Chapitre 1 : Tombés des Cieux


L'air semblait pesant et malaisé alors que la nuit était tombée depuis maintenant plusieurs heures sur le Sanctuaire.
Cela faisait des mois que l'on avait plus de nouvelles.
De personne.
Ils étaient morts, tous autant qu'ils étaient, ils n'avaient pas pu revenir de ce monde de ténèbres dans lequel la mort avait du les plonger.
Tout semblait vide et avoir perdu son âme sans la maîtresse des lieux, qui ne reviendrait probablement jamais.
Tant de vies gâchées, tant de destins brisés et seulement le souvenir pour pouvoir faire vivre ceux qui avaient quitté la terre au cours de cette effroyable guerre dans l'Hadès.
Parfois, si l'on se concentrait bien, on pouvait appercevoir des fantômes... on entendait encore le rire de Seiya teinter, la voix de Shun appeler doucement son frère. On pouvait aussi écouter les sages conseils de Shaka ou l'ironie froide de Milo. Mais tout ceci, tous ces gestes, toutes ces attitutes qui paraissaient si simples à d'autres, n'existaient plus qu'au travers de la mémoire de ceux qui avaient survécu.
Et ils étaient si peu.
Les courageux chevaliers d'Or n'avaient pas hésité à mettre leurs vies en péril en détruisant le Mur des Lamentations, les Bronze Saints avaient tout donné pour sauver Athéna, le monde et maintenant... plus rien ne pouvait témoigner de leur passage sur cette planète.
Chaque personne continuait à vivre, à avancer, à rire et à pleurer sans deviner ce qui avait menacé cette terre pour qui d'autres avaient versé sang et larmes.
Pour cette terre, qu'aucun ne pouvait à présent plus prendre entre ses mains, ils avaient perdu leurs existences à peine commencées, ils s'étaient orgueilleusement sacrifiés, fiers d'accomplir leur devoir, fiers de se battre pour ces personnes qui ne les connaissaient guère, fiers d'être tous ensemble réunis au travers de ces luttes.
Et maintenant?
Plus rien que le souvenir.
Juste le souvenir, mais cela aussi s'effacerait un jour.

Une légère brise vint remuer les maigres branches des oliviers qui parsemaient les alentours du Domaine Sacré alors que les étoiles scintillaient faiblement, de sombres nuages venant peu à peu voiler l'intensité de leur lumière.
L'orage menaçait d'éclater d'un instant à l'autre à présent alors que les quelques touffes d'herbes qui avaient réussi à pousser dans le climat de la Grèce se pliaient sous la volonté du vent auquel elles ne savaient pas résister.
Un frisson parcourut le Sanctuaire.
Cette nuit semblait différente des autres. Non pas de par ce soudain revirement de température, qui avait brusquement diminuée sans prévenir, mais à cause de l'atmosphère qui s'insinuait peu à peu sur tout le territoire.
Un coup de tonnerre éclata, résonnant avec fracas dans la nature sauvage et suivi de prêt par un éclair jaunâtre qui fendit les cieux.
Le silence revint ensuite alors qu'une fine averse commençait à tomber lentement, nettoyant ce paysage qui avait perdu toute vie.
Depuis combien de temps personnes n'étaient-ils revenus de ce côté? Sans doute depuis la fin de la guerre contre Hadès, il y avait de cela deux mois. Ou peut-être depuis des années... plus personne ne savait réellement. Et plus personne n'avait envie de chercher ou de maintenir à flots ce domaine sans âme, sans rien.
Un nouveau coup de tonnerre résonna soudainement, se répandant avec fureur et provoquant des frémissements chez quinconque aurait eu le malheur de regarder dehors.
Le temps n'avait encore jamais été aussi mauvais, du moins, pas en cette saison, pas au mois de mai.
La foudre s'abattit subitement et avec une violence inouïe sur un pin et le fendit en deux, sans plus de mal que Shura n'aurait eu à le faire à l'aide d'Excalibur.
Les élements eux-mêmes semblaient être en colère, mais pourquoi? Qu'avaient-ils à reprocher au monde, maintenant en paix depuis huit semaines?
