Chapitre 7 : Paon contre Bélier


Nikè

Je ressentais une énergie particulièrement hostile provenant d'un des autres domaines. Pourtant, je n'avais pas le loisir de m'arrêter et d'essayer de deviner vers qui elle se dirigeait mais il me semblait bien reconnaître le cosmos de Mu, l'un des chevaliers d'Or que je connaissais le mieux pour avoir travailler avec lui l'alchimie durant plusieurs jours. Je craignais pour sa vie, car il était en ce moment très fatigué mais je me rappelais aussi qu'il avait une force qui le classait parmi les combattants les plus puissants d'Athéna. Et puis, ce ne serait peut-être pas lui qui devrait affronter ce… ce cosmos! Mais, oui, il n'y avait pas de doute et Dohko s'arrêta si soudainement devant moi que je m'arrêtais trop tard et lui rentrais dedans.
-Excusez-moi...
Il ne me répondit pas et je portais une main à ma tête. Son dos m'avait paru aussi dur que de la pierre ou bien était-ce mon mal de tête omniprésent qui me causait ses troubles?
Nous courrions depuis maintenant plus d'une heure après avoir laissé Kanon derrière nous. Je n'avais aucune idée de ce qu'il était devenu mais je sentais encore, certes très faiblement mais tout de même, des étincelles provenant de son cosmos. Il n'avait pas abandonné la lutte et devait combattre en ce moment contre la mort elle-même. Je tremblais de ce qui pouvait lui arriver mais je lui faisais confiance. Il nous rejoindrait. C'était certain.
Mon esprit avait dérivé vers un autre sujet alors que j'avais ressenti une énergie qui ne m'était pas inconnue et je l'avais presque instantanément identifiée. C'était l'homme qui avait écourté impitoyablement la vie d'Aldébaran qui se trouvait actuellement dans le Domaine de Mu et de ses compagnons. Dohko confirma mes dires quand je lui demandais si je ne me trompais pas.
-Ainsi, ils vont pouvoir venger notre ami... souhaitons leur simplement bonne chance car ce Berserker a l'air de compter parmi les plus puissants, ajouta-t-il.
Shiryu et Seiya écoutaient tranquillement ce que disait le Grand Pope. Durant tout notre trajet, Pégase n'avait pas cessé de détendre l'atmosphère et je commençais à le trouver vraiment très agréable. Je me disais que ses enfantillages n'auraient pas plus à Kanon, mais enfin, je n'allais pas le blâmer de nous faire rire. Shiryu semblait plus tempéré que son ami au sang chaud, plus réfléchi, presque à l'image de son maître même si ce dernier avait une sagesse et une maturité qui le différenciait de son disciple.
De toute manière, je ne pouvais les écouter que d'une oreille car je m'évertuais à prier discrètement, ce qui n'était pas une mince affaire, surtout en courant. Je devais à la fois assurer la victoire et en même temps ne pas me faire remarquer d'Arès. Pourtant, je savais ne pas pouvoir donner le change encore longtemps. Les chevaliers d'Athéna auraient besoin d'un soutien inconditionnel qu'ils trouveraient en la personne de leur déesse mais aussi en moi. Et il fallait bien que je fasse un choix, soit je les épaulais de toutes les forces de mon cosmos, soit je me contentais de faire tapisserie et de réserver la surprise de ma présence au dieu de la Guerre au dernier instant. Mais, j'avais aussi une étrange impression.
Je distinguais parfaitement le cosmos d'Athéna, puissant, doux, bénéfique et encourageant, celui d'Arès, agressif, violent, prêt à exploser d'une seconde à l'autre si c'était nécessaire, le mien, évidemment... mais mon sixième sens me soufflait qu'il y avait d'autres énergies, qui, sans rivaliser avec celle de Saori ou du dieu de la Guerre, était à peu près équivalente à la mienne. Mais de qui émanait-elle? Et en étais-je sûre? Non, évidemment, mais c'était un instinct, comme si ces dernières puissances ne m'étaient pas inconnues, que nous nous étions croisées il y avait de cela bien des années. Mais qui était-ce?
Je secouais la tête, ne voulant pas avertir mes compagnons de voyage tant que je n'étais pas certaine de ce que j'avançais. Je ne désirais pas les effrayer et il valait mieux que je garde cela pour moi, du moins pour l'instant. Car, comme le disait mon proverbe préféré, prudence est mère de sûreté. J'allais, une fois de plus, donner raison à cette phrase.
-Je crois qu'il ne vaut mieux pas s'attarder, déclara Dohko en repartant en courant.
J'allais finir par ne plus pouvoir tenir ce rythme. Tous les trois paraissaient ne jamais devoir être essoufflés et il y avait de quoi être admiratif, surtout pour moi, qui n'avait plus beaucoup d'air dans les poumons, ni de force dans les jambes.
Seiya me prit par la main et m'entraîna avec lui. Mes pieds touchaient à peine le sol tant il allait vite et j'avais la perpétuelle impression que j'allais tomber en arrière même si Pégase me tenait de toutes ses forces, ce qui n'était pas peu dire. Je me voyais presque entrain de voler, comme à l'époque ou je me trouvais sur l'Olympe et ou je possédais des ailes, comme sur ma représentation dans la main d'Athéna.
