Annexe 2 : "Yours ever ", l'histoire de Célesta


Note : Je remercie Akhilleus pour son aide sur cette annexe.

" 108 étoiles dans le ciel des ténèbres, l'une d'elles devint comète, après des années d'errance dans le ciel elle revient dans la main de son maître, son nom est l'étoile céleste "

Forge d'Héphaïstos


- Ainsi tu es finalement revenue…

La voix du dieu du feu résonna dans les sombres entrailles du volcan de Théra où il avait élu résidence. Son corps ruisselait de sueur sur sa peau bronzée par le contact quotidien du feu. Il contempla un moment l'objet qu'il tenait dans ses mains, c'était une épée au pommeau d'or toute fraîchement forgée.
Héphaïstos parut s'émouvoir de la beauté de sa création.

- Magnifique…

Une voix venue du fond de l'atelier lui répondit.

- En effet maître…

Héphaïstos se retourna vers son invitée, il y avait de cela bien longtemps que nul ne l'avait appelé ainsi… En fait personne… jamais… sauf elle… sa création… sa Célesta…
Il se retourna vers elle et s'émerveilla de son apparence parfaite… parfaite oui elle l'était sans aucun doute avec cette peau cuivrée qu'il lui avait donnée et ces cheveux blonds qu'il avait taillés à partir de l'or le plus fin…
Oui Célesta était bien sa plus belle création mais quelque chose en elle le mettait mal à l'aise : ses yeux !
Ces yeux sans pupilles brillant du même vert que les émeraudes, ces yeux ce n'était pas lui qui lui en avait fait don : elle les tenait de naissance…

- Es-tu revenue pour te mettre à mon service ?
- Non, je suis résolue de ne plus servir !

Héphaïstos se retourna, il saisit son marteau de sa main libre, alors il posa l'épée à peine refroidie sur l'enclume qui avait servi à la concevoir et la brisa d'un seul coup.

- Célesta tu es bien la plus indisciplinée de mes créations ! Comment oses-tu venir me déranger alors que je devrais être au procès d'Athéna pour me dire que tu quittes mon service !

Célesta releva les yeux, elle n'avait pas peur de celui qui se disait son créateur car elle savait qu'il n'en était rien ! Elle avait appris qu'elle était une déesse et une déesse n'avait d'ordre à recevoir de personne ! Même d'un Olympien ! C'était comme ça qu'elle avait toujours vécu : dans la rébellion constante !

- J'ai fait un long chemin pour venir jusqu'à vous ! J'ai affronté un dieu plus puissant que moi et j'ai défié les Moires et tout cela pour une seule chose ! Avoir des réponses à mes questions !

Son cosmos s'embrasa et même s'il n'était pas suffisant pour inquiéter sérieusement un Olympien il n'était pas exclu qu'elle parvienne à en surprendre un, surtout si celui-ci n'était pas dans son corps originel…
Héphaïstos fut tenté de reculer devant cette manifestation d'agressivité mais il se rappela qu'il était boiteux et qu'en faisant un pas en arrière il risquait de tomber à la renverse et pire l'humiliation.

- Quelle hargne et quelle morgue ! Ce n'est certes pas moi qui te les ai insufflés, Serpentaire !
- Je ne suis plus le Serpentaire !!! Je ne suis qu'une déesse qui veut connaître ses origines alors… [le cosmos de Célesta s'éteignit et elle s'agenouilla devant Héphaïstos] je vous en prie maître, aidez-moi…

Devant le spectacle de cette vipère courbée devant un boiteux le dieu de la Forge ne put retenir un éclat de rire.

- Ah ah ah !!! Si on m'avait dit un jour que tu mettrais genou à terre devant moi de ton plein gré !!! Ah ah ah !!

Célesta lui jeta un regard noir de colère.

- Je… Je me suis humiliée devant vous… Alors répondez-moi ! Qui suis-je ?!
- Ah ah ah !! Célesta, si tu veux avoir une réponse pose donc la bonne question ! La question n'est pas d'où tu viens mais quel passé Thanatos, Hypnos et toi avez en commun avec Hadès !

La voix d'Héphaïstos se fit plus profonde.

- L'histoire que je vais te conter je la tiens d'Hadès lui-même quand il te confia à moi.

Et par delà la voix d'Héphaïstos ce fut celle de l'empereur des ténèbres que Célesta entendit.

*
* *

Quelques temps (un homme dirait très longtemps) après la guerre contre les Titans

Hadès


C'était il y a longtemps mais pour moi c'est comme si c'était hier…
Cela faisait-il déjà cent ans que nous l'avions emporté sur les Titans ? Je n'aurais su le dire… Le temps s'écoulait avec une telle monotonie pour moi, surtout depuis que le dieu qui le symbolisait était enfermé dans le Tartare…

Hum… Cronos… mon père cela faisait bien 10 ans que je n'étais pas descendu voir dans quel état il était… Chaque fois que je lui rendais visite il me paraissait plus vieux et plus fatigué mais peut-être était-ce seulement mon imagination car le temps ne peut vieillir n'est-ce pas ?

Je regardais les étendues herbeuses qui s'étendaient à perte de vue devant moi, finalement je préférais largement ce décor à celui du Tartare…
Hum… à cette époque le Tartare était la seule partie visible du monde souterrain : ni Elysion ni le Meikai n'existaient encore et je me disais parfois que le partage de l'univers auquel mes frères cadets s'étaient livrés pendant mon absence était un marché de dupes. J'aurais dû les laisser se faire broyer les os par Atlas tiens !

