Chapitre 5 : Paris


La France… Hyôga et Shun s'étaient laissés convaincre d'aller y passer un ou deux jours avec Ayan. Après tout, il n'y avait pas d'urgence à rentrer au sanctuaire et on pouvait bien prendre un peu de bon temps ! Shun, curieux de tout et passé ses réticences vis-à-vis de ce contretemps, ne cachait pas sa joie de visiter ce pays dont il ignorait quasiment jusqu'à l'existence. Quant à Hyôga, il brûlait de découvrir le pays d'origine de Camus. Il avait confié Kraken aux bons soins de Jacob et ils étaient partis.

Ils étaient arrivés tôt le matin à Paris et Ayan les avait entraînés avec elle à la découverte de la ville. Elle tenait absolument à tout leur montrer et les deux amis la suivaient, émerveillés par cette ville si différente de ce qu'ils connaissaient. Shun qui souhaitait avant tout voir la fameuse tour Eiffel resta un peu sur sa faim une fois arrivé devant elle.

- Bof… C'est assez moche en fait, grogna-t-il.

Ayan prit un air sévère à ces mots.

- Mais enfin pense que ce sont des hommes normaux qui ont construit cette tour ! Et pense à la vue majestueuse que l'on a d'en haut ! On y voit toute la ville !

- Mouais… fut la seule réponse du jeune homme.

- Où est Hyôga ?

Shun haussa les épaules en signe d'ignorance puis se retourna et chercha le Russe des yeux. Il finit par l'apercevoir à quelques centaines de mètres, affalé sur un banc.

- Ayan, il est là ! S'écria Shun en indiquant la bonne direction.

Ayan et lui rejoignirent leur ami.

- On continue la visite. C'est parti ! S'exclama Ayan en donnant une tape amicale sur l'épaule de Hyôga.

Mais ce dernier ne fit pas mine de bouger et au contraire protesta avec véhémence :

- Non ! On a marché toute la matinée comme des fous ! On a déjà dû faire trois fois le tour de cette ville !

- J'y crois pas ! Fit Ayan sur un ton moqueur. Un grand chevalier comme toi fatigué par une visite que font traditionnellement les touristes du monde entier !

- Mais ils ne font pas TOUT en une matinée ! Il faut au moins un entraînement de chevalier pour ça !… Et puis j'ai faim !

- Ah ! Voilà le fin mot de l'histoire ! S'exclama Ayan en riant. Très bien, allez lève-toi, fainéant, on va manger !

A ces mots, Hyôga se leva et reprit sa marche avec ses deux amis. Ayan les conduisit jusqu'à une brasserie où ils s'attablèrent. Un serveur, vêtu de blanc et noir, vint leur apporter les cartes. Ayan et Hyôga ne virent pas le regard ennuyé que Shun baladait de l'un à l'autre, tant ils étaient absorbés à la lecture de la carte. Au bout de quelques instants, il se décida à toussoter. Les deux autres relevèrent la tête et le regardèrent avec surprise.

- Qu'y a-t-il, Shun ?

- Eh bien, c'est à dire que je ne parle pas français…

Les deux autres ouvrirent de grands yeux.

- Et alors ?

- Et la carte est en français ! S'exclama Shun, une pointe d'exaspération dans la voix.

Ayan et Hyôga se mirent à rire.

- Oups ! J'avais pas pensé à ça ! Rigola Hyôga. Je vais te traduire.

- Comment se fait-il d'ailleurs que tu parles français toi ?

- Camus et Cristal étaient français. Alors je l'ai appris au cours de mon entraînement.

Shun hocha la tête.

- Sur l'île d'Andromède, nous parlions tous en grec ancien…

- Voilà qui est moins pratique pour lire les cartes des restaurants ! Plaisanta Ayan.

Shun sourit.

- C'est vrai. Mais c'est la langue universelle de tous les chevaliers d'Athéna. Mais tu dois le savoir puisque toi-même le parles.

Ayan hocha la tête.

- C'est aussi la langue dans laquelle nous nous parlons sur la Terre des Rêves. Seuls quelques-uns uns de mes amis et moi-même nous parlons en russe.

- C'est pas tout ça, intervint Hyôga. Si on mangeait ?

Les deux autres se mirent à rire.

- Très bien ! Choisissons !

Hyôga se pencha sur Shun et lui traduisit les plats. Puis quand le serveur vint s'enquérir de leur choix, c'est lui qui annonça les choix de tous dans un très bon français teinté d'un léger accent russe. L'attente ne fut pas longue. A peine dix minutes plus tard, le serveur revenait avec les trois plats. Hyôga, mais aussi Ayan et Shun se jetèrent sur leurs assiettes. Tous mourraient littéralement de faim. Le steak de thon de Shun et les entrecôtes de ses amis furent avalés en un rien de temps.

