Epiloque : Funérailles


Sur une plage, des enfants jouent au bord de l'eau. Ils s'éclaboussent et piaillent à l'envie. Un peu plus loin, leurs parents commentent la brève éclipse de soleil qui n'avait été prévue par personne. A l'intérieur des différentes bases de recherche du monde, les scientifiques cherchent désespérément à comprendre ce phénomène incroyable. Car eux savent. Ils savent que la Lune ne s'est pas trouvée entre la Terre et le Soleil ; que de ce fait, il est rigoureusement impossible que le soleil ait disparu, ne fut-ce que quelques instants. C'est scientifiquement impossible. Et pourtant…

Bien sûr, aucune de ces personnes, de ces hommes et de ces femmes qui arpentent le globe ne peuvent se douter de la véritable explication. Aucun d'entre eux ne peut imaginer qu'un gamin de douze ans vient, avec l'aide du Dieu des Océans, de déclencher la Sentence Divine. Et puis d'abord, qu'est ce que la Sentence Divine ?

A cette dernière question, Ikki n'a pas de réponse. Il sait seulement ce que ça lui a coûté : la vie de son frère bien-aimé, le valeureux Shun d'Andromède. Ikki est tombé à genoux devant le corps affreusement mutilé de son frère. Nul doute que ces blessures sont plus dues à l'incroyable décharge d'énergie qu'il a du déclencher pour vaincre Arès qu'aux attaques de ce dernier. Les larmes coulent à présent sans aucune retenue sur son visage, des larmes dont il avait cru la source à jamais tarie après la mort d'Esméralda. Bien des hommes refuseraient la mort si horrible de leur frère. Ils hurleraient, prendraient les Dieux à partie et se lamenteraient. Mais Ikki n'est pas un homme ordinaire. Et il sait que cette attitude ne serait pas celle que Shun, par son ultime sacrifice, mériterait. Ses yeux se ferment doucement, et dans son esprit apparaît le visage apaisé de Shun. Il n'en a aucunement conscience, mais derrière lui trois corps reviennent à la vie.

Saga des Gémeaux ouvre les yeux, suivi presque immédiatement par son frère Kanon. Le souvenir de leur ultime attaque se rappelle à eux à travers leurs muscles endoloris. Saga se relève avec difficulté, mais prend tout de même la peine de tendre la main à Kanon. Ils se regardent pendant quelques secondes, sans qu'aucune parole ne soit proférée. D'ailleurs il est des circonstances où les mots sont une perte de temps. Le regard que se lancent les deux jumeaux est bien supérieur en intensité à n'importe quelle parole. Puis, oublieux de tout se qui passe autour d'eux, ils tombent dans les bras l'un de l'autre. Comme Ikki quelques mètres plus loin, leurs larmes quittent leurs paupières en des mouvements désordonnés, seulement rythmés par les hoquets qui accompagnent ces pleurs.

Eileen de Cassiopée se lève à son tour. Son regard de Grande Prêtresse cherche d'abord Arès, qu'elle ne trouve pas. Puis son regard de mère trouve son fils aîné, agenouillé devant la dépouille de son fils cadet.
Un peu plus loin, l'armure du Phénix scintille. Celle d'Andromède, au contraire, paraît morte. Ses jambes manquent de se dérober sous elle. Elle ne doit de rester debout qu'à la rapidité de Saga qui l'a vu flancher. Saga se retourne ensuite et voit ce qui a fait vaciller Eileen. Le chevalier des Gémeaux et la Grande Prêtresse de l'Atlantide se dévisagent alors. Aucune animosité ne se dégage, mais il est visible qu'une profonde gêne existe entre eux deux. Saga voudrait dire à Eileen combien qu'il est désolé pour Shun, mais il ne sait pas ; ou plutôt il ne sait plus. Lui qu'on prétendait l'égal de Dieu tant sa bonté et sa gentillesse étaient prodigieuses, ne sait plus quoi dire. Les paroles manquent pour qualifier l'horrible perte qu'ils viennent de subir.

