Prologue : La colère de Phaéton


Rozan, 5 avril 1987

Un homme était assis sur un rocher surplombant une cascade. La nuit venait de tomber depuis peu, et le ciel, constellé d'étoiles, illuminait le crépitement incessant de l'eau dans sa chute. Rien ne pouvait troubler la quiétude de cet homme, petit, recroquevillé sur la pierre, qui semblait ne faire qu'un avec la nature qui l'entourait. Son absence d'expression faisait fondre son regard vers les montagnes voisines, qu'il dominait. En y regardant de plus près, sa physionomie témoignait des nombreuses années passées. Des stries parcouraient sa peau, une peau si dépigmentée qu'elle ne paraissait pas humaine. Une épaisse toison blanche lui recouvrait le bas du visage et lui donnait une certaine bonhomie. Assis sur ce rocher depuis nul ne sait quand, il relevait parfois sa tête carrée enfouie sous un vieux chapeau rond, et tournait ses yeux vers les étoiles. Un petit rictus animait alors son visage.

Soudain, une étoile filante traversa le ciel.

" Ah…

Il y a si longtemps…

Le moment est enfin venu…

Voilà 243 ans que je suis assis ici, devant cette grande cascade du mont des Cinq Pics sans bouger, que je guette ce moment…

Et je crois que mon attente touche à sa fin…

Je vais devoir aller à la frontière secrète, à 1000 km à l'ouest d'ici…

Là où se dresse l'immense tour où Athéna a enfermé le Mal lors de la dernière bataille.

Mais le sceau qui maintenait le mal emprisonné va bientôt tomber…

Le sceau va perdre toute son efficacité dans peu de temps.

Et vont alors ressusciter du fond des ténèbres les 108 étoiles maléfiques dirigées par le maître de l'obscurité Hadès.

Pour régner sur la terre, usant de terreur, privant le monde de sa lumière…

Mais tant qu'existeront Athéna et ses chevaliers, les spectres d'Hadès ne seront pas libres d'agir à leur guise… "


Alors qu'il méditait ainsi, loin de là, quelque part dans la province chinoise du Sichuan, 108 rayons de lumière s'échappèrent d'une gigantesque tour de pierre s'élevant dans les montagnes.

" UNE NOUVELLE GUERRE SAINTE VA COMMENCER !!! "

*****

Le Sanctuaire, temple du Bélier

Un être encapuchonné se tenait sur le parvis de la première des douze maisons du Sanctuaire, et le chevalier d'or qui en avait la garde venait de se prosterner à ses pieds.

" Mü, je te l'ordonne : tu m'apporteras ici même et dans moins de douze heures la tête d'Athéna ! "

Le chevalier d'or eut un frisson qui lui parcoura l'échine. Il n'osait relever la tête vers cette personne qu'il connaissait, qu'il ne voulait croire en vie, et qui lui faisait pourtant autorité.

Inconnu : Qu'y a t-il ? Pourquoi hésites-tu ? Va vite me chercher sa tête !
Mü : Ah…ah…même si cet ordre vient de vous…je ne peux faire une telle chose…

Deux autres voix s'élevèrent. Deux nouvelles personnes, vêtues de la même cape noire, venaient d'apparaître derrière la première.

Inconnu2 : Imbécile ! Mesures-tu la gravité des paroles que tu viens de prononcer ?
Inconnu3 : Mü ! !
Mü : Co…comment ? Vous…vous ! ! !

Rozan

Le vieil homme n'était plus seul sur son rocher. Une jeune fille venait d'arriver à ses côtés. Comme lui, elle était autochtone de cette contrée reculé, à en juger les traits de son visage, l'ovale de ses yeux et la natte de cheveux noirs qui lui tombait dans le dos.

La jeune fille : Vous dites que vous allez partir ? Mais où allez-vous donc, vieux maître ?
Vieux maître : Il n'est pas nécessaire que tu le saches, Shunreï…fff…
Shunreï : Mais, vieux maître, je ne vous ai jamais vu, ne serait-ce qu'une seule fois, quitter les Cinq Pics…quand serez-vous de retour ?
Vieux maître : Ca, je l'ignore…Peut-être même que je ne pourrai pas revenir, ff…
Shunreï : Non…mais que s'est-il donc passé, vieux maître ?
Vieux maître : Ecoute, Shunreï, si je devais ne pas revenir, Shiryu sera là pour toi…reste bien auprès de ce bon garçon qu'est Shiryu et que tu aimes tant.
Shunreï : Maître…
Vieux maître : Adieu, Shunreï…
Shunreï : Ah…vieux…vieux maître…

Un halo de lumière doré enveloppa entièrement le petit corps du vieil homme, qui disparut de la vue de Shunreï, comme par enchantement. Pour la première fois depuis plus de deux siècles, le rocher de la cascade des Cinq Pics était désert.

Sanctuaire

Mü : STAR LIGHT EXTINCTION !!!
Masque de Mort et Aphrodite : Aaaaaaaaaaaaaaaargh !!!

Le chevalier d'or du bélier venait d'en finir avec ses deux opposants. Masque de Mort et Aphrodite, deux anciens chevaliers d'or, qui portaient comme lui une armure d'Athéna et étaient censés combattre pour la même déesse que lui, venaient de se dresser contre lui, en chevaliers rebelles et ralliés à l'Empereur de la nuit, et il venait de les châtier comme il se devait, se servant pour la première fois d'une puissance au combat que personne n'aurait soupçonnée venant d'un homme si doux.

Mü : Masque de Mort, Aphrodite, vos corps ont totalement disparu de ce monde et vos âmes sont retournées d'où elles venaient.
Inconnu : Mü, c'est toi qui commet une grave erreur en pensant que leur départ va mettre un terme à ce combat…Masque de Mort et Aphrodite ne sont pas les seuls à être venus chercher la tête d'Athéna.
Mü : COMMENT ?

A nouveau, trois individus, masqués par leur longue capuche noire, entrèrent en scène sous ses yeux.

Mü : Ah…aah…im…impossible, vous aussi…vous aussi vous avez cédé à la proposition d'Hadès et vous êtes venus chercher la tête d'Athéna ?

