Chapitre 8 : Epreuves


Quelque part dans les montagnes de l'Himalaya, une nuit d'orage. Deux hommes prêts à se porter le dernier coup d'un combat commencé il y a des années. Valkhan intensifie son Cosmos jusqu'à son paroxysme : il dépasse les limites de son septième sens. En face de lui, son adversaire concentre son énergie maléfique : il se tient au centre d'un cercle lumineux couleur de sang qui commence à apparaître sur le sol tandis que son aura rougeoyante grandit. Deux puissantes lueurs au milieu des montagnes, l'une dorée, l'autre écarlate : elles illuminent le champ de bataille comme en plein jour. Quand la silhouette d'une déesse sculpturale se joint au magnifique bélier doré de Valkhan.

- Ainsi Athéna a décidé de s'en mêler, Valkhan. Tu es en communion avec elle, c'est magnifique. Ton destin va s'accomplir !
- Divine Athéna, tu n'as jamais cessé d'être à mes côtés. Pardonne-moi d'avoir si souvent douté. Mais je sais aujourd'hui…

Le Chasseur bondit hors de son cercle écarlate alors que Valkhan s'élance. Ils vont se croiser pour le dernier assaut. Deux Cosmos qui explosent. La montagne tremble.

- Soliman… je sais combien tu as souffert, et sache que je te pardonne… Morgane, Cassandra, Mélyan… Mes amis… Je compte sur vous… Maître Balthazar…Pour tout ce que vous avez fait, merci… Hannès, mon frère… Lama, mon élève… Un jour, vous comprendrez… Néo, Shin… Issa, Sven, Kemri… Enfants du Destin… Mes enfants… Viktor, mon fils… Je serai toujours à vos côtés… Continuez le combat ! Protégez Athéna ! … Sandra… mon ange… pardonne-moi si je te laisse, mais j'ai confiance à présent… Au revoir…

Au cœur d'une forêt de chênes, Soliman le Visionnaire tombe à genoux, son visage noyé par les larmes… Un temple en ruines, Morgane se retient à une épaisse colonne de marbre pour ne pas chanceler ; sous son masque : elle pleure… Au sommet de leur tour, Cassandra et Hassadan s'unissent dans une profonde prière… Mélyan, le regard triste, observe l'étoile filante qui a traversé la constellation du Bélier… Au-dessus d'une image de Valkhan se reflétant à la surface d'une petite fontaine, un vieillard adresse tristement un signe de la main… Quelque part dans une plaine enneigée, un homme de grande taille s'arrête un instant, troublé, avant de poursuivre sa marche… Dans la Maison du Bélier, le visage de Lama n'est que regrets…



Septembre 2199. Une nuit étoilée au Sanctuaire. Une douleur lancinante lui vrille le cerveau. Ses muscles le font atrocement souffrir. Néo est étendu sur le sol rocailleux : il sent cette extraordinaire énergie qui était en lui s'évanouir. Le Cosmos, le sentiment de puissance qui l'accompagne, tout cela dépasse ce qu'il imaginait encore quelques minutes auparavant. Ses yeux, qu'il peine à maintenir ouverts, ne voient bientôt plus que ce sang chaud qui lui recouvre le visage : son sang. Puis c'est le trou, le vide : que s'est-il passé ?
L'aube. Une pulsation incessante à l'intérieur de son crâne est sans doute à l'origine de cette terrible migraine. Néo ouvre les yeux péniblement. Morgane est à son chevet.

- Tu reprends enfin connaissance, Néo. Repose-toi encore, tu ne poursuivras l'entraînement que demain.

Elle s'écarte et quitte la chambre, alors que l'on frappe à la porte principale de la chaumière. Le jeune homme constate l'étendue de ses blessures : de nombreux pansements et un bandage tout autour de sa tête. Le bruit d'une porte qui s'ouvre, une voix familière empreinte d'une tristesse inhabituelle.

- Goliath est mort, Morgane, annonce Mégare.

Goliath… Goliath… Goliath… Son nom résonne dans le crâne de Néo, la douleur s'intensifie, le garçon prend sa tête entre ses mains tout en fermant les yeux. Le souvenir de ce géant craint de tous lui revient. Depuis six ans, il le croisait fréquemment au détour d'un chemin, souvent une phrase assassine s'était échappée d'entre les lèvres du colosse.

- Hors de mon chemin, vermine, ou je me sers de ta carcasse comme d'un paillasson pour m'essuyer les pieds !

Autour du Colisée, dans les arènes, au milieu des collines ou même sur la plage, Goliath était là. Toujours impressionnant, il ne montrait pas son vrai visage, lui avait un jour dit Méline.
Méline… Méline… Méline… Cette jeune fille mystérieuse rencontrée il y a des années sur la plage et dont il ne sait pratiquement rien, cette même jeune fille qu'il a par hasard revue au détour d'un chemin à plusieurs reprises sans vraiment en apprendre davantage. Un flash : elle court dans la nuit, en larmes et couverte de sueur, le regard suppliant, son appel presque couvert par le tonnerre et le hurlement bestial de… Goliath !

- Goliath ! Non ! Ne fais pas ça !

Néo s'effondre dans son lit, emporté par le délire… alors ses souvenirs refont surface : c'est lui qui a tué Goliath ! Le colosse tombe en arrière, murmurant doucement quelques mots à l'intention de celui qui l'a vaincu : " Puisses-tu poursuivre ma mission mieux que moi et venger la mort de celui que je n'ai pas su protéger il y a treize ans. Pas pour moi. Fais le pour lui… Et pour Méline… "
Pourquoi Goliath avait-il dit cela ? La vision d'un éclair zébrant la voûte céleste. Comment Néo avait-il pu le tuer ? Le rugissement du tonnerre dans un ciel couvert de gros nuages noirs. Et surtout pourquoi s'étaient-ils battus ? Des cris terrifiants résonnant à travers les collines. Il se souvient à présent…
Goliath se dresse devant lui, les yeux injectés de sang, en proie à une folie furieuse. Néo se relève alors que Nova, son rival, vient de l'écarter violemment pour qu'il ne prenne pas le coup de poing titanesque qui lui était destiné. Etendu devant le colosse, le visage ensanglanté, Nova a perdu connaissance… Goliath s'apprête à le piétiner.
Les deux garçons avaient décidé de livrer un combat devant l'imminence de leur épreuve prévue dans quelques jours, pour évaluer leurs capacités respectives, mais le bruit sourd et régulier des pas de Goliath venant vers eux avait interrompu leur répétition. L'attitude étrange du géant avait surpris Néo, et en l'écartant, Nova venait peut-être de lui sauver la vie. A présent, à son tour de sauver la sienne.
Usant de ses réflexes, Néo glisse jusqu'au corps de Nova qu'il saisit et emporte avec lui, alors que le pied de Goliath s'abat lourdement sur le sol. C'est ensuite que le combat avait eu lieu. Nova étendu et inconscient derrière lui mais vivant, Néo observe le géant, lequel ne cesse de toujours répéter le même mot : Tuer… Tuer… Tuer…
Un coup de poing d'une force prodigieuse délivré par un colosse à la musculature hors du commun envoie le jeune garçon s'écraser contre un rocher. Néo se relève tandis que Goliath s'approche de lui pour l'achever. Un second coup de poing, encore plus violent. Esquive. Néo évite l'attaque en bondissant dans les airs au-dessus du point d'impact, porté par la force qu'il a appris à développer, mais qu'il utilise pour la première fois dans le but de… survivre. Le Cosmos ! Dans le feu de l'action, porté par les ailes de l'énergie ainsi libérée et mû par le seul désir de rester en vie, Néo décoche un puissant coup de pied au visage du colosse avant de retomber au sol sur le côté. Goliath a reculé mais n'est même pas tombé. Néo a pourtant mis toute la force de son Cosmos dans ce coup alors que le géant ne semble même pas avoir recours à la moindre énergie émanant de ce qui pourrait ressembler au Cosmos.
Un cri de rage. Il a été frappé et même s'il n'est pas blessé, Goliath est furieux. Il charge un Néo désormais affaibli par l'utilisation des ressources ultimes qu'il ne maîtrise pas encore suffisamment. Le choc n'aura pas lieu… la voix de Méline a arrêté la charge furieuse du colossal adversaire du futur Chevalier Pégase.

- Goliath ! Non ! Ne fais pas ça !

Que s'est-il passé ensuite ? Les souvenirs du garçon sont encore flous. Goliath a hésité mais pourtant le combat a repris. Un sentiment de colère s'était emparé du jeune garçon blessé, ensanglanté, brisé, presque mort… Pourtant il s'était envolé… oui " envolé " est le mot juste, porté par des ailes… Goliath les avait vues…

- Ses ailes… Ce sont les ailes de Pégase… Elles le portent…

Le dernier assaut. Soutenu par son Cosmos qui lui avait donné des ailes, Néo voit briller les étoiles de sa constellation dans le ciel alors qu'il vole au-dessus de Goliath. Le souvenir de l'enseignement de son maître : longtemps il s'était demandé pourquoi Morgane s'était acharnée à lui faire retenir la position des treize étoiles de sa constellation ; aujourd'hui il le comprend tandis qu'il la dessine avec ses mains avant de porter un coup de poing remarquable qui allait fendre l'air en direction de son adversaire. Non… Pas un coup… Une multitude de coups déchirant l'air et s'abattant sur le géant… Des coups dépassant même la vitesse du son… Des centaines d'impacts portés en l'espace de quelques secondes avec toute l'intensité de son Cosmos…

- Par les Météores de Pégase !


Torrent de Rozan, région des Cinq Pics, Chine. Le bruit de deux poings frappant incessamment une chute d'eau dans le crépuscule. Un jeune garçon de quatorze ans qui tente vainement d'inverser le sens du courant de la cascade, de transgresser les lois de la nature.
Une silhouette apparaît dans le soleil couchant. Son pas est déterminé. Sous son long manteau noir, un homme solidement bâti avance irrémédiablement. Shin ne le voit pas, concentré sur sa tâche. De longs cheveux noirs s'envolant dans son dos, une balafre en travers de son visage au teint hâlé, le visiteur arbore une mine sombre. De minces jets d'eau et une multitude de gouttelettes éclaboussent le corps du jeune homme qui s'acharne à frapper encore et encore, ignorant l'inconnu qui vient d'arriver. Un bras musclé qui se tend en direction du garçon, un tromblon électronique à double canons à son extrémité. Sur un cadran joint au viseur, des informations numériques s'affichent tandis que plusieurs voyants lumineux indiquent au tireur que son arme est prête. Au-dessus de lui, le vent agite les branches des arbres feuillus.

- Toi là-bas, crie-t-il, écoute-moi bien !

Shin se retourne pour découvrir qu'il est devenu la cible d'un homme massif qui le tient dans la ligne de mire d'un produit de la haute technologie. Un sentiment de frayeur l'assaille ; même si son maître lui a maintes fois répété que les Chevaliers étaient plus rapides que les armes à feu, qu'en est-il de celle-ci ? Il observe, frémissant, impuissant même. Que peut un jeune garçon vêtu simplement d'un pantalon de toile noire contre ce tromblon du futur ?

- Que… Que me voulez-vous ?
- Mon nom est Tsun ! Tu as dix secondes pour me dire où se terre ce salaud de Neishing qui m'a privé de huit ans de vie en me faisant enfermer. Je viens lui trouer la peau !
- Co… Comment ? hésite Shin tout en tremblant, alors que son visage se couvre de sueur. Je… Je ne sais pas…
- Il te reste cinq secondes…
- At… Attendez ! Il y a sûrement…
- Trois…

Shin recule mais il est acculé à la chute d'eau. S'il ne dit rien, il va peut-être se faire tuer…

- Une seconde… Alors ?

