Chapitre 13 : Mille jours et mille nuits !!


Dans la tiédeur des fleurs, les bœufs noirs sont couchés
Sur les pins élevés, les grues blanches s'endorment
Tandis que nous parlons, le crépuscule est tombé sur le fleuve
Et seul je redescends dans le froid et la brume

Yong Zun

Il courait ainsi depuis des heures. Il était là, toujours debout, et le souffle haletant. Son armure portant des traces de coups, restes des combats passés. Sa course plus précise, son but plus proche que jamais. Son regard posé sur la pierre à fouler. Il gravissait les marches qui s'offraient à lui, prêt à les avaler. Un paysage des plus beaux et des plus nostalgiques était à portée de vue, dans la pénombre de la nuit. Mais il n'avait guère le temps d'en profiter. Des bruits de pas ponctués par les intervalles réguliers d'un battement d'horloge, dans un silence de ténèbres. Une flamme bleutée se consumait lentement…
Rhadamanthe, le spectre du Wyvern, l'un des trois Juges des Enfers, venait de pénétrer dans le temple du Grand Pope.

Rhadamanthe (voit le temple s'approcher) : Ca y est !! J'y suis enfin !!

Et il courut sans s'arrêter, en franchissant les premières colonnes du parvis à grandes enjambées. Un couloir qui paraissait sans fond se mit à défiler devant lui. Des murs d'une pierre froide et inhospitalière…ce lieu n'était pas un lieu d'accueil. Et pourtant…

- Halte ! Qui va là !??

Un soldat de base, puis deux, à la tenue et l'équipement rudimentaires, firent leur apparition au bout du couloir, devant une grande porte double d'une couleur or massif. Leur lance en avant, ils joignirent leur arme en croix pour faire barrage au spectre. Ils n'avaient aucune notion du danger…mais leur mission passait avant tout.

Garde 1 : Qui es-tu ?
Rhadamanthe : Je vous donne un conseil, si vous voulez vivre, n'ouvrez même pas votre bouche pour prononcer un mot, et laissez-moi passer…
Garde 2 : Comment nous parle t-il !! Nous avons pour consigne de ne laisser passer personne !!
Garde 1 : En gard…aahhh !!!

Le garde ne vit rien venir et s'effondra, le visage en sang, sans un mouvement, les yeux grands ouverts, hébété. Le deuxième, à la vue de son compagnon, se mit à trembler de tous ses membres et s'enfuit en criant.

Rhadamanthe : Et maintenant… J'ai atteint ce que je suis venu chercher !!

La grande porte à double battant grinça et s'ouvrit.

Très loin de là

En Chine, dans la région de Kunlun Shan…le soleil commençait à se lever dans la rosée matinale. Les songes pouvaient prendre fin, et la vie reprendre ses droits, dans la lueur d'une nouvelle journée d'été.
Pour une quinzaine de personnes dans une large bâtisse en bois, la journée s'annonçait des plus particulières.
Treize hommes somnolaient dans une pièce. Treize hommes aux âges divers. L'un d'entre eux à la peau noire, un autre au visage de vieillard, et un troisième, le seul de tous, au visage portant les traits de l'Asie.
Dans une pièce à côté, isolée, une jeune femme à la longue robe blanche ne dormait plus depuis quelques instants.
Des gardes se tenaient devant l'entrée des deux pièces. Ils semblaient somnoler eux aussi.

La jeune femme se manifesta la première. Et Athéna, la déesse de la Guerre, prit la parole au nom de tous.

Athéna : Chevaliers du Zodiaque, réveillez-vous !!

Aussitôt, les treize hommes de la pièce voisine se mirent en mouvement, et bougèrent les paupières, puis ouvrirent les yeux.

Siddartha : Cette voix…
Sion : Le soleil s'est levé…ce qui veut dire…
Athéna (par télépathie) : L'heure est venue !! Le véritable combat est sur le point de commencer !!

Un cosmos surpuissant commença à remplir la pièce où elle se trouvait, et à irradier tout l'espace, jusqu'à déborder à l'extérieur. Ce qui provoqua le réveil des gardes endormis devant la porte des cellules.

Garde 1 : Que…qu'est-ce que c'est que cette lumière qui passe à travers la porte ?
Garde 2 (peur au visage) : Ca vient de la cellule où est enfermée la femme…
Garde 1 : Ouvre la porte pour vérifier, s'il te plaît…
Garde 2 (sueur sur le front) : Non, après toi, je t'en prie…

Une peur irraisonnée et inexplicable les empêchait d'ouvrir la porte de la pièce où se tenait Athéna. Une peur qui les envahissait subitement…la crainte de quelque chose…mais de quoi ?? Comment pouvaient-ils avoir peut d'une gamine de dix-huit ans ?
Dans la pièce où ils étaient assis, treize boites métalliques, aux motifs dorés pour douze d'entre elles et argentés pour la dernière, se mirent à briller…

Athéna : Chevaliers ! Patience ! Tenez-vous prêts ! Le moment est imminent !!

Au Sanctuaire

Rhadamanthe venait de faire quelques pas dans la chambre du Grand Pope. Une froideur et un silence de mort y régnaient, comme si personne n'y était venu depuis des siècles. Pourtant, il y avait bien quelqu'un dans la pièce. Au bout d'un long tapis rouge de cérémonie, quelques marches donnaient sur un trône où était assis un homme masqué et casqué, à la longue robe pourpre. On ne voyait pas son visage mais on devinait qu'il ne quittait pas le spectre des yeux.

Rhadamanthe : Eh bien me voici, Grand Pope ! J'ai enfin franchi les douze maisons, et je vous ai atteint !! Vous savez ce que je suis venu chercher, je suppose ?

Il n'y eut aucune réponse ni aucun mouvement de son interlocuteur. Le Grand Pope restait vissé sur son siège et ne semblait avoir aucune réaction.

Rhadamanthe (sourit) : C'est la peur qui vous empêche de parler ? Ou la surprise de voir Hadès réussir son pari ?

Toujours pas de réponse. Mais Rhadamanthe n'avait pas une seconde à perdre, et il se décida à agir.

Rhadamanthe : Tant pis pour vous si vous ne voulez pas répondre…La misérable femme qui gardait la maison précédente a été supprimée, et m'a affirmé qu'Athéna n'était pas ici…je ne sais pas si c'est vrai, mais je vais le vérifier de mes propres yeux…
Archinoald : Crois-tu que cela soit vrai, Rhadamanthe ?