Non loin de là

A quelques hectomètres du parvis de la maison du Bélier, contre une paroi abrupte dont on ne devinait même pas le sommet, s'étendait une colline de fleurs, unique palpitation de la vie dans ce paysage de montagnes arides et hostiles. Des plaques de pierre, taillées grossièrement par la main de l'homme, s'élevaient dans cette végétation de fortune. A l'une des extrémités de cette colline, bien supérieure à la montagne, s'élevait une pittoresque tour aux colonnes et aux formes régulières, dont le sommet se terminait par une sorte de cadran orné de signes gravés à même la pierre. Douze signes.
Le vieux maître venait de s'engouffrer dans cette colline fleurie, et prenait la direction de cette tour. Ses déplacements étaient pénibles mais déterminés. Les années vécues avaient fait de lui un être flétri, décharné et quasiment estropié, mais il semblait mu par une force impalpable et pourtant bien réelle. Une mission à accomplir…en traversant la colline, il ne put s'empêcher d'attarder son regard sur les pierres se dressant au milieu des fleurs. Parfois, un trou dans la terre y faisait face. Une terre qui venait d'être remuée, il y a quelques instants à peine.

" Shura, Gold, Capricornus Saint, 1963-1987 "
" Camus, Gold, Aquarius Saint, 1964-1987 "
" Saga, Gold, Gemini Saint, 1959-1987 "…

Vos tombes sont vides…ainsi, vous reniez Athéna…vous avez répondu à l'appel de l'Empereur des Ténèbres…vous qui combattiez à mes côtés…quelle pitié, fff…


Il progressa encore dans la colline fleurie, et distingua d'autres tombes, plus anciennes que les premières, que l'érosion avait déjà entamé. Cette fois, à leur vue, il eut une réaction d'émotion qu'il tenta de réprimer.

" Gassama, Gold, Taurus Saint, 1718-1743…"
"Samson, Gold, Leo Saint, 1721-1743… "
…et les autres…tous les autres…

Mes anciens compagnons…

C'était il y a longtemps…bien longtemps…

Et pourtant…

Yoko…il m'arrive encore de penser à toi…et aux autres…

Comme en ce moment...


Une larme roula sur la joue droite du vieux maître et s'évanouit dans l'herbe à ses pieds, puis il se reprit.

Je n'ai pas une seconde à perdre…ma mission avant tout.

Le vieux maître pénétra par la porte creusée au bas de la grande tour vers laquelle il s'était dirigée, et s'engouffra dans l'escalier qui menait à son sommet.

Maison du Bélier

Mü était en mauvaise posture. Les trois nouveaux inconnus capuchonnés qui entouraient le premier l'attaquaient de toutes parts, et il ne pouvait plus faire face. Le combat était inégal. Trois chevaliers d'or, face à un seul. Enfin, trois chevaliers d'or…trois anciens chevaliers d'or. L'un d'eux levait la main vers Mü et se préparait à lui donner le coup de grâce.

Inconnu : Saga, cela suffit ! J'ai moi-même arrêté les mouvements de Mü ! C'est moi qui porterai le coup final ! Vous, dépêchez-vous d'aller chercher la tête d'Athéna.
Saga : Oui…Nous y allons de ce pas.

Et les trois chevaliers, aux armures plus sombres que la nuit, se mirent à courir vers la maison du Bélier, sans que son gardien, épuisé, à genoux, ne puisse faire quoi que ce soit pour les en empêcher.

Mü : Ah…ah…A…attendez…agh !
Inconnu : Mü, tu m'as désobéi à plusieurs reprises, tu sais ce qui t'attend…pourtant, je ne peux chasser l'affection particulière que j'ai pour toi. Donc je te tuerai de mes mains mais sans te faire souffrir.
Mü : Agh…agh…
Inconnu : Adieu, Mü !!

Mais, au moment où il allait frapper Mü, sans doute mortellement, une lumière l'interpella et le fit lâcher momentanément son attention et retenir son coup. Une lumière vive, ou plutôt, douze lumières. Une tour, cette fameuse tour, non loin de là, au sommet de laquelle dansaient douze flammes depuis quelques instants, qui irradiaient toute la montagne environnante.

Inconnu : Comment ?! L'horloge des douze maisons s'est rallumée ?! Qu'est-ce que ça veut dire ?! Qui a fait ça ?!

Un petit homme appuyé sur une canne parvint près de Mü et de son mystérieux adversaire.

Vieux maître : Oh, c'est moi !
Mü : Vieux…vieux maître…
Vieux maître : Cela fait bien longtemps, Sion.
Sion : Doko…
Doko : Oui…243 ans…je n'aurais jamais pensé te revoir à nouveau, qui plus est sous cette apparence…tu devrais montrer ton visage, maintenant, ce petit jeu a assez duré.
Sion, mon ami…
Sion : Agh…ah…
Doko : Toi qui perdis la vie dans ton combat contre Saga…Grand Pope ! Toi, le chevalier d'or…

Le dénommé Sion tira enfin sa cape, à la demande du vieux maître, qu'il appelait lui-même du nom de Doko, et la fit tomber à terre.

Doko : SION DU BELIER !!!

Le chevalier d'or, Sion du signe du Bélier, apparut sous les yeux de Doko et de Mü, à la grande surprise de ce dernier, qui n'osait comprendre ce qui se passait. Sion, l'ancien grand Pope, maître de Mü dans ses jeunes années, qui lui avait transmis son armure, se tenait devant lui. Pourtant, il portait, aujourd'hui encore, une armure du Bélier sur les épaules. Une armure d'un noir d'ébène, conçue par celui à qui Sion vouait désormais la nouvelle vie qui lui offerte ! Mais Doko ne cachait pas, lui aussi, une grande surprise. Celle de retrouver Sion tel qu'il l'avait quitté. Plus de deux siècles plus tôt.

