Chapitre 11 : L'intérim de Siddartha de la Vierge


La nuit était tombée sur le Sanctuaire de Delphes depuis maintenant plus d'une heure. Le ciel scintillait de milliers d'étoiles, éclairé par la lune gibbeuse qui le dominait. La chaleur étouffante de la journée n'était pourtant pas retombée, même si c'était maintenant la face opposée de la Terre qui subissait de plein fouet un soleil ardent. Il régnait une température proche des trente-cinq degrés, et elle continuait encore à augmenter.
Sur le côté d'une montagne, au bord d'un précipice délimité par un sentier, deux hommes, deux chevaliers, s'affrontaient avec détermination.

- Par le Tourbillon de Céphée !

Polydecte, le chevalier d'argent, utilisait cette attaque pour la énième fois, et essuyait le même résultat.
Le Phébus de Neptune, Actéon du Cerf, le regardait attaquer les bras croisés, sans bouger ni sourciller à ses attaques, se contentant de fermer les yeux à chaque nouvelle rafale du Tourbillon de Céphée.

- Mais comment peux-tu éviter si facilement mon attaque ? J'y ai mis toute ma puissance et elle ne te fait rien de plus qu'une petite brise de vent sur tes joues !
- Chevalier de Céphée, tu me déçois. Je pensais que les chevaliers d'argent étaient plus puissants que ce que tu m'as montré jusqu'ici. Je peux éviter ton attaque sans difficulté, et je vais maintenant te la renvoyer. Par les Rênes Foudroyants !

D'un clignement des yeux, Actéon déclencha une nouvelle fois son attaque qui cette fois fut plus puissante. Une force jaillissait des rênes de l'armure du Phébus, fixées sur ses épaules, sous forme d'éclairs qui prenaient désormais une forme curieuse. En plus des simples éclairs, Polydecte put y reconnaître sa propre attaque, son tourbillon, que son adversaire lui renvoyait ! Il fut ainsi touché par les deux forces conjuguées, qui le firent s'écraser à terre, au bord du précipice. Il se relevait encore, pourtant, le visage ensanglanté, prêt à continuer le combat.

- Je vois…ses rênes sont capables de contenir la puissance de n'importe quelle attaque, de l'assimiler puis de la renvoyer à son propriétaire…quelle force prodigieuse ! Dans ces conditions, s'il peut toujours me retourner mes attaques, il se peut que je ne puisse jamais le vaincre…
- Pourquoi te relèves-tu encore, chevalier de Céphée ? Tu vois très bien que tu ne peux pas me vaincre. Accepte la défaite et ta mort sera douce et sans souffrance, je te le promet.
- Comment peux-tu m'enterrer alors que je suis toujours en vie et prêt à t'affronter ? Je te ferai mordre la poussière, même si ton pouvoir est mille fois supérieur au mien ! Trois Phébus ont déjà été tués par mes compagnons, et tu seras le suivant !
- Peu importe que les autres Phébus aient été vaincus, ils étaient faibles et ont failli à leur devoir. Je suis le plus puissant parmi les sept Phébus d'Apollon, et tu ne parviendras jamais à me faire plier, misérable chevalier !
- Il ne faut jamais sous-estimer son ennemi, quel qu'il soit ; tu commets une grave erreur, Actéon ! Aaaggh !

A ces mots, le Phébus de Neptune avait donné un violent coup de pied dans les jambes de Polydecte, affaibli, qui tomba à la renverse et porta ses mains à ses jambes, tordu de douleur.

- Quels chevaliers pitoyables…j'avais déjà vaincu les chevaliers de bronze du Dragon et du Tigre la première fois qu'ils étaient venus en ces lieux, et ce chevalier d'argent, censé plus puissant, n'est même pas capable de relever le niveau…Athéna a commis une grave erreur en venant ici avec cette piétaille, c'étaient les chevaliers d'or qu'elle aurait dû amener, si elle avait voulu se mesurer à nous. Elle est tombée dans notre piège et n'a eu que ce qu'elle méritait.

Puis, regardant fixement le chevalier de Céphée, qui, par terre, grimaçait toujours de douleur :

- Non, il n'y a pas de place pour les faibles, dans ce bas-monde ! Seuls les forts méritent de régner sur cette Terre !