Trahir son maître. Il y a quelques années déjà il avait mené un assassin jusqu'à lui… Pas cette fois…

- Tant pis pour toi ! Adieu !

Une terrible détonation retentit. Deux éclairs flamboyants qui jaillissent des canons du tromblon. Shin bondit sur le côté pour essayer de les éviter en se jetant à l'eau… Une violente douleur lui brûle l'épaule et le fait tomber un genou à terre sur la berge du torrent… L'un des canons l'a effleuré, le sang coule sur son bras tandis que Tsun a déjà réorienté son arme vers le jeune garçon… Deux boules d'énergie grandissent dans les deux tubes joints, indiquant l'imminence de la prochaine salve…
C'est alors qu'un cri sauvage retentit dans le feuillage des arbres qui surplombent le tueur… puis un hurlement terrible … Deux éclairs qui se perdent dans le torrent, jaillis d'un tromblon percutant la terre après avoir volé dans les airs… Tsun tombe au sol sur ses genoux, le regard vide, aspergeant l'espace devant lui d'une effusion de son propre sang, un pieu en travers du corps… Debout sur ses épaules, un petit homme tombé d'un arbre vient de le terrasser… Le corps sans vie de Tsun s'écroule tandis que Yao bondit en arrière, lâchant la lance qu'il vient de planter entre les omoplates de ce bandit qui menaçait de tuer Shin. C'est alors que l'enfant prend conscience de ce qui vient de se passer. Shin se précipite pour l'enlacer dans ses bras. Le regard tétanisé du petit garçon lui arrache des larmes… Au même moment un bruit de pas précipités marque l'arrivée de Neishing, dont le visage semble teinté d'effroi à la vue du cadavre de Tsun et de l'état dans lequel cela a mis le petit Yao.

- Tsun… Il était venu pour moi… Et c'est… Yao… (A l'adresse de Shin…) Laisse-moi m'occuper de lui, va panser ta plaie en attendant.
- Qu'allez-vous faire, maître ? demande-t-il alors que Neishing lui prend l'enfant hagard des bras.
- Yao vient de tuer un homme. C'est un enfant et il n'était pas prêt à vivre une telle chose… Même s'il est plein de ressources, il ne pourra pas se développer normalement s'il porte un tel fardeau… Je vais l'hypnotiser… pour enfouir ce souvenir au plus profond de lui afin qu'il ne le trouble jamais plus…
- Attendez ! Mais vous risquez d'altérer son mental, et… ne faîtes pas ça ! Moi aussi j'ai eu un passé difficile, j'ai connu des horreurs dans ma vie… et j'ai appris à vivre avec…
- Mais toi… Tu n'as pas tué ton père alors que tu n'avais que huit ans…
- Quoi ?
- Je t'ai dit que j'avais contribué un jour à l'arrestation d'un truand notoire : le père de Yao, c'était lui ! Et je préfère qu'il ne l'apprenne jamais ! Je pense que c'est mieux ainsi…

Deux heures plus tard, revenant des bois où il vient d'enterrer le corps de Tsun, Shin s'avance vers le torrent, sentant sa colère monter en lui. Sa colère envers lui-même pour n'avoir pas pu empêcher Yao de tuer son père, pour n'avoir pas su neutraliser le bandit à temps. Sa colère envers son maître : bien que Neishing ait certainement de bonnes raisons d'agir comme il le fait, lui n'approuve pas que l'on prive quelqu'un d'une partie de sa mémoire. Le risque de traumatisme n'est-il pas plus grand encore si le voile du mensonge vient à se déchirer un jour ? Sa colère contre le destin enfin… Une colère calme qu'il a appris à canaliser, à maîtriser… Les larmes coulent le long de son visage… alors que d'étranges marques apparaissent dans son dos… Shin concentre son énergie, il va frapper le torrent d'un unique coup pour évacuer sa colère… Non, pas sa colère, la colère de ce qui vient d'apparaître dans son dos. Son aura se teinte d'un vert émeraude alors qu'il frappe et libère… la Colère du Dragon.
Des flux d'une énergie exceptionnelle se répandent à travers tout son corps, quand la chute d'eau se fige… comme si le temps s'était arrêté… A l'endroit où son poing est entré en contact avec le torrent, l'eau semble désormais irrémédiablement attirée vers le ciel : le torrent s'inverse ! Une puissante vague d'écume accompagne le jeune homme jaillissant tel le dragon au-dessus de Rozan. Alors que du fond des eaux, vient d'apparaître un coffre gravé de la tête d'un dragon.
Sur le seuil de sa cabane, Neishing assiste en souriant au prodige de son disciple. Emergeant visiblement de son sommeil hypnotique, Yao le rejoint et pousse un cri de stupeur à la vue d'un spectacle aussi incroyable.

- Bravo, murmure le Chevalier de la Balance ! Je te félicite, Chevalier du Dragon !


Octobre 2199. Sanctuaire, Grèce. Plusieurs semaines ont passé depuis la mort de Goliath. Les choses ne sont pas claires dans la tête de Néo quant aux circonstances exactes de son affrontement avec le colosse. Mais il a bien fallu reprendre l'entraînement, et demain celui-ci sera terminé : il devra combattre son rival, Nova, dans les arènes, en présence de nombreux Chevaliers, soldats et novices, mais aussi de Raphaëlle et de… Bishop. Pour l'heure, Morgane se dresse devant lui, en garde, pour une ultime séance d'entraînement. Quelques coups échangés, esquives, sauts, parades… Sous le regard amusé d'un spectateur inattendu.

- Pathétique, ricane Zachary.

Le Chevalier du Lézard apparaît à quelques mètres d'eux, paradant encore une fois comme il sait si bien le faire dans son Armure rutilante. Morgane se tourne vers lui tandis que Néo affiche un visage mécontent tout en serrant ses deux poings.

- Tu n'as aucune chance, dit-il sur un ton méprisant. Demain tu vas te faire ridiculiser devant tous les Chevaliers du Sanctuaire. Je serai là pour assister à ta cuisante défaite. C'est Bellatrix qui a préparé ton rival, et tu crois vraiment avoir l'ombre d'une chance face à celui qui a reçu l'enseignement du Chevalier d'Orion, le plus puissant d'entre nous, celui dont on dit que même les Chevaliers d'Or le craignent. Laisse-moi te donner un conseil : abandonne tant qu'il est temps et retourne pleurnicher dans les jupes de ta mère. Et dire que certains prétendent que tu as vaincu Goliath… Une rumeur stupide !
- Crois ce que tu veux, Zachary ! Je vais me faire un plaisir de te démontrer le contraire de ce que tu affirmes, toi qui ne mérites pas de porter l'Armure que tu te plais tant à exhiber, répond Néo sur le ton de la colère. J'ai bien changé depuis ce jour où tu as pris un malin plaisir à me montrer comment on encaissait les coups… A moi de te prouver ce que je vaux… Et bientôt tu ne ressembleras plus à rien ! Par les…
- Arrêtez, dit Morgane tout en bloquant le poing de son élève. Laisse-le. (A Zachary…) Quant à toi, de quel droit te permets-tu d'interrompre l'entraînement de mon élève ? Hors de ma vue !
- Mais enfin Morgane, regarde la réalité en face. Que peut-il espérer avec toi ? Nova est le disciple de Bellatrix. Qu'es-tu donc en comparaison de ce Chevalier, que dis-je, de Bellatrix, la légende ! Toi, tu n'es… qu'une femme…
- Je ne crois pas que cela soit un problème. Mais si tu es encore là dans dix secondes, je vais te montrer de quoi est capable une faible femme… face à un minable comme toi !
- Tu oses m'insulter ! Je te promets que tu me le paieras… dit-il en s'en allant. Mais un autre jour. Car je ne voudrais pas te priver du spectacle de demain. Ce serait dommage que tu ne puisses y assister, non ?

Néo et son maître regardent la silhouette du Chevalier d'Argent s'évanouir dans le soleil couchant. Nul doute que l'un comme l'autre n'attendent que le moment propice pour faire ravaler sa salive et sa vanité au trop célèbre Zachary.


L'aube derrière le Mur des Glaces Eternelles, Sibérie orientale. Dans son grand manteau blanc, Lushia se tient devant son chalet. A quelques mètres de lui, un homme grand et fin aux cheveux bleu ciel très courts, concentre son Cosmos. Il est vêtu d'une curieuse tunique cristalline et porte un cercle argenté autour du front. Alors qu'il ouvre ses yeux bleus pour fixer le maître des lieux, son aura grandit et la neige se met à tomber autour de lui. Alerté par le puissant dégagement énergétique, Sven accourt vers la maison de son maître, revenant de son entraînement. Il reconnaît le visiteur immédiatement, il l'a déjà vu une fois il y a bien longtemps… Il s'appelle Wiglaf.

Quatre ans et demi plus tôt, mars 2195. Une petite fille blonde aux grands yeux bleus, à peine âgée de plus de cinq ans, s'était approchée d'Anakin et de Sven alors qu'ils s'entraînaient dans la neige.

- Bonjour Anakin, lui avait-elle dit avec un sourire agréable.
- Bon… Bonjour… Nous nous connaissons ? avait-il répliqué, intrigué que la jeune enfant connaisse son nom.
- Toi, tu ne me connais pas, avait-elle répondu doucement, mais moi je te connais bien. Je m'appelle Aurore. Mais je ne connais pas ton ami.
- Je… Je m'appelle Sven, avait ajouté le garçon concerné en voyant le regard d'Aurore se poser sur lui.

C'est alors qu'il était apparu. Wiglaf s'était approché aux côtés de la petite, et l'avait prise par la main. Son visage fermé n'avait inspiré que méfiance et crainte aux deux garçons.

- Il faut partir, Aurore, nous n'aurions d'ailleurs jamais dû venir jusqu'ici !
- Mais Wiglaf, c'est Anakin !
- Et alors ? Ca ne change rien… Partons !
- Je t'en prie ! avait-elle insisté alors que déjà Wiglaf la tirait avec lui en s'en allant. Au revoir Anakin, à bientôt…

La voix suppliante d'Aurore avait inspiré de la tristesse aux disciples de Lushia alors qu'ils regardaient les deux silhouettes disparaître au loin sur la banquise.

Devant un Lushia toujours aussi impassible et silencieux, Wiglaf montre sa colère : il lui en veut ! Sa voix témoigne de sa haine quand il livre les raisons de sa rancœur tandis que son doigt accusateur le désigne.

