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Grèce, Sanctuaire ; trois ans plus tard. - C'est vrai que tu n'as pas eu besoin de mes conseils durant ces 3 années… Tu t'es conduit admirablement ! Ça confirme ce que je pensais de toi à l'époque, et mon opinion n'a pas changé : toi seul es digne de succéder au Grand Pope ! - Tu as peut-être raison, dit Saga. - Bien sûr que j'ai raison ! Et tout le monde au Sanctuaire est également persuadé qu'il te désignera comme successeur. - C'est vrai… - Reste quand même prudent. Il peut changer d'avis au dernier moment et en désigner un autre. - Non. Même Aioros du Sagittaire n'a pas autant de mérite que moi. Puisque après moi c'est lui qui est le meilleur candidat. Mais je lui suis supérieur en tout ! Les autres Chevaliers d'Or sont trop jeunes pour prétendre à la succession, et six d'entre eux viennent seulement d'obtenir leur armure ! - Saga ! L'interpellé se retourna aussitôt. Canon se tenait là, un sourire narquois sur les lèvres. Tu parles tout seul, Saga ? - Mêle-toi de ce qui te regarde, Canon ! Ce n'est pas parce que je t'ai laissé sortir que j'ai relâché ma vigilance. - Bien sûr… Monsieur mon frère se préoccupe toujours de moi. Remarque, je n'ai pas trop à me plaindre. Même si je suis resté enfermé plusieurs mois, tu 'as apporté ma nourriture tous les jours dans la chambre ! Tu aurais mieux fait de devenir serveur plutôt que Chevalier, Saga ! Il tourna les talons. - Où vas-tu ? - Dehors. Je vais prendre l'air ! Avant que Saga ait ouvert la bouche il ajouta. Et ne t'en fait pas ! Je connais les meilleurs coins de cette île où l'on peut passer absolument inaperçu de ces minables gardes ! Il sortit, laissant Saga stupéfait dans la maison. - Laisse-le. Qu'il profite bien de ces quelques instants de liberté… De toute façon tu seras bien capable de le retrouver avant qu'il ne fasse des bêtises. Hé hé !… - Tu m'étonnes ! C'est bien la première fois que tu prends la défense de mon frère. Mais seul le silence lui répondit. Un mois plus tard. - Athéna ! Un soldat courait le long de l'escalier des douze maisons, criant au passage de chaque maison. Athéna s'est réincarnée ! Elle est de retour ! La plupart des maisons étaient désertes, car les plus jeunes des Chevaliers d'Or étaient partis s'entraîner sur l'île. À son passage dans les maisons des Poissons, du Capricorne, du Sagittaire, du Cancer et des Gémeaux, les chevaliers présents levaient la tête. Athéna s'est réincarnée ! Dans la maison des Gémeaux, Saga sentit son cœur s'accélérer à cette nouvelle. Aussitôt il " sentit " l'autre l'appeler dans sa tête. - Le moment approche. Bientôt le Grand Pope fera connaître sa décision. C'est à ce moment-là que nous pourrons agir ! - Oui… Je serai bientôt le nouveau Grand Pope ! Représentant d'Athéna sur Terre, presque l'égal d'un dieu ! - Prends garde quand tu fais de semblables réflexions. Ton frère a bien failli nous surprendre il n'y a pas très longtemps… - Il ne pourra rien faire de toute façon ! Et comme il est sorti il ne peut pas nous entendre ! - Peut-être, mais il est capable de tout. Une heure plus tard, un autre soldat se présenta à la maison des Gémeaux. - Chevalier des Gémeaux ? - Qu'y a-t-il ? répondit Saga. - Le Grand Pope vous demande. Il veut vous voir le plus vite possible dans la salle du trône ! - Bien. Retire-toi à présent. Le garde sortit de la maison - vers le bas de l'escalier. Dès qu'il fut parti, Saga prit le chemin de la salle du Grand Pope. Les chevaliers présents dans leurs maisons le saluèrent à son passage. Le Chevalier du Capricorne Shura, devinant de quoi il s'agissait, l'encouragea à son passage mais Saga ne le remercia que du bout des lèvres car l'autre lui parlait. Passé la maison des Poissons, Saga ressentit en haut de l'escalier la présence d'Aioros du Sagittaire. Son absence de la neuvième maison l'avait d'abord intrigué, puis il s'était dit qu'il était normal que le Grand Pope l'ait