part de mes doutes actuels, qui m'emmènent à penser que notre attaque du sanctuaire d'Athéna ne sera pas si… Comment te dire… Je crains que quelques choses de plus important et plus grave se cache derrière notre action.
- Que veux-tu dire ?
- Je ne sais pas… Je suis sans doute comme Darko et toi en ce moment, en train de me poser de nombreuses questions sur le bien fondé de nos actions. On a quitté Athéna, ou plutôt elle nous a lâché, et nous allons la retrouver en brandissant bien haut a bannière d'Arion, et…
- Tu commences à douter d'Arion, coupa âprement Igor ?
- Non. Rappelle-toi, tu as eu des doutes, on est allé chez ton Maître, et nous avons vu ce que nos voulions voir : Athéna est folle ! Maintenant, il se passe quelque chose derrière tout ça. Ce n'est pas une certitude, c'est un pressentiment. Comme… Comme si celui qui fut autrefois le maître respectable et adorable qu'il était avant de devenir ce monstre que j'ai détesté voulait me prévenir d'un danger que nous ne soupçonnons pas !
- Mais que veux tu dire Hristo ?? Je ne comprends rien à ce que tu dis…
- Moi non plus, admettais Hristo en se prenant la tête d'une main… Mais j'ai le sentiment que si notre mort en sanctuaire d'Athéna est certaine, que même si la cause d'Arion est profondément juste et honnête, quelque chose de bien plus grave va se jouer. Mais quoi ? Je ne saurai te dire…

Et les deux frères de se taire pour écouter le vent qui continuait à embaumer l'air lourd et froid d'un requiem qui n'atténuait en rien les nombreux doutes de deux frères d'argent.

*
**

- Darko, tu étais là ?

C'était Arion en personne qui venait de parler à cet interlocuteur qui surgissait doucement derrière lui. Le fils de Poséidon se trouvait sur une falaise surplombant un bras mort du Dniepr, ce fleuve qui traverse nonchalamment l'Ukraine, sans but ni autre raison que d'aller se jeter dans la Mer Noire. Il était en train de lustrer cette épée qu'il aime plus que tout à présent, et qui lui a permis de ne jamais oublier la raison de son combat, l'objectif qu'il doit toujours avoir en tête et qu'il doit accomplir, quand bien même les sacrifices doivent être douloureux. Il avait récupéré cette arme de mort sur le corps de Tomislav, son ami feu chevalier du Lynx, et depuis ce jour là, à chaque regard tombant sur cette épée, à chaque main qui saisit le manche de celle ci, il se souvient de ce corps sans vie. Il se souvient de sa haine pour Athéna.

- Tu vas bien, demanda avec tendresse cette voix grave et chaleureuse qui est celle de Darko, chevalier d'argent de la petite ourse ?
- Oui, répondit sèchement l'enfant.
- Arion, tu me sembles soucieux. Peut être voudrais tu partager tes pensées avec moi…

Le garçon ne répondait pas. Il restait le regard dans le vague, se laissant caresser avec plaisir ses cheveux fins par ce frais vent provenant du fleuve asiatique. Mais au fond de lui, il était heureux. Heureux de savoir qu'il pouvait compter sur des amis aussi avenants, aussi sincères et aussi chaleureux. Heureux de mesurer, à chaque instant, leur fidélité sans ambiguïté et leur envie de progresser pour mener à bien la mission, sa mission, venger ses parents adoptifs, ses amis, son enfance.

Il ne tourna pas sa tête vers Darko pour lui répondre. Non, il préférait rester regarder ce paysage lui rappelant son enfance, cette vue qu'il appréciait contempler enfant. Mais plus que de lui montrer son regard, il préféra lui montrer son cœur.