Le tonnerre fit de nouveau entendre sa voix mais pour qui tendait l'oreille...
Il n'y avait pas que cela.
Les lieux étaient à nouveau silencieux, du moins si l'on n'accordait pas plus d'attention à... cette pulsation.
Celle-ci était très faible, presque indétéctable à la simple oreille humaine mais cependant bien présente. Il semblait que le ciel tentait d'extraire quelque chose de son sombre manteau nocturne et orageux. Et c'était cela qui provoquait ce déchaînement des forces de la nature.
Les gouttes de pluie venaient s'écraser de plus en plus grosses, contre le sol avec intensité. Un nouvel éclat de la foudre illumina les alentours alors que...
Que se passait-il? Qu'arrivait-il au ciel qui paraissait soudainement se ... déchirer?
La voûte célèste semblait se tordre, se contortionner en un point, alors que les éclairs se succèdaient de plus en plus rapidement, déchaînant leur colère pour manifester la douleur des cieux.
La pulsation s'intensifia, d'abord doucement, puis de plus en plus rapidement, comme si elle cherchait à éclater, à aboutir. Mais à quoi?
La mer, à quelques kilomètres de là, s'agitait, les vagues percutant les roches avec une rage non contenue, écumantes de douleur comme si elles partageaient les souffrances du ciel. Les oliviers se courbaient, la pointe de leurs branches rabougries touchant dorénavant le sol. Le vent paraissait communié avec la pluie, ne faisant plus qu'un avec elle et hurlant soudainement.
Oui, on entendait à présent des hurlements qui résonnaient dans le paysage et...
Le ciel s'ouvrit, se fendant, se scindant littéralement en deux pour livrer passage à deux formes.
Un éclair se propagea simultanément dans la nature, mais avec une telle fureur que les personnes habitants encore le Sanctuaire durent être aveuglés pendant plus d'une minute.
Et ils tombèrent. Tous les deux, comme si la nature n'avait soudainement plus voulu d'eux et qu'elle avait choisi de les relâcher, de les rendre à ce monde auquel ils appartenaient. Pourtant, la tempête n'allait pas en diminuant, même si la situation semblait plus calme que précédemment.

Deux corps.
Deux hommes étaient allongés, l'un près de l'autre, les bras et les jambes encore entremêlées après ce qu'ils venaient de vivre. Aucun ne bougeait et seul le souffle glacé du vent venait agiter leur cheveux, collés par le sang à leur tempes et à leur nuque, de temps à autre.
Un éclair illumina les deux cadavres alors que la terre grondait encore sa colère vis à vis des deux étrangers tombés tels des éclats de météorites des cieux.
Qui étaient-ils?
Le silence se faisait toujours entendre et était simplement entrecoupé par intermitence par le roulement du tonnerre ou le crépitement de la foudre qui s'abattait, sans doute du haut de l'Olympe.
La pluie tombait drument, nettoyant les deux formes inertes qui gisaient à présent dans ce lieu désert, les lavant de leurs béantes et sanglantes plaies.
Qu'avaient-ils pu leur arriver pour qu'ils se retrouvent dans pareil état?
Un nouveau coup de tonnerre explosa dans le ciel et le bruit terrifiant que cela engendra fit frémir la paupière d'un des hommes...
Que se passait-il? Etait-il toujours en vie?
Sa poitrine se souleva soudainement dans un bruit rauque et guturale et ses yeux se révulsèrent immédiatement alors que de violentes convulsions se mettaient à l'agiter. La douleur le saisit à la gorge et il tenta de porter une main à sa trachée sans grande réussite car celle-ci était cassée et il ne pouvait plus bouger le moindre de ses doigts.
Ou était-il?
Ses paupières se contractèrent alors que sa crise passait doucement et difficilement. Il dodelina légèrement de la tête, comme pour se prouver qu'il était encore à peu près en vie, même si ce n'était plus pour très longtemps.
La foudre s'abattit sur le terrain ou il se trouvait et un olivier prit feu non loin de lui et de son compagnon, l'éclairant subitement et lui permettant d'appercevoir ce qui l'entourait à l'instant même ou il ouvrit les yeux.