*****

Sanctuaire d'Athéna, Temple du Bélier

Sion : Voilà plusieurs heures que la bataille contre le Dieu Apollon a commencé, et je sens de moins en moins les cosmos de nos compagnons…celui d'Athéna a complètement disparu, et elle court sans doute un grand danger…si seulement mon maître Jason n'avait pas péri de la main d'un de ces Phébus, j'aurais pu aller là-bas, moi aussi, me battre pour notre déesse ! La situation devient désespérée ; que fait le Grand Pope ? Pourquoi ne se décide t-il pas à réagir et à envoyer au moins l'un de nous à Delphes ?
Une voix : Peut-être parce qu'il sait que même vous, chevaliers d'or, ne pourriez rien faire contre le Seigneur Apollon…
Sion : Qui est là ?

Une jeune femme vêtue d'une longue robe blanche et encapuchonnée venait d'arriver au pied de la Maison du Bélier et venait à la rencontre de son gardien.

La jeune femme : Je suis Médée, l'une des Nymphes d'Artémis, et je viens porter un message au Grand Pope, de la part de notre maître Apollon.
Sion : Allons bon, Apollon nous nargue encore ? Après la dénommée Europe hier, il nous envoie encore une de ces émissaires immaculées…Quel est ce message, nymphe ?
Médée : Vous pensez bien que je ne peux vous le révéler, et qu'il est d'une confidentialité absolue…
Sion : Je ne te laisserai pas al…
Médée : Auriez-vous l'intention de me tuer, chevalier du Bélier ? Athéna a été vaincue, cinq des sept chevaliers partis avec elle sont morts ou grièvement blessés, et je suis sans doute la seule personne en mesure de vous apporter encore une bonne nouvelle…il n'est pas dans votre intérêt de me barrer la route…
Sion : Très bien, passe et traverse les douze maisons ! Mais je te préviens que les chevaliers d'Athéna se battront jusqu'au bout, et qu'ils ne laisseront jamais Apollon s'emparer de la Terre !

*****

Le Phébus de Neptune, Actéon du Cerf, regardait le chevalier d'argent de Céphée tenter une nouvelle fois de ses relever devant lui. Il le vit serrer les poings et les dents.

- Ca ne te suffit donc pas ? Tu veux vraiment mourir, chevalier d'Athéna ? Ou plutôt devrais-je dire, depuis quelques heures, ex-chevalier d'Athéna…ha ha ha ha ha ! !
- Cesse tes sarcasmes, Actéon du Cerf ! Tu as semé le doute en moi l'espace d'un instant, mais je vais maintenant me ressaisir pour de bon. Apprend que rien ne peut faire faiblir un chevalier d'Athéna, tant que la vie est en lui. Notre volonté peut venir à bout de toutes les souffrances et de la puissance de n'importe quel adversaire, même si son cosmos est cent fois supérieur au notre. Trois Phébus ont déjà péri de cette manière, et je jure que tu seras le suivant. En garde, Phébus ! Par la Vague de l'Esprit !
- Tiens donc, tu t'es lassé de ton minable tourbillon !
- J'ai plus d'un tour en réserve, et tu risques fort d'être surpris !

L'attaque de Polydecte créa une sorte de distorsion dans l'air qui déforma le paysage. Une simple illusion d'optique, se dit le Phébus de Neptune…cependant, dans cette déformation, il ne voyait plus son adversaire, qui semblait avoir disparu. Lorsqu'il réapparut, il était tout près de lui et il ne pouvait maintenant plus l'éviter. Il encaissa un coup de plein fouet, qui fit voler son casque et arracha la cape qu'il portait au dos de son armure.

- Grrr…Chevalier de Céphée, tu es le premier à m'avoir porté un coup, mais sache que cela ne se reproduira plus. Tu m'as surpris par ton illusion mais le gros défaut de ton attaque, comme ton tourbillon, est qu'elle ne peut vraiment marcher qu'une fois contre ton adversaire…elle est si lente que je n'aurai aucun mal à la parer la prochaine fois, et à te la renvoyer !
- Tu es trop prétentieux, et cela te perdra !
- Sois réaliste, Céphée, et abandonne ce combat…
- Jamais ! Et, quoi que tu me fasses, ma réponse sera toujours la même. Tu le sais bien ! Par la Vague de l'Esprit !
- Tant pis pour toi ! Par les Rênes Foudroyants !

