Chapitre 7 : La force du Sanglier


Deux chevaliers se tenaient face à face, dans une vaste clairière entourée de colonnes en ruines, sur le versant d'une petite montagne. L'un d'eux portait une armure d'un brun scintillant violemment. L'autre une armure plus sombre, moins couvrante, qui ne laissait pas refléter un seul des rayons du soleil. Ils se regardaient tous les deux fixement, de regards vifs qui témoignaient de leur rivalité. Le silence était total, et chacun semblait attendre que l'autre attaque le premier.

- Eh bien, chevalier du Corbeau ? Fit Erymanthe du Sanglier. Qu'as-tu à rester figé ainsi ? Ne disais-tu pas à l'instant vouloir me tuer ? Aurais-tu subitement peur ?
- Je n'ai pas peur de toi ! Répondit Arcanan. Et j'arriverai à te vaincre, quoi qu'il arrive. En garde, Phébus d'Uranus ! Par la Danse des Corbeaux !

Arcanan fit appel à une attaque qu'il n'avait pas utilisée lors de l'Epreuve d'Athéna. Il ouvrit les bras vers le ciel et, spontanément, une nuée de corbeaux apparut et se constitua au-dessus de lui. Ses fidèles compagnons se mirent alors à exécuter de curieuses figures.

- Ainsi, c'est tout ce que tu as à me proposer, Corbeau ? Cette danse ridicule ? Si ce sont cela les meilleurs chevaliers d'Athéna, c'est pitoyable.

Mais aussitôt eût-il dit cela que les corbeaux arrêtèrent leur danse dans les airs et s'abattirent sur le Phébus du Sanglier en piquant du bec sur leur ennemi. Erymanthe fut surpris par cet assaut subit et il dut se défendre. Il leva un bras et lança de la paume des mains une puissante boule d'énergie qui heurta de plein fouet une partie des corbeaux, mais d'autres avaient réussi à l'éviter et atteignirent leur cible. Arcanan crut avoir déjà réussi à toucher son adversaire de cette manière, mais Erymanthe se contenta de lever cette fois le deuxième bras symétriquement au premier, libérant cette fois une plus grande partie de son énergie.

- Par la Ruée du Sanglier !

La terre se mit à trembler et de la poussière s'élever progressivement dans les airs, jusqu'à aveugler Arcanan. Lorsque le nuage se dissipa, il put voir une masse de plusieurs cadavres de corbeaux gisant à terre dans une petite mare de sang mêlé de plumes éparpillées.

- Mes corbeaux ! Tu vas me le payer !
- Tes corbeaux sont morts ; je t'ai privé de tes moyens d'attaque, tu es maintenant aussi vulnérable qu'un nouveau-né. Et l'attaque que tu viens de voir n'est que l'infime partie de la puissance dont je suis capable.

Arcanan sentit la rage fulminer en lui et il serra les poings. Son adversaire était vraiment très fort ; d'un simple geste des bras, il avait désarçonné son armée de corbeaux, ces si fidèles alliés sans lesquels il n'était rien ! Mais il ne pouvait croire que les Phébus étaient aussi forts qu'on le prétendait. Non, tout cela ne pouvait être que de l'intimidation ! Il se reprit.

- Sache que tu n'as vaincu qu'une partie de mes compagnons à plumes ; les corbeaux qui m'entourent sont si nombreux que même les sept Phébus réunis ne pourraient en venir à bout ! Regarde plutôt !
- Que dis-tu ?

Effectivement, un nouveau groupe de corbeaux apparaissait dans le ciel et volait en direction d'Erymanthe. D'où venaient tant de volatiles ? Il était difficile de croire qu'Arcanan avait apprivoisé autant de ces oiseaux au point de le suivre en toutes circonstances, partout où il se rendait, fût-ce à l'autre bout du monde. Pourtant ce nouveau groupe, moins nombreux que le premier, certes, mais mieux organisé, attaquait de plus belle le Phébus d'Uranus.

- C'est pathétique…quand comprendras-tu qu'une même attaque, qu'une même technique de combat ne marche pas deux fois sur un même chevalier ?