Son visage était tourné contre le sol et il offrait son profil aux cieux. Il sentait l'odeur de la terre s'incruster dans ses narines, peu à peu, et se mélanger au parfum qui était entré par tous les pores de sa peau, celui de la mort.
Il s'agita un peu plus, tentant de reprendre contact avec cette réalité qu'il croyait avoir perdu depuis des millénaires. La pluie, bien loin de le soulager des souffrances qu'il était contraint d'endurer, le transperçait de part en part comme de fines aiguilles et décuplait ses difficultés à prendre sa prochaine respiration. Il sentait bien que ses poumons étaient calcinés et puis...
Il tourna lentement la tête, releva le menton alors que son regard parcourait ce qui s'élevait autour de lui.
Ou était-il?
Il ne reconnaissait pas l'endroit ou il venait d'attérir. Pourquoi n'était-il pas de nouveau en enfer devant ce tribunal qu'il avait traversé sans se faire remarquer, du moins au début?
Il n'arrivait pas à saisir ce qui se produisait et pourtant... il lui fallut plusieurs secondes d'adaptation pour réaliser que le gouffre de l'enfer n'avait pas voulu l'aspirer.
-Non... chuchota-t-il dans un souffle de voix qui menaçait de s'éteindre d'un intant à l'autre... Ce n'est pas... pas... possible! Je... je ...vis!
Il cligna à maintes reprises des yeux, tentant d'analyser la véracité de ses dires. Une fulgurante douleur s'empara de lui à l'instant même ou il essayait de se remettre lentement en position assise. Il porta sa seule main encore valide, l'autre ayant presque perdu forme humaine tant elle était écrasée et calcinée.
En vie, certes, mais pour combien de temps, tel semblait être la véritable question. Et comment avait-il accompli ce miracle?
Les dernières choses dont il se rappelait semblait s'être déroulées il y avait de cela des siècles et des siècles, alors qu'il se trouvait encore dans l'Hadès.
Il avait saisi Rhadamanthe par les épaules et l'avait maintenu contre lui avec une violence d'autant plus exarcerbée que le temps jouait en sa défaveur. Il l'avait entraîné dans les cieux, prêt à se faire exploser mais cela ne lui était pas apparu comme suffisant. Il ne voulait pas courir le risque que l'un des rois puisse revenir dans le macabre royaume du dieu des morts et c'est pourquoi il avait préféré agir au plus vite. Il n'avait pas eu le choix, ni même le temps de réfléchir car il avait fallu faire le plus rapidement possible et surtout au mieux.
Evidemment, il avait déclenché la fatale Galaxian Explosion et il entendait encore le voix de Rhadamanthe lui hurler à percer les tympans d'arrêter cette folie. Mais il n'en avait rien fait, bien au contraire, il avait persisté dans cette voie. Il avait craint que cette attaque ne vienne pas à bout de son opposant car ce dernier portait encore son surplis alors que lui... il se souvenait encore parfaitement avoir renvoyé son armure à son véritable possesseur, son frère jumeau Saga.
Il n'avait pas voulu que Rhadamathe est la moindre chance, et s'était ainsi ôté toute possibilité de survie, du moins l'avait-il cru jusqu'à présent, en ouvrant une autre dimension...
Ensuite, le noir envahissait son esprit... que s'était-il produit?
Il sentit un terrifiant mal de tête sourdre à son front et englober ensuite tout son crâne.
Des flash, tels les éclairs qui illuminaient brusquement le ciel à intervalles réguliers, envahissaient sa mémoire.
Une dimension lointaine... ce cosmos qui l'avait aidé alors même que la personne qui le faisait agir était en danger de mort... Athéna bien-sûr.
Cette dernière était intervenue et lui avait permit de prendre la bonne direction, celle de la terre.
Combien de siècles avait-il erré dans l'espace? En quelle année était-il?
Il ne pouvait pas même imaginer n'avoir mis que quelques mois à accomplir ce prodige. Il avait cru dériver dans l'infiniment grand à jamais et pourtant...
Il sursauta soudainement.
A côté de lui gisait... Rhadamanthe!