Le Grand Pope s'était finalement levé d'un coup, et se tenait debout face au spectre, à une dizaine de mètres de lui. Il s'approcha de quelques pas, lentement, dans une démarche calme et assurée, et fit brûler son puissant cosmos autour de lui. Une aura dorée l'enveloppa et irradia bientôt Rhadamanthe.

Rhadamanthe : Mais !! Ce cosmos…Vous…
Archinoald : Alors, Rhadamanthe, pourquoi me vouvoies-tu ? Il me semble que nous nous connaissons, et même plutôt bien…

Il fit brûler son cosmos encore plus fort, et parvint à quelques mètres de Rhadamanthe. Celui-ci, cette fois, ne bougeait plus et paraissait figé par la peur.

Archinoald : Tu n'as pas dû oublier…il est vrai que vous autres, spectres, naissez sur terre comme tous les hommes, avant de revêtir votre surplis…mais tu es l'un des trois Juges des Enfers, et le fils d'un Dieu et d'une mortelle…tu t'es réincarné à cette époque dans ce nouveau corps, mais j'ai très bien connu ta précédente incarnation, il y a deux siècles…
Rhadamanthe : Tu as raison…mon véritable nom est Nikolas, mais je ne fais plus qu'un depuis des années avec le juge des Enfers…Assez parlé !! Où est Athéna ??? Tu as cinq secondes pour me répondre, si tu ne veux pas perdre la vie !!

Les secondes s'écoulèrent calmement, et lentement, sans qu'il y ait la moindre réaction de la part du Grand Pope.
Rhadamanthe ne paraissait pas avoir compris toutes ses paroles, et garda une moue dubitative.

Rhadamanthe : Très bien !! Puisque tu ne veux pas parler…(concentre son cosmos dans sa main) Hadès m'avait ordonné de venir chercher Athéna dans un délai de douze heures, pour la forcer à venir à lui….on dit que, derrière ce temple, se trouve une grande statue qui lui est consacrée…nous verrons bien ce qui s'y trouve ! Si je ne parviens pas à y trouver la déesse, je ramènerai au moins ta tête en trophée, au seigneur des Ténèbres !!

Mais le Grand Pope fit à nouveau brûler son cosmos, et cette fois les souvenirs revinrent à la mémoire du spectre. Oui, il le connaissait…ça s'était passé il y a bien longtemps…pendant la dernière guerre sainte…

Rhadamanthe : Enlève cette toge et montre enfin ton visage !!
Archinoald : Très bien, puisque tu y tiens…me voici…

Et, d'un geste, le Grand Pope arracha sa belle tunique et fit voler son masque et son heaume à travers la pièce.
Devant lui, Rhadamanthe avait Archinoald, ancien chevalier d'or de la Balance !!

Rhadamanthe : C'est donc bien toi, Archinoald…tu n'es plus qu'un vieillard décati, désormais…et tu vas me laisser passer ! Par la Prudence du Wyvern !!
Archinoald : Par la Justice Divine !!

Deux cosmos surpuissants explosèrent dans la chambre sacrée. Au même moment, dans la grande porte entrouverte de la salle, Aritaki, le chevalier de bronze de Pégase, venait de faire son apparition. Son armure était bien entamée. Il aperçut les deux combattants, loin devant lui, qui déployaient une force prodigieuse.

Aritaki : Ces deux cosmos !! Ils sont si puissants, l'un et l'autre !! Ils sont presque comme des Dieux…c'est donc là le pouvoir du Grand Pope, l'ancien chevalier d'or…moi, Aritaki, je ne peux rien faire pour l'aider…Il vaut mieux que j'attende l'issue du combat…

Et le petit chevalier de bronze regarda le combat, restant en arrière, près de la porte, sans intervenir, sachant que ses pouvoirs étaient ridicules face à celui des deux hommes.
Ces derniers étaient aux prises l'un contre l'autre avec une puissance et une détermination qui semblaient sans limites. Jamais au Sanctuaire, dans cette génération, de tels cosmos avaient été déployés. C'était comme si les murs de pierre épaisse allaient se mettre à trembler et menacer de s'écrouler. Les deux attaques simultanées étaient d'égale puissance, et s'étaient annulées d'elles-mêmes. Les deux adversaires s'étaient approchés et se tenaient poings contre poings, au corps à corps. La bouche grimaçante, les muscles tendus à se rompre. Pourtant, le visage de Rhadamanthe se décrispait peu à peu et reprenait une expression d'aisance.

Archinoald : Ahh…agh…eh bien, Rhadamanthe…nous revoici face à face, comme au bon vieux temps…
Rhadamanthe : Il ne me reste plus que quelques minutes…je dois me dépêcher…tu ne m'empêcheras pas de passer…

D'un coup, les deux combattants lâchèrent leur prise et tombèrent à la renverse à l'opposé. Ils se remirent très vite face à face…le chevalier de bronze de Pégase, en retrait, continuait d'observer la scène, intimidé, décidé à ne pas intervenir pour l'instant.

Rhadamanthe (se relève) : Allez, j'ai assez perdu de temps ! Adieu, vieillard !
Archinoald : Pas si vite !! (met les bras en croix) Si tu veux passer, tu dois remplir une dernière formalité…me passer sur le corps !!
Rhadamanthe : Et que crois-tu pouvoir me faire ?? Tu n'as même pas ton armure, je te signale !!
Archinoald : Peut-être, mais, à en juger l'état de ton surplis, tu n'es guère mieux protégé on dirait…
Rhadamanthe : Tu n'as toujours pas répondu à ma question…OU EST ATHENA ??
Archinoald : Eh bien je vais y répondre…je vais même t'en dire plus…Athéna est en ce moment avec les chevaliers d'or…loin, très loin d'ici…en Chine exactement…
Rhadamanthe : Alors…C ETAIT DONC VRAI ???

La réponse lui était connue depuis la fin du combat contre Nerval dans la maison des Poissons, et il s'en doutait déjà un peu…mais il ne put contenir un nouvel accès de rage, et serra les poings de toutes ses forces…non, il n'avait quand même pas fait tout ça pour rien… !

Rhadamanthe : Ne me dis pas que j'ai fait tout ça pour rien depuis presque douze heures…pourquoi…POURQUOI ?? Pourquoi avoir protégé les douze maisons, et avoir tout fait pour nous retenir ?? S'il n'y avait rien à protéger ??
Archinoald : En fait, même si Athéna se trouve déjà en Chine, il reste dans ce Sanctuaire une chose infiniment précieuse à protéger…cette chose se trouve derrière moi…mais, même si tu parvenais à passer, tu ne pourrais plus faire grand-chose pour empêcher ce qui doit arriver…

Archinoald avait-il raison de renseigner Rhadamanthe ?? Jamais le spectre n'avait été aussi impatient d'en finir…outre le peu de temps qu'il lui restait, il voulait enfin comprendre…le pourquoi du comment de cette bataille des douze maisons…Hadès lui-même ne lui avait pas tout dit…

Rhadamanthe : Intéressant…allons voir ce qui s'y cache, dans ce cas !! Allez !! Adieu, Archinoald !! PAR LA TERREUR DU WYVERN !!