Mü : Oh…oh…mon maître à qui je dois tant…Sion de la constellation du Bélier…mais cette apparence…pourquoi ?
Doko : Hmmmm…tu devrais avoir 261 ans comme moi mais…tu n'as pas changé depuis le dernier combat sacré il y a 243 ans…
Sion : Pft, tu es surpris, Doko ? C'est là la force de l'Empereur des Ténèbres Hadès.
Doko : Comment ?
Sion : Moi, Sion, parce que j'ai juré fidélité à sa majesté Hadès, j'ai reçu le souffle d'une nouvelle vie !! J'ai retrouvé le corps de mes 18 ans, âge auquel l'homme est au summum de sa force et de sa beauté !!
Regarde-toi, Doko…tu as vieilli.
Doko : Ce n'est qu'une illusion…
Sion : Quoi ?
Doko : Ces vies et ces apparences que vous avez reçues ne sont qu'illusion. Pourquoi penses-tu que j'ai rallumées les flammes sur l'horloge ? Vos vies ne sont qu'une illusion qui disparaîtra quand la dernière flamme s'éteindra…et ça, Sion, vous devez le savoir mieux que quiconque.

Puis Doko se tourna vers Mü, qui se tenait toujours à terre, à genoux sur le sol, sans pouvoir bouger.

Doko : Mü !
Mü : Oui, vieux maître.
Doko : Tu vas rattraper immédiatement Saga, Shura et Camus. Et avec Aiolia et les autres, vous allez vous unir et faire en sorte que les spectres n'approchent pas Athéna. Et ce pendant douze heures, jusqu'à ce que cette horloge de feu s'éteigne ! Et vous allez protéger Athéna coûte que coûte pendant ces douze heures !
Mü : Agh ! Je peux bouger de nouveau !
Doko : Mü, je reste ici et je m'occupe de ce lieu, alors va !
Mü : Oui ! J'y vais !
Sion : Attends, Mü !!
Doko : Ne bouge pas !!

Doko venait de brandir sa canne en direction de Sion qui s'apprêtait à se lancer à la poursuite de son ancien élève et successeur, Mü, chevalier d'or du signe du Bélier.

Doko : Sion, c'est moi qui vais être ton adversaire. En prenant tout mon temps car ça fait 243 ans que j'attends…
Sion : Doko, tu sais qu'en nous affrontant nous allons peut-être créer un combat intergalactique de 1000 jours…Doko, tu ne veux quand même pas…
Doko : C'est exactement ce que je souhaite.

Doko et Sion se lancèrent alors un regard vif et acéré. Doko sentait la colère naître en lui. Une colère mêlée de déception. Oui, Sion du Bélier, son ancien compagnon d'armes, lui faisait face en ennemi. Mais il ne parvenait pas à comprendre…il le connaissait trop pour le croire rallié à leur ennemi juré, Celui par qui tous leurs compagnons étaient morts, autrefois…tous…sauf eux…non, il ne pouvait pas…

Sion : Eh bien, Doko, à quoi penses-tu ? Tu as l'air songeur…puisque tu veux m'affronter, qu'attends-tu ? Attaque-moi, avant que je ne le fasse moi-même !
Doko : Mü et les spectres sont partis, nous voilà seuls, à présent. Dis-moi ce que tu as sur le cœur, Sion ! Explique-moi la raison de ta présence ici !
Sion : N'ai-je pas été assez clair, Doko ? Préfères-tu que j'accélère le moment de ta mort, en te supprimant de mes mains, dans l'instant qui vient ?
Doko : Sion, toutes ces années passées n'ont pas pu te faire oublier les souvenirs que nous avons en commun…des souvenirs trop profondément gravés en nous pour tomber dans l'oubli, même des siècles après…
Sion : Que veux-tu dire, Doko ?
Doko : Tu ne peux pas renier celle à qui tu dois la vie…cette vie que, comme moi, tu as pu garder, pendant plus de deux siècles…car nous avons, tous les deux, survécu à ce qui s'est passé en l'an 1743…et nous fumes les deux seuls, Sion…les deux seuls…
Sion : Le passé ne m'intéresse pas, Doko ! Seul compte la situation présente, et la nouvelle vie que j'ai reçu de l'Empereur des Ténèbres, Hadès !
Doko : Dans ce cas, laisse-moi te rafraîchir les souvenirs, et te rappeler de quelle manière nous avons tous deux survécu…tous ces braves chevaliers que nous avons vu mourir, sous nos yeux…que nous avons même enterrés, de nos propres mains…
Sion : Ne t'inquiète pas, Doko, je n'ai pas oublié, même après toutes ces années…je pourrais même m'amuser à te rappeler certains détails que tu as pu oublier, pendant toutes ces années passées sans bouger sur ton rocher, devant la cascade des Cinq Pics…moi, je n'ai jamais quitté cette terre sacrée, dont nous foulons en ce moment le sol…j'entends encore les coups de fouet claquer…
Doko : Alors, dans ce cas, fais comme moi, Sion…ferme les yeux, et rappelle-toi de cette époque…le soleil nous brûlait la peau…c'était l'été…l'été de l'an 1743, sur cette même terre sacrée où nous nous trouvons…

" Souviens-toi, Sion du Bélier… "

" Souviens-toi, Doko de la Balance… "


*****

Le Sanctuaire, 26 juillet 1743

- Relevez-vous !!!

Un coup de fouet claqua.

- Relevez-vous tout de suite ! Plus vite que ça ! Allez !!!

Deux nouveaux coups de fouet. Le bruit de la chair qui se déchire. Un homme jeune, vêtu d'un casque et d'une cuirasse rudimentaires de couleurs vives, venait d'exhorter plusieurs soldats à terre à se relever. Des soldats dont il avait la responsabilité. Mais il ne semblait pas réaliser que ces derniers n'étaient plus en mesure de répondre favorablement à ce qui était un ordre. Un coup claqua encore, puis deux, puis trois. Tout ce qu'ils produisirent fut des giclées de sang inutiles. Les trois pauvres soldats, à terre, avaient perdu connaissance depuis quelques instants. Un quatrième, encore conscient, le suppliait, à terre, près de ses compagnons.

