Chapitre 22 : La Destruction d'Azura


La fumée envahissait la mer, imbibant l'air alors qu'un tremblement de terre commençait à faire naître de gigantesques vagues qui s'écrasaient les unes sur les autres. On ne voyait plus rien à des kilomètres de distance, les cendres fermant les yeux de tout ceux qui se trouvaient à proximité de l'explosion. Ce spectacle avait un goût de désolation et des allures d'apocalypse, et pourtant, il était le symbole de la renaissance d'un monde qui avait failli perdre pour toujours la lumière.
Seule la nature, qui venait de reprendre ses droits, brisait le silence de mort qui régnait : la colère de l'océan se faisait entendre et la terre grondait contre ce dernier coup que l'on venait de lui porter, même si il avait été nécessaire.
Le ciel était à présent sombre et opaque, alors que des éclats de temple voletaient dans les airs, la terre avait la même couleur, cela ressemblant à s'y méprendre à un mariage de Gaia et d'Ouranos...
Le vagissement de la destruction sonnait à leurs oreilles à tous, refusant de les laisser parler et seuls les gestes qu'ils faisaient leur permettaient de communiquer.
Le noir... le noir partout autour d'eux... l'odeur de feu qui s'incrustaient dans leurs narines, sur les lèvres pour y laisser un goût de poison... Ils se cherchaient, tendant leurs mains les uns vers les autres, s'agrippant dans cette dernière épreuve qui s'ouvrait devant eux. Ils tiendraient, par amour pour leur déesse, ils parviendraient à ne pas se faire engloutir dans le chaos qui les entourait.
-Ikki!
Ce fut le premier mot humain qui parvint à sortir de cet enfer revenu sur terre. Une main d'une blancheur immaculée surgit de l'épaisse fumée, paraissant en sortir comme un fantôme qui portait sur lui tout l'espoir. Ce teint diaphane... proche de celui de la mort et qui était pourtant la chair d'un vivant... le chevalier du Phœnix avait-il déjà vu plus beau spectacle? Des doigts à la couleur plus tannées saisir la pauvre main tendue vers l'inconnu et donnèrent une forte pression dessus.
Une toux violente éclata, alors que des tonnes de poussières, pareille à une neige macabre, se déversaient sur le sol. Un cri de douleur... mais nul ne pouvait savoir d'où provenait ce dernier. Pourtant, ils se cherchaient les uns les autres, à tâtons, en rampant, à moitié debout...
-Maître... Maître...
Un sanglot, un pleurs si profond et déchirant que l'on ne pouvait dire si il traduisait le bonheur le plus éclatant où la peine la plus sombre.
-Mu... mon élève... courage... courage...
Sion s'avançait, ni debout ni à terre, tant bien que mal, il évoluait en titubant, retrouvant immédiatement ses habitudes qu'il avait perdu en mourrant. Il était l'émissaire de la déesse Athéna sur terre, et connaissait mieux que quiconque l'attitude à adopter dans un pareil drame. Aider les survivants, redonner le courage et l'espoir dans le sillon qu'il tracerait... cependant, il avait du mal à dissimuler son inquiétude, alors qu'il cherchait inconsciemment de ses yeux mi-clos par la fumée son ami de toujours, celui qui, par miracle, l'avait ramené sur terre...
-Dohko!
-Sion!
Ils se jetèrent dans les bras l'un de l'autre, sans plus de manière, sans plus de soucis de leurs blessures qui meurtrissaient leurs corps et qui n'épargnaient pas plus leurs âmes.
-Attention... Attention où vous mettez les pieds... cria quelqu'un non loin d'eux.
Masque de Mort, la peau toujours dévastée par les attaques d'Altaïr, s'accrochait aussi bien qu'il le pouvait à Shaka, dont seul le front était ceint d'une traînée de sang.
La vie... pensa le chevalier de la Vierge... comme elle semble nous aimer. Nous aurions pu mourir mille fois et pourtant, nous voici, certes proches de la mort, mais toujours debout comme les soldats que nous sommes. Et dire que tout ceci ne tient qu'à un fils... visiblement bien solide.