- Ça va mieux là ! Fit Hyôga en s'étirant de tout son long.

- C'était excellent, ajouta Shun en hochant la tête.

- Vous voulez un café ? Interrogea Ayan.

Les deux garçons se regardèrent en hésitant puis Hyôga répondit :

- Avec plaisir…

Ayan interpella le serveur qui repartit avec les assiettes vides et la commande. Il revint très vite avec les trois cafés que les trois amis entreprirent de boire avec délectation. Il y eut alors un long moment de silence durant lequel Hyôga et Shun observèrent avec attention le monde qui les entourait. Leurs airs pensifs firent finalement réagir Ayan :

- Eh bien, qu'est ce qui vous arrive ? Vous avez l'air bien rêveurs…

Hyôga eut un sourire lointain et répondit pensivement, sans détacher son regard de l'horizon qu'il fixait :

- C'est étrange… Je crois bien que c'est la première fois de ma vie que je déjeune avec des amis à le terrasse d'un café…

- … La première fois aussi que l'on flâne dans une ville étrangère comme de bons touristes étrangers !

A ces mots, Ayan réalisa à quel point leurs vies ne ressemblaient à aucune autre, à quel point elles étaient vides de toutes banalités, à quel point le destin avait laissé peu de place à la fantaisie à ces jeunes chevaliers. Elle décida alors dans l'instant de les faire profiter au maximum de ce court voyage à Paris.

- Vous avez fini ?

Les deux garçons hochèrent la tête d'un même mouvement. Ayan demanda alors l'addition, fouilla dans une de ses poches d'où elle sortit un petit étui. Elle en tira une petite carte et se leva.

- Qu'est ce que c'est que ça ? Fit Shun, les yeux exorbités.

- Quoi ça ? Demanda Ayan, surprise.

Shun désigna de la tête la petite carte qu'Ayan tenait dans sa main.

Ayan éclata de rire et répondit, mi surprise, mi amusée :

- Ben, c'est une carte de crédit bien sûr !

Shun et Hyôga regardèrent la carte en question avec curiosité.

- Et à quoi ça sert ? Demanda à son tour timidement Hyôga.

Pour le coup, Ayan se rassit à sa place et regarda les deux amis d'un air ébahi :

- Sérieusement, vous n'en aviez jamais vu ?

Après s'être consulté du regard, Shun et Hyôga hochèrent la tête en prenant un air faussement honteux.

- C'est avec ça que je vais payer le resto… expliqua Ayan. C'est un moyen de paiement.

Elle regarda les deux autres qui hochaient pensivement la tête en la regardant et conclut alors :

- Décidément, c'est encore plus grave que ce que je croyais…

Elle se releva et cette fois, se dirigea vers le comptoir où elle paya le repas du trio. A son retour, Hyôga qui semblait en pleine réflexion, l'interrogea :

- Mais d'où sors-tu une carte de crédit ?

Ayan sourit de nouveau et répondit malicieusement :

- Tu ne crois tout de même pas que nous vivons seulement de nos cultures de pommes de terre, non ?!

- A vrai dire, je n'en sais trop rien…

- Eh bien non ! Je dirais que nous avons quelques appuis dans le monde civilisé !… Tout comme le sanctuaire d'ailleurs…

Hyôga hocha la tête, toujours absorbé par ses réflexions mais se contenta de cette réponse et n'ajouta rien. Le trio marcha quelques minutes au hasard dans la capitale française avant que Shun ne finisse par demander :

- Quel est le programme maintenant Ayan ?

La jeune fille sembla hésiter un moment et déclara finalement :

- Cet après-midi, je vous amène à Versailles.

- Versailles ?

C'est effectivement ce qui fut fait. Ayan mena elle-même les deux amis à travers le vaste château de Versailles, ses nombreuses galeries et ses jardins.

- Tu connais donc bien la France Ayan ? Interrogea Shun.

La jeune fille approuva.

- Mon maître pense que mes parents étaient français. Je viens ici depuis très jeune. Yamachi voulait que je garde un lien avec mes racines… C'est d'ailleurs pour cela qu'il s'est efforcé de m'apprendre aussi bien le français que le russe.

- C'est une chance que ton maître parle français alors…

- Mon maître devait bien parler 15 langues, tu sais.

- 15 langues ! Et toi, combien en parles-tu ?

- A peine quatre : français, russe, anglais et grec ancien comme je te le disais tout à l'heure. A la cité, on se parle normalement en grec ancien.

