Chapitre 16 : La nuit tombe sur les Gémeaux


Intéressant, était en train de songer Nyx. Très intéressant, même. La pièce où elle venait d'accéder, empruntant pour ce faire une succession de portes et de passages dérobés, ressemblait à l'intérieur d'une sorte de chambre forte. Une lumière grise la baignait, provenant apparemment de nulle part. A quelque pas seulement de la jeune femme se trouvaient une douzaine de coffres massifs bardés de métal ornementé. Il en émanait une vibration aisément perceptible pour quiconque disposant d'un sixième sens même rudimentaire.

Nyx rit doucement. De toute évidence, les Généraux de Poséidon ne s'étaient pas attendus à ce qu'elle puisse extorquer sans aucune difficulté toutes les connaissances qu'avait Maia la Sirène de ce lieu. Contrairement à ses compagnons, qui devaient en ce moment même être en train de lutter contre les guerriers qui défendaient ce temple, elle était totalement libre de ses actions. Et il semblait bien qu'elle vienne de découvrir ce qu'ils étaient venus chercher ici sans rencontrer la plus petite opposition sur son chemin, se dit-elle avec amusement.

Un solide coup fut suffisant pour fracturer le couvercle du coffre le plus proche. La sensation de pouvoir brut qui déferla sur Nyx lui confirma ce qu'elle pensait, avant même que ses yeux ne distinguent les barres d'orichalque pur qui étaient rangées là. C'était le trésor de Poséidon, plus encore que toutes les richesses qui pouvaient exister dans ce temple. Avec cela en leur possession, les Forgerons de Mu pourraient créer des dizaines d'armure. Un grand sourire apparut sur le visage de Nyx. Et ce serait elle qui recevrait tout le crédit de cette réussite.

Saturé par l'énergie intense que diffusait l'orichalque, son sixième sens remarqua presque trop tard la présence qui venait d'apparaître derrière elle. Nyx eut tout juste le temps de plonger sur le côté pour esquiver l'attaque fulgurante, qui ouvrit le sol à l'endroit où elle s'était trouvé le moment d'avant.

- Tu ne devrais pas être parvenu jusqu'ici, chevalier d'Athéna, fit une voix froide. Mais puisque c'est néanmoins le cas, je vais m'assurer que tu n'en repartes plus.

Nyx se redressa, ses cheveux noirs en désordre et le cœur battant avec précipitation. Il s'en était fallu de peu qu'elle ne soit tuée sans même pouvoir se défendre.

Devant elle se tenait un homme vêtu de grande taille, revêtu de l'armure d'écaille flamboyante qui le désignait comme étant l'un des Généraux des Mers. Un lourd casque couvrait sa tête, dissimulant tout le haut de son visage. Nyx ressentit une impression étrange en le regardant.

- Je suis Tyry, le Dragon des Mers, dit l'homme en s'avançant vers elle et en enflammant son cosmos impressionnant. Et je n'ai pas l'intention de te laisser voler cet orichalque pour le compte de ta déesse pathétique.

Nyx lui renvoya un sourire de défi tout en concentrant également son pouvoir.

- Je suis Nyx des Gémeaux, répliqua-t-elle en tendant un bras vers les coffres. Et, malheureusement pour toi…

Un bruit strident, insupportablement aiguë, emplit l'air au moment où l'espace se déchirait. Des couleurs impossibles se reflétèrent sur les murs de la pièce au moment où s'ouvrait au-dessus des coffres une faille menant… ailleurs.

Le Dragon des Mers fit un pas en avant, crispé en une position de combat, mais il n'y avait rien qu'il puisse faire. L'instant d'après, la brèche s'était refermée et l'intérieur de la pièce était de nouveau normal. Mais là où s'étaient trouvés les coffres ne demeurait désormais plus rien.

- Malheureusement pour toi, reprit Nyx avec un accent de triomphe, je n'ai pas l'intention de te demander la permission pour m'emparer de ce que je suis venue chercher !