Il avala avec difficulté sa salive, manquant de s'étouffer, alors que ses plaies s'ouvraient, sous l'effet de ses mouvements, encore un peu plus. Il sentait le sang qui en supurait recouvrir lentement sa peau et provoqué une curieuse sensation de chaleur qu'il finissait par ne connaître que trop bien.
Le Spectre était à côté de lui, inanimé comme un pantin désarticulé. Il se rappelait vaguement avoir tenté de se dégager de ce poids alors qu'il voguait dans l'inconnu du néant mais sans grand réussite... et il avait perdu connaissance.
Le hasard, ou la destinée, avait voulu que les deux opposants parviennent à regagner en même temps la terre, l'un grâce à l'autre. Mais Kanon semblait avoir eu plus de chance.
Ce dernier tendit sa seule main ayant encore une forme normale vers celui qu'il avait combattu à n'importe quel prix... Il effleura son cou du bout des doigts, osant à peine le toucher tant il avait de respect pour cet ennemi qui l'avait forcé à choisir la voie du non-retour.
Son pouls était inexistant. Il s'y était attendu.
Il hocha gravement la tête en songeant que c'était aussi bien ainsi car jamais il n'aurait eu la force de reprendre un affrontement dans cet état, alors que la mort lui tendait amoureusement les bras. Oh oui! La faucheuse ne le connaissait que trop bien, beaucoup trop bien à son goût en tout cas!
Il secoua la tête, ses immenses cheveux se balançant avec lui alors qu'il comprenait, en sentant l'état calciné de ses poumons qu'il n'en aurait plus pour longtemps s'il n'agissait par rapidement. Et il ne voulait pas mourir après tous les efforts qu'il avait accompli pour en arriver là, pas alors qu'il ne savait pas si les autres chevaliers étaient parvenus à rentrer, si Athéna était encore en vie quelque part sur cette planète.
Il se mit soudainement à cracher du sang, courbé en avant, alors que des gouttes de sueurs parsemaient à présent son front.
Il devait se relever maintenant, et continuer en laissant derrière lui le cadavre de cet opposant qu'il avait mis tant de temps à achever. Il soupira alors qu'il essayait de se remettre sur pieds, s'effondrant contre le sol au moment même ou ses chevilles auraient été sensé le soutenir.
Sa chute contre la terre lui arracha un hurlement rauque de douleur et des larmes vinrent perler au coin de ses paupières. La souffrance qu'il endurait à présent était la pire qu'il n'avait jamais connu et pourant, il avait même un jour reçu l'arme d'un dieu de plein fouet...
Il comprit, alors que les muscles de son visage se contractaient en une douloureuse grimace, qu'il était incapable de rentrer debout, comme un homme à peu près normal. Mais quoi qu'il advienne, il devait parvenir au Sanctuaire, en rampant s'il le fallait.
Il tendit sa main valide, traînant l'autre dans le sol sans s'en rendre compte tant elle était devenue insensible, vers une touffe d'herbes à laquelle il s'accrocha pour se hisser. Il fit glisser son corps alors qu'il laissait derrière lui une traînée de sang. Mais ce n'était pas grave, quelqu'un allait bien le retrouver, ou qu'il soit. Tout à l'heure, il avait cru appercevoir les abords du Sanctuaire.
Il ne savait vraiment pas comment il était parvenu directemment au Domaine Sacré, oubliant trop facilement que c'était le cosmos d'Athéna qui l'avait mis sur la voie de la terre. Il était donc logique que cette dernière soit parvenue à l'orienter vers l'endroit qu'elle dirigeait.
-Pourvu qu'elle soit encore en vie, murmura-t-il doucement tout en continuant à se traîner vers l'horizon ou il savait retrouver cet environnement qui lui était si familier.
Sa respiration ne devait pas s'arrêter avant cela, son coeur devait tenter de continuer à battre, ses bras ne pouvaient plus lui faire défaut! Il avait une ultime mission à accomplir pour celle qui l'avait ramené à l'existence. Il devait rester en vie...