convoqué lui aussi puisqu'ils étaient les deux Chevaliers d'Or les plus âgés. Saga arriva enfin à l'entrée de la salle du Grand Pope. Aioros le salua et lui demanda s'il connaissait la raison de leur convocation, mais il répondit par la négative. Alors ils ouvrirent la porte monumentale et s'introduirent dans le palais. Ils avancèrent dans l'immense salle, longue et peu large, et s'arrêtèrent à une dizaine de mètres du trône du Grand Pope puis s'agenouillèrent. Aioros prit alors la parole. - Aioros du Sagittaire et Saga des Gémeaux pour vous servir. Que pouvons-nous faire pour votre service ? - Je vous remercie d'avoir répondu à mon appel. Si je vous ai demandé de venir, c'est que j'ai à vous parler, à vous qui faites la fierté de notre confrérie. Vous n'ignorez pas qu'Athéna est revenue sur Terre au Sanctuaire, au pied de sa statue. Autrement dit elle a repris forme humaine. " Tant mieux pour elle ! " fit une voix narquoise dans la tête de Saga. Son visage resta impassible tandis que le Grand Pope poursuivait sa tirade. - Mais ceci est un signe que le mal s'apprête à refaire surface et à envahir la Terre. C'est pour combattre le mal qu'Athéna s'est réincarnée. Le Grand Pope s'interrompit pour regarder un moment les chevaliers et les laisser assimiler ses paroles. Le vieux maître et moi sommes les seuls survivants de la précédente génération de chevaliers. Il ne peut d'ailleurs plus quitter le mont des Cinq Pics où l'esprit malin de la dernière guerre sainte est désormais emprisonné. Le sceau d'emprisonnement d'Athéna ne résiste pas plus de 250 ans. Le mal va donc bientôt se libérer ! Il fit une nouvelle pause. Ce qui veut dire qu'une nouvelle guerre sainte se prépare. J'ai donc pensé que je devrais céder ma place à l'un de vous deux. J'en ferai l'annonce officielle dans quelques jours, mais… C'est à toi, Chevalier du Sagittaire. Toi qui rassembles la bonté, l'intelligence et le courage. Aioros leva brusquement la tête, comme si une guêpe l'avait piqué dans le bas du dos. - Pardon ? Moi ?! Jusqu'à cet instant Saga avait conservé un sourire tranquille, mais à l'annonce de la nouvelle, les coins de sa bouche s'affaissèrent imperceptiblement. Le Grand Pope ne vit donc rien et se remit à parler. - Vous êtes douze Chevaliers d'Or mais beaucoup sont encore trop jeunes, les autres chevaliers ne sont que d'Argent ou de Bronze, mais je sais que dans dix ans une nouvelle bataille commencera sans l'ombre d'un doute. Pour cette raison je te demande de t'occuper d'Athéna et de préparer les chevaliers pour le jour où l'heure viendra. Saga ! L'interpellé releva la tête à son tour. - Oui ? - Acceptes-tu d'assister Aioros dans sa tâche et de te consacrer aussi au Sanctuaire ? - Oui. Je suis moi aussi certain qu'Aioros est le chevalier idéal pour occuper cette fonction. Il fit une brève pause, l'autre resta coi. J'agirai à ses côtés sans mesurer mes efforts pour servir Athéna et la justice. Je vouerai ma vie au Sanctuaire ! - Je n'en attendais pas moins de toi, Saga. À présent vous pouvez vous retirer. Saga et Aioros se relevèrent après avoir salué une dernière fois le Grand Pope et sortirent du palais. - Je suis vraiment étonné, Saga. Tout le monde pensait que ce serait toi qu'il désignerait ! - J'en ai entendu parler Aioros, mais le Grand Pope doit avoir ses raisons. - Tout de même, fit le chevalier du Sagittaire, ébranlé. Je me demande bien ce qu'elles sont. - Il te le dira peut-être, ou peut-être pas… Pendant ce temps ils étaient arrivés dans la neuvième maison du Zodiaque. Saga y prit congé d'Aioros et continua la descente de l'escalier. - Alors, tu n'est pas trop déçu ? - Ne te moque pas de moi ! Ce n'est vraiment pas le moment ! - Loin de moi cette idée, répondit l'autre d'une voix mielleuse, mais je t'avais prévenu qu'il pourrait changer d'avis. - Oui, mais pourquoi ? Pourquoi !? - Tu n'auras qu'à lui poser la question en privé, je suis sûr qu'il se fera une joie de te