Chapitre 5 : Sacrifice


" Posez cela ici, ce sera parfait. "

Les trois employés de l'hôtel déposèrent la lourde caisse de bois, et malgré leurs airs interrogateurs, s'abstinrent de toute question, se contentant de fixer le visage de cet homme étrange, au corps décharné, arborant sous ses longs cheveux noirs ondulés, la peau pâle et les yeux fixes de celui dont le regard ne se tourne que vers le passé. Puis ils prirent congé, laissant les trois personnes seules dans la chambre, au sein de cette ancienne bâtisse dont l'on tentait vainement de dissimuler la décrépitude. En plus de cet étrange personnage, et d'une adolescente au visage dissimulé par un masque, arborant deux gravures sous les yeux, et aux longs cheveux d'ébène, assise sur le lit, un garçon de son âge, brun coupé court et aux yeux fuyants, tentait de sortir en hâte son cube de bronze, arborant une tortue, de la grande boîte qui contenait leurs trois armures. Tous étaient habillés sobrement, pantalons, chemises et T-shirt noirs, rien de marquant ne transparaissait dans leurs apparences, en tout cas, rien qui ne puisse les trahir comme étant des Saints d'Athéna…

" Alors Draven, que fait on maintenant ? ", demanda la jeune fille en se déplaçant elle aussi vers un container gravé d'un large bouclier, semblable à un pavois de chevalier. Les trois envoyés du sanctuaire étaient arrivés sur place il y avait plus de deux jours, afin d'en savoir plus sur les troubles qui secouaient Cuba, et surtout, savoir à quel ordre appartenaient les guerriers qui semblaient aider les rebelles dans leur prise de pouvoir sur l'île. Depuis, ils avaient fait le tour des ambassades et des lieux qui avaient représenté l'ancien pouvoir en place, pour n'y malheureusement trouver que ruines, et même les corbeaux envoyés par le chevalier d'argent avaient été incapables de dénicher qui que ce soit. La cité de La Havane semblait totalement livrée aux pillages et à l'anarchie, et la relative sécurité de l'immeuble ne reposait que sur les gardes armés postés sur son perron. Quelques journalistes y résidaient également pour suivre en direct les combats, mais à part quelques clichés peu réussis, ils ne possédaient aucune trace prouvant le passage d'un quelconque guerrier divin.

" On attend une journée ou deux de plus, et si rien de significatif ne se passe, nous aviserons le sanctuaire de notre échec, afin qu'ils envoient quelqu'un possédant des pouvoirs susceptibles de nous venir en aide. D'ici là, quelques rondes en ville me semblent le plus adapté ".

Leur compagnon leva la tête soudainement :

" Mais, si nous sortons de nouveau, nous allons finir par être repérés par les guérilleros, vous savez qu'ils détestent les étrangers, et la plupart sont lourdement armés !
- Oui, et après ? Tu as peur des flingues la tortue ? ", railla la fille au masque sans même le regarder. Le garçon se tut aussitôt, se murant dans le silence.
" Eleanor, je peut te parler en privé une seconde ? ", lança Draven, passablement ennuyé, ouvrant la porte donnant sur la salle de bain, ou elle le suivit. A l'intérieur, il s'appuya contre le lavabo crasseux, attendant qu'elle prenne ses aises à son tour, s'installant sur le bord de la baignoire.
" Bien, quel est ton problème avec Ugo, tu l'ignore en permanence, et dés qu'il ouvre la bouche tu l'insulte, vous êtes chevaliers de bronze tous les deux, pourquoi ce comportement ?
- Mais vous ne le connaissez pas ? C'est la tortue, la honte du sanctuaire, le seul qui n'a même pas eu à se battre pour avoir son armure. On aurait dut le virer depuis longtemps, il n'a pas sa place au sein de notre ordre, c'est un pleutre et un incapable.
- Tu le juge durement pour quelqu'un qui ne le connaît pas, il n'a pas eu à se battre, pour la bonne raison qu'il est le seul à avoir survécu à l'entraînement, il a souffert, tout comme toi, et si son armure l'a accepté, c'est qu'elle l'a jugé digne de la porter ".