- Maître Phaéton ! Pitié, je vous en conjure ! Vous voyez bien que nous n'en pouvons plus ! Arrêtons l'entraînement pour aujourd'hui !
- Comment oses-tu me supplier ? Ne désires-tu pas, comme les autres, devenir chevalier pour défendre Athéna ?
- Bien sûr, maître Phaéton, rien ne saurait plus me ravir que de vouer ma vie et mon âme à la protection de notre déesse bien-aimée…mais, pour parvenir au rang de chevalier, encore faut-il que vous me laissiez la vie sauve…
- Ce ne sont pas ces malheureux coups de fouet qui vont t'ôter la vie ! Tous ceux qui ont accédé un jour au rang de chevalier, les chevaliers d'or en premier, ont relevé cette épreuve ! Alors tais-toi et obéis-moi ! Relève-toi, et pousse ce rocher jusqu'en haut de la colline !

Devant les quatre soldats, se tenait en effet un énorme rocher, d'un poids sans commune mesure avec celui d'un homme, dont les traces au sol laissaient deviner qu'il avait été déjà déplacé sur de longues distances. C'est sous la menace du fouet que le malheureux soldat encore debout était acculé à avancer cette pierre imposante. Le soleil de juillet lui brûlait la peau, et ravivait les douleurs des marques du fouet visibles sur son dos nu. Il ne semblait plus guère en mesure de satisfaire la volonté de son maître.

Phaéton : Pousse ce rocher, allez ! Exécution !
Soldat : Pitié, maître, pitié !
Phaéton : Goûte de nouveau à mon fouet, dans ce cas !
- Arrête, Phaéton !

Un nouveau coup retentit, cette fois dans le vide. D'un geste, Phaéton se trouva désarmé et dépossédé du fouet qui lui conférait son pouvoir, et qui vola à plusieurs mètres au loin. Un homme venait de faire son apparition. Il était jeune, au teint basané des hommes de la Méditerranée, et portait une armure blanche ne couvrant que les points vitaux et les articulations de son corps.

Phaéton : Comment as-tu osé ?? Qui es-tu, d'abord ?
Chevalier : Je suis Hugo, chevalier de bronze du Lièvre, et le chevalier d'or Sion du Bélier, dont le temple est près d'ici, alerté par les coups de fouet, m'a demandé de veiller à ce que tu restes raisonnable avec les soldats que tu entraînes. Tu es connu dans tout le Sanctuaire pour ta violence et ta brutalité avec eux. Ton rang de chef de la garde spéciale du Sanctuaire ne te donne pas un droit de vie et de mort sur ces hommes. Aussi, laisse ce soldat, qui en a assez fait pour aujourd'hui, soigne-le ainsi que les trois autres, et regagne tes quartiers.
Phaéton : Grrr…je ne reçois d'ordre que du Grand Pope ! Je ne vois pas pourquoi je t'obéirais, toi, jeune chevalier arrogant !
Hugo : Ah oui ? Tu espères peut-être me tenir tête ? Dois-je te signaler que tu fais suer sang et eau à ces hommes depuis des semaines et que personne ne t'as jamais vu, ne serait-ce qu'une fois, les imiter dans les épreuves que tu leur fais subir ? Il me plairait de te voir pousser ce rocher, sous la menace de ton propre fouet, et de voir si tu ferais aussi bien ! Ce serait amusant !!
Phaéton : Ne m'énerve pas, où je rapporterai au Grand Pope l'insolence de tes propos ! A présent, va t-en, chevalier du Lièvre !!
Hugo : Très bien, mais je t'aurai prévenu…

Le chevalier de bronze du Lièvre s'éloigna du lieu du supplice des soldats de Phaéton et se dirigea vers un gigantesque escalier qui pénétrait dans la montagne, et dont on ne voyait pas le sommet. Non loin de ces escaliers se trouvait une arène de sable au cœur d'un antique amphithéâtre en ruines où s'activaient quelques hommes. Certains chevaliers comme lui, d'autres pas encore. Au milieu de la foule, un homme dominait tous les autres. Sa grande taille, son assurance, et surtout son armure dorée scintillant comme nulle autre, en faisaient un repère visuel perceptible de très loin. Cet homme se tenait debout, immobile, les bras croisés contre son torse, et semblait influer sur le comportement des autres individus se tenant à ses côtés, tous plus petits et vêtus de protections fort réduites.

- Te revoilà, chevalier du Lièvre. As-tu accompli la petite tâche que je t'avais confiée ?
- Oui, chevalier du Bélier, je viens de parler à Phaéton et l'ai mis en garde sur la violence de ses méthodes. S'il espère former de futurs chevaliers de cette manière…

Le chevalier du Bélier, Sion, qu'Hugo venait de retrouver, fit comprendre d'un geste aux hommes présents dans l'arène que le temps d'une pause était venu et qu'ils pouvaient se reposer un instant avant de reprendre. Tous partirent s'asseoir à l'ombre de l'amphithéâtre, certains débouchant une gourde d'eau fraîche attachée à leur ceinture, qui n'était pas superflue par le soleil ardent qui irradiait tout le Sanctuaire. Il ne restait plus que Sion et Hugo au milieu de l'arène, que la chaleur estivale ne semblait guère déranger..