Tyry s'avança jusqu'au centre de la pièce et, pour la première fois, Nyx croisa ses yeux, brûlant d'un feu glacial.

- C'est la dernière chose que tu auras accompli, dit-il en se préparant à attaquer. Et cela ne servira à rien une fois que nous vous aurons tous tué.

* * *

- Mère !
- Laramil, ne sois pas idiot ! C'est un piège ! Tu…

Le jeune homme se dégagea brutalement de l'étreinte de Myrtès et courut vers la femme qui se trouvait devant là, lui tendant les bras. C'était sa mère ! Elle était là, juste là !

Laramil s'arrêta brutalement, comme si une douche d'eau froide venait de le frapper en plein visage. Evidemment, c'était un piège. Quelle sorte d'idiot était-il à tomber dedans la tête la première ? La femme se tenait toujours juste devant lui, son beau visage marqué par l'incompréhension et le chagrin, mais Laramil résista au désir irraisonné qu'il avait de se jeter dans ses bras. Sa mère était morte. Pourquoi se serait-elle retrouvée brusquement ici, au cœur du temple de Poséidon, au moment même où ils livraient ce qui risquait d'être le combat décisif ? Cela n'avait pas de sens. Laramil avait l'impression d'entendre la voix de son frère aîné lui faire la leçon. Sûrement, Tolivar ne se serait même pas laissé abuser une seconde par un tel stratagème.

La femme fit un pas en avant et Laramil recula. Malgré tout, il ne pouvait pas se forcer à la frapper. Il s'en sentait totalement incapable. Elle ressemblait trop à Janeel, trop à la façon dont il avait toujours imaginé sa mère. Son esprit avait beau lui dire que c'était exactement le but qu'avait visé l'adversaire qui se tenait en fait là, il ne pouvait pas lever la main sur elle.

- Myrtès, fit-il d'une voix pressante sans se retourner, fais quelque chose…

Brusquement, la femme s'arrêta et sourit, d'un sourire moqueur qui transforma son visage doux et beau en un masque déplaisant. Puis elle disparut, comme effacée de la réalité.

Laramil resta un instant sous le choc, incapable de réagir. Puis il poussa finalement un soupir de soulagement et de regret mêlés. Cela n'avait été qu'une illusion en fin de compte. Il avait pourtant tellement ressenti le désir d'y croire…

- Tu aurais pu intervenir, tu sais, fit-il avec un peu d'agacement en se retournant. J'étais…

Puis il se tut et ouvrit de grands yeux, stupéfié par ce qu'il voyait.

Devant lui, revêtus de la même armure d'or flamboyante aux lignes épurées, deux Myrtès se faisaient face.

- Que… parvint tout juste à articuler le chevalier de Pégase.
- C'était une diversion, dit subitement le Myrtès de droite. Il a attiré ton attention avec cette illusion de ta mère, sachant qu'elle ne pourrait pas me tromper. Après quoi, il a revêtu ma propre apparence. Il est très habile. Je peux sentir qu'il n'est pas tel qu'il paraît, mais je ne crois pas que tu puisses faire la différence.
- Et, bien entendu, le fait d'expliquer lui-même sa propre tactique ne fait que le rendre plus convaincant, répliqua le Myrtès de gauche, qui s'était mis en garde face à son double.

Les deux chevaliers de la Vierge se firent face, enflammant leur cosmos au même instant. Le regard stupéfait de Laramil alla de l'un à l'autre. Ils étaient rigoureusement semblables, jusqu'au plus petit détail. Le timbre de leur voix avait été exactement identique quand ils avaient parlé. Et même l'aura de puissance qu'ils dégageaient à présent tous deux était la même.