Elle pouffa d'un rire cynique.

" Pff, vous parlez, l'armure de la tortue, vous avouerez que…
- Ca suffit, aucune armure n'est supérieure ou plus ridicule qu'une autre, et si tu continue à te comporter comme cela vis à vis de lui, j'en référerais au Pope, c'est un comportement inacceptable pour un chevalier d'Athéna ! ".

A côté, Ugo, des larmes de frustration au coin des yeux, entendait le ton monter, comme il avait souvent entendu son maître le faire pour prendre sa défense, ou même ses parents avant lui. Non, il ne s'était jamais battu auparavant, mais il savait au fond de lui, que si tous les autres étaient morts durant la formation, c'était que le destin l'avait choisi pour ce rôle. Il ne comprenait pas qu'une déesse prêchant la justice et l'amour oblige ses fidèles à devenir si durs, à devenir des guerriers, mais il l'avait toujours accepté, même si parfois il haïssait le monde entier pour cela. Et plus que tout, il détestait être rabaissé par Eleanor, à qui il vouait une véritable adoration, tant pour sa vaillance et sa force, que pour cet amour coupable qu'il lui portait secrètement. Il serra donc les poings en tentant de se ressaisir au plus vite, et faire comme toujours, feindre que rien ne s'était passé, et que rien n'avait d'importance, maudissant sa propre timidité, sa propre incapacité à partager ses sentiments et à s'imposer au monde…

Ayant décider de ne sortir qu'a la nuit tombée, Draven imposa le repos à ses maigres troupes, leur laissant lit et fauteuil, lui même se reposant sur le tapis, adossé à la boîte argentée contenant l'armure du corbeau. Caressant un anneau d'or pendu à son cou, il observa le ciel au dehors par la fenêtre ouverte, un hurlement et la colère combattants son sommeil, résonnants dans son esprit comme chaque jour de sa vie, depuis les heures maudites durant lesquelles tous ses rêves s'étaient brisés, bien avant qu'il ne devienne chevalier. Parfois, au cœur de l'obscurité, lorsque la lune éclairait sa peau d'argent, il revoyait son visage, ses traits si doux et tellement emprunts de cette souffrance, cette douleur de le voir blessé et impuissant, et il tendait la main, toujours plus loin, tout en sachant que quand ses doigts toucheraient sa peau, une fois de plus, elle s'évanouirait dans les brumes de ses songes. Désormais il était prêt à se battre et à mourir, pour que personne, plus jamais, n'ait à suivre sa voie ténébreuse, subir sa solitude glacée, vivre, avec dans le cœur, la cruelle malédiction du corbeau…
Et le soleil se coucha lentement sur la cité emplie de violence, expulsant Draven du monde de son propre cauchemar, pour replonger une fois de plus dans un autre, juste un peu plus réel. Se levant, il revêtit en un instant sa lourde carapace luisante, réveillant ses deux jeunes acolytes. Un soupire, entre fatigue et contentement, s'échappa du masque d'Eleanor tandis qu'elle revêtait l'armure pourpre de l'Ecu, puis la Tortue sembla s'extirper de sa boîte, sautant littéralement sur le corps d'Ugo, sa large carapace devenant un solide bouclier pendu à son bras. Après un signe de tête de la part de leur meneur, tous se dirigèrent vers la fenêtre. Ils grimpèrent ensuite jusqu'aux toits en utilisant l'escalier extérieur.
Du haut de l'immeuble, il purent à loisir contempler la désolation : les foyers d'incendie, les patrouilles de la milice nouvellement crée, les bandes de pillards et les corps de leurs infortunées victimes, abandonnés à même les trottoirs souillés d'immondices. Survolant ce chaos, un corbeau vint se poser sur l'épaule de son maître, communiquant silencieusement avec lui sous les yeux médusés de ses compagnons.

