Chapitre 1 : La mission


La Terre, vers la fin du XXIIIème siècle

Le bloc de glace commença à se craqueler. Un petit peu d'abord, puis de plus en plus. Au bout de quelques instants, la glace fondit comme neige au soleil et l'homme se trouva libéré. Bien sûr, il était inconscient. Il avait passé près de trois cent ans congelé. Un vieillard s'approcha alors de lui. Il mit sa main ridée sur le front de l'homme et prononça une sorte d'incantation. Aussitôt, une lumière jaillit de sa main et entoura le corps de l'inconscient. Petit à petit, il reprit des couleurs et ouvrit les yeux au bout de quelques minutes. Incontestablement, il était beau. Ses longs cheveux blonds retombaient en cascade sur son visage, masquant quelque peu ses yeux bleus. Bien proportionné - il devait mesurer environ un mètre quatre-vingt -, il pouvait avoir une vingtaine d'années. Son regard balaya le décor qui se trouvait autour de lui. Il était dans une espèce de grotte. La mousse poussait sur les murs et permettait d'avoir une faible lumière; toutefois, il y avait également quelques torches qui brûlaient. Curieusement, alors qu'il se trouvait au fond d'une grotte et presque nu - il ne portait qu'un jean et un t-shirt blanc -, il n'avait pas du tout froid. Il avait même presque … chaud.

Il remarqua alors le vieillard qui s'était rassis, semblant attendre patiemment quelque chose.

- Excusez-moi fit l'homme d'un ton courtois, auriez-vous l'amabilité de me dire où je me trouve?

Pour toute réponse, le vieillard indiqua un point au-dessus de la tête de l'homme. Ce dernier leva la tête et ne put retenir un cri de surprise. On aurait dit… Mais oui, il s'agissait bel et bien d'une gravure représentant un bélier !

- Serions-nous dans la maison du Bélier ?
- En effet.
- Mais que lui est-il arrivé ?
- Chaque chose en son temps, veux-tu ? Attendons d'abord que tes compagnons soient réveillés, Orphée de la Lyre.
- Mes compagnons ?

Orphée se retourna et vit cinq autres personnes, enfermées comme lui l'avait été dans un cercueil de glace. Il scruta attentivement les visages sans en reconnaître aucun.

- Qui sont-ils ?
- Ah, première question pertinente. Celui qui est le plus à droite est Mû, chevalier d'Or du Bélier. Celui à sa gauche est Isaak de Kraken, ancien Général de Poséidon. A côté…
Le vieillard fut interrompu par une série de craquèlements. Un à un, les différents cercueils se mirent à fondre. Le vieillard s'approcha et répéta les mêmes gestes qu'il avait effectué sur Orphée. Les cinq hommes se relevèrent assez vite, manifestement aussi surpris qu'Orphée de se retrouver dans ce lieu. Puis l'un d'entre eux s'approcha du vieillard.

- Excusez-moi, mais j'ai l'impression de vous avoir déjà rencontré. Mais du diable si j'arrive à me souvenir ?
- Ai-je donc tant changé depuis la colline où nous nous sommes jadis affronté, Mime de Venetasch, Guerrier Divin d'Eta ? Il est vrai qu'il y a plus de trois siècles de cela, mais tout de même…

A l'annonce de son nom, Mime sursauta. Ainsi il ne s'était pas trompé, il connaissait bel et bien cet homme. Mais qui était-il ? Peu à peu un visage se superposa sur celui du vieillard ; le visage d'un adolescent aux cheveux bleus…

- Ikki !

Ikki, parce que c'était lui, eut un petit rire sans joie.

- Heureux de te revoir Mime, même si j'aurais préféré que ce soit dans d'autres circonstances. Mais attends, avant de tout vous raconter, il me faut faire les présentations. Je suis Ikki, chevalier divin du Phénix. Je vous salue Isaak, Mû, Io de Scylla et Siegfried de Dol, Guerrier Divin d'Alpha.
- Que diable faisons-nous ici, interrogea Mû ?
- C'est une longue histoire, Mû, une bien longue histoire…

Ikki se retourna alors et se mit à marcher vers son fauteuil.

- Ne vas-tu pas nous la raconter, fit Siegfried ?
- Si, mais si tu permets, je vais d'abord m'asseoir. Tu as peut-être toujours tes dix-huit ans, mais saches que moi j'en ai près de trois cent quinze !
- Comment ? Mais nous serions alors en…
- En 2286, précisément, Io, répondit Ikki en s'asseyant. Je vous suggère de bien vous installer, car je crains qu'à la fin de mon histoire, vous n'ayez les jambes qui flageolent et ne vous portent plus… Ecoutez-moi, écoutez l'histoire qui a détruit le monde…

