Chapitre 6 : La sombre machination d'Albérich


Palais de la Princesse Hilda

Siegfried faisait les cent pas, seul, devant la salle du trône et était en proie à de profondes réflexions. Dans l'attente quasi-insupportable des résultats des combats de ses camarades et au vu de l'interdiction formelle d'Hilda qu'il quitte le palais, il ressemblait à un lion enragé en captivité. Plus encore qu'aller à la rencontre des chevaliers d'or, ce qu'il désirait par-dessus tout était de pouvoir rechercher son ami Hagen afin d'avoir une explication logique sur son brusque changement de camp. Quelles raisons avaient bien pu le pousser d'abord à déserter Hilda et Asgard et surtout à se ranger du coté de l'ennemi ? Il était impossible que la peur ait dicté sa conduite, pas Hagen. Siegfried savait par-dessus tout que son ami était téméraire, trop même à son goût, et que son rêve depuis toujours était de prouver sa valeur en temps que guerrier divin et défenseur d'Asgard. S'il avait changé de camp, il était convaincu qu'il avait été mû par d'autres sentiments que la crainte des chevaliers d'or, malgré leur réputation d'invincibilité. Mais pourquoi alors ? L'amour, peut-être… Hagen était éperdument amoureux de Freya, c'était l'évidence même. Siegfried savait qu'il l'aurait suivi jusqu'en enfer si elle le lui avait demandé. Mais tout ceci ne résolvait rien, ça ne faisait que déplacer le problème en réalité. Car dans ce cas, c'est la jeune sœur d'Hilda qui aurait trahi mais pas plus que pour Hagen Siegfried ne voyait de raison valable à tout ça. Freya avait toujours voué une admiration sans borne à sa sœur aînée et était un modèle de gentillesse et de douceur. Lui-même éprouvait une grande affection pour cette jeune fille, comme tout le monde au palais d'ailleurs. Mais tout ceci l'amena à réfléchir à autre chose au final. Si le comportement de Freya était étrange, que dire alors de celui d'Hilda ? Elle faisait montre d'une agressivité impressionnante, surtout pour ceux qui l'avaient connu par le passé. Et après tout, de même qu'Hagen avait suivi Freya dans sa fuite insensée, lui aussi accompagnait aveuglément Hilda dans sa folle quête de pouvoir et de soleil. Mais laquelle des deux sœurs était dans le tort ? Plusieurs événements passés se rappelaient à son souvenir alors qu'il cherchait dans sa mémoire des indices qui pourraient l'aider à y voir plus clair. Il se souvint alors d'une conversation datant d'une ou deux années, où les deux sœurs et Hagen étaient présents. Ce dernier affirmait vouloir être de ceux qui seraient dignes de devenir des guerriers d'Odin, destin auquel aspirait n'importe quel guerrier d'Asgard en réalité, lui-même n'échappait pas à cette règle. Mais les circonstances ne lui plaisaient guère, son seul désir, ainsi que celui d'Hagen, était de revêtir une armure divine afin de protéger Asgard de l'extérieur, pas pour jouer les envahisseurs et tenter de prendre la place d'Athéna. Cette situation ne lui convenait pas le moins du monde, d'autant plus qu'il se rappelait à présent parfaitement la réponse d'Hilda, lors de cette journée douce et ensoleillée comme il y en avait trop peu en Asgard. Elle avait affirmé que pour rien au monde elle ne souhaitait assister au réveil des légendaires armures divines, car cela signifierait que le pays serait ravagé par la guerre. Siegfried se rendit compte qu'il était heureux à cette époque, malgré les conditions difficiles imposées par le climat rigoureux d'Asgard, car il était en compagnie de son ami et de celle qu'il aimait. Ce sentiment de béatitude et de satisfaction avait complètement disparu aujourd'hui, à présent qu'Hagen avait fui et que sa princesse était méconnaissable puisqu'elle s'était elle-même contredit en réveillant les armures divines dans le seul but de conquérir d'autres terres, au mépris de leurs habitants et gardiens. Il se remémora soudain autre chose…La jeune Freya qui était venu le trouver peu avant de se faire emprisonner et qui avait tenté, vainement, de le convaincre du changement d'attitude brusque de sa sœur. Siegfried s'était montré totalement sourd à ses paroles, au grand désarroi de la jeune fille qui en avait presque les larmes aux yeux. Il est vrai qu'il s'était montré dur envers elle alors qu'elle attendait seulement un peu de réconfort de sa part. Sans doute avait-elle tenté la même chose avec Hagen lorsqu'il était allé la voir dans les cachots, mais avec succès cette fois. Ils avaient donc quitté le palais pour se rendre au sanctuaire d'Athéna, en Grèce. Le problème en agissant de la sorte était qu'ils avaient forcé la main à Hilda. Siegfried avait toujours gardé un espoir, fou certes, qu'elle renonce au dernier moment à son entreprise insensée. Mais avec l'arrivée récente des chevaliers d'or en Asgard, c'était peine perdue. Et ils n'étaient là que pour une seule chose, mettre fin à ses agissements. Même s'il désapprouvait la conduite de sa souveraine, la seule pensée qu'elle puisse succomber lors de cette bataille lui était totalement insupportable, il ne pouvait s'imaginer, pas même une seconde, vivre sans elle à ses cotés. Il était déterminé à ne laisser aucun chevalier d'or l'approcher, fut ce au prix de sa vie.
Cependant, alors que toutes ces idées fusaient à cent à l'heure dans son esprit, il n'entendit qu'au dernier moment les bruits de pas qui se dirigeaient vers lui et il se retourna aussi rapidement qu'agressivement :