Un coup d'une violence sans précédent jaillit du poing de Rhadamanthe, et Archinoald joignit les mains pour le contenir…ce qu'il fit, sans grande difficulté d'ailleurs…avant de riposter…

Archinoald : PAR L'EQUILIBRE DES ELEMENTS !!

Une attaque que personne ne connaissait au chevalier d'or de la Balance, jaillit de ses mains, concentrée en un espace restreint. Le chevalier d'or se dévoilait peu à peu, et montrait, comme il ne l'avait jamais fait, l'étendue de ses pouvoirs. Non, deux siècles après, Archinoald de la Balance n'avait pas perdu de sa superbe !!
Rhadamanthe se rendit compte de la puissance toujours réelle de son ennemi d'antan…mais il savait qu'il avait un avantage.

Rhadamanthe : Tu n'as pas d'armure !! Tu es fait !! Reçois ta propre attaque !!
Archinoald : Agh !!

Le Grand Pope fut renversé une nouvelle fois et tomba à terre, sans dommage. Mais, en un éclair, Rhadamanthe avait disparu derrière lui !! Lorsqu'il eut le temps de tourner la tête, Archinoald vit se froisser le rideau rouge qui recouvrait le mur derrière le trône. Aritaki de Pégase avait surgi, prêt à assister celui qui était encore le Grand Pope du Sanctuaire d'Athéna.

Aritaki : Grand Pope !!
Archinoald : Chevalier Pégase, tu es là…vite !! Suis-moi !!

Une folle course poursuite s'ensuivit…les secondes s'écoulaient encore…plus pour longtemps…sur l'Horloge Pyrique, la flamme des Poissons connaissait ses derniers soubresauts, et menaçait de s'éteindre à tout instant…Rhadamanthe avait franchi le voile et courait à perdre haleine, dans un nouvel escalier donnant à l'extérieur de la Chambre Sacrée…derrière lui, à quelques enjambées, Archinoald courait, suivi du chevalier de Pégase…
Peu à peu, Rhadamanthe vit le paysage s'élever devant lui…et apparaître, à ses yeux, la gigantesque statue marquant le point final du long escalier de la montagne du Sanctuaire…

Rhadamanthe : Qu'est-ce qui se trouve ici… ? Mais c'est… ??!

Rhadamanthe regarda un instant l'immense statue…il en devina l'effigie…

Rhadamanthe : Athéna ?? Mais…non…

Au loin, la dernière flamme vacillait…vacillait de plus en plus, sur l'Horloge de feu…on ne distinguait plus qu'une lueur bleuâtre…Rhadamanthe était désormais sur la grande dalle de pierre, sur le sommet de la montagne…il n'était pas possible d'aller plus loin…il n'avait plus qu'une trentaine de mètres à parcourir, pour atteindre la statue faisant la même hauteur…

Mais, d'un seul coup…un infime bruissement, à peine perceptible, au loin, mais de la plus grande importance…

Rhadamanthe : NOOOOOOOONNNNNN !!!
Archinoald : CA Y EST !!!

La flamme des Poissons venait de s'éteindre.

Rhadamanthe courut plus vite que jamais, et se précipita vers la statue, désespérément, sans même savoir ce qu'il devait faire…mais, soudain, dans la nuit noire, et le haut de la montagne, que plus rien n'éclairait, un éclair aveuglant et tonnant déchira le ciel en deux et s'abattit sur la statue d'Athéna. La lumière surgit et fut si intense, qu'il sembla faire jour un instant…les trois personnes présentes durent cesser de courir et se cacher les yeux…

Au bout de quelques instants, les ténèbres revinrent sur le haut de la montagne. Rhadamanthe chercha à nouveau la statue imposante dans la pénombre, mais ne la trouva pas. Il crut s'être tourné du mauvais côté et chercha dans tous les sens…mais il ne voyait plus rien.
La statue d'Athéna avait disparu !!
Incrédule, il finit sa course pour atteindre l'immense dalle de pierre où elle se trouvait.

Très loin de là

En Chine, dans la bâtisse où Athéna se trouvait avec treize de ses chevaliers, une fraction de seconde après que la statue d'Athéna se fût volatilisée, un nouvel éclair aveuglant s'abattit sur le toit de l'édifice. Les gardes qui s'y trouvaient et montaient la garde, prirent peur et n'osèrent pas ouvrir la porte où se trouvait Athéna. Une peur inexplicable, qui les parcourait depuis quelques minutes et devenait de plus en plus intense…

Garde 1 : Cette lumière…elle vient de dessous la porte…
Garde 2 : Il faut…ouvrir la porte…

Et le garde prit son courage à deux mains, se leva et marcha péniblement vers la porte de la pièce où se trouvait Athéna…tremblant de tous ses membres…mais la porte s'ouvrit d'elle-même avant qu'il ne l'atteigne. Il fit un bond en arrière, saisi de terreur.
Athéna en sortit…libre des liens qui lui attachaient les poignets et les chevilles…mais ce n'était plus la femme qu'ils avaient vue quelques heures auparavant.
La déesse de la Guerre, toute majestueuse, était revêtue d'une armure !!
Un bouclier dans une main, un sceptre dans l'autre.

Garde 1 : Mais qu'est-ce que… !!!
Athéna : Garde, voici mes consignes…

Le garde lui répondit avec la douceur d'un agneau, renonçant d'un coup à garder prisonnière la jeune femme dans la bâtisse.

Garde 2 : Ou…oui…tout ce que vous voulez…
Athéna : Libère mes treize hommes immédiatement !! Rends-leur les urnes d'or et d'argent qui se trouvent près du mur !! Laisse-nous quitter cet endroit…et n'essaie jamais de nous retrouver !!
Garde 2 : Très…très bien…

Dans le soleil du jour naissant, treize hommes surgirent bientôt d'une pièce insalubre où ils venaient de passer la nuit…
Et Athéna, déesse de la guerre, armée et toute auréolée de sa gloire, sortit des lieux entourée de ses douze chevaliers d'or et d'un chevalier d'argent, tous revêtus de leur puissante protection.