Je m'assoupis un instant à l'ombre d'un arbre mais un choc me réveilla ! Il s'agissait d'un gamin qui s'était pris dans mes jambes.
Agh ces mômes ils étaient mignons mais quelle plaie ! Depuis la défaite des Titans le monde appartenait aux dieux mais la progéniture des Titans de la seconde voire de la troisième génération et des nymphes avait commencé à peupler la Terre… Un moment j'avais été tenté de les détruire car ils pouvaient représenter un danger potentiel… Mais le dernier des Titans libres, Prométhée, le seul qui était resté neutre pendant la guerre avait pris fait et cause pour eux…
J'aurais pu le détruire facilement mais l'idée de répandre le sang d'un voisin pour ces chétives créatures ne me disait vraiment rien… Je n'ai jamais aimé les combats inutiles, tout vient à point à qui sait attendre après tout… Toujours est-il que Prométhée, pour cette courageuse prise de position fut plus tard apparenté au créateur des hommes… Comme si on pouvait faire des hommes à partir de l'argile… avec du bronze à la rigueur Pfff

Je me relevai un peu et gourmandai sans sévérité cet enfant qui ne savait même pas qui j'étais, je le regardai s'éloigner vers ses camarades avec un sourire amusé quand un détail me frappa !
De cet enfant émanait un cosmos noir… un cosmos macabre ! Non c'était bien plutôt au dessus de lui que ce cosmos se déployait !
Je levai les yeux vers le ciel et vis plusieurs rochers en équilibre instable sur une crevasse, l'enfant se trouvait juste en dessous !

- Attention !!

L'enfant se retourna mais c'était trop tard ! Avant que les rochers ne l'écrasent il se retourna vers moi et je vis son visage déformé par la peur ! Quelle horreur je ne l'oublierai jamais !
Tous ses camarades se précipitèrent vers son corps inanimé, bougeant en tout sens, appelant à l'aide, ne sachant quoi faire…
Leur peine était encore vive quand l'un d'eux se retourna vers moi et me lança :

" Toi ! C'est toi qui l'as tué !! Si tu ne l'avais pas appelé il aurait eu le temps de se mettre hors de portée ! Assassin !! "
" Assassin !! Assassin !! " Et ce cri fut repris par des dizaines de bouches ils m'entourèrent tous me criant des injures, l'un d'eux m'agrippa par le bras et me demanda pourquoi je l'avais appelé.
La réponse me vint évidente…

- Parce… Parce que … c'est mon pouvoir… c'est mon pouvoir de voir la mort…

Ils s'écartèrent tous devant moi, la mort avait un caractère sacré et même s'ils ne croyaient sans doute pas mes dires cela les dissuadait de m'agresser.

Le Big Will… la connaissance du Big Will permettait à son détenteur de modeler l'univers à son gré… d'agir sur la matière et sa structure.
Zeus et Poséidon avaient déjà commencé à découvrir le potentiel du Big Will :
Le cosmos de Zeus était blanc comme le ciel et quand il se mettait en colère celui-ci se couvrait de nuages…
Celui de Poséidon était bleu comme l'Océan, il lui suffisait de se concentrer et les flots s'écartaient sur son passage, et quand il était en colère c'étaient des véritables cyclones…

Moi à l'époque ne maîtrisais pas encore totalement le Big Will, j'en avais conçu une certaine honte car mes sœurs elles-mêmes commençaient à le maîtriser, surtout Déméter dont le cosmos était source de vie, Héra elle ne savait qu'attiser les passions, quant à ma dernière sœur, la douce Hestia… je me demandais parfois si elle avait des pouvoirs… Quoiqu'à bien y réfléchir elle en avait assurément un : en sa présence je devenais franc et livrais toujours le fond de ma pensée… oui son pouvoir ce devait être cela : susciter la sincérité… à bien y réfléchir c'était un pouvoir redoutable… mais c'était aussi la seule de mes sœurs pour laquelle j'avais de l'affection…

Quant à moi… en ma qualité d'aîné j'aurais dû être le premier à maîtriser le Big Will… au lieu de ça je n'y arrivais point et me couvrais de ridicule ! Jusqu'à aujourd'hui…

J'avais finalement découvert mon pouvoir, un pouvoir macabre ! Celui de voir la mort et de savoir qui allait mourir et quand !
J'ai longtemps parcouru le monde à la recherche d'un être qui puisse me comprendre, qui partage le même pouvoir que moi mais ce fut en vain !
Partout où j'allais, alors que les gens étaient heureux il y en avait toujours un qui allait mourir ! Oh certes pas tout de suite ! Dans trois jours… dans trois ans… dans trois minutes…
Au début je faisais tout pour mettre en garde les personnes qui allaient mourir contre leur destin mais cela ne changeait rien ! La mort arrivait toujours, inéluctablement ! Et à chaque fois on me regardait avec suspicion !
J'ai longtemps cherché un compagnon, quelqu'un qui jouisse des même pouvoirs que moi et en un certain sens j'en ai trouvé quelques uns : quelques mortels fascinés par mon pouvoir me suivirent dans mes pérégrinations. Au début leur présence me distrayait et je leur apprenais à éveiller leur cosmos et à le maîtriser, il y en eut même un ou deux qui atteignirent le 7ème sens à mon contact, comment s'appelaient-ils déjà… Osiris je crois… A la fin ce jeu m'a lassé car je comprenais bien à leurs yeux avides qu'ils n'avaient aucune affection pour moi qui pourtant étais leur maître. Je leur ai ordonné de me quitter et ceux qui ne l'ont pas fait je les y ai forcés. J'ai rarement eu de leurs nouvelles… Tout au plus lors d'un passage en Egypte j'appris qu'Osiris avait été tué et découpé en morceaux par un de mes anciens disciples Seth, plus tard j'appris qu'il s'était éveillé au 8ème sens en mourant, lui qui était fasciné par le cycle de la vie et de la mort…Par la suite je continuai à courir le monde à la recherche d'un guide mais…
Peine perdue, la seule personne qui me comprenait c'était Hestia, la seule avec qui je pouvais être honnête…

A force de voir des gens claquer devant moi j'avais fini par m'y habituer et le contact de la mort m'était devenu si familier que je commençais à plonger dans le cynisme…
J'ai passé ainsi un grand nombre d'années de ma vie, non dans la tristesse mais dans l'indifférence la plus totale, je voyais des morts, et alors ? Du moment que ça ne m'arrivait pas à moi !