-Qui va-là !! Dit-il d'une voix forte avec un soupçon de nervosité.

Syd s'arrêta instantanément, les yeux ronds de surprise devant le comportement de son ami, si calme pourtant habituellement.

-Oh, c'est toi, reprit Siegfried doucement. Désolé, j'étais perdu dans mes pensées et je ne t'ai pas entendu approcher.
-Ca n'est rien, le rassura-t-il. La situation actuelle ne prête guère à la détente, surtout que je suis détenteur de mauvaises nouvelles.
-Est-ce qu'il s'agit d'Hagen ?! Réagit-il.
-Non, nous n'avons aucune nouvelle de lui depuis qu'il est revenu. Il s'agit d'autre chose. Thor est tombé au combat.
-Tu en es sûr ?! Comment le sait-tu ? S'enquit Siegfried.
-J'ai nettement senti l'extinction de son cosmos. Pas toi ? Lui demanda Syd.
-Je t'avoue que je n'ai pas suivi son affrontement, j'étais trop occupé à réfléchir à la situation. Qui l'a vaincu ?
-Il s'agit d'Aldébaran, chevalier du taureau, dit-il d'un ton gêné.
-N'est-ce pas celui que tu as vaincu en Grèce ? Interrogea Siegfried d'un ton étonné.
-C'est bien lui, en effet. Hilda avait peut-être raison quand elle m'a dit que j'aurais du l'achever alors qu'il était à terre. Thor a payé le prix de ma stupidité, dit-il en baissant son regard.
-Ne te juge pas trop durement. J'aurais agi de la même manière à ta place, et il est de toute façon impossible de prévoir les conséquences de chacune de nos actions. L'important est d'agir en accord avec ce que l'on croit juste. Et ne pas frapper un adversaire à terre fait partie de cela, tout du moins pour toi et moi, je sais que d'autres ne s'embarrassent pas de ce genre de scrupules.
-Ca n'est pas faux, mais le fait est que je me sens responsable quand même. Mais je réparerai mon erreur et je vengerai Thor dès que ce chevalier atteindra le palais. Je te le jure !
-Fais à ta guise. Mais j'avoue me poser quelques questions à ce sujet. Je sais que tu es quelqu'un d'honnête mais peut-être as-tu exagéré lorsque tu as rendu compte devant Hilda de ton voyage en Grèce ? C'est quelque chose que je peux comprendre aisément, cependant, à moi, tu peux me dire la vérité.
-Que veux-tu insinuer ? Le questionna Syd en fronçant soudainement les sourcils.
Tu crois que j'ai menti en disant que j'avais terrassé cet homme, c'est ça ?
-Ecoute, essaie de comprendre mon point de vue. Tu dis l'avoir battu d'un seul coup, ce qui tendrait à prouver son manque de puissance et de vitesse. Même sur le moment, j'ai trouvé ça étrange, si tu te rappelles bien. Et voilà qu'il vient de battre Thor, qui est loin d'être un enfant de chœur, en combat singulier !
-C'est pourtant la vérité, je te le jure ! Dit-il solennellement. Je l'ai réellement battu en une seule attaque, mais j'avoue avoir été surpris par son manque de réaction sur le moment…
-Je te crois, sois-en sûr. Mais peut-être as-tu eu de la chance en fin de compte, donc si tu es amené à le rencontrer à nouveau, ce qui arrivera sûrement, sois extrêmement prudent. Je crois que si tu le sous-estimes tout comme Thor a dû le faire d'après le rapport que tu nous as fait, tu y laisseras ta vie toi-aussi. Traite-le avec respect et surtout, comme si c'était un adversaire que tu rencontres pour la première fois. Je pense que la victoire est au minimum à ce prix.
-Je suivrai tes conseils. De toute façon, le fait qu'il ait vaincu Thor prouve à quel point il est fort, je me méfierai donc si je l'affronte à nouveau. Il y a autre chose dont je voudrais te parler…
-Quoi donc ? Une autre mauvaise nouvelle, à en juger par ton visage, devina Siegfried.
-Je n'ai plus de nouvelles de Fenrir. Il a affronté un chevalier, c'est certain, mais il semble qu'il ait perdu. J'ai senti son cosmos diminuer petit à petit tandis que celui de son adversaire ne faiblissait pas.
-Et tu crois qu'il a péri ?
-Justement, je n'en ai pas l'impression. Mais j'ai du mal à croire qu'un guerrier divin digne de ce nom puisse abandonner. Ceci dit, je n'ai toujours eu en Fenrir qu'une confiance toute relative et je me suis souvent interrogé sur ses capacités et ses motivations réelles. Hilda a peut-être fait une erreur en lui faisant confiance. J'espère seulement qu'il ne se tournera pas à son tour contre nous.
-Je le souhaite aussi. Mais rien ne se passe comme prévu depuis le début, donc, je ne m'en étonnerais même pas en réalité, termina Siegfried d'un ton désabusé.