Les rênes fixés sur l'armure d'Actéon eurent la même réaction que face à la première attaque de Polydecte et aspirèrent son attaque sans difficulté, puis la restituèrent à destination de son propriétaire, avec une puissance accrue. Polydecte fut une nouvelle fois touché et alla s'écraser sur le sol, tout près d'un vaste précipice qui dessinait une vallée au fond de laquelle on pouvait distinguer la ville de Delphes. Actéon crut avoir tué son adversaire avec cette seule attaque, mais Polydecte se relevait encore, le visage si ensanglanté qu'il devait l'essuyer de ses mains pour ne pas se voiler les yeux. Le Phébus de Neptune avait du mal à comprendre une telle détermination.

- Explique-moi, Polydecte ? Pourquoi ? Pourquoi te relèves-tu encore ?
- Je te l'ai déjà dit…
- Mais Athéna est morte ! Ton combat n'a plus de raison d'être !
- Que fais-tu des millions d'innocents qu'Apollon est prêt à sacrifier sur son autel, par les souffrances atroces qu'il inflige en ce moment à l'humanité toute entière ? Même si Athéna doit mourir, nous sauverons la Terre de cette folie meurtrière. En vous tuant tous ! Les quatre Phébus encore en vie ! Et Apollon lui-même !
- Très drôle…te sens-tu en mesure de défier notre Seigneur tout-puissant dans son temple ? Encore faudrait-il que tu en trouves l'entrée…et, dans un endroit tel que le Sanctuaire de Delphes, ce n'est pas chose aisée…Te souviens-tu de ce que t'as dit la nymphe Europe, au Sanctuaire d'Athènes ? Nous te proposons, à toi et aux autres chevaliers qui t'accompagnent encore, d'échapper à la destruction de ce monde et de faire partie des Elus appelés à vivre dans le Paradis terrestre restauré. En te ralliant à Apollon pour toujours, en lui prêtant serment à jamais ! Une seule réponse affirmative de ta part, et ton supplice prendra fin…
- J'aime mieux toutes les souffrances de la Terre que de me rallier un seul instant à ton Dieu égoïste et rempli de mépris pour la race humaine ! Je vais me battre contre toi, et te vaincre !
- Comment penses-tu pouvoir me vaincre ? Ne viens-je pas, à plusieurs reprises, de te montrer que tu n'y parviendrais jamais ?

Il a raison, se dit Polydecte en pensée. Sa puissance est effroyable, il est sans doute le plus puissant des chevaliers d'Apollon. Avec ses Rênes, il est capable de me renvoyer n'importe quelle attaque…il ne doit pas exister de moyen de le vaincre…à moins que…Non, tant pis, je dois tenter le tout pour le tout, quitte à y laisser la vie. Je l'emmènerai dans la mort avec moi. Depuis que le cosmos d'Athéna a disparu brusquement, je ne suis plus tranquille. Il faut que j'aille la retrouver, là où elle est, pour savoir ce qui lui est arrivé !

- Encore une fois, reçois mon attaque, Phébus d'Apollon ! Par la Vague de l'Esprit !
- C'est pathétique…tant pis pour lui, il l'aura cherché. Il ne se relèvera plus ! Mais…où est-il ?

Polydecte avait disparu, mais de manière inhabituelle, comme s'il s'était vraiment volatilisé. Tandis que la distorsion dans l'air disparaissait et redonnait place à un paysage normal, Actéon du Cerf ne parvenait plus non seulement à visualiser son adversaire, mais aussi à ressentir son cosmos.

- J'arriverai bien à te retrouver, misérable !
- Peut-être, mais ce sera la dernière fois !
- Comment ? Mais …! ! !