Plus loin encore

Sur son Trône, le Seigneur des Ténèbres avait eu vent de l'issue de la bataille, et fulminait de rage, comprenant qu'il avait été devancé et berné par son ennemie jurée…

Hadès : Perséphone !! Reviens ici immédiatement !!

Au Sanctuaire

Tout était fini. Rhadamanthe était tombé à genoux sur la grande dalle qui supportait, un instant encore auparavant, la statue d'Athéna, et regardait, encore incrédule, son reflet dans le marbre, une goutte de sueur sur le front, le regard hagard…
Le silence s'était fait dans la nuit noire. Le battement paisible et régulier des secondes de l'Horloge Pyrique, avait cessé. Mais des bruits de pas résonnèrent derrière lui. Il se retourna et vit Archinoald, le Grand Pope, accompagné du chevalier de Pégase, qui arrivaient vers lui.

Archinoald : Alors, Rhadamanthe…tu voulais savoir ce que je protégeais depuis le début…j'espère que tu as maintenant la réponse à ta question…
Rhadamanthe (se relève, énervé): Quoi ?! De quoi parles-tu ?? Cette statue qui a disparu ? C'est cela que tu protégeais, depuis le début ? Qu'était-ce donc ?
Archinoald : Tu devrais le comprendre, non ?? Ce qui va permettre à Athéna d'affronter Hadès, face à face…

Son armure !!

Aritaki : Quoi ?? Mais alors…
Archinoald : Oui…Cette grande statue, qui surplombe le Sanctuaire depuis les temps immémoriaux, n'est autre que l'armure d'Athéna…sans elle, la déesse de la guerre ne pourrait affronter son ennemi Hadès…cette bataille serait vouée à l'échec…
Rhadamanthe : Et cette bataille ?? Pourquoi l'armure a-t-elle repris vie à cet instant ??
Archinoald : L'armure d'Athéna n'est pas une armure ordinaire, comme celle des chevaliers de son armée…elle n'est ni de bronze, ni d'argent, ni d'or…et pour renaître, il lui faut douze heures !!
Aritaki : Quoi ???

Une lueur de compréhension traversa le visage du chevalier Pégase. Rhadamanthe, qui avait renoncé pour l'instant à toute entreprise offensive, écoutait maintenant les paroles d'Archinoald avec la plus grande attention.

Archinoald : Mais cela, seul le Grand Pope, assistant d'Athéna depuis les temps reculés, peut le savoir…l'ancien Grand Pope, Ivan, mort devant Apollon, me l'avait confié il y a quelques années…j'avais gardé le secret jusqu'à aujourd'hui, attendant patiemment cet instant…
Rhadamanthe : Dans ce cas…pourquoi cette satanée statue est redevenue armure à cet instant précis ?? Pourquoi pas avant, en présence d'Athéna ??
Archinoald : C'est pourtant simple…la guerre sainte que se livrent Athéna et Hadès, depuis les temps mythologiques, a toujours commencé de cette manière…c'est la première manche, la première bataille, qui détermine l'avantage de l'un où l'autre pour la suite des évènements…
L'armure d'Athéna est comme les autres armures sur un point :
elle est vivante…or, pour reprendre vie, une armure a besoin de sang…le sang d'Athéna elle-même !!

Aritaki se souvint brièvement…lorsque Athéna avait embarqué au port du Pirée avec ses douze chevaliers d'or, Aritaki, qui l'avait vu partir, avait remarqué la marque d'une blessure à son poignet droit…et la peau de son visage était d'une blancheur immaculée, presque inquiétante…il comprit alors.
Athéna, avant de partir, avait versé son sang sur la statue !!

Rhadamanthe : Alors…tout ce remue-ménage, depuis la maison du Bélier…toute cette bataille…
Archinoald : Oui…même en l'absence d'Athéna et des douze chevaliers d'or, les douze maisons devaient être protégées…car il restait en ce lieu l'arme ultime d'Athéna, qui détermine le cours des évènements… L'Horloge Pyrique brûle de douze feux pendant douze heures. Elle se met en route dès que l'ennemi d'Athéna met un pied sur cette terre sacrée. C'est un rituel immuable. Hadès et ses hommes disposent de douze heures pour atteindre Athéna…et, a fortiori, l'armure qu'elle protège. Si tu avais réussi à atteindre la statue avant la fin des douze heures, tu aurais pu la détruire et, ainsi, empêcher la déesse de la guerre de renaître à la vie…mais tu as échoué. Athéna est désormais armée, et a remporté la première manche. Elle est en route pour affronter Hadès, et le tuer !! Et rien ne pourra plus l'arrêter !!

Loin de là

Le soleil commençait à s'élever dans le ciel. La matinée venait de commencer. Entourée d'un fin halo de lumière dorée, Athéna, déesse de la Guerre, marchait paisiblement, mais d'un pas déterminé, avec ses douze chevaliers d'or à sa suite, ainsi qu'un chevalier d'argent. Tous avaient à nouveau revêtu leurs armures et suivaient la déesse, sans oser lui poser de questions. Elle marchait sans se retourner, en laissant derrière elle, à quelques centaines de mètres maintenant, le bâtiment qui leur avait servi de prison pour la nuit. Elle n'avait pas prononcé un mot depuis leur sortie, et avançait sans la moindre réaction. Ce silence avait de quoi dérouter les treize chevaliers. Siddartha de la Vierge finit par décider de le rompre et s'adresser à Athéna.

Siddartha : Déesse Athéna…nous voici libres à présent, et nous sommes prêts à vous suivre partout où vous nous emmènerez…mais pourquoi ce silence ? Nous ne savons rien de ce qui s'est produit à l'instant où votre armure est venue à vous…

La déesse se retourna enfin vers ses chevaliers, et les regarda d'un sourire, comme si elle attendait le moment où l'un d'entre eux se déciderait à prendre la parole. La prison du mont Kunlun était désormais loin derrière eux, et il n'y avait plus le moindre risque d'être vu ou entendu.

Athéna : Vous avez dû le sentir tout à l'heure, non ? Les douze heures qui étaient imparties à Hadès se sont écoulées…et les spectres d'Hadès ont échoué à franchir vos temples…nombre de vos disciples y ont certes laissé la vie, mais vous pouvez être fiers d'eux, leur sacrifice n'a pas été vain…

Et Athéna se mit alors à expliquer à ses chevaliers le rituel des douze heures, comme le Grand Pope l'avait fait, presque simultanément, avec Rhadamanthe. Ils comprirent alors peu à peu le sens de tout ce qu'ils venaient de vivre, et la joie se fit sur leurs visages. Bien entendu, ils gardaient une pensée pour la plupart de leurs disciples, morts valeureusement dans la bataille, mais ils savaient que, même parmi eux, peu de combattants survivraient jusqu'à ce que la Guerre Sainte se termine. En tout cas, maintenant qu'Athéna était revêtue de son armure, le véritable combat allait pouvoir enfin commencer.