" Mon ami a repéré un groupe de personnes en armures se dirigeant rapidement vers le nord, en les suivants nous en apprendrons peut être d'avantage sur les responsables de tout cela. Hâtons nous avant de perdre leur trace ! ".

Sautant de bâtisse en bâtisse, les trois Saints repérèrent bientôt un étrange cortège, composé d'une dizaine d'hommes et de femmes en haillons, enchaînés comme des bêtes, menés par un rude couple de personnages en armure, ne les ménageant en rien, et semblant même trouver un certain plaisir à leur détresse. Posant un genou au sol, Draven incita les chevaliers de bronze à faire de même, se dissimulant ainsi derrière la bordure de pierre du balcon ou ils s'étaient arrêtés, observant la scène de loin. La femme, qui semblait être le chef du petit groupe, portant une armure sombre pourvue d'ailes décharnées, et de deux paires de serres, une au bout des mains, et la seconde sur les épaules, montrait une ruelle non loin du doigt, donnant ses ordres à homme massif, mais de taille modeste, comme ramassé sur lui même, et portant une protection rougeâtre, pourvue de deux crânes de molosse, l'un en guise de casque, et l'autre d'épaulière gauche, ainsi que de cruelles griffes, sur les poings et les genoux.
Il s'y rendit aussitôt avec une joie non dissimulée…et revint environ une minute plus tard, traînant par ses longs cheveux noirs une jeune fille hystérique, un jeune enfant en pleurs encore accroché à elle.

" J'aurais voulu vous éviter cette bataille… ", murmura Draven, comme parlant pour lui même, tandis que le tortionnaire se rapprochait de sa compagne.

" Celui ci n'est pas assez fort pour servir le seigneur de guerre, arrache le lui et débarrasse t'en ! ", lança la femme ailée, donnant de l'amplitude à sa voix, comme pour terrifier, et calmer les ardeurs des autres esclaves par l'exemple. L'autre baissa la tête et sourit sinistrement, soulevant sa proie de terre, il tendis une main énorme, capable de broyer la pierre et l'acier, vers le cou du jeune garçon.

Ce fut plus que ne put en supporter le Saint d'argent, sautant du balcon, il se planta à un mètre à peine du guerrier, suivi de ses deux jeunes protecteurs, tombant devant lui, leurs boucliers levés.

"Au nom d'Athéna, lâchez les ou mourrez ! ", lança Draven, ses traits déformés par la haine.

La femme, les cheveux châtains coupés très courts, eut un rire nerveux, et passa d'un coup sec son index sous son menton en regardant son compagnon…

" Non ! ", hurla le Saint, tandis que l'homme écrasait d'un geste le visage de l'enfant de son poing monstrueux, projetant ses deux victimes avec une force terrifiante, les envoyant rouler à plusieurs mètres de la, la fille continuant de fixer de ses yeux implorants ces sauveurs qui n'avaient put l'aider à temps. Ugo eut un mouvement de recule, ses tremblements de peur visibles même sous son armure, jamais il n'avait imaginé que l'on puisse être aussi cruel, aussi insensible. Il sentait qu'il était sur le point de pleurer, de hurler, mais étrangement ne le pouvait pas, comme si la colère cachée au fond de lui commençait lentement à monter, plus il pensait au fait que bientôt, ce serait Eleanor qui aurait à subir les assauts de cet être à la brutalité effrayante. Au lieu de rester en retrait, il fit un pas en avant, décidé à mourir plutôt que de reculer.

La femme, narquoise, applaudit sinistrement : " Alors, petits chevaliers, vous ne savez pas que les berserkers ne cèdent jamais ? Nous prenons ce qui nous plait, et la vie est un présent bien trop précieux pour le laisser entre les mains des faibles ! Je suis Andréa, berserker de la Stryge, et lui c'est Ramon, berserker d'Orthus, et nous sommes également ceux qui vont mettre lentement fin à vos jours ! "
Draven ne prit pas le temps de répondre, marchant simplement vers ses adversaires sous les regards implorants des prisonniers, ses deux protecteurs le précédent sans broncher. Le premier à charger fut Ramon, frappant simultanément les boucliers des deux Saints de bronze, pensant sans doutes les souffler de par sa seule force physique… Cependant, dans un fracas assourdissant, les deux boucliers tinrent bon, et même s'ils glissèrent sur quelques centimètres, ni Ugo, ni Eleanor, ne le laissèrent prendre l'avantage.