Il se retourna vers le corps inerte de l'homme dont il était venu à bout. Rhadamanthe... sans doute l'un des meilleurs combattants d'Hadès, en tout cas le plus intelligent. Il était dommage qu'un tel homme se soit mis au service du mal, mais il ne comprenait que trop bien l'erreur qu'il avait commis en se rangeant du côté de l'injustice, comme il l'avait lui-même fait autrefois.
Kanon détourna son visage du gisant et ferma les yeux, choisissant de se concentrer uniquement sur sa route. Il devait avancer encore et encore...
Et c'est pourquoi il ne le vit pas, alors que sa tête lui tournait, que ses poumons se remplissaient d'air brûlant et que sa trachée lui renvoyait du sang dans sa bouche, le petit doigt de Rhadamanthe frémir soudainement.

Le soleil brillait à présent avec intensité et le mois de mai s'annonçait aussi radieux que possible. L'astre du jour avait eu trop peur de disparaître éternellement pour ne pas se montrer alors que la plus belle des saisons commençait en Grèce.
Hier, l'orage avait été épouvantable, la violence de la foudre avait été telle qu'elle s'était abattue plus d'une trentaine de fois sur le Sanctuaire et ses alentours.
De la veille, il restait encore comme seul souvenir des flaques d'eau qui parsemaient le sol des maisons du Zodiaque et la terre sablonneuses du Domaine Sacré.


Kanon

Je n'en pouvais plus, j'allais mourir, cela ne faisait pour moi plus aucun doute.
J'avais réussi à survivre à cette nuit sans fin mais maintenant que le soleil était entrain de s'élever lentement dans ces cieux d'ou j'étais tombé, j'avais toutes mes chances de me laisser glisser dans les bras de la mort qui me semblaient tellement plus doux que les souffrances que j'endurais.
Personne en vue depuis des heures et pourtant, je me traînais à présent dans les ruines du Domaine. Etrangement, je n'était tombé sur aucun garde, mais je savais fort bien que j'avais manqué des soldats à peu de temps près.
J'avais entendu leurs éclats de voix, j'avais voulu les appeler, mais aucun son n'était sorti de ma gorge, comme si ma voix elle-même avait voulu me trahir. Je m'en étais voulu après cela mais qui pouvais-je si tout dans mon corps me faisait défaut?
J'haletais alors que je sentais l'un des rayons du soleil venir caresser ma peau écorchée et à vif. La sensation de chaleur m'arriva immédiatement et je sursautais, ne comprenant pas immédiatement ce qui m'arrivait. J'avais si longtemps été privé de lumière, que la clarté me faisait presque peur, m'aveuglait mais en même temps me stimulait et me redonnait un certain courage.
Pourtant, je devais regarder l'évidence en face sans essayer de me voiler les yeux : si d'ici quelques minutes personne ne venait à mon secours, j'allais mourir sur place car je ne pouvais pas bouger.
Toute la nuit, je m'étais vidé de mon sang, agrandissant mes plaies en me traînant par terre alors que de minuscules cailloux s'incrustaient dans mes blessures. J'avais senti la brûlure de l'air sur ma chair à vif, j'avais tout enduré sans gémir, sans me plaindre, et on pouvait sans peine retrouver mon chemin en suivant les traces rouges que je laissais sans le vouloir.
Ma tête tomba soudainement contre le sol, mais la violence du choc ne me fit rien. J'en avais trop enduré par réagir à la moindre des attaques à présent et mon insensibilité me rassurait en un sens car ainsi elle me permettrait de partir plus sereinement puisque visiblement, il s'agissait là de mon destin.
Je sentis la fraîcheur de l'herbe, encore humide des larmes d'Hélios qui pleurait son fils, la rosée autrement dit, contre mon visage et une vague sensation que j'assimilais au plaisir me revint en mémoire. J'avais oublié depuis trop longtemps comme la nature pouvait être agréable. Et je trouvais inutile de m'en souvenir si peu de temps avant de rejoindre l'autre monde. Les Moires pouvaient parfois se montrer plus cruelles qu'elles n'en avaient l'air...
Je fermais les yeux, me laissant couler dans ce sommeil qui me tendait les bras.
J'avais mis toutes les chances de mon côté pour que l'on me retrouve puisque j'étais parvenu dans les ruines du Sanctuaire. A présent, je ne pouvais guère avancer plus et c'était aux autres de venir m'aider.