Athéna : …C'est pourquoi j'ai décidé qu'il était préférable, pour l'instant, de nous reposer avant de reprendre le combat. Il ne fallait pas éveiller les soupçons d'Hadès et lui faire deviner que nous étions venus en Chine, tant que les douze heures n'étaient pas écoulées. Sans quoi Hadès aurait certainement interrompu la bataille et lancé ses spectres les plus puissants à nos trousses…
Samson : Je comprends…lorsque nous avons été arrêtés, en pleine nuit, devant le puits du mont Kunlun, c'était l'occasion inespérée de passer pour de simples pillards et ainsi nous fondre parmi le commun des mortels…C'est donc pour cela que vous nous avez demandé d'en profiter pour dormir et préserver nos forces…
Athéna : Oui, rien ne pressait ; notre objectif était simplement d'attendre la fin des douze heures pour que l'armure d'Athéna se réveille. En partant avant que la bataille des Douze Maisons ne commence, nous avons marqué un point décisif dans cette Guerre Sainte. Nous avons remporté la première manche…

Mais l'expression du visage d'Athéna, contrairement à ce que les chevaliers pensaient, ne fut pas celle de la joie. Ses traits se tirèrent et la déesse s'efforça de masquer une certaine tristesse.

Athéna : N'oubliez pas une chose…ce succès, nous le devons à chacun des chevaliers d'argent, ou même de bronze, qui n'ont pas hésité à sacrifier leur vie pour défendre le temple de leurs maîtres…ils ont été dignes de votre confiance… Et sachez que la guerre continue désormais. Nous entrons dans la phase décisive des hostilités. Vous allez maintenant entrer en scène, et déployer toutes vos forces contre l'ennemi.

Elle continua à parler, sans la moindre interruption de son auditoire, et rappela ce que Doko avait découvert devant le puits du Mont Kunlun.

Athéna : …Vous savez ce qu'il nous reste à faire désormais… Nous devons nous rendre auprès d'Hadès pour le combattre, et, grâce à cette armure que je porte, la victoire nous est promise…à nous de ne pas user de nos moyens inconsidérément… Les spectres d'Hadès sont les plus puissants de tous les adversaires que vous ayez rencontrés…Hadès ne s'est servi que de quelques-uns de ses combattants pour attaquer le Sanctuaire…il faudra désormais être vigilants…

Et elle donna à nouveau les consignes qu'elle avait élaborées avec Doko et les autres, dans le courant de la nuit.

Athéna : Nous allons reformer les groupes, tels qu'il en a été convenu…notre objectif est de nous rendre dans le monde des Morts, tout en restant en vie, seul moyen d'affronter Hadès en personne…pour cela, il faut rompre le sortilège des Cinq Pics, qui protège le puits du sixième pic, celui du mont Kunlun… Séparez-vous, mettez-vous en route vers les pics, rompez les cinq sceaux qui s'y trouvent, et libérez le passage qui nous mènera face à notre ennemi !

Le moment des séparations arrivait, et tout le monde attendait ce moment avec appréhension. Ils ne pouvaient délaisser l'idée qu'ils se voyaient peut-être pour la dernière fois, et que la plupart ne ressortiraient pas vivants de l'issue de cette Guerre.

Janus des Gémeaux, Samson du Lion et Zéthée du Sagittaire se mirent en route vers le pic du Nord.
Ménélas du Cancer et Iolaos du Scorpion se mirent en route vers le pic de l'Ouest.
Abel du Capricorne et Hippolyte du Verseau se mirent en route vers le pic de l'Est.
Alrisha des Poissons et Sion du Bélier se mirent en route vers le pic du Centre.
Gassama du Taureau et Doko de la Balance se mirent en route vers le pic du Sud.

Restaient alors Siddartha de la Vierge, et le seul du groupe qui ne soit pas chevalier d'or, Adam de l'Horloge. Le hasard les avait désignés pour constituer l'escorte de la déesse, au mont Kunlun. Les onze autres chevaliers venaient de partir, à pied, à une vitesse rapide mais raisonnable, sans déployer toute l'étendue de leur énergie, pour ne pas alerter d'éventuels spectres rodant dans les parages, de leur présence. Adam fut quelque peu intimidé de se retrouver seul avec la déesse et un chevalier d'or. Il se souvint de la raison qui l'avait poussé à demander à Athéna le droit de pouvoir l'accompagner en Chine avec son escorte dorée, pour se faire pardonner d'avoir été odieux à l'égard de l'un de ses semblables.
C'est à nouveau le chevalier d'or de la Vierge qui prit la parole en leur nom.

Siddartha : Nous voilà seuls, à présent…déesse Athéna, savez-vous ce que nous devons chercher en ce lieu ?
Athéna : Comme vous vous en doutez, pour aller dans le monde des Morts, il y a deux solutions : rester patiemment près de la brèche entre les deux mondes, en attendant que les autres aient tous rompu les cinq sceaux…ou bien…
Siddartha (l'interrompant) : Vous voulez dire que… ?
Athéna : Oui, sauter dans le puits en prenant le risque de ne jamais en voir le fond…mais cette idée n'est certainement pas la meilleure…

Adam et Siddartha étaient toutefois perplexes ; rompre les cinq sceaux prendrait certainement beaucoup de temps aux autres, même sans douter qu'ils y parvinssent tous. Dans de telles conditions, pourquoi attendre passivement ? Ne pouvaient-ils pas mieux les aider, et se mettre en route eux aussi ?

Athéna : Je sais ce que vous pensez, mais ne vous inquiétez pas…Nous avons tout notre temps, désormais…Hadès n'est pas pressé…Je pense même qu'il a tout prévu et qu'il a posté en ces lieux, tout près d'ici, quelques-uns de ses meilleurs lieutenants. Je vous propose d'aller à leur rencontre !

Et les deux chevaliers poursuivirent leur route, sans se presser, vers le temple de l'Auguste de Jade, près duquel se trouvait le puits du monde des Morts.