" Je vous le laisse ! ", leur lança Draven, sautant au dessus d'eux pour atterrir devant Andréa, des corbeaux commençant à se rassembler sur les toits environnants.
" Tu vois ces oiseaux berserker ? Je suis Draven, Chevalier d'argent du Corbeau au service d'Athéna, et bientôt, ils se repaîtront de ton cadavre !
- Athéna dis tu ? Moi qui pensait affronter un véritable adversaire, et pas l'un de ces pantins larmoyants du Sanctuaire, quelle déception… Tu n'est même pas digne d'affronter un Berserker ! ".

Sur ce, elle attaqua férocement, ses mains se couvrant d'éclairs irisés, crépitants à quelques centimètres des yeux du chevalier, qui n'esquiva le coup que de justesse. Utilisant le pouvoir du vent pour accélérer ses mouvements, il tenta de frapper la femme de son poing, qui esquiva d'à peine un cheveu, se saisissant de son bras, le projetant à travers la rue vers les murs en ruine d'une demeure, qui il y a quelques jour devait être l'une des plus belles de La Havane. Se retournant en vol, Draven voulut prendre appui sur la parois pour se re-projeter vers son adversaire, mais celle-ci céda sous ses pieds, s'écrasant sur lui. La Stryge, ses ailes déployées, volant autant qu'elle courait, se hâta pour tenter de l'achever dans les décombres…

Eleanor avait peur, ce n'était certes pas son premier combat, mais jamais avant ils n'avaient été à mort. Cependant, elle ne pouvait se permettre de montrer la moindre faiblesse devant la misérable Tortue, qui lui n'avait pas reculer, encaissant les coups avec courage, retenant son large pavois de la hanche, hurlant de fuir aux prisonniers apeurés. " Knight's Fury ! ", serrant les poings, elle se jeta sur l'énorme berserker, enchaînant les coups de pied et de poing avec une force surhumaine, mais l'étonnant plus que le blessant. Ramon vacilla un instant, puis poussa un grognement bestial, son aura luisant d'une fureur animale, qui ne serait apaisée que dans le sang de ses assaillants. Il frappa une première fois l'Ecu de bronze, sans même laisser une trace sur sa surface. Cet échec décupla sa rage, son cosmos écrasant littéralement celui des deux Saints d'Athéna, puis, concentrant tout son pouvoir dans le véritable marteau lui tenant lieu de main, il lança son poing avec une puissance phénoménale vers le bras de la jeune fille : " Orthos Breaker ! ". Cette fois, dans une gerbe d'éclats, le bouclier explosa, se désintégrant avec un crissement strident, comme si l'armure elle même souffrait d'être ainsi molestée. Tenant son poignet blessé, Eleanor fit quelques pas en arrière, son sang commençant à goutter le long de son gantelet. Le berserker lui sourit, s'approchant pour la saisir :

" Savez vous pourquoi vous ne pourrez jamais me vaincre ? ", questionna t'il ?
" Laisse la, espèce d'ordure ! ", Ugo tenta un coup de pied sauté dans le dos de Ramon, mais celui ci trébucha juste sur un pas en riant.
" Parce que vous n'êtes pas des guerriers. Vous n'aimez pas vous battre, entendre les os craquer sous vos coups, être couverts du sang de vos proies. Tuer, pour moi, c'est plus qu'un art, c'est ma destinée, massacrer les mortels pour la gloire d'Arès, le dieu des dieux !
- Tu n'est qu'un fou et un lâche, un tueur d'enfant ! Ne t'approche pas d'elle ! ", le chevalier de bronze frappa de toutes ses forces, secondé par sa camarade, mais rien n'y fit, l'armure du berserker était trop solide, et ils durent se rendre rapidement à l'évidence : ils n'avaient aucune chance contre lui…