Un petit rire sarcastique trop bien connu de lui et Syd retentit dans le grand couloir du château. Les deux hommes se tournèrent dans sa direction et regardèrent d'un air méfiant Albérich se diriger vers eux, toujours avec son air hautain et arrogant.

-Allons, allons ! Le premier guerrier du royaume aurait-il perdu la foi ? Voilà qui est plutôt embêtant, dites-moi. Je me demande ce que dirait Hilda en entendant cette nouvelle, affirma Albérich, dont le sourire en coin ne disparaissait pas du visage, ce qui avait pour effet de considérablement énerver Syd.

-Que veux-tu encore ? Lui demanda-t-il agressivement. Tu ne vois pas que nous discutons entre nous ?
-Oh ! Je vous ai interrompu peut-être ? J'en suis vraiment navré, mes excuses les plus sincères aux deux seigneurs, se moqua-t-il. Mais je m'inquiète juste au sujet de notre meilleur guerrier, voilà tout. Tu as l'air totalement démotivé et dépassé par les événements, Siegfried. J'espère qu'Hilda n'a pas fait une erreur en te confiant le soin de diriger cette guerre. Après tout, je souhaite tout comme vous la victoire du Royaume d'Asgard contre la tyrannie du Sanctuaire d'Athéna. Mais comment me battre au maximum de mes possibilités si même mon supérieur ne croit pas en notre victoire?
-Cesse de te moquer sans arrêt, rétorqua Syd. C'est insupportable à la longue et ça n'avance à rien, comme à chaque fois que tu prends la parole de toute façon.
-Hohoho ! Dois-je me sentir vexé ? Ca n'est pas gentil ce que tu viens de dire là. Heureusement qu'Hilda ne partage pas ton opinion à mon sujet. C'est ça qui compte après tout, vu que c'est elle qui dirige. Tu n'es qu'un animal dressé à tuer qui obéit au moindre de ses ordres après tout, tu n'as aucun pouvoir de décision, et c'est bien heureux pour nous tous, riposta Albérich.
-Je vais te faire passer une fois pour toutes le goût de la moquerie !! Cria Syd.
-J'en frissonne de terreur, répondit Albérich du tac au tac.
-Arrêtez tous les deux, vous êtes ridicules ! Intervint Siegfried avec autorité.
-Mais enfin, vas-tu le laisser nous insulter de la sorte sans réagir ? S'étonna vivement Syd.
-Que se passe-t-il ici ?! Interrompit soudainement une voix féminine.
-Princesse Hilda, réagirent immédiatement les trois guerriers en s'agenouillant.
-Siegfried ! Quelle est la situation ? J'exige une réponse !
-Je crains que les nouvelles ne soient pas bonnes, ma reine, commença-t-il.
-C'est à dire ? Donne moi plus de détails.
-Thor a été vaincu et il semble que Fenrir aussi. Hagen est toujours introuvable et seul Mime est toujours à l'extérieur du palais et apte à se battre. C'est pourquoi je sollicite l'accord de votre part de pouvoir me rendre moi-même au front.
-Je préfèrerais que tu restes à mes côtés jusqu'à la fin de cette bataille.
-Mais enfin votre majesté, il le faut, cela vaudrait mieux, insista Siegfried.
-Je n'aime pas que l'on discute mes ordres. Pourquoi veux-tu à ce point l'autorisation de pouvoir sortir ?
-Princesse Hilda, intervint soudain Albérich. Qu'en est-il de moi ? Suis-je consigné au palais également ?
-Non. Ta présence et celle de Syd ne sont pas requises. Vous avez toute liberté d'action, peu m'importe ce que vous faites, du moment que nous remportons la victoire.
-Vous prenez une excellente décision, soyez-en sûre. Et il vaut mieux pour Siegfried qu'il reste près de vous, il ne me semble pas encore prêt à partir se battre, affirma-t-il en souriant.