- Darko, mon cher ami… Te souviens-tu lorsque, enfant, je venais seul ici pour regarder ce paysage baigné par ce fleuve qui a humecté mon enfance ?
- Oui… C'était il y a bien longtemps déjà. Et depuis, ce fleuve a fait coulé beaucoup, beaucoup d'eau…
- Darko, quelles nouvelles m'apportes-tu concernant la bataille d'Asgard entre Athéna et Odin, ou plutôt avec mon père ?
- Apparemment, Athéna a vaincu Odin et elle s'apprête à entrer en guerre contre Poséidon, contre ton père… Et toi, comment te sens-tu ?
- Par rapport à quoi ? Si tu veux savoir quel sentiment cela me procure de savoir que le sanctuaire dans lequel j'ai vécu, j'ai grandi et j'ai aimé des personnes aussi exceptionnelles que ne le fut Torben et… et les lieutenants que j'ai rencontré va être attaqué et terrassé ? Bien je vais te le dire. Je ne ressens strictement rien !
- En es-tu vraiment sur, demanda Darko en se doutant de la réponse…
- Je vais être sincère, je suis un peu triste de savoir que parmi les personnes que nous avons rencontré, beaucoup vont mourir. Ils ne pourront jamais vaincre… les chevaliers d'or !

Le mot était lâché. Tranchant comme une lame et froid comme l'acier, les " chevaliers d'or ". Ce terme qui ne cesse de trotter dans la tête de l'enfant divin, entraînant avec lui cette image de ce bras qui se lève, aveuglant de luminosité, et qui se prépare à donner une mort certaine. Il revoit toujours ce monstre imposant qui balaya les trois chevaliers d'argent, ses amis, tels des fétus de paille repousser par le vent. Il les voit, et il attend ce moment où cette épée, où ce bras divin, pourra enfin à nouveau se mesurer à eux.

- Tu penses que ton père va…
- Perdre ! C'est évident ! Et je regarderai avec un regard indifférent sa défaite. Dragon des Mers, malgré l'immense estime que j'ai pour lui et pour son enseignement, est dans l'erreur. Il ne pense qu'à lui, et se contre-fout de l'objectif de mon père. Mais ce dernier s'en accommode fort bien, tant son serviteur est puissant et charismatique quoique peu loyal. Finalement, entre ces deux monstres d'égocentrisme et d'ambition se joue un fin jeu de dupes où chacun parvient à sortir vainqueur, en éliminant notamment ceux qui pourrait faire de l'ombre à l'une ou l'autre des parties. Mais avec un résultat final qui est connu des deux : mon père sera toujours supérieur à Dragon des mers, qui l'accepte volontier tant que son ambition personnelle ne s'en trouve pas entravée.
- Mon Dieu, comme tu as changé, soupira Darko…
- Non Darko. Non, je n'ai pas changé sur le fond. Svobodan est définitivement mort, mais Arion, lui, n'a pas changé. Le même objectif, la même haine envers Athéna, la même affection envers vous qui représentés mon armée. Mais s'il y a un point sur lequel j'ai changé, c'est qu'autant je vous ai amené au casse-pipe lors de la campagne d'Asgard, autant là…

Arion laissa sa phrase en suspend. Il sera instinctivement le manche de son épée qui reluisait tel un soleil.

- Autant là je vous amènerai à la victoire !
- J'en suis convaincu, répondit tendrement le bourru et costaud Darko en posant paternellement sa main sur l'épaule de l'enfant.

Soudain, le regard du vaillant chevalier d'argent de la petite ourse fut attiré par cette épée, amie fidèle et arme redoutable au service du bras d'Arion.

- Tu regardes mon épée ? Elle représente tout pour moi… Chaque fois que je la regarde, elle me rappelle quelle est ma mission. Elle est ma plus fidèle compagne, ma confidente, et l'outil fatal pour réaliser ma mission…
- Elle représente en quelque sorte la sœur que tu n'as jamais eu… avança Darko avec un sourire plein de tendresse…
- La sœur que je n'ai jamais eu… C'est amusant ce que tu dis, acquiesça Arion avec ce même sourire plein de tristesse. Tu sais que, dans la mythologie, je suis censé avoir une sœur ?
- C'est vrai. Perséphone, qui fut par suite sacrée Reine des Enfers par son mari Hades…

Le sourire triste d'Arion devint plus tranchant et malicieux…

- Reine des Enfers, c'est amusant… Tu vois, c'est vrai que cette épée est comme ma sœur que je n'ai finalement jamais eu, je vais donc lui donner un nom. Le nom mythologique de ma sœur… Quant à son titre de Reine des Enfers, il ne sera pas usurpé quand je trancherai la tête d'Athéna !

Sur cette phrase, l'enfant se leva brusquement et pointa Perséphone vers l'horizon en faisant briller son cosmos divin. Les dés étaient lancés, le combat tant attendu pourrait enfin avoir lieu.