- Tout comme au sanctuaire… Dis-moi, quand tu viens en France tu viens toujours à Paris ? Fit Shun, changeant brusquement de sujet.

Ayan secoua la tête.

- Non, j'ai aussi été me balader au bord de chacune des mers qui bordent ce pays, et en Savoie et dans les Pyrénées aussi.

Shun et Hyôga hochèrent pensivement la tête.

- Je crois qu'un jour, je reviendrais par ici… fit Shun. C'est une très belle ville.

- Malgré la tour Eiffel ?

Shun éclata de rire.

- Eh bien oui, malgré la tour Eiffel !

- Je suis contente de voir que vous appréciez ma seconde patrie.

Shun et Hyôga sourirent devant le solennel de la voix et Ayan ajouta :

- Quand nous aurons plus de temps, je vous amènerai partout où j'ai été ! Mais pourtant l'instant, on se finit cette visite !

Le soir tombait lorsqu'ils revinrent dans le centre parisien. La journée avait été agréable et les trois amis déambulaient à présent dans les rues parisiennes au hasard de leurs pas, admirant l'étrange lueur que prenait la ville dans les dernières lumières changeantes du crépuscule. Dans le fond, ces ombres feu qui se découpaient ça et là n'avaient rien de plus que celles qu'ils pouvaient admirer en Grèce ou à Tokyo mais ce qui faisait toute la différence, c'était cette vie à la fois si paisible et si bourdonnante qui régnait dans la capitale française à l'architecture si différente de ce qu'ils connaissaient déjà. Et aussi l'étrange sentiment de liberté et de paix qui habitait les deux amis dans la douceur de ce début de nuit parisienne.

- Je crois qu'il est grand temps pour nous de rentrer à Athènes, murmura Shun.

Les deux autres ne répondirent d'abord rien puis ce fut Ayan qui s'écria :

- Allons, vous n'allez pas partir déjà ! Restez encore ce soir, c'est là que c'est le plus intéressant ! Vous rentrerez demain matin à la première heure.

Les deux garçons échangèrent un regard interrogateur. Puis enfin, avant que Shun n'ait le temps d'ouvrir la bouche, Hyôga répondit :

- C'est entendu, Ayan.

- Formidable ! Alors suivez-moi !

Les deux garçons lui emboîtèrent le pas, tout en s'interrogeant sur les raisons de l'air malicieux qu'arborait la jeune fille. Le petit groupe déambula une nouvelle fois à travers les rues de Paris, pendant près d'une heure. Quand Ayan s'arrêta enfin, la nuit était cette fois bien tombée. Ils se trouvaient devant la porte d'un hôtel, qui sans être monumental, avait fière allure. Ayan entra sans hésitation, suivi de ses deux amis, plein de curiosité. Le hall de l'hôtel était pavé de grandes dalles de couleur claire, qui recouvraient également les murs. Il était vaste, très haut et éclairé par de grands lustres, dont la lueur donnait une ambiance très feutrée. Ayan s'avança jusqu'à la réception qui se trouvait au fond de la pièce et s'adressa ainsi au réceptionniste :

- Bonsoir, Ayan de Melburry.

L'homme en face d'elle lui sourit et chercha un instant quelque chose avant de lui tendre une clé.

- Je voudrais aussi la suivante s'il vous plaît.

L'homme hocha la tête, lui retendit une autre clé.

- Bonne soirée mademoiselle.

Ayan fit alors signe aux garçons de la suivre et s'engagea dans un couloir à droite de la réception. Au bout de quelques pas, ils parvinrent à un escalier qu'ils entreprirent de gravir lestement. Arrivée au sixième et dernier étage, Ayan tourna à gauche et s'enfonça jusqu'au bout du couloir où elle s'arrêta devant la dernière porte qu'elle ouvrit.

- Entrez messieurs, fit-elle en s'effaçant devant les deux garçons.

Hyôga et Shun s'exécutèrent. La chambre dans laquelle ils venaient de rentrer était vaste, munie d'un très grand lit à baldaquin, d'une grande armoire en bois massif, d'une table et de quelques chaises. En face de la porte d'entrée, une large porte-fenêtre ouvrait sur une terrasse qui permettait d'admirer les lumières de Paris. Enfin, une autre porte menait à la salle de bains.

Ayan en ouvrit l'un des placards dont elle sortit des serviettes de bains et des gants de toilettes.

- Vous n'avez qu'à prendre une douche, je reviens de suite avec des fringues propres.

- Des fringues propres ?

Ayan hocha la tête et sortit en disant :

- A tout de suite !