-Je sens que nous aussi, nous n'allons pas tarder à nous retrouver nez à nez avec un nouvel adversaire, annonça Shiryu pensivement.
-C'est moi qui m'en occuperait, précisa Seiya, impatient de combattre.
Sa fougue me plaisait et m'amusait mais me faisait craindre pour lui. Il n'avait pas encore idée de ce qu'il disait. Mais moi, je savais. Je savais qu'il n'avait que très peu de chance de s'en sortir.


Kanon

J'avais perforé ma peau en la transperçant rapidement mais douloureusement. Mais de toute manière, rien ne pouvait être plus terrible que ce que je subissais avec le Skin Burning. Alors que mon sang s'échappait des cicatrices que je m'étais moi-même infligé, je me relevais. Je n'avais pas le temps et le droit au repos, je devais remettre mon armure, continuer ma route tout en attendant que l'hémorragie cesse, si Zeus le voulait bien.
Le feu qui brûlait en moi depuis que Esculape m'avait touché ne s'arrêtait pas. Au contraire, j'avais l'impression qu'il était sans cesse attisé par quelques mystérieux souffles de vent dont je n'avais pas conscience. Mes poumons étaient en miettes, j'en étais persuadé et je n'arrivais plus qu'à respirer de tant à autre par ma bouche, d'ou jaillissait fréquemment du sang en dose assez impressionnante. Mais je devais me relever, pour Athéna, pour les hommes et aussi pour moi-même. Je resterait digne face à tout ce qui pourrait m'arriver et je n'avais, durant toute ma vie, et cela, que je sois en proie à de mauvaises intentions ou de bonnes, jamais abandonné. Ce n'était pas maintenant que j'allais rester à terre. Il me restait encore beaucoup de combats à livrer, d'ennemis à vaincre et les brûlures d'Esculape de m'empêcheraient pas d'accomplir mon devoir.
Je me relevais, me mettant debout sur des jambes vacillantes alors que j'étais parcouru de longs tremblements, sans doute provoqués par les sueurs glacées dont étaient recouvert mon corps. J'avais ré-enfiler mon armure et je sentais que du sang s'échappait toujours de mes points vitaux. Mais cela provoquerait peut-être ma guérison, sans doute ma mort, mais je n'avais pas eu le choix. Il m'avait fallu agir, et j'avais fait ce qui me paraissait comme le plus logique, comme le meilleur. Je mis un pied devant l'autre avec difficulté, cherchant mon souffle et tentant d'apercevoir quelque chose entre mes paupières collées. Je décidais alors de fermer complètement mes yeux, que ma peau rouge écarlate avait fait terriblement gonflés, et de me guider uniquement avec mon sixième sens, car celui-ci n'avait nullement été atteint.
-Athéna, guidez mes pas, murmurai-je alors en commençant mon pénible chemin.


Shaka

Ce cosmos étrangement puissant provenant du quatrième domaine, celui des Barbaries, ne me trompait guère. Il s'agissait de l'homme qui avait ôté la vie au gardien de la seconde Maison du Zodiaque.
Quel chevalier allait l'affronter? Je ne le savais nullement mais je me doutais déjà de la réponse. Ce serait sans doute une personne qui désirait venger Aldébaran et qui ne faillirait pas à sa tâche et aussi quelqu'un d'assez puissant pour se frotter à ce redoutable Berserker. Mu, évidemment. Je ne me trompais jamais et je supposais sans peine qu'il conseillerait aux autres de s'éloigner et de partir, pour aider Athéna. J'aurais agi exactement de la même manière à sa place.
Je suivrais le combat à distance, tout comme je l'avais fait pour celui de Kanon, qui errait à présent entre le monde des vivants et celui des morts. Mais je ne doutais pas de ses capacités de récupération et de son envie de s'accrocher à l'existence. Il attendait trop d'elle pour se laisser couler dans l'oubli. Non, il n'était décidément pas homme à se laisser dépérir et je m'attendais déjà à le retrouver debout, la tête haute, devant les marches du temple d'Arès.
Cette pensée en entraîna immédiatement une autre dans mon esprit. Que pouvait bien faire le Dieu de la guerre pendant qu'Athéna se rapprochait irrémédiablement de son fief? Rien... cela m'étonnait de cette personnalité barbare et portée sur les affrontements sanglants. Pour ma part, je me serai plutôt attendu à le voir surgir au beau milieu de la guerre, son épée divine à la main et prêt à abattre tout ce qu'il y avait sur sa route. Je me faisais une idée très précise, et fort exacte, de cette divinité et je m'interrogeais sur ses premières réactions alors qu'il nous verrait arriver. Cela ne manquerait certainement pas de grandeur et de violence...
J'écartais une mèche de mes longs cheveux alors que nous continuions à marcher sur cette passerelle des airs. Je sentais, dès que je levais un peu mes bras que je gardais le long de mon corps, le vide entourer ce chemin. Cela n'avait rien d'effrayant au contraire. Si la nature avait ainsi fait les choses, c'était qu'il y avait une raison. Car chaque chose était à sa place et si jamais elle en bougeait, il fallait immédiatement la remettre à son emplacement initiale. C'était une loi naturelle. Celle du respect. Et elle s'appliquait aussi à Arès. Sa place était dans l'urne sacrée d'Athéna et il était dans l'ordre des choses de l'y remettre de gré ou de force. La deuxième solution m'apparaissant comme véritablement évidente.