Kanon n'a pas assisté à cet échange de regards. Doucement, sans prononcer la moindre parole, il s'est approché d'Ikki. Conscient, lui aussi, qu'il n'y a rien à dire, il pose sa main sur l'épaule d'Ikki. En ce geste, qui est une ahurissante démonstration d'affection pour quelqu'un d'aussi renfermé que lui, Kanon compatit à la peine d'Ikki. Puis, sans qu'il s'y attende, presque malgré lui, les mots s'échappent de sa bouche.

- Une mort de plus dans un passé récent. Une de trop. A bien des égards, Shun était le meilleur d'entre nous. Jamais cette pureté et cette innocence qui le caractérisaient ne lui ont fait défaut. Il s'est sacrifié, comme le voulait la constellation sous laquelle il est né, pour sauver un monde en lequel il avait foi. Son souvenir restera à jamais dans nos cœurs, et il sera honoré parmi les plus Grands. Mais pour cela, il faut te relever, Ikki. Nous devons transporter son corps au Sanctuaire, afin que tous les chevaliers sachent ce qu'ils doivent à l'extraordinaire chevalier qu'était Shun d'Andromède, vaillant défenseur d'Athéna.

Pendant le discours de Kanon, Eileen s'est approchée. Arrivée juste derrière son fils, elle semble hésiter un instant avant de poser une main tremblante sur l'autre épaule d'Ikki. Plusieurs secondes s'écoulent après que Kanon ait fini de parler et Ikki ne bouge toujours pas. Kanon a d'ailleurs l'impression que ce dernier ne l'a même pas entendu tout comme Eileen se demande si son fils a senti le contact de sa paume sur sa peau nue. Puis, lentement, la main d'Ikki vient rejoindre celle de sa mère en un geste malhabile. Le chevalier Phénix se penche ensuite, passe ses mains sous les fines omoplates de son frère et se relève, ce dernier dans ses bras.

- Tu as raison, Kanon. Il nous faut rejoindre le Sanctuaire.

Kanon se contente de hocher la tête et regarde Eileen.

- Vous savez où se trouve la sortie ?
- Oui, répondit-elle. Mais avant je voudrais savoir ce qu'il est advenu de Minéos ?
- Mort... murmure Saga en baissant le regard. Il a combattu avec bravoure mais Tarkan était trop fort pour lui. Si ça peut vous consoler, j'ai mis Tarkan hors d'état de nuire.
- Tarkan et Elias sont morts, fit Eileen pensivement. Shun a du vaincre Solagar avant de parvenir ici. Les Dissidents ne sont plus.
- Partons, coupa Ikki d'une voix qu'il voulait assurée mais qui tremblait par à-coups. Nous ne nous sommes que trop attardés en ces lieux.

***

Athéna a repris connaissance. Elle n'a donné aucune explication sur son évanouissement et aucun chevalier, pas même Seiya, n'a eu le cran de lui demander ce qui s'était passé. D'ailleurs, c'eut été bien inutile. Le visage et plus particulièrement le regard d'Athéna est à lui seul une réponse. Mais il faut pourtant savoir. Alors Dohko, peut-être le seul chevalier à avoir la force ou tout simplement le seul à oser, pose la question.

- Athéna, qu'est-il arrivé à Shun ?

La déesse ne répond pas. Ses yeux pers, habituellement si purs, se sont voilés. Incapable de soutenir plus longtemps les regards interrogateurs de ses chevaliers, elle clôt ses paupières. Puis elle entrouvre la bouche et parle avec difficulté, comme si chaque mot lui causait une douleur insoutenable.

- Shun… Shun n'est plus. Il a payé de sa vie la folie d'un dieu..
- Mais enfin, qu'est-ce qui s'est passé bon sang ?

C'est Seiya qui vient d'apostropher ainsi Athéna. Le bouillant chevalier Pégase ne peut plus se retenir. Des larmes perlent sur le visage d'Athéna.

- Je… Je ne sais pas exactement. Je n'arrive pas à discerner avec précision ce qui est advenu sur l'Atlantide.

Athéna ment. La vérité lui est parfaitement connue. Simplement, elle ne peut pas. Accepter la mort de Shun est un poids trop lourd et elle redevient à ce moment la jeune fille qu'elle aurait voulu ne jamais cesser d'être. Mais Athéna n'est pas une jeune fille comme les autres. Elle est la déesse de la Raison et de ce fait ne peut se laisser aller à des faiblesses humaines. Elle rouvre les yeux et se redresse.