Il leva à nouveau les deux bras pour lancer sa Ruée du Sanglier une nouvelle fois, mais, cette fois, Arcanan rusa. Alors qu'il concentrait son attention sur les corbeaux à abattre, le Phébus ne s'aperçut pas que son adversaire avait disparu ! Arcanan réapparut derrière lui et le frappa dans le dos. Surpris, Erymanthe fut projeté à quelques mètres de l'endroit où il se trouvait. Mais, une nouvelle fois, les corbeaux d'Arcanan y avaient laissé des plumes.

- Pardonnez-moi, mes corbeaux adorés, d'avoir sacrifié une partie d'entre vous…c'était la seule solution pour lui porter un coup.

Il regarda le Phébus d'Uranus gisant à terre ,qui ne bougeait plus. Il osa croire un instant l'avoir vaincu, mais ne fut pas surpris de le voir se relever très vite. Toutefois, son regard avait changé. Ses yeux étaient rouges, comme si la colère et la haine les remplissaient. Qu'est-ce que le coup d'Arcanan avait éveillé en lui ?

- Chevalier du Corbeau…fit-il. Je te félicite ; tu es le premier à parvenir à me porter un coup. Tu m'as attaqué par derrière et ton stratagème tient plus de la lâcheté que de la ruse. Mais sache que tu n'aurais jamais dû. Tant pis pour toi. Je vais maintenant utiliser la totalité de ma puissance, et il ne restera plus grand chose de tes corbeaux ni de leur maître. Tu vas découvrir la force du sanglier !

*****

Quelque part, dans le Sanctuaire de Delphes

Tom (Lézard) : Je sens un puissant cosmos se déplacer à vive allure dans les environs. Ce n'est pas l'un des nôtres…Pas de doutes, l'un des Phébus d'Apollon se cache près d'ici !

Tom s'arrêta et regarda autour de lui. Il courait depuis un moment dans les sentiers escarpés du Sanctuaire d'Apollon et n'avait pas encore rencontré âme qui vive. L'un des sept Phébus d'Apollon se cachait bien dans les parages, mais il se déplaçait et se dirigeait vers la ville de Delphes. Avec l'intention manifeste de quitter ces lieux sacrés et d'aller semer la terreur à travers le monde…

- Tu n'iras nulle part, Phébus ! Tu ne quitteras pas ces lieux ; je t'en empêcherai !
- Je n'ai que faire de tes avertissements, jeune inconscient…si tu tiens vraiment à m'empêcher de quoi que ce soit, essaie de me rejoindre…

Le cosmos disparut à plus vive allure et s'en alla vers Delphes. Il n'y avait plus une seconde à perdre ; Tom prit la décision qui s'imposait. Il concentra son cosmos et fit demi-tour, filant vers le Phébus qu'il avait repéré. Il quitta le Sanctuaire d'Apollon et s'en alla vers les plaines de Thessalie, à une vitesse égale à plusieurs fois celle du son.

*****

Le Phébus du Sanglier concentrait son cosmos depuis plusieurs secondes, et l'élevait à un niveau bien supérieur qu'il ne l'avait fait jusqu'alors. Arcanan du Corbeau ne reconnaissait plus son adversaire ; ce n'était plus la même personne qu'il avait face à lui. Et il s'en inquiétait.

- Quel puissant cosmos…se dit-il. En lui portant un coup, je n'ai fait qu'éveiller sa colère. Il est maintenant beaucoup plus fort que tout à l'heure, et mes corbeaux sont mal en point…que vais-je bien pouvoir faire ?
- Chevalier du Corbeau ! Reçois toute la violence de mon attaque, et meurs ! Que le Troupeau s'abatte sur toi !

Arcanan n'en crut pas ses yeux. Ce n'était plus un seul, mais un troupeau entier de sangliers qui s'abattaient sur lui ! Le sol se remit à trembler et il crut bel et bien entendre le bruit des pattes des animaux piétiner le sol de leur course. Il les vit fondre sur lui, à une telle vitesse qu'il ne pouvait les éviter.

- Athéna, mes amis, pardonnez-moi tous…j'ai failli à mon devoir de chevalier…je ne vais pas survivre à cette attaque…Adieu !

Il y eut un grand fracas, et encore un nuage de fumée, plus épais que le premier.