Shun et Hyôga se laissèrent alors tomber sur le lit lourdement.

- Eh bien, ta copine est pleine de surprises, fit Shun.

- Ça pourrait être pire ! Plaisanta Hyôga.

- Tout de même… continua Shun. Cela fait un moment maintenant que je suis parti du sanctuaire, ils vont s'impatienter… Ce n'est pas très sérieux d'être ici alors qu'on nous attend…

- Ah détends-toi Shun… Qu'on soit aujourd'hui ou demain à Athènes ne change pas grand-chose. Ce n'est pas tous les jours qu'on peut prendre un peu de vacances…

- Je me sens un peu mal à l'aise tout de même…

A ces mots, Shun se releva et se dirigea vers la fenêtre contre laquelle il s'appuya.

- Au fait, d'où sort-elle cette fille ?

Hyôga eut un petit sourire :

- Ça t'intrigue n'est-ce pas ? J'ai connu Ayan lors de mon entraînement en Sibérie. Elle s'entraînait avec son maître à quelques pas de là. De temps en temps, elle venait nous voir. Elle, Isaac et moi étions amis. Nous avons grandi ensemble. Peu après la disparition d'Isaac dans la mer de Sibérie, quand nous l'avons cru mort, elle a disparu sans laisser de traces. Je l'ai cru morte elle aussi. Je l'ai retrouvée devant le chalet quand je suis rentré de Grèce.

- C'est un drôle de personnage… fit Shun pensif.

Hyôga hocha la tête.

- C'est vrai… Je me demande d'ailleurs ce qu'elle nous prépare…

- En tous cas, moi je suivrais bien ses conseils et je vais aller me prendre une douche. Ça me fera du bien.

Puis, joignant le geste à la parole, Shun fit voler son tee-shirt et sa salopette en un clin d'œil et disparut dans la salle de bains. Bientôt Hyôga entendit l'eau couler. Il s'allongea sur le lit et ferma un instant les yeux, se laissant bercer par le seul son de l'eau dans la pièce voisine. La douceur de l'instant était appréciable et le jeune homme en profitait pour se remémorer les bons moments de la journée. Ils avaient été nombreux et à coup sûr, ce jour garderait une saveur particulière dans sa mémoire, lui à qui les bons souvenirs faisaient cruellement défaut. Bientôt Shun réapparut sur le seuil de la salle de bains, enroulé dans un drap de bain, les cheveux mouillés et une serviette sur les épaules. Hyôga se demanda alors ce que ce dernier avait pensé de la journée et le lui demanda donc en ces termes :

- Dis-moi, Shun, qu'as-tu pensé de cette journée ?

Tout en se frictionnant les cheveux avec force, Shun adressa un sourire à son ami et répondit :

- C'était formidable ! Vraiment très agréable. Pour la première fois de ma vie, j'ai eu l'impression d'être normal ! Et je dois dire que c'est très agréable comme sensation.

Hyôga sourit à son tour.

- J'ai le même sentiment que toi. Le retour à Athènes va être dur !

Shun se mit à rire.

- N'exagérons rien ! Une seule journée ne peut gommer toute une vie…

Ramené en une phrase à la dure réalité, Hyôga esquissa un petit sourire triste à ces paroles puis se redressa de la couche :

- Bien, à moi de prendre une bonne douche !

Ce disant, il se dévêtit à son tour et disparut dans la salle de bains. A peine avait-il fermé la porte de la salle d'eaux qu'on frappa à celle d'entrée. Shun, toujours en tenue légère, se leva et alla l'entrouvrir. C'était Ayan qui se tenait derrière la porte, les mains pleines de paquets. Shun ouvrit alors la porte en grand, s'effaça pour la laisser entrer en la libérant partiellement de son fardeau au passage. La jeune fille posa ses paquets sur le lit et enjoignit du geste Shun à en faire autant.

- Tu comprends, j'ai préféré frapper, Hyôga est d'un pudique ! Fit-elle, suivant le cheminement de sa pensée.

Shun se mit à rire.

- Vraiment ?

Ayan hocha la tête et entreprit d'ouvrir l'un des paquets qu'elle avait ramenés. Elle en tira des sous-vêtements qu'elle tendit à Shun, puis un pantalon et une chemise. Un peu étonné, Shun considéra le pantalon bleu marine, en toile, à la coupe parfaite que venait de lui donner Ayan.

- C'est classe ! Fit Shun, un peu admiratif.

Puis il déplia la chemise blanche, à manches courtes qui accompagnait le pantalon.

- Ce sont des choses très simples, précisa Ayan. Mais bon, avec ça vous aurez tout de même

l'air de quelque chose !