- Chevaliers, le Sanctuaire vient de subir une effroyable perte. Mais la mémoire du chevalier Andromède ne peut nous autoriser à nous apitoyer sur notre sort. Que tous les chevaliers regagnent leurs maisons. Les guerriers partis pour l'Atlantide devraient nous revenir d'ici peu. Nous pleurerons notre ami à ce moment-là. Seiya, Shiriu et Hyoga, vous resterez dans la treizième maison.

Athéna se retourne et marche d'un pas décidé vers ses appartements privés. Trop abasourdis pour parler, les onze chevaliers d'Or et les trois chevaliers Divins quittent la Salle du Trône dans le silence le plus total.
Sans qu'ils le sachent, la même pensée traverse Mû et Aioros au même instant. " Finalement, ne sommes-nous pas quelque part responsables de la mort de Shun ? ".

***

Alana soupire. Jusqu'au bout elle a tremblé. Jusqu'au bout elle a prié pour la victoire du chevalier Andromède face à Arès. Lorsque Poséidon lui a demandé de revêtir à nouveau, après tant de siècles, les insignes de Grande Prêtresse de l'Atlantide et l'aider lors de la cérémonie qui devait consacrer l'Elu, elle a cru défaillir. Se pouvait-il que Poséidon lui pardonne finalement ?

La Sentence divine a rendu son jugement. Le merveilleux décor où Shun a reçu l'onction divine s'efface. Peu à peu apparaissent les contours habituels des catacombes où Alana réside depuis tellement longtemps. Des parois haïes au début, puis nécessaires ensuite.

Soudain, une lumière. Une cosmo-énergie plutôt. Le corps de Julian Solo se matérialise devant elle. Un échange de regards salue la rencontre. Interrogateur chez l'ancienne prêtresse ; serein, pacifié chez le Dieu des Océans. Lorsqu'il prend la parole, sa voix se répercute à l'infini à travers les voûtes rocheuses.

- Alana, ton supplice touche à son terme. Ta punition est levée, il est temps pour toi de rejoindre le monde des morts.

Alana soupire à nouveau. Elle ferme les yeux et lentement glisse vers le sommeil éternel. Poséidon contemple quelques instants le corps sans vie de celle qui l'a trahi, il y a si longtemps. Il la prend ensuite dans ses bras et lui offre une sépulture dans le Sanctuaire sous-marin. Elle l'a bien mérité. Après tout, elle a vu bien avant lui qu'il était dans l'erreur et que la défense de la Terre revenait à sa nièce Athéna…

***

Tenant toujours fermement le corps de son frère, Ikki rejoint ses compagnons dans la barque. Son puissant cosmos brûle depuis de longues minutes. Le chevalier Phénix ne prévoit aucune attaque pourtant ; il veut juste empêcher la décomposition du corps de faire ses effets avant que celui-ci repose à jamais au Sanctuaire. Ikki jette un regard rapide autour de lui. Saga a calé les différentes urnes au fond de la barque. Celle d'Andromède, du Phénix, les deux des Gémeaux et celle de Cassiopée. Kanon a entrepris de faire démarrer le moteur. Voilà, ils sont partis. A l'avant, seule en attendant que son fils la rejoigne, Eileen regarde le soleil se lever. Ils ont passé vingt-quatre heures dans les catacombes. Vingt-quatre heures au cours desquelles son destin aura profondément basculé. Lorsque Ikki lui a demandé si elle désirait les accompagner, son sang n'a fait qu'un tour.
Malgré le ton volontairement dur de son fils, il était impossible de se méprendre sur ses intentions. Par cette proposition, Ikki lui offrait une possibilité de se racheter, si légèrement que ce fut. Théoriquement, il lui était interdit de quitter l'île. Mais Eileen s'aperçut rapidement qu'elle s'en moquait éperdument. La Grande Prêtresse de l'Atlantide était morte en même temps que Shun d'Andromède. Seule demeurait Eileen, mère éplorée par la mort de son fils cadet qu'elle avait si peu connu. Mais il lui restait un fils. Et les Dieux pouvaient toujours essayer de lui reprendre celui-là, ils devraient lui passer sur le corps. En un instant, Eileen comprit que son destin n'était plus sur l'Atlantide mais bien auprès de ce fils si difficile d'accès. Mais elle y parviendrait. Un jour, Ikki finirait par lui pardonner et lui offrir son amour. Elle le savait.