-Quand le chemin prendra-t-il fin? entendis-je derrière moi alors que je m'avançais, comme toujours depuis notre départ en notre domaine, en tête de fil.
C'était Shun qui avait posé la question et je comprenais son impatience, sans pour autant la ressentir.
-Dans moins d'un kilomètre, sans doute, répliqua Aioros, en voyant s'élever devant nous de nouveaux ravins.
J'en devinais la présence et la hauteur sans les apercevoir et j'évaluais le temps que nous mettrions à en atteindre la fin. Trop... mais de toute manière, chaque seconde que nous passions dans ce domaine était de trop. Car chaque instant ôtait de cette planète une nouvelle vie et je m'y refusais. Il fallait que nous agissions au plus vite.


Mu

L'assassin d'Aldébaran. Il se tenait devant moi, debout et gracieux au possible. Mais il émanait de lui une vanité plus que déplaisante et sa confiance en sa propre victoire m'exaspérait.
J'avais ordonné, plutôt que demandé, qu'on me laissât seul avec cet individu car j'en faisais mon affaire. Je devais venger le chevalier du Taureau et ainsi, racheter son honneur bafoué par sa défaite. J'étais finalement heureux qu'Argus se soit placé sur ma route, et je devais avouer que je l'avais même espérer. Mes compagnons s'étaient esquissés sur ma demande et s'étaient fondus dans l'horizon. J'avais attendu qu'ils ne soient plus en vue pour adresser la parole à mon ennemi, à qui l'animal du paon allait à ravir.
Il semblait prêt à se faire admirer à tout instant, faisant la roue lorsqu'on lui demandait ou lorsqu'il sentait qu'un public était là pour le regarder. Mon instinct me murmurait qu'il avait besoin du regard des autres pour survivre. Mais je n'étais pas spectateur face à lui, non, j'étais acteur de cette scène et nous n'étions pas en représentation, contrairement à ce que son sourire pédant voulait faire croire.
Je le toisais du regard, même s'il me dominait de par sa taille. Non pas qu'il fût plus grand, je le voyais même un peu plus petit que moi-même, mais il marchait sur la boue alors que j'y étais moi-même enfoncé. Il était d'une minceur incroyable, ses yeux étaient si noirs que l'on n'arrivait guère à en distinguer l'iris. Ce regard ressemblait à du jais tant il était uniforme. Quant à ses cheveux court et épais, ils avaient la couleur des plumes d'un paon, bleu foncé et vert sombre à la fois, avec des reflets noirs. Quel curieux mélange qui rendait quelque chose d'assez harmonieux sur son visage aux traits réguliers. Pourtant, il était laid. Non pas à cause de son physique, mais parce que la commissure de ses lèvres était légèrement haussée en un pli ironique, son regard était suffisant, ses gestes montraient qu'il était plein de lui-même et je le détestais déjà. Il devait aussi me juger d'ou il était. Mais je n'en avais que faire car il était bien la dernière personne sur terre à avoir le droit d'émettre un avis sur moi.
Je regardais sa Cuirasse, qui faisait passer celle de Procuste, la seule que j'avais vu auparavant, pour un simple jouet. Celle-ci était éclatante de rouges différents, allant du plus clair ou plus foncé et témoignant de sa puissance. J'avais été révolté en apprenant que les Berserkers se servaient du sang de leur victime pour réparer leurs armures et ne pas risquer leur soi-disant "précieuses" existences. Les Berserkers me dégoûtaient au plus haut point et s'était finalement un avantage car j'allais mettre encore plus de cœur dans ce combat. D'ordinaire, j'acceptais toujours de laisser un échappatoire à mes adversaires, s'ils acceptaient de se repentir et de jurer fidélité à la déesse Athéna, mais, alors que je regardais Argus, je comprenais que je ne lui laisserais aucune chance. Il n'avait pas le choix. Il mourrait aujourd'hui et qui plus est de ma main.
-Je suis Mu, chevalier d'Or du signe du Bélier.
-Tiens donc, répliqua Argus en fronçant ses fins sourcils avec un amusement simulé. Tu es donc le premier chevalier des signes du Zodiaque. Mais ne serais-tu pas aussi l'alchimiste? Celui qui a réparé les armures après la bataille dans l'Hadès, il y a de cela quelques jours?
Comment savait-il? Comment était-il au courant du travail que j'avais réalisé à l'abri des regards, confiné entre les murs de mon temple? Je lui posais la question et il se mit à rire de sa voix aiguë et exaspérante qui me rappelait invariablement celle de l'animal qui le représentait.
-Mais que crois-tu donc, Mu, j'ai mille yeux. Ce n'est pas qu'une légende... connais-tu mon histoire?
Je secouais la tête, et même si je n'avais aucune envie de me l'entendre raconter, j'étais fasciné par chacune des intonations de sa voix, comme hypnotisé, et cela ne présageait décidément rien de bon. Je laissais errer mon regard sur sa cuirasse. Celle-ci avait de grandes ailes sur lesquelles on pouvait clairement distinguer des yeux noirs de paon, semblables aux siens... En observant de plus près son armure, on arrivait même à remarquer la présence d'autres yeux sur les jambières, les bras... je ne savais pas si il en avait réellement mille, mais en tout cas, ce ne devait pas être loin. Je dirigeais ensuite mon regard sur son visage vaniteux et son rire perçant retentit.