Polydecte était subitement réapparut dans le dos du Phébus de Neptune et il venait de passer ses bras sous ses épaules et d'empoigner, à mains nues, les rênes qui surplombaient l'armure de son adversaire. Il se mit alors à élever son cosmos et de libérer toute la puissance qu'il pouvait afin d'arracher ces rênes arrogantes.

- Tu espères détruire les rênes du Cerf, Polydecte ? Tu es fou ! Tu n'y parviendras jamais ! Lâche ça tout de suite si tu ne veux pas mourir !
- Jamais je ne lâcherai prise, Phébus ! Maintenant que je sais comment te vaincre, j'irai jusqu'au bout, dussé-je y perdre la vie !
- Pauvre inconscient ! Prépares-toi à succomber au pouvoir des Rênes Foudroyants !

Le Phébus se débattait et donnait de violents coups de pieds à Polydecte pour le faire lâcher, mais les coups ne le faisaient toujours pas démordre et le chevalier de Céphée était déterminé à résister jusqu'au bout. Il intensifiait son cosmos à un tel niveau que Actéon commençait à en ressentir la chaleur le brûler. Mais, d'un coup, Polydecte reçut un choc violent en provenance des rênes, qui les lui fit lâcher aussitôt et tomber à terre, les mains grièvement brûlées.

- Quel est ce choc, cette secousse violente et intense que je viens de recevoir, Phébus de Neptune ?
- Je t'avais pourtant prévenu…l'armure du Cerf n'est pas une armure ordinaire ; il est impossible de l'ébrécher et encore moins de détruire les rênes qui la composent. En t'acharnant en vain, tu viens de recevoir l'équivalent de la foudre dans ton corps. Si ton armure d'argent ne t'avait pas protégé, il ne resterait pas grand chose de ton corps, tu serais réduit à l'état de cendres…
- Ainsi est-ce là tout le pouvoir des Rênes Foudroyants ?
- Absolument, chevalier, et ce sont ces mêmes rênes qui vont t'envoyer en Enfer ! Par les Rênes Foudroy…ahh ! !

Des oiseaux noirs venaient d'attaquer le Phébus de Neptune et lui béquetaient la tête violemment, l'interrompant dans le déclenchement de son attaque. Il fut grandement gêné et dut intensifier son cosmos pour créer une petite explosion capable de repousser les volatiles.

- Qu'est-ce que ça signifie ? Qui a fait ça ?
- Arcanan, chevalier d'argent du Corbeau !

*****

Sanctuaire d'Athéna, Chambre du Grand Pope

Le Sanctuaire d'Athéna reposait paisiblement dans la nuit tombée depuis quelques heures. Sous une chaleur de fournaise qui ne diminuait pas, chacun tentait de trouver un peu de répit à ses souffrances. Le Grand Pope venait de s'endormir depuis peu, avec peine, taraudé par la pensée du cosmos d'Athéna disparu depuis un moment, sans explication. Il ne pouvait intervenir, il n'en avait le droit, et se résignait malgré lui à sa tâche de protection du Sanctuaire en cas d'une attaque d'un nouvel ennemi. Il avait longtemps hésité avant d'aller se coucher, se disant qu'il n'avait pas le droit de dormir dans un moment pareil, mais, sous les recommandations de ses gardes, il avait finalement cédé à sa fatigue. Son sommeil fut toutefois de courte durée ; un homme venait d'entrer dans ses appartements personnels et de le tirer de son repos.

Baruch : Grand Pope, pardonnez-moi de vous déranger à cette heure si tardive, mais une jeune femme a gravi les Douze Maisons et désire s'entretenir avec vous. Elle se dit Nymphe d'Apollon, tout comme cette Europe que nous avions reçu il y a deux jours.
Le Grand Pope : Une Nymphe ? Venue depuis Delphes ? Voilà qui ne présage rien de bon, encore une fois…t'a t-elle dit quel était l'objet de sa visite ?
Baruch : Non, elle vous attend simplement dans la Salle du Trône.
Le Grand Pope : Très bien, Baruch, fais-la patienter un instant, j'arrive tout de suite…

Le Grand Pope savait intuitivement ce que cette visite signifiait. Il se dépêcha de s'habiller et accourut dans la Salle du Trône, un peu angoissé par ce qui l'attendait. Aujourd'hui, en ce jour de guerre, son passé le rattrapait. Lui, Ivan, le chevalier d'or !