- Je ne suis pas sûr que je doive prendre cela pour une plaisanterie… Sourit Shun.

- Tu aurais tort car cela en est une. Enfin presque bien sûr !

- C'est bien ce que je me disais !

Puis, alors que discrètement, Ayan s'était éclipsée sur la terrasse, Shun entreprit de s'habiller. Une fois fini, il alla s'admirer devant la glace qui ornait les portes de l'armoire de la chambre. Effectivement il avait belle allure dans cet ensemble et se retourna plusieurs fois devant le miroir afin de se voir sous toutes les coutures. Enfin rassuré, il sortit sur la terrasse rejoindre Ayan. Il faisait noir maintenant mais aux lueurs de la ville Shun vit que la jeune femme était appuyée sur la balustrade et semblait fixer un point invisible dans le lointain. Il s'accouda à ses côtés, ce qui la fit sursauter.

- Eh bien, tu as l'air bien pensive dis-moi. Quelque chose ne va pas ?

Ayan secoua la tête et se tourna vers Shun en affichant un joli sourire.

- Non, tout va bien, ne t'en fais pas.

Puis elle posa sa main sur l'épaule de Shun et le fit reculer de quelques pas jusqu'à ce qu'il soit dans la lumière donnée par la chambre.

- Tu es superbe comme ça ! S'exclama-t-elle alors. Qu'en penses-tu ?

- J'aime beaucoup ! Répondit Shun. Mais d'où sors-tu ces vêtements ?

- Tu ne crois tout de même pas que lorsque nous venons à Paris, nous nous baladons habillés comme des gueux tout droit sortis de la Grèce antique ! Nous avons l'habitude de descendre ici et nous y avons une réserve d'habits mettables en toutes circonstances. Alors je me suis dit que ce serait aussi bien de vous en faire profiter d'autant que vos fringues ont bien besoin d'être lavées !

Shun approuva d'un signe de tête et enchaîna :

- C'est vrai, tu as raison, nous serons plus corrects ainsi.

Ayan hocha la tête à son tour et changea totalement de sujet :

- Mais dis-moi, que fait Hyôga ?

- Je crois qu'il est encore à la salle de bains.

Comme pour lui donner tort, la porte de ladite salle de bains s'ouvrit à l'instant même où Shun finissait sa phrase, laissant apparaître Hyôga, lui aussi enroulé dans une serviette de bains qu'il tenait fermée de sa main gauche. Il rejoignit ses deux amis sur la terrasse.

- Tu en as mis un temps ! S'exclama Ayan.

- Tu exagères, j'ai fait très vite ! Et puis nous verrons bien le temps que tu y passeras toi surtout!

Puis se tournant vers Shun :

- Te voilà joliment habillé ! D'où sors-tu ça ?

- C'est Ayan qui me les a prêtés.

- Et ne t'inquiètes pas, il y en a autant pour toi, renchérit Ayan.

- Ah, c'est hors de question ! Protesta Hyôga. Pas question que…

- Pour une fois que tu auras l'air convenable, tu peux faire un effort…

- Jamais sans mes guêtres ! Fit Hyôga d'un air boudeur.

- Ah non, tout sauf ces guêtres immondes ! On est à Paris ici pas au fin fond de la Sibérie !

- Désolé mais j'adore ces guêtres et…

Mais cette petite dispute fut interrompue par Shun qui, tout en se dirigeant vers l'intérieur lança par-dessus son épaule :

- De toutes façons, c'est trop tard, nous avons donné toutes tes fringues au nettoyage !

Puis vif comme l'éclair, il ramassa ses vêtements et ceux de son ami qui traînaient encore au pied du lit et disparut dans le couloir.

- Le traître ! S'exclama Hyôga.

Ayan partit alors d'un bon rire et donna une bourrade amicale à son ami.

- Allez, sois beau joueur ! Tu t'es fait avoir mais ce n'est pas si grave que ça. Dès demain tu retrouveras tes chères guêtres et en plus elles seront propres et sentiront bon !

- Si tu le dis ! De toutes façons, je n'ai plus le choix…

- On croirait que tu pars au supplice ! Rigola Ayan en se dirigeant à son tour à l'intérieur de la chambre. Allez viens !

Hyôga la suivit et s'assit sur le lit tandis qu'elle ouvrait un nouveau paquet d'où elle extirpa un nouveau pantalon, noir cette fois, qu'elle tendit à son ami. Puis ce fut une chemise blanche à manches longues.

- Tu as également des sous-vêtements dans la poche à ta droite.

Hyôga examina le tout puis protesta de nouveau :

- Tu ne veux tout de même pas me faire mettre une chemise !