-Écoute-moi donc, Mu...
-Et pourquoi cela? répondis-je, peu enclin à la patience à cet instant. Je n'ai pas à écouter tes balivernes qui ne m'intéressent ni ne me concernent.
-Parce que tu ferais mieux de profiter de tes dernières minutes ici-bas, alors autant les passer agréablement...
Il soupira devant mon air déconcerté et perplexe. Je le trouvais si pédant et sûr de lui qu'il en devenait écœurant.
-Il y a de cela bien longtemps, quand les dieux vivaient encore sur l'Olympe, je fus engagé par Héra pour mes qualités d'espion. Et tu te doutes bien qu'avec autant d'yeux, rien ne m'échappait, n'est-ce pas? Elle m'avait ordonné de suivre son époux, le grand Zeus et c'est évidemment ce que je fis. Elle était inquiète de ses activités dont il ne l'informait guère. Seulement, tu me l'accorderas, comment tromper le dieu le plus puissant? Pendant un certain temps, j'ai réussi à remplir mes missions sans encombre, rapportant à ma maîtresse chaque faits et gestes de son mari, mais celui-ci, quand il l'a appris, me l'a fait payé très chèrement.
" Il m'a banni de l'Olympe, tout simplement... et j'ai du aller vivre sur terre, dans ce monde que je ne connaissais, ni n'appréciais guère. Dans un certain sens, c'est la faute de la race humaine si je suis aujourd'hui condamné à mener une existence terrestre, car s'elle n'avait pas été là, Héra n'aurait pas eu besoin de faire suivre son mari, comprends-tu? Elle n'avait pas confiance en lui, pas plus que je n'avais véritablement confiance en elle, même si elle prétendait que j'étais son meilleur ami.
" Pourtant, lorsque je fus chassé du paradis céleste, elle n'a rien fait pour me retenir, elle avait sans doute peur du courroux de son mari, mais tout de même, je me permets le luxe d'en être vexé. Enfin, il faut bien s'accommoder de sa condition. Heureusement, j'ai rencontré quelqu'un pour qui je valais plus qu'un simple laquais que l'on renvoie bon gré mal gré. Le grand Arès. Lui, ne s'est pas laissé tromper et il a réellement vu toutes les qualités que je possédais. Je suis le meilleur espion qu'il n'y est jamais existé et qu'il n'existera jamais. Mes talents le servent chaque jour, car je puis presque dire, que lorsqu'on me confie une mission, je deviens omniscient. Voilà tout simplement pourquoi je suis au courant de la réparation des armures.
Je restais quelques instants interloqué par ce discours assez étonnant avant de me ressaisir.
- Omniscient? Tu te prendrais donc pour l'égal des dieux?
-Et pourquoi pas? fit-il avec un geste moqueur et qui se voulait lourd de significations. J'ai bien réussi à te surprendre entrain de faire renaître les armures sacrées...
Tout d'abord interdit, je ne savais pas quoi répondre mais je repris de nouveau rapidement mes esprits.
-Mais Procuste n'avait, pour sa part, pas l'air d'être au courant...
Argus se mit à rire, doucement et passa une main gracieuse sur son front en en profitant pour rejeter une mèche qui obscurcissait sa vision.
-Ce n'était qu'un simple soldat, seuls les empereurs et les commandants ont un droit d'accès aux informations que je rapporte à sa majesté Arès. Toujours est-il que, contrairement à ce que vous prétendez, notre empereur peut être fort bon. Il m'a bien recueilli alors que je n'avais nulle chance de survie seul, sur une planète dont je haïssais tout. Et il m'a accordé une vie éternelle, puisque je réapparais toujours en même temps que lui.
Je secouais la tête, comprenant un peu mieux les motivations qui le poussaient à défendre une cause que je savais maléfique et néfaste pour tous les êtres humaines.
-Est-ce vraiment un don selon toi, que de vivre indéfiniment dans le seul but de combattre, de mourir et de renaître pour que la boucle recommence encore une fois?
Argus se figea et esquissa un sourire étincellent.
-Je m'étais bien attendu à pareille imbécillité de la part d'un chevalier d'Athéna.
J'avais trop facilement oublié qu'il était un Berserker et que malgré les manières agréables et élégantes qu'il se donnait, il avait en lui une rudesse et une soif de violence intarissable. Mais malgré tout, j'avais envie de le convaincre, de le rallier à ma cause, de lui montrer qu'Arès se servait de lui sans le moindre scrupule, et qu'il haïssait la race humaine simplement parce qu'il ne la connaissait pas et qu'on lui avait appris à la détester. Mais pourrait-il réellement, comme je l'espérais, s'éveiller à des sentiments tel que l'amour ou le respect des autres? Malheureusement, j'en doutais fortement et j'avais beaucoup de raisons pour cela. Il n'était qu'un pantin dans cette guerre et il ne s'en rendait pas même compte. De toute manière, ce n'était pas à moi de lui ouvrir les yeux.