- Lushia ! Tu es le seul responsable de ce qui s'est passé ! C'est ta faute si Aurore ne pourra plus jamais voir le soleil se lever ! C'est toi qui l'as tuée en réalité parce que tu n'as pas tenu ta promesse ! Tu prétendais maîtriser la situation, non seulement tu as échoué, mais en plus tu nous as menti ! A moi, mais surtout à Aurore… Et à Anakin ! Je n'aurai pas dû faire confiance à Gouriev quand il m'a assuré que je pourrais compter sur toi. Ce sont les autres qui avaient raison… Cœur de Glace ! Je vais te faire payer ce que tu as fait. Prépare-toi !
- Maître, clame Sven ! Que se passe-t-il ?
- Tu as fini, Wiglaf ? reprend Lushia sans prêter la moindre attention à l'intervention de son élève. Je ne suis pour rien dans ce qui est arrivé à Aurore. Après tout, n'est-ce pas toi qui devais la protéger ? Je ne suis pas responsable du destin. Regarde-toi toi-même avant de juger, Wiglaf. Tu as perdu tout contrôle, tu laisses tes sentiments guider tes actions, c'est là l'attitude d'un simple mortel, ce qui de ta part n'est pas acceptable.
- Quoi ? Tu m'accuses de te juger. Mais toi ? Que fais-tu en ce moment même ? Tu te crois supérieur parce que tu es un Chevalier d'Or ! Les autres ne méritent pas d'avoir tes privilèges. Je te maudis, Lushia ! Tu t'es moqué d'Anakin, tu nous avais dit que tu ferais de lui le Chevalier du Cygne ! (Sven marque un temps de surprise après cette affirmation…) Et j'apprends il y a peu que tu avais déjà décidé de confier l'Armure à ton autre disciple ! Je t'ai haï à cause de la mort d'Anakin puis de celle d'Aurore… Mais quand j'ai découvert que tu destinais l'Armure du Cygne à un autre… j'ai décidé de te tuer ! Tu ne respectes même pas les morts… même lorsqu'il s'agit…
- J'en ai assez entendu ! l'interrompt-il brusquement. Ce que tu dis ne m'intéresse pas. Tout cela appartient au passé, et pour moi, il n'existe plus.

Ce n'est pas la première fois que Sven entend son maître proférer de telles paroles à propos du passé. Mais le plus surprenant, c'est effectivement qu'il ne lui ait jamais parlé de son devenir et de celui d'Anakin. Que de mystères ! Et qui est donc ce Wiglaf ? Qui était la petite Aurore ? Quels liens avaient-ils avec son meilleur ami ?

- Maître, expliquez-moi !
- Il n'y a rien à expliquer, Sven ! Il est temps d'agir à présent ! Si Anakin était encore vivant, tu aurais dû l'affronter pour déterminer lequel d'entre vous porterait l'Armure du Cygne. Wiglaf ne te laissera jamais prendre cette Armure. Tu vas devoir l'affronter et le vaincre si tu tiens à devenir Chevalier. Et si tu refuses, c'est moi qui le tuerai !
- Très bien, réplique Wiglaf. J'affronterai ton disciple devant le Mur des Glaces Eternelles à la tombée de la nuit. Et s'il est capable de générer un souffle de glace plus froid que le mien, je considérerai qu'il est digne de porter cette Armure, digne d'honorer la mémoire d'Anakin !

Alors que son aura diminue pour finalement disparaître, Wiglaf s'en va. Sven approche de son maître, ses yeux interrogateurs ne manquant pas d'attirer l'attention du Chevalier d'Or.

- Il a dit qu'Aurore était morte, c'est cela ? C'est la petite fille que nous avions vue un jour…
- Vous n'auriez jamais dû la rencontrer. Et puis c'est une affaire bien trop compliquée qui ne te regarde pas. La seule chose qui devrait t'importer désormais, c'est de vaincre Wiglaf…

Alors que Lushia s'apprête à rentrer à l'intérieur, il tourne son visage vers le patriarche Gouriev qui vient d'arriver, le visage marqué par un profond sentiment de tristesse.

- Pardonne-moi Gouriev…


Un tunnel sombre s'enfonçant vers l'intérieur d'un volcan. Ignorant les fumées toxiques, un jeune homme âgé de quinze ans avance lentement. La chaleur intense régnant en ces lieux ne l'affecte plus : il y a bien longtemps qu'il s'y est habitué. Et de toutes façons il n'a pas eu le choix : c'était supporter ces températures extrêmes ou mourir ! Grand et plutôt chétif, le teint halé, sa longue chevelure rousse flamboie et vole dans son dos au gré des violentes bourrasques infernales. Il porte une tenue noire et un bandeau rouge sur son front, des chaussures usées lacées autour de ses chevilles. Il plisse ses yeux orangés, affichant une mine sombre et peu avenante. Aujourd'hui, Kemri vient à la rencontre de son destin : devenir le Chevalier du Phénix, dont l'Armure repose au cœur du volcan de l'Ile de la Mort. Il y a plusieurs heures qu'il a commencé son incursion en plein territoire ennemi, et il est même étonnant qu'aucun Chevalier Noir n'ait encore croisé sa route. Mais son objectif est désormais tout proche : une caverne plus grande, l'une des chambres du volcan où s'écoulent des filets de lave incandescente depuis une sorte de grand puits de flammes menant certainement au centre de la terre. Ce puits revêt l'aspect d'une mare de feu d'une dizaine de mètres de diamètre. Quelques proéminences rocheuses permettent de se frayer un chemin jusqu'à son centre où se situe comme un îlot minuscule sur lequel est posé un étrange coffre : celui de l'Armure de Bronze du Phénix. Kemri s'avance, lentement. Il pose le pied sur le premier rocher, puis continue sa marche d'un pas lent mais assuré, donnant l'impression d'ignorer les projections dues au bouillonnement de la lave qui l'entoure. Arrivé devant le coffre, il saisit la poignée d'une chaîne, puis il tire. L'urne s'ouvre : elle est vide.

- Croyais-tu vraiment que t'emparer de l'Armure Sacrée serait aussi simple ?

Sans manifester la moindre surprise, Kemri se tourne pour regarder celui qui a parlé, et dont il s'attendait visiblement à bientôt percevoir la voix. Entouré de ses deux fidèles lieutenants, Sauran attend à l'entrée de la chambre.

- Si cela avait été aussi simple, petit, il y a bien longtemps que je porterais l'Armure du Phénix. Cassandra ne t'a donc pas prévenu que l'Armure était cachée et que personne ne l'a plus vue depuis bien longtemps ? On raconte que dans toute l'histoire de la Chevalerie, il n'y a eu qu'un seul Chevalier Phénix. Lorsqu'il a disparu, son Armure aurait même été détruite. Mais un homme qu'on appelle Seigneur des Armures aurait ramené les cendres de celle-ci dans le volcan de l'Ile de la Mort, afin qu'elle soit forgée à nouveau. La légende ne dit pas clairement où cela s'est produit, si ce n'est sur ce qui reste du continent de Mu : l'Ile de la Mort. Et le seul indice que nous avons, c'est cette boîte que beaucoup avant toi ont ouverte, espérant y trouver le trésor qu'ils cherchaient.

Kemri observe les trois Enfants du Diable, se remémorant ses précédentes rencontres avec eux. Sauran et Sciron sont vêtus de noir, comme autrefois ; quant à Icare, il porte désormais une armure… une Armure Noire. Semblant presque apporter finalement une importance insignifiante à ce détail, Kemri baisse la tête et ferme les yeux pour se remémorer les explications de son maître. Puis il rejoint la berge de la mare de feu sans perdre de vue les mouvements des trois Chevaliers Noirs. Icare reste stoïque tandis que Sciron affiche un regard exalté, manifestement pressé d'en découdre. Sauran semble attendre une réponse : Kemri va la lui servir.

- Tu ne m'as rien appris, Sauran. Cassandra m'avait déjà dit tout cela. J'en sais même plus que toi. Je savais que l'Armure ne serait pas ici ou que tu ne l'avais jamais trouvée. Je sais aussi que cette Armure était particulière, différente des autres Armures de Bronze, c'est peut-être pour cela qu'un seul homme avant moi a réussi à l'endosser.
- Avant toi ? Comme tu t'avances, mon petit…
- Nous verrons bien… Le Seigneur des Armures, descendant du Peuple de Mu et détenteur du secret de la fabrication de ces reliques, lui-même s'est avéré impuissant pour reforger l'Armure du Phénix détruite. Il a jeté ses cendres dans le cœur du volcan mais il n'a rien fait d'autre…
- Je ne te crois pas ! s'exclame Sauran. Ca voudrait dire que l'Armure du Phénix est morte et qu'elle n'existe plus…
- C'est exact, l'Armure du Phénix est morte avec son prédécesseur, il y a plus de deux cents ans.
- Mais alors ? poursuit Sauran en ricanant. Tu es venu ici pour rien ? Pour une Armure qui n'existe plus ? Je ne peux pas croire que tu sois resté tant d'années ici en sachant cela !
- Je ne le savais pas… avant que Cassandra ne me révèle cette histoire ce matin même.
- Dans ce cas, pourquoi es-tu venu ? Tu n'as rien à faire ici. Les cendres de l'Armure du Phénix ont disparu dans le magma du volcan, il ne reste que cette boîte ! Tu veux la prendre ? Elle est inutile !
- Tu n'as décidément rien compris, Sauran ! Tu ne pourrais vraiment pas être le Chevalier Phénix, même si l'Armure existait encore. Je suis venu pour devenir le Chevalier Phénix, pas pour prendre l'Armure. C'est là toute la différence entre nous !
- Tu ne deviendras rien du tout ! rugit le chef du trio infernal. J'en ai assez entendu comme cela ! Tu as eu tort d'ignorer mes avertissements. Aujourd'hui tu vas mourir ! Mais je ne m'abaisserai pas à combattre un adversaire aussi indigne de moi. Le plus faible d'entre nous va te pulvériser ! Icare ! Il est à toi !

Le silencieux garçon aux cheveux et aux yeux noirs s'avance de quelques pas, souriant fièrement tandis que la lumière des flammes fait étinceler son armure de ténèbres.

- Je suis Icare, lieutenant de Sauran. Il y a plusieurs semaines, j'ai découvert l'une des Armures Noires et j'ai pu la porter, je suis donc officiellement un véritable Chevalier. Permets-moi de me présenter - depuis le temps que j'attends de faire ma véritable entrée en scène - avant que nous n'entamions les hostilités pour de bon. Je suis Icare, Chevalier Noir du signe du Fourneau, et aujourd'hui je vais te tuer.
- Terrible ta présentation, répond Kemri sans manifester la moindre émotion. Je tremble déjà.

Manifestement agacé par cette réponse, Icare charge son adversaire. Sauran sourit, attentif. Sciron serre ses deux poings tout en montrant une jubilation extrême dans son regard : il donnerait tout pour être à la place de son compagnon et donner une bonne leçon à ce gosse qui prétend leur en apprendre.
Coup de poing d'une extrême violence. Blocage d'une seule main. Riposte. Kemri saisit le bras de l'adversaire et l'envoie valser dans les airs. Rétablissement sur une seule main. Icare reprend appui sur ses pieds et se jette à nouveau sur Kemri. Uppercut. Esquive. Kemri recule son buste en arrière pour éviter le poing d'Icare, lequel enchaîne avec un puissant coup de jambe : le jeune Egyptien est projeté vers la mare de feu. A temps, il réussit à se stabiliser sur un des rochers. A son tour, il bondit sur son ennemi. Contact. Echange de coups de poings. Ceux de Kemri semblent amortis par l'Armure Noire tandis que ceux d'Icare commencent à sérieusement contusionner les bras en parade de son adversaire. Bond en arrière. Récupération.
Les deux combattants reprennent leur souffle sans se perdre du regard. Ils ont un niveau de maîtrise du corps à corps à peu près identique si l'on en juge sur ces premières échauffourées. Mais Kemri commence à être couverts de bleus et de blessures superficielles, alors qu'Icare n'a pas reçu le moindre dommage, uniquement grâce à son armure. L'affrontement reprend.