Siegfried se raidit en entendant ces propos alors qu'il semblait près de convaincre Hilda mais réussi à se contenir à grand peine. De son coté, Syd était tout aussi outré et il n'avait qu'un seul désir, c'était de se jeter sur Albérich afin de faire taire sa langue fourchue.

-Tu le crois vraiment ? Demanda Hilda.
-Oui, votre altesse. Siegfried est perturbé, cela est plus qu'évident. Il s'inquiète pour son ami Hagen, ce qui est tout à fait compréhensible, mais ce comportement n'est pas adapté à la situation que nous vivons actuellement, poursuivi Albérich d'un ton doucereux.
-Est-ce vrai, Siegfried ? Interrogea Hilda en se tournant vers lui ?
-C'est à dire…bégaya-t-il.
-Laissez, Princesse Hilda, intervint à nouveau Albérich. Je me sens de taille à le remplacer le temps qu'il retrouve ses esprits et toute sa combativité, ce qui ne saurait tarder, n'est-ce pas Siegfried ?
-Oui, bien sûr… Vous pouvez me faire confiance, ma reine. Je ne vous décevrai pas, je vous le promets, répondit Siegfried, au comble de l'humiliation.
-Tu resteras donc à mes cotés jusqu'à ce moment, je compte sur toi… et sur toi aussi Albérich. Ne me décevez pas, ni l'un ni l'autre ! Avertit-elle avant de repartir dans la salle du trône.

Aussitôt la porte refermée, Syd se leva prestement et se saisit d'Albérich par le col :

-Comment as-tu osé, misérable ?! Jamais je n'aurais cru que tu pouvais être aussi perfide !
-J'ai agi uniquement dans l'intérêt d'Asgard, c'est tout. Lâche-moi à présent, s'il te plait.
-Arrête, Syd, dit doucement Siegfried.

Syd tourna la tête vers lui un instant et libéra Albérich de son emprise, même s'il bouillait encore au fond de lui.

-Je te remercie, tu es trop aimable. Sur ce, permettez-moi de me retirer, nobles seigneurs, dit-il en faisant une petite courbette.

Albérich tourna les talons et sourit une fois de dos.

-Tu as seulement eu un aperçu de ce que dont j'étais capable en perfidie, mon ami…pensa-t-il. Attends donc de voir la suite !

Cette seule pensée le réjouit à tel point qu'il laissa échapper son petit rire si caractéristique et si détesté des autres guerriers divins en s'éloignant. Les deux autres étaient restés sur place, un peu penauds mais Syd rompit rapidement le silence :

-Je n'arrive pas à comprendre comment tu as pu garder ton calme, après cette humiliation. Jamais je n'aurais pensé qu'il oserait te rabaisser ainsi devant Hilda.
-Quelque part, il n'avait pas forcément tort dans ce qu'il a dit. Il est vrai que je suis inquiet et que j'aime guère cette situation.
-C'est tout à fait normal, on le serait à moins ! Il n'y a que lui ici-bas qui ne semble pas troublé par tous ces évènements. On dirait même qu'il y prend un certain plaisir. Mais j'admire tout de même ton calme.
-Il n'aurait servi à rien de nous battre entre nous, de plus, je me méfie de lui comme de la peste. Ca n'est pas un homme qu'il faut attaquer de front sans réfléchir, il est bien trop vil et fourbe pour ça.
-C'est sûr, il est proprement insupportable ! Et ce que je supporte encore moins, c'est que la princesse Hilda semble l'apprécier et même l'écouter. On dirait presque qu'il la manipule à son gré, c'est complètement insensé !
-Je me demande pourquoi il fait tout ça…se demanda Siegfried, plus pour lui que pour Syd en réalité.
-C'est évident, rien ne l'amuse plus que d'humilier son prochain, répondit-il quand même. Il fait ça par jeu, rien d'autre.
-Tu crois vraiment ? Pourquoi a-t-il fait en sorte que je reste au palais ? Je me demande ce qu'il manigance, je suis sûr que ça cache quelque chose au fond…
-Je ne suis pas obligé de rester au palais, moi ! Je peux le surveiller si tu veux, dit Syd.
-Non, c'est inutile. Et tu ne peux pas perdre ton temps à le suivre alors que les chevaliers d'Athéna ne sont pas loin, ça ne rime à rien, répondit fermement Siegfried.
-Comme tu voudras. Je me demande quand même où il est passé à présent…
-Sans doute en train de comploter quelque chose, pour ne pas changer. Après tout, ça n'est pas forcément un mal, je suis sûr qu'il donnera du fil à retordre aux chevaliers d'Athéna avec son esprit retors et machiavélique. Mais je m'inquiète surtout de ce qu'il fera après cette bataille, si toutefois nous en voyons la fin…