-En garde, chevalier du Bélier, déclara-t-il tout à coup, s'arrachant probablement à ses rêveries qui le ramenaient invariablement vers l'Olympe.
Je me mettais en position de défense alors qu'il se préparait à m'attaquer. Son cosmos égalait presque le mien... c'était invraisemblable et je me raccrochais de toutes mes forces au "presque". La boue tout autour d'Argus se mit à voler, projetant des gerbes dégoûtantes sur mon visage et m'empêchant de distinguer clairement ce qu'il était entrain de faire.
-Maze Illusions! s'écria-t-il en levant ses bras au ciel et en les pointant ensuite dans ma direction.
Et c'est fut le commencement de la fin, celui ou tout mon monde bascula. Tout ce mit à tourner autour de moi, sans que je ne puisse plus rien contrôler. La boue me semblait être de plus en plus lourde et j'aurais voulu faire un mouvement mais cela m'était terriblement pénible. M'avait immobilisé? Oui, visiblement, mais je n'allais pas me laisser arrêter par cela car ma puissance me permettrait de me dégager de ce marécage, du moins l'espérais-je.
C'est seulement alors que je vis Argus, mais non... il était partout... je voyais au moins mille adversaires me regardant ironiquement de toute part. Son rire cascada jusqu'à mes oreilles et le bruit m'apparut comme décupler, incroyablement fort et j'étais certain que si je l'écoutais trop longtemps j'allais devenir sourd. C'était comme si je me trouvais dans une galerie de glaces, car je me reflétais moi aussi dans tout le paysage, au point que je n'avais plus qu'à peine conscience de l'endroit ou je me trouvais. De plus, j'arrivais à peine à avancer tant les eaux vaseuses et épaisses des marais empêchaient tous mes mouvements.
Argus marchait, vers moi? Je n'en avais pas la moindre idée... mais il se dirigeait vers un endroit précis.
-Alors, mon labyrinthe te plait-il? T'y sens-tu à ton aise?
Il fit teinter son rire et je me bouchais les oreilles, cherchant moins à me protéger, qu'à me concentrer. Toutes mes facultés devaient se tourner dans l'unique but de le repérer. Ensuite, je lui ferais subir l'une de mes attaques et il n'en sortirait pas indemne.
-Pauvre Mu, tu as l'air dans un piteux état dans la boue et à tourner ainsi sur toi-même. Mais tu peux faire tout ce que tu désireras, tu ne me trouveras pas. As-tu songé que je n'étais peut-être même pas ici?
Je me figeais en faisant fi de son nouvel éclat de rire. Non, il mentait pour me tromper et pour semer la confusion et le trouble dans mon esprit. De toute manière, je n'avais pas à l'écouter, tout ce qui comptait, c'était que je parvienne à m'échapper de ce labyrinthe sans fin.
Je me voyais et je devais reconnaître que je n'avais pas fier allure. Les trois quart de mes cheveux étaient dans la boue, et la partie ayant échappé à ce traitement de choc était collée par de petits éclats de vase. Mon visage d'habitude au teint si pâle était moitié noir, moitié blanc. En fait, en y réfléchissant bien, je ressemblais à un marbré. Mais mon armure étincelait encore malgré tout ce que je lui avais fait subir en parcourant ces étendues écœurantes.
Alors que j'étais en plein milieu d'un combat, dans un piège dont je ne savais pas comment m'échapper et que je devinais qu'une attaque terrassante n'allait plus tarder à faire son apparition, toutes mes pensées s'envolèrent vers mes compagnons et vers Athéna. Pour eux, je devais réussir à m'en sortir, je devais pulvériser cet adversaire au cœur moins noir que je ne l'avais cru et je ne désespérais pas de réussir à lui parler. Mes méthodes étaient d'ordinaire très pacifistes mais dans ce cas, je n'avais pas le choix car peut-être que la force l'aiderait à retourner sur le bon chemin, celui ou toute son âme le poussait, même s'il n'en était pas encore conscient. Et j'allais finir par m'énerver dans cette boue et...
-Peacock Tail Spread!
Ce hurlement raisonna comme un coup de tonnerre dans la plus calme des nuits. Et là, ce fut comme si des plumes tranchantes et éblouissantes de couleurs chatoyantes m'entouraient, me coupant du reste du monde. J'étais déchiqueté de toute part, impuissant face à ce subit déchaînement de force. Toute la surface de ma peau était comme tranchée par des lames invisibles et s'ouvrait en des plaies béantes d'ou jaillissaient mon sang. Cela dura plusieurs secondes, mais me parut une éternité de douleur et le rire d'Argus accompagnait ce spectacle qu'il devait trouver distrayant. J'étais ruisselant de sang, et ma peau était entaillée de partout. Les cicatrices étaient très profondes et si l'attaque ne m'avait pas tué sur le coup, je n'allais pas tarder à faire une hémorragie.
Bien-sûr, mon armure m'avait protégé, mais la partie de mes bras, de mes cuisses et pire encore mon cou et mon visage avait été touché. Mais j'avais décidé de ne pas tomber et je vacillais seulement d'avant en arrière, ne voyant plus qu'à peine ce qui m'entourait. Je ne sais pas pourquoi, mais alors que je reprenais mais esprit et que je ne voyais plus Argus même s'il se reflétait toujours de toute part, je devinais qu'il me souriait.