Andréa arriva à une vitesse effrayante vers l'amas de pierres éclatées, point d'impact entre le mur et Draven. Elle espérait profiter de sa confusion à la sortie des ruines pour l'achever d'un unique coup bien placé, dans le dos de préférence. Ramon se battant plus loin, personne ne verrait sa traîtrise à l'œuvre, et si elle arrivait à ramener la tête du chevalier d'argent, fut ce par des moyens détournés, elle savait qu'elle serait récompensée comme il se doit. Dés qu'elle fut en vue de l'endroit ou devait reposer le chevalier du Corbeau, elle s'y projeta à pleine vitesse, ses redoutables griffes en avant, prête à le déchirer alors même qu'il était encore inconscient. Quatre mètres, trois mètres, deux mètres… et puis soudain, un cosmos comme elle n'en avait jamais ressenti avant, plein de haine et de mélancolie, un cosmos d'argent veiné de noir, rayonna alentours, l'aveuglant presque. Elle voulu changer de trajectoire, mais il était trop tard pour cela. Draven, les yeux emplis de colère, l'agrippa d'un geste malgré son formidable élan, la faisant tournoyer avant de l'envoyer vers le ciel avec une puissance incroyable pour un être si fragile en apparence. Visiblement peu affectée, Andréa se laissa aller un instant, puis se stabilisa en une fraction de seconde grâce à ses ailes, tendant une main vers son adversaire, qui venait de sauter pour continuer à la frapper durant sa chute : " Rolling Thunder ! ". Une sorte de tourbillon entrecoupé d'arcs électrique se forma devant sa paume, fonçant droit sur le chevalier d'argent, qui lui répondit en ouvrant les bras, comme pour l'accueillir prés de lui… " Crow's Massacre ! " : de l'aura du Saint semblèrent naître une multitude de corbeaux, qui heurtèrent violemment la tempête générée par le berserker, en dissipant une partie avant d'être elle même traversée. Les restes des deux attaques frappèrent alors chacun des combattants, et tous deux retombèrent lourdement au sol, gravement blessés.

De là ou ils étaient, les chevaliers de bronze n'avaient rien raté de la scène aérienne et de son mortel dénouement. Eleanor jeta un œil, tentant de percer les ténèbres afin d'apercevoir le corps de Draven, en vain…

" Chevalier de l'Ecu, tu dois aller l'aider, nous avons été envoyés ici pour le protéger, c'est notre devoir sacré, confié par le Grand Pope. Vas y, je retiendrais ce berserker. ", lança sombrement Ugo.

La jeune femme hésita un instant, puis acquiesça, faisant mine de s'enfuir, puis, au bout de quelques pas, se retourna une dernière fois, son masque de bronze finement ciselé luisant dans l'obscurité : " Je ne t'ait jamais vraiment haï, la Tortue… ", lança t'elle avant de finalement tourner les talons.

" Si tu m'avait haï Eleanor, au moins, tu m'aurait regardé… ", murmura tristement le jeune homme.
" Hé, attend, ou crois tu aller ?! ", questionna Ramon, s'apprêtant à la poursuivre.
" Là ou elle doit aller, monstre, à présent, tu n'a plus à t'en inquiéter, regarde et contemple, je vais déchaîner sur toi la fureur de la terre : Earthquake ! "