Albérich se dirigeait vers la sortie du palais tout en réfléchissant lui-aussi à ce qui venait de se passer. Il ressentait une profonde satisfaction personnelle d'avoir réussi à clouer le bec de cet imbécile servile de Siegfried. Un esclave, voilà ce qu'il était en réalité pour Hilda. Ses sentiments envers elle étaient tellement visibles, qu'il en devenait facilement manipulable par un être dénué de scrupules et prêt à tout pour arriver à ses fins, tel que lui l'était. Enfin, en voilà deux, car il comptait Syd également, qui resteraient fidèles à Hilda quoi qu'il arrive. Il ne pouvait en être autrement pour Siegfried ; quant à Syd, outre le fait qu'il ressente une profonde admiration envers son ami et supérieur, il éprouvait également des remords d'avoir causé la perte d'un de ses camarades pour ne pas avoir achevé un ennemi quand il en avait eu l'occasion. Lui aussi se battrait jusqu'au bout pour réparer cette erreur. Les choses étaient donc réglées de ce coté-là. Le cas d'Hagen était toujours préoccupant en revanche. Bien que revenu en Asgard, il était introuvable et nul ne savait quelles étaient ses intentions. Aiderait-il les chevaliers d'Athéna ? Ou bien resterait-il à l'écart de la bataille ? Il était en tout cas impératif de le retrouver rapidement afin de vérifier ce qu'il en était et de l'éliminer au cas où. Heureusement, Siegfried ne lui mettrait pas des bâtons dans les roues vu qu'il était condamné à rester au palais et que jamais il n'oserait enfreindre un ordre direct de sa souveraine. Il y avait autre chose qui le perturbait cependant… Fenrir semblait effectivement toujours vivant malgré sa confrontation avec le chevalier d'or du Scorpion. C'est ce qu'il lui avait semblé ressentir, et apparemment, Syd pensait de même puisqu'il en avait fait part à Siegfried. Que s'était-il passé ? Fenrir avait-il tout simplement abandonné ? Ou son adversaire l'avait-il convaincu de se joindre à eux ? Il fallait en avoir le cœur net, Albérich ne pouvait se permettre de laisser les guerriers divins se retourner contre Hilda, tous ses projets futurs en seraient fortement compromis. Il était donc également primordial de se mettre à sa recherche. De toute façon, dans les deux hypothèses possibles à son sujet, il ne méritait plus de vivre, il avait échoué dans son devoir de guerrier divin. Il était donc envisageable qu'il ne refasse jamais surface dans le monde des hommes, il n'était qu'un vagabond sauvage après tout. Or, il avait en sa possession , comme chaque guerrier divin, quelque chose de très précieux qui intéressait grandement Albérich dans sa quête de pouvoir suprême. Un objet dont l'utilisation était connue seulement de lui et qui le propulserait à la tête d'Asgard tout d'abord, et du reste du monde par la suite. Il lui fallait impérativement mettre la main sur chaque saphir qui ornait les armures divines, la réussite et le pouvoir étaient à cette seule condition. Il savait où trouver celui de Thor, ainsi que ceux de Siegfried, Syd et le sien bien évidemment. Il n'était pas inquiet pour Hagen, étant sûr qu'il se montrerait très bientôt. Quant à Mime, il suffisait d'attendre qu'il engage son combat avec un chevalier d'or et il le repèrerait très vite. Non, seul Fenrir posait un problème au final, il serait donc le premier à être la cible d'Albérich. Il ne pouvait être loin encore, et son combat avec le chevalier du Scorpion l'ayant certainement affaibli, il serait une proie bien facile. Après l'avoir éliminé, il passerait prendre le saphir de Thor et n'aurait plus qu'à épier les gestes de Mime afin de récupérer également son saphir. Ne resterait plus que Syd et Siegfried, ils seraient donc les derniers à disparaître. Et avec le trésor obtenu grâce aux sept saphirs d'Odin, il pourrait aisément se débarrasser des chevaliers d'or restant et n'aurait donc plus aucun obstacle à la réalisation de son ambitieux projet. Oui, jusqu'à présent, tout se passait comme prévu et Albérich ne voyait aucune raison pour que ça change. Cette seule pensée le réjouit fortement et il partit dans un éclat de rire à l'instant même où il quittait le palais pour commencer à agir de lui-même afin de mener à bien l'exécution de son plan. Il attendait ce moment impatiemment, mais la précipitation n'était pas un de ses traits de caractère. Tout vient à point à qui sait attendre, voilà plutôt quelle était sa devise. Albérich était plus tacticien que guerrier véritable et pour lui, il importait surtout de mettre toutes les chances de son côté avant de commencer un combat et ce par n'importe quels moyens, voilà ce qui le différenciait des autres guerriers divins qui eux étaient capables de se battre par honneur même s'il n'y avait aucun espoir de vaincre. Quelle mentalité ridicule, comment pouvait-on être aussi stupide ? C'était une des choses qui le dépassait complètement chez ses camarades mais qui l'arrangeait grandement en fin de compte. Après tout, il préférait penser que c'était surtout lui qui leur était supérieur intellectuellement et que pas un n'y verrait clair dans son jeu avant qu'il ne soit trop tard pour tout désamorcer. Et il pourrait enfin se venger de toutes ces humiliations subies pendant des années, où il avait toujours été seul et incompris de tous. Pas un ne voyait plus loin que le royaume ingrat d'Asgard, autant cet idiote d'Hilda que son petit chien asservi de Siegfried. Mais ils verraient tous très bientôt qu'ils avaient eu tort de ne pas l'écouter et de refuser de le suivre. Tant pis pour eux après tout, ils paieraient les conséquences de leur obstination à ne pas accepter ce qui est bon pour eux et ils périraient tous, sans exception. C'est sur cet état d'esprit revanchard et résolu qu'Albérich quitta le palais d'Hilda pour commencer son entreprise à l'impact certain mais encore indéterminé sur le royaume d'Asgard…