- Il projette directement son illusion dans ton esprit, expliqua le Myrtès de gauche, de sorte que tu n'as aucune chance d'établir la moindre différence entre nous. Moi-même, je ne parviens pas tout à fait à voir au-delà de son illusion.
- Mais je vais régler ça en éliminant cet imposteur une fois pour toute, fit son équivalent d'une voix résolue. Tout maître en illusion qu'il soit, il ne fera pas le poids contre moi.
- Nous allons bien voir.
- Arrêtez tous les deux ! fit Laramil, retrouvant finalement ses moyens. L'un de vous deux est sûrement plus fort que l'autre, mais je n'ai aucun moyen de savoir lequel c'est et je ne tiens pas à me retrouver en compagnie d'un imposteur. Je n'ai peut-être pas les pouvoirs mentaux nécessaires pour faire la différence, mais je démolirai le premier qui fera mine d'attaquer l'autre, compris ?

La même expression de reluctance traversa les visages des deux Myrtès, mais il relâchèrent pourtant leurs gardes et s'écartèrent de quelques pas. Laramil s'efforça de réfléchir aussi vite que possible. Et maintenant, comment allait-il faire ?

- Je vais vous poser des questions à chacun, dit-il, saisissant la première idée qui lui passa par la tête. Euh… Quels sont les noms des autres chevaliers qui sont venus ici avec nous ?
- Cela ne sert à rien, dit le Myrtès de droite avec résignation, il peut lire dans ton esprit comme dans un livre ouvert et y voir toutes les réponses que tu attends.
- Qui plus est, ajouta son double en esquissant une grimace, il peut également voir l'image que tu as de moi et ainsi agir de la manière dont tu t'attendrais à ce que j'agisse. Tu ne réussiras pas plus à nous distinguer par notre comportement que par notre apparence.

Laramil sentit un début de panique s'infiltrer en lui tandis que les deux chevaliers de la Vierge attendaient son idée suivante. Le temps jouait contre eux. L'imposteur, quel qu'il soit au juste, immobilisait deux chevaliers d'Athéna par le simple fait de sa présence. Comment le démasquer ? Il n'en avait aucune idée. Il était presque tenté de les laisser se battre, mais comment être certain que ce serait le vrai Myrtès qui l'emporterait ? Si le Général des Mers périssait, il reprendrait sans doute sa forme d'origine. Mais s'il l'emportait, est-ce qu'il ne pourrait pas utiliser ses illusions pour donner à Myrtès son apparence et ainsi le tromper ? Il n'y avait pas d'issue à ce problème.

Que pouvait-il faire ?

* * *

Erèbe courait le long des couloirs interminables du temple, de plus en plus perplexe.
Cela faisait maintenant un certain temps qu'il lui semblait tourner en rond, comme dans un de ces rêves où l'on ne cesse d'avancer sans pour autant parvenir où que ce soit. Il avait essayé de se concentrer pour déterminer l'origine de ce phénomène, mais sans grand succès.

Plus préoccupant encore, il avait ressenti le cosmos de sa sœur flamboyer avec force quelques instants auparavant seulement. Etait-elle donc en train de se battre ? Elle aurait pourtant dû se trouver assez loin derrière eux, à l'issue de son combat contre Maia. Apparemment, elle s'était déjà trouvé un nouvel adversaire, alors que lui-même ne s'était pas encore battu. Il ne pouvait s'empêcher de ressentir une certaine inquiétude pour elle.

Une silhouette apparut devant lui, revêtue d'une armure aux reflets argentés. Erèbe se tendit à son approche, mais se détendit lorsqu'il vit de qui il s'agissait.

- Janeel ?

Le masque sans expression lui renvoya son regard.

- Erèbe ? Tu n'étais pas avec Arathorn ?
- Si, mais il est resté à affronter l'un des Généraux de Poséidon.
- Sauron a fait la même chose, ce qui signifie qu'au moins deux des Généraux sont occupés, voire morts. Reste trois d'entre eux.
- Hmm… Au fait, pourquoi vas-tu dans cette direction ? Nous devrions plutôt viser le cœur du temple, non ?
-C'est là que j'essayais d'aller, répondit Janeel d'une voix où perçait un peu d'agacement. Mais il y a quelque chose ici qui me fait faire des cercles depuis tout à l'heure. J'essaie autant que possible de toujours aller tout droit et je n'y arrive pas.
- Il m'arrive la même chose, dit Erèbe, fronçant les sourcils. C'est certainement l'œuvre d'un des Généraux, mais ça ne nous aide pas beaucoup pour le moment. Dans quelle direction est-ce que tu suggères d'aller ?