- Tant pis pour toi, chevalier du Corbeau…Je t'avais prévenu, et tu n'as pas tenu compte de mes avertissements. Il ne faut pas énerver le sanglier, sous peine de subir sa colère. L'issue de ce combat, de toutes manières, ne faisait aucun doute…Ainsi, le premier des chevaliers d'Athéna est tombé. La marche d'Apollon sur la Terre est en route. Je vais maintenant partir à travers le monde, pour accomplir ma mission…

Le nuage de fumée se dissipa, et Erymanthe eut la surprise de trouver le chevalier du Corbeau debout, face à lui ! Il était blessé et mal en point, mais pourtant bel et bien vivant, et avait encaissé l'attaque du Sanglier.

- Mais comment ? Comment as-tu réalisé ce miracle ? ? Tu devrais être mort !
- C'est exact, si j'avais encaissé de plein fouet ton attaque, je ne serais plus de ce monde. Mais, au moment où tu l'as lancée sur moi, mes fidèles corbeaux encore vivants sont venus spontanément se placer devant moi pour me protéger et faire bouclier. C'est eux qui ont encaissé l'attaque et je leur dois la vie…

Il regarda, à terre, les plumes éparpillées mêlées au sang de ses oiseaux qui s'étaient dévoués jusqu'à la mort pour défendre leur maître. Il réprima des larmes qui lui montaient aux yeux à la vue des petits cadavres de plumes. Ces oiseaux étaient presque humains pour lui, ne leur manquant que la parole, et c'était autant d'êtres chers qu'il avait perdu.

- Je vois…fit Erymanthe. Ces corbeaux sont comme une partie indissociable de toi. Intéressant…Si je parviens à éliminer pour de bon cette partie de ton être, je t'éliminerai du même coup tout entier !
- Tu ne me tueras pas, Phébus d'Uranus…même si je suis blessé, même sans mes corbeaux, je me relèverai à chacune de tes attaques et je finirai par me vaincre, je le jure devant Athéna…
- C'est donc bien pour cette déesse ridicule que tu te bats, chevalier…Nous t'avons pourtant proposé, à toi et à tes compagnons, de vous rallier à nous et de faire partie des élus appelés à vivre dans l'Age d'Or restauré…Pourquoi vous rebeller et refuser une telle offre ? Au lieu de cela, tu fonces tête baissée dans un combat désespéré dont nous connaissons parfaitement l'issue à l'avance, tous les deux…
- Comment oses-tu proférer de telles paroles ? Tu parles égoïstement d'un monde que vous prétendez vouloir bâtir, au mépris d'une humanité que vous êtes prêts à sacrifier ! La folie de ton maître est intolérable, et nous, chevaliers d'Athéna, refusons de la cautionner. C'est pour cette raison qu'Athéna est revenue sur terre, et pour combattre de tels idéaux que nous nous levons à ses côtés. Notre mission est de protéger toute vie, quelle qu'elle soit, et nous ne vous laisserons jamais tuer d'innocents !
- L'humanité, la vie…A quoi bon défendre une humanité qui s'est pervertie avec le temps, et qui ne voit plus que le pouvoir de l'argent comme seul raison d'existence ? Le règne que va instaurer Apollon va faire renaître un monde disparu, une époque où il sera à nouveau possible de vivre dans l'insouciance, la quiétude, le bonheur absolu…Seule une poignée d'élus peut prétendre exister dans cette ère nouvelle, purifiée de tous les maux. Et nous en faisons partie…

Erymanthe se tut alors et regarda Arcanan un instant sans parler davantage.

- Tu as réussi à éviter ma précédente attaque car tes corbeaux ont été là pour te protéger. Mais cette fois, ils ne pourront plus rien pour toi et tu ne pourras pas éviter la prochaine, qui te sera fatale. Aussi je vais être clément avec toi et te laisser une chance de vivre. Renonce à ce combat et rallie-toi à nous, et tu auras la vie sauve. Je ne veux pas faire couler le sang davantage.
- Tu oses imaginer qu'un chevalier d'Athéna pourrait renoncer à la cause qu'il défend ? Je n'abandonnerai jamais ce combat, jamais, même si ta force est cent fois supérieure à la mienne !
- Dans ce cas tu mourras…
- Si je meurs, Phébus d'Apollon, alors tu mourras avec moi. J'en fais le serment !
- Ne sois pas ridicule. Tu n'es parvenu à me porter qu'un seul petit coup insignifiant, par surprise, et tu as été blessé par ma dernière attaque. Comment peux-tu croire un seul instant pouvoir me terrasser ?
- Tu te crois invincible, Erymanthe, mais tu n'as pas vu que j'ai encore réussi à te toucher…
- Que dis-tu ? ?