Non loin du Palais

De son coté, Aiolia était toujours étonné de n'avoir rencontré personne. Il avait bien sûr facilement échappé à l'avalanche déclenchée par Thor mais avait été séparé de ses compagnons. Ceci ne l'avait pas empêché de savoir qu'ils s'étaient tous deux battus et avaient remporté la victoire sur leur adversaire. Les guerriers divins étaient au nombre de sept, en comptant Hagen. Il en restait donc quatre à affronter et il trouvait bizarre d'être le seul à ne pas en avoir croisé. Si ça continuait comme ça, il serait le premier au palais où il en trouverait forcément, il pressa donc le mouvement. A vrai dire, il ressentait une certaine impatience d'en découdre, et ce malgré les enjeux importants de cette bataille. Il n'avait jamais réellement eu l'occasion d'affronter des adversaires dignes de ce nom et de se donner à fond pour remporter la victoire, comme l'avaient fait ces courageux chevaliers de bronze. Tout le monde les considérait comme les véritables chevaliers d'Athéna, et lui le premier, mais il souhaitait aussi jouir à présent de cette réputation. Il avait trahi et sali l'honneur de la chevalerie et avait osé porter la main sur sa déesse. Il devait à tout prix racheter sa conduite pour honorer les mémoires de son frère Aioros, de Seiya et de ses compagnons. Mais alors qu'il réfléchissait à tout ça, quelque chose l'arracha à ses pensées et il stoppa net sa course. Il lui avait semblé percevoir un son dans le lointain. Quelqu'un semblait jouer d'un instrument de musique aux alentours, un air très mélodieux, envoûtant et inquiétant à la fois. Qui donc pouvait s'amuser à faire de la musique par ce froid et cette situation de guerre ? Un fou, sûrement… mais il voulait en avoir le cœur net, d'autant plus que cette mélodie semblait avoir un aspect attractif mais bien qu'il s'en rende parfaitement compte, il n'arrivait pas à s'en détacher. Il se remit donc en marche mais d'un pas lent cette fois, tout en étant très attentif à son environnement, craignant une attaque surprise au cas où tout ceci ne serait qu'un leurre destiné à l'attirer dans un piège. Mais rien ne se produisit jusqu'à ce qu'il puisse localiser la source de tout cela. Il s'agissait d'un homme, plus exactement d'un guerrier divin au vu de l'armure qu'il portait. Il était assis sur un rocher, les yeux fermés tandis que ses doigts effleuraient sa lyre avec une fluidité déconcertante, presque surnaturelle. Ce qui le frappa, outre sa beauté, était la grande sensation de douceur et de fragilité qui semblait émaner de lui. Difficile de croire qu'un être comme lui avait élevé dans le climat rigoureux d'Asgard. De plus, il semblait complètement perdu dans ses pensées et ne faisait montre d'aucune agressivité. Aiolia s'attarda sur son armure. Celle-ci, d'un rouge vif, disposait de formes arrondies et harmonieuses et semblait parfaitement adaptée au personnage. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, Il se demanda un instant s'il avait réellement l'intention de lui barrer la route vu qu'il ne faisait montre d'aucune agressivité. A priori, seul jouer de sa lyre paraissait l'intéresser. Il prit tout de même la parole afin de vérifier les intentions de ce mystérieux chevalier :

-Je suppose que tu es un guerrier divin, se lança-t-il, mal à l'aise. As-tu l'intention de t'opposer à moi ?