- Tu m'as l'air bien pensif, Sauran ? murmure Sciron. Cette petite larve va se faire laminer, ça ne te réjouit pas ? Remarque tu as raison : je préférerais être à la place d'Icare.
- Non, ce n'est pas cela, j'essaie de détecter sa véritable puissance. Ne sens-tu pas les vibrations de son Cosmos ?
- Pff… A quoi bon ! J'ai mieux à faire et puis je ne vois pas la moindre expression du Cosmos dans ce gamin.
- Détrompe-toi, Sciron ! Tu ne penses pas que le disciple de la Gardienne n'est pas capable d'exprimer le Cosmos à travers son corps ? Je le perçois, tout comme je perçois celui d'Icare. Les niveaux de leurs Cosmos respectifs sont à peu près équivalents.
- Hein ? Tu veux dire que ce minus est aussi fort qu'Icare ?
- Oui.
- Ne me dis pas que ça t'inquiète ?
- Bien sûr que non. Même s'ils sont de puissance égale, Icare a un sérieux avantage en défense. Sur la longueur, il ne peut que l'emporter. Et au cas où ce misérable triompherait, ce qui est impossible, son niveau reste dérisoire comparé au mien… ou même au tien d'ailleurs…
- Oui, ce morveux ne peut pas gagner, car Icare a plus d'un tour dans son sac. Attends qu'il décide de l'achever… avec sa technique secrète.

Kemri met toute sa puissance musculaire dans un coup de pied tournoyant qu'il porte à la tête de son adversaire. Icare est projeté et s'effondre au sol, légèrement blessé. Le Chevalier Noir passe sa main sur son visage et essuie une petite goutte du sang qui s'écoule de sa lèvre supérieure. Kemri se remet en garde, prêt à accueillir la riposte de l'ennemi en train de se relever, pris d'une rage subite.

- Tu vas me le payer, misérable vermine ! Je vais te montrer mon véritable pouvoir !

Bondissant, Icare s'apprête à attaquer le jeune Egyptien, prêt à parer le coup. Mais au dernier moment, il feint de frapper alors qu'il pivote et porte un coup latéral… que Kemri n'avait pas prévu. Quand il le voit, il est trop tard, le poing armuré du Chevalier Noir irradiant d'une faible lueur rougeâtre l'atteint en plein visage, le projetant violemment à plusieurs mètres. Kemri retombe lourdement sur le sol… tout près de la mare de feu ! La feinte de son adversaire l'a surpris autant que la puissance du coup qu'il vient de porter. Etourdi et à terre, Kemri est à la merci du Chevalier Noir, qui heureusement, est contraint de reprendre son souffle pour récupérer son énergie, tellement il a décuplé la puissance de son coup en puisant dans les ultimes ressources de son Cosmos… Kemri réalise ce que son adversaire vient de faire…

- En intensifiant leur Cosmos jusqu'à leur paroxysme, avait dit un jour Cassandra, les Chevaliers sont capables de porter des coups encore plus puissants. Mais mobiliser de telles ressources nécessite une grande connaissance et une maîtrise exceptionnelle de son propre Cosmos. Les énergies ainsi libérées, si elles ne sont pas canalisées, sont éprouvantes même pour celui qui les utilise. Veille à économiser tes ressources, et à ne porter tes attaques avec leur puissance ultime qu'au moment crucial…

Icare venait d'intensifier son Cosmos au maximum dans le but de prendre l'avantage. Péniblement, Kemri se relève en regardant son adversaire en train de se remettre en garde tout en repensant à ce qui vient de se passer.

- Tu as porté un coup très puissant, remarque Kemri, mais tu n'as pas su l'exploiter. Tu avais remarquablement réussi à me feinter, mais dans le même temps tu ne m'as pas frappé sur un point sensible. Tu as mis toute la puissance que tu pouvais mais tu n'avais plus assez d'énergie pour en profiter et me porter un coup fatal alors que je ne pouvais plus me défendre. Au lieu de cela, tu as perdu du temps pour récupérer ton énergie, alors que moi, je me relevais.
- Tu te trompes, ricane-t-il. Je n'ai pas perdu mon temps. Regarde mieux autour de moi.

Kemri relève la tête pour mieux observer le Chevalier Noir, quand ses yeux orangés s'écarquillent, manifestant une certaine surprise : le corps tout entier d'Icare luit d'une aura rougeoyante en train de s'enflammer. Il intensifie encore son Cosmos.
Le regard souriant de Sauran se montre plus franc, les petits cris jubilaires de Sciron plus nombreux. Les deux observateurs semblent satisfaits.

- Kemri… c'est bien ton nom, déclare Icare. Je te fais l'immense honneur de le prononcer pour la première et dernière fois. Tu t'es trompé car le coup que je t'ai porté était destiné uniquement à te neutraliser le temps que j'intensifie suffisamment mon énergie pour te porter une attaque toute puissante. A présent je suis prêt. Tu vas mourir !

Alors que des flammes apparaissent dans son aura, Icare plie ses deux bras, les contractant tout en fermant ses poings. Des flammèches viennent se concentrer autour de ses deux mains, quand enfin il propulse ses bras en avant, faisant jaillir des tourbillons enflammés fondant sur son adversaire.

- Par le Tourbillon de Feu !

Kemri intensifie son énergie pour tenter de créer un écran de force protecteur avec tout le pouvoir de son Cosmos qu'il intensifie à son tour au maximum, pour la première fois de sa vie… mais peut-être la dernière. Les tornades pyriques le frappent et l'emportent. Elles sont si puissantes qu'il ne parvient pas à les contenir. Elles le brûlent et bientôt tout son corps s'enflamme tel une torche. Jamais il n'avait ressenti auparavant une chaleur aussi intense, il croyait pourtant avoir tout connu.
Douleur… Souffrance… Impuissance… Son corps embrasé chute dans la mare de feu. Kemri sent chaque partie de son corps pénétrée par les flammes destructrices du Chevalier Noir et le magma bouillant du volcan en train de l'avaler ; il sent son être se consumer entièrement.
Icare tombe un genou à terre, haletant : il a mis toute sa puissance dans cette technique secrète. Il relève la tête, assistant avec une joie non dissimulée par son épuisement, à la défaite de ce jeune présomptueux qui les avait défiés. Sciron explose de rire… manifestant une fois encore un grand plaisir à voir une victime périr dans d'horribles souffrances. Sauran affiche un air satisfait puis un brin de déception.

- Dommage ! J'avais fini par m'attacher à lui. Le plus triste, c'est qu'il n'y aura plus jamais de Chevalier Phénix. Tu n'étais pas homme à mentir… Kemri ? C'était bien son nom ?

Le vide. L'absence de toute sensation, de toute perception, Kemri sent la vie l'abandonner maintenant que la douleur a disparu. L'Enfer, il le connaît à présent. Sa souffrance a été brève mais d'une rare atrocité : tout son être a été brûlé, consumé… Existe-t-il encore ? Est-il mort ? Il lui reste juste une étrange perception de l'esprit qu'il sent en train de s'évanouir peu à peu… alors que des images de son passé envahissent sa pensée, la seule chose qui lui reste encore… sa mémoire…
L'Egypte… Louxor, la cité de son enfance… Le désert… Les pyramides… Un petit garçon en haillons, pieds nus, court au milieu des vestiges d'une ancienne civilisation…

C'est amusant et pourtant si évident que tu aies vu le jour sous le soleil d'Egypte,
le pays d'origine du mythe de l'oiseau immortel appelé à guider ta destinée.

Une phrase de son maître, l'une des premières qu'il a entendues de sa bouche. Petit à petit, il sent l'essence de son être continuer de se dissoudre dans le néant.
L'orphelinat où il a grandi… Ce lieu insalubre qu'il a toujours détesté… Deux hommes en noir étrangement vêtus venus l'arracher violemment à ses rêves, seul moment de tranquillité en ces lieux haïs…

Etoile du Phénix ! Enfant du destin né sous le signe du Lion !
Il faut mourir pour vaincre, il faut mourir pour vivre !

Valkhan… L'homme qui l'a arraché à un destin plus terrible encore que celui de son enfance… L'homme qui l'a tiré des griffes du Chasseur… Le pouvoir d'un véritable Chevalier qui repousse ses adversaires sans même les toucher…

Le Cosmos vit en chacun de nous, mais notre destin est guidé par nos étoiles… Ton étoile, le Phénix, guide ta destinée !

Sept enfants poursuivant un même but… Néo… Shin… Issa… Sven… Sandra… Vicky…. Et lui ! Tous rassemblés autour d'un même homme, un père… Une famille ?

Les Enfants du Destin se rassembleront… Leur volonté s'accomplira… Le destin se répète !

L'Ile de la Mort…Durant six années, Kemri a vécu sur l'endroit vraisemblablement le plus inhospitalier de toute la planète. Cassandra, son maître… Hassadan, son ami, Chevalier du Petit Lion… Ils lui ont tout appris… Ils l'ont aimé… Des exercices difficiles et éprouvants, des conditions infernales… Des rencontres inoubliables : Jassugan le Chevalier d'Or, uni à son maître par un amour impossible. D'autres rencontres… fatales… les Chevaliers Noirs !
Plus rien… Il n'existe plus à présent… Son corps et son âme sont détruits… réduits en cendres… Mais n'est-ce pas là son véritable destin ?

Même s'il meurt, le Phénix renaîtra de ses cendres !



Depuis le sommet de la tour, Cassandra semble observer le volcan de ses yeux aveugles cachés derrière son masque. Hassadan la rejoint précipitamment, affolé.

- Cassandra ! Qu'est-ce qui se passe ? D'un seul coup, j'ai cessé de sentir la présence du Cosmos de Kemri.
- Les Chevaliers Noirs l'ont trouvé, Hassadan. Phénix n'a eu d'autres choix que de les combattre.
- Les Chevaliers Noirs ! Tu veux parler de Sauran. Mais lui et ses hommes sont parmi les plus puissants, nous devons intervenir pour l'aider ! J'y vais !
- Non ! l'arrête la prophétesse. Ca ne servirait à rien ! Il est trop tard de toute façon…
- Hein ? Tu veux dire que…
- Oui ! Kemri est mort…
- Non !
- Ecoute-moi Hassadan ! L'Armure du Phénix est réputée être la plus difficile à obtenir. Au cours des siècles passés, elle n'a été portée qu'une seule fois. Et lorsque cet homme a disparu, son Armure est morte avec lui définitivement. Même le Seigneur des Armures du continent de Mu n'a pu la reforger. Et ses cendres ont été dispersées dans le volcan depuis ce temps…
- Mais alors ? Tu as envoyé Kemri chercher une Armure Sacrée qui n'existe pas ! Pourquoi ?
- C'est exact. J'ai fait cela à cause de la prophétie… qui annonçait le retour du Phénix…
- Non tu ne peux pas avoir pris le risque de sacrifier la vie d'un enfant simplement pour une prophétie ! Tu m'as dit toi-même un jour qu'on ne devait pas accorder de confiance aveugle et irréfléchie à tes prédictions ! Cassandra ?
- Irréfléchie ? Non, tout était réfléchi au contraire… J'avais prédit à Kemri qu'un jour il aurait à affronter ce terrible ennemi craint de tous, même des dieux : la mort !
- C'est insensé…
- Au contraire, Hassadan, tout prend son sens aujourd'hui. Observe et vois ! Moi, je sais déjà !


Icare se relève et lève son poing, pour signifier sa victoire à ses deux compagnons. Essoufflé, il se rapproche d'eux, et ensemble, ils s'apprêtent à s'engager dans la galerie pour quitter ces lieux. Quand Sauran s'arrête brusquement et se retourne, ses yeux fixant la mare de feu. Ses deux lieutenants échangent un regard, haussant les épaules.