répondre, hé hé hé… - J'irai le voir ce soir sur Star Hill ! Je sais qu'il y va à ce moment et c'est la seule façon de lui parler sans être dérangé ! - Tu as tout à fait raison, ha ha ha… Mais je pense que tu ferais mieux de t'assurer que ton frère ne te dérangera pas, lui. - Parce que tu crois que… - Oui, et j'ai de bonnes raisons de croire cela. Va retrouver ton frère et parle-lui. - Tu sais que tu m'énerves quand tu parles ainsi ? - Évidemment ! Mais tu suis quand même mes conseils parce que tu sais que j'ai raison, pas vrai ? Saga ne lui répondit pas. Il se dirigea d'un pas rageur vers l'endroit d'où il sentait émaner faiblement le cosmos de Canon. Ce dernier se trouvait à côté d'un temple en ruine - il s'en trouvait plusieurs sur l'île. Dès qu'il sentit Saga approcher il tourna la tête dans sa direction et l'accueillit avec un sourire narquois aux lèvres. - Alors Saga, comment s'est passé cette entrevue avec le Grand Pope ? Devant l'air furieux de son frère il reprit aussitôt. Ne fais pas cette tête, mon cher frère ! La nouvelle de cette entrevue s'est répandue dans le Sanctuaire à la vitesse de l'éclair. Et puis les soldats sont d'incorrigibles bavards ! Laisse-moi deviner, frérot… Tu es furieux parce que ce n'est pas toi que le Grand Pope a désigné comme successeur ? Dans l'esprit de Saga, l'autre s'amusa de l'air étonné que prit son " hôte ". " Je t'avais prévenu ! ", Mais Saga réagit aussitôt et son visage reprit une expression furieuse. - Tais-toi Canon ! Ne te mêle pas de ça ! - Je vois que j'ai deviné juste… Mais tu sais que tout n'est pas encore joué ? - Q… Quoi ? Qu'est-ce que tu veux dire ? - Je veux dire que tu peux encore dominer le monde, comme tu le désires tant, si tu élimines Athéna avant qu'elle puisse te faire obstacle ! La réaction de Saga ne se fit pas attendre. Il asséna à son frère un violent uppercut qui l'expédia au sol. - Répète ce que tu as dit, Canon ! Même si tu es mon frère je ne peux pas entendre ça ! Saga était tellement furieux qu'il en resta sans voix pendant un court instant, tant il avait du mal à assimiler les paroles de Canon. A… Athéna… Tu veux que je tue Athéna qui vient à peine de se réincarner ? - Oui… Canon essuya d'un revers de main un filet de sang qui coulait de son nez. Je dis que tu dois tuer non seulement Athéna, mais aussi cet idiot de Grand Pope qui a choisi Aioros pour sa succession. Il releva la tête et soutint le regard de son frère. Heureusement personne au Sanctuaire ne sait que nous sommes jumeaux. Je peux t'aider et la Terre sera à nous. - I… Idiot ! Nous sommes des Chevaliers d'Athéna, censés la protéger ! Canon, toi aussi tu es un chevalier et tu devras te battre à ma place s'il m'arrivait quelque chose, et… et toi, tu… - Pff… Et si tu étais honnête avec toi-même. - Quoi ? - Il est certain que tu as grandi comme un homme au cœur pur, comme un dieu et ce depuis ton enfance. Alors que moi j'ai toujours aimé le mal ! Même si nous sommes jumeaux il y a autant de différences entre nous qu'entre un ange et un démon… Canon fit une pause et observa son frère. Oui, il était comme un fruit mûr, prêt à être cueilli. Mais moi, reprit-il, je sais que dans ton cœur dort le même mal que le mien ! - Quoi ? Saga resta un moment abasourdi, incapable de répliquer mais il se reprit bien vite. Tais… tais-toi ! Je ne peux davantage laisser en liberté un tel démon ! Je vais moi-même t'enfermer dans la prison qui se trouve au Cap Sounion ! Sans laisser à Canon le temps de réagir et sans écouter ses protestations, Saga empoigna son frère par le bras et se mit à le traîner vers la côte. Il allait devoir traverser un bras de mer pour se rendre sur le continent, mais il savait que depuis qu'il était Chevalier d'Or, cela n'était plus un problème. Maintenant fermement son frère, il intensifia son cosmos et se téléporta sur le Cap Sounion en prenant garde de rester discret, car il y avait non loin du cap une villa appartenant à