L'inconnu n'avait pas réagi et continuait nonchalamment à caresser son instrument, ce qui eut pour effet de commencer à énerver à Aiolia. Le calme n'était pas son point fort d'une manière générale et l'indifférence dont faisait montre ce musicien l'agaçait copieusement.

-Je t'ai posé une question ! Je t'ordonne de me répondre ou tu le regretteras ! Avertit-il.

Sans cesser de jouer, l'homme ouvrit ses yeux aux reflets de braise et le regarda pour la première fois.

-Quelle agressivité, dis-moi, répondit-il d'une voix douce et calme. N'es-tu pas heureux de pouvoir écouter le requiem que j'ai composé pour toi ?
-Comment ?! S'écria Aiolia.
-Je suis Mime de Benetnasch, guerrier divin d'Eta et je te le répète, la mélodie qui s'échappe de ma lyre est à ton intention. J'espère ainsi te faciliter le passage dans le monde des morts. Tu devrais me remercier de veiller au confort de ton voyage dans l'au-delà plutôt que de t'emporter. Si tu te laisses faire, tu ne connaîtras aucune souffrance, je te le promets.
-Tu imagines que je vais me laisser tuer de la sorte sans rien faire? Tu es tellement naïf que ç'en est presque touchant, répliqua Aiolia.
-Ahh…Emit Mime d'un ton lourd, plein de lassitude. Pourquoi les gens choisissent-ils toujours le chemin qui mène à la violence alors que je leur propose celui qui mène à la béatitude et au doux repos de la mort ? C'est quelque chose qui me dépassera toujours…
-Tu as une façon bien singulière de voir les choses. Pas plus que toi je n'ai l'intention de me laisser vaincre mais puisque tu m'as proposé de me rendre sans combattre, je te retourne la question, à la différence que si tu acceptes, je te laisserai la vie sauve. Es-tu d'accord ?
-Bien sûr que non, répondit Mime, toujours sur le même ton monocorde. Nous nous battrons donc. C'est ce que tu désires le plus de toute façon, je peux le sentir. Tu es quelqu'un de particulièrement violent, je le vois au plus profond de toi. Et j'ai en horreur les individus de ton espèce, c'est pourquoi j'ai bien l'intention de mettre un terme à ton existence pleine de combats et de brutalité.
-Pour qui te prends-tu ?! S'emporta Aiolia. Je t'interdis de me juger, seule la déesse Athéna a ce droit ! Quant à moi, c'est ton air condescendant et le ton doucereux que tu emploies qui m'exaspèrent et on verra bien si tu chanteras toujours la même chanson lorsque tu plieras sous le poids de mes coups !

Le regard de Mime se durcit soudainement en écoutant ses paroles, il cessa de jouer et son cosmos se mit à irradier. Aiolia se concentra de même et déploya lui aussi son énergie qui vint se heurter à celle de Mime, dégageant un fin nuage de neige. Les deux adversaires étaient tendus, et prêts à déclencher le premier assaut…



Fenrir n'avait toujours pas bougé de l'ancienne propriété de sa famille défunte et était un peu abattu. Physiquement d'abord , les attaques de Milo avaient laissé des traces et maintenant qu'il n'était plus dans l'action du combat et que sa tension était redescendue, ses muscles le faisaient souffrir atrocement et il éprouvait des difficultés à respirer. Les plaies avaient commencé à saigner mais s'étaient arrêtées assez vite, heureusement avant qu'il ne perde beaucoup de sang. Ensuite, les paroles qu'il avait prononcées l'avaient marqué et il s'interrogeait sur la conduite à adopter. Devait-il cesser tout contact avec les humains et ne vivre qu'avec ses amis canins ? Ou devait-il aller aider la Princesse Hilda à s'échapper de l'emprise diabolique dont elle était apparemment prisonnière ? Le fait est que malgré tout ce qu'il pensait, il avait prit plaisir à avoir à nouveau des contacts avec des êtres humains. Aucun de ses camarades ne lui avait fait mauvaise impression, certains l'avaient même impressionné par leur seule prestance, Siegfried par exemple. De lui émanait une aura de bienveillance et de loyauté et il en était même venu à penser que jamais un homme de sa trempe n'aurait abandonné ses parents devant cet ours sanguinaire, comme l'avaient fait leurs prétendus amis. Peut-être avait-il jugé l'humanité sur ses pires éléments et qu'il les avait tous condamné à tort. Il aimait profondément ses loups, il en était certain, mais il ne pouvait nier que jamais ils ne lui apporteraient la même chose que les humains, et il en voulait pour preuve son impression omniprésente de solitude. Il fut tiré de ses réflexions par des grognements :

-Ging ? Qu'as-tu senti ? Demanda Fenrir.