- On dirait bien que si ! S'exclama Shun, qui venait juste de revenir et que l'entêtement de son ami semblait beaucoup amuser.

- Toi, tu ne perds rien pour attendre mais je te ferais regretter cette trahison honteuse !

Cette remarque ne fit qu'augmenter l'hilarité de son ami.

- Habille-toi donc Hyôga, fit alors Ayan. Je m'en vais me doucher à mon tour !

Mais à l'instant où elle posait sa main sur la poignée de la salle de bains, les trois amis entendirent frapper à la porte. Ayan se ravisa et alla ouvrir. Les garçons la virent parlementer un instant avec un serveur de l'hôtel, puis elle referma la porte, un plateau à la main. Elle le posa sur la table de la chambre. Trois verres, une carafe d'eau et un bol de glaçons s'y trouvaient posés.

- Des apéritifs messieurs, fit Ayan en prenant son verre.

Puis le levant au devant de ses compagnons :

- A votre santé !

Les deux garçons l'imitèrent et les trois verres s'entrechoquèrent.

- Eh bien, je comprends pourquoi vous ne voulez pas rejoindre le sanctuaire ! S'exclama Hyôga. C'est qu'on prend du bon temps quand on est chevalier Kiaï !

- Exactement ! Répondit Ayan en souriant. Notre chef vénéré, Sirius, pense très justement que tout guerrier a droit à un peu de distractions de temps en temps afin qu'il reste opérationnel !

- Eh bien finalement, nous aurions peut-être dû insister pour que Sirius accepte de revenir au sanctuaire, il aurait ainsi pu glisser ce genre de conseils à Athéna et au pope !

Tous se mirent à rire.

- Alors à ce bon Sirius et au sanctuaire d'Athéna ! Fit Ayan en levant une nouvelle fois son verre.

Elle but alors quelques gorgées de plus puis reposa son verre et attrapa un des paquets restés sur le lit.

- Bien je vais me doucher, finissez pendant ce temps.

Les garçons hochèrent la tête. Quand elle eut disparu à son tour dans la salle de bains, Hyôga entreprit de s'habiller et comme Shun un peu plus tôt alla se mirer dans la glace.

- Qu'en penses-tu ?

- Tu es parfait ! Fut le seul commentaire de Shun.

Ceci dit, son verre à la main, il se leva et invita Hyôga à en faire autant.

- Allons un peu sur la terrasse.

Hyôga le suivit et les deux garçons s'assirent sur le rebord du balcon, leurs verres à la main. Ce fut d'abord le silence, chacun semblant perdu dans ses pensées. Puis Shun se retourna et d'un geste du bras embrassa toute la ville qui s'offrait devant eux.

- C'est vraiment magnifique… Je ne sais pas si c'est le fait d'être ici en touriste qui me donne cette impression de beauté dans toutes les choses que je vois ici, mais en tous cas je me sens merveilleusement bien…

Ce disant, il s'était accoudé au balcon et retourné vers son compagnon. Hyôga lui adressa alors un sourire et hocha la tête :

- Je ressens la même chose. Je ne regrette vraiment pas ce détour…

- Moi non plus ! Même mes scrupules ont disparu !

- Tant mieux ! Tu ne profiteras que mieux de cette soirée.

Shun hocha pensivement la tête.

- Je me demande la tête que feront les autres quand nous leur raconterons ça, surtout celle de mon frère…

- A l'heure qu'il est, ce pauvre Ikki est ou furieux d'être au sanctuaire à ne rien faire ou mort d'inquiétude pour toi !

- Ou parti on ne sait où comme à son habitude !

- C'est bien possible, approuva Hyôga.

- En tous cas, je suis content que nous rentrions avec de bonnes nouvelles. J'avais si peur que nous nous rembarquions dans je ne sais quelle guerre !

- Tout semble calme désormais…

- Il va falloir entreprendre la formation des nouveaux chevaliers…

- Hum… Je ne me vois vraiment pas avec un disciple pourtant…

Pensifs à ces évocations, les garçons se remirent à siroter leur verre tranquillement. Au bout de quelques minutes, une voix les interpella :

- Hyôga, Shun ! Je suis prête ! On peut y aller.