Hugo : Alors, chevalier du Bélier, comment se porte l'entraînement de tes futurs apprentis ?
Sion : Il semblerait qu'il commence à porter ses fruits…les hommes que tu vois se désaltérer là-bas en sont à leur cinquième mois de formation, et plusieurs d'entre eux sont déjà parvenus à éveiller leur cosmos et à briser une pierre à mains nues. L'un d'eux attire tout particulièrement mon attention ; je crois qu'il saura se montrer, très bientôt, digne de revêtir l'armure d'argent du Lézard. D'autant plus qu'il n'est autre que le frère de l'ancien porteur. Iguana, le frère de Tom…
Hugo : Je sens à ton regard trouble que tu repenses encore à ces cinq braves chevaliers morts à Delphes il y a six mois, dans la terrible bataille face à Apollon.
Sion : Oui…plus j'y repense, et plus je m'en veux d'être devenu le nouveau chevalier d'or du signe du Bélier…mon maître, le grand Jason, est mort d'une manière si cruelle…si le traître qui a déclenché cette bataille n'avait pas agi ainsi, je porterais toujours, à l'heure actuelle, l'armure d'argent du Lotus, et je serais allé me battre aux côtés de Doko et des autres, à Delphes…j'y aurais peut-être laissé la vie, moi aussi, mais j'aurais au moins évité qu'un autre se fasse tuer à ma place, par les Phébus…
Hugo : Il ne sert à rien de se lamenter sur le passé ! le destin a voulu que tu deviennes le nouveau gardien de cette demeure…tu as été d'un grand secours à Athéna, grâce à tes dons de télékinésie et ta faculté de réparer les armures sacrées ! Sans l'avoir vue de mes yeux, je suis certain que l'armure d'argent du Lézard vibre à nouveau d'une vie et d'une force sans précédentes, que tu as su lui redonner.
Sion : Tu as peut-être raison…toujours est-il que je ne me satisfais pas de ma condition. Je suis jeune, à peine plus âgé que toi, simple chevalier de bronze, et voilà pourtant que j'appartiens depuis peu au plus haut rang de la chevalerie…je sais que j'ai considérablement accru mon cosmos depuis des mois, et que ma puissance actuelle dépasse de loin celle du chevalier d'argent que j'étais autrefois, mais il m'arrive encore de douter…serai-je à la hauteur de ma fonction, lorsque le jour viendra ??
Hugo : Doko de la Balance n'était lui que chevalier de bronze du Dragon lors de la bataille de Delphes, et vois où il est aujourd'hui ! Pourquoi as-tu donc si peu confiance en toi ?
Sion : Eh bien, je…
- Excusez-moi de vous déranger à nouveau…

Un homme venait d'interrompre la conversation des deux jeunes chevaliers. Hugo retrouvait son ancien interlocuteur.

Hugo : Encore toi ? As-tu bien retenu ce que je t'ai expliqué tout à l'heure ?
Phaéton : Certes oui, chevalier du Lièvre…mais j'ai un service à demander à quelqu'un, et je voudrais profiter de te présence en ces lieux pour m'adresser à toi…
Hugo : Un service ? Je t'écoute. Que veux-tu de moi ?
Phaéton : J'ai commencé de nouveaux exercices avec les soldats, à l'instant, mais le Grand Pope me demande auprès de lui et souhaite me parler ; un autre garde vient de m'en informer à l'instant. Te serait-il possible, pendant mon absence, de…euh…
Hugo : D'assurer l'entraînement de tes soldats à ta place ?
Phaéton : Euh ; oui, c'est cela…

Hugo eut une moue dédaigneuse à l'encontre de Phaéton. Il ne manquait pas de toupet ! Ne venait-il pas, à l'instant, de lui faire des remarques ? Non seulement il n'en tenait pas compte et persistait à vouloir accabler ses soldats de nouvelles épreuves physiques alors que leur état ne leur permettait sans doute plus, mais, en plus de cela, il se déchargeait de ses fonctions et laissait le travail à un chevalier dont ce n'était pas l'emploi !

Hugo : Va rejoindre le Pope et laisse-moi tes soldats, je m'occupe d'eux sous peu. Dès que j'aurai achevé ma discussion avec le chevalier du Bélier.

Et Phaéton s'en alla aussitôt, vers le Palais du Grand Pope où il était attendu, tout en haut des Douze Maisons. Hugo resta encore un peu avec Sion, avant de partir vers la nouvelle tâche qui lui était confiée.

Sion : Quel minable…je n'en reviens pas que la déesse Athéna ait nommé une telle personne au rang de chef de la garde spéciale du Grand Pope.
Hugo : Oui, ses méthodes sont violentes, et pour le moins inefficaces…il n'a pas ménagé ses soldats, et je ne vais pas les accabler davantage en le remplaçant ; je vais simplement soigner leurs blessures comme je pourrai. Quand je pense que Phaéton espère les faire devenir chevaliers…cet homme n'a pas une once de talent qui lui permettrait de parvenir à un tel résultat…
Sion : Mais je crois que je comprends un peu…je l'ai souvent vu maudire sa condition…on dit que les Phaéton sont une illustre famille du Sanctuaire, qui sert Athéna et le Grand Pope depuis de nombreuses générations…il n'a donc pas pu échapper à son destin…il aurait sans nul doute préféré devenir chevalier, comme nous autres…ce n'est pas un mauvais garçon, dans le fond, mais il se sait incapable de parvenir au rang de chevalier, et cette impuissance le désespère ; il n'a pas accepté de n'avoir pu dépasser le stade d'apprenti. De plus, après la bataille contre Apollon, il y a six mois, Doko du Dragon et Adam de l'Horloge ont été portés en héros à travers tout le Sanctuaire, et son image de chef de la garde s'en est trouvée éclipsée face à eux. Il a cultivé un sentiment d'aigreur et de jalousie à leur égard, et leur en veut profondément...
Hugo : Si tu le dis…bon, à présent, je te laisse ; je crois que tes apprentis t'attendent. Eux se portent bien, au moins, et n'ont pas à subir les excès de violence de leur maître !

Et Hugo prit la direction opposée à l'amphithéâtre qui le ramenait dans le lieu où il avait surpris Phaéton fouettant abusivement les soldats de la garde du Grand Pope. Bien décidé à ne pas leur faire subir un pareil traitement. Sion, de son côté, reprit l'entraînement de ses propres apprentis.

*****

Quelques heures plus tard, Palais du Grand Pope

Phaéton : Me voici, Grand Pope ; vous m'aviez fait demander.
Archinoald : Oui, Phaéton ; je voudrais faire le point sur les deux missions qui t'ont été confiées, et savoir où tu en es. Voilà six mois que la bataille contre Apollon s'est terminée, et nous avons été frappés durement par les pertes que nous avons subies dans cette bataille. Aussi j'espère que tu ne vas pas me décevoir. Qu'en est-il de l'entraînement des gardes, Phaéton ? As-tu pu déceler un potentiel intéressant chez au moins l'un d'entre eux ?
Phaéton : C'est que…euh…ils ne sont pas particulièrement doués…il me faudra encore du temps pour parvenir à des résultats probants…
Archinoald : Que me racontes-tu ?? Le chevalier du Bélier, dont la Maison est proche de ton camp d'entraînement, m'a plusieurs fois rapporté la rudesse de tes méthodes ! Comment se fait-il que tu en sois au même point après six longs mois ?? Et tu oses me demander encore du temps ? Crois-tu que les ennemis qui ont affronté le Sanctuaire, depuis les temps mythologiques, ont attendu que nous soyons prêts pour nous attaquer, à chaque fois ??