Il regarda dans la même direction que son fidèle compagnon et vit une silhouette encapuchonnée dans l'encadrement de la gigantesque grille. Celle-ci commença à s'avancer lentement vers lui.

-Qui es-tu ? Réponds ou je lâche mes loups sur toi ! Avertit Fenrir.
-Allons, tu ne me reconnais pas ? Demanda l'homme alors qu'il était assez proche à présent pour que son visage soit visible.
-Oh ! Tu es… Albérich, c'est ça ? Pourquoi es-tu là ? Répondit Fenrir, assez étonné.
-C'est Hilda qui m'envoie, elle voulait savoir si tu allais bien après ton combat. Une chance pour moi que tu n'ais pas bougé de ce lieu. Tu as l'air blessé, n'est-ce pas ?
-Oui, j'ai combattu ce chevalier de toutes mes forces, mais il était trop fort. J'ai à peine réussi à le blesser tandis que lui ne m'a pas épargné, tout du moins au début de notre affrontement.
-Tu penses être capable de soutenir un autre combat ? S'enquit Albérich.
-Je suis désolé mais je ne crois pas. J'en aurai pour plusieurs jours à récupérer, d'après ce qu'il m'a dit…
-C'est tout ce que je voulais savoir, voilà qui me facilitera la tâche, conclu Albérich avec un sourire mauvais.
-Qu'est-ce que tu veux dire ?! S'écria Fenrir.
-Adieu Fenrir !! Cria-t-il.

Albérich se débarrassa de sa cape et dévoila une arme étrange, entièrement faite en cristaux et qui s'enflamma instantanément au contact de l'air. Il l'abattit violemment sur un Fenrir abasourdi mais une forme s'interposa et encaissa le coup à sa place. Ging poussa un gémissement de douleur sur le coup et s'effondra instantanément, une profonde entaille sur tous le flanc.

-Ging ! Ging !! Hurla Fenrir en s'agenouillant pour examiner son loup qui malheureusement avait péri sur le coup. Il est mort, tu l'as tué !!
-Quel animal stupide, décidément ! je croyais que seuls les hommes pouvaient l'être assez pour se sacrifier à la place d'un autre. Tu devais avoir une bien mauvaise influence sur lui pour qu'il ait mal tourné à ce point. De toute façon, je hais ces bestioles velues, elle sont inutiles et nuisibles et je ne compte plus le nombre de fois où leurs hurlements m'ont empêché de dormir et hanté mes nuits. Celui-ci aura payé pour tous les autres, dit-il avec un profond dégoût.
-Assassin ! je vais te faire payer ton crime ! Gronda Fenrir, une lueur meurtrière dans l'œil.
-Hahaha !! S'esclaffa Albérich. Tu es ridicule ! Dans l'état où tu es, tu ne tiendras pas une seconde contre moi. Avec mon épée flamboyante, je ne ferai qu'une bouchée de toi. Mais si tu es décidé à défendre chèrement ta peau, tant mieux, ça n'en sera que plus excitant, j'aime que mes proies se défendent avant de succomber, ajouta-t-il en se moquant.
-Je n'ai jamais été la proie de quiconque et ça n'est pas aujourd'hui que ça changera ! Et tu oublies que je ne suis pas seul à me battre, mes fidèles compagnons m'aideront à venir à bout de toi !
-Excellente initiative, j'approuve ! Une fois que je les aurai tous tué, je m'en ferai un magnifique manteau de fourrure, c'est bien la seule chose à quoi peuvent servir ces maudites bêtes, répondit Albérich d'un ton méprisant. Je vais tous les découper en morceau et je finirai par toi, histoire que tu assistes à l'agonie de tes animaux de compagnie ! En garde, ex-guerrier divin d'Epsilon !

Fenrir se releva tant bien que mal et rameuta tous ses loups d'un sifflement strident. Albérich était complètement encerclé à présent, mais son sourire narquois et triomphant ne s'effaçait pas de son visage et il semblait étonnamment maître de lui, trop même aux yeux de Fenrir qui était au comble de la colère. Cet homme était un monstre, un de ces êtres vils et lâches qui lui avaient donné cette piètre opinion de l'espèce humaine et il était bien décidé à ne pas laisser à nouveau ce genre d'individu détruire sa vie. Il concentra les dernières vibrations de son cosmos et se jeta sur lui, en même temps que tous ses loups…

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Cette fiction est copyright Thomas Lafargue.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.