***

"Nous sommes revenus sains et saufs des Enfers, Seiya y compris. Si j'ai bien saisi, Zeus est intervenu personnellement pour le ramener à la vie. Mais baste, ce n'est pas qui nous importe ici. Toujours est-il que pendant plusieurs semaines, nous avons bien savouré notre victoire. Nous avons d'abord rendu un dernier hommage aux chevaliers d'Or disparus avant de goûter aux joies du farniente, chose que nous n'avions jamais fait auparavant.
Bien sûr, nous ne pouvions quitter le Sanctuaire mais nous passions la plupart de nos journées avachis dans les gradins des Arènes à bronzer et à nous chamailler. L'été passa ainsi, tout comme l'automne, sans que le soleil ne disparaisse ni que viennent les nuages, la pluie et le froid. Un magnifique soleil de plomb régnait chaque jour. Ce phénomène n'avait pas uniquement lieu en Grèce mais dans le monde entier. Bientôt, nous reçûmes un message d'Hilda nous indiquant que ses prières ne pourraient pas cette fois empêcher les glaces millénaires de fondre. Un gigantesque raz-de-marée déferla sur le monde environ deux ans après que nous soyons rentrés. Je peux vous garantir que la tempête déclenchée par Poséidon avait l'air d'une aimable plaisanterie à côté de ça. Très vite, les villes furent submergées et environ les 4/5 de l'humanité disparurent. Les survivants émigrèrent en haut des montagnes et tentèrent de survivre comme ils le pouvaient. Le cosmos d'Athéna protégea le Sanctuaire pendant quelques temps, avant de céder. Nous nous réfugiâmes ici, dans cette pièce même où je vis à présent depuis près de trois cent ans. Nous n'avons pas été longs à comprendre que la mort d'Hadès avait ruiné l'équilibre du monde tel que nous le connaissions et nous étions en train d'en payer les conséquences. Marine et Shina, envoyées en mission, disparurent rapidement. Nous étions en tout douze ici : Jabu, Ichi, Ban, Nachi, Géki, Seiya, Kiki, Shiriu, Hyoga, Shun, Athéna et moi. Athéna nous réunit un jour pour nous parler.

- Chevaliers, l'heure est venue pour nous de prendre une décision. L'équilibre que nous avons rompu mettra plusieurs siècles à se reconstruire.
- Plusieurs siècles, interrogea Shiriu?
- Au moins trois, je pense.
- Mais je ne comprends pas, fit Seiya. Nous avons sauvé le monde de la Grande Eclipse ! Pourquoi la Terre a-t-elle été punie pour cela ?
- Nous aurions du nous contenter de stopper Hadès et non de le tuer. Ce faisant, nous avons commis un crime.
- N'y a-t-il aucun moyen de réparer nos erreurs, demanda mon frère les larmes aux yeux?
- Il en existe un Shun, répondit doucement Athéna. Malheureusement, l'utiliser signifiera la mort pour chacun d'entre nous.
- Comment cela, fit Hyoga ?
- Il nous faut renvoyer quelqu'un dans le passé pour nous empêcher de détruire le corps de mon oncle.
- Moi, fit Seiya ! J'irai !
- Non, Seiya, c'est impossible, répondit Athéna en secouant la tête. Tu ne peux te trouver deux fois dans le même espace-temps.
- Dans ce cas-là, j'irai, intervint Jabu. Je me trouvai sur Terre, donc je peux être à la fois sur Terre et aux Enfers, si je vous ai bien compris.
- En théorie oui, Jabu, mais ne t'offenses pas, tu n'es pas assez puissant pour inverser le cours des choses.
- Attendez un instant, fit Shiriu. De toute façon, qui que nous envoyions dans le passé, que pourra-t-il faire ? Comment peut-il nous empêcher de tuer Hadès ?
- C'est très simple, il faut que celui que nous envoyions affronte Hadès avant nous et réussisse à le renfermer dans mon sceau.
- Et beh, commenta Seiya… C'est pas gagné ça ! De toute façon, je ne vois pas bien qui pourra faire ça. A part bien sûr les chevaliers d'Or, mais ils sont tous morts !
- Ce n'est pas le problème principal que nous ayons à résoudre.
- Quel est-il alors, interrogea Géki ?
- Seiya a raison quand il dit qu'il nous faudrait les chevaliers d'Or pour mener à bien une mission pareille. Malheureusement, mes pouvoirs ne sont pas assez puissants pour les ramener à la vie. Je peux en ramener un, pas plus. Il nous faut donc procéder autrement.
- Comment ?
- En faisant appel aux Guerriers d'Asgard et aux Généraux de Poséidon. Chacun d'entre vous, fit-elle en regardant les quatre chevaliers divins et moi-même, à le pouvoir d'en ressusciter un. Toutefois, Ikki et Hyoga, je ne veux pas que vous le fassiez.
- Et pourquoi, rétorquai-je ?
- Parce que je vais avoir besoin de vous pour une autre mission.
- Mais comment fait-on pour ressusciter un chevalier ?
- Il vous suffit de concentrer votre cosmo-énergie au maximum sur celui que vous voulez ramener. Mais il faut que vous sachiez que si ressusciter quelqu'un est possible, il y a un prix à payer.
- Lequel, fit Shun tout en sachant déjà la réponse ?
- La mort.