*
* *

- Excusez-moi mais je ne vois toujours pas le rapport avec moi !

Célesta, impatiente comme à son habitude venait d'interrompre Héphaïstos.

- J'y viens j'y viens…
- Ne chercheriez-vous pas à noyer le poisson ?

Héphaïstos eut un rire dédaigneux.

- Tu vois beaucoup d'eau par ici ?
- …
- Nous sommes d'accord, et maintenant ne m'interromps plus car la suite va beaucoup t'intéresser ! Un jour Hadès se trouvait dans une contrée nordique que l'on atteignait en ce temps là en traversant le pôle nord et qui se nomme aujourd'hui le Canada !

*
* *
Plaines du Nord

Hadès se promenait dans un continent qu'il appréciait pour ses prairies et ses forêts et qui sera appelé bien plus tard l'Amérique.
Cela faisait des siècles qu'il arpentait la Terre et il avait appris à maîtriser son cosmos et son pouvoir sur la Mort. Parfois il pensait au funeste destin des Titans et il pensait que le règne des dieux avait commencé par un crime : la déposition de leur père qui lui-même avait tué Ouranos le ciel ouvrant ainsi la Terre aux rayons de la Big Will.
L'histoire n'était donc faite que de sang ? Et combien de temps allait-il s'écouler avant que les hommes, pâles avatars des Titans ne se lèvent contre les dieux ?
En réfléchissant à cela son cœur se fit plus sombre et son cosmos plus lugubre, autour de lui les fleurs arrivaient à épanouissement et se fanaient à vitesse accélérée. Il regarda autour de lui le champ de coquelicots auparavant rouges qui s'était teint de noir sous l'effet de son cosmos. La mort anéantissait vraiment tout et il en était le maître !
Mais chez lui ses pulsions morbides étaient contrebalancées par un autre sentiment : la langueur, la mélancolie… Chaque fois qu'il pensait à sa sœur Hestia il avait envie d'être auprès d'elle mais en même temps il ne voulait pas l'étouffer, Poséidon, Zeus… Ses frères cadets qui se croyaient plus puissants que lui ! Plus le temps passait et plus ils devenaient arrogants ces deux-là et l'univers faisait souvent les frais de leurs injustes colères.

Mais il n'avait pas envie de penser à cela car le seul fait d'y réfléchir sérieusement l'ennuyait, après tout qu'est-ce que ça pouvait bien lui faire ?
Posant les yeux sur un grand saule pleureur il s'en approcha et décida de se reposer un moment sous son ombre.
Ses yeux se fermèrent et il songea obscurément par delà les ténèbres du sommeil que dans une telle position le premier imbécile venu serait en état de lui trancher la gorge mais peu lui importait ! Le sommeil était pour lui synonyme de régénération.
Des bruits répétés le dérangèrent, il ouvrit les yeux de mauvaise grâce pour assister à un spectacle insolite.

Deux gamins qui avaient l'air d'être frères jumeaux entouraient une petite fille aux cheveux blonds et la pressaient de questions.
Hadès pensa un moment qu'ils allaient se bagarrer, cela était dans leur nature, mais le dialogue qu'il entendit ne manqua pas de le surprendre :

- Pourquoi ? Pourquoi veux-tu bien l'embrasser et pas moi ?

Le gamin qui venait de parler avait des cheveux gris pâle et tout indiquait en lui qu'il avait les nerfs à fleur de peau bien que ces yeux brillent de gentillesse.

- Car lui ne passe pas son temps à me le demander !

La petite fille avait un physique assez banal avec ses cheveux blonds bouclés pas encore longs mais ses yeux verts pétillants de malice étaient vraiment troublants.

- Pfff, c'est parce que je n'en ai pas envie…

Le jeune garçon qui venait de s'exprimer avait des cheveux blonds et bien qu'il ressemblât à son frère comme deux gouttes d'eau il émanait de lui un grand calme particulièrement exceptionnel pour un enfant de son âge.
Un peu dépitée par cette réponse et par le rire moqueur de l'enfant aux cheveux gris pâle la jeune fille se saisit du bras de son stoïque compagnon et le serra très fort contre elle. Celui-ci tenta de simuler l'indifférence mais la coloration croissante de son teint traduisait la tempête d'émotions contradictoires qui déferlaient en lui.

Satisfaite de son effet la jeune fille lui lâcha le bras et regarda alternativement ses deux camarades de jeu.

- Vous voulez tous les deux un bisou non ?
- Oui oui !
- Hum… enfin… peut-être…

Elle partit d'un grand rire amusée par la situation puis se calma un peu.

- Je regrette mais c'est impossible !
- Ben pourquoi ?

Elle les regarda avec affection.

- Depuis que nous sommes tout petits nous avons toujours été ensemble, en fait quand mes parents sont morts pendant l'hiver j'ai eu très peur de me retrouver toute seule mais je vous ai rencontrés, vous deux orphelins errant sur la route et depuis nos chemins ne se sont plus séparés…
- Justement tu pourrais nous témoigner ta… gratitude.
- Certes…

Elle s'approcha en premier du garçon aux cheveux blonds et l'embrassa sur la joue en lui disant : " tu es si mûr et si protecteur, tu es comme mon grand frère… "

Elle s'approcha ensuite du garçon aux cheveux gris pâles et l'embrassa sur la joue en lui murmurant : " Tu es mon seul compagnon de jeu, je te vois comme mon petit frère… "

Puis après s'être éloignée.

