Chapitre 5 : Révélations


* Convalescences…

Trois semaines plus tard...


" Oh, doucement, Sion, ne te lève pas trop vite... "

Encadré par sa soeur jumelle et Thétis, Sion tenta de faire un pas. Mais il chancela. Il grimaça et dit:

" Athena, j'ai mal...
-Je vois...allez, assieds-toi là... "

Trois semaines avaient passé depuis la fin de la bataille contre Hermès. C'étaient les premiers pas que faisait Sion, mais il était encore trop faible. Téthis lui apporta un verre d'eau , et l'aida à se recoucher, puis elle dit à Athena:

" C'est ton tour...je vais changer tes bandages... "

Athena soupira...mais son sourire revint quand elle vit sa mère arriver. Mû, apparemment remise, souriait. Elle embrassa ses deux enfants, et leur dit:

" Vous allez mieux ?
-Oui...mais toi ? tu as eu le droit de sortir de l'hôpital ?
-Oui, je vais tout à fait bien maintenant... "

Sion se redressa et sourit:

" Maman, je vais mieux, je t'assure, j'arrive à bouger le tronc et les bras !
-Oui, mais tu ne marches pas encore... "

Sion se renfrogna, mais rétorqua à sa mère:

" Je remarcherai bientôt, tu verras...et j'irai là-haut... "

Il désigna la fière silhouette du Cap Sounion...Mû eut une sueur froide. Que se passerait-il si Sion expérimentait une surcharge de pouvoir là-haut ? Il fallait envisager cela. Mais il restait encore un peu de temps avant que Sion ne puisse marcher...
Téthis finissait les bandages d'Athena, et Mû la prit à part pendant qu'Athena allait s'asseoir à côté de son frère:

" Comment va-t-elle ?
-Elle va mieux...mais elle est encore durement touchée...je ne parle pas de ses blessures mais de son moral...elle se reproche quelque chose mais je ne sais pas quoi... "

Mû soupira: il lui semblait comprendre ce qu'Athena se reprochait...ne pas avoir su protéger son frère efficacement, ni la déesse non plus. Mais elle avait fait des choses proprement incroyables...
Téthis ajouta:

" De plus, Athena est devenue adulte hier...ce doit être le choc de la bataille, elle est bien jeune...
-Elle a deux ans d'avance au niveau de son développement physique, ça devait arriver un jour...Je sais ce que c'est... "

Mû ajusta le châle qu'elle portait sur sa tête pour cacher son bandage et dit:

" Ils ont découvert beaucoup de choses sur eux-mêmes pendant cette bataille, il faut leur laisser le temps de faire le point maintenant... "

Thétis hocha la tête, et dit:

" Je sens en eux une puissance énorme...mais pas tout à fait identique à celle de notre seigneur Poseidon...surtout chez Sion...
-C'est lui qui est né avec les trois-quarts de la puissance marine, il est maintenant arrivé à un moment clé de son entraînement...Tout va se décider maintenant. "

Thétis hocha la tête, mais ne dit rien de plus. Mais elle n'en pensa pas moins: si Sion était destiné à régner, ils le sauraient bientôt. Poseidon avait sans doute l'intention de manifester sa volonté tôt ou tard…
Mû s'assit sur le sable, et fixa la mer…Bientôt elle ne pourrait plus rien faire pour ses jumeaux, ils seraient aussi puissants qu'elle…bien que différemment. Cette bataille les avait aidé à prendre conscience de leur puissance phénoménale et de leur capacités hors du commun. En effet, n'importe quel entrainé de dix ans n'était pas capable de reproduire une attaque de chevalier d'or après l'avoir vu une fois. Mais Mû ne préciserait pas à sa fille que la puissance qu'elle avait déchaînée n'était que le tiers de celle qu'elle-même pouvait déchaîner…L'adolescente était déjà assez perturbée comme ça…
Mû n'avait aucune idée de ce qui pouvait bien se passer dans la tête de sa fille…Elle se souvint de ce que Aphrodite lui avait dit une fois : 'Personne ne peut savoir ce qui se passe dans le cœur et la tête des femmes…'…Un sourire fugitif passa sur ses lèvres…en effet, personne ne peut savoir ce qui se passe dans la tête d'une femme...sauf elle-même ou une autre femme.
Elle entendit soudain une mélodie jouée à la flûte: c'était Athena, jouant un des morceaux écrits pour elle par Sorrente. Que faire pour elle ? En fait, il n'y avait pas grand'chose à faire qu'attendre. Athena avait compris en partie d'où venait sa puissance, elle devait maintenant apprendre encore à maîtriser cette puissance...

Au Sanctuaire...

" Maman, je voudrais me lever, je me sens bien... "

Le petit Doko, assis dans son lit contre deux oreillers, se tourna vers sa mère, assise à son chevet en train de coudre. Shunrei leva les yeux de son ouvrage, et dit:

" Non, tu ne te lèveras pas, tu as été gravement blessé, je te le rappelle...
-Ca fait un mois maintenant, je me sens bien, je suis guéri...
-Et tu ne te lèveras pas... "

Doko insista:

" Mais je voudrais aller voir Athena et Sion, ils nous ont protégé, je le leur dois... "

Shunrei essaya de ne pas élever la voix, et continua:

" Le cap Sounion est trop loin d'ici...repose-toi plutôt, et tu les verras quand ils reviendront au Sanctuaire... "

Shiryu entra alors dans la pièce, et Shunrei lui dit:

" Raisonne donc ton fils, il veut aller au cap Sounion ! "

Et elle se leva pour sortir. Shiryu, la prenant par le bras, sortit dans le couloir avec elle et dit:

" Bien, maintenant dis-moi ce qui ne va pas encore ! "

Shunrei fixa son regard dans les yeux bleu-gris de son mari, et dit:

" Pourquoi a-t-il fallu que notre fils devienne un guerrier, comme toi ? Je ne veux pas qu'il soit davantage blessé...
-Et tu dois pour cela l'empêcher d'aller au Cap Sounion, remercier ceux qui ont failli donner leur vie pour le sauver ? Si tu veux, j'irai avec lui...
-Mais tu est aussi têtu que lui ma parole ! Tu n'es pas remis non plus, tu boites encore...J'en ai assez de tout cela...
-Tu savais en m'épousant que c'était mon destin de combattre...
-Justement, la déesse t'avait libéré de tes obligations...Je pensais que nous pourrions enfin avoir une vie normale, sans tous ces combats incessants...
-On n'en est jamais totalement libéré, et tu le sais aussi...Mon destin est de protéger le monde contre le mal, et ce sera celui de Doko aussi. Il le comprend très bien...
-Non ! j'ai assez eu peur comme ça...Je comprends bien ce que tu me dis, mais tu ne me comprends pas vraiment... "