Pendant ce temps, de l'autre coté du camp, Kaba, Kamaté et Nasser regardaient, de leurs yeux rouges de puissance et de rage, ce même horizon… Ce même horizon ?

*
**

Je m'appelle Arion, fils de Poséidon et Déméter.

Les dernières nouvelles provenant du sanctuaire de mon père sont mauvaises. Athéna a vaincu Poséidon. Son royaume n'est plus. Son rêve mégalomane de régner en maître sur une terre inondée par ses eaux est mort dans l'œuf pondu par Athéna. Une nouvelle fois, elle s'en est sortie. Et finalement, je ne suis pas si mécontent que ça.

En premier lieu car, comme je l'ai expliqué assez clairement à Dragon des Mers, je suis en total désaccord avec les desseins hégémoniques de mon père. Je veux combattre Athéna car elle veut régner sur la terre en despote, éliminant ceux qui sont en désaccord avec elle (Tomislav en est le triste exemple), ainsi que les divinités pouvant lui faire de l'ombre. Ma maman, ma chère maman, a payé un lourd tribus pour sa bonté et son amour envers les hommes.

Ensuite car je pourrais exécuter moi-même ma vengeance. Pas pour un monde meilleur, non, je ne poursuis pas un combat altruiste, quand bien même l'anéantissement de cette Déesse diabolique et violente sera profitable pour l'ensemble des hommes peuplant cette planète. Non, je poursuis un but personnel, une haine qui n'aura de cesse tant qu'Athéna continuera à vivre. Une douleur qui ne pourra se soulager que dans le sang impur de cette déesse et de ses chevaliers.

Les chevaliers d'or. Plus qu'un respect, c'est une fascination que j'éprouve à leur égard. Ils sont grands, ils sont flamboyant, ils sont magnifiques. Ils représentent ce qui se fait de mieux sur cette terre d'humain, le stade ultime à la frontière du divin. Et pourtant, pourtant… Pourtant, je vais les éliminer un par un, avec Perséphone dans ma main, cette sœur fidèle qui va les envoyer en enfer… Cette épée, instrument de m vengeance !

Athéna… Même Dragon des Mers m'a trahi. Dragon des Mers… Appelons le Kanon des Gémeaux à présent, chevalier d'or à la solde d'Athéna, frère du chevalier Saga des Gémeaux d'après ce que m'a avoué Darko. Il m'a parlé, totalement, de cet homme que j'avais admiré et admis comme un père que je n'avais pu avoir. Mais comme Tomislav et Torben m'ont quitté, lui m'a trahi. Lui m'a fait porter le fardeau de la déroute d'Asgard, pour assouvir ses projets diaboliques et finalement, en fin de compte, protéger celle qu'il a voulu détruire, c'est à dire Athéna. Peut-être le retrouverais-je un jour…

Cette bataille sous-marine aura été terrible pour les Généraux de Poséidon. A part le courageux Sorrento et le fourbe Kanon, tous ont été tués. Isaack du Kraken, cet homme qui a remplacé Torben dans la hiérarchie, mais jamais dans mon cœur, est mort. Bian, le fidèle second de Dragon des mers, est mort. Le fourbe Kasa est mort. Le mystérieux mais tellement puissant et méprisant Krishna est mort. Et Io, que je n'ai finalement jamais réellement ni pu, ni voulu connaître, a connu le même sort que ses quatre compagnons : il est mort.

Mes lieutenants ont été troublés et terriblement atteints durant cet affrontement. Mon ami Trevor ne voulait pas rester là, il voulait retourner se battre pour le peuple qui l'avait recueillit et donner une existence, un rang, une raison de vivre. Pas pour me trahir, bien au contraire, les liens qui nous unissent sont infiniment plus puissant que les tentacules de la pieuvre représentant son écaille, non. Mais juste car c'est un homme de cœur, loyal et profondément généreux de lui-même, prêt à mourir pour ses amis et les causes qui lui semblent justes.