Une pointe d'humour perça dans la voix de Janeel pour la première fois depuis longtemps :

- Est-ce que tu as une pièce ?

* * *

- Nous ne pouvons pas rester ici éternellement, dit le Myrtès de droite après un long moment. Les autres poursuivent le combat et ils sont peut-être en danger.
- Il dit ça pour te persuader, répliqua l'autre, mais la situation actuelle l'arrange tout à fait. Cela dit, il a raison, nous ne pouvons pas nous permettre de rester ici. Pars devant et laisse-nous nous battre, c'est la seule solution.

Laramil se mordit les lèvres. Son esprit était désespérément vide d'idées. Etait-ce vraiment la meilleure solution ? Mais comment savoir si le véritable Myrtès l'emporterait bien ? Si ce n'était pas le cas, rien n'empêcherait le Général des Mers de répéter la même tactique, avec plus d'efficacité encore une fois que le seul pouvant déceler ses illusions aurait été supprimé.

Mais avait-il seulement le choix ?

Laramil ouvrit la bouche pour accepter finalement, puis la referma aussitôt. Une idée venait d'apparaître dans son esprit, le tirant brusquement de son indécision.

- J'ai trouvé, dit-il tout à coup.

Les deux chevaliers de la Vierge se tournèrent vers lui avec surprise.

- Aussi fort que soit l'imposteur parmi vous, dit Laramil, il ne pourra pas continuer à projeter ses illusions s'il est inconscient. Il me suffit donc de vous assommer tous les deux en même temps pour avoir la réponse. Même si le véritable Myrtès est hors de combat pendant un moment à cause de cela, il sera toujours en vie et nous aurons remporté le combat.

Il y eut un instant de silence. Puis le Myrtès de droite hocha la tête en signe d'approbation.

- C'est une excellente idée. J'aurais dû y penser moi-même. Vas-y, je t'en prie.

Mais le Myrtès de gauche avait réagi très différemment. Concentrant tout son cosmos en une fraction de seconde, il se précipita sur son homologue, le poing brandi.

Les météores de Pégase l'interceptèrent alors qu'il allait l'atteindre, le projetant brutalement en arrière sans qu'il puisse résister. Puis l'autre Myrtès se jeta sur lui, son cosmos doré flamboyant d'un éclat aveuglant.

Il y eut un bruit assourdissant au moment où le coup atteignit sa cible, transperçant l'armure de part en part. Puis le silence revint.

Au sol, se trouvait désormais le cadavre d'un homme frêle et laid, revêtu d'une armure d'écaille qui évoquait quelque créature cauchemardesque.

- Très bien joué, Laramil, dit Myrtès en se retournant vers lui avec un sourire. Il aurait pu continuer à nous poser des problèmes si tu n'avais pas eu cette idée.
- Hmm…
- Nous devrions examiner un peu les environs avant de repartir, reprit le chevalier de la Vierge en revenant vers lui. Nous n'avons peut-être pas été ses seules victimes. Je n'ai ressenti la mort d'aucun de nos compagnons, mais certains d'entre eux sont peut-être gravement blessés.
- Myrtès ?
- Oui, Laramil ? fit l'intéressé, regardant son ami avec perplexité.
- Ces illusions… elles étaient vraiment très réelles. J'étais complètement incapable de faire la différence avec la réalité.
- Ce n'est pas très étonnant. Moi-même, j'avais beaucoup de mal et c'était moi qu'il imitait.
- Ce que je veux dire, c'est que, si les choses s'étaient passées comme il l'avait voulu, il aurait pu se faire passer pour toi et je n'aurais rien vu jusqu'au moment où il m'aurait frappé dans le dos.
- Oui, bien sûr, mais que…
- Alors, je te demande de m'excuser, mais c'est la seule solution que j'ai trouvé pour m'assurer que tu es bien toi et pas encore ce Général des Mers.