C'est pourquoi elle serre doucement la main de son fils et se dirige vers la barque. Elle accepte la main tendue de Saga et s'assoit. Le voyage du retour s'effectue sans que la moindre parole ne soit prononcée. Le temps est au beau fixe et la traversée est avalée en quelques heures. Lorsque Kanon amarre l'esquif au ponton qui jouxte l'entrée du Sanctuaire, trois chevaliers sont là. Trois chevaliers qui ont bravé l'ordre d'Athéna : Seiya de Pégase, Shiriu du Dragon et Hyoga du Cygne. Ces trois chevaliers auraient pu distinguer le cosmos de leur frère Ikki entre mille et n'ont eu aucune difficulté à le reconnaître tandis qu'il s'approchait du Domaine Sacré. Saga quitte ensuite la barque et aide Eileen à en descendre. Shiriu tique légèrement. Qui est cette femme dont la couleur des cheveux ressemble diablement à celle d'Ikki ? Puis le chevalier Phénix, leur frère dans ses bras, pose le pied à terre. Hyoga et Seiya s'approchent, les larmes inondant leurs visages. Seiya tend les bras, en une proposition muette. Ikki secoue la tête.

- Je te remercie, Seiya, mais c'est à moi d'amener le corps de mon frère à Athéna.

Sans mot dire, Seiya hoche la tête puis regarde à son tour vers cette femme au regard si profond et à la mine à la fois dévastée et déterminée. Ikki saisit et prend à nouveau la parole, bien que parler visiblement lui répugne.

- Je vous présente Eileen de Cassiopée, chevalier de Vermeil et Grande Prêtresse de l'Atlantide. Sur un plan plus personnel, elle est aussi ma mère.

Si la nouvelle surprend Hyoga et Seiya, Shiriu demeure lui impassible, ayant déjà envisagé la possibilité. Saga s'approche alors.

- Allons, chevaliers, il vous faut nous laisser passer. Athéna doit nous attendre.

Deux chevaliers d'Or, cinq chevaliers divins dont un décédé et un chevalier de Vermeil. Voilà le groupe que voit avancer Mû de la maison du Bélier. Kiki, à ses côtés, pleure à chaudes larmes. Mû devrait le réprimander, lui expliquer que cette attitude est indigne d'un apprenti, mais il n'en a pas le courage. Un goût de bile lui remonte dans la gorge.
Il voulait juste aider Ikki à reprendre pied dans la réalité ; et il a déclenché une série d'évènements qui ont conduit à la mort de Shun. Et à celle de son cousin Minéos... Quelle ironie vraiment ! Les sept chevaliers gravissent les escaliers et s'approchent de Mû. Ce dernier, à la surprise de Seiya, Shiriu et Hyoga, s'agenouille devant Eileen. D'un geste plein de grâce, cette dernière autorise Mû à se relever.

- Je ne pensais pas te revoir, Mû du Bélier.
- J'aurais souhaité que ce fût en d'autres circonstances, Grande Prêtresse.
- Ne m'appelle plus ainsi, Mû. Cette charge n'est plus la mienne, j'y ai renoncé.
- Comme vous vous voudrez. Suivez-moi, je vais vous escorter jusqu'à Athéna.