- Vous comprenez ? Si j'embrassais l'un de vous c'est comme si je lui disais que je l'aime plus que l'autre… Pourtant nous sommes frères et sœurs et je souhaite que rien ne nous sépare jamais et surtout pas vos sentiments pour moi.

Bien que visiblement ému le garçon aux cheveux gris pâles ne voulait pas lâcher le morceau.

- Mais qui vas-tu embrasser alors ? Depuis tout à l'heure tu nous répètes qu'à ses dix printemps une fille doit avoir connu son premier baiser…

Elle était un peu embarrassée par la question quand elle remarqua la présence derrière eux d'un adulte somnolant à l'ombre d'un saule pleureur.

- Pourquoi pas ce monsieur là-bas ?
- Mais tu ne le connais pas !
- Est-il seulement beau ?

La petite fille s'approcha à pas de loups et arrivée à quelques mètres du dieu des ombres sentit son cœur tressaillir dans sa poitrine.
Avec ses traits réguliers emprunts d'une éternelle jeunesse et ses cheveux noirs de jais le maître de la mort avait de quoi impressionner.
S'avisant qu'il était observé il ouvrit les yeux et ce fut un choc pour les enfants : les yeux si verts d'Hadès passèrent brusquement au bleu de l'acier et l'expression de colère dans son regard était si palpable qu'ils firent un bond en arrière.
Reconnaissant les enfants qu'il avait vu jouer Hadès abandonna sa colère et ses yeux reprirent leur couleur verte habituelle au grand émerveillement des enfants.
Il s'adressa à eux avec un ton plein de bienveillance qui les encouragea à continuer.

- Eh bien monsieur… c'est que… notre sœur…
- Elle aimerait… elle aimerait…
- Ne pourrait-elle me dire elle-même ce qu'elle veut de moi ?

La petite fille tressaillit mais répondit d'un seul trait.

- J'aimerais vous embrasser !

Hadès manqua de s'étrangler de surprise, au moins elle était directe ! Mais elle n'avait que 10 ans et jusque là seules Hestia et quelquefois sa mère Rhéa avaient eu droit à ses baisers…

- Hum, n'es-tu pas un peu jeune pour recevoir un baiser ?
- J'ai dix printemps ! Puis plus bas : c'est le temps qui s'est écoulé depuis la mort de mes parents à cause des rigueurs de l'hiver.

Un homme civilisé aurait répondu qu'il en était navré mais Hadès n'avait pas à montrer d'égards particuliers à une mortelle et qui plus est la mort l'indifférait totalement. Cela dit ce jeu ne l'amusait plus beaucoup et il avait hâte de le conclure

- Où dois-je t'embrasser ?

La jeune fille rougit puis finalement ce furent ses deux compagnons qui répondirent à l'unisson : " sur le front !"
Hadès sourit : si jeunes et déjà si jaloux ! Ca augurait bien du plaisir…
Hadès regarda la petite fille, malgré la rougeur de son teint ses yeux n'avaient rien perdu de leur éclat, ils étaient presque aussi brillants que les siens… aussi brillants et troublants que ceux d'Hestia… Rien que pour cela elle méritait bien un baiser, fût-ce sur le front…

Il prit donc délicatement la tête de la jeune fille dans ses mains, écarta délicatement ses mèches blondes puis déposa un suave baiser sur son font.
La petite fille manqua de défaillir sous l'émotion, quant à Hadès il n'était pas loin de faire de même car au moment où il avait embrasé le front de l'enfant il y avait vu une marque familière : une étoile à 5 branches…

Cette marque c'était celle des condamnés… la marque que son cosmos lui permettait de distinguer sur les personnes qui allaient mourir…
Cette marque c'était la marque de la mort ! Et cette jeune fille qu'il venait d'embrasser en pensant à Hestia, il ne lui restait que 4 h à vivre…

Hadès pâlit à un tel point que ses vis-à-vis s'en inquiétèrent.

- Ca ne va pas monsieur ?
- Si si c'est juste que…

Hadès hésita, toute sa vie il avait mis les mortels en garde contre leur destin et finalement il n'avait réussi qu'à gâcher leurs dernières heures…
Et aujourd'hui, pour la première fois il n'avait pas envie de jouer aux oiseaux de mauvais augure… Il voulait faire abstraction de ses dons et passer quelques heures à se comporter comme un être humain quelconque en compagnie d'enfants merveilleux.

Et il passa toute l'après-midi à faire ce qu'il n'avait jamais fait avec personne : jouer comme un enfant avec ses compagnons de jeu en se préoccupant seulement du moment présent. En tant qu'adulte il devint bien sûr le principal centre d'intérêt des enfants.
Ceux-ci l'initièrent à toutes sortes de jeux différents comme le chat perché. Evidemment il lui aurait été facile d'écourter ces jeux en utilisant son cosmos pour repérer ses compagnons mais cela aurait gâché son plaisir…
Finalement après une après-midi merveilleuse autant pour les enfants que pour lui il fut le premier à demander grâce.
Levant sa main devant lui il articula en tentant de reprendre son souffle.

- Arrêtez pitié, je n'ai plus votre énergie débordante !

Evidemment ils ne tinrent aucun compte des paroles du dieu et se jetèrent sur lui, l'assaillant de leurs rires et caresses. Hadès ploya puis s'écroula comme une tour terrassée par les assauts des catapultes.
Ils se retrouvèrent tous les quatre par terre et rirent à l'unisson. Leur amusement passé les enfants voulurent en savoir davantage sur leur nouvel ami et l'assaillirent de questions.