un magnat du commerce maritime. Il se matérialisa donc derrière les ruines du temple de Poséidon. La prison se trouvait au pied du cap et l'on pouvait y descendre par un escalier étroit et tortueux taillé dans le roc. Saga s'y engagea résolument en poussant devant lui son frère qui continuait à protester. Ils arrivèrent une minutes plus tard au bas de l'escalier battu par les vagues. À la base de la falaise du cap s'ouvrait une petite grotte inondée dont l'entrée était fermée par des barreaux épais qu'il était impossible de briser. Le sol de la grotte se situait à un mètre environ sous le niveau de la mer, et bien que les marées méditerranéennes fussent faibles, elles étaient suffisantes pour inonder un peu plus la grotte-prison. Canon frissonna, car si une tempête survenait pendant son incarcération dans la grotte, il était douteux qu'il puisse y survivre… Cette pensée l'absorbait tellement qu'il ne réagit même pas quand Saga l'enferma dans la prison. Il fut tiré de sa rêverie par le grincement que faisait la grille en se refermant. Il se précipita sur les barreaux et apostropha son frère avec véhémence. - Saga sors-moi de là !! Délivre-moi ! Tu veux tuer ton propre frère ? - Canon, répondit Saga, tu pourras sortir de cette cellule uniquement si c'est la volonté des dieux. Tu y resteras tant que le mal qui t'habite ne sera pas lavé… jusqu'à ce qu'Athéna te pardonne ! - Sa… Saga !! Les hommes comme toi s'appellent des hypocrites ! Ne pense pas pouvoir cacher indéfiniment le mal qu'il y a en toi ! Voyant que son frère restait impassible il changea de stratégie. Quel mal y a-t-il à ce qu'un homme puissant veuille conquérir ce dont il a envie !? Quel mal y a-t-il à utiliser la force que les dieux t'ont donnée !? Mais Saga fit la sourde oreille aux propos de son frère et entreprit d'escalader à nouveau l'escalier avant de se téléporter sur l'île de Sanctuaire. Il voulait que Canon garde cette image gravée dans son esprit, celle du défenseur de la justice qui s'en va après avoir accompli son devoir… Mais le prisonnier ne s'avoua pas si facilement vaincu. - Saga ! Je continuerai à te rappeler la fascination du mal ! Le Chevalier des Gémeaux ne ralentit pas son allure et continua à grimper, la voix de Canon lui parvenant toujours malgré le bruit du ressac. Saga ! Ta véritable personnalité, c'est le mal ! Canon vit son frère disparaître derrière un détour de la falaise du cap. Saga était presque hors de portée de voix mais il poursuivit ses invectives. Saga, imbécile ! Tu as en toi une puissance incroyable, et si tu veux malgré cela rester un serviteur fais ce que tu veux ! Je tuerai moi-même Athéna et je conquerrai la Terre, et à ce moment-là, il sera trop tard pour toi ! Saga attendit de s'être retéléporté sur l'île du Sanctuaire pour s'adresser à l'autre en lui, car les paroles de Canon l'avaient troublé et il estimait que son mystérieux " conseiller ", sur le compte duquel il ne savait quasiment rien, lui devait quelques explications. - Des explications ? répondit celui-ci quand Saga le prit à part, mais quel genre d'explications ? - Tu le sais très bien ! répliqua le Chevalier des Gémeaux, arrête donc de tourner autour du pot ! Tu as entendu comme moi les paroles de Canon ! L'autre continua de feindre l'innocence, mais Saga ne fut pas dupe. - " Je sais que dans ton cœur dort le même mal que le mien " ! cita le Chevalier d'Or. Voilà ce qu'il a dit ! - C'est donc cela qui te préoccupe autant ? C'est pour cela que tu te méfies soudain de moi ? - Oui ! Et j'ai de bonnes raisons pour ! - Vraiment ? Je serais curieux de les entendre. - La première, c'est que je ne sais rien de toi ! Tu es apparu dans mon esprit sans que je sache comment, et tu prétends vouloir m'aider ! - Je croyais t'avoir expliqué tout cela, pourtant, dit l'autre. - Deuxième raison, et pas des moindres : même si Canon est un agent du mal il est mon frère, il a reçu la même éducation et le même