Marine

Le Sanctuaire était envahi par la fumée et les cendres... les temples du Zodiaque n'étaient plus même visibles pour ceux que se trouvaient à leurs pieds, et seuls les cris des disciples nous permettaient de nous diriger dans la bonne direction.
-Marine! Marine, ne lâches pas mon épaule où tu risquerais de te perdre! m'ordonna Shaina alors que nous nous tenions l'une l'autre.
Derrière nous, June suivait à tâtons, murmurant des paroles que nous ne comprenions pas et qui ne nous atteignait qu'à moitié.
Je me souvenais de tout ce qui avait provoqué ce drame comme si je revivais indéfiniment cette scène. Cela faisait déjà plusieurs minutes que nous avions prêté notre force aux Saints d'Athéna, unissant nos constellations aux leurs pour vaincre leurs ennemis, quand nous avions ressenti une onde de choc telle, que nous avions songé à la fin du monde.
Et si nous avions d'abord éprouver la violence du tremblement, ce n'était que comme avertissement de l'explosion gigantesque, illustrée à l'horizon par une sorte d'immense champignon de fumée, qui l'avait provoqué. Et puis, à une vitesse incalculable, la fumée était venue sur nous, en quelques secondes, le grisâtre avait recouvert tout notre univers comme un voile de poussières et nous avions dû nous diriger de nouveau vers les douze maisons des chevaliers d'Or, vers le cœur même du domaine d'Athéna.
Qu'est-il arrivé à cette dernière, nous l'avions deviné instinctivement, reconnaissant dans cette apocalypse grandeur nature, la marque de l'attaque maudite et suprême... l'Athena' s Exclamation. Nous ne savions par contre pas ce qui l'avait poussé à déclencher cela, ni comment elle avait réussi à reformer la trinité de la Paix, mais cela ne faisait nul doute qu'il n'y avait pas eu d'autre moyen pour vaincre le dieu de la guerre. Avait-il été puissant à ce point?
Je n'avais pas le temps, ni le droit, de songer davantage à tout ceci, car il me fallait à présent parvenir à rétablir le calme dans le Sanctuaire. Je savais que ces vagues de fumée qui nous ensevelissait n'étaient pas symbole de mort mais bel et bien de paix... car comment Arès, malgré l'infinité de ses pouvoirs, aurait-il pu résister au choc du coup porté?
Je sentais Shaina trembler à côté de moi. Peut-être que, comme tout le monde, elle hésitait entre la panique et la joie... je la sentais désorientée aussi bien physiquement que moralement et les ondes de peur et de bonheur qu'elle dissipait sans s'en rendre compte autour d'elle, me parvenaient avec toute leur vigueur. C'était Seiya qui hantait ses pensées... était-il mort? Avait-il péri dans le choc de l'explosion finale? Ici, nous ne sentions plus son cosmos, pas plus que celui des autres, mais l'état d'épuisement dans lequel ils devaient se trouver, si toutefois ils étaient en vie, ne leur permettaient probablement plus de dépenser la plus petite parcelle d'énergie.
-Marine...
Un disciple m'appelait et se suspendait à moi. J'eus du mal, pendant quelques secondes, à distinguer les traits d'Olivier, le disciple de Milo.
-Que se passe-t-il? Est-ce que tout est fini? interrogea-t-il en s'accrochant à mon bras avec ferveur alors que son esprit se trouvait probablement auprès de son maître.
-Je crois que oui.
Kiki, que je n'avais jusqu'alors pas remarqué et dont la silhouette se découpait brutalement devant moi, soupira brusquement.
-Arès est mort? insista Olivier alors que sa voix trahissait une vive émotion qu'il dissimulait pourtant sous une froideur apparente.
Zeus qu'il ressemblait au chevalier du Scorpion lorsqu'il restait de marbre alors que sous sa peau, les émotions bouillonnaient plus que jamais. En même temps qu'un entraînement pour devenir chevalier, Olivier paraissait avoir appris comment se comporter en décalquant son attitude sur celle de son guide.
-Oui. Je ne sens plus les ondes maléfiques de sa force.
-Hourra! hurla l'élève de Mu en sautant à terre, Hourra! Arès est mort! Arès est mort!
Il agrippa les mains de son meilleur ami, l'emportant dans une danse aussi espiègle que son caractère.
-Arès est mort! Arès est mort! Arès est mort!
Leurs voix à tous deux se perdaient maintenant dans la fumée. Oui, le tyran s'en était allé, retournant au néant dans lequel il aurait du rester.
-Ils ont raison, s'écria Shaina à côté de moi. Nous sommes libérés cependant... qui sortira vivant de ce macabre piège?
June tourna un regard, qui, sans que je l'aperçoive à cause de la fumée, devait être emplie de l'eau des pleurs qu'elle se retenait de verser.
-Ils nous sont toujours revenus, dis-je le plus calmement que je pus. Ce n'est pas maintenant, alors que tout est fini, qu'ils se désisteront.
Et je repartis d'un pied décisif vers les élèves que j'avais à aider et à réconforter.