Erymanthe regarda son armure et eut alors la surprise d'y découvrir quelques plumes de corbeaux qui y étaient collées.

- Voilà tout ce qu'il reste de tes pitoyables oiseaux, chevalier du Corbeau ! Quelques plumes se sont collées à mon armure, et tu appelles ça m'avoir touché ! Ha ha ha !
- Je ne serais pas si sûr de moi, à ta place…

En effet, alors qu'il riait aux éclats, Erymanthe vit des plumes voler dans les airs, de plus en plus nombreuses, et venir se coller contre son armure. Il essaya alors de les détacher en les ôtant des doigts mais se rendit compte qu'elles étaient solidement fixées et qu'il ne pouvait plus s'en séparer.

- Mais, comment cela se peut-il ? ?

Les plumes tombaient maintenant par dizaines et venaient se coller sur l'armure du Sanglier jusqu'à la recouvrir totalement. Erymanthe se débattit dans tous les sens mais ne parvint pas à se défaire de leur emprise. Les plumes semblaient s'alourdir au fur et à mesure et à exercer un poids insoutenable. Bientôt, toute l'armure d'Erymanthe fut recouverte et les plumes s'attaquèrent à son visage.

- Tu as tué mes corbeaux, mais ils vont t'entraîner avec eux dans la mort ! Que les corbeaux te dévorent ! !

Erymanthe s'écroula à terre, recouvert intégralement par les plumes. On ne distinguait plus qu'une masse noire diffuse.

- J'ai gagné…j'ai vaincu le Phébus d'Uranus…mais je suis mal en point…

Arcanan tomba à genoux à terre, son corps en appui sur ses mains posées au sol. Il en passa une sur son front et constata le filet de sang qui coulait sur sa peau. La Ruée du Sanglier l'avait sérieusement touché, et il ne devait sa survie qu'à la dévotion sans faille de ses compagnons à plumes. Mais il n'eut pas le temps de songer davantage. En regardant la masse de plumes noires à ses côtés qui ne bougeait plus depuis un instant, il sentit un cosmos extrêmement puissant s'en dégager. Il ne put croire ce qui se produisait.

- Ce cosmos est effroyable…ce n'est pas le Phébus du Sanglier, ce n'est pas possible ! !

Le cosmos continua d'augmenter de manière inquiétante. Il dépassait de loin celui que déployait Erymanthe jusqu'alors, et atteignait des proportions impensables. Le tas de plumes noires se mit à grésiller et les plumes elles-mêmes se consumer, comme si un feu prenait de l'intérieur. De la lumière jaillit alors du tas et les plumes se dispersèrent dans les airs en volant dans toutes les directions. Essoufflé mais en vie, le Phébus du Sanglier se remit sur ses deux jambes et se dressa face à Arcanan, qui lui avait du mal à rester debout. Son regard, encore une fois, dégageait une haine et une agressivité accrues.

- Chevalier du Corbeau…tu n'aurais jamais dû me porter ce coup. Tu vas payer au centuple ! Je vais te faire disparaître à tout jamais et t'effacer de la surface de la Terre ! Il ne restera même pas une poussière de toi !