Les deux amis se retournèrent d'un même mouvement. Ayan se tenait dans l'embrasure de la porte-fenêtre, un sourire aux lèvres. Les garçons se redressèrent alors comme mu par un ressort et Hyôga finit par bafouiller :

- Tu es superbe Ayan…

La jeune femme sourit de nouveau et s'avança vers eux. Elle portait une jupe, assez courte, légère aux couleurs chatoyantes que soulevait légèrement la douce brise du soir. En haut elle avait opté pour un tee-shirt à côtes, à manches courtes, qui mettait en valeur la finesse de sa taille, lui dégageait à peine les épaules et se découpait en un V dont la pointe courait vers sa poitrine. Hyôga ne pouvait dégager ses yeux d'elle et sentait le rouge lui monter aux joues. En effet, ce n'est pas au sanctuaire avec les femmes chevaliers ou Athéna dont la moindre robe traînait par terre qu'il aurait pu prendre l'habitude de voir une telle silhouette, pleine de grâce et de féminité. Un rapide coup d'œil à son ami lui apprit que lui aussi était subjugué par la jeune fille et s'en trouva quelque peu soulagé.

- Bon on y va ? Hé les gars, je vous parle !

A ces mots, les deux amis sursautèrent légèrement.

- Où va-t-on ?

- Manger tout d'abord. Et après je vous sors !

- Allons-y alors !

Les trois jeunes gens descendirent alors dans le hall de l'hôtel, Ayan ouvrant la marche.

- Nous allons manger au restaurant de l'hôtel : c'est super bon et c'est Sirius qui paye !

Elle avait dit vrai. Le repas qui s'ensuivit fut excellent et très copieux, largement de quoi satisfaire l'appétit d'ogre des deux chevaliers d'Athéna qui firent honneur aux nombreux plats présentés. Une telle frugalité leur valut même une visite du chef venu s'enquérir de la qualité de ces plats auprès de ces étrangers qui semblaient tant les apprécier, et ils se virent offrir un digestif et le café. Enfin, ils se retrouvèrent dans la rue, marchant dans la fraîcheur nocturne sur les pas d'Ayan.

- Quel excellent repas ! S'exclama Shun. Et le chef était réellement sympathique.

- Tu as raison Shun. Dis-moi Ayan, tu avais l'air de bien les connaître.

Ayan hocha la tête.

- Comme je te l'ai déjà dit, nous venons régulièrement ici mes amis et moi. Et nous avons nos petites habitudes...

- Où allons-nous maintenant ?

- Ah ça, vous verrez, c'est une surprise !

Le petit groupe ne marcha guère plus d'un petit quart d'heure avant qu'Ayan ne s'arrête devant la terrasse d'un bar d'où parvenait de la musique.

- Nous voici arrivés. C'est un bar dansant extrêmement sympathique.

En effet, le bar et sa terrasse étaient bondés et les jeunes gens eurent un peu de mal à se frayer un chemin jusqu'au bar proprement dit. Là, ils parvinrent à s'y accouder et Ayan commanda un verre pour chacun. On entrait dans la pièce par une grande porte-fenêtre ornée de boiseries, qui donnait sur la terrasse. D'un côté de cette entrée se trouvait le bar en lui-même, ainsi qu'un certain nombre de tables et de chaises et de l'autre une piste de danse. Ayan décrivit chaque recoin aux deux amis avant d'interroger :

- Evidemment, aucun de vous n'est jamais venu dans un bar ?

Ils secouèrent tous deux la tête avec un bel ensemble. A cet instant, la musique changea et un sourire éclaira un peu plus le visage d'Ayan.

- Allez, allons danser !

Shun et Hyôga se regardèrent avec le même air mêlé de surprise et d'hésitation.

- Désolé Ayan, mais la danse n'était pas au programme de notre entraînement ! Plaisanta Hyôga.

- Allons, c'est sans importance ! Tu te mets dans le rythme et en quelques instants, tu fais aussi bien que les autres !

- C'est hors de question ! Tu m'as déjà fait mettre une chemise, ne compte pas sur moi pour danser !

- Shun ?

Celui-ci sembla hésiter un moment mais comme Ayan le tirait déjà par le bras, il se laissa finalement convaincre par les yeux suppliants.

- A tout à l'heure Hyôga !

Le Russe observa ses deux amis se perdre dans la foule puis se retourna sur son tabouret afin de pouvoir les suivre du regard. De fait, après quelques instants d'hésitations, Shun se mit vite dans le rythme et Hyôga le vit virevolter autour d'une Ayan déchaînée. Leurs sourires et leurs yeux brillants d'enthousiasme à tous deux, faisaient plaisir à voir.