- Qu'est-ce que t'as ? lui demande Sciron.
- Vous ne sentez pas ? dit-il d'une voix tremblante. Un Cosmos qui n'était pas là tout à l'heure… Un puissant Cosmos !
- Puissant ! s'exclame Sciron en se mettant sur ses gardes. C'est sûrement Cassandra qui vient pour venger la mort de son disciple.
- Mais… Non ! hurle Icare tout en désignant la mare de feu avec son doigt.

Des flammes s'élèvent, majestueuses et tourbillonnant dans les airs au-dessus de l'îlot. A l'intérieur, il y a une ombre ! Icare se précipite vers la mare, tout en rassemblant ses forces.

- Sauran ! Sciron ! Si c'est Cassandra, profitons-en pour nous libérer du joug de cette maudite gardienne.
- Il a raison. On y va ? suggère Sciron à son chef.

Mais Sauran le retient par le bras, lui montrant de la tête la silhouette baignée par les flammes du volcan. Une silhouette étrange et inconnue… une silhouette revêtue d'une Armure ! Le mystérieux Chevalier regarde sa main gauche, celle-ci se reflète dans ses yeux brûlant tels des torches. Puis il tourne son regard pour scruter sa deuxième main, avant de caresser cette étrange protection venue recouvrir son corps.

- Vivant ! Je suis vivant ! Elle aussi est vivante… Je la sens qui respire au contact de tout mon corps… A présent je suis invincible, immortel… Et mon pouvoir ne connaît plus de limites…

Les trois Chevaliers Noirs sont stupéfaits par cette apparition inattendue. Devant eux, Kemri est revenu, et cette Armure de Bronze qu'il porte ne peut être que la légendaire Armure du Phénix.

- Je ne comprends pas comment tu as pu t'en sortir ! hurle Icare intensifiant à nouveau son énergie. Mais je te garantis que ma prochaine attaque sera la dernière. Par le Tourbillon de Feu !

Les tornades de flammes frappent le Chevalier Phénix, mais celui-ci ne semble pas en souffrir le moins du monde. Baignant toujours dans une aura de feu, il les ignore, comme s'il les absorbait.

- Comment son Cosmos a-t-il pu s'accroître autant en si peu de temps ? balbutie Sauran de loin. Tout à l'heure, il égalait à peine celui d'Icare, mais maintenant il le surpasse.
- Tu délires là ! hurle Sciron. On ne peut pas progresser aussi vite. Et puis il devrait être mort !
- Il devrait, oui, mais il n'est pas mort ! A moins que… Non !

Icare tente péniblement de rester debout sur ses jambes après le nouvel effort qu'il vient d'accomplir. Son visage se fige, marquant sa totale incompréhension par rapport à ce qui est en train de se produire. Quand les yeux de Kemri se posent sur lui, des yeux orangés irradiant eux-mêmes une lueur rougeoyante, un véritable regard de braise !

- Non ! Mon attaque ne lui a rien fait ! Il n'a même pas essayé de l'arrêter !

Kemri écarte ses bras, tandis que son Cosmos attise les flammes tout autour de lui, les intensifiant même par de puissantes frictions de l'air. Les flammes ainsi créées viennent envelopper ses deux bras alors qu'il les projette devant lui tel le Phénix déployant ses ailes.

- Icare ! A l'époque de la mythologie grecque, un homme s'est approché trop près du soleil. Comme lui, tu vas te brûler les ailes… pour t'être approché trop près du Phénix !

Les flammes incandescentes jaillissant de l'aura de feu de Kemri et projetées par les deux bras du jeune homme avec une rare puissance s'élancent dans les airs et fondent sur le Chevalier Noir.

- Par le Vol du Phénix !

Un véritable oiseau de feu traverse Icare de part en part, littéralement surpassé par la puissante attaque qui le percute de plein fouet, le faisant sombrer dans les abîmes du néant. Son plastron explose sous l'impact, son casque vole. Sa dépouille retombe avec fracas sur le sol, ses yeux révulsés, son sang coulant de sa bouche. Il est mort.
Alors que Sauran reste médusé, Sciron bondit aussitôt, prêt à se battre contre le Chevalier Phénix. Une sombre aura nimbe bientôt le premier lieutenant de Sauran, dont les yeux injectés de sang témoignent de la rage.

- Je te maudis ! Je vengerai moi-même la mort d'Icare !
- Non attends ! l'interrompt Sauran sur un ton résolu et pourtant empreint d'un certain malaise. Il… Il va te tuer !
- T'es dingue ! Bien qu'il ait incroyablement progressé, son pouvoir est encore loin d'égaler le mien…
- Encore loin… oui… mais combien de temps lui faudra-t-il pour y arriver ! Laisse-le-moi !

A son tour, Sauran bondit, manifestant un Cosmos extrêmement puissant. Sciron recule, tout en souriant un instant devant la grande puissance de son chef, quand il perçoit sur son visage quelque chose d'étrange : Sauran a peur !
Le chef des Chevaliers Noirs s'approche de Kemri, son visage se couvrant de sueur. Son Cosmos s'intensifie alors qu'il ne cesse de fixer le Chevalier Phénix.

- Avant que nous ne nous battions, daigneras-tu me dire comment tu as fait pour survivre ? Et pourquoi m'as-tu dit que l'Armure du Phénix n'existait plus ?
- Parce que c'était la vérité ! Ses cendres dormaient dans ce volcan depuis que le Seigneur des Armures les y a laissées il y a bien longtemps. Celle-ci ne pourrait renaître de ses cendres que le jour où un nouveau Chevalier Phénix apparaîtrait. Lorsque je suis arrivé ici, sur l'Ile de la Mort, il y a six ans, Cassandra m'a prévenu que je devrai mourir pour devenir le Phénix, pour ressusciter cette Armure. Je savais que le seul moyen de la revêtir c'était de me trouver confronté à la mort… et de revenir de l'Enfer. C'est désormais chose faite. C'était mon destin et pas le tien. Ta quête était vouée à l'échec, Sauran ! Maintenant tu ne peux plus rien contre moi, parce que même si tu me tues, je reviendrai de l'Enfer, plus puissant que jamais. Car comme le Phénix, je suis immortel : j'ai le pouvoir de renaître de mes cendres.
- Donc tu as volontairement laissé Icare te tuer. C'est pour ça que tu n'as pas véritablement attaqué. Pour renaître de tes cendres, et revenir avec cette technique secrète redoutable qui a terrassé ce pauvre inconscient. Après tout ce n'était qu'un faible, sa mort m'indiffère. Mais je trouverai un moyen de t'empêcher de renaître de tes cendres. Je ne commettrais pas l'erreur de te tuer par le feu !

Sauran s'élance et porte un puissant coup de jambe en avant, Kemri s'écarte aussitôt pour esquiver. Son ennemi est très rapide, il s'en est fallu de peu pour que le coup l'atteigne. Enchaînement. Kemri pare les coups qu'il analyse comme étant les plus puissants et laisse son Armure encaisser les plus faibles. Un coup plus fort. Blocage et retournement : Sauran est projeté dans les airs, mais il reprend appui sur la paroi pour se jeter à nouveau sur Kemri. Au dernier moment, il intensifie désespérément son Cosmos pour une action étrangement insignifiante. Il lui saisit le poignet... Un soupir de soulagement...

- Je t'ai eu, Phénix ! Maintenant !

Sauran a mis toute son ardeur pour simplement lui saisir le bras. Pourquoi ? La réponse ne tarde pas : le chef des Chevaliers Noirs plaque le bras de Kemri sous le sien, le comprimant de toutes ses forces, intensifiant son Cosmos au maximum… avant de frapper ! Le bruit d'un os qui craque : malgré l'Armure, le bras droit de Kemri s'est brisé.
Sauran bondit en arrière, haletant. Il doit maintenant reprendre son souffle, car il a mobilisé toutes ses ressources. Mais son visage auparavant imprégné de peur a retrouvé un sourire confiant. Kemri grimace de douleur à cause de son bras fracturé et marque un moment d'hésitation. Il ne comprend pas la stratégie de Sauran : pourquoi celui-ci a-t-il mis toute son ardeur, tout son Cosmos dans une action qui ne visait qu'à lui casser un bras ?

- Je t'avoue que je n'étais pas certain de réussir, Phénix, déclare Sauran. J'ai tout misé dans cette entreprise, mais à présent je suis tranquille. Je n'étais pas certain que cela fonctionnerait car je n'ai pas fini de mettre au point cette technique de constriction. Mais ça a marché, et à présent tu ne peux plus me tuer !
- Ah oui ? reprend Kemri esquissant un sourire grimaçant. Parce que tu crois que c'est en me privant d'un bras que tu peux m'empêcher de te vaincre. Je n'ai pas besoin de mes deux bras pour combattre !
- Peut-être, mais tu en as besoin pour utiliser ta technique du Vol du Phénix, celle qui a tué Icare. Je n'ai pas réussi à comprendre ton attaque et si tu l'avais portée contre moi, mes chances de survie auraient été bien faibles. Mais j'ai remarqué que tu avais besoin de tes deux bras pour la lancer, ce qui veut dire que tu ne peux plus l'utiliser ! Ha ! Ha !
- Je comprends mieux à présent pourquoi ton visage a changé si rapidement d'expression par deux fois. Tu as découvert la peur en assistant à mon attaque, puis le soulagement en m'ôtant la possibilité d'y avoir recours. Pourtant…

Kemri lève son bras valide, montrant sa main à Sauran, puis un à un abaisse chacun de ses doigts, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que son index pointé vers lui. Son regard de braise plonge dans celui de son adversaire, lequel doute un instant, preuve en sont les nouvelles gouttes de sueur apparaissant sur ses joues.

- Pourtant je n'ai pas besoin de mes deux bras… Un seul me suffit… Une seule main… Un seul doigt… Et mon regard…

Sciron s'approche, sans comprendre. Pourquoi Sauran reste-t-il sans bouger, à fixer les yeux du Chevalier Phénix ? Pourquoi son visage exprime-t-il ce sentiment que eux, les Chevaliers Noirs, ont toujours ignoré ? Le doute assaille Sciron : serait-ce la terreur ?

- Sauran ! Qu'attends-tu pour le tuer ? Sans son bras, il ne peut plus rien contre nous. Tue-le !

Sauran secoue la tête. Sciron a raison, qu'attend-il pour attaquer et en finir, il n'y a plus aucune raison d'avoir peur. Maintenant que Kemri est privé de son bras, le Vol du Phénix ne représente plus un danger. Il s'élance, intensifiant son Cosmos au maximum, saisissant son adversaire à la gorge avec ses deux mains. Surpris par la rapidité de l'attaque, celui-ci n'a pas réagi. Sauran le soulève de terre, tout en resserrant son étreinte.

- Meurs Chevalier Phénix ! Lorsque tu auras cessé de respirer, je te défie de pouvoir renaître de tes cendres !

En guise de réponse, les gémissements étouffés de sa victime se débattant vainement le supplient de l'épargner, de cesser. Sauran sourit car son ennemi est à présent à sa merci.


Un village perdu dans la région des Cinq Pics. Son coffre renfermant l'Armure sur son dos, et vêtu d'un luxueux kimono noir décoré de motifs dorés représentant le dragon, Shin se tient au centre d'un endroit dévasté par les flammes. Il est encerclé par trois hommes, responsables de la mise à sac des lieux. Regroupés plus loin, les villageois apeurés attendent l'issue de la rencontre. Allongé à terre, Ryû tente péniblement de ramasser son katana, son sang s'écoule de ses plaies : le jeune homme a voulu venir en aide aux habitants du village mais il a présumé de ses forces. Il se relève, à côté de Shin, dont l'arrivée lui a été salvatrice. Ce dernier observe attentivement chacun des trois individus.
Solidement bâtis, tous portent une armure rougeoyante rappelant les protections des commandants de l'armée chinoise durant l'époque médiévale. Ils sont armés chacun d'une arme différente. Le premier, le plus petit, celui qui semble être le chef, tient un sabre courbe dans chaque main. Le second, dont le visage amaigri est couvert de cicatrices, agite sans cesse un nunchaku à trois branches. Quant au dernier, le plus grand et le plus massif dont le visage est envahi par une barbe volumineuse, il soutient une imposante vouge.