Le Grand Pope Archinoald s'énerva. Malgré le masque et le heaume qui recouvraient la totalité de son visage, on palpait aisément la colère qui l'envahissait. Phaéton, agenouillé devant lui comme il seyait, recroquevillait, de honte, la tête vers le sol. Il y eut un silence de plomb, puis la voix du Grand Pope s'échappa de la salle du Trône et s'en alla retentir loin à l'extérieur.

- TU N'ES QU'UN INCAPABLE !!!

Le silence était revenu. Phaéton réprimait difficilement un sanglot de crainte. Il était confus, et cherchait une parole qui lui eût permis de reconquérir la confiance du Grand Pope, mais la tache était rude. Plus que tout, il craignait une sanction de sa part.

Archinoald : Cependant…je ne vais pas te punir…j'ai réellement besoin de toi…
Phaéton : O…oui…Grand Pope, t…tout ce que vous voudrez.
Archinoald : Ta deuxième mission, qui t'a été également confiée il y a six mois, était de recruter un nouveau prétendant à l'armure d'or des Gémeaux…tu sais que cette armure est vacante depuis que son ancien porteur, Janus, a succombé à ses sentiments pour Yoko du Tigre, cette femme chevalier dont il a fait tomber le masque, et qu'il a quitté avec elle le Sanctuaire…où en es-tu dans cette recherche ? Tu as eu maintes fois l'occasion de sillonner le monde à la recherche d'un nouveau chevalier…alors ?? Qui as-tu trouvé ?
Phaéton : Malheureusement, pe…personne…à ce jour…

Cette fois, contrairement à ce qu'il craignait, le Grand Pope ne se mit pas en colère. Une goutte de sueur traversa le visage de Phaéton de haut en bas.

Archinoald : Pour avoir été moi-même chevalier d'or autrefois, je sais combien il est difficile de trouver un porteur à l'une des douze armures suprêmes…aussi je ne te tiens pas rigueur de ne pas avoir trouvé un nouveau prétendant pour l'armure d'or des Gémeaux…néanmoins, je te somme de continuer tes recherches, et d'y mettre plus d'ardeur. J'ai pour cela un objet qui devrait te motiver davantage dans cette tâche…

Et le Grand Pope fit un déplacement dans la pièce pour tirer un rideau rouge qui ornait l'un des murs de la salle du Trône. Une petite alcôve était visible dans le mur, avec une caisse métallique nichée à l'intérieur.

Phaéton : Qu'est-ce que cette boite, Grand Pope ?
Archinoald : C'est l'une des 88 armures sacrées des chevaliers d'Athéna, qui n'a pas encore trouvé de porteur au sein du Sanctuaire. L'armure de bronze du Bouclier. Elle est à toi si tu me trouves un nouveau chevalier d'or des Gémeaux !! Je veillerai personnellement à te former, si d'aventure tu parviens à remplir ta mission. As-tu bien compris ?
Phaéton : Je vous remercie, Grand Pope, de cette chance que vous me laissez…je vous promets que je ne la laisserai pas passer, cette fois…
Archinoald : Très bien, je te fais confiance. A présent, va.

Phaéton quitta le palais du Grand Pope. Le soleil commençait à se coucher à l'horizon, mais il faisait toujours aussi chaud à l'extérieur. Un silence agréable berçait tout le Sanctuaire en cette fin de journée, à peine troublé par le chant des cigales. Alors qu'il parvenait au bas de l'escalier, après avoir franchi la maison du Bélier, et qu'il s'apprêtait à regagner son logis non loin de là, il vit un lézard s'échapper d'un rocher fendu de toutes parts, et se faufiler le long du sol avant de disparaître dans une nouvelle pierre. Il repensa alors à Sion du Bélier, et à ses disciples.

Phaéton (pensant) : Je dois être en mesure de faire aussi bien qu'eux…pourquoi n'en serait-je pas capable ? La déesse Athéna elle-même m'a fait chef suprême de l'armée du Grand Pope, je dois être à la hauteur…je dois…

Il continuait à errer dans ses pensées, lorsque des bruits vinrent troubler sa méditation. Une nouvelle fois, en provenance de l'amphithéâtre, il entendait des hommes se battre. Il fit quelques pas et vit deux chevaliers, au loin, en train de s'affairer dans l'arène.

Phaéton : Des chevaliers s'entraînent encore ? La nuit est pourtant en train de tomber, et les règles du Sanctuaire sont claires à ce sujet…

Phaéton devint furieux. En tant que chef de la garde, il avait le devoir de faire régner l'ordre et la discipline au sein du Sanctuaire, aussi bien chez les soldats de basse extraction que les chevaliers, sans distinction de rang. Il ressentit ainsi comme une offense personnelle le fait que deux d'entre eux passent outre le couvre-feu qui régissait l'organisation sociale du Sanctuaire, et bravent effrontément cet interdit. Aussi, il se mit en tête de le leur rappeler et de les menacer d'un rapport au Grand Pope.
Dans l'arène, justement, les deux hommes en terminaient avec leur entraînement du jour, et s'apprêtaient à quitter les lieux pour gagner un repos bien mérité. L'un d'eux portait une armure peu couvrante, de couleurs vives, et l'autre une armure plus imposante, aux larges épaules, blanche et bleue comme le ciel.

- Allez, attaque-moi encore une fois, Onyx.
- Regarde ça, Adam ! Que se brouillent les points cardinaux !
- Ton attaque s'est accrue en puissance…yaahh !

D'un geste, en croisant les bras contre son torse, Adam absorba la totalité de l'attaque d'Onyx, sous le regard impuissant de ce dernier.