-Tu es très résistant chevalier, je trouve cela admirable mais en même temps quel dommage... je veux dire pour toi. Tu aurais pu mourir d'un seul coup mais tu préfères subir mille souffrances.
" Remarque, c'est tout à ton honneur et si c'est le devoir qui te pousse à cette conduite un peu folle, je ne peux que te féliciter. Pour ma part, j'apprécie beaucoup les vertus du courage, encore plus celle de sa foi en sa cause et je sais reconnaître les hommes de valeur Mu, et tu en es assurément un. Tu as beau ne pas être un adversaire remarquable, tout comme l'était Aldébaran, rassure-toi, tu resteras dans ma mémoire, ce qui n'est pas le cas de ton ami.
Argus soupira et se regarda. Au travers du voile de sang qui me recouvrait les yeux, je devinais sans peine qu'il s'observait bouger et vivre. Il s'appréciait lui-même au plus haut point et cela se ressentait. Mais, il n'était pas assez prudent. Il jugeait forcément tout le monde en dessous de lui et il m'avait laissé un temps qui lui aurait peut-être permis de garder l'avantage. Seulement, et malgré la douleur poignante et intense qui m'assaillait de toute part, j'avais eu le temps de concentrer les forces de mon cosmos et je me suis mis à crier soudainement, le laissant interloqué:
-Stardust Revolution!
La lumière jaillit du ciel, de mon propre corps, du paysage qui m'entourait et mon ennemi en fut englobé en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Je le maîtrisais à présent, mais peut-être pas pour longtemps car cela ne lui suffirait probablement pas pour mourir. Seulement, j'avais quelque chose qu'il n'avait pas. Je ne lui faisais pas subir toutes mes attaques et contrairement à moi, il ne pouvait donc pas me les retourner. Et puis, son orgueil et sa vanité l'avait fait baisser sa garde une fraction de seconde, ce qui m'avait amplement suffi pour l'apercevoir.
Il se tenait en fait depuis le début juste en face de moi, et je m'en voulais presque de ne rien avoir remarqué avant. Lorsque les déchaînements que provoquaient mon attaque se furent un peu calmé et que le tourbillon de lumière eut complètement disparu, je sentais que j'étais en bien piteux état. Le contact de la boue sur ma peau terriblement à vif me torturait et je gémissais doucement, incapable de hurler comme j'en avais envie car cela m'aurait retirer toutes mes forces dont j'avais pour l'instant tant besoin.
Je portais une main à mon visage tentant d'essuyer l'entaille me barrant le front et celle qui se trouvait devant mon cuir chevelu, endroit qui saignait le plus au monde. Ces deux cicatrices m'aveuglaient et me pénalisaient et il fallait à tout prix que mon sang arrête de s'en échapper. Un bourdonnement permanent s'était installé dans ma tête et j'étais dégoulinant de boue, de vase, de sueurs et de sang, ce qui créait un mélange affreusement collant et malsain.
J'avais encore assez d'esprit pour remarquer que l'illusion du Paon avait complètement disparu, que celui-ci flottait, le visage vers le ciel à quelques mètres devant moi et que j'aurais tout donné pour me baigner dans une eau pure et régénérante. Je ne devais plus tarder et continuer à avancer rapidement, car je m'apprêtais à bientôt à succomber à mes blessures et je devais à tout prix éviter de me laisser aller dans les doux bras de la mort, qui m'attendait avec une impatience mal contenue.
Ma vue se troubla, du moins le croyais-je quand je vis les yeux d'Argus se rouvrire soudainement. Il était lui aussi très amoché et cracha autant de boue que de sang. Il se trouvait tout simplement dans le même état, assez catastrophique que moi, et le combat repartait à égalité. C'était mieux que rien et j'espérais ne pas m'évanouir avant la fin de l'affrontement. Mon ennemi se releva difficilement, en toussant et je songeais que sa vue à lui aussi avait du nettement diminuer.
-Je ne peux pas y croire, dit-il en se regardant et en remarquant que dans l'assaut que je lui avais fait subir, une des jambières de sa cuirasse avait éclaté et que tout le sang qu'elle contenait s'échappait peu à peu; nous entourant bientôt et se mélangeant au notre.
Il y eut un silence ou je puis constater, entre deux battements affolés de mon cœur qui résonnaient avec violence dans mes tempes, que les bruits de la nature avaient complètement disparu et que nous étions véritablement seuls.
-Comment as-tu fait? Comment as-tu pu garder autant de force après que tu es subi le Peacock Tail Spread? Explique-moi...
-Je suis tout simplement plus puissant que tu ne l'avais soupçonné, Argus.
Il hocha la tête à ce propos, faisant visiblement un effort magistrale pour cela.
-Et puis, je crois en ma cause, en ce que je défend, en ce pourquoi je lutte et je souffre. Il existe une puissance hors du commun qui me soutient et qui me raccroche aux rives de l'existence à chaque fois que je crois que je vais m'en éloigner. Et c'est le cosmos d'Athéna qui produit ce miracle. C'est la force de l'amour et de la justice, Argus, qui me permet de me relever et qui me donnera, malgré tout ce que tu me feras subir, toujours la force de me remettre debout.