- Shin… l'avertit Ryû à demi voix, ces hommes sont les complices de Tsun, un criminel dangereux qui a disparu dans la région alors qu'il venait pour se venger de ton maître. Tsun les avait recrutés parce qu'ils étaient d'excellents combattants manipulant les armes d'autrefois… Je les ai sous-estimés…
- Repose-toi, Ryû, c'est à mon tour de combattre…
- Qui es-tu ? l'interpelle le chef de la bande.
- Je m'appelle Shin, répond-il en le fixant droit dans les yeux d'un air résolument austère. Je suis le Chevalier du Dragon, disciple de Neishing.
- Le Chevalier du Dragon ? Qu'est-ce que c'est que ce drôle de titre ? Peu importe. Tu as dit être le disciple de Neishing donc tu vas pouvoir nous mener à lui. Nous savions qu'il interviendrait forcément si nous attaquions ce village. Mais je regrette qu'il ne nous envoie qu'un gamin. Où est Tsun ?
- Tsun est mort… Il n'aurait jamais dû venir à Rozan.
- Comment ? C'est Neishing qui l'a tué ?

Le jeune garçon hésite un instant avant de répondre. Il n'est pas question de leur dire la vérité, à savoir qu'un enfant de huit ans, qui plus est le propre fils de Tsun, est responsable de la mort du bandit. Il n'est pas non plus question de rejeter la responsabilité sur son maître, qui n'était pas présent lorsque c'est arrivé… Et puis c'est lui qui aurait dû combattre et mettre hors d'état de nuire Tsun… Son choix est fait…

- Quand Tsun est arrivé à Rozan, il m'a fait part de son intention de tuer mon maître, il m'a menacé… Il est mort…

Les trois hommes peinent à croire ce qu'ils entendent, n'imaginant pas une seule seconde que leur chef ait pu trouver la mort en combattant le gringalet qui leur fait face.

- Je ne te crois pas. Mais nous allons vérifier cela tout de suite. Si tu as vraiment tué Tsun, tu devrais te révéler un adversaire intéressant contre nous. Nous sommes le Trio de Genji, mercenaires au service de Tsun. En garde !
- Je suis prêt.

Simultanément, les trois hommes s'élancent vers Shin pour le frapper de leurs armes. Celui-ci bondit pour les éloigner loin de Ryû, lequel s'apprêtait malgré ses blessures à reprendre le combat.

- Mets-toi à l'abri, Ryû. Fais-moi confiance !

Les trois attaquants reprennent rapidement position autour de Shin, avant de porter un nouvel assaut, décalé cette fois. Le chef agit le premier, abattant un de ses sabres, que l'adolescent bloque à mains nues. Avant que la seconde arme ne s'abatte à son tour, Shin repousse son adversaire d'un puissant coup de pied. C'est alors qu'il perçoit le nunchaku fondre sur son visage, il fait un rapide mouvement de la tête pour l'éviter : l'arme ne fait que l'effleurer… Quand la vouge lui taillade le ventre, alors qu'il effectuait un bond en arrière pour qu'elle ne le touche pas !
Shin jette un œil à sa blessure. Elle n'est heureusement que superficielle, mais il l'a échappé belle, car une arme d'une telle envergure aurait très bien pu le tuer d'un seul coup. Ses adversaires sont compétents dans leur art, c'est évident, mais lui est un Chevalier d'Athéna. S'il ne veut pas courir le risque d'être blessé, il a besoin de pouvoir se protéger. Certes il peut bloquer une lame à mains nues, parer un nunchaku… mais la vouge, cette puissante arme d'hast, reste un problème délicat. A moins de porter un solide bouclier et une armure !

- Tu es rapide et tu as su éviter nos attaques, peut-être as-tu pu venir à bout de Tsun effectivement, Chevalier du Dragon ! Cela nous donne une raison de plus pour te tuer !

Laissant retomber lourdement son coffre sur le sol, Shin tire la chaîne pour l'ouvrir. Alors la majestueuse Armure du Dragon vient recouvrir son corps pour le protéger. Surpris par l'apparition de l'Armure, les trois assaillants ont interrompu leur attaque.

- Une bien belle armure en effet ! Mais cela ne suffira pas !

Shin ressent l'extraordinaire puissance conférée par ses habits sacrés. Son esprit semble en harmonie avec l'âme de l'Armure, en communion même…
Le Trio du Genji renouvelle exactement la même tactique. Le chef abat successivement ses deux sabres sur le bouclier que Shin dispose en protection devant lui.

- Ton bouclier ne résistera pas longtemps ! Mes armes vont le briser !

Lorsque le second attaquant frappe avec son nunchaku, Shin a déjà déplacé son bouclier pour se protéger. L'arme s'abat avec fracas sur sa protection si précieuse, sans l'ébrécher le moins du monde. Puis la vouge s'apprête à le perforer à son tour… mais elle ne parvient pas en l'entailler. Shin bondit au-delà de ses adversaires pour se dégager, retombe sur ses pieds à quelques mètres, exhibant fièrement son bouclier… parfaitement intact.

- Le bouclier le plus solide ! Comme mon maître me l'avait dit, je constate qu'aucune de vos armes ne pourra jamais briser le Bouclier du Dragon !
- C'est toi qui le dis ! A force de subir nos assauts répétés, il finira bien par céder, à moins que ce ne soit toi qui fatigues le premier et que tu ne parviennes plus à le déplacer assez rapidement pour te protéger. Il te restera ton armure, c'est vrai, mais elle aussi nous finirons par l'entamer. Il y a une différence notoire entre toi et nous : nos armes. Elles vont nous permettre de pénétrer ta protection, alors que toi, à mains nues, tu n'arriveras jamais à nous mettre en danger ! Nos armures nous protègent et tu ne peux pas les briser !
- Je mets ce postulat en échec.

Shin montre son poing droit devant lui à ses adversaires, alors que ceux-ci préparent une nouvelle charge. Encore une fois le bouclier pare successivement les armes des assaillants, mais au lieu de se dégager comme lors du précédent assaut, il frappe. Un unique coup, rapide et puissant, en plein centre de la cuirasse du chef, le repoussant en arrière. Alors seulement, Shin se dégage, montrant que son bouclier n'a toujours pas la moindre entaille.

- Désolé mon garçon, mais je n'ai rien senti, pas la moindre douleur, quand tu m'as frappé. Mon armure a parfaitement rempli son office.
- Je n'en serai pas si sûr si j'étais toi, répond-il en fermant les yeux. Regarde mieux !

Le guerrier s'exécute, et c'est l'effroi qu'on peut lire sur son visage, alors qu'il voit sa cuirasse se fendre, puis éclater. Ses deux compagnons montrent des yeux exorbités de stupeur à la vision de l'armure qui vient d'être réduite en miettes !

- Le poing le plus dur ! Mon maître m'avait aussi assuré que rien ne pouvait résister à la frappe du Chevalier du Dragon. Tu viens d'en faire les frais !
- Arg ! Tu es donc plus dangereux encore ! Mais assez joué à présent, nous aussi nous allons te montrer de quoi nous sommes capables. On s'est assez échauffé, les gars, finissons-en ! Montrons-lui la véritable puissance du Trio de Genji !
- A l'assaut !
- Meurs !

Les trois hommes chargent, préparant une attaque simultanée, combinée et assurément dangereuse. Peut-être pourront-ils feinter le bouclier et éviter son Armure ? Autant ne pas prendre de risque… et achever ce combat qui n'a que trop duré ! Sur ses gardes, Shin concentre son Cosmos tandis que ses ennemis sont sur le point de le frapper tous ensemble. Alors il libère toute son énergie, abaissant son poing gauche et déployant le prodigieux pouvoir du dragon devant lui en frappant l'air avec son poing droit ! Une vague d'énergie pure sous forme ectoplasmique verdâtre rappelant la silhouette du dragon remontant le torrent de Rozan se déchaîne !

- Par la Colère du Dragon !

Trois hurlements synonymes de douleur et de défaite, trois corps emportés qui s'effondrent au sol, leurs armures réduites en morceaux et leurs armes brisées. Shin assiste à sa victoire, ses yeux remplis de larmes : pour la première fois, il vient de prendre la vie de quelqu'un.
Bien qu'effrayés par l'apparition du dragon, les villageois sont soulagés de voir les bandits neutralisés à jamais. Après que l'un d'eux a pansé les principales blessures de Ryû, celui-ci s'approche de Shin pour le féliciter et le rassurer.

- Tu n'as rien à te reprocher, tu as fait ce qu'il fallait. Ils savaient ce qu'ils risquaient en empruntant la voie des forces du Mal, ils ont eu le sort qu'ils méritaient.

Sans pouvoir tarir ses larmes, tout en continuant de scruter les corps sans vie de ceux qui furent ses premiers ennemis, Shin acquiesce, sans conviction. C'est alors que Neishing, son maître, arrive par l'entrée du village, suivi de loin par Yao.

- Pardon maître, j'ai utilisé mon Armure Sacrée pour…
- Pour défendre la Justice et combattre les forces du Mal ! réplique-t-il. C'est à cela qu'elle sert, ainsi qu'à protéger les innocents. Tu as prouvé aujourd'hui que tu méritais de la porter. Je n'ai plus rien à t'apprendre, ton entraînement est terminé : tu vas pouvoir partir. Mais sache que ma maison te sera toujours ouverte. Au revoir.
- Merci pour tout, maître. Au revoir.

Le Chevalier de la Balance fait demi-tour, reprenant le chemin du torrent de Rozan, puis s'arrête alors qu'il n'a parcouru que quelques mètres. Il tourne la tête, affichant un visage grave.

- Une dernière chose, Shin : pourquoi m'a-t-il fait confiance ?

Bien que son maître ne l'ait pas nommé, il demeure évident dans la tête de Shin à qui il vient de faire allusion. Mais le jeune Chevalier ignore encore tant de choses qu'il lui serait bien difficile de satisfaire la question de Neishing.

- Je… Je ne sais pas, maître.

Sans chercher à en savoir davantage, Neishing reprend sa route, semblant se satisfaire de cette réponse pour le moins évasive. Yao s'approche du Chevalier du Dragon, l'air boudeur.

- Alors comme ça tu te tires ? Merde, je vais plus pouvoir t'embêter…

Shin s'agenouille et embrasse le garnement qui, pour une fois, ne proteste pas et laisse reposer tendrement sa tête sur l'épaule de son aîné.

- Tu reviendras, dis ?
- Je te le promets.

Une scène d'adieux pour le moins touchante que Ryû n'aurait pas cru possible, connaissant le galopin, il en vient presque à verser une petite larme… quand l'émotion s'envole brusquement, suite à un bruit inattendu en cette occasion. Yao relève la tête pour fixer Shin au visage décomposé…

- Oups…Pardon - c'est bien la première fois que je m'excuse d'ailleurs - j'ai pété… Et ça pue !