Ugo frappa le sol de son poing, déclenchant soudain un véritable séisme, ouvrant de profondes lézardes dans le bitume et dans les façades des immeubles encadrant la rue, son cosmos brillant comme jamais il ne se serait cru capable de le faire. Son adversaire, qui s'apprêtait à partir en courant, sentit soudain le sol se dérober sous ses pieds, son visage exprimant pour la première fois la surprise, puis la terreur quand il comprit que l'attaque du chevalier de bronze ne faisait que commencer, et qu'elle était sans aucun doutes capable de le tuer. Prenant appui sur ses puissantes jambes, il s'élança au moment même ou une fosse de plusieurs dizaines de mètres s'ouvrait pour le happer, sa vitesse seule empêchant le piège de se refermer sur lui. Effrayé, il dut sauter de plate-forme en plate-forme au milieu du chaos de pierre et de terre qu'était devenue la large avenue, détruisant des pans de murs entiers le prenant pour cible, et qui auraient enseveli et tué n'importe quel homme… Mais il continuait à avancer, sa vitesse lui permettant de toujours prévoires les attaques d'Ugo, qui continuait à frapper le sol pour orienter son pouvoir, et surtout, gagner du temps.
Toutefois, en quelques secondes, Ramon était sur lui, levant le poing pour le frapper de son terrible " Orthos Breaker ", capable de détruire n'importe quelle armure de bronze en un coup unique.

" Tortue, protège moi, je t'en prie, ne le laisse pas me tuer avec ce coup… ", pensa t'il en levant son bouclier. Le choc fut terrible, et Ugo eut l'impression que tout son corps allait être brisé, ses os eux même résonnants sous la force d'un tel impact. Des morceaux de métal semblables à du jade volèrent en tout sens, mais, tandis qu'ils retombaient, le chevalier vit que son bouclier avait tenu le coup, il n'avait pas cédé, l'avait protégé jusqu'à la dernière seconde. Profitant de ce moment de répit, le Saint d'Athéna saisi le berserker à la taille, s'agrippant fermement à lui.
" Je ne sait pas qui tu était chevalier, ni même si ta folie avait une explication, mais je ne peut pas te laisser la tuer, c'est au dessus de mes forces… ", ayant dit ces mots, le jeune garçon commença à augmenter son cosmos dans des proportions alarmantes. Ramon le sentit d'abord devenir aussi puissant que le sien, puis, plus puissant que celui des seigneurs de guerre eux mêmes. Voyant sa fin venir, il commença à frapper de toutes ses forces le dos d'Ugo, puis tenta de desserrer son étreinte, mais rien n'y fit, c'était comme si sa volonté avait soudain remplacée sa faible force, et qu'elle ne possédait plus aucune limite.
" Adieu mon maître, adieu Eleanor… ", il ferma les yeux.
" Lâche moi, mais lâche moi imbécile ! Arès, pitié, vient à mon aide ! ", supplia Ramon, mais en vain. Sans doutes, dans ce dernier instant de sa vie, oublia t'il que le dieu de la guerre n'a que mépris pour les faibles…

Quand le chevalier de l'Ecu retrouva Draven, il était inanimé, face contre terre. Non loin, Andréa se relevait péniblement, visiblement encore avec l'envie d'en découdre. Tendant la main devant elle, elle saisi en hâte son propre poignet, s'apprêtant à réutiliser ses pouvoirs sur le chevaliers d'argent inconscient. Elle n'en eut guère le loisir, car Eleanor, comme enragée, se jeta sur elle, la martelant de ses poings et de ses pieds avec une vitesse et une précision redoutables, visant les endroits ou l'armure du berserker était affaiblie : " Knight's Fury ! ". La guerrière divine d'Arès, épuisée par son précédant combat, n'opposa quasiment aucune résistance, mourant misérablement et dans la honte, vaincue des mains d'un chevalier de bronze. Et au moment même ou son corps s'écrasait au sol, une sorte de comète commença à s'élever dans le ciel, crevant les nuages, et s'éloignant ensuite lentement de la terre…droit vers son étoile. Mais Eleanor n'avait pas le temps de contempler ce spectacle, beau et affligeant à la fois. Soutenant le chevalier du Corbeau, elle fuit rapidement le lieu du combat, retournant, en prenant soin de ne pas être suivie, vers la chambre d'hôtel prés des toits.