Erymanthe leva les deux bras vers le ciel, prêt à lancer une nouvelle fois sa Ruée du Sanglier. Sa puissance paraissait incontrôlable. Arcanan eut bien du mal à rester serein, et l'effroi fit perler quelques gouttes de sueur sur son front. Se pouvait-il que, tel un sanglier, la force du Phébus d'Uranus augmentait à chaque coup qu'il prenait ? Dans ce cas, son cosmos n'avait pas de limites, et il ne pourrait jamais être vaincu. Les Phébus étaient-ils donc invincibles ? La Terre condamnée ? Il ne pouvait s'empêcher de repenser au regard qu'Athéna lui avait lancé, à lui et aux autres, avant de disparaître avec la nymphe Mégare. Un regard désespéré, comme si la défaite semblait inévitable à l'avance. Athéna voulait-elle donc vraiment se sacrifier ? Jason du Bélier avait été vaincu si facilement…et Yoko du Tigre ! Disparue, enlevée par les Phébus ! Qu'était-elle devenue ? Allaient-ils la retrouver ? La Terre toute entière était en train de suffoquer, au même moment, sous des chaleurs insupportables, et il était là, impuissant, face à son ennemi…

- La fin est proche, chevalier du Corbeau ! Par la Ruée du Sanglier ! !

L'attaque, plus puissante que les premières fois, emporta Arcanan et le balaya dans les airs tel un fétu de paille. Sous la violence du choc, son armure se fissura et se brisa aux épaules et au casque. Il alla s'écraser contre l'une des colonnes en ruines qui ornaient le paysage, et laissa une tache de sang sur la pierre avant de retomber lourdement sur le sol.

*****

Ailleurs, dans la montagne du Sanctuaire de Delphes

Athéna : Mégare, voilà un long moment que nous marchons et tu restes silencieuse. Le temple de ton maître est-il encore loin ?
Mégare : Sachez, déesse Athéna, que ce n'est pas directement devant notre seigneur Apollon que je vous emmène, mais devant l'alter-ego de celui-ci, la maîtresse à qui j'obéis. Je n'ai pas le droit de vous amener au temple d'Apollon ; son accès est strictement défendu, et seule l'autorisation de cette personne peut permettre de s'y rendre.
Athéna (pensant) : Je vois…Toutes les nymphes du Sanctuaire de Delphes sont rattachées à elle…il s'agit donc de…ohh ! ! !

Athéna et Mégare se retournèrent toutes les deux en même temps, attirées par une prodigieuse cosmo-énergie qui venait d'exploser plus loin, en contrebas de la montagne.

Mégare : déesse Athéna, il semble que l'un de vos chevaliers vient de rendre l'âme…Vous ne vouliez pas croire à mes recommandations, tout à l'heure ; pourtant, vous devez vous rendre à l'évidence. Vos misérables chevaliers ne peuvent rien face aux Phébus d'Apollon.
Athéna : Ne sois pas si sûre de toi, Nymphe. Je suis certaine que mes chevaliers viendront à bout des Phébus d'Apollon, et que nous mettront un terme au réchauffement de la planète. Allez, reprenons la route, conduis-moi à ta maîtresse.
Athéna (Pensant) : Arcanan, chevalier d'argent du Corbeau…ne meurs pas ; j'ai besoin de ton aide. Tu dois vaincre ton ennemi et me rejoindre auprès d'Apollon, avec les autres. Ensemble, nous vaincrons Apollon et le forcerons à abdiquer.
Non, tu ne dois pas mourir…souviens-toi de l'Epreuve…l'ultime cosmos…

Dans les montagnes d'Anatolie

Tom (Lézard) : voilà au moins une heure que je cours pour rattraper ce Phébus échappé du Sanctuaire de Delphes, et toujours rien…Quelle chaleur suffocante! Je sais malgré tout qu'il est là, près de moi ; je sens sa présence.
- Ha ha ha ha ha ! ! Tu es coriace, chevalier d'Athéna, pour m'avoir poursuivi jusqu'en ces contrées reculées. Ce ne doit pas être facile pour toi de te déplacer aussi vite, par une telle chaleur…
- Allez, ce petit jeu a assez duré ! Montre-toi !
- Si tu veux me voir, attrape-moi…

Le chevalier mystérieux se remit à courir de plus belle, et Tom du Lézard se relança à sa poursuite. La température était maintenant proche des quarante degrés, et il lui devenait insupportable de courir, par une telle chaleur, à une vitesse supérieure à celle du son. Il venait déjà de parcourir de très grandes distances qui l'avaient emmené de Grèce jusqu'en Anatolie, et son adversaire semblait se jouer de lui et s'amuser à le fatiguer.