- Qui êtes-vous monsieur ? D'où venez-vous ? De par delà les montagnes ?
- Une question à la fois s'il vous plaît.
- Qui êtes-vous alors ?
- Qui je suis ? Eh bien je crois que je puis dire que je suis Dieu…
- Dieu ?!
- Oui je conçois que cela vous étonne mais écoutez plutôt mon histoire…

Et il leur raconta l'histoire de l'univers, depuis le chaos originel jusqu'au meurtre du ciel, Ouranos puis le règne des Titans et enfin celui des dieux. Il leur conta en fait l'histoire de l'univers, la genèse du Big Will mais à ses pouvoirs propres il ne fit aucune allusion.

- C'est ainsi que Poséidon règne sur les Océans et Zeus sur les cieux.
- Et vous sur quoi régnez-vous ?

Les yeux des enfants brillaient de curiosité, ils se trouvaient peut-être en face d'un des maîtres de l'univers après tout…
Hadès hésita à répondre, jusqu'à maintenant il s'était peu intéressé au monde souterrain qui, à l'époque n'était que la prison des Titans. Et puis il y avait autre chose : il ne voulait pas rompre la magie de cette journée, il ne voulait pas leur apparaître comme un de ces êtres supérieurs que l'on envisage avec crainte…

- Moi ? Je ne règne sur rien car je n'ai pas les pouvoirs de mes frères…
- Ah ?

La déception se lut dans les yeux des deux garçons et ils ne tardèrent pas à s'esquiver pour aller parler entre eux de cet étrange ami.
Hadès saisit leur déception et en fut peiné mais pouvait-il vraiment leur dire que son pouvoir c'était… la mort ?
Il détourna les yeux avec amertume et se préparait à s'endormir pour noyer sa mélancolie dans le sommeil quand il s'aperçut de la présence de la fillette à ses côtés, elle le regardait intensément de ses yeux verts émeraude.
Hadès lui caressa la joue avec affection.

- Toi aussi tu dois me trouver sans intérêt maintenant que tu sais que je ne règne sur rien.

La fillette eut une réaction un peu brusque comme en ont tous les enfants de cet âge.

- Au contraire ! Pour moi vous êtes cent fois plus intéressant que vos frères !
- Ah bon et pourquoi ?
- D'après ce que vous nous en avez dit vos frères sont des tyrans imbus d'eux-mêmes et de leurs pouvoirs, ils ne songent pas à voir le monde, juste à le dominer.

La fillette posa sa tête sur les genoux du dieu des ombres.

- Mais vous êtes différent : vous nous avez donnés votre amitié sans rien exiger en retour. Je ne vous connais que depuis quelques heures mais je vous aime déjà… pas comme je les aime eux… bien plutôt comme j'aimerais un père…

La fillette ferma les yeux et les boucles blondes de sa chevelure se répandirent sur les genoux d'Hadès. Celui-ci profondément ému approcha sa main se la chevelure de la fillette et commença à en caresser les boucles blondes. C'était si beau l'innocence de l'enfance… lui ne l'avait jamais connu cet état d'insouciance où l'enfant joue avec ses frères : dès sa naissance son père avait essayé de le tuer et pour survivre il avait été obligé de s'éveiller au 8ème sens, par la suite il était parvenu à ressusciter grâce au 9ème sens le Big Will et il s'était alors jeté à corps perdu dans la guerre contre les Titans, la guerre contre son père…

Non cet état d'insouciance il ne l'avait jamais connu et pourtant il lui semblait le retrouver au contact de ces enfants. Il murmura alors à la fillette ensommeillée.

- Quand je te vois, j'ai envie d'y croire à ces sentiments que je n'ai jamais connus : l'amour et l'amitié…

Il se pencha pour donner à la fillette un nouveau baiser sur le front mais une vision horrible le retint : celle de l'étoile à cinq branches, l'étoile annonciatrice de la mort !
Il en éprouva une grande tristesse : pourquoi son bonheur était-il de si courte durée ?

Un cri réveilla la fillette, c'était celui de ses frères qui l'appelaient pour jouer avec eux.

- Soeurette, tu viens ?

La fillette releva la tête quittant à regret cette position si confortable puis se tournant vers Hadès.

- Vous venez jouer avec nous ?

Hadès avait en tête l'étoile de la mort, il savait ce qu'elle voulait dire : cette gamine, sa nouvelle amie n'avait plus qu'une heure à vivre et il ne voulait pas être témoin de sa fin.

- Vous m'avez épuisé, je crois que j vais me reposer un peu…
- Ce sera pour une autre fois alors !
- Oui sans doute…

La fillette lui tourna le dos et s'encourut vers ses frères. Pris d'un remords soudain Hadès l'appela.

- ATTENDS !
- Qu'y a t il ?

Hadès hésita, la mort était une fatalité, le dernier moment de l'existence… Lui sous prétexte qu'il voyait la mort et qu'il la donnait avait-il le droit de rompre ce cycle ?

- Non, rien… c'est juste que tu… tu as… une étoile sur le front…

La fillette porta la main à son front et constatant qu'elle ne portait nulle trace d'encre conclut avec le sourire.

- Vous devez vous tromper.

Elle s'éloigna mais avant de se dérober à la vue du dieu elle se retourna pour lui dire avec le sourire.

- Mon nom est Elysée.
- Elysée… non j'en suis navré mais je ne me trompe pas…

Hadès la regarda s'éloigner avec amertume. Les êtres humains avaient une vie si courte mais elle était tellement remplie…

Il s'endormit pour de longues heures.

Il fut réveillé par des cris. Il ne s'inquiétait pas, il savait déjà que la petite fille était morte car il avait senti sa mort approcher. Il savait qu'elle tomberait dans cette crevasse. Les enfants vinrent lui demander de l'aide, il les suivit mais il savait que c'était inutile.

