Prologue


L'Olympe lumineux et éthéré, le domaine des dieux inaccessible. Dépassant les nuages légers, baigné tout entier d'une lumière blanche, le sommet du mont sacré est surplombé du palais où résident les divinités grecques. Un palais à la splendeur sans pareille, qu'aucune création humaine ne peut même tenter d'imiter.

Un palais où règne pour le moment un silence étrange, le même qui précède les pires tempêtes.

Un homme - un homme ? - marche calmement le long d'un couloir, et son regard acéré ne voit même pas la splendeur qui l'entoure. Il n'aime guère ce lieu, auquel il ne vient que lorsqu'il y est obligé, ou, comme c'est le cas cette fois-ci, lorsqu'il désire s'adresser aux autres immortels. L'homme - le dieu - est de haute stature. Une armure dorée, semblable à nulle autre, recouvre tout son corps, et sa main gauche étreint un lourd trident aux pointes meurtrières. Il vient de quitter la salle où se réunit le conseil des dieux immortels, mais c'est à peine s'il pense encore à ce qui s'y est dit. Son esprit immense est tout entier tourné vers le futur, vers la mise en oeuvre de ses plans ambitieux.

Un bruit de pas, non pas derrière lui, mais devant lui. Le dieu des océans s'arrête, et un sourire particulier se dessine sur ses lèvres.

La femme - la déesse ? - qui se tient devant lui ne porte ni armure ni bouclier. Pas même une arme quelconque. Elle n'est vêtue que d'une robe blanche et simple, dont la pureté fait ressortir sa beauté sculpturale.

- Athéna, je t'attendais, dit le dieu après un instant de silence. Cela m'a surpris que ni toi ni ton père ne soyez là à ce conseil que j'avais moi-même convoqué pour y annoncer mes intentions. Même si, en définitive, cela n'aura eu aucune sorte de conséquence.

La déesse de la sagesse ne répond pas, mais ses yeux pers accrochent le regard profond de celui qui est son oncle, comme pour l'arrêter par la seule force de la volonté qui se trouve derrière eux.

- Eh bien, déesse protectrice de la Terre, reprend Poséidon avec une trace d'amusement mauvais, que t'arrive t'il donc ? Redouterais-tu donc de m'affronter ? Même si nous nous sommes déjà souvent opposés, mon but n'est pas de m'en prendre à toi. Contente-toi simplement de m'abandonner ton territoire.
- Tu es dans l'erreur, Poséidon, dit finalement la fille de Zeus d'une voix infiniment douce, infiniment grave. Je ne redoute aucunement de t'affronter. La guerre est mon domaine, autant que la sagesse et les arts. La lance est mon emblème, autant que la chouette et l'olivier. Si tu persistes à revendiquer plus que ce qui t'appartient déjà, alors nous nous battrons. Mais cette guerre serait pire que vaine. En tant que divinités, nous devons veiller sur les mortels, et non pas nous disputer le pouvoir de régner sur eux.
- Ce pouvoir, pourtant, tu l'as, Athéna ! dit d'une voix forte l'Ebranleur du Sol. Ton emprise sur les mortels est bien supérieure à celle de tout autre dieu depuis que ton père te l'a accordée ! Pourquoi ce pouvoir t'appartiendrait-il plutôt qu'à moi, qui suis l'un des fils de Cronos ?
- Si tu avais ce pouvoir, Poséidon, réplique la déesse aux yeux pers après un bref silence, saurais-tu l'exercer sagement ? Saurais-tu guider les mortels sans en faire les esclaves de ton culte personnel ?
- Mes Atlantes sont la preuve que j'en suis capable ! répond Poséidon en frappant le sol de son trident. Sur cette île que je suis le seul à dominer, ils vivent en paix, dans l'adoration des dieux et l'humilité ! Leurs sciences et leurs connaissances sont infiniment supérieures à ce qu'elles sont dans le reste du monde et ils possèdent la sagesse nécessaire à leur usage !
- Ce n'est le cas que parce qu'ils n'ont aucun contact avec le restant de l'univers, fait calmement Athéna en secouant la tête, et parce que tu contrôles chaque aspect de leur existence. Tu ne pourrais pas régner ainsi sur la Terre. Et même si c'était possible, il te faudrait pour cela soumettre chaque mortel à ta seule volonté. Cela irait à l'encontre de l'ordre divin.

Il y a un nouvel instant de silence entre les deux divinités, pendant lequel aucune ne bouge ni ne parle. Puis un éclair sauvage traverse le regard de Poséidon, qui lève son trident meurtrier et le pointe tout droit vers sa nièce.

- Ce que tu appelles l'ordre divin n'est rien d'autre que l'ordre que vous avez instaurés parce qu'il vous convient, gronde-t-il avec colère. Je ne me laisserais pas plus longtemps dénier ce qui me revient de droit ! A présent, fille de Zeus, fais ton choix !

Une expression de regret apparaît dans les yeux de la déesse de la sagesse et de la guerre, l'espace d'un instant très bref. Puis disparaît.

- Je m'opposerai à toi, Poséidon, fait-elle d'une voix ferme et déterminée. Par tous les moyens et jusqu'à ce que tu renonces à ton ambition insensée.
- Alors, rassemble tes serviteurs et prépare-toi à la guerre, Athéna, dit Poséidon, souriant de nouveau, le visage empreint d'une expression d'exultation violente. Car je ne renoncerai pas. Jamais.

Puis le dieu des océans se remet à marcher, passant à côté d'Athéna sans plus lui accorder un regard et disparaissant finalement le long du couloir, jusqu'à ce que le souvenir de sa présence même se soit estompé.

Restée seule, la fille de Zeus demeure longuement immobile, contemplant ce qui va arriver.

- Qu'il en soit ainsi, murmure-t-elle finalement.

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Cette fiction est copyright Emmanuel Axelrad et Romain Baudry.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.