Onyx : Encore ! Je n'arriverai jamais à te toucher…
Adam : Mais si, tu y parviendras un jour. Rappelle-toi, le but n'est pas de toucher l'adversaire en soi, mais d'améliorer la puissance et la précision de ta technique. En l'occurrence, tu atteins maintenant la vitesse du son. Si je ne m'étais pas protégé, tu m'aurais sans doute touché. Pas blessé, certes, mais au moins touché.
Onyx : Dans ce cas, laisse-moi, une dernière fois, avant que nous ne partions, te…
- Que faites-vous encore ici, tous les deux ???

Phaéton venait d'apparaître sur les lieux, visiblement furieux qu'on désobéisse aux règles du Sanctuaire.

Phaéton : Le soleil vient de se coucher ; vous devriez être rentrés dans vos logis depuis un moment ! La règle est pourtant claire : plus d'entraînement après le coucher du soleil ! Alors faites-moi le plaisir de quitter cette arène immédiatement ! Ou c'est au Grand Pope, directement, que vous aurez affaire !!
Onyx : Calme-toi, Phaéton, nous allions partir. J'étais en train de perfectionner une technique de combat ; si tu ne nous avait pas interrompus, j'allais certainement parvenir à accomplir un petit exploit !
Phaéton : Comment oses-tu !!!
Adam : Il a raison, Phaéton, laisse-nous terminer ce que nous avons commencé. Je connais les règles du Sanctuaire, sois-en sûr ; mais tu peux rentrer te coucher sans crainte. Le Grand Pope Archinoald est notre maître à tous deux, Onyx et moi, c'est lui qui nous a entraînés pour conquérir l'armure d'argent de l'Horloge et l'armure de bronze de la Boussole. Je ne pense pas qu'il nous tiendra rigueur d'avoir un peu débordé sur le couvre-feu.
Phaéton (s'énervant) : Tu…tu ne vas pas t'y mettre, toi aussi, chevalier de l'Horloge !! Je viens de vous dire de quitter ces lieux immédiatement !! Je n'aime pas qu'on discute mes ordres ! Alors exécution !!!
Adam : Navré, mais j'ai l'intention de rester ici encore quelques instants. Laisse-nous, Phaéton.
Phaéton : Tu…tu vas le regretter ! Je suis le chef suprême de la garde spéciale du Grand Pope, et mes consignes sont claires !! Je suis chargé de faire régner l'ordre et la discipline au sein de ce Sanctuaire et personne, pas même le plus puissant des douze chevaliers d'or, ne peut désobéir à mes ordres !!!
Adam : Tu commences à m'énerver ! Que crois-tu que tu puisses faire pour nous obliger à partir, de toutes manières ?
Onyx : Adam, laisse-le, faisons ce qu'il a dit ; partons d'ici.
Adam : Non, Onyx , ce n'est pas la première fois que ce Phaéton nous fait sa petite crise d'autorité, et, au nom de tous les chevaliers, j'en ai plus qu'assez. Phaéton, c'est moi qui te demande de partir et de nous laisser. S'il te plait, ne m'oblige pas à être violent, ça n'est pas dans mes intentions.
Phaéton : Je…j'en tiendrai compte personnellement au Grand Pope ! ! Et il t'en cuira !
Adam : Arrête de te faire passer pour celui qui commande tout ! C'est le Grand Pope qui donne les ordres, dans ce Sanctuaire ! Toi, tu es son homme de main pour certaines tâches, et c'est tout ! D'abord, tu n'es même pas un chevalier !
Phaéton (rouge et convulsif) : Je…je ne te permets pas…de…
- Arrêtez un peu vos enfantillages, tous les trois !!

Un quatrième homme venait d'apparaître en haut d'un mur de l'amphithéâtre, son visage masqué par la nuit naissante. Il portait une armure simple, d'un blanc très sobre.

Phaéton : Qui es-tu, toi encore ?
Chevalier : Je suis Aritaki, chevalier de bronze de Pégase, et je partais regagner mon dortoir lorsque j'ai entendu des voix venant de l'arène de combat. Phaéton a raison, allez vous coucher, vous reprendrez l'entraînement demain ; ça ne changera rien. Quant à toi, Phaéton, laisse ces chevaliers qui ne t'ont rien demandé. Ils sont assez disciplinés pour obéir d'eux-mêmes aux règles, sans qu'on les surveille comme des enfants.
Adam : Ne te mêle pas de ça, toi, tu es encore moins que Phaéton disposé à nous donner des ordres ! Occupe-toi plutôt de ce qui te regarde, et laisse-nous en paix !

La réaction d'Adam envers le chevalier Pégase était pour le moins surprenante. Adam de l'Horloge était connu et réputé pour son calme et sa parfaite maîtrise de ses émotions à travers tout le Sanctuaire, et ses paroles envers Aritaki manquaient nettement d'objectivité.

Onyx : Adam, voyons ! Qu'est-ce qui te prend ?
Aritaki : Je n'apprécie guère ta façon de me parler, chevalier de l'Horloge ! Je suis ton semblable, au cas où tu l'aurais oublié !
Adam : Mon semblable ? N'es-tu pas Aritaki, cet ancien samouraï exilé du Japon que Doko de la Balance a ramené avec lui de l'Empire de Chine et a imposé au Sanctuaire, après avoir croisé sa route par un simple concours de circonstances ?
Aritaki : Qu'insinues-tu ? Il est vrai que je n'ai pas été recruté comme vous tous, par ce Baruch qui sillonnait le monde, mais j'ai mérité autant que vous l'armure que je porte sur les épaules ! Mon maître, Abel du Capricorne, a su me faire découvrir la force qui était en moi, et me voilà chevalier d'Athéna à part entière !! Que trouves-tu à y redire ?
Adam : Pour moi…non seulement tu n'es pas grec, mais tu as profité d'une opportunité qui se présentait à toi pour t'imposer par toi-même en cette terre sacrée, sans demander l'avais de qui que ce soit !
Aritaki : Comment ça ??? Doko, que tu prétends ton ami, n'est pas grec, lui non plus, devrai-je te le rappeler !! Pas plus que le chevalier d'or du Taureau, et d'autres encore !! Comment peux-tu proférer de telles paroles ?
Adam : Doko a été élu pour devenir chevalier, par la déesse Athéna et l'Empereur de Chine Qianlong lui-même !! Il a subi, comme nous, de longues années d'entraînement et a bravé mille morts pour mériter le rang qui est le sien aujourd'hui !! Tu n'as rien subi du tout, contrairement à nous ! Et tu oses te définir comme notre semblable, et même nous donner des ordres comme tu viens de le faire en nous demandant de quitter cette arène ! Voilà la différence !