Le Grand Pope : Femme, je te prie de te présenter et de m'expliquer en détails ce qui te vaut de venir me trouver ici en pleine nuit.
Médée : Je suis Médée, l'une des neuf nymphes d'Artémis, au service de notre Seigneur Apollon, et j'ai été envoyée par ce dernier pour vous délivrer un message de la plus grande importance…
Le Grand Pope : Eh bien ? Quel est donc ce message si important ?
Médée : Cela ne risque pas de vous surprendre…c'est au sujet de la déesse Athéna…
Le Grand Pope : Qu'est-il donc arrivé à Athéna depuis quelques heures, Médée ?
Médée : Je suis au regret de vous annoncer que la Bataille qu'Athéna a engagée contre mon maître Apollon tourne largement à son désavantage et que la situation pour vous est plus que critique. Sur les sept chevaliers envoyés, deux sont déjà morts et quatre grièvement blessés. Seul un est encore en état de se battre. Quant à Athéna…
Le Grand Pope : Quant à Athéna… ?
Médée : Athéna a été transpercée par la Flèche Divine d'Artémis et été plongée dans un sommeil éternel. Seule Artémis elle-même a le pouvoir de la libérer de ce sommeil. Et Apollon, dans sa clémence, a décidé de vous laisser une chance de ramener Athéna à elle. En échange de votre contribution…
Le Grand Pope : Et quelle est cette contribution, nymphe ?
Médée : je l'ignore moi-même…Apollon vous demande de vous rendre auprès de lui sur-le-champ. C'est votre seule chance de revoir Athéna…vivante !
Le Grand Pope : Il veut que je m'absente du Sanctuaire d'Athéna, et que je vienne à lui ?
Médée : Absolument…aussi je vous conseille de méditer cette offre et de la saisir tant qu'il en est encore temps. Bientôt, la chaleur du soleil sera telle qu'elle va ravager la Terre et détruire irrémédiablement toute forme de vie à sa surface…même vous et vos chevaliers d'or ne pourrez rien faire et serez condamnés…je vous laisse à présent à vos pensées, et retourne auprès de mon maître à Delphes. Nous vous y attendons…

Médée s'en alla et le Grand Pope resta un moment silencieux, assis sur son trône, comme troublé et ne sachant que faire. Mais il eut très vite fait de prendre une décision.

- Baruch !
- Oui, Grand Pope ?
- Amène-moi ici le chevalier d'or de la Vierge !

*****

Arcanan du Corbeau venait d'arriver sur les lieux du combat entre Polydecte de Céphée et le Phébus Actéon du Cerf, alors que celui-ci allait terrasser pour de bon son adversaire. Il ne pouvait que constater l'étendue des dégâts : Polydecte était blessé, le visage ensanglanté, et lui-même n'était pas dans un meilleur état après son combat contre Erymanthe du Sanglier. Son armure était quasiment détruite et de nombreuses plaies le torturaient en divers endroits du corps. Le Phébus de Neptune, lui, n'avait pas la moindre trace d'égratignure.

- Arcanan du Corbeau…fit Actéon. Ainsi tu n'es pas encore mort, après ton combat contre Erymanthe. Ce sera un plaisir de t'achever ; j'aurai ainsi envoyé deux chevaliers d'Athéna dans la tombe !
- Je ne te laisserai pas prendre la vie de mon compagnon, Polydecte, et je te ferai mordre la poussière, Phébus ! Comme Erymanthe du Sanglier ! Par la Danse des Corbeaux !
- Ainsi ce sont ces misérables oiseaux qui te procurent ta puissance…j'en aurai vite fini en éliminant la totalité de tes compagnons à plume…disparaissez !

D'un geste du bras, Actéon déclencha une rafale de vent qui balaya tous les corbeaux présents autour de lui, réduisant à néant la tentative d'offensive d'Arcanan. Mais le Phébus reçut au même moment un coup dans le dos, qu'il n'avait pas vu arriver.