Ile de la Mort. Le combat entre le chef des Chevaliers Noirs et le Chevalier Phénix touche à sa fin. Sauran resserre ses deux mains autour du cou de sa victime, qui n'arrive pas à se libérer de son étreinte. Il se délecte à voir ainsi le visage déformé de douleur du pauvre Kemri, qui lui somme pourtant de l'épargner. Son visage se tord tellement il semble terriblement amaigri, et il se couvre de plaies. Même sa voix est en train de changer, une voix criarde…

- Arrête ! Tu es devenu fou ! Tu vas me tuer ! C'est moi, Sciron ! Han…

Sauran écarquille ses grands yeux reflétant le visage de Sciron, il recule précipitamment, laissant tomber à genoux sur le sol l'imposante masse de son lieutenant à la limite de l'asphyxie. A quelques mètres, le Chevalier Phénix n'a pas bougé de sa situation initiale, il reste debout, son bras cassé retombant mollement le long de son corps. Mais il sourit, les yeux fermés.

- Je suis devenu ton pire cauchemar, Sauran, murmure-t-il. A présent tu vis dans un monde où tout n'est qu'illusion. Tu croyais que c'était moi que tu étais en train d'étrangler. Si tu avais vu la tête de Sciron quand tu l'as saisi à la gorge. Il n'a rien compris, le pauvre.
- Han… Han… Qu'est-ce que c'était ? Je me souviens… J'ai vu un rayon de Cosmos partir de ton doigt…
- Tu l'as donc perçu ? Si cet imbécile l'avait vu, peut-être aurait-il compris ! J'ai pris le contrôle de ton cerveau. Pendant des années, mon maître m'a appris à découvrir tous les secrets de l'esprit, de la pensée, les mystères du cerveau… Aujourd'hui je peux agir sur eux… Tu as été frappé par l'Illusion du Phénix. Tu vis désormais dans un autre monde où ta perception du réel est altérée, un cauchemar dans lequel tes actions se retournent contre toi. Tu as failli tuer Sciron, mais la prochaine fois te sera peut-être fatale, à toi !

Sciron se relève tandis que Sauran tombe à genoux, comprenant qu'il a déjà perdu et que s'il continue le combat, il est mort !

- Chevalier Phénix, tu as gagné…
- Quoi ? hurle Sciron à peine remis de sa malheureuse expérience. On ne va quand même pas le laisser partir !
- Si, parce que si je continue le combat, nous mourrons tous les deux. (S'adressant à Kemri d'une voix forte…) Chevalier ! Je reconnais en toi le Phénix tout-puissant, l'immortel, mais je ne me soumettrai jamais à ta volonté. Je renonce à l'Armure Sacrée du Phénix, à ma quête de l'immortalité, parce que je n'en ai pas besoin pour commander aux Chevaliers Noirs. J'irai chercher une Armure Noire parmi celles qui existent encore… (Il se relève et commence à s'éloigner…) Pars sans crainte, Chevalier Phénix, tant que vivra Cassandra, aucun Chevalier Noir ne quittera cette île…
- Fais gaffe ! Il pourrait bien t'attaquer dans le dos ! hurle Sciron.
- Non, dit-il en s'arrêtant. Nous, nous le ferions, mais pas lui. Parce que c'est un Chevalier d'Athéna, un homme d'honneur. Et il attendra que tous les deux nous ayons revêtu une Armure Noire. Tu peux me suivre sans crainte, Sciron, il ne nous attaquera pas. Je lui fais confiance.
- Depuis quand les Chevaliers Noirs font-ils confiance à quelqu'un ? Sauran ? Tu n'es qu'un lâche !

Déjà Sauran a disparu au loin. Sciron crache puis vocifère quelques jurons, alors qu'il recule quelque peu avant de détaler comme un lapin, adressant d'ultimes menaces.

- Tu as de la chance pour cette fois, mais je te promets qu'un jour on se retrouvera, et ce jour-là, tu découvriras vraiment ce que veut dire le mot Enfer !

Kemri regarde le Chevalier Noir lui échapper, tout en murmurant à l'attention de son maître, qui depuis le sommet de sa tour, s'adresse à lui en pensée.

- Pourquoi devrai-je les laisser partir, maître ?
- Chacun d'entre eux connaîtra son destin… quand le moment sera venu… Pour l'heure, ils ne représentent pas de menace réelle… aussi longtemps que je garderai cette île. Permets-moi de te féliciter, Phénix. Tu as su affronter et vaincre la mort… Tu as su déployer tes ailes et le moment est venu de prendre ton envol… Va Phénix, ton destin t'attend sur l'Ile Canon. Profites-en pour exposer ta blessure aux vapeurs curatives du volcan pendant sept jours et sept nuits, alors ton bras retrouvera toute sa vitalité. Va, Phénix… et protège Athéna.

Kemri attrape le coffre vide puis se dirige vers la sortie du volcan. Quelques heures plus tard, un bateau s'éloigne de l'Ile de la Mort. A son bord, Kemri le Chevalier Phénix part pour rejoindre les siens… après six années. Au sommet d'une tour, deux silhouettes regardent s'éloigner la petite embarcation.

- Tu crois vraiment qu'ils réussiront, demande Hassadan, sans Valkhan ? Et pourquoi ne pas lui avoir tout dit ?
- C'était la volonté de Valkhan, répond la prophétesse. Une nouvelle phase de la prophétie est sur le point de s'accomplir. J'ai confiance…


Arènes du Sanctuaire, Grèce. L'agitation est à son comble dans les gradins bondés pour cette occasion unique. Nombreux sont ceux qui ont tenu à assister à ce combat qui promettait d'être exceptionnel : le disciple du plus puissant des Chevaliers d'Argent contre le tombeur de Goliath. Une foule en délire où sont rassemblés soldats, novices et Chevaliers. A la place d'honneur, assise sur un trône de pierre, Raphaëlle, sereine, ne perd rien du spectacle ; debout à sa droite, le Grand Pope observe en silence. Aux premières loges, Bellatrix reste de marbre, les bras croisés. A quelques mètres de lui, Zachary affiche un regard scandalisé : Nova vient de mordre la poussière, envoyé au tapis par un puissant coup de son adversaire. De l'autre côté des arènes, Mégare affiche un sourire, à quelques pas d'une Morgane résolument stoïque. Au milieu des gardes, une jeune fille se faufile pour assister à l'événement : Eryn ne peut s'empêcher d'émettre un petit rire discret à la vue de la mine décomposée de Zachary. Depuis dix minutes, les deux prétendants à l'Armure de Pégase s'affrontent, mais le combat semble à sens unique : Nova est littéralement submergé par son adversaire.

- Je ne comprends pas bien, pense Néo. Quand nous nous sommes entraînés ensemble, Nova valait beaucoup mieux que ce qu'il montre aujourd'hui. Il n'a quand même pas le trac simplement parce qu'il se bat devant la Déesse Athéna, le Grand Pope et plusieurs Chevaliers du Sanctuaire. Pourtant, il m'a affirmé au début du combat qu'il gagnerait l'Armure Sacrée pour remercier son maître et honorer sa réputation. Il y a quelque chose qui cloche.

Nova se relève, puis fixe son rival. Pour la première fois depuis le début du duel, il affiche un air déterminé et une concentration indéniable. Néo sourit : enfin son adversaire va se ressaisir, car il n'aurait pas aimé avoir une victoire facile. Du moins l'espère-t-il !

- Ecoute-moi, Néo. J'ai pu évaluer tes capacités et laisse-moi te féliciter car tu es très doué et très fort. Mais ça ne suffit pas pour devenir un Chevalier Sacré. Seul celui d'entre nous qui exprimera et maîtrisera au mieux son Cosmos vaincra et méritera de porter l'Armure de Pégase. Je vais te montrer la véritable puissance de mes Météores…
- Tes Météores ? J'ai hâte de voir ça en effet. Des coups très rapides et très puissants qui sont portés avec les poings ou avec les pieds, capables de fendre l'air à la vitesse du son…

Aussitôt Nova s'élance et abat une avalanche de coups avec ses poings sur Néo, en intensifiant son Cosmos. Néo les voit, ces attaques, mais elles sont… si lentes… il les dissèque si bien. Il n'a aucun mal à les parer alors que son adversaire en décoche pourtant plus de soixante par seconde. C'en est même décevant… Autant en finir. Cessant de bloquer de tels coups aussi faciles à esquiver, Néo riposte en frappant à son tour avec de véritables frappes dignes de météores. Quatre-vingt-dix coups en moins d'une seconde : Nova est submergé et emporté, il s'effondre au sol.
Quelques secondes passent. Raphaëlle se lève et désigne Néo comme étant le vainqueur du combat. Sans prêter la moindre attention aux paroles de celle qu'il devrait écouter, Néo tend la main à son rival pour l'aider à se relever, tout en affichant sa déception de l'avoir vaincu aussi facilement. Il n'en éprouve aucune gloire.

- Tu n'as pas montré toute l'étendue de tes capacités. Pourquoi m'as-tu laissé te vaincre aussi facilement ? Tu disais vouloir faire honneur à Bellatrix, la légende ? Alors dis-moi ce qui s'est passé…
- Si… si je m'étais battu de toutes mes forces, tu aurais… et puis non laisse tomber…

Le vainqueur reste un instant à regarder le visage désormais silencieux du vaincu dont les yeux se remplissent de larmes, puis il se retourne pour aller chercher son dû : son Armure que doit lui remettre la Déesse Athéna. Il n'entendra pas les mots que Nova murmure après qu'il l'a quitté.

- Si je m'étais battu de toutes mes forces, tu aurais manifesté ton véritable pouvoir, comme je t'ai vu le faire quand tu as terrassé Goliath. Dès cet instant, j'ai compris que je ne serai jamais le Chevalier Pégase… parce que tu l'étais déjà. Ton aura me l'a montré. Et puis… je te le devais…

Néo monte les quelques marches qui le séparent encore de son but. La boîte contenant l'Armure de Pégase est posée au sol juste devant Raphaëlle qui lui fait signe de l'ouvrir. Alors qu'il tend la main pour saisir l'anneau qu'il doit tirer, le Grand Pope vient se placer entre lui et l'urne sacrée. Une terrifiante sensation s'empare du jeune garçon tandis que la voix de Bishop répand ses paroles, qui lui rappellent de terribles souvenirs. Le doute l'envahit à nouveau : se pourrait-il que le Grand Pope et le Chasseur ne fassent qu'une seule et même personne ? Il n'entend pas ce qui lui est dit, paralysé par la terreur et l'angoisse, jusqu'à ce que résonne la divine voix de Raphaëlle.

- C'est bon, Bishop, ça suffit ! Il a mérité son Armure Sacrée, il connaît ses devoirs, il n'a pas besoin de te les rappeler. Et puis… (souriant à l'adresse de Néo…) il m'a déjà juré allégeance…

Ainsi resurgit le souvenir d'un petit garçon prosterné et baisant les pieds d'une petite fille quelques années plus tôt. Raphaëlle et Néo n'ont jamais oublié leur première rencontre.
Alors que les arènes se vident, laissant un Zachary assis, le visage grave, Néo rejoint son maître, son coffre sur le dos. De loin, Mégare lui adresse un petit signe de la main, avant de rapidement rejoindre Raphaëlle pour la raccompagner. Morgane entraîne son disciple à l'écart, empruntant le chemin qui va les mener vers le monde extérieur : le moment est venu pour Néo de quitter le Sanctuaire.