La fumée se dissipait à présent mais la mer criait toujours sa colère, de plus en plus violemment depuis quelques minutes. A présent, sous le regard médusé et éreinté des chevaliers, c'était la terre d'Azura toute entière qui s'enfonçait dans l'eau, disparaissant comme elle avait surgi.
Saga détourna les yeux de ce spectacle qu'il avait lui-même engendré, avec ses amis, ses frères. Comme il était étrange de connaître la fin d'une guerre, cela était presque comparable à la fin d'une vie. Avait-on bien fait d'agir ainsi? Avait-on bien fait de ne pas se comporter de cette façon à ce moment donné? Aurait-il pu traverser plus vite le domaine dans lequel il s'était trouvé? Aurait-il pu venir plus rapidement à bout de Phobos? Aurait-il pu sauver plus d'existences humaines? Toutes ces interrogations tournoyaient dans son esprit alors qu'il revivait l'épopée qu'il venait de traverser.
Il revoyait les yeux de Phaéton, ces yeux brillants de chat sauvage qui l'avaient guetté dans l'obscurité des ravins... il sentait de nouveau le corps d'Athéna contre le sien alors qu'ils fuyaient ensemble les opposant de Shun et d'Aioros... le jumeau de Shaka apparaissait à présent devant lui... Deimos et Phobos arrivaient ensuite dans le flot des souvenirs... tout ceci, tous ces évènements s'étaient-ils vraiment déroulés en une seule journée? Il ne pouvait y croire et avait l'impression qu'une existence pleine venait de s'écouler.
Et à présent, où était donc Athéna? Où était celle pour qui il avait su braver tous les périls?
Saga se tourna vers son jumeau, posa sa main sur son épaule avant d'esquisser un sourire. Les lèvres de Kanon s'étirèrent douloureusement pour lui rendre cette brusque montée de fraternité. Cependant, la pudeur paraissait ne jamais devoir quitter les émotions qui les assaillaient depuis leurs retrouvailles.
La terre d'Azura se retirait lentement dans les flots, majestueuse et superbe jusqu'au dernier instant. Jamais plus âpre combat n'avait été livré, et c'était tout ce sang, ces haines et cette violence que l'on enterrait en même que l'île disparaissait. Sur ce sol macabre, gisait encore les dépouilles des guerriers d'Arès... Argus et Leech flottaient dans l'eau putride des marécages, Altaïr, seule dans son domaine, le cœur toujours transpercé par une épée que l'on avait pourtant retiré, avait perdu son âme... plus loin, Esculape et Bételgueuse gisaient comme deux pantins brisés par la lutte qu'ils avaient mené tandis que Phaéton et Épiméthée dormaient pour l'éternité l'un à côté de l'autre... Dans les temples, maintenant en ruines à cause de l'Athena' s Exclamation qui avait tout dévasté, reposaient les corps de Dédale, qui suivrait pour toujours les pas de son épouse encore vivante, et Mara, qui lui, reviendrait peut-être un jour agité les pensées du Bouddha.
Il ne restait plus rien du temple d'Arès, qui commençait à être englouti par l'eau, et les corps d'Eris, de Deimos, de Phobos et d'Enyo, entouraient à quelques mètres près, une urne scellée pour plusieurs siècles.
Les combats étaient terminés, la haine était morte avec eux, mais les Saints d'Athéna, le cœur palpitant devant le spectacle de leur victoire, songeaient aux Berserkers qui avaient été utilisés par et pour Arès... avaient-ils mérité de mourir, ces êtres maltraités par l'existence qui n'avaient pas été guidés dans le choix de leur camp? Et ces dieux secondaires... n'aurait-on pas pu les ramener à la raison en leur parlant d'Amour?
La victoire, comme toute chose, semble posséder deux visages, noble et souriant pour les êtres obscurs, elle apparaît comme un triomphe... mais autant peut-elle être cruelle pour les justes, car elle n'est jamais sans amertume.
Aphrodite se figea soudainement alors que quatre silhouettes se découpaient sur l'horizon... était-ce... était-il possible...?
Le chevalier des Poissons poussa un hurlement de joie, leva les bras aux cieux pour indiquer à ses compagnons qu'il venait d'entrevoir leur guide. Fomalhaut retint le sanglot qui lui montait à la gorge, alors qu'il voyait peu à peu se rapprocher celle qu'il n'avait encore jamais vu. Écho se hissa sur la pointe de ses pieds pour mieux apercevoir celle pour qui elle avait décidé de prêter sa force, alors que son fils Icare, reposait endormi au creux de ses bras. Narcisse, son comparse de l'île, avec sa discrétion habituelle, tenta de distinguer les traits de son amie de toujours, Nikè.
Sion et Dohko, dans un même mouvement de ferveur, glissèrent à genoux... c'était pour elle qu'ils avaient tout vécu, tout enduré, et elle reparaissait enfin, vêtue de haillons et de sang, mais plus divine que jamais.
Poséidon était à ses côtés, alors qu'elle était aussi encadrée par deux jeunes filles, deux jumelles visiblement, dont l'une était Nikè. Il faudrait demander plus tard qui était donc cette femme qui les accompagnait et qui se trouvait toute aussi recouverte de cendres grisâtres que les autres...
Des larmes venaient marquées de leur sillon les joues des Saints, alors qu'Athéna était devant eux, debout, bien que difficilement, un sourire aux lèvres et le regard plus grave que jamais.
C'est alors, qu'elle pointa son index vers l'horizon, comme pour montrer quelque chose à ses plus fidèles, ses plus courageux, ses plus loyaux amis.
Oui, tout était terminé et ce qu'elle désignait de sa main le prouvait bien. Il était dit qu'ils tiendraient toujours leur serment.
A l'horizon, comme une promesse d'un lendemain, le soleil se couchait.

Fin

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Cette fiction est copyright Caroline Mongas.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.