- Encore toi ! !
- Je ne suis pas encore à terre…, fit le chevalier de Céphée. Bat-toi contre moi, Phébus !
- Très bien, je vais en finir avec toi. Et ensuite, je m'occuperai de ton ami et de ses volatiles !

Actéon concentra son cosmos comme il ne l'avait encore jamais fait depuis le début du combat, libérant une force insoupçonnée en lui. Arcanan et Polydecte découvraient là toute la puissance du Cerf.

- Que le Cerf te brise les os !

D'un coup, Actéon du Cerf libéra son cosmos qui projeta une aura gigantesque sur Polydecte, comme pour l'avaler. On pouvait voir un cerf jaillir, rênes en avant, et emporter avec lui le chevalier de Céphée en le transperçant de part en part. Du sang jaillit de partout sur le corps de Polydecte et son armure explosa en morceaux sous le coup. Il fut emporté dans le vide, sous le regard impuissant d'Arcanan, et alla s'écraser au fond d'un précipice qui bordait les lieux, à une quinzaine de mètres plus bas. Il ne bougeait plus et on ne distinguait plus qu'une masse informe de bouts d'armures brisées et de taches de sang. Il était mort sur le coup. Arcanan se mit à pousser un hurlement de désespoir.

- POLYDECTE ! ! !

*****

Un homme pénétra dans la Chambre du Grand Pope. Il était vêtu d'une armure dorée scintillante d'une rare élégance, avait des cheveux blonds mi-longs et se déplaçait les yeux fermés.

- Siddartha de la Vierge, gardien de la sixième maison du Zodiaque, pour vous servir, Grand Pope.
- Siddartha, fit le Grand Pope, j'ai une mission très importante à te confier. Je vais devoir m'absenter du Sanctuaire momentanément, et tu vas me remplacer dans mes fonctions de Grand Pope.
- Comment ? ? Vous remplacer ?
- Oui ; lorsqu'un cas de force majeur pousse le Grand Pope à s'absenter pour une durée indéterminée, ou lorsque celui-ci vient à mourir, c'est au plus sage et au plus puissant des douze chevaliers d'or qu'il revient d'assurer l'intérim en son absence. On dit de toi que tu es l'homme le plus proche de Dieu et la réincarnation du Bouddha, c'est pourquoi tu es, parmi tes semblables, celui qui est le plus à même de remplir les fonctions de Grand Pope. Du moins pour l'instant…
- Mais, Grand Pope, quelle est donc cette raison qui vous pousse à vous absenter du Sanctuaire ? Votre mission est pourtant d'en assurer la protection et l'autorité sur l'ensemble des chevaliers d'Athéna, quoi qu'il arrive !
- Je ne peux te le dire, Siddartha, je te demande simplement d'assurer mes fonctions en attendant mon retour.
- Pardonnez-moi d'insister, Grand Pope, mais je tiens à connaître la vérité. Je sais que la Bataille qui se déroule au Sanctuaire d'Apollon en ce moment tourne à notre désavantage et que le cosmos d'Athéna a disparu depuis plusieurs heures, brusquement. Je sais que quelque chose de grave lui est arrivé et que votre départ a un lien avec cette situation. Dites-moi donc la vérité !
- Tu es perspicace, je vois que je ne peux pas te cacher la vérité davantage. Très bien, je vais tout te dire…

Le Grand Pope changea de ton subitement, sa voix devint plus grave et en même temps plus troublée. Siddartha devinait son visage angoissé sous le masque et le casque qu'il portait, et, du même coup, la gravité de la situation.