La discussion s'envenimait, et prenait un tour dont Phaéton était le premier surpris. Il tenta de reprendre la maîtrise des évènements.

Phaéton : Bon, je sens que cette discussion tourne court ! Au lieu de vous disputer comme deux enfants, faites ce que j'ai demandé au départ, et tout ira bien ! Allez ! Tout le monde rentre à son logis, et on n'en parle plus !
Onyx : Moi, je m'en vais ; tant pis pour vous. Adam, tu me déçois singulièrement. Et toi aussi, chevalier Pégase (il part).
Aritaki : Pas question de partir ; tu peux rentrer si tu veux, Phaéton ; le chevalier de l'Horloge vient de dire des choses trop graves à mon encontre pour que je ne lui en tienne pas rigueur.
Adam : Ah oui ?? Et qu'espères-tu ? Tu ne tiens quand même pas à m'affronter ? Je te signale que les armures que nous portons tous deux sur les épaules ne sont pas du même rang !
Aritaki : Je vais t'apprendre quelque chose sur les samouraï…notre classe, dans l'Empire du Soleil Levant, est respectée par notre peuple comme étant la plus noble de toutes, car elle est régie par des règles de respect et d'honneur qui ne servent qu'au bien et à la prospérité de notre Empire. Ces règles sont rassemblées en un code qu'on appelle le bushido. Cependant, lorsque l'honneur d'un samouraï est bafoué, il lui est permis de prendre les armes pour laver l'affront qui lui a été porté, et restaurer cet honneur perdu. Et c'est que je vais faire sur le champ !! Par le Poing de Pégase !!!!
Adam : Imbécile !

Adam stoppa net l'attaque, qui n'eut pas plus d'effet sur lui qu'une brise de vent sur un rocher.

Adam : Très bien…si tu l'entends de cette manière, alors je vais te rendre ton attaque…au centuple ! Par l'Evasion de l'Hor…
- ARRETEZ TOUT DE SUITE !!!

Une voix tonitruante et autoritaire interrompit l'attaque qu'Adam s'apprêtait à lancer, et établit un silence de mort dans l'arène, où se tenait encore Phaéton aux côtés d'Adam et d'Aritaki. Un homme, vêtu d'une longue soutane sombre, d'un masque et d'un heaume, venait d'entrer dans l'arène.

Aritaki : Grand Pope !
Adam : Maître Archinoald !
Archinoald : Où vous croyez-vous ?? N'avez-vous pas honte de ce que vous faites ?? Il est inadmissible que des chevaliers d'Athéna se battent entre eux, et ce quels qu'en soient les motifs. Il peut arriver que plusieurs chevaliers ne s'apprécient guère mutuellement, mais, quel que soit votre degré d'inimitié, rien ne justifie que vous en veniez aux mains !! Me suis-je bien fait comprendre ??
Aritaki : Oui, vénéré Grand Pope.
Adam (s'agenouille, rouge de confusion) : Je…je vous prie de me pardonner, grand maître, je…je me suis laissé entraîner par mes émotions…
Archinoald : Tu me déçois, chevalier de l'Horloge ; je ne pensais pas avoir formé un chevalier capable de s'entretuer avec ses semblables !

Le mot résonna douloureusement dans les oreilles d'Adam. Il repensait à cette discussion quelques instants avant que le Grand Pope ne survienne. Quelle stupidité…comment avait-il pu céder à de tels emportements ?

Archinoald : A présent, je vous ordonne de quitter cette arène et de regagner vos logis, ce qui aurait, d'ailleurs, déjà dû être fait depuis un moment ! Si, à l'avenir, je dois à nouveau intervenir pour faire cesser ce genre de conflit, je n'aurai d'autre choix que de sanctionner les coupables, et de les enfermer pour quelques jours, au moins, dans les cachots du Sanctuaire !
Aritaki : Très bien, Majesté…nous vous promettons de ne plus jamais recommencer une telle chose…
Archinoald : Quant à toi, Phaéton, à l'avenir, cesse de te dresser comme celui qui commande tout dans ce Sanctuaire ! Adam de l'Horloge ne faisait rien de mal en s'attardant un peu dans l'arène, avec Onyx de la Boussole.
Phaéton : O…oui, Maître…

Et chacun regagna cette fois ses quartiers, pour de bon. Adam de l'Horloge se souvint longtemps de cette altercation mémorable avec le chevalier Pégase, et jura qu'on ne l'y reprendrait plus.

*****

Une semaine plus tard, dans l'arène de l'amphithéâtre

- Par la Capture du Lézard !!!

Un homme s'écroula dans le sable ; un autre, triomphalement, retomba sur ses pieds après un bond prodigieux dans les airs. Son adversaire, allongé à terre, ne bougeait plus. Un troisième homme, revêtu de son armure d'un or éclatant, avait assisté à la scène sans bouger le petit doigt.

Sion : Félicitations, Iguana ! Tu as vaincu ton dernier adversaire. Tu es digne de revêtir cette armure !

Et Iguana fit quelques pas en direction d'un petit bord de pierre, dans les ruines de l'amphithéâtre, sur lequel était posé une caisse métallique ornée d'une curieuse bête et d'une poignée. Il tira cette poignée et une armure d'un blanc éclatant apparut à ses yeux, dans un dégagement d'énergie formidable. Cette armure débordait de vie. Elle s'éleva quelque peu dans les airs, puis s'arrêta et se détacha en morceaux qui vinrent recouvrir harmonieusement les différentes parties du corps d'Iguana, sous le regard impassible de son maître, qui l'adouba aussitôt.

Sion : Le Sanctuaire compte désormais un nouveau défenseur…Iguana, chevalier d'argent du Lézard !

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Cette fiction est copyright Christophe Becquet et Fabrice Willot.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.