entraînement que moi et je sais qu'il est aussi intelligent que moi ! - Je te le concède, mais tu ne dois pas perdre de vue que puisqu'il œuvre pour le mal, il est possible que cela ait faussé son jugement. Ne te laisse pas aveugler par la subjectivité et le fait qu'il soit ton frère ! - Peut-être mais ça ne répond pas aux questions que je continue de me poser à ton sujet et je suis sûr que tu les connais ! - Effectivement tu as de quoi t'interroger à mon endroit. Mais garde-toi bien de tirer des conclusions hâtives. Accorde-toi quelques jours de réflexion et nous en reparlerons alors. Cela te convient-il ? - D'accord. Sur ce point-là tu as raison, fit Saga, à présent calmé. Je vais y réfléchir pendant quelques jours. - Bien. N'oublie pas pour autant de rendre visite au Grand Pope sur Star Hill, lui aussi te dois des explications. Il ne fut pas difficile à Saga de se faufiler discrètement vers le palais du Pope la nuit venue. Il avait attendu que les Chevaliers d'Or soient tous endormis pour pouvoir franchir leurs maisons sans trop se faire repérer. Seul le Chevalier du Sagittaire s'éveilla à son passage et s'étonna de le voir là en pleine nuit. Saga lui répondit qu'il répondait à l'invitation du jeune Chevalier des Poissons qui désirait s'entretenir un moment avec lui. L'esprit embrumé par le sommeil Aioros accepta cette explication sans tiquer, car le gardien de la Neuvième Maison du Zodiaque était fatigué suite à son entraînement de la journée, et il fila aussitôt se rendormir après avoir mollement salué son aîné. Le Chevalier des Gémeaux quitta la maison du Sagittaire et reprit sa route. Il redoubla de précautions en traversant la Maison des Poissons. Il s'arrêta même un moment en plein milieu d'un mouvement, mais l'examen prudent qu'il fit du cosmos d'Aphrodite ne lui permit pas de déceler autre chose que les paisibles ondes psychiques du sommeil. Saga sortit donc sur la pointe des pieds et gagna la salle du Grand Pope. Mais dans son excitation il ne vit pas une ombre furtive quitter la maison des Poissons et le suivre sur l'escalier en restant discrètement à distance. L'intrus portait une cape sombre pourvue d'une ample capuche qui lui masquait la tête et la totalité du visage. Il suivait Saga pas à pas en se collant aux rochers qui bordaient le monumental escalier et se fondait dans leur ombre les rares fois que le Chevalier des Gémeaux se retournait pour vérifier que personne ne le suivait. Mais ces brefs coups d'œil durent suffire à rassurer Saga sur sa discrétion, car dès qu'il eut dépassé la salle du Grand Pope puis le Temple d'Athéna il ne se retourna plus du tout. Enfin il parvint au pied de Star Hill, dont on disait que c'était là que la distance entre la terre et le ciel était la plus courte. Un vent violent soufflait sur le Mont Étoilé, ce qui en rendait l'ascension difficile - du moins le disait-on. Mais Saga n'en croyait pas un mot ; si le Grand Pope, lui-même très âgé, y parvenait, même un Chevalier d'Or pouvait y arriver ! La rumeur qui affirmait le contraire n'était sans doute qu'un vulgaire racontar destiné à tenir les curieux à l'écart ! Le Chevalier des Gémeaux se mit donc à escalader la montagne, et ainsi qu'il s'y attendait cela lui fut facile. Quand il parvint au sommet, l'intrus toujours sur ses talons, il entendit la voix du Grand Pope qui observait les étoiles pour y lire le destin de l'humanité. Saga entendit le vieillard constater l'angle anormal de l'Étoile Polaire et attendit un moment avant de se dresser devant lui. La surprise du Grand Pope devant son apparition fut si forte qu'elle en était presque palpable - Saga… Comment es-tu parvenu jusqu'ici, en ce lieu réputé difficile d'accès même pour un Chevalier d'Or ? Le Chevalier des Gémeaux s'agenouilla, un sourire ironique sur les lèvres. - J'avoue que ce n'était pas bien difficile pour moi puisque vous-même, qui êtes bien vieux, y parvenez. Auriez-vous oublié qu'on me compare à un