En regardant le cadavre de cet enfant, il fut saisi d'effroi. Elysée était morte mais il voyait, il voyait son âme hors de son corps qui pleurait. Elle tournait en hurlant autour de son cadavre. Une âme vide privée de son enveloppe. Il regarda les deux jeunes enfants qui regardaient le corps de leur petite camarade sans vie mais eux ne voyaient rien. Il descendit et appela l'âme mais elle ne lui répondit pas.
Il se plaça devant elle mais elle passait au travers de son corps. Il décida de remonter ce corps sans vie et l'âme de la petite suivit son corps.
IL comprit alors obscurément qu'il avait réussi à maîtriser pleinement son pouvoir car il comprenait maintenant ce qu'était la mort pour les hommes. Il comprit que les morts attendaient de réintégrer leurs corps mais dès que leurs cadavres étaient pourris, dévorés par les corbeaux, ils perdaient tout espoir de vie et erraient sur la surface de la terre pleurant leur vie perdue.

Il était le seul à voir, le seul à savoir...

Il se retourna vers les deux garçons en pleurs. Il comprit que leur peine était infinie et que jamais ils ne se consoleraient d'avoir perdu leur sœur.
Une idée lui vint alors et tenant toujours le corps de la fillette dans ses bras leur ordonna de le suivre.
Il les emmena dans le lieu le plus inaccessible de la planète : le Tartare où croupissaient les Titans.
Les deux garçons hésitaient.

- Vous… vous n'allez quand même pas vous débarrasser de son corps ici ?
- Bien sûr que non ! Cet endroit est réservé aux vaincus ! Le monde que je vais créer sera un monde de lumière.

Puis se retournant vers la jeune fille.

- Oui un monde de lumière, un pays enchanté. Elysée même si ton corps de chair disparaît parce que je n'aurai pas été capable de le protéger ton âme est assurée de vivre éternellement, tu seras la reine d'un pays enchanté où tu mèneras une existence sans absolument aucun problème.
- Sans aucun problème ? Dirent les garçons avec surprise.
- Oui car cette existence ne sera plus soumise à cette incessante tourmente des émotions qu'on appelle la vie. Elysée, tu vas perdre tout souvenir de ta vie passée et ton avenir ne sera que bonheur. Je te dois bien ça à toi petite fille qui éveilla en moi ces sentiments inconnus…

Le cosmos d'Hadès augmenta de façon effrayante faisant trembler les planètes du système solaire, dérangeant les dieux dans leurs demeures célestes, s'élevant bien au-dessus de celui de Poséidon ou de Zeus.

Devant Hadès et les garçons se forma un champ de fleurs baigné de la douce lumière du soleil. Où qu'ils portent leur regard tout n'était que beauté et harmonie. Certes les temples imposants n'avaient pas encore été élevés mais il planait dans l'atmosphère un parfum de magie, d'insouciance… car ce monde était le reflet de la partie la plus lumineuse de l'âme du seigneur des ombres. A ce moment toutes les âmes défuntes qui erraient sur la planète en pleurant après leurs corps se figèrent. Elles avaient enfin rencontré leur maître ! Elles avaient enfin un endroit où aller, elle se dirigèrent alors toutes vers une pente rocheuse qui menait à ce que l'on appela plus tard le Meikai, cette pente était le Seikishiki.

- Où sommes-nous ? demanda un des garçons, celui aux cheveux gris pâle.
- Nous ne sommes plus sur Terre, nous sommes dans une autre dimension qui est séparée du reste du monde par le fleuve Styx qui rejette tout ce qui n'est pas divin…
- Le reste du monde ?
- Je parle du reste de l'Enfer… Il ne doit pas seulement exister un paradis pour les êtres bons, il doit aussi y avoir un Enfer pour les méchants ! Le lieu où nous nous trouvons s'appelle Elision car Elysée en est la reine. Celui que je vais construire portera pour nom le Meikai, il sera composé de neuf prisons.

Hadès s'apprêtait à partir quand il se rappela de la présence des deux garçons.

- Mais j'y pense, comme vous êtes les premiers à pouvoir observer ce monde vous pouvez me demander ce que vous voulez, je vous l'accorderai.
- Pouvons-nous rester avec Elysée ?
- Je regrette mais cela est impossible car vous n'appartenez pas au même monde et parce qu'elle a perdu la mémoire.

Le garçon aux cheveux gris pâles s'insurgea.

- Mais je ne veux plus de cette peine qui étreint mon cœur ! Je veux que cela s'arrête !
- Je regrette mais la souffrance fait partie de la vie… Veux-tu que je prenne ta vie ici même ?
- Il ne s'agit pas de cela… je ne veux pas renoncer à la vie… je ne veux renoncer qu'à l'amour…

Hadès fut surpris.

- L'amour ? Pour expurger ce sentiment de ton cœur il faudrait que je le connaisse et ce n'est pas le cas… mais je peux effacer ta mémoire… je peux effacer ta peine…
- Oui c'est ce que je désire !

Hadès se retourna vers le garçon aux cheveux blonds.

- Et qu'en est-il de toi ?
- Nous sommes frères et jumeaux, je me dois de suivre mon frère quels que soient ses choix.
- Qu'il en soit ainsi mais je n'effacerai pas ta mémoire puisque tu ne souhaites pas renoncer à la souffrance. Agenouillez-vous.

Les deux garçons s'exécutèrent, dans la main d'Hadès apparut une épée aux inscriptions runiques inquiétantes.

- Cette épée est l'épée des illusions, grâce à elle je vais lier vos destins au mien.

Hadès s'approcha du garçon aux cheveux gris pâle. Il posa la pointe de l'épée des illusions sur son front et dit les paroles sacrées en même temps qu'il traçait une étoile à cinq branches sur le front du garçon.

- Parce que tu as souhaité ne plus connaître la tristesse j'efface les souvenirs de ta mémoire, parce que tu es fougue et emportement comme le torrent qui détruit tout tu seras désormais Thanatos, le dieu qui commande à la mort.