Mû prend donc la tête de ce petit groupe et les mène au cœur du Sanctuaire. Chaque chevalier d'Or qu'ils croisent leur emboîte le pas si bien que le garde chargé de la surveillance de la Salle du Trône doit aller expliquer à Athéna que dix-huit chevaliers requièrent audience. La lourde porte s'ouvre et Ikki pénètre dans cette salle pour la première fois depuis son affrontement avec Saga, il y a de cela une éternité, dirait-on. Athéna regarde avec attention Ikki. Le chevalier Phénix a changé, c'est même un euphémisme de le dire. Son regard, déjà plein des horreurs qu'il avait vu, est terne, sans éclat. L'habituel feu qui brûlait dans ses iris s'est éteint. Athéna s'approche d'Ikki et pose sa main sur Shun, sans que son regard ne quitte celui d'Ikki. L'aura dorée de la déesse l'entoure alors ; cette aura infiniment douce et bonne qui ressemble tellement à celle de Shun. Lorsque Athéna retire sa main, tous les stigmates ont disparu du visage du chevalier Andromède. Plus aucune trace de blessure ne subsiste sur son corps. Il a retrouvé son air apaisé. La déesse se recule et frappe dans ses mains. Des gardes apparaissent alors, transportant un cercueil. Le dessous est en or massif et le couvercle en cristal pur. Ikki fronce un sourcil, manifestement étonné par la magnificence de l'objet.

- C'est le cercueil traditionnellement réservé au Grand Pope, fait Athéna de sa voix douce. Dohko a souhaité que Shun l'occupe, en gage de l'amour des chevaliers.
- Merci Athéna, répond seulement Ikki.

Doucement, il s'approche du cercueil et y dépose Shun avec la plus grande des délicatesses. Hyoga et Aphrodite ont saisi le couvercle et l'ont remis en place.

- Shun sera enterré demain après-midi. D'ici là, son cercueil demeurera en ces lieux. Chaque chevalier sera autorisé à venir dire adieu à Shun. J'aimerais que deux chevaliers se tiennent dans cette salle en permanence pour veiller le corps. Je vous laisse mettre en place un tour de garde.
- Bien que mon compagnon et moi-même ne soyons pas chevaliers, peut-être Athéna et Ikki nous accorderont-t-ils la faveur d'être les premiers, interrogea une voix douce et néanmoins forte ?

Athéna se retourne, sidérée. A la porte se tient un homme aux longs cheveux bleus. Poséidon !
Ikki reconnaît immédiatement celui qui se trouve derrière lui : Sorrente. Sans attendre de réponse, le Dieu des Océans se dirige vers le cercueil, le Marina sur ses talons. Il s'agenouille auprès de Shun, ferme les yeux et joint ses mains en signe de prière ; Sorrente l'imite. Sur un geste d'Athéna, les chevaliers quittent la salle ; seuls demeurent Ikki et Eileen. Cette dernière s'approche d'Athéna et pose l'urne de son armure devant la déesse.

- Je vous rends mon armure, déesse Athéna. Je ne désire plus être chevalier ni me battre. Mon unique souhait est de tenter de vivre une vie à peu près normale auprès du seul fils qui me reste, les Dieux m'ayant privé du second.
- Soit, répond Saori après quelques instants de réflexion. Tu pourras quitter le Sanctuaire après l'enterrement. Ikki, ajoute-elle en se tournant vers lui, je te libère de mon service. Sache que je regrette profondément la mort de ton frère à qui j'étais très attachée. Puisses-tu vivre en paix.

Ikki s'incline sans répondre, prend la main de sa mère et quitte à son tour la salle.

***

Journal de Kanon

L'enterrement de Shun fut le moment le plus difficile de mon existence, bien que d'enterrement il n'y eut pas. Vraiment, si j'avais pu, j'aurais donné ma vie pour que Shun vive. Shun représentait pour moi la dernière parcelle d'innocence de ce monde. Sans doute la raison pour laquelle il a pu vaincre Arès, du reste. Il pleuvait ce jour-là, au Sanctuaire. Je n'avais pas fermé l'œil de la nuit ; je n'avais du reste pas bougé du cercueil de Shun, pas plus que Saga, Athéna ni Poséidon d'ailleurs. A quelques reprises mon regard avait croisé celui du Dieu des Océans. Le léger sourire qu'il m'adressa m'indiqua que mes précédentes offenses envers lui étaient sinon oubliées, du moins pardonnées. Tous ceux qui étaient sur l'Atlantide étaient présents dans la salle, pour cet ultime hommage.

Puis, à un moment dont j'aurais voulu qu'il n'arrive jamais, Athéna se leva. Nous l'imitâmes.

- Il est l'heure. Ikki, Saga, Kanon et Poséidon, voulez-vous porter le cercueil ?