Derrière eux, non loin de là, deux chevaliers à l'armure noire comme l'ébène, le dos revêtu d'une longue cape pourpre, les regardaient marcher…

Au Sanctuaire

Une scène de désolation caractérisait maintenant le haut de la montagne du Sanctuaire. Après l'extinction de la dernière flamme sur l'Horloge Pyrique, l'obscurité la plus totale s'était faite. Sur le parvis d'Athéna, il ne restait plus rien de la statue de la déesse volatilisée. Une impression de mort et d'abandon envahissait les lieux. Les corps de tous les chevaliers d'argent, de bronze et des spectres morts aux combats, allaient pouvoir bientôt reposer en paix.
Le Grand Pope se tenait toujours là, devant un Rhadamanthe blessé et fatigué, qui avait pourtant réussi à arriver jusque lui. Il ne lui avait manqué que quelques instants à peine, pour mener sa mission à bien. A présent, tout était fini.

Archinoald : Eh bien, Rhadamanthe, tout est terminé maintenant…tu n'as plus aucune raison de rester ici…tu as échoué…je te suggère de retourner auprès d'Hadès, et de planifier d'urgence la suite des opérations…car rien ne sera plus pareil, désormais…

Rhadamanthe écouta la remarque avec une pointe de colère qu'il ne contenait plus, et mit un instant avant de répondre. De toute évidence, il n'avait pas l'intention de s'en aller.

Rhadamanthe : J'ai joué de malchance, il ne m'a manqué presque rien…mais je ne vais pas repartir comme cela !
Archinoald : Ah oui ??
Rhadamanthe : J'ai abattu tous les chevaliers qui gardaient les douze maisons, quand ce ne sont pas mes spectres qui s'en sont chargés…il m'en reste un à abattre…TOI !!
Archinoald : Tu te trompes, tu n'as pas abattu tous les chevaliers, comme tu le dis…

Et il lui mine de se retourner. A une quinzaine de mètres d'eux, en arrière, appuyé près d'un rocher, se tenait toujours Aritaki, le chevalier de bronze de Pégase, qui avait assisté à toute la scène depuis que la statue d'Athéna avait disparu, timidement, sans oser réagir. Voyant qu'on parlait de lui, il se remit en mouvement. Son armure était en partie brisée, mais c'était comme s'il allait se battre pour la première fois.

Rhadamanthe : Ah oui, ce moustique est toujours là…je vais rectifier ce que j'ai dit, sur le champ…(concentre son cosmos) : Tiens, prends ça !!

Sans même prononcer l'incantation de son attaque, Rhadamanthe envoya une rafale d'énergie vers le chevalier de bronze. Mais celui-ci avait senti le coup venir et s'écarta d'un bond, dans une détente qui pouvait encore surprendre, à penser au nombre de combats qu'il avait déjà subi pour un simple chevalier de bronze. Le coup fit éclater un rocher près de lui comme de la glaise. Le chevalier Pégase atterrit d'un bond devant Rhadamanthe.

Rhadamanthe : Quoi ?? Encore ??
Aritaki : Tu m'as un peu trop sous-estimé depuis notre première rencontre, tout à l'heure !! Et tu as cru m'abattre, mais je suis toujours là !
Rhadamanthe : Vu l'état de ton armure, tu n'es plus protégé par grand-chose…au prochain coup que tu te prendras, c'est ton corps qui va voler en éclats…
Aritaki : J'ai encore de quoi me défendre !!

Et le chevalier de bronze, ex-samouraï, comme il était fier de le rappeler, fit brûler à nouveau son cosmos d'un bleu limpide. Mais un cri l'obligea à s'interrompre.

Archinoald : Non, arrête, Aritaki !!
Aritaki : Comment ??

Le Grand Pope lui demandait fermement de ne pas se battre, usant de son autorité légitime sur celui qui n'était, en outre, chevalier que depuis peu.

Archinoald : Cette première bataille est terminée, tu ne dois plus user tes forces à te battre.
Aritaki : Mais …!! Notre ennemi est toujours là, devant nous !! Tant qu'il n'est pas vaincu, je dois l'affronter !! Telle est ma mission !! Je dois vous protéger, Grand Pope, comme je dois protéger Athéna !!
Archinoald (sourit) : Tu oublies que je suis un ancien chevalier d'or, et que je ne crains pas d'affronter l'un des trois Juges suprêmes des Enfers…de toutes façons, tu ne pourrais rien faire, il est bien trop puissant pour toi…

Rhadamanthe écoutait la scène sans réagir, et se montra finalement flatté de voir ses deux adversaires vanter sa force et sa puissance.

Rhadamanthe : Alors, Archinoald, tu reconnais le fossé qui me sépare de ce microbe…je n'en attendais pas moins venant de toi…
Archinoald : Rhadamanthe, détrompe-toi, le chevalier Pégase a montré, depuis tout à l'heure, qu'il a déjà dépassé le rang de chevalier de bronze qui est le sien, et il pourrait encore te surprendre…mais le moment est venu, maintenant, de reprendre notre combat…
Rhadamanthe : Comment ça, notre combat ??
Archinoald : Je crois que tu as besoin que je te rafraîchisse un petit peu la mémoire…(pointe son doigt sur le spectre) Par le Réveil de l'Esprit !!

Une sorte de rayon jaillit du doigt du Grand Pope et s'en alla toucher le spectre en pleine tête. Celui-ci fut comme statufié quelques instants, et n'eut plus aucune expression.
Dans la tête de Rhadamanthe, des scènes défilaient à présent à toute vitesse…les lieux semblaient être identiques, et se trouver au Sanctuaire d'Athéna. Un champ de ruines, des temples délabrés, dans lesquels on s'était beaucoup battu. Des armures brisées…Mais les personnes présentes avaient changé. Le spectre du Wyvern était là, mais son apparence n'était plus la même. Un chevalier plus petit, au visage rond et aux cheveux gras, se tenait devant un jeune homme revêtu de l'armure de la Balance. La même expression de détermination dans le visage…le même Archinoald, avec près de deux siècles de moins !!
Un combat acharné, jusqu'au bout de ses forces…une bataille interminable…une issue imprévisible…
Rhadamanthe revint soudainement à lui.

Rhadamanthe : Ah !!
Archinoald : Alors, tu te souviens, maintenant ??
Rhadamanthe : Tu m'as fait revivre…la dernière Guerre Sainte ???
Archinoald : Oui, et le spectre du Wyvern s'appelait aussi Rhadamanthe, mais il s'agissait de ta précédente incarnation…la puissance du Juge des Enfers sommeille dans ton surplis, depuis les temps mythologiques…et, comme tu l'as vu, nous nous sommes affrontés, en combat singulier…C'était au XVIème siècle, en ces lieux mêmes où nous nous trouvons…précisément de l'an 1556, à l'an 1559…
Aritaki : Comment ???