- Athéna, reprit le Pope, a été prise au piège par la déesse Artémis, sœur jumelle du Dieu Apollon, et a été plongée par elle dans un sommeil éternel. Rien ne peut la libérer de ce sommeil, absolument rien…sauf, bien entendu, la personne même qui l'y a plongée. Artémis elle-même.
- Vous voudriez donc vous rendre devant Apollon et Artémis pour les forcer à faire sortir Athéna de ce sommeil ? N'avez-vous pas confiance en les chevaliers qui se battent en ce moment même à Delphes ?
- La situation devient critique, Siddartha…sur les sept chevaliers partis se battre aux côtés d'Athéna, les chevaliers du Lézard et du Lynx ont déjà perdu la vie, et j'ai senti il y a un instant s'éteindre également le cosmos du chevalier de Céphée. Trois autres chevaliers, de la Licorne, de l'Horloge, du Corbeau, ont été blessés, et il n'y a guère plus que le chevalier du Dragon que je parviens encore à percevoir. Tu as dû le sentir comme moi. Apollon m'a promis la résurrection d'Athéna en échange de ma contribution. Si je refuse et que je ne fais rien, Apollon intensifiera certainement le réchauffement de la Terre et nous serons tous condamnés à périr dans les heures qui viennent…c'est notre seule chance de sauver Athéna et de garder une chance de vaincre Apollon. Nous devons tenter le tout pour le tout.
- Quelle est donc cette contribution qu'Apollon vous demande, Grand Pope ?
- Je l'ignore, Siddartha, mais je n'ai pas le choix. La vie d'Athéna dépend peut-être de moi…
- Cette réponse ne me satisfait pas, Grand Pope.
- Que dis-tu ?
- Je crois que vous en savez beaucoup plus que ce que vous me dites.
- Comment oses-tu me parler sur ce ton, chevalier de la Vierge ? ?
- C'est vous, Grand Pope, qui avez combattu Apollon, il y a 187 ans de cela, et qui l'avez vaincu, aux côtés d'Athéna ! Vous savez mieux que personne de quoi Apollon est capable, et ce qu'il espère en vous demandant de venir à lui !
- Tu as sans doute raison…mais je ne peux t'en révéler la raison. Tu dois me laisser y aller, maintenant, et ne plus discuter davantage. J'ai une entière confiance en toi pour gouverner le Sanctuaire en mon absence.

Le Grand Pope se leva et se dirigea vers la sortie de son Palais, et le chevalier de la Vierge, à sa grande surprise, se mit en travers de sa route, les bras grands ouverts.

- Désolé, Grand Pope, mais je tiens vraiment à ce que vous me dîtes tout. Que s'est-il passé, il y a deux siècles, pour qu'Apollon vous demande, à vous, de venir le voir ? Comment s'est terminé le dernier Combat Sacré ?
- Aurais-tu donc l'intention de ma barrer la route, Siddartha ? Je croyais t'avoir donné ma confiance ! Pourquoi discutes-tu mes ordres ?
- Je ne les discute pas mais je pense qu'il est dans votre intérêt de…aarggh ! ! !

Le chevalier d'or de la Vierge s'écroula à terre et perdit connaissance. Le Grand Pope venait de lui porter un violent coup dans l'estomac, par surprise, et de libérer la sortie de la Chambre Sacrée. Il regarda quelques instants Siddartha, à terre.

- Pardonne-moi, chevalier…je n'avais pas le choix. Tu as compris que je ne reviendrai pas de l'endroit où je vais, et tu espérais sans doute me proposer de t'y rendre à ma place…mais c'est à moi qu'il revient d'affronter à nouveau Apollon, comme par le passé, quels qu'en soient les risques pour ma personne. Toi, tu ne dois pas mourir, chevalier de la Vierge, et protéger le Sanctuaire de notre véritable ennemi. J'ai une entière confiance en toi pour cette mission.

Il passa devant Siddartha à terre et poussa la lourde porte d'entrée de la Chambre Sacrée, d'où il pouvait contempler toute la montagne des Douze Maisons. Il le regarda une dernière fois avant de s'éloigner et de commencer à descendre les marches.

- Tu ne me reverras sans doute plus, chevalier, aussi, bonne chance pour le futur combat que tu auras à mener bientôt. Et adieu…

*****

Le chevalier du Corbeau était effondré après la disparition de Polydecte de Céphée sous ses yeux. Il regardait le Phébus de Neptune avec une haine incommensurable, mais les blessures qu'il avait au corps étaient telles qu'il ne se sentait plus la force d'affronter encore son adversaire.