Myrtès n'eut pas le temps d'esquisser un mouvement avant que le poing de Laramil ne vienne le percuter en pleine tête, l'expédiant proprement dans un sommeil sans rêve.

Laramil s'autorisa un soupir de soulagement en voyant qu'il ne changeait pas d'apparence et qu'il s'agissait donc bien du véritable Myrtès. Il espérait qu'il ne le prendrait pas trop mal lorsqu'il reprendrait finalement conscience…

* * *

- Galaxian Explosion !

L'attaque pulvérisa près de la moitié de la salle dans une déflagration de lumière aveuglante. Mais Tyry avait déjà esquivé, presque aisément.

- Une attaque puissante, observa-t-il en se précipitant vers Nyx. Mais tu n'as pas encore l'expérience nécessaire pour l'utiliser efficacement.

Son poing fusa comme une comète dorée, visant la tête. La jeune femme n'eut que le temps de ramener ses deux bras devant elle pour bloquer. L'impact la fit reculer de plusieurs mètres, étourdie. Mais elle n'eut pas le temps de récupérer que Tyry se jetait de nouveau sur elle, son cosmos flamboyant d'une intensité meurtrière.

- Je ne sais pas pourquoi, lui lança-t-il alors même qu'elle reculait devant ses attaques successives, mais j'ai le pressentiment que ce n'est pas un hasard si nous nous affrontons aujourd'hui, Dragon des Mers et Gémeaux.

Nyx ne gaspilla pas son souffle à répondre. Elle avait éprouvé la même impression déroutante, comme le souvenir de quelque chose qui n'avait pas encore eu lieu. Mais quelle importance, après tout ? Le combat était ici, maintenant. La jeune femme se baissa abruptement pour esquiver une attaque et faucha brutalement les jambes de Tyry. Le Général des Mers heurta violemment le sol, avant de rouler aussitôt sur le côté et de se relever.
Mais le bref temps que cela lui prit avait été suffisant pour permettre à Nyx de prendre l'avantage. Une grêle de coups contraignit à son tour son adversaire à battre en retraite. Mais Tyry ne se laissa pas démonter. Ses avant-bras étaient une barrière mobile qui interceptaient chaque attaque, l'empêchant de causer le moindre dommage.

- Ta technique reste quelque peu basique, en dépit de tes pouvoirs, railla le Dragon des Mers. Ce n'est pas ainsi que tu me battras. Parmi tous les Généraux des Mers, seul Denby m'est supérieur et c'est le fils d'un dieu.
- Ca ne veut pas dire grand-chose considérant que tous les autres sont sûrement déjà morts, rétorqua Nyx avec aggressivité sans relâcher son offensive. Pour les serviteurs d'un dieu, vous êtes un peu pathétiques.

Tyry lui agrippa brusquement le poignet alors qu'il avait paru sur le point de bloquer une nouvelle fois. Déstabilisée, Nyx tenta de se libérer, mais en vain. Son adversaire la projetta brutalement contre le mur le plus proche.

Son armure d'or absorba l'essentiel des dommages, mais la violence du choc fut suffisante pour presque lui faire perdre connaissance. De justesse, Nyx eut le réflexe de bondir sur le côté pour esquiver le coup qui l'aurait décapitée.

Tyry dégagea sa main des décombres du mur, désormais à moitié détruit, et se retourna dans sa direction. Nyx ne put s'empêcher de reculer quelque peu lorsqu'il s'avança de nouveau vers elle. Cette bataille-ci était loin d'être aussi facile que celle contre Maia. Pour la première fois, elle commençait à redouter d'être confrontée à un adversaire qui lui serait véritablement supérieur.

Elle n'eut pas le temps de poursuivre ces pensées, car Tyry se lançait de nouveau à l'attaque. Concentrant tout son cosmos, le Général des Mers tendit ses deux mains devant lui et…

- Sea Dragon's Breath !!