Il ricana soudainement avec moins de conviction qu'il ne l'aurait voulu. Commençais-je à le faire douter ou étais-je trop crédule et désireux de le rallier à ma cause? Sans doute un peu des deux mais il me fit bien vite déchanter.
-Tu sais Mu, je vais échanger quelques mots avec toi avant de t'envoyer définitivement dans l'autre monde. Cela concerne le chevalier du Taureau. Tout d'abord, je dois dire que je t'avais sous-estimé en t'évaluant à la même puissance et en homme intelligent que je suis, je te fais toutes mes excuses. Tu vaux mieux que lui. Mais, il avait l'air de croire les mêmes imbécillités que toi... pourtant il est mort, à mes pieds même, alors que je le regardais mourir et me délectais du spectacle qu'il m'offrait.
" La vie s'échappant peu à peu d'un corps, tu ne peux pas imaginer à quel point cela me ravit et me donne des ailes. De plus, j'ai tué un chevalier d'or tout de même et si cette ordre est certes moins puissant que celui des commandants, je dois reconnaître malgré tout que j'ai fait une belle prise. Lorsque je réparerai ma cuirasse tout à l'heure, que tu m'as brisé, j'aurais la chance de la remettre en état avec le sang d'Aldébaran et avec le tien bien-sûr, car je ne doute pas que tu vas perdre la vie face à moi.
Cette fois-ci, c'est était trop. Il avait insulté le chevalier du Taureau et toute la chevalerie et je ne pouvais pas le laisser dire sans agir. Je devais pourtant lui faire prendre les initiatives, le forcer à m'attaquer, si je voulais m'en débarrasser définitivement avant qu'il ne me reste plus une seule goutte de sang dans tout mon corps. Et puis, je me sentais las, si las... mais je n'eus de toute façon pas eu besoin de le forcer pour qu'il me porte de nouveau son attaque favorite, celle qui me faisait tant souffrir:
-Peacock Tail Spread! tonna-t-il.
-Crystal Wall! répondis-je alors que mon formidable mur m'entourait de toute part et lui renvoyait son attaque avec une violence inouïe
J'eus une pensée éclaire pour mon maître Sion qui affectionnait particulièrement cette technique et je me fixais de nouveau sur mon adversaire. Il était déchiqueté de la même façon que je l'avais été auparavant et je clignais des yeux car le rideau de sang qui s'échappait de mon front devenait de plus en plus puissant. Argus tomba dans la boue et je vis qu'il allait de nouveau se relever. Décidément, il était très coriace, plus que je ne me l'étais imaginé.
-Starligth Extinction! m'écriais-je pour l'achever.
Sa cuirasse et son corps furent à cet instant pulvérisés et j'entendais un cri de désespoir, de rage et surtout de douleur, s'élever dans les airs alors qu'il semblait monter jusqu'aux cieux. Il retomba au bout de quelques secondes dans un fracas tel qu'une vague de boue me recouvrit totalement, m'ensevelissant et mettant mes plaies en contact avec ce qui les faisait le plus souffrir. Je songeais à cet instant que toutes mes cicatrices allaient s'infecter et que j'allais attirer toutes les sangsues, si ce n'était pas déjà fait.
Je m'approchais alors à pas lents de mon adversaire, non pas parce que je le désirais, mais parce que j'y étais contraint et forcé tant je souffrais. Je me penchais sur le cadavre d'Argus qui respirait encore très faiblement. Il allait mourir d'une seconde à l'autre et je le regardais, mais avec des yeux certainement infiniment plus doux qu'il n'avait eu pour Aldébaran. Je venais de venger le chevalier du Taureau et d'apporter mon aide à Athéna mais je n'en éprouvais nulle gloire, à ma plus grande surprise.
L'homme qui me regardait en mourrant, n'était pas foncièrement mauvais. Il avait simplement été abusé, dupé par Arès et par les dieux et s'était cru bien habile de travailler pour l'empereur de la guerre après avoir été renvoyé de l'Olympe. Il ne s'était pas repenti, je le distinguais parfaitement dans son regard de jais, mais peut-être avait-il compris au fond de lui-même.
-Je ne veux pas de ta pitié, murmura-t-il avant que sa tête ne roule sur le côté et que ses yeux deviennent vagues et floues.
Ce furent les dernières paroles qu'il réussit à prononcer et je me détournais de lui, le laissant à son repos de plusieurs siècles, car il se réincarnerait, et commettrait sans nul doute les mêmes erreurs. Mais son cas n'était peut-être pas irrécupérable et peut-être que le prochain chevalier qui l'affronterait se montrerait plus convaincant que moi et réussirait à lui faire entrevoir la Vérité. Je haussais les épaules, alors que mes forces m'abandonnaient peu à peu.
Je craignais de ne rejoindre bientôt Argus du Paon.

Mu venait d'achever son combat et avait triomphé mais son cosmos qui s'affaiblissait de plus en plus dégageait une aura de mélancolie.