- Eh bien, chevalier du corbeau ! Fit Actéon en le narguant. Tu pleures, maintenant ? Ne t'en fais pas, tu vas aller bientôt rejoindre ton ami au fond du précipice. Tes souffrances vont prendre fin…
- Je continuerai à me battre contre toi tant qu'un souffle m'habitera, et ce même si mon corps est brisé ! fit Arcanan.
- Que crois-tu que tu puisses me faire dans ton état ? Tu n'as plus d'armure, tu es blessé de partout, et il ne te reste plus que quelques instants à vivre…accepte la défaite, et je te promets que ta mort sera douce…
- Tu sais très bien que je n'abandonnerai jamais, quoi qu'il arrive !
- Tu es à bout, tu n'as plus de force…tu es ridicule…
- Je la trouverai, la force ! Que les Corbeaux te dévorent !
- Encore ces misérables bestioles…Tant pis pour toi, c'est la fin, maintenant ! Que le Cerf te brise les os !

Une gigantesque déflagration retentit et fit s'effondrer tout un pan d'une paroi rocheuse sur le côté.

*****

Siddartha de la Vierge venait de reprendre ses esprits, de se relever et de constater que le Grand Pope était bel et bien parti de la Chambre Sacrée. Il était maintenant, par intérim, le nouveau maître du Sanctuaire, et dirigeait en théorie plus de soixante-dix chevaliers.

- Le Grand Pope est parti…il ne reviendra sans doute plus…pourquoi l'ai-je laissé partir ? Je n'ai pas réussi à l'en empêcher…maintenant, je ne peux plus rien faire pour l'aider, et il est parti en emmenant avec lui son secret.

Il se redressa totalement, dans une position où il reprenait toute son élégance naturelle, et vint s'asseoir sur le Trône du Grand Pope. Il pensait confusément à un moyen d'agir, malgré tout. Tout était confus dans sa tête.

- Il faut que je sache quel est le moyen d'enfermer Apollon, et de quelle manière il a pu être vaincu il y a 187 ans…Mais comment faire ?

Il se concentra et ferma les yeux. Il entra alors dans une sorte de transe et se mit à communiquer avec un interlocuteur éloigné, par la simple force de la pensée.

- Sion…Sion ! Chevalier du Bélier, m'entends-tu ?
- Siddartha de la Vierge ? Répondit, depuis son temple, Sion du Bélier, surpris par l'appel télépathique de son compagnon d'armes.
- Sion, j'ai besoin de tes conseils. Tu sais sans soute maintenant que le Grand Pope vient de quitter à l'instant le Sanctuaire pour se rendre auprès d'Apollon, et que j'ai été chargé par lui d'assurer l'intérim en son absence ?
- Oui, c'est exact, et je viens d'ailleurs de le laisser passer. Que puis-je pour toi, Siddartha ?
- Je suis certain qu'Apollon a tendu un piège au Grand Pope, et que celui-ci court un grand danger. Je dois absolument savoir comment il est possible d'enfermer Apollon.
- Je suis le plus jeune des douze chevaliers d'or, et je suis surpris que tu t'adresses à moi. Mon expérience des combats est encore limitée ; en quoi veux-tu que je puisse t'aider ?
- Malgré ta jeunesse, tu es l'un des plus sages et des plus avisés parmi nous tous, et aussi l'un des seuls à pouvoir communiquer avec qui tu souhaites par télépathie…je suis sûr que, faute de connaître ce secret, tu connais au moins le nom d'une personne qui pourrait me l'indiquer…
- Mon maître Jason m'avait raconté cette Guerre Sainte dans ma jeunesse, et expliqué que douze chevaliers y avaient survécu et que deux d'entre eux faisaient partie des nôtres, encore aujourd'hui…il s'agit des chevaliers d'or de la Balance et du Verseau. Je pense que tu devrais t' entretenir avec eux, et qu'ils te seront d'une grande information.
- Oui, tu as raison, je vais le faire sur le champ.
- Je te souhaite bonne chance, Siddartha. Qu'Athéna nous protège, de là où elle est…

De nouveau seul, après cette conversation, Siddartha convint d'appeler sans plus attendre celui, des deux chevaliers mentionnés par Sion du Bélier, qui se trouvait le plus près de la Chambre Sacrée.

- Gardes ! Amenez-moi ici Hippolyte, le chevalier d'or du Verseau !

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Cette fiction est copyright Christophe Becquet et Fabrice Willot.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.