Shunrei avait haussé la voix, chose qui ne lui arrivait pas souvent. Il fallait qu'elle extériorise tous ces sentiments qui venaient du plus profond de son être, elle n'en pouvait plus de les garder pour elle. Elle continua:

" Comment t'expliquer...Doko est ton fils, mais tu ne l'as pas porté, comme moi...Quand il souffre, je ressens cette souffrance au plus profond de moi, comme si nous étions encore liés par le cordon ombilical...c'est plus fort que moi...
-Je sais...je n'ai pas le même type de lien, mais je ressens très fortement aussi sa souffrance...c'est peut-etre dû à mon sixième sens, je ne sais pas...mais laisse-moi te dire une chose: si c'est le destin de Doko de prendre ma succession, je n'irai pas contre...
-Et moi, j'ai peut-être mon avis à donner, non ? Tu peux entraîner Doko, maintenant nous n'avons plus le choix, mais jamais tu ne le feras pour Shura, je veux qu'au moins elle ait une vie normale…
-Si c'est ce que tu veux…"

Au fond, Shiryu comprenait bien son épouse, mère inquiète pour ses enfants, épouse inquiète pour son époux. Mais c'était le destin de Doko que d'être lui aussi un combattant au service d'Athéna. Shunrei retourna au chevet de Doko, et Shiryu sortit dehors. S'y trouvaient Shun, Ikki et le petit Shaka, debout sans aucune aide. Derrière lui se trouvait Shaka de la Vierge, il semblait dire quelque chose à Shun…
De l'autre côté du muret, Camus du Verseau était en train d'expliquer quelque chose à son petit élève, que tout le monde appelait d'ores et déjà petit Camus. L'enfant l'écoutait avec attention, tentant d'oublier le soleil brûlant et la sueur qui lui coulait sur le visage…Camus était parfaitement remis de ses blessures reçues lors du dernier combat, et son homonyme avait entrepris son entraînement. Un peu plus loin, le père de l'enfant, Hyoga, appuyé contre une colonne à l'ombre, observait cette scène avec un petit sourire. A côté de lui, son épouse Natassia était assise dans un fauteuil de toile…Elle était très fière de son fils aîné…Elle s'inquiétait aussi, mais elle faisait confiance à son mari. D'où ils étaient, Camus ne pouvait pas les voir, et son professeur estimait que c'était mieux ainsi…
Depuis l'émergence de la nouvelle génération, ce genre de scènes était des plus courantes…Dès leurs blessures guéries, les petits avaient commencé un entraînement plus poussé, dispensé soit par leurs parents, soit par d'autres chevaliers. Mais les résultats n'étaient pour l'instant pas très satisfaisants…Camus du Verseau trouvait son homonyme trop lent, et il n'y avait que Shaka pour trouver son élève suffisamment doué. Mais, comme aimait à le dire Shun, ils avaient le temps d'apprendre...Un peu plus tard dans la journée, dès que Mû fut de retour, Shiryu alla vers elle et lui demanda:

"Comment vont-ils ?
-Athena est presque remise, et on a bon espoir que Sion marche bientôt à nouveau…
-C'est une bonne nouvelle…j'ai hâte de pouvoir les remercier moi-même !
-Ils reviendront au Sanctuaire la semaine prochaine ou celle d'après, selon les progrès de Sion…
-Et vous ?
-Moi ? Oh, je vais bien mieux maintenant…et Doko ?
-Il va bien, mais Shunrei a tellement peur qu'il soit blessé à nouveau qu'elle le surprotège, elle refuse qu'il se lève, elle m'a donné la permission de l'entraîner mais en désespoir de cause…Je n'arrive pas à la convaincre vraiment…
-Je la comprends, elle réagit en mère, je sais ce que c'est…
-Justement…Vu que vous la comprenez, ne pourriez-vous lui expliquer ?
-Lui expliquer quoi ? Qu'elle doit absolument laisser son fils s'entraîner et devenir un guerrier ? Mais tu sais très bien qu'il y va de la santé de Doko, s'il n'apprend pas à contrôler son cosmos il finira par mourir…
-Je le sais, oui, et elle le sait aussi…mais elle a trop peur de revivre avec Doko ce qu'elle a vécu avec moi, attendant l'issue de mes combats…
-Je sais…D'accord, j'irai lui parler, pas de problèmes…
-Merci, vraiment merci !"

Et il lui sourit. Mû avisa les béquilles:

"Et toi ?
-Je vais sans doute marcher à nouveau la semaine prochaine…
-Et que comptes-tu faire alors ?
-Doko devra s'entraîner, il devrait rester ici…Mais ses camarades m'ont rapporté qu'ils avaient vu un dragon apparaître derrière lui au moment de l'éveil de son cosmos…s'il doit me succéder, je dois l'entraîner moi-même…mais je dois absolument être sûr d'abord, c'est pourquoi il va repartir avec moi à Rozan…
-C'est une bonne initiative…
-Les jumeaux savent-ils déjà quelle est leur constellation ?
-Vu leur double aura il est très difficile de savoir quoi que ce soit…Sion possède de grands pouvoirs marins, plus grands que ce qu'on pensait…quant à Athena, elle m'a vraiment surprise, je dois le dire, elle a une puissance énorme, mais je ne sais pas exactement comment tout cela va tourner. L'avenir nous l'apprendra…"

Puis Mû sortit pour regagner son atelier, pendant que Shiryu retournait au chevet de son fils. Non loin de sa Maison, elle croisa un petit groupe composé de la plupart des chevaliers d'or, en discussion très animée. Se trouvaient là les désormais inséparables jumeaux Gémeaux Saga et Canon, ainsi que les non moins inséparables Aiolia et Aioros. Les accompagnaient Aldébaran, Aphrodite, Masque-de-Mort, Shura et Milo, les autres se trouvant occupés par leurs enseignements divers. Canon l'interpella:

"Eh, Mû, cela fait longtemps que nous ne t'avons pas vu…viens donc te joindre à nous !"