Au moment où le signe étoilé fut achevé par l'épée " Thanatos " rouvrit les yeux, ils n'avaient maintenant plus de pupilles et brillaient d'un éclat argenté comme ses cheveux.

Hadès s'approcha du garçon aux cheveux blonds. Il posa la pointe de l'épée des illusions sur son front et dit les paroles sacrées en même temps qu'il traçait une étoile à cinq branches sur le front du garçon.

- Parce que tu as souhaité accompagner ton frère de ton plein gré je n'efface pas tes souvenirs mais donne à ton cœur la force nécessaire pour qu'il ne soit pas injustement blessé. Parce que tu es calme et modération et n'aime pas la destruction et la brutalité tu seras désormais Hypnos le dieu qui commande au sommeil.

Au moment où le signe étoilé fut achevé par l'épée " Hypnos " rouvrit les yeux, ils n'avaient maintenant plus de pupilles et brillaient d'un éclat d'or comme ses cheveux.

Hadès fit mine de s'éloigner mais les frères maintenant dissemblables mais plus que jamais unis l'interpellèrent.

- Que veut dire ce signe étoilé ?

Hadès ne se retourna pas.

- Cette étoile à cinq branches est l'étoile annonciatrice de la mort, je la vois apparaître sur le front des gens qui vont mourir mais pour vous c'est différent… elle signifie que vous n'appartenez ni complètement au monde des vivants ni à celui des morts. Elle est le symbole de notre affiliation, elle signifie : " Yours ever " " A toi pour toujours "

*
* *

- Ainsi c'est donc ça… Je comprends maintenant pourquoi j'avais l'impression de connaître Thanatos… Hypnos, lui et moi sommes frères et sœurs de laie…

Célesta avait parlé d'une voix triste où perçait la mélancolie, ainsi elle avait été humaine, elle avait connu le bonheur en compagnie de ses frères de laie… Et le jour où elle avait rencontré Hadès, à peine quelques heures après qu'il lui ait témoigné son affection… sa vie avait pris fin !
Voilà ce qu'elle avait gagné à vouloir un baiser de la part de celui qui domine la mort : la mort pour elle et la mort des sentiments pour ses frères.
Aujourd'hui ils étaient tous deux des dieux et ne se souvenaient plus d'elle ou ne voulaient plus s'en souvenir dans le cas d'Hypnos…
Qu'avait-elle gagné à connaître la vérité au fond ? Pas grand chose sinon répandre un peu plus de larmes dans son cœur déjà triste…
Pourtant elle ne parvenait pas à se convaincre que tout s'était fini comme cela car elle ne se souvenait pas d'avoir été Elysée avant que le dieu du feu ne le lui révèle, il y avait forcément autre chose… qui devait expliquer comment elle était devenue Célesta… comment elle était devenue le serpentaire !

- Maître…

Héphaïstos l'arrêta d'un geste.

- Je sais ce que tu vas me demander. Tu veux savoir comment tu es devenue une déesse n'est-ce pas ? Et tu veux aussi savoir pourquoi tu t'appelles Célesta ?
- Oui c'est bien cela !

Le dieu du feu boitilla un peu jusqu'à son enclume. Il souleva un linge qui recouvrait un buste taillé dans l'or le plus fin.
Le linge tomba à terre rendant visible un buste à l'effigie de…

- Mais c'est mon visage !!

Célesta avait sursauté en reconnaissant ses propres traits gravés dans l'or.
Héphaïstos prit une voix lasse.

- Je me sentais si seul… des millénaires d'existence et si peu d'années de bonheur… tant d'années de solitude…
- Vous… vous voulez dire que ?
- Oui Célesta. Tu as compris, quand l'empereur Hadès est venu me voir ici pour m'ordonner de te construire un nouveau corps je n'ai pas pensé à cette petite fille qu'il me demandait de ramener à la vie car son corps n'existait plus… j'ai pensé à moi-même… moi qui voulais une compagne.

Héphaïstos s'interrompit, il avait honte d'avoir voulu profiter de l'innocence de celle qui se tenait devant lui et qui était à l'époque une enfant.
Célesta aurait voulu avoir un geste d'affection envers ce dieu solitaire mais quelque part elle avait peur que son geste ne soit pris et pour de la pitié et d'autre part elle sentait confusément que le seul dieu auquel elle devait fidélité et affection, hormis ses frères, c'était Hadès… lui qui n'avait pas voulu gâcher les dernières heures de sa jeune vie en lui révélant son funeste destin.

Conscient que le silence devenait pesant et qu'il n'était pas question de lui le dieu du feu reprit.

- Tu veux savoir pourquoi Hadès m'a demandé de te fabriquer un nouveau corps alors écoute-moi, écoute-moi pour la dernière fois avant de décider si tu écouteras dorénavant les paroles de Dieu. La réponse est : parce que tu voulais dévorer la vie !

*
* *

- Pourquoi Elysée ?

Hadès se tenait devant elle, entouré par les champs fleuris d'Elision, lui demandant pourquoi elle voulait quitter ce paradis, ce royaume dont elle était la reine.

- Pourquoi veux-tu retourner sur Terre ?

L'enfant qui se tenait en face de lui et qui portait le doux nom d'Elysée trouva la force de répondre.

- Parce que j'aime la vie !
- La vie ? Mais ne vis-tu pas ici ? Elision n'est-il pas un royaume enchanté ? Ne mènes-tu pas une existence sans aucun problème ?
- La vie ce n'est pas ça ! La vie c'est la découverte ! La tourmente des émotions, l'imprévu ! En ce paradis où vivent les bienheureux j'ai l'impression de toujours revivre la même scène avec les mêmes acteurs ! Ici le désordre et les émotions sont proscrits car ils brisent l'harmonie ! Ce qui est proscrit ici c'est la vie ! Je ne suis pas une déesse, je ne suis pas faite pour vivre ici !