Nyx adopta aussitôt une position de défense, s'apprêtant à encaisser de plein fouet une attaque violente. Mais elle n'était pas préparée au nuage de vapeur brûlante qui vint déferler sur elle, l'aveuglant brièvement et lui arrachant un cri de douleur. Le temps qu'elle puisse se reprendre, Tyry était sur elle.

Un réflexe sauva momentanément la jeune femme. Bondissant souplement par-dessus l'attaque, elle décocha un coup de pied foudroyant qui percuta le Général des Mers en pleine tête.

L'instant d'après, un coup violent venait la percuter en pleine poitrine, lui coupant le souffle et la faisant tomber à genoux.

Tétanisée par la douleur, Nyx avait du mal à penser. Elle vit pourtant que le casque du Dragon des Mers était tombé au sol, fendu en deux. Elle avait dû le blesser au moins un peu, songea-t'elle avec une sorte de satisfaction distante.

Se remettant péniblement sur ses deux pieds, elle releva la tête vers le Général de Poséidon, qui se tenait juste devant elle. Pour la première fois, elle put voir véritablement le visage bronzé aux traits fins et les cheveux d'un blanc soyeux qui l'encadraient souplement. Et une surprise confuse vint emplir son esprit tout à coup.

- Mais tu es…

La douleur embrasa sa poitrine au moment où la main meurtrière la transperçait de part en part, traversant même la protection quasi-divine de son armure d'or. Nyx hurla, et son cri d'horreur et de terreur mêlées se répercuta à travers les décombres de la pièce en ruines et jusque dans les immenses couloirs du temple de Poséidon. Elle ne voulait pas mourir ! Pas maintenant ! Pas déjà ! Prise de panique, elle tenta de frapper son adversaire, mais ses bras étaient vides de force et Tyry ne vacilla même pas sous les coups de poing de plus en plus faibles, qui s'arrêtèrent presque aussitôt.

Désespérée, en proie à une peur qui dépassait tout ce qu'elle avait jamais connu, Nyx sentit les battements devenus erratiques de son cœur qui ralentissait déjà. Le sang cognait à ses tempes comme un marteau. Déjà, elle sentait son esprit s'engourdir dans une obscurité froide. Non, non !! En dernier recours, elle concentra la totalité de sa conscience, sa douleur, sa terreur de mourir, toute la myriade de pensées qui venaient traverser son esprit en cet instant et les projeta ailleurs, vers le seul autre esprit qu'elle connaissait aussi bien que le sien, dans l'espoir ultime de se raccrocher à lui.

Loin de là, alors qu'il était en train de marcher le long d'un couloir apparemment sans fin, Erèbe s'effondra brusquement au sol et fut pris de convulsions frénétiques. Totalement prise au dépourvu, Janeel eut tout juste le temps de lui saisir les bras pour l'empêcher de se blesser lui-même tandis qu'il hurlait, hurlait à se briser la voix.

Au bout d'un moment interminable, ses muscles se relâchèrent et il cessa finalement de se débattre. La tête contre l'épaule du chevalier du Cygne, il se mit à sangloter.
Tyry retira finalement sa main et le corps de la jeune femme glissa sans vie au sol. Elle s'était révélée être un adversaire de valeur, même si elle avait cruellement manqué d'expérience. C'était cela qui avait fait la différence dans ce combat. Tyry poussa un soupir. Tuer des combattants aussi jeunes ne lui plaisait pas particulièrement, mais c'était son devoir et il lui fallait l'accomplir. Ce n'était d'ailleurs pas le moment de perdre du temps ici. Les autres chevaliers d'Athéna étaient encore en vie et seul Denby était encore là pour leur barrer le passage. Il aurait certainement besoin d'aide.

Tyry prit un bref moment pour se baisser et fermer les yeux de sa jeune adversaire, puis, se redressant, elle quitta la pièce en ruines d'un pas ferme et résolu.

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Cette fiction est copyright Emmanuel Axelrad et Romain Baudry.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.