Malgré le travail qui l'attendait, elle accepta. Cela lui rappelait le passé, quand ils étaient tous enfants et qu'ils avaient, en tout cas pour la plupart, sept ou huit ans. Les plus âgés à l'époque étaient Saga, quinze ans, et Aioros, quatorze ans, suivis par Aphrodite et Masque-de-Mort, treize ans, et Shura, dix ans. Ils étaient l'avenir, la protection ultime contre les forces du mal…il lui sembla qu'une parcelle de ce temps était de retour.
Canon demanda:

"Tu as allé(e) voir les jumeaux aujourd'hui, je crois…comment vont-ils ?
-Les blessures d'Athena sont presques cicatrisées, celles de Sion sont en bonne voie…Il ne marche pas encore, mais ce n'est plus qu'une question de jours…
-Ces petits m'étonneront toujours…Qu'est-ce que tu comptes faire ?
-Eh bien…je vais continuer d'entraîner Athena, mais maintenant Sion sera entraîné exclusivement par Sorrente, il n'a plus besoin de moi…son aura a 'muté', elle est devenue presque entièrement bleue à présent, à la différence de celle de sa sœur jumelle, qui est restée identique…"

Masque-de-Mort dit alors:

"En tout cas, ils m'ont impressionné…"

Mû sourit intérieurement: pour que Masque-de-Mort dise cela, il fallait vraiment quelque chose d'important. Il continua:

"En effet, la puissance contenue en eux est impressionnante. De plus, la petite Athena a su tenter le tout pour le tout en imitant l'attaque de sa mère, surtout sans armure…Quant à Sion, il n'a pas hésité à se servir de quelque chose qu'il savait ne pas bien contrôler afin de sauver notre déesse…"

Cette tirade était beaucoup pour lui, qui ne décrochait pas un mot le plus souvent…Mû se sentit émue au tréfonds d'elle-même…C'est alors que Milo demanda:

"Est-ce que tu vas les entraîner à Jamir, ou bien ici ?
-Je vais alterner les deux, je pense…mais dès qu'Athena aura treize ans je l'enverrai ici, afin qu'elle devienne un chevalier d'Athena…Enfin, c'est le plan que je forme pour l'instant, mais je ne sais pas exactement ce qui va se passer pendant que ces trois ans. Cette bataille m'a permis de comprendre certaines choses sur elle, ce qui me permet d'augurer d'autres choses, mais pour le reste cela va être plus difficile…Sa semi nature divine est imprévisible. Mais elle ne sait pas non plus elle-même ce qu'elle sera plus tard…"

Ces derniers mots plongèrent les autres dans une réflexion silencieuse. Vu l'ascendance des deux jumeaux, ce genre de choses ne les surprenait pas vraiment. Mais cela arrivait très tôt, la déesse n'ayant pas prévu la bataille d'Hermès…
Mû finit par regagner son atelier un peu plus tard. Quand elle en sortit, elle gagna tout de suite sa maison, et prit une douche avant de s'asseoir devant, une tasse de thé à la main. C'est alors que Milo vint lui rendre visite. Elle l'invita à s'asseoir, et il dit alors:

"Je te trouve très soucieuse…et ce n'est pas uniquement à propos de l'état de santé des jumeaux…"

Mû fit un semi-sourire, mais elle ne parvint pas à donner le change. Milo continua:

"Tu peux m'en parler, tu sais, cela m'ennuie de te savoir ainsi…"

Le chaud sourire de Milo fit chaud au cœur de Mû. Il était son ami depuis si longtemps qu'elle ne se souvenait pas d'un jour où il ne l'ait pas aidée d'une façon ou d'une autre. Elle commença:

"C'est assez difficile à expliquer, tu sais..Dès mon enfance, maître Sion a fait de moi un garçon, à tel point que j'ai pensé en garçon pendant très longtemps…pendant mon adolescence ce fut plus difficile, mais j'ai toujours continué à le faire, parce que telle était ma mission…rappelle-toi le jour où vous l'avez découvert, jamais vous ne vous en seriez doutés !…Jusqu'à la naissance des jumeaux, ce fut un déclic…Finalement, moi qui avais renonçé à ma féminité, je devenais mère, et j'ai découvert que je m'épanouissais dans la maternité. Athena m'a beaucoup appris, tu sais, beaucoup sur moi-même. Je la voyais grandir, s'épanouir… Maintenant, même si je reste le Chevalier d'or du Bélier, l'un de vous, il m'arrive parfois de voir les choses différemment, parce que je suis une femme…"

Elle s'interrompit…Milo dit alors:

"Je vois…il est vrai que ce n'est jamais facile. Pourtant tu es parfois plus homme que certains d'entre nous…
-Je sais…mais je reste une femme, une mère et certaines de mes réactions sont conditionnées par cela…Je ne me suis jamais vraiment posé ces questions avant, mais, depuis que j'ai vu mes enfants combattre, cela devient chaque jour plus présent… "

Mais elle ne s'étendit pas là-dessus, elle n'avait que trop déjà laissé transparaître ses émotions profondes…Alors Milo lui dit :

" Tu as alors parfaitement réussi ta mission sur Terre…tes enfants sont des personnes gentilles, sensibles et courageuses, n'hésitant jamais à risquer leur vie, et cela c'est à toi qu'ils le doivent. Allons, ne te fais pas de soucis, nous sommes tous là pour t'aider…"

Mû sourit alors, d'un tout petit sourire…Milo agrandit le sien, et lui dit:

"Voilà, c'est mieux…Reste ce que tu es, Mû, ne change pas, nous t'apprécions tous comme tu es…Je comprends parfaitement, en fait j'essaie vraiment de le faire, parce que je ne le peux pas totalement, ce que tu ressens, et il est normal que tu t'inquiètes…Tu étais partagée entre tes devoirs de mère et ton devoir envers Athena, et pourtant tu n'as pas failli, tu as laissé tes enfants combattre eux-mêmes, découvrir eux-mêmes leurs capacités extraordinaires, insoupçonnées jusque-là. "

Milo essayait de se mettre à la place de Mû, mais il ne savait pas s'il aurait eu, lui, la force de caractère de laisser sa progéniture combattre comme elle le pouvait tout en étant lui obligé de défendre sa Maison, donc choisir entre son devoir envers ses enfants ou envers Athena. Mais Mû avait accepté son rôle en toute connaissance de cause, au service d'Athena…Elle dit encore à Milo:

"Je te remercie de ta gentillesse…il est vrai que je n'aime pas afficher mes sentiments, mais je n'en pouvais plus…De plus, voir mes enfants souffrir sans que je puisse rien faire…je n'étais pas en état de leur venir en aide, à personne d'ailleurs…J'avais l'impression de souffrir pour eux…En fait, le cordon entre eux et moi a été coupé à leur naissance, mais le lien physique existe toujours…Je sais, ça a l'air bête ce que je dis, mais je le ressens ainsi. Bien sûr, ils ont hérité de mes capacités psychiques, ce qui fait que j'ai un lien télépathique avec eux, c'est presque pire dans ce cas d'ailleurs…Surtout, de voir Sion dans un coma profond, presque la mort…je crois que c'était le pire…"

A cette évocation, deux larmes apparurent dans ses yeux. Mû, malgré ses dehors froids et moralisateurs, était très sensible, même si elle se refusait parfois à l'admettre. Mais elle se reprit vite, et poursuivit avec son ton habituel:

"Mais ils sont tirés d'affaire maintenant, Sion va bientôt marcher à nouveau…"

Milo comprit le message, et enchaîna:

"Alors maintenant ils savent…
-Oui, ils ont rencontré leur père…finalement c'était Athena la plus surprise…en fait, elle s'attendait à un homme d'âge mûr avec une barbe et un trident, et elle a rencontré ce jeune homme de vingt-sept ans…
-Elle va s'y faire…il est vrai qu'il n'avait que dix-sept ans quand ils sont nés…et toi, tu l'as rencontré ?
-Non…
-Tu n'as pas envie de connaître le père biologique de tes enfants ?
-Et pourquoi faire ? Il est un peu tard maintenant, je crois…peut-être un jour…Par contre j'ai déjà rencontré une des marinas, qui les garde quand Sorrente ne le peut pas, et elle est vraiment très dévouée et très gentille…
-Thétis de la Sirène, je crois..oui, j'en ai entendu parler…"

Milo aimait beaucoup les jumeaux, et les savoir entre les mains d'une personne de confiance le rassurait.Il demanda encore:

"Et Sorrente ?
-oh, je ne sais pas, je crois qu'il doit assurer la garde personnelle de Julian Solo-Poseidon…mais il s'occupe des jumeaux dès qu'il le peut, c'est son rôle en tant que seul général survivant…
-Je crois qu'il les aime beaucoup…et puis il est sympathique, c'est important…"

Milo avait rencontré Sorrente lorsqu'il était venu au Sanctuaire et avait sauvé la vie de Sion. Il se leva alors, et dit:

"Bien, je vais aller me coucher, je te laisse…Si tu ne te sens pas bien, je serai toujours là…
-Merci, Milo…merci de m'avoir écoutée…
-Comme on dit chez moi, dans mon île, même les pierres qui paraissent les plus solides ont des fêlures invisibles…
-Tu as raison…En tout cas bonne nuit…"

En voyant Milo s'éloigner dans l'obscurité, elle prit sa tasse en main et son esprit partit loin, loin…vers le cap Sounion…Ses petits…Milo avait raison: son état de mère avait transformé son état d'esprit ainsi que sa mission. Elle se souvint du jour où elle était allée, penaude, annoncer à la déesse son état…ses petits avaient frôlé la mort, ils avaient défendu la déesse qui leur avait permis de vivre…malgré leur ascendance qui laissait présager une catastrophe, la déesse avait permis, dans sa grande bonté, que ces petits bout d'hommes viennent au monde et vivent…Savait-elle qu'ils lui sauveraient la vie un jour ? Mû ne le savait pas, mais, à cette évocation, elle se sentait fière d'avoir risqué sa vie pour faire naître ces deux jumeaux exceptionnels…
Tout à coup, elle pensa qu'il fallait urgemment qu'elle parle à Shunrei le lendemain, il fallait entraîner Doko absolument maintenant qu'il s'était éveillé. Elle la comprenait fort bien, nulle mère n'aime voir son enfant blessé ou souffrant, surtout elle qui avait souvent prié pour le retour de Shiryu, qui l'avait soigné avec dévouement…Shunrei accepterait peut-être mieux la situation si c'était elle qui lui parlait…
Le lendemain, elle alla parler à Shunrei, qu'elle parvint à voir à la sortie de l'hôpital. Shunrei lui sourit:

"Bonjour, Mû…Vous allez bien ?
-Oui, très bien…
-Et les jumeaux ?
-Bien mieux, presque guéris…En fait, je venais vous voir…
-Ah…c'est Shiryu qui a dû vous parler, je crois…
-Oui…En tout cas, sachez que je comprends vos réticences…Athena avait 20 mois quand elle a commencé à avoir des pouvoirs, et j'ai paniqué, étant complètement dépassée…Je savais pourtant qu'elle avait un potentiel exceptionnel…
-J'ai tellement prié et attendu le retour de Shiryu que je supporterais difficilement que mon fils, la chair de ma chair, devienne un guerrier…
-Je comprends cela aussi…mes enfants ont combattu pour la première fois, et ils n'avaient pas encore appris de technique réelle de combat…ils savaient à peine contrôler leur cosmos. Résultat: Sion a failli mourir, et sa sœur ne valait guère mieux. J'ai du mal à le supporter aussi, je ne supporte pas bien de voir mes enfants souffrir, mais je sais que tel est leur destin.
-Je comprends bien que que le destin de Doko est, sans doute, de succéder à son père…mais Shura, elle, ne deviendra pas une guerrière, même si elle en a le potentiel…Ne vous inquiétez pas, Shiryu entraînera Doko, je sais bien que nous n'avons pas le choix, jamais je ne mettrai délibérément la vie de mon fils en danger…mais j'ai peur, tellement peur pour lui, pour eux…"

Enfin Shunrei avait réussi à exprimer ce qui lui pesait sur le cœur depuis si longtemps…Mû lui sourit, et lui dit:

"J'ai peur pour mes enfants tous les jours, depuis qu'ils sont nés…En fait, je n'ai élevé qu'Athena dans un premier temps, mais Sion a eu exactement le même type de dévellopement. J'ai plus peur encore depuis que je sais que Sion recèle en lui une partie du pouvoir de son père…Je ne sais pas ce qu'il est capable réellement de faire…"

Mais l'essentiel était atteint, Shunrei s'était rendue à la raison. Mû continua:

"J'ai eu très peur pour mes enfants pendant la bataille, très peur…je savais qu'ils ne connaissaient que très peu de techniques de combat, mais, sachant leur ascendance, j'ai espéré qu'il se passerait quelque chose, n'importe quoi…Pour Doko c'est pareil, il a démontré son potentiel hors du commun…"

Shunrei sourit…Mû la comprenait tellement bien ! Etre mère aidait, forcément…

Le Cap Sounion, quelques jours plus tard….