La question était de pure forme. Il était hors de question que je cède ma place à quiconque. Shun m'était devenu trop important. Je penchai pour saisir la poignée quand une voix s'éleva. Une voix que je n'avais jamais entendu mais qui me glaça le sang.

- Avant que vous ne transportiez le cercueil, me serait-il possible de m'entretenir avec le chevalier Phénix ?
- Père, s'écria Athéna en se précipitant vers celui qui venait de parler !

Père ??? Mais alors ce vieillard serait… Zeus lui-même ! Poséidon s'inclina immédiatement et nous fîmes de même.

- Père, tu vas sauver Shun, n'est-ce pas ? Tu vas...

Zeus ne laissa pas sa fille finir. Doucement, il s'arracha à son étreinte et l'écarta. De son pas majestueux, il se dirigea vers Ikki.

- Relève-toi, chevalier Phénix. Laisse-moi te dire à quel point je m'associe à ta peine et partage ton chagrin.
- Merci, puissant Zeus.
- Ecoute-moi bien, Ikki. Le Conseil des Dieux, par ma voix, vient te faire part de ses délibérations. Eu égard aux circonstances de la mort de ton frère et au fait que la responsabilité puisse en être attribuée aux Immortels, nous avons décidé de ressusciter le chevalier Andromède.

Ikki ferma les yeux. Je ne pus m'empêcher de tressaillir. Ainsi Shun allait revenir. Je me faisais déjà une joie de la fête qui ne manquerait d'être célébrée pour le retour de ce jeune garçon. Pourtant, dans mon cœur, je ne parvenais pas à me réjouir totalement. Pour quelle obscure raison ?

- Accepte mes remerciements Zeus, répondit Ikki d'une voix légèrement tremblante après quelques minutes de réflexion. Mais je dois refuser ton offre. Mon frère s'est sacrifié pour que le monde échappe aux agissements de ton fils Arès. Son sacrifice doit être un exemple pour les générations futures de chevaliers. Afin que tous sachent qu'être chevalier d'Athéna, c'est avant tout être au service d'une quête : la paix dans le monde.

Zeus regarda attentivement Ikki pendant plusieurs secondes. Puis un léger sourire illumina son visage parcheminé.

- J'espérais que tu me ferais cette réponse, Ikki, mais je ne l'espérais qu'à moitié. Bien sûr, tu as raison et la mémoire de Shun sera célébrée jusqu'à la fin des temps. J'en fais le serment.

Le cosmos de Zeus se mit à briller. Jamais je n'avais vu une aura aussi pure et aussi puissante. Une lumière intense se dégagea de lui et se dirigea vers Shun. Lorsque ce dernier fut totalement enveloppé dans cette lumière, Zeus frappa son sceptre sur le sol. Un flash nous obligea à fermer les yeux. Quand nous pûmes les rouvrir, le cercueil avait disparu et nous nous trouvions derrière le temple, devant la statue d'Athéna à laquelle qui nous tournions le dos.

- Zeus mon frère, interrogea Poséidon, où est Shun ?
- A côté de celle qu'il a si fidèlement servi.

De quoi diantre voulait-il parler ? Puis brusquement nous comprîmes. Presque en même temps, nos regards se posèrent sur la statue d'Athéna qui n'était plus seule.

A ses côtés, légèrement plus petite, la statue de Shun d'Andromède nous souriait.

- Nous ne t'oublierons jamais Shun, fit Ikki, rassemblant ses dernières forces pour ne pas pleurer. Où que tu sois, je sais que tu veilleras sur ta déesse, comme tu l'as toujours fait. Adieu, mon frère, digne chevalier d'Athéna.

Zeus nous adressa un petit signe puis disparut. Eileen alla alors s'agenouiller devant la statue de son fils et se mit à prier. Une musique légère s'éleva. Je n'avais nul besoin de regarder pour savoir que ces notes provenaient de la flûte de Sorrente. Des notes d'espoir. Shun d'Andromède s'était sacrifié pour que le monde devienne meilleur.


Par Athéna, nous emploierons toutes nos forces à faire en sorte que son rêve se réalise !

The End

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Cette fiction est copyright Emmanuel Axelrad et Clément Baudot.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.