Les derniers mots d'Athéna résonnèrent longtemps dans la grotte. Pendant plusieurs minutes, aucun son ne fut proféré. Puis, lentement, Shun s'écarta de nous. Il nous fit un pâle sourire et concentra son cosmos. Sa brillante aura rose illumina toute la grotte. Puis, au bout de quelques secondes, une forme apparut. D'abord indistincte, elle se précisa petit à petit : Io de Scylla venait d'apparaître sous nos yeux. Sans armure, le visage livide, inconscient, mais vivant. L'aura de Shun brilla pendant quelques instants encore avant de disparaître complètement. Mon petit frère ferma les yeux et tomba à terre, sans vie.

Seiya s'avança alors vers moi et me dit "Je sais que tu voudrais que Mime soit là. Je vais exaucer ton vœu". Il répéta ensuite la même manœuvre que Shun. Mime apparut, également inconscient. Avant de glisser dans le royaume des morts, Seiya nous adressa un dernier sourire. Shiriu ressuscita ensuite Siegfried, puis s'éteignit doucement, sans un son.

A ce moment, Jabu et Géki s'avancèrent à leur tour. Je les regardai bizarrement, me demandant ce qu'ils voulaient faire. Jabu prit la parole.

- Déesse Athéna, peut-être ne sommes-nous pas assez puissants pour inverser le cours des choses, mais nous ne laisserons pas nos camarades sacrifier leurs vies en vain. Seiya et Shun nous ont souvent parlé de ce chevalier d'Argent qu'ils admiraient plus que tout. Géki et moi allons donc le ramener.

Leurs cosmos se mirent à briller. Je dois reconnaître que je ne pensais pas qu'ils puissent être aussi puissants. Ils nous ramenèrent Orphée, chevalier d'Argent de la Lyre. A leur tour, Nachi, Ban et Ichi brûlèrent leurs cosmos.

- En souvenir de Hyoga, fit Ichi…

Lorsqu'ils passèrent de vie à trépas, Isaak respirait doucement. Athéna se tourna alors vers Hyoga, Kiki et moi, derniers survivants.

- J'ai une mission à vous confier à tous trois. Je vais ressusciter Mû. Pour cela, je vais avoir besoin de toi, Kiki. A nous deux, nous ferons revenir ton maître. Ensuite, Hyoga, tu construiras pour chacun d'entre eux un cercueil de glace. Lorsque le temps sera venu, ils fondront d'eux-mêmes. Cet effort ne te tuera probablement pas, mais il affaiblira grandement tes défenses. Je crains que tu ne survives pas plus de quelques années. Enfin, Ikki, tu auras la mission la plus difficile. Je te charge d'attendre le réveil de ces combattants et de leur expliquer leur mission. Je suis navrée de t'imposer cette tâche, chevalier, mais tu es le seul qui ait la force mentale requise pour y arriver. Je te donne le pouvoir d'attendre leur réveil et te promets que, dès qu'ils sauront ce qu'ils ont à faire, tu pourras reposer en paix.
- J'accepte Athéna, mais nous avons deux problèmes.
- Lesquels ?
- Tout d'abord, ils n'ont pas d'armures. Ils n'iront pas loin, à mains nues.
- Ne t'inquiètes pas pour cela, j'ai laissé à Mû suffisamment de gammamium et d'orichalque pour créer de nouvelles armures. Le second problème ?
- Comment je fais pour les renvoyer dans le passé ?
- Mû saura quoi faire. Adieu Ikki, vaillant chevalier.
- Adieu ma déesse.

Athéna et Kiki concentrèrent leurs cosmo-énergies. Plusieurs minutes passèrent avant que Mû ne revienne parmi nous. Kiki s'écroula sur le sol tandis qu'Athéna disparut. Je regardai alors Hyoga. Il était visible qu'il pensait comme moi qu'elle était retournée sur l'Olympe.

- C'est à ton tour, Hyoga. Fais-leur honneur.

Un puissant froid envahit alors la grotte. Hyoga leva son bras droit quelques instants: les six guerriers étaient prisonniers de la glace. Epuisé, il s'écroula et je le tins dans mes bras jusqu'à ce qu'il reprenne des forces."

***

- Hyoga est mort quelques années après. Il ne cessait de parler de Seiya et des autres, comme s'ils allaient revenir bientôt. Jusqu'au bout il crut à leur retour.

Ikki leva alors les yeux vers ceux qui l'avaient écouté, les larmes aux yeux.
- A présent que vous êtes là et que vous savez quoi faire, je peux mourir en paix. Mais avant de partir, j'ai une dernière requête.
- Nommes-là, Ikki, fit Mime, et je jure par Odin et par Athéna qu'elle sera exaucée.
- Faites en sorte que nous ne soyons pas morts pour rien.

Sur ces mots, le chevalier Phénix se tut et s'en fut rejoindre ses amis, ses frères qui l'attendaient depuis si longtemps. Mime s'approcha doucement et lui ferma les yeux avec une infinie tendresse.

- Je te le promets, Ikki. Nous serons dignes de ta confiance.

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Cette fiction est copyright Emmanuel Axelrad.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.