Ils venaient de traverser la totalité du chemin aérien qui les avait mené vers d'autres montagnes et d'autres ravins encore plus hauts et profonds que les précédents. Mais il ne fallait reculer devant rien pour arriver à temps. Pour le moment, rien ne les avait empêché de continuer leur route avec sérénité et ils étaient encore tous les cinq ensemble, mais pour encore combien de minutes? Ils avaient tous une étrange impression depuis qu'ils avaient remis pied sur une terre plus ferme et qui se confirmait quand ils croisaient mutuellement leur regard.
Athéna se sentait mal depuis déjà un certain temps, son esprit ne cessait plus d'être troublé et envahi par des visions apocalyptiques de la fin du monde et elle comprenait qu'alors qu'ils avançaient tous vers le fief d'Arès, les hommes se détruisaient de plus en plus rapidement et ne reculaient devant rien pour se saborder eux-mêmes. Elle ne craignait qu'ils ne mettent en oeuvre tous les moyens militaires et modernes pour abréger les luttes qu'ils menaient et toutes ses pensées s'envolaient vers son domaine.
La terre... Sa terre devait à tout prix être sauvée, à n'importe quel prix, même si elle devait le payer de sa vie. La seule chose qui avait de l'importance était que tous ces carnages s'arrêtent, que les humains redeviennent civilisés, que l'amour règne de nouveau dans les pays et, plus simplement, qu'Arès soit de nouveau enfermé dans son urne.
Elle fermait de temps à autre les yeux, mais plutôt que de se retrouver isolée de l'endroit ou elle évoluait, elle entendait les cris des personnes qui se faisaient massacrer, elle sentait l'odeur de sang et de violence qui empoisonnait l'air, elle éprouvait la douleur des blessés et la détresse de ceux qui ne l'étaient pas encore et qui ne pouvaient plus se contrôler. Voisin contre Voisin ou Nation contre Nation, cela revenait finalement au même. A chaque instant de nouvelles existences s'éteignaient, prenaient fin dans ce monde de chaos et même si elle parvenait avec ses chevaliers à sauver ce monde, cela ne ramènerait jamais les millions de victimes disparus. Jamais, jamais elle ne pardonnerait au dieu de la guerre d'avoir agi ainsi. Il avait mis en action un spectacle de désastre des plus odieux et elle s'interrogea sur la provenance de ses visions.
Évidemment, elle avait toujours été relié à son domaine par la pensée, mais jamais à ce point. Alors était-ce Arès qui s'amusait à lui faire parvenir des fragments de ce qui se passait à l'extérieur? Sans doute et même sûrement, car ce jeu sadique devait le distraire et l'amuser. Cela faisait à présent des siècles et des siècles qu'elle ne l'avait pas affronté, depuis les temps mythologiques en réalité, et elle avait vaguement conscience, dans un recoin de sa mémoire qui se souvenait de ses vies antérieures, que la bataille avait été d'une intensité sans précédent. Et comme toujours, cette guerre divine avait opposé les hommes entre eux.
Saori soupira et passa le revers de son bras sur son front. Elle était fatiguée de ces visions et aurait voulu un instant de sérénité. Mais en un sens, cela lui permettait de se préparer à perdre la vie. Elle s'y était attendue depuis le moment ou elle avait mis un pied sur l'île d'Azura mais saisissait déjà qu'elle ne partirait pas de sa terre seule, non. Elle emmènerait avec elle ce fléau de l'humanité nommé Arès.
-Nous voici devant un nouveau ravin, déclara Aioros en respira profondément l'air du large qui lui parvenait par petites bouffés et qu'il appréciait comme si chacune d'entre elle avait été sa dernière respiration.
Car après tout, il n'en savait rien. Peut-être serait-il frappé dans le dos par un ennemi plus puissant que lui... Non, ce ne pouvait ni ne devait être possible. Il n'avait encore rien fait pour aider et protéger Athéna et n'allait pas abandonner avant même d'avoir combattu.
Il se tourna vers Saori qui paraissait encore plus blême qu'à son habitude.
-Allez-vous bien? demanda-t-il à la déesse.
-Oui, seulement je sens que chaque seconde qui s'égrène rapproche la race humaine de la destruction finale, alors ne perdons pas de temps.
Shun hocha la tête et lança ses chaînes en hauteur, pour que celles-ci se raccrochent à un rocher assez solide pour supporter son poids et celui de ses compagnons de route.
-Courage mes amis, cela prendre bien fin un jour, décréta Aioros en passant le premier.
Il sentait pourtant lui aussi que depuis quelques minutes, quelque chose ne tournait pas rond. Qu'une impression étrange était dans l'air et le traversait par moment, comme pour lui rappeler que l'inéluctable n'allait plus tarder.
Il ferma les yeux, tout comme Saga qui connaissait les mêmes angoisses en parallèle. Pourtant, aucun d'eux n'osaient véritablement dire à voix haute ce qui se passait. Tout simplement parce qu'ils n'en savaient rien eux-mêmes. Ils songeaient que bientôt, ils devraient accomplir leur devoir, tout comme leurs frères étaient entrain de le faire. Tout comme Kanon, qui était sur le point de pousser son dernier soupir l'avait fait, tout comme Mu qui n'allait plus tarder à rendre l'âme. Tout comme les chevaliers qui les avaient précédés et tout comme ceux qui les suivraient.
Et ils ramèneraient l'espoir sur terre, car ils en étaient les garants.

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Cette fiction est copyright Caroline Mongas.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.