Hadès ne sembla pas troublé par ces paroles, il avait oublié depuis longtemps les sentiments humains ou plutôt il avait cessé d'y croire. Il n'était plus le jeune dieu parti à la découverte du monde qu'elle avait connu dans son enfance. Il n'était plus que le maître de la mort atteint lui-même par une autre sorte de mort : celle des sentiments !
Cela le chagrinait de perdre cette enfant pour laquelle il avait de l'affection, il se plaisait à la regarder s'ébattre en Elision comme on regarde un oiseau en cage…

- Tu veux donc revenir sur Terre ?
- Oui !
- Je regrette mais cela est impossible. La vie et la mort obéissent à un cycle et tu as passé sur Terre le temps que tu devais. Cependant…
- Oui !
- Il existe peut-être une solution.
- Laquelle ?
- Que tu entres à mon service.

Hadès s'interrompit puis reprit.

- Ainsi tu disposeras à nouveau d'un corps et tu pourras revivre. Es-tu d'accord ?

Elysée répondit avec la naïveté de l'enfant qu'elle était toujours car ce n'est pas en vivant à Elision qu'on perdait son innocence !

- Oui bien sûr !

Hadès tira l'épée des illusions de son fourreau.

- Ecoute mes paroles !

Un long discours suivit et à chacune des paroles d'Hadès Elysée sentait son corps vibrer tandis que la vie l'emplissait de nouveau.

- Que ton nom ne soit plus !
- Que mon nom ne soit plus…
- A partir d'aujourd'hui j'efface de ta mémoire le souvenir de tes frères.
- En ce jour j'oublie mes frères.
- …

Le rituel se termina ainsi.

- Ton nom est désormais Célesta car tu es la première des étoiles célestes !
- Je suis la première des étoiles célestes et mon nom est Célesta…
- Ton étoile est celle de la domination car comme tous les hommes tu veux dominer la vie comme la mort.
- Mon étoile est celle de la domination…

Hadès approcha deux serpents en forme de bracelets des bras de Célesta.

- Ces serpents ornaient autrefois le Caducée que portait Esculape. Il s'en servait pour guérir des maladies et même pour guérir de la mort… Ces serpents que j'ai arrachés du Caducée je te les donne mais tu ne devras t'en servir que pour donner la mort car je suis le seul à pouvoir rendre la vie, même de façon éphémère.

Les serpents s'enroulèrent autour des bras de Célesta. Elle sentit alors une énergie nouvelle déferler en elle puis tenta de prendre la route de la Terre. Hadès l'arrêta d'un geste.

- Ton corps n'existe plus Célesta, rappelle-t-en ! C'est pourquoi je vais demander à Héphaïstos de t'en donner un autre. Ce corps sera celui d'une déesse car tu es destinée à me servir pour l'éternité Célesta du Serpentaire de l'étoile céleste de la domination !

*
* *

- Et que s'est-il passé ensuite ?
- Rien je t'ai permis de revenir à la vie dans ce corps que tu occupes. Puis pendant des siècles tu as servi Hadès en tant que serpentaire, t'enroulant autour des mains des condamnés jusqu'au jour où…
- Jusqu'au jour où par la faute de Sisyphe j'ai mordu la main de mon maître…
- Tu as fait plus que le mordre ! Tu l'as blessé !

Célesta baissa la tête, gênée.

- Mais je croyais que le Serpentaire n'était qu'un animal mécanique !
- Dans les temps mythiques les dieux aimaient à donner à leurs serviteurs des formes animales, cela les rendait plus terrifiant pour les humains. Toujours est-il qu'après cette blessure que tu lui as faite Hadès t'a exilé dans le Tartare et affecté à la garde des Titans…
- Et j'ai ruminé ma haine contre lui pendant tant de siècles…

Un nouveau silence suivit que Célesta rompit.

- Que dois-je faire maître ? Je sais maintenant que je suis une étoile céleste même si en tant que déesse je ne fais pas partie des 108 spectres mais sa majesté Hadès m'a reniée et mes frères oubliée, que dois-je faire ?
- Ton destin est inscrit sur ton front.

Héphaïstos concentra son cosmos et porta son index sur le front de Célesta, une étoile à 5 branches y apparut.

- L'étoile annonciatrice de la mort… ce signe est celui d'Hadès et tu sais ce qu'il signifie…
- Oui, tout comme Hypnos et Thanatos, tout comme Shun qui était son enveloppe charnelle… cette étoile signifie " yours ever ". Quoique je fasse je lui appartiendrai toujours de mon devoir est de le servir avec dévotion et amour jusqu'à la fin des temps.

Célesta, toujours aussi magnifique sortit du volcan de Théra. Avant de prendre son envol pour reprendre la place que son maître lui avait assignée elle dédia un dernier adieu à Héphaïstos.

- Merci seigneur. Grâce à vous je comprends ce que mon cœur me dit. Je vais pouvoir retrouver mes frères et surtout je pourrai recommencer à servir sa majesté jusqu'à ce qu'elle me pardonne.

Célesta prit son envol et sa silhouette ne tarda pas à disparaître aux yeux du dieu le plus humain des Olympiens.
Celui-ci essuya une larme en voyant s'éloigner sa plus belle création.

- Hadès… sais-tu seulement combien tu es chanceux d'avoir des enfants aussi aimants ? Comment peux-tu avoir oublié l'amour alors qu'ils en ont tant pour toi ? Pfff Pauvre imbécile ! Je n'en dirai rein aux autres olympiens, de toute façon ils ne m'écouteraient pas, mais il est maintenant temps que je me rende au procès d'Athéna.

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Cette fiction est copyright Diego Jimenez.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.