- Je sens des présences humaines dans une grotte, non loin d'ici…une petite population locale s'est abritée de la chaleur, pour tenter d'y résister. Voilà la première étape de ma mission. Ce pourrait être amusant…

Les deux chevaliers disparurent à nouveau dans la montagne.

*****

Erymanthe du Sanglier regarda longuement le corps inerte du chevalier du Corbeau qu'il venait de terrasser. Il n'en revenait toujours pas d'avoir été touché par l'attaque des plumes des oiseaux. Son armure de Phébus scintillait toujours autant, mais portait encore les traces des plumes qu'il était parvenu à détruire, mais avec peine. Jamais il n'avait utilisé autant d'énergie dans un combat, et il commençait à ressentir une certaine fatigue. Sa haine et sa colère étaient encore perceptibles dans son regard.

- Tu as eu beaucoup de chance, chevalier du Corbeau, de parvenir à me toucher. Mais tu as eu la fin que je t'avais annoncé. Quiconque se dresse contre les desseins du dieu Apollon reçoit la mort de la main de ses sept Phébus. De toutes manières, c'était la mort qui t'attendait sur Terre. Tu avais refusé de servir notre Seigneur, refusé cette vie que nous t'offrions dans le nouveau Paradis terrestre, et serais mort comme les autres brûlé par les rayons du Soleil. Que ton repos soit doux…

Mais à peine eut-il dit cela que des bruits vinrent troubler le silence de mort qui régnait.

- Comment ? Encore eux ? ?

C'étaient des bruits de coassement qu'il pouvait entendre. De nombreux nouveaux corbeaux arrivaient et tournoyaient à ras du sol, autour de la dépouille de leur maître. Certains se posèrent à même son corps et lui donnèrent de légers coups de bec au visage. D'autres s'élevèrent et se dirigèrent, en masse, vers le Phébus d'Uranus.

- Je n'arrive pas à le croire ! Les corbeaux m'attaquent pour venger leur maître ! ! Mais je n'ai que faire de ces misérables volatiles. Disparaissez, oiseaux de la nuit !

Il éleva une main et concentra une boule d'énergie en direction du groupe d'oiseaux qui fonçait vers lui, et balaya pour un temps le groupe de volatiles, sans encore le supprimer. C'est alors qu'il entendit un autre son venant d'un peu plus loin.

- Mais il est mort ! C'est impossible ! !

Une aura se mit à scintiller et à entourer le chevalier du Corbeau. C'était sa cosmo-énergie, qu'il utilisait encore, à l'article de la mort.

- Ce n'est plus le même cosmos que tout à l'heure. Par quel prodige a t-il pu survivre à mon attaque ? Tant pis pour toi, chevalier ! Cette fois, je vais te supprimer définitivement !

Mais Arcanan se mit à bouger, et à se redresser sur ses deux jambes. Erymanthe ne tenta rien, et regarda le visage ensanglanté du chevalier du Corbeau, qui semblait dominé par une volonté farouche et indéfectible de combattre son adversaire.

- Phébus d'Uranus…avant de te déclarer victorieux d'un combat, assure-toi toujours que ton adversaire est bien mort !
- Mais comment peux-tu encore te relever ? Ton armure est brisée, et j'ai abattu tous tes compagnons à plumes ! (pensant) Il dégage un cosmos si puissant, malgré son état…se pourrait-il qu'il soit parvenu à … ?
- Tu m'as donné toi-même tout à l'heure la réponse à cette question !
- Que dis-tu ?
- Un même coup ne marche pas deux fois sur le même chevalier ! Tu m'as lancé à plusieurs reprises la Ruée du Sanglier, et, même si tu l'as augmentée en intensité à chaque reprise, j'ai pu l'analyser lors de ta dernière attaque. C'est ainsi qu'elle n'a pu me toucher avec sa puissance maximale. Et le cosmos bienveillant d'Athéna m'a guidé jusqu'à la connaissance ultime ! Le septième sens !
- Je comprends mieux…Très bien, chevalier, je l'avoue, tu es très courageux, et tu parviens à ignorer la douleur et la notion même de défaite…mais, comme tu as pu le constater tout à l'heure, ma force augmente à chaque coup que tu me portes, car telles sont la force et la colère du Sanglier, qui sont sans limites !
- C'est ce que nous allons voir…Par la Danse des Corbeaux !
- C'est inutile ; tu viens de me le dire toi-même à l'instant ; j'ai déjà vu cette attaque !