dieu ? C'est un véritable jeu d'enfant pour moi. - Que… Saga, tu es sur un lieu sacré où seuls les Grands Popes viennent depuis des générations. Qu'es-tu venu y faire ? - Je viens de vous dire que tout le monde me voit tel un dieu. Alors pourquoi ne m'avez-vous pas désigné comme votre successeur ? Le souffle lui manqua à la fin de sa réplique et il se mit à haleter. Pourtant l'ascension ne pouvait pas l'avoir fatigué autant ! - Tu as pourtant entendu, lui dit le Grand Pope, lorsque j'ai dit qu'Aioros rassemblait la bonté, l'intelligence et le courage qu'il était digne de devenir le prochain Grand Pope et de commander les Chevaliers. - Je ne crois pas être inférieur à Aioros dans aucun de ces domaines. Bien au contraire je m'estime supérieur à lui à ce niveau, alors pourquoi ? haleta Saga. Pourquoi, Grand Pope ?! - Puisque tu insistes autant je vais te répondre. Je ressens au fond de toi une chose terrible dont je ne connais pas la nature. Je sais que tous te respectent comme un dieu et que ton comportement est d'une pureté sans égale mais… je ne peux m'empêcher de penser que ton âme abrite un démon effroyable. J'espère que ce n'est là qu'une erreur de ma part, mais… - Hé hé hé hé… Le ton de ce rire n'était pas du tout normal, il était presque… - Que t'arrive-t-il Saga, dit le Grand Pope alors que les halètements du Chevalier d'Or redoublaient. Tu ne te sens pas bien ? - Vous avez donc percé mon secret… Saga sentait soudain que le contrôle de son corps lui échappait peu à peu sans qu'il puisse s'y opposer. Sa bouche venait de prononcer des paroles qui ne lui était pas attribuables. Il prit alors conscience que c'était l'autre qui parlait à sa place ! Vous avez beau être vieux, vous êtes très fort Grand Pope. Je comprends que vous ayez survécu à la dernière Guerre Sainte… hé hé hé… - Mais tes cheveux changent de couleur ? Mais Saga, qui es… il s'interrompit, muet de stupeur alors que Saga se releva brusquement et s'approcha de lui, une lueur meurtrière dans le regard… ce regard dont la sclérotique des yeux était désormais rouge au lieu d'être blanche ! Hein ? Saga étendit brusquement son bras, qui vint transpercer le cœur du vieillard. - Adieu, Grand Pope !!! - J'avais vu juste… dit celui-ci alors que sa vie le quittait. Loin d'être un dieu… tu es l'incarnation du mal… Son corps s'affaissa dans un froissement de tissu et tomba à terre avec un bruit sourd. Le Grand Pope était mort. Horrifié, Saga contemplait la scène à travers ses yeux qui ne lui appartenaient plus. Il percevait à présent le dessein de celui qui disait vouloir l'aider mais l'avait manifestement trahi. Il se rendit compte qu'il lui était impossible de faire machine arrière et qu'il était impliqué jusqu'au cou dans cette affaire où il n'avait été rien de plus qu'un pion… oui, rien qu'un malheureux pion qu'une main invisible faisait se mouvoir sur un échiquier cosmique. Pendant qu'il se lamentait, l'autre n'était pas resté inactif et avait ramassé la cape du Grand Pope pour l'enfiler. - Adieu, vieillard ! Personne ne t'avait demandé de découvrir mon identité ! Il saisit le casque doré tombé à terre pour le coiffer. Une chance que le visage du Grand Pope soit toujours caché par ce masque. Seul le maître des Cinq Pics doit avoir vu son vrai visage. À partir de maintenant, je vais diriger le Sanctuaire à ma manière en me faisant passer pour le Grand Pope. Je n'aurai aucune difficulté à me débarrasser d'Athéna qui n'est encore qu'un bébé hé hé hé… Oui ! Et c'est moi, Saga, qui règnerai en maître absolu sur cette terre. Je serai le dieu vivant de la Terre !! Il éclata de rire, mais un rire satanique qui réveilla les échos de Star Hill et que seul le vent empêcha de parvenir au reste du Sanctuaire. Cachée dans l'ombre, la silhouette encapuchonnée de l'intrus n'avait rien perdu de la scène, et dès que tout fut fini elle se hâta de redescendre au pied du Mont Étoilé et de regagner la Maison des Poissons. |