Quand Draven réouvrit les yeux, il était sur un lit miteux, retourné au point de départ de leur excursion nocturne. Il se souvenait seulement d'avoir été sonné par la décharge électrique du berserker de la Stryge, puis, plus rien. Se redressant, il jeta un coup d'œil alentour, apercevant aussitôt Eleanor assise dans le fauteuil, sans doutes endormie, son masque ne permettant pas de le savoir exactement. Se levant, il fit deux pas douloureux sur le plancher râpeux, laissant enfin son armure abîmée regagner sa boîte. C'est seulement à ce moment qu'il remarqua l'absence d'Ugo, puis les restes de son armure, morte, rassemblés dans un coin de la pièce.

" Il est mort… ", lança le chevalier de bronze, sa voix ne trahissant aucune émotion.
" Mort ?
- Il s'est sacrifié pour vous sauver, pour remplir jusqu'au bout la mission qui lui avait été confiée ".

Le regard de Draven se posa alors aussitôt sur le bras blessé de la jeune fille, la ou aurait dut se trouver son bouclier.

" Et cela n'a pas l'air de beaucoup te toucher, je me trompe ?
- Il a juste fait son devoir, c'est notre rôle en tant que chevaliers d'Athéna, je ne pleure pas sa mort, pour une fois, la Tortue aura été utile…
- Utile ? c'est tout ce que tu trouve à dire d'un héros ?
- Un héros ? N'importe lequel d'entre nous l'aurait fait, il n'y a rien d'héroïque ou de spécial la dedans, c'est notre lot en tant que guerriers sacrés.
- Comment peut tu être aussi insensible ? Tu as beau dire tout ce que tu voudra, je suis persuadé qu'il ne l'a pas fait pour moi, ni même pour notre déesse ou le sanctuaire, il l'a fait uniquement pour toi !
- NON ! ", elle se leva, serrant les poings.
" C'est pourtant la vérité, et tu devra l'accepter, Ugo t'as toujours aimée, et cela a été une joie immense pour lui que de faire équipe avec toi. Seulement tu l'a insulté, tu l'a ignoré, traité comme un moins que rien à longueur de journée depuis le début de notre mission.
- Comment pouvait il m'aimer, il n'a jamais ne serait ce qu'aperçu mon visage, il ne me connaissait pas, il ne m'avait jamais vue !
- Il n'avait pas besoin de cela, voilà tout. Son cœur était pur, plus que tu ne pourra jamais l'imaginer. Peut importe que tu le nie ou non, c'est désormais un poids avec lequel tu devra vivre…
- J'y arriverais facilement, merci bien pour votre joli court de morale ", sur ces mots, elle croisa les bras, se rasseyant sur le champ.

Draven se déplaça alors jusqu'a la fenêtre, ou un corbeau le rejoint rapidement, il le fixa un instant dans les yeux, puis l'oiseau s'éloigna, partant pour un bien long voyage…

Puis le silence tomba sur la chambre comme une chape de plomb, comme si, durant quelques minutes, le temps s'était soudain arrêté.

" Dis moi Draven, je peut te poser une question ? " La voix d'Eleanor s'était radoucie, comme si elle considérait cette réponse plus importante encore que leur conversation précédente.
" Vas y, mais n'oublie pas ce que je viens de te dire !
- Voilà, Draven, ça ne fait pas très écossais comme nom, et on dit au Sanctuaire que tu as insisté pour changer quand tu est devenu chevalier, pourquoi ? "

Il soupira, passant ses doigts presque crochus sur la bague pendue à son cou.

" C'est le nom d'un personnage d'un film des années 80, dont l'histoire est assez similaire à la mienne.
- Un film ? Et que se passe t'il dedans ?
- Si un jour tu le voit tu comprendra tout, mais en attendant, sache seulement que j'ai été un jour confronté au même dilemme que Ugo, mais que c'est elle qui est morte… ".

La conversation n'alla pas plus loin, chacun restant finalement seul avec ses pensées, avec sa faute, et sa peine.

A sa grande surprise, dés qu'elle fût seule ce soir la, Eleanor pleura la mort de la tortue…

Chapitre précédent - Retour au sommaire - Chapitre suivant

www.saintseiya.com
Cette fiction est copyright Guillaume Monteil.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.