Arcanan avait rassemblé ses dernières forces pour cette attaque, mais réservait une surprise au Phébus d'Uranus. En effet, la danse effectuée par les corbeaux était cette fois différente de la première, et Erymanthe ne pouvait rien faire pour l'éviter. Cette fois, les corbeaux étaient déchaînés et leur volonté de vaincre décuplée. Erymanthe voulut contre-attaquer mais dut se débattre avec tant de force qu'il n'eut pas l'occasion de pouvoir le faire.

- Saletés d'oiseaux ! Vous allez me le payer !
- C'est le moment ! Prend ça, Erymanthe !

Arcanan surprit Erymanthe en lui envoyant, du poing, une boule d'énergie à une vitesse proche de celle de la lumière. Erymanthe fut emporté dans les airs et alla s'écraser sur la même colonne qu'Arcanan peu avant, encore tâchée de sang.

*****

En Anatolie

Dans les montagnes d'Anatolie, une foule de personnes s'activaient à l'entrée d'une grotte creusée sur le flanc de la montagne. C'était un troglodyte de fortune qu'avaient aménagé la population d'un petit village pour fuir la chaleur de l'extérieur et s'en protéger. Le chef du village, voyant la chaleur s'élever anormalement, avait compris qu'un réchauffement climatique était en train de se produire, pour il ne savait quelle raison, et il avait pris l'initiative de déménager, provisoirement, la population du village, quelques trois cent personnes, dans cette grotte qu'ils étaient déjà habitués à utiliser en temps de guerre.

Le chef du village : Je pense à présent que nous sommes en lieu sûr. Je vous conseille de rester ici jusqu'à ce que la chaleur cesse ; nous sommes abrités du soleil, ici.
Une petite fille (dans les bras de sa mère) : Grand chef, est-ce la fin du monde ? Est-ce que nous allons tous mourir ?
Le chef du village : mais non, mon enfant, voyons ! C'est une montée de la chaleur passagère, qui va bientôt retomber. Nous pourrons alors ressortir de cette grotte. Ne t'en fais pas !
Une voix : Ca, je n'en suis pas si sûr…que vous restiez ici ou que vous sortiez, c'est la mort qui vous attend.
Le chef du village : Qui a parlé ?

Dans l'obscurité de la grotte apparut un individu vêtu d'une armure, facilement identifiable car cette armure scintillait prodigieusement dans le noir. Lorsque la lumière des torches permit de voir son visage, les habitants découvrirent un homme aux cheveux châtains et courts, dont l'armure portait un long serpent enroulé autour de ses épaules, son buste et sa ceinture.

Le chef du village : Qui…qui es-tu ?
Le chevalier : J'ai été envoyé ici par mon maître le Dieu Apollon pour empêcher que vous ne tentiez de résister au réchauffement de la Terre qui est en train de se produire. Je suis l'un des sept Phébus qui l'entourent et l'assistent dans cette entreprise. Je suis Python du Serpent, Phébus de Saturne !
Le chef du village : je ne comprend rien à ce que tu marmonnes ! Quel est ce Dieu dont tu parles, et cet accoutrement que tu portes ?
Python : il s'agit tout simplement de l'instrument de votre perte…je suis désolé, mais j'ai ordre de tous vous tuer, et je suis pressé. Adieu, humains rebelles ! ! Que le venin vous transperce !
Une voix : Par la capture du Lézard !
Python : Ainsi, tu m'as suivi jusqu'ici !
La voix : Oui, et je ne te laisserai jamais prendre la vie de centaines d'innocents. Je fais le serment de te vaincre au nom d'Athéna, moi, Tom, chevalier d'argent du Lézard !