"Je marche, je marche !!!"

Sion lâcha sa béquille droite, et dit:

"Ca y est !"

Sorrente, qui se trouvait là, sourit et dit en désignant l'autre béquille:

"Pas tout à fait, mon garçon, pas tout à fait…"

Les épaules de Sion retombèrent, mais, résolu, il dit:

"Je peux marcher sans ça…"

Il se tint droit, et souleva lentement l'autre béquille…Il resta debout sur ses jambes tremblantes, mais pas très longtemps. Sorrente savait de toute façon qu'il avait une volonté de fer. Sorrente se tourna vers la tente, et appela:

"Athena ! viens, ton frère marche…"

Athena, qui était tranquillement en train de lire sous la tente, sortit en courant :

"Il marche ?"

Sion leva ses béquilles pour le lui montrer. Athena embrassa son frère jumeau, et dit:

"Enfin tu es remis !!"

Sorrente souriait doucement, admirant la scène. Il avait lui aussi eu très peur pour Sion, mais cela était derrière lui maintenant. Sion survivrait…mais il fallait maintenant gérer les nouveaux pouvoirs qui étaient apparus. Dans peu de temps, Sion aurait retrouvé toutes ses forces, et il pourrait reprendre son entraînement…Athena avait elle aussi retrouvé ses forces.
Sion demanda alors:

"Alors, est-ce que je peux aller là-haut maintenant ?"

Sorrente eut alors une sueur froide…Que répondre ? Il ne savait pas ce que la présence de Sion là haut, sur le cap, près des ruines, produirait. C'est alors que Mû arriva. Sion l'appella:

"Maman ! je marche !!!"

Mû sourit à son fils, et dit:

"Mais tu dois encore te reposer, tu n'es pas encore bien vaillant…"

Elle sourit aussi à sa fille:

"Et toi ? Tu vas bien ?
-Oui, je vais très bien…"

Sorrente approuva:

"Et elle joue de mieux en mieux…Si elle continue, nous pourrons bientôt la faire jouer dans un orchestre…"

Athena rougit sous le compliment. Puis elle demanda à sa mère:

"Et toi ?
-Moi ? Mais je vais bien, je n'ai plus de traces de mon opération…mais j'ai beaucoup de travail ces temps derniers…"

Sion continua, en désignant les ruines du temple de Poseidon sur le cap Sounion:

"Maman, je veux aller là-haut…"

Mû eut une sueur froide. Comment dissuader son fils d'y aller ? Elle ne savait pas ce qui se produirait si Sion allait là-haut, une surcharge de pouvoir…ou pire encore. Il était à peine remis, encore fragile, il risquait d'en mourir. Il fallait impérativement le dissuader…

"Tu n'es pas encore assez remis, mon fils…
-Mais je vais bien, maman…et je ne risque rien là-haut, c'est un territoire consacré à mon père…
-Tu as vu la route pour y monter ? Tu ne peux pas monter là-haut avec tes béquilles, c'est impossible !
-Mais je marche, tu sais…
-Tu tiens debout, d'accord, mais cela ne veut pas dire que tu es capable d'endurer cette fatigue…Tu es encore fragile, Sion…"

Mû cherchait desespérément comment empêcher Sion d'y aller. Sion reprit:

"Mais je ne risque rien là-bas…
-Sion, n'insiste pas…c'est non!"

Mû n'aimait pas user de son autorité maternelle, mais là il le fallait. Sion se renfrogna:

"Pfff…je ne vois pas ce qu'il y a de mal à vouloir y aller…"

Athena s'avança:

"De toute façon j'irai avec lui, je ne veux pas le laisser tout seul…"

* Rencontre au sommet…

Soudain, Sorrente se retourna et pâlit…Mû vit alors arriver un homme aux cheveux bleus dont la teinte ne lui était pas inconnue. Il était plus jeune qu'elle et portait un costume soigné. Son intuition lui souffla immédiatement qu'il s'agissait là de Julian Solo, le père biologique de ses jumeaux. Mais elle resta là, digne, debout…et ne manqua pas de remarquer la ressemblance certaine entre Sion et lui. Il parut surpris, mais fut content de voir Sion debout…Athena salua alors son père, puis décida de prendre les choses en main…après tout, ce ne serait pas si mal que ses parents se soient vus au moins une fois. Elle mit la main sur le bras de sa mère, et dit:

"Voici notre mère, Mû de Jamir, Chevalier d'or du Bélier…Maman, voici monsieur Julian Solo, notre père biologique…"

De toute façon, Mû savait parfaitement que Julian Solo était le réceptacle terrestre de l'esprit de Poseidon. De son côté, Julian Solo ne savait pas trop quoi dire, lui pourtant habitué aux mondanités. Il voyait en face de lui cette jeune femme d'une trentaine d'années, habillée simplement d'une tunique et d'un pantalon large. Elle avait des sandales aux pieds et un châle en tissu léger, sans doute d'origine hindoue, couvrait ses épaules. Ses cheveux étaient très longs, seulement retenus à mi-dos par une sorte de ruban beige. Sa peau pâle et le double point sur son front indiquaient bien qu'elle n'était pas grecque. En tout cas, il ne pouvait nier la ressemblance entre elle et Athena. Mû ne se départit pas de son habituelle gravité, et dit seulement:

"Enchantée, monsieur Solo…"

En tout cas, lui non plus ne pouvait nier être le père de Sion…Le petit lui ressemblait suffisamment. Mais Mû ne savait pas quoi dire…Lui et elle étaient si différents…Il commença en disant à sa fille:

"Ainsi voici votre mère…mais je ne savais pas que les femmes pouvaient devenir chevalier d'or. "

Mû dit alors:

"Elle le peuvent pas en temps normal…je suis la seule et l'unique…"

Alors Julian regarda Mû, et lui sourit:

"Je suis impressionné par votre courage…élever ces enfants n'a pas dû être très facile…"

Mû se dit que c'était vraiment un euphémisme…Mais Julian Solo lui parut sympathique. Il continua:

"Je dois vous présenter des excuses…Ces enfants sont les miens aussi, en quelque sorte car je ne me souviens pas encore de tout ce qui s'est passé autrefois, et c'est également mon rôle de les prendre en charge…heureusement, Sorrente l'a fait pour moi pendant toutes ces années. Mais je n'ai su leur existence que très récemment. Si je peux faire quoi que ce soit…"

Mû esquissa un léger sourire, et répondit:

"Ce n'était pas votre faute…ce n'est pas la peine de vous excuser…"

Mais elle ne pouvait rien dire de plus, elle n'était pas très à l'aise en société. Il continua:

"Si, justement…la place d'un père est d'être auprès de ses enfants, et j'ai lâchement abandonné les miens…
-Il aurait déjà fallu que vous sachiez qu'ils existaient…"
"J'ai une faveur à vous demander…", dit alors Julian Solo, "je voudrais pouvoir contribuer à l'éducation des jumeaux et les voir de temps en temps…"

Mû fut surprise avec quelle humilité cet enfant gâté, héritier d'une grande famille et habitué à avoir tout ce qu'il voulait, lui demandait cette faveur. Elle dit alors:

"Vous êtes leur père, même si vous n'êtes que très peu intervenu dans leur conception…je ne peux vous refuser cela…"

Athena et Sion, qui se tenait bien debout, sourirent et dirent:

"Génial !!!!"

Ils aimaient bien leur père, même si ils ne le connaissaient pas beaucoup. Sion demanda alors en désignant le cap:

"Est-ce que je pourrai aller là-haut ?
-Oui, pourquoi pas ?"

Ah, Sion avait déjà attrapé de mauvaises habitudes…Mû dit sur un ton plus sévère:

"Je viens de te dire non, Sion…"

Ah, son fils avait bien grandi. Un simple non ne lui suffisait plus. Elle décida de temporiser:

"Attends de mieux marcher, Sion, et nous en reparlerons…"

Sion parut accepter cette réponse…Julian Solo reprit:

"Seraient-ils en état pour venir boire une tasse de thé chez moi ? Vous êtes tous invités, bien sûr, Sorrente et Thétis également…"

Mû refusa, elle ne pouvait pas sortir du Sanctuaire longtemps, il fallait qu'elle y retourne, mais elle donna aux jumeaux la permission d'y aller. Elle embrassa ses enfants, puis salua les autres et disparut. Julian Solo dit alors aux jumeaux:

"Je suis très heureux d'avoir pu faire la connaissance de votre mère…"

Au fond de lui, il pensait que la personnalité extraordinaire de Mû avait su faire des jumeaux des personnes intéressantes, cultivées et ouvertes au monde malgré leur différence…
Sorrente fit monter Sion sur son dos, et tous se rendirent à la maison Solo. Julian Solo fit visiter la maison à ses enfants, et ceux-ci, qui n'avaient jamais vu de maison aussi grande, furent ébahis. Puis il emmena tout le monde dans le grand salon, et fit servir le thé…Il demanda aux jumeaux leurs impressions, et s'enquit de leurs besoins éventuels. Mais ils n'avaient besoin de rien, ils avaient tout ce qu'ils voulaient au Sanctuaire…Il les vit partir avec un certain regret, puis dit à Sorrente, debout derrière lui:

"Ces enfants sont vraiment extraordinaires: ils n'ont que rarement vécu en société, mais ils s'y comportent très bien. Malgré tout ce qu'ils ont vécu, ils parviennent à rester optimiste, à croire en la vie…Sion a échappé de peu à la mort, mais il veut absolument aller au cap Sounion, n'ayant cure de ses blessures…Et moi je voudrais en faire des enfants normaux, avec des désirs normaux ? Je suis vraiment très fier d'eux, et j'ai hâte de les connaître mieux…"

Sorrente eut un léger sourire qui en disait long…Il aimait ces enfants comme s'ils avaient été les siens et comprenait bien ce que Julian, leur père, pouvait ressentir…
Julian Solo resta longtemps sur la terrasse, les cheveux au vent, à regarder la mer s'agiter doucement sous la brise du soir. La mer se reflétait dans ses yeux couleur bleu-vert océan, semblait y trouver une similitude et une tranquillité, sans doute un reste de Poseidon. En fait, il ne savait pas vraiment comment se comporter paternellement avec ses enfants…de plus, ils étaient déjà grands, bientôt ce serait des adolescents, ils en avaient déjà le physique d'ailleurs, car ils lui avaient expliqué qu'ils avaient deux ans d'avance pour leur dévellopement physique. A quoi pourrait-il leur servir ?
Toutes ces pensées l'agitaient tellement qu'il eut beaucoup de mal à trouver le sommeil…


* Le don…

Cap Sounion, une semaine plus tard…

Sion, assez bien assuré sur ses jambes, grimpait avec l'aide de sa sœur la petite sente qui grimpait au sommet du cap Sounion. Thétis et Sorrente les accompagnaient, sur recommandation expresse de Mû et de Julian Solo. Si Sion expérimentait n'importe quelle manifestation de pouvoir, Sorrente serait là pour faire quelque chose…Thétis pourrait aussi prêter son assistance.
L'air de la mer aiguillonnait Sion, qui respirait à plein poumons les embruns. Athena soutenait son frère…Elle estimait que c'était son rôle en tant que sœur aînée, mais Sorrente s'assurait discrétement qu'elle ne se fatiguait pas plus que de raison. Bien que moins atteinte, elle avait été cependant sérieusement blessée, et elle avait tendance à surprotéger son frère cadet en s'oubliant elle-même. Thétis et Sorrente, ainsi que Mû quand elle le pouvait, y avaient mis bon ordre, et Athena s'était reposée et avait guéri assez rapidement.
Un frais vent marin soufflait sur le cap, mais c'était une belle journée. Le ciel était bleu et les mouettes criaient avant de venir s'abattre sur la surface de la mer. Celle-ci était d'huile, seules quelques vaguelettes déformaient sa surface. Quand Sion arriva en vue des ruines du temple, il s'immobilisa, et dit:

"Ainsi voilà l'endroit où mon père résidait aux temps de la mythologie…"