- Comme c'est étrange, murmura Hyôga pour lui-même. Pour prendre d'assaut le sanctuaire, Asgard ou le temple de Poséïdon, je n'ai jamais eu la moindre hésitation et voilà que je recule au moment d'aller faire une danse avec mes amis…

Hyôga resta immobile un long moment, à regarder s'amuser ses amis. Puis finalement, après avoir avalé une dernière gorgée de son verre, il finit par se résoudre à vaincre sa peur du ridicule et rejoignit ses compagnons. Quand elle le vit Ayan se jeta littéralement à son cou alors que Shun, visiblement exténué, partit s'asseoir sur le côté. Hyôga tenta de faire aussi bien que son ami et de suivre le rythme imposé par Ayan. Mais force lui fut de constater qu'il n'était pas vraiment doué à cet exercice ! La chaleur étouffante qui régnait en ces lieux n'arrangeait rien et finalement après avoir tout de même remonté ses manches et déboutonné le haut de sa chemise, couvert de sueur, il renonça et repartit s'asseoir à sa place originelle. Shun rejoignit alors Ayan et tout rentra dans l'ordre. A nouveau perché sur son tabouret, accoudé au bar derrière lui, et le verre de Shun à la main, Hyôga ne pouvait s'empêcher de les regarder, de la regarder. Il la voyait décrire des courbes sur des musiques endiablées. Il la buvait du regard comme s'il n'y avait plus qu'elle et se grâce majestueuse sur la piste. Ayan… La musique finit par ralentir et les danseurs se rapprochèrent afin d'entamer un slow. Hyôga continua de regarder Ayan danser en écoutant distraitement la chanson. Sans qu'il puisse dire pourquoi, son attention fut retenue un instant par les paroles. Même sans toi, je vivrai disait la chanson. Mais, moi, Ayan pourrais-je jamais plus vivre sans toi ?

Le trio regagna l'hôtel à une heure bien avancée de la nuit. Tous trois marchaient bras dessus dessous, dans les rues parisiennes endormies. Arrivés à leur chambre, ils restèrent un moment sur la terrasse à bavarder.

- Vous repartez donc demain à Athènes ?

- Oui et à la première heure ! Il faut reprendre les bonnes habitudes !

- Et toi, tu ne viens pas avec nous Ayan ?

- Non je ne peux pas, on m'attend à la cité.

- Ah !

- Bon, c'est pas tout ça mais moi je vais essayer de dormir quelques heures… Bonne nuit !

Puis Shun joignant le geste à la parole se dirigea vers la chambre où après un bref passage par la salle de bains, il se coucha dans le grand lit et s'endormit. Restés seuls, Hyôga et Ayan restèrent un instant silencieux à fixer le lointain. Puis :

- Alors Hyôga, que penses-tu de ce petit séjour ? Sympathique, non ?

Hyôga hocha la tête, sans mot dire.

- Tu es bien pensif, dis-moi…

Hyôga fit à nouveau oui de la tête.

- Tu sais, tout cela est si surprenant… Je ne pensais jamais te revoir. Je t'avais enterrée comme j'ai essayé d'enterrer tous les autres. Et voilà que tu réapparais brusquement. Nous nous sommes quittés dans la douleur autrefois, je ne peux l'oublier. Et tu vois ici, avec toi, à passer des moments aussi agréables, je me prends à me dire qu'Isaac devrait être là, lui aussi…

Hyôga se tut et continua de fixer la nuit noire alors qu'un sourire un peu las éclairait le visage fin de sa compagne.

- C'est donc à Isaac que tu penses en cet instant ? Rassures-toi, moi non plus je n'ai oublié ni les circonstances de mon départ ni mon cher ami Isaac. Mais malgré le goût amer qu'ont encore parfois ces souvenirs, je sais que c'est pour le présent et l'avenir qu'il faut vivre avant tout…

- Je sais que tu as toujours eu du mal à me comprendre Ayan mais sois sûre que la mémoire des morts, loin d'être inutile est tout à fait nécessaire.

Ayan sourit à ces mots, puis sauta au bas du rebord où elle était assise et s'éloigna vers l'intérieur. Arrivée à la fenêtre, elle se retourna et répondit alors à son ami à qui la pénombre la dissimulait :

- La mémoire des morts… Oui, Hyôga, elle est nécessaire. Tant qu'elle n'occulte pas les vivants…

Puis elle fit un nouveau pas à l'intérieur avant de se retourner une nouvelle fois :

- Demain je rentre à la cité des Rêves. Je m'arrêterai en Sibérie voir ton petit Kraken. Je vais me coucher dans ma chambre. Bonne nuit.

Puis, silencieuse comme un chat, elle traversa la chambre où Shun dormait profondément et sortit dans le couloir, laissant seul Hyôga dont le regard se perdit à nouveau vers l'horizon que n'éclairaient pas encore les premières lueurs du jour.

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Cette fiction est copyright Stephanie Fabrer.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada et Toei Animation.