*****

- Erymanthe se releva avec peine. Il passa ses mains sur son front pour essuyer le sang qui y coulait, et ne parvenait pas à croire qu'un adversaire aussi faible qu'Arcanan du Corbeau soit parvenu à le toucher. Il devait se rendre à l'évidence ; il avait dépassé le niveau d'un simple chevalier d'argent, en parvenant à la découverte du septième sens.
- Ne te réjouis pas trop vite, chevalier du corbeau. Tu m'as une fois de plus surpris car tu as modifié la forme de ton attaque. Mais tu viens à peine de découvrir le septième sens qui est en toi, alors que moi, je le maîtrise depuis des années. Il y a une énorme différence de niveau entre toi et moi, et tu ne parviendras pas à la franchir. Je ne crains aucun adversaire, pas même un chevalier d'or.
- Si nos attaques respectives ne peuvent nous départager, alors c'est la force de nos convictions et la justice de la cause que nous défendons, qui aura raison de l'un de nous. Même si je suis blessé, je peux encore élever mon cosmos au même niveau que le tien, et le surpasser. Grâce à l'amour que porte Athéna à l'humanité !
- Tais-toi ! Le sanglier voit sa force augmenter à chaque coup que tu lui portes, ne l'oublie pas ! A force de provoquer sa colère par tes attaques répétées, tu ne fais que construire l'instrument de ta perte ! ! Et je vais te le montrer sur le champ ! Que le Troupeau s'abatte sur toi ! ! !
- Corbeaux, prenez votre envol !

Les corbeaux se réunirent autour d'Arcanan, et le soulevèrent du sol jusqu'à l'élever dans les airs, en produisant une sorte de courant d'air assez puissant pour le porter. Ainsi, la Meute d'Erymanthe, portée avec toute la rage et la colère de celui-ci, passa en dessous de lui, sous ses pieds, et s'évanouit dans le vide, sans parvenir à toucher sa cible. La rage d'Erymanthe se lisait maintenant sur son visage, il ne parvenait plus à garder son sang-froid.

- Grrrr ! ! !
- Ta force augmente bel et bien à chaque attaque, Erymanthe, mais, en contrepartie, ta colère est telle que tu ne parviens plus à la maîtriser et que tu te mets dans un état second. A ce stade, ce n'est plus de la puissance mais de la force physique brute, superficielle, dont tu ne peux rien faire. Tu es en train de perdre ta lucidité et la maîtrise même de ta cosmo-énergie.
- TAIS-TOI ! ! !
- Tant pis pour toi, mais il semble que ce combat tourne à ton désavantage. Par la Danse des Corbeaux !

En temps normal, Erymanthe serait parvenu à arrêter la nouvelle attaque lancée par les corbeaux, qu'il avait eu le loisir d'étudier, mais sa colère et sa haine contre Arcanan l'aveuglaient, si bien qu'il n'eut plus la lucidité ni le recul nécessaire pour riposter et il la prit de plein fouet. Les corbeaux d'Arcanan l'entourèrent et l'attaquèrent de violents coups de bec partout sur son corps, si bien que son armure de Phébus commença à se fissurer de part en part. Erymanthe tomba sur le sol, s'écroula de tout son long, sans réaction. Arcanan rappela ses corbeaux à lui et vit le visage livide du Phébus d'Uranus, qui gisait dans une mare de sang. Quelques corbeaux s'acharnaient encore sur sa dépouille et s'en nourrissaient, lui décortiquant la peau des bras.

- J'ai gagné…j'ai vaincu le Phébus d'Uranus…

Il fit quelques pas en titubant et se maintenant difficilement en équilibre, pour s'assurer de plus près qu'Erymanthe avait bien rendu l'âme.

- L'un des sept Phébus d'Apollon est mort…mais six autres sont encore en vie, et se préparent sans doute, en ce moment même, à semer la terreur partout dans le monde…Vite…je dois aller aider les…

Arcanan tomba au sol et ne parvint pas à se relever. Ses blessures lui faisaient perdre beaucoup de sang et il ne restait plus grand chose de son armure d'argent du Corbeau, broyée par les attaques d'Erymanthe.

- Je n'en peux plus…je vais…

Arcanan tomba de tout son long et perdit connaissance. Ses corbeaux coassaient inlassablement dans les airs.

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Cette fiction est copyright Christophe Becquet et Fabrice Willot.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.