Mais il ne dit rien de plus, se contentant d'observer les quelques tronçons de colonnes doriques encore debout, et les pierres des murs de la cella, ainsi que les morceaux d'entablement et de frise éparpillés un peu partout. Ces ruines avaient jadis été un temple dorique magnifique, chef d'œuvre de l'art classique grec. Sion avait demandé à se documenter, et Sorrente lui avait apporté des livres. Il avait alors appris que le temple de Poseidon du cap Sounion datait de 440 av. J-C, à l'apogée de la période classique grecque, où Athènes était puissante et règnait sur les mers.
Sorrente et Thétis restèrent au fond du cap, laissant les héritiers de l'empire des Sept Mers découvrir le plateau du cap. Sion s'approcha du bord, et regarda l'horizon…Il entendait le bruit désormais familier des vagues se brisant sur les rochers à pic…Il savait que là, en dessous du cap, se trouvait une prison destinée à enfermer les ennemis de la déesse Athena. Canon lui avait dit que lui-même y avait été enfermé par Saga des Gémeaux, son propre frère jumeau, et sauvé par Athéna elle-même.
Quelque chose de familier fit alors se retourner d'abord Sorrente, puis Thétis et enfin les jumeaux. Une puissance qu'ils connaissaient bien…Au bout du cap se trouvait Poseidon, possédant le corps de Julian Solo, casqué, armuré, le trident à la main. Les jumeaux restèrent là, debout, saisis de surprise, alors que Sorrente et Thétis mettaient un genou à terre. En fait, les jumeaux étaient très surpris et, en dehors de cela, ignoraient complètement comment se comporter en présence de leur 'vrai' père. C'était tout de même l'Empereur des Sept Mers. Athena, reprenant ses esprits la première, voulut s'agenouiller, mais son père l'en empêcha:

"Non, ma fille…"

Athena resta alors debout, et attendit que son père parle. Sion s'appuyait sur elle, et tentait de se tenir le plus droit possible. Poseidon regarda alors longuement ses enfants, puis commença à parler.

"Vous savez sans doute que je suis retenu par le sceau d'Athéna, qui m'empêche de nuire mais ne m'empêche pas de me manifester. Je ne vous connais pas encore, mes enfants, mais Julian Solo vous aime beaucoup…Avec le temps nous serons en symbiose, ne vous inquiétez pas, mais pour l'instant il ne peut pas vous parler…Il est temps que vous sachiez pourquoi vous êtes nés, je vous ai vus combattre et j'ai pensé que le temps était venu, vous êtes assez grands pour savoir la vérité. La première raison pour laquelle vous êtes nés est que je voulais faire la paix avec Athena. Cela fait des siècles que nous nous combattons, et elle gagne sans cesse, il est temps d'arrêter ce combat stérile. Lorsque j'ai lançé ce rayon, par l'énergie du désespoir, je ne pensais pas que ce serait un chevalier d'or qui le recevrait, je ne savais même pas du tout si ça marcherait. Mais vous êtes là, et le fait que votre mère soit un chevalier d'or vous procure un avantage supplémentaire…"

Il resta silencieux quelques minutes, puis reprit:

"Mais vous êtes là, et vous êtes mes héritiers naturels…surtout toi, Sion. Ton aura a muté après ton combat contre Hermès, signe que je ne me suis pas trompé…Ton rôle sera, lorsque tu seras plus grand et mieux entraîné, de superviser le sanctuaire sous-marin. Mais tu dois encore t'entraîner…Il a commencé à se reconstruire lorsque tu as utilisé ton pouvoir particulier, que tu tiens de moi, contre Hermès. Il mettra encore longtemps, mais ce sera ton rôle, en tant que prince héritier des Sept Mers, de t'en occuper…"

Son visage s'adoucit en regardant Athena:

"Toi, ma fille, mon aînée…Ton aura est restée double, signe que ton rôle sera d'être une liaison entre le Sanctuaire terrestre et l'empire des Mers. Tu es l'aînée, la protectrice naturelle, et ton frère jumeau devra toujours t'appuyer, même si il est de fait l'héritier.Tu es la gardienne, le lien entre la déesse dont tu portes le nom et mon monde, le monde sous-marin…L'élément féminin nécessaire."

Puis il s'avança jusqu'à se trouver près des jumeaux. Il continua sur le même ton de voix:

"Je vais vous faire un cadeau à chacun, le signe que je vous aime et que je veille sur vous. Approche-toi, Sion…"

Il lui tendit son trident, et dit:

"Je te le donne…Il veillera sur toi pour moi. Personne d'autre que toi, moi ou ta sœur jumelle ne pourra l'utiliser. En temps qu'héritier du trône, tu dois apprendre à maîtriser ses pouvoirs. "

Sion prit le trident en main, et celui-ci se mit à briller, lui rendant l'énergie qui lui manquait encore. Sion n'eut plus mal aux jambes, et se tint droit et fier…Poseidon se tourna ensuite vers Athena:

"A toi, ma fille, je donne ce médaillon. Garde-le toujours sur toi, il te viendra en aide si tu en as besoin…Il est ma façon de te garder, de veiller sur toi…"

Le médaillon était une plaque d'or, gravée finement d'un trident. Sur le revers était gravé cette inscription: 'A ma fille Athena, avec tout mon amour paternel'. Elle serra le pendentif, et ses yeux se mirent à trembler d'émotion.
Sion serrait le trident contre lui, souriant. Le trident était le symbole de la royauté des Sept Mers…Il avait déjà ce symbole sur une écharpe et sur sa plaque de ceinture…
Poseidon reprit alors:

"Je ne peux me maintenir plus longtemps, mes enfants…Soyez heureux, je suis fier de vous et je veillerai sur vous autant que je le pourrai. Je vous aime, mes petits…"

Et, dans un éclair de lumière, il disparut. Les jumeaux restèrent là, ébahis, presque convaincus d'avoir rêvé. Mais Sion, se secouant, vit que le trident qu'il tenait en main était bien réel…Ce n'était donc pas un rêve. Athena serrait dans son poing le médaillon, symbole qu'elle n'avait pas rêvé.
Sorrente fut le premier à reprendre ses esprits, mais lui sentait bien qu'il n'avait pas rêvé. Surtout quand il vit Sion bien debout, ayant apparemment retrouvé toutes ses forces, courir dans la sente vers la plage. Le médecin du Sanctuaire, où l'emmena immédiatement Sorrente, confirma que Sion allait très bien, mieux que la dernière fois où il l'avait examiné. Mû sut immédiatement que ses enfants étaient là, qu'il s'était passé quelque chose, mais elle s'inquiéta encore plus quand elle vit le trident, dont Sion ne voulait pas se séparer. Elle se fit raconter exactement ce qui s'était passé, et finit par dire à son fils:

"Je ne peux te permettre te garder un tel objet…Seule la déesse le peut…"

Sion eut beau protester, dire que son père le lui avait donné, Mû refusa toute discussion et l'emmena derechef devant la déesse. Elle se conduisait de façon très brusque, mais elle avait eu très peur…mais de voir son fils remis, marcher normalement, ayant retrouvé toute sa santé... Sion expliqua qu'au moment où il avait pris le trident en main, il avait senti ses forces lui revenir, et qu'il s'était senti beaucoup mieux. Mû, en y réfléchissant bien, se dit que l'énergie du trident était très proche de celle de Sion, c'était l'explication la plus logique.
Athena avait suspendu son pendentif à son cou, mais sa mère lui fit la même réflexion. Mais, pour elle, il n'y avait eu aucune manifestation particulière, elle se sentait bien mais sans plus…D'avoir rencontré son père rendait l'adolescente rêveuse et accentuait sa tendance à la réflexion. Pourtant, elle aussi dut subir un test médical très poussé…qui ne révéla rien.
Sorrente, lui, eut le temps de réfléchir à fond. Ce qu'il présupposait depuis un certain temps était arrivé: son élève venait d'être désigné comme héritier de l'empire des Sept Mers. Et, de plus, il possédait maintenant le trident, l'insigne royal par excellence…encore du travail pour lui, le temps que Sion apprenne à se servir de tous les pouvoirs qu'il contenait. Mais, dans ce cas, lui-même ne pourrait pas tellement l'aider, Sion devrait apprendre seul à cerner les pouvoirs du trident…Mais, pour le reste, il devrait continuer à l'entraîner, Sion avait encore beaucoup à apprendre.
La déesse, convaincue de l'urgence de la chose, consentit à recevoir le plus rapidement possible Mû, ses jumeaux, ainsi que Sorrente et Thétis, en tant que témoins.
Dès que les lourdes portes de bronze de la salle se furent refermées, la déesse s'adressa à Sion:

"Dis-moi exactement ce qui s'est passé, mon garçon…"

Sion expliqua tout, faisant appuyer son récit par sa sœur et les deux marinas présents. Elle pria Athena de raconter elle aussi sa version de la chose, puis resta silencieuse un moment. Finalement Poseidon avait décidé de faire de Sion son héritier, mais cette fois il n'y aurait pas de guerre…les jumeaux étaient la garantie vivante que la guerre éternelle entre elle et Poseidon était belle et bien finie, et que le brandon enflammé de la Discorde ne se rallumerait plus jamais. Sion apprendrait à utiliser le trident de son père…Il paraissait y être si attaché…Quand à Athena, même si elle le montrait moins, elle paraissait elle aussi posséder un attachement certain pour le cadeau que lui avait fait son père. Sion présentait une prestance nouvelle…et la déesse pensa alors à son père…Il lui ressemblait tellement ainsi !
Alors elle prit sa décision:

"Sion, tu dois me promettre d'en faire bon usage…"

Sion fixa ses yeux violets dans les yeux de la déesse, et dit sans ciller, le ton de voix grave:

"Je vous le jure…sur ma vie, que vous avez sauvée autrefois…"

Athena renchérit:

"Moi aussi je vous dois la vie…je vous jure que je ferai bon usage de ce que mon père m'a donné"

La bataille et les événements récents avaient donné à Sion et Athena une gravité certaine. La déesse leur dit:

"Votre père est un dieu, tout comme moi…tu peux garder le trident, Sion, il te revient de droit…Comme il l'a dit, la guerre est terminée…"

Le sourire qui éclaira le visage de Sion fit chaud au cœur de la déesse. Athena s'approcha, mit la main sur la trident…qui s'éclaira doucement. La déesse fit un sourire, et dit:

"Je suis fière de vous, héritiers de l'Empire des Sept Mers…"

Les deux enfants sourirent, et la déesse accompagna ce sourire pendant qu'ils sortaient de la pièce.

Mû se sentit presque rassurée…mais savoir que son fils était l'héritier désigné de Poseidon la surprenait presque. Elle regarda ses enfants, assis un peu plus loin, en train de parler. Dire qu'il n'y a pas si longtemps ils étaient petits…Ils avaient soudainement grandi. Sorrente observait la scène en même temps qu'elle, et il dit:

"Sion et Athena ont acquis une si grande assurance en si peu de temps…"

Mû acquiesca, et continua:

"Mais ce sont encore des enfants…Il nous faut prendre garde à ne pas les faire grandir trop vite. Même s'ils sont nés avec des caractéristiques extraordinaires, que leur physique présente une avance de deux ans sur la normale, nous ne devons jamais oublier leur véritable âge…Sion, malgré ses pouvoirs, n'a que dix ans, même s'il en paraît facilement quatorze ou treize. Athena c'est la même chose, même si les premiers signes de son avance viennent d'apparaître…"

De cela Sorrente était au courant. Il se dit alors que la période la plus difficile allait commencer…Là-bas, autour des jumeaux, venaient d'arriver Doko, Camus, pour une fois dispensé pour un court moment d'entraînement, Shaka et Saori. Tout ce petit monde devisait gaiement, même si Mû n'entendait pas ce qui se disait elle en devinait parfaitement le thème. Tous semblaient se méfier quelque peu du trident posé prés de Sion, comme s'il était source de menace. Sion gardait sa main dessus, comme pour les rassurer, et il y réussit très bien…
Ce soir-là, Mû entra dans la chambre des jumeaux…Sion tenait encore son trident en main…Elle lui dit:

"Lâche ce trident, Sion, tu ne vas tout de même pas dormir avec…"

Mais Sion refusa, et le posa près de son lit en disant péremptoirement:

"Il veille sur moi, il doit aller partout où j'irai…"

Elle réussit à obtenir tout de même qu'il ne se promène pas avec dans le Sanctuaire, la plaque de ceinture en argent suffisait déjà largement. Mais Mû comprenait parfaitement le prix qu'il y attachait, c'était en fait l'image de son père qu'il y voyait…
Une grande période de la vie des jumeaux allait commencer, la maturité, l'accession à l'âge adulte…Sion, héritier de la royauté marine, aurait beaucoup à apprendre. Quant à Athena, son pouvoir était en plein essor, et ce serait à elle de continuer son entraînement…Un grand tournant s'opérait.

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Cette fiction est copyright Anne-Laure Perrin.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.