- Chevalier Pégase, déclare Morgane, c'est ainsi que tu seras nommé désormais.
- Oui, ça me fait tout drôle, jubile Néo tout en affichant un sourire radieux. Depuis le temps que j'attendais ce moment. Et puis heureusement que j'ai réussi parce je m'en serai voulu d'échouer, puis à toi aussi d'ailleurs j'en aurai voulu. Te rends-tu compte ? Si j'avais enduré toutes ces épreuves pour rien…
- Hum… Je disais donc ! Ce qui t'attend maintenant est bien pire que tout ce que tu as connu depuis bientôt sept ans. Tu vas sous peu être amené à découvrir de terribles vérités. Je pense que tu reviendras bientôt car une partie des réponses se trouve forcément au Sanctuaire. Et tu comprendras pourquoi Valkhan est parti il y a treize ans, tu sauras quel est le mal que nous devrons combattre…
- Le Grand Pope ?
- Le Chasseur…


Deux souffles d'un froid extrême s'opposent devant le Mur des Glaces Eternelles : le duel entre Wiglaf et Sven a commencé. Joshua accourt sur les lieux, après avoir ressenti, depuis sa grotte, la rencontre de ces deux Cosmos qui s'affrontent. Il s'arrête à deux pas du patriarche Gouriev, venu lui aussi assister au combat, appuyé sur sa canne, le visage attristé.

- Patriarche… Qu'est-ce qui se passe ?
- L'ultime épreuve du Chevalier du Cygne : Sven doit vaincre Wiglaf s'il veut avoir le droit de libérer l'Armure prisonnière du glacier.
- Wiglaf ? Mais c'est…
- Oui, il est revenu. Et quelle que soit l'issue de ce combat, cette journée laissera un goût amer à chacun d'entre nous.
- Mais où est Lushia ? Il devrait être ici !
- Il sera là… pour faire ce qu'il a à faire… quand le moment sera venu…

Jamais Sven ne s'était autant concentré pour abaisser la température de son Cosmos. Autour de lui et de son adversaire, il règne un froid intense atteignant sans aucun doute cent degrés en dessous de zéro ! Les énergies concentrées des deux souffles produits semblent se maintenir à mi-distance entre les deux combattants. Mais inexorablement, à chaque minute qui s'écoule, la concentration de froid semble se rapprocher de Sven : le souffle produit par Wiglaf est plus puissant.

- Je reconnais que tu te débrouilles bien. La température que tu dégages est presque égale à la mienne. Mais j'ai bien peur que tu aies atteint tes limites et que cela ne suffise pas : tu ferais mieux d'abandonner et de laisser l'Armure du Cygne au glacier. Elle serait revenue à Anakin de toutes manières…

Anakin… Son ami… Mort depuis quatre ans déjà… Même si c'est lui qui aurait dû devenir Chevalier, qu'en est-il aujourd'hui ? Et lui ? Qu'aurait-il souhaité ?

- Je suis heureux de t'avoir rencontré, Sven. J'aurai tant aimé avoir un frère ou une sœur, une telle compagnie m'a longtemps manqué, tu sais. Je t'aime beaucoup…

Ces paroles, celles d'Anakin, sont restées gravées dans son cœur depuis ce funeste jour où le destin l'a marqué à jamais. Ce qui se passe en ce moment devrait-il mettre à l'épreuve leur amitié qu'ils s'étaient promise éternelle ? Anakin et lui auraient tous deux souhaité devenir Chevaliers, mais ils ont aussi espéré la réussite de l'autre… parce qu'ils étaient amis… parce qu'ils le sont encore, même par-delà la mort. Le visage souriant d'Anakin apparaît dans les pensées de Sven, comme à chaque fois qu'il l'encourageait à se relever, à persévérer… Si souvent il a vu ce visage, si souvent il le voit encore : jamais il ne l'oubliera. L'aura immaculée de Sven s'intensifie, la formation de la glace s'accélère autour de lui. Pour la première fois depuis le début de l'affrontement, la concentration des deux flux d'énergie glaciale n'est plus sa principale préoccupation : il plonge son regard dans les yeux de son adversaire.

- Anakin n'aurait pas voulu que cette Armure reste prisonnière du glacier, Wiglaf ! Pour lui, je dois donc te vaincre !
- Pff ! Qu'en sais-tu ? Tu ne connais rien des origines d'Anakin…
- Peut-être… Mais ce dont je suis sûr, c'est que lui, je le connaissais mieux que toi ! Et je suis mieux placé pour savoir ce qu'il aurait voulu… car c'est mon ami !

Un hurlement témoignant d'un effort considérable, un Cosmos qui s'intensifie d'un seul coup au maximum. Des cristaux de glace qui explosent autour des deux combattants. Wiglaf est emporté par la puissance dégagée par Sven qui, combinée à la sienne, ne lui laisse aucune chance. Il s'effondre dans la neige, couvert de gelures, grièvement blessé. Allongé, il observe les flocons de neige voleter et laisse sa main ensanglantée s'en imprégner tandis que Sven s'accroupit à ses côtés…

- Sven, c'est bien ton nom ? Si Anakin était vraiment ton ami, il serait fier de toi… Libère l'Armure à présent…
- Laisse-moi d'abord t'aider à te relever, tu as besoin de soins…
- Non, le repousse-t-il violemment malgré sa faiblesse. Je n'ai pas besoin de ta pitié ! Je m'en sortirai seul. Dépêche-toi ! Libère l'Armure du Cygne !

Alors que Wiglaf se relève péniblement, Sven s'approche du glacier, son esprit toujours marqué par l'image de son ami. Il frappe tout en dégageant un froid aussi intense que celui qui avait balayé son adversaire quelques minutes auparavant, fendant le Mur des Glaces Eternelles, libérant le coffre de l'Armure que Valkhan l'a envoyé chercher. Il tire sur la chaîne de l'urne. Bientôt l'Armure vient recouvrir les différentes parties de son corps. Alors que Sven sent l'incroyable flux émanant de l'Armure pénétrer tout son être, une énergie prodigieuse se dégage derrière lui.
Il se retourne : Wiglaf court en hurlant vers la source du pouvoir qui vient de se manifester : le Chevalier du Verseau, dans son Armure d'Or. Celui-ci a joint ses deux mains au-dessus de sa tête comme pour former une jarre. Puis il les abaisse devant lui… sur Wiglaf !

- Maître ! Qu'est ce que vous faîtes ?
- Par l'Exécution de l'Aurore !

L'attaque de Lushia percute sa cible de plein fouet, Wiglaf est emporté et s'écrase sur la banquise, laquelle se brise. Le corps du vaincu est précipité dans les profondeurs marines, tandis que des bourrasques glaciales se déchaînent autour du Chevalier du Verseau et de sa victime. Joshua entraîne le patriarche Gouriev pour le mettre à l'abri et hurle à Sven de les suivre. La neige s'épaissit et bientôt la présence de Lushia n'est visible que grâce à l'éclatante lumière dorée de son aura.

- Adieu Wiglaf. Puisses-tu mieux veiller sur ceux que tu aimes depuis l'autre monde !

Sven n'a pas bougé, il a vu le corps de Wiglaf disparaître, et la glace se fend maintenant sous ses pieds alors qu'il tente de s'approcher de son maître.

- Maître Lushia ! Pourquoi faites-vous cela ? Vous me devez au moins une explication, vous ne pensez pas ?
- Je ne te dois rien, répond-il en tournant son visage glacial dans sa direction. Je ne lui dois plus rien. Ma tâche est terminée : j'ai tenu ma promesse.
- Je ne comprends pas !
- Je n'aurai jamais dû faire de toi un Chevalier, mais j'avais une dette envers Valkhan. Aujourd'hui je m'en suis acquittée. Pars à présent… Tu es un Chevalier et j'espère que tu choisiras le bon camp. Si tu persistes à suivre la voie de Valkhan, sache que le Sanctuaire te pourchassera, et dans ce cas, nous ne nous reverrons jamais. Adieu, Chevalier du Cygne.

Le blizzard s'intensifie et l'aura de Lushia disparaît, emportant le Chevalier d'Or avec ses secrets, laissant Sven seul avec ses interrogations, sur Valkhan, sur son maître, sur Wiglaf, sur Anakin et sur lui-même. Peut-être qu'en rejoignant ses amis, certaines de ses questions trouveront des réponses.
Joshua s'avance, l'air étrange, au milieu de la banquise dévastée. Malgré ses larmes, le patriarche Gouriev remarque son inquiétude et l'interroge du regard.

- J'ai senti quelque chose d'étrange au moment où Wiglaf a sombré. Une présence qui m'inquiète…

Non loin de là, la main d'un homme brandit un chapelet constitué d'un grand nombre de perles ; tout à coup, l'une d'elle se met à étinceler.

- Un de plus !

Après s'être recueilli une dernière fois sur le cercueil de glace d'Anakin, Sven adresse ses adieux au patriarche Gouriev et à Joshua.

- Lushia prétendait suivre le chemin de la justice et de la vérité et non celui du cœur, lui dit Joshua. Et toi, qu'as-tu choisi ?
- Je lui suis très reconnaissant pour tout ce qu'il m'a appris, c'est vrai. Mais je refuse de croire que la voie du cœur est forcément mauvaise. Les sentiments entre Anakin et moi l'ont prouvé, et ils continueront de m'aider à choisir… je le sais.
- J'espère que tu as raison. Je te souhaite bonne chance, et au revoir.
- Au revoir mon garçon, l'embrasse Gouriev. A bientôt.
- Joshua… Gouriev… Au revoir… Maître Lushia, je vous promets que nous nous reverrons… A bientôt…

Un jeune Chevalier qui s'en va, de nombreux souvenirs de ces lieux où il a vécu pendant six ans gravés dans sa mémoire. Une étrange vision onirique… L'image d'un garçon blond et souriant à peine âgé de douze ans qui lui adresse un signe de la main alors qu'il part…

- Au revoir, Anakin…


Palais du Grand Pope, Sanctuaire. Un Chevalier portant une Armure orangée pose un genou à terre devant le maître des lieux. Le jeune garçon a des cheveux et des yeux de la même couleur que son Armure, et sa crainte manifeste dissimule à peine le sourire narquois dessiné sur ses lèvres, si naturel chez lui. Assis, Bishop entame un monologue destiné à son visiteur.

- Je t'attendais, Garrick, Chevalier du Petit Renard. C'est un honneur rarissime que celui d'être reçu dans mon palais pour un Chevalier de Bronze et que de recevoir sa première mission de la voix même du Grand Pope. Tu as obtenu ton Armure Sacrée il y a peu mais je sais que tu as déjà d'immenses talents. J'ai besoin de toi, que l'on dit rusé, ingénieux… et discret. Pour une mission particulière d'une importance fondamentale en vue de préserver l'avenir du Sanctuaire et celui de la Déesse Athéna. Mais le danger ne représente pas encore une menace assez grande pour nécessiter le dérangement des Chevaliers d'Argent. Je vais te confier une dizaine d'hommes pour te seconder dans ta tâche, ils comptent parmi l'élite de ma garde personnelle. Je t'ordonne de tuer un groupe de Chevaliers renégats et leurs alliés éventuels qui vont se rassembler sur l'Ile Canon dans le but de préparer un complot visant à conquérir le Sanctuaire.
- Je ferai mon devoir et éliminerai ces traîtres, monseigneur.
- Tel est ton devoir, et la mission que te confie la Déesse Athéna !

Après le départ du jeune Chevalier, Bishop se réfugie dans sa petite salle rituelle. Se penchant au-dessus de l'échiquier, il saisit un pion noir et le fait avancer de deux cases.

- Il est temps de faire intervenir de nouveaux pions dans cette partie. Maintenant c'est à votre tour de jouer, Enfants du Destin !

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Cette fiction est copyright Laurent Habault.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.