Le chevalier de bronze de Pégase revenait dans la conversation. Il n'osait comprendre.

Archinoald : Mais, assez parlé. Aritaki !!
Aritaki : Oui, Grand Pope !
Archinoald : Voici mes instructions !!
Aritaki : Très bien, tout ce que vous voudrez…
Archinoald : Tu vas redescendre tout de suite, en bas des Douze Maisons, et y rassembler tous les chevaliers de bronze et d'argent de la réserve…

Archinoald, une dernière fois, faisait usage de son autorité de chef suprême de la chevalerie d'Athéna. Devant Aritaki, il était le Grand Pope. Devant Rhadamanthe, il redevenait chevalier d'or de la Balance.

Archinoald : Il doit rester une dizaine de chevaliers d'argent, et une vingtaine de chevaliers de bronze…ils se tenaient en retrait, depuis le début de cette bataille, et avaient pour consigne d'attendre la fin des douze heures pour agir ensuite. Je sais qu'un autre groupe d'une dizaine de chevaliers, est déjà parti tout à l'heure, avec le chevalier d'argent de l'Autel. Tu vas donc réunir tous les chevaliers restants, et prendre avec eux la route de la Chine, vers l'Est, pour rejoindre Athéna. Tu seras le chef de ce convoi. Et, une fois là-bas, les chevaliers d'or vous donneront de nouvelles instructions. Tu en profiteras pour demander au chevalier du Bélier, Sion, de réparer ton armure de bronze de Pégase. M'as-tu bien compris ??
Aritaki : Je…oui, très bien, Grand Pope…

Et il se tourna, presque aussitôt, vers l'escalier qui reliait le parvis à la chambre du Grand Pope, prêt à le redescendre. Mais un doute le tarauda. Il se retourna une dernière fois, vers le Grand Pope, devant lequel Rhadamanthe se tenait toujours, sans bouger.

Aritaki : Gr…Grand Pope ??
Archinoald : Oui ?
Aritaki : Vous…vous êtes sur que vous ne préférez pas que moi et les chevaliers, ne restions pour vous aider ??
Archinoald : Crois-tu que j'ai peur d'affronter le spectre du Wyvern ?
Aritaki : Mais…pourrez-vous nous rejoindre, lorsque vous en aurez fini ?

Il n'y eut pas de réponse du Grand Pope, seulement un petit sourire de sa part, qui lui signifiait qu'il se pouvait qu'il ne rejoigne pas Aritaki et les autres, à l'issue du combat contre Rhadamanthe. Pourtant, le chevalier de Pégase ne doutait pas de l'issue du combat. Le Grand Pope était un chevalier d'or, comme les autres, et il avait déjà affronté le même Rhadamanthe lors de la précédente Guerre Sainte. Mais un détail le laissait perplexe. En donnant la date de cet affrontement, il avait cité une période de trois années !

Archinoald : Allez ! Ne perds pas de temps, Athéna a besoin de votre aide à tous !!
Aritaki : B…bien…

Et le chevalier de bronze de Pégase disparut de sa vue et redescendit l'escalier. Sans savoir s'il reverrait le Grand Pope un jour.
Désormais, il ne restait plus qu'Archinoald, face à un Rhadamanthe plus déterminé que jamais.

Rhadamanthe : Alors tu veux encore m'affronter ? Tu es décidé à mourir, vieillard ?

Et il fit brûler son cosmos comme il l'avait fait de nombreuses fois depuis le début de la bataille. Pour quelqu'un qui venait de franchir les Douze Maisons, il avait encore de la ressource. Son surplis était brisé en plusieurs endroits, son casque s'était volatilisé et ses épaulettes ne tenaient plus que par les jointures du plastron. Mais il n'en avait cure et ne voyait que la cible à atteindre, face à lui.

Rhadamanthe : Par la Prudence du Wyvern !!
Archinoald : Par la Justice Divine !!

Une boule de feu jaillit des mains d'Archinoald et fonça sur le spectre, en contrecarrant sa Prudence du Wyvern. Les deux attaques s'annulèrent en une explosion qui projeta les deux adversaires dans les directions opposées. Rhadamanthe se releva sans trop de peine. Mais Archinoald mit quelques instants de plus ; on sentait le poids des années le trahir.

Rhadamanthe : Pauvre fou…tu m'as demandé de partir tout à l'heure, et maintenant tu veux m'affronter…Dans ton état, à ton âge et sans armure pour te protéger…tu sais bien que ta vie est bientôt arrivée à son terme…C'est déjà bien pour toi d'avoir atteint cette longévité étonnante, tu ferais mieux d'attendre la mort paisiblement, tu n'en souffriras que moins…
Archinoald : Cette longévité, comme tu dis, est un privilège que m'a accordé Athéna à la fin de la dernière Guerre Sainte…c'est le don du Misopéthaménos
Rhadamanthe : Le quoi ?? Le Misopéthaménos ? Mais alors…
Archinoald : Oui, en grec ancien, il s'agit du vieillissement simulé…lorsque la dernière guerre s'est terminée, nous étions un petit nombre de chevaliers, douze exactement, à avoir survécu…Athéna nous a alors permis, à huit d'entre nous, de rester en vie jusqu'à l'arrivée de la prochaine génération de chevaliers, pour préparer celle-ci à affronter Hadès à nouveau…mon cœur s'est ralenti pendant tout ce temps, et m'a permis de vieillir quatre fois moins vite qu'un homme normal…j'ai donc aujourd'hui 208 ans…mais mon corps est celui d'un homme d'une cinquantaine d'années…
Rhadamanthe : Impressionnant…mais comment peux-tu t'imaginer encore capable de m'affronter, moi, Rhadamanthe, l'un des trois Juges suprêmes des Enfers ??
Archinoald : Idiot ! Je viens de réveiller en toi le souvenir de notre précédent combat !! Tu as donc déjà oublié ? Je t'ai déjà affronté il y a deux siècles !! Et je sais tout de toi !!
Rhadamanthe : Comment ??

Une goutte de sueur perla sur le front du spectre, tandis qu'Archinoald, chevalier de la Balance, faisait à présent brûler son cosmos. Rhadamanthe constata qu'il l'avait sous-estimé. Il sentait l'aura brûlante qui se dégageait de lui. Il était bien l'un des chevaliers d'or !