Mais mon message a été clair, comme il le demeura par la suite. Si vous ne voulez plus faire parti de mon équipe, je ne vous retiens pas. Mais ne revenez jamais. Je dis bien Jamais. Il le savait, il est resté. C'est un compagnon de grande qualité et pour qui j'éprouve une profonde et particulière affection. Derrière ses aspects souvent idiots, il demeure un homme d'une rare qualité. Mais je nourris pour lui les mêmes craintes que pour les autres de mes compagnons : sera t'il assez fort pour survivre ? S'il avait combattu auprès de mon père, il aurait péri. Comme les autres, comme lui-même à céder devant Athéna…

Par cette occasion, par ce combat, je me permettrais même d'ajouter au long réquisitoire contre Athéna ta défaite, Père avec qui je ne partageais pas le même idéal, ainsi que ton emprisonnement dans cette urne scellée. Finalement, après ma mère Déméter, après mes pères adoptifs Tomislav et Torben (oui Athéna, je mets sa mort sur ton compte !), elle aura corrompu Dragon des Mers (je continue à lui donner ce nom…) et vaincu Poséidon, mon Père. Ca fait beaucoup… J'ajoute l'assassinat de Xuacan, Maître de mon frère Igor, et le compte est bon.

Il est temps pour nous de lever le camp, de quitter Gertazé. Je me suis ressourcé et reposé. Mon bras tremble de se mesurer et de vaincre les chevaliers d'or d'Athéna, et de trancher la tête de celle qui fut l'ennemie héréditaire de mon père, et qui par cette même hérédité, est devenue le mien.

Darko de la petite ourse, Igor du Toucan, Hristo du triangle austral, nous allons retourner dans votre ancien sanctuaire. Ce sera dur pour vous, mais je vous connais, je vous admire et je vous aime. Je sais que vous ne me trahirez pas et que vous serez de brillants compagnons. Kaba du cobra, Nasser du fennec, Kamaté de la Chimère, je ne vous connais que très peu finalement. Mais vous m'avez prouvé votre amitié et surtout votre immense potentiel. Je sais que, vous aussi, serez des alliés performants. Enfin, vous, les lieutenants de Poséidon, votre Dieu défait par Athéna… Vous, Trevor de la Pieuvre, Marino du Requin, Duncan du Loch Ness et Hossim du Crocodile, le seul fait d'être venu avec moi et de m'avoir suivi malgré mes erreurs d'Asgard et contre votre ancien Sanctuaire me prouve, s'il en est besoin, votre fidélité et votre sens de l'honneur. Et de ne pas être resté comme mort sur le sol froid d'Asgard témoigne de votre valeur. Je suis heureux de vous avoir à mes cotés.

Peut être, sans doute même, y en aura t'il parmi nous qui ne reverrons jamais plus la lumière du jour. Sans doute devrons-nous payer notre entreprise… Mais sachez que je vous aime et ferai tout pour que nous nous retrouvons ensemble demain. Pour être heureux, ensemble, avec ces amis que je n'ai jamais eu.

Athéna.. Athéna ! Je suis prêt ! Nous sommes prêts ! Prépare-toi à mourir !

*
**

Un homme seul, agenouillé et les bras reposant contre le manche en or d'une épée dorée plantée à terre, regarde la Grèce du haut d'une colline. Le soleil se couche, et un vent provenant de nulle part fait danser ses fins cheveux bruns. Ses yeux, du même brun profond que ses cheveux, sont embrumés de mélancolie et de détermination… Une larme perle le long sa joue, laissant une trace scintillante sur son visage contrastant avec le caractère sombre de cet homme.

Son armure légère et brillant d'un vert émeraude semble en totale harmonie avec l'impression de puissance et de tristesse qui émane de cet homme. Sur son torse lisse se reflète le soleil orange qui se couche au loin, teintant le ciel de la couleur du sang qui semble avoir déjà tant coulé dans la vie et le cœur de ce jeune et beau garçon.

Il parle. Il parle au vent qui s'écrase sur les arbres fruitiers et les oliviers, à la plaine qui s'étend devant lui à perte de vue. Il parle aux 10 guerriers qui l'accompagnent, se tenant discrètement derrière lui, sans bruit. Certains sont assis sur leurs casques ou contre leurs armes, d'autres se tiennent apposés à la roche. Eux ne parlent pas, ne se parlent pas. Ils écoutent ce beau chevalier qui parle au vent et aux Dieux qui daignent bien vouloir écouter sa complainte, ses blessures, le chagrin de son âme.

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Cette fiction est copyright Fabien Chaffard.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.