Archinoald : Je viens de te le rappeler…nos forces, à l'époque, étaient quasiment égales, et rien ne pouvait nous départager…nous nous sommes affrontés longtemps, très longtemps, et notre combat a duré, bien après qu'Athéna ait remporté la victoire sur Hadès…en ces terres de Grèce…c'est une chose qui arrive très rarement dans l'Histoire de la chevalerie… Quand deux puissants adversaires se battent à forces égales…deux chevaliers d'or, par exemple…le combat ne peut prendre fin, tant que l'un des adversaires n'a pas abdiqué…le temps et l'espace s'effacent alors, et les deux chevaliers ne ressentent plus la faim ni la fatigue, leur corps ne répond plus à ces exigences, ils ne dorment plus, ne mangent plus…et ne font plus que se battre…pendant mille jours et mille nuits !! Par la Justice Divine !!

A force d'écouter parler Archinoald, Rhadamanthe ne vit pas le coup venir et reçut la Justice Divine de plein fouet. Impressionné par la révélation du Grand Pope, il s'écroula sans même essayer de se défendre. Mais se releva très vite ensuite.

Rhadamanthe : Je me souviens, maintenant…oui…Hadès était déjà vaincu…c'était en l'an 1556…mais nous étions toujours aux prises, l'un contre l'autre, et notre combat a continué, au mépris des règles habituelles…le temps s'écoulait autour de nous, sans que nous n'en ayons plus conscience…
Archinoald : Et cela a duré près de trois ans !! A la fin, nos corps, disloqués, ne nous répondaient presque plus…personne n'est sorti vainqueur du combat, et la volonté d'Athéna m'a fait revenir au Sanctuaire, avec ceux qui avaient survécu…quant à toi…l'âme de Rhadamanthe a brusquement quitté le corps dans lequel elle s'était réincarnée, et ce corps est redevenu un homme ordinaire, qui a fini sa vie paisiblement, sans même se rappeler ce qu'il avait vécu…
Rhadamanthe : Tu es prêt à recommencer, Archinoald ??
Archinoald : Peu m'importe si notre combat dure à nouveau mille jours et mille nuits, je suis décidé à t'abattre cette fois !! Athéna est à présent armée et entourée d'une nouvelle génération de chevaliers. La relève est assurée ; en tant qu'ancien, je n'ai plus qu'à achever ce que j'avais commencé il y a longtemps, et je pourrai alors mourir en paix !! En garde, Rhadamanthe ! Par l'Equilibre des Eléments !!
Rhadamanthe : Par la Terreur du Wyvern !!

Les deux attaques s'entrechoquèrent à nouveau, parfaitement égales, et le flux d'énergie se neutralisa en une boule de cosmo-énergie d'un blanc éclatant, qui flottait dans les airs. Les deux adversaires grimaçaient et comprimaient les muscles de leurs bras pour ne pas lâcher…c'était au premier qui aurait un instant d'inattention…

Archinoald : Aghh…agrgh…
Rhadamanthe (sûr de lui) : Tu oublies une chose importante, Archinoald…
Archinoald : Ah oui, et laquelle ?
Rhadamanthe : Tu as beau être l'ancien chevalier d'or de la Balance…tu ne portes plus cette armure sur le corps !! Yaahhh !!
Archinoald : AAAGHHH !!

Archinoald s'écrasa au sol, mais se releva assez vite. Du sang coulait de son front jusque son nez, et sa tunique de Grand Pope était déchirée. Rhadamanthe avait pourtant bel et bien raison…

Rhadamanthe : Dans ces conditions, je crois que notre combat ne va pas durer très longtemps !!
Archinoald : Ne sois pas si sûr…ton surplis n'est pas des plus solides, et, au rythme où il s'abîme, nous serons bientôt à égalité…

Il se releva, s'essuya le front et se remit en position de combat face au Juge des Enfers. Les deux adversaires firent brûler leur cosmos à nouveau, avec détermination, en irradiant la nuit noire dans une profusion de lumière qu'on pouvait percevoir presque jusqu'en contrebas de la montagne. Le combat du siècle venait de commencer…
Lorsque soudain…une étoile filante s'abattit dans le ciel noir, et retomba vers eux, avec suffisamment d'éclats pour qu'on puisse y prêter attention.
Mais, à y regarder attentivement, ce n'était pas une étoile. Un point lumineux s'approchait dans les airs, à grande vitesse. Bientôt, le point grossit jusqu'à se matérialiser. Et une armure, d'un blanc éclatant, apparut devant eux. Une armure qui portait douze armes, dont deux plateaux enchaînés, représentés par des boucliers…

Rhadamanthe (avec effroi) : Mais c'est impossible !! Cette armure, c'est celle de … !!

Les différentes parties de l'armure se détachèrent et vinrent recouvrir le corps d'Archinoald, à nouveau chevalier de la Balance…mais il était aussi incrédule que Rhadamanthe à la vue de cette armure. Car ce n'était pas l'armure d'or !!

Rhadamanthe : Qu'est-ce que cela signifie ?? Je croyais que c'était un dénommé Doko qui était désormais chevalier d'or de la Balance !! (voit l'éclat de l'armure) Mais…mais, c'est impossible ! Ce n'est pas de l'or !! D'où sort cette armure ?
Archinoald (toujours incrédule) : Oui, en effet, ce n'est pas l'armure de Doko, celle que je portais moi-même autrefois…Cette matière n'est ni de l'or, ni de l'argent, ni du bronze…on dirait plutôt un métal sibyllin, obtenu avec des matériaux de synthèse…(pensant) un seul chevalier, au Sanctuaire, est capable de produire cela : le chevalier d'or du Bélier…se pourrait-il que… ?
Rhadamanthe : Je ne sais pas ce que tu rumines, et encore moins quelle est l'origine de cette armure, mais nous allons voir si elle est si résistante que son modèle !! Par la Terreur du Wyvern !!

Le chevalier de la Balance se concentra et joignit les mains. Protégé par des mitaines, il n'eut pas de mal à contenir la boule d'énergie du spectre dans ses deux mains, sans se brûler…et il tenta même de la lui renvoyer. Rhadamanthe dut s'écarter pour ne pas se prendre sa propre attaque de plein fouet.

Rhadamanthe : GRR…tu vas le regretter !!
Archinoald : Par la Justice Divine !!

Ce fut cette fois au tour du chevalier de la Balance d'attaquer, et Rhadamanthe dut esquiver à nouveau. Il sauta d'un bond rapide et se rattrapa nez à nez devant Archinoald, en lui empoignant les mains. Les deux adversaires étaient maintenant aux prises, et exerçaient une pression l'un sur l'autre, les muscles toujours tendus, le visage grimaçant d'efforts, en ne se lâchant pas des yeux.
Le combat de mille jours et mille nuits venait de recommencer…

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Cette fiction est copyright Christophe Becquet et Fabrice Willot.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.