Pour la première fois depuis bien longtemps, j'avais besoin de quelqu'un d'autre que moi.
J'esquissais un sourire.
Saga. Autant penser à lui dans les dernières minutes qu'il me restait. Je le lui devais bien en un ultime hommage.
Mon frère. Non, plus encore... mon jumeau. Lui aussi était mort dans l'Hadès, avec les autres chevaliers d'Or.
Je m'étais demandé tout à l'heure, alors que je venais tout juste de m'extirper de cette dimension ou je voyageais depuis des siècles, me paraissait-il, si les Gold Saints étaient parvenus à retrouver le chemin de la vie. Mais il ne fallait pas se leurrer, les illusions n'étaient que poison.
Ils avaient tous péri dans l'explosion du Mur des Lamentations, faisant brûler en un même ensemble leur cosmos, mais aussi leur courage et leur foi en l'humanité.
Un frisson me parcourut.
Et Saga avait fait parti de ceux qui avait accompli cet exploit. Quel dommange, ou plutôt, quelle incroyable malchance! Alors que le déroulement de nos existences auraient pu nous permettre d'être enfin réunis, de nous retrouver enfin après les chassés-croisés que nous avions effectué entre nous, c'était la mort qui se chargeait de nous éloigner.
Si la justice existait, ce n'était vraiment que par Athéna, car sinon, il m'arrivait de trouver les circonstances bien inhumaines... je souris doucement à nouveau, alors que ce geste tirait les muscles de ma peau qui avaient subi depuis quelques temps tous les choc imaginables.
J'allais partir dans l'autre monde, je n'avais aucun mal à m'habituer à cette idée. Bien-sûr là-bas, j'allais expier les crimes que j'avais commis. Je n'avais pas peur, quelque soit ma punition, je l'accepterais puisque je l'avais mérité. Pff... à quoi bon vouloir échapper à ce que l'on a fait? On ne récolte que les semances de nos existences et voilà tout.
C'est le chevalier de la Vierge qui avait un jour prononcé ses mots et mon frère me les avait répété alors que nous nous disputions.
Généralement, il était affligé par mon comportement à cette époque, et il ne savait pas comment me faire revenir sur cette route qu'il empruntait pour sa part sans aucune hésitation.
Je clignais des yeux car l'astre du jour continuait sa lente montée et effleurait maintenant du bout de ses rayons, ses doigts qui touchaient notre terre, mon visage. Cela me faisait du bien.
Etrangement, me dis-je, j'allais être guidé par le chaleureux soleil dans les glaciales bras de la mort.


Marine

Une nouvelle journée. Une nouvelle chance, aurais-je dit naguère, à l'époque ou j'étais un peu moins pessimiste qu'actuellement.
Je balayais du regard le vaste paysage qui m'entourait et qui me paraissait étranger. Pourtant, j'y évoluais depuis des années et des années mais dorénavant, plus rien n'était similaire à cette époque d'autrefois ou j'étais bien plus à l'aise. C'était étrange, car je n'avais pas toujours été heureuse au sein de ses pierres anciennes ou j'avais rencontré de nombreux ennuies.
Je me souvenais de ce que j'avais cru être la pire période de mon existence alors que j'évoluais à pas lents dans le Domaine Sacré de notre déesse disparue. Seiya avait alors juste terminé son entraînement et j'avais réellement vu en lui un potentiel exceptionnel mais jamais, au plus fort de mes rêves ou de mes utopies, je n'avais imaginé ce jeune garçon parfois turbulent et inattentif, irait aussi loin.
Il était un être d'exception, hors du commun, hors norme... et je l'avais perdu.
Les larmes me montèrent de nouveau aux yeux.
Au fil des jours, depuis qu'il avait eu sept ans et qu'on me l'avait amené pour que je le forme à devenir un combattant d'Athéna, je m'étais attaché à lui. J'avais parfois été sévère ou autoritaire, mais j'avais toujours essayé d'être la personne dont il avait eu besoin aux différents stades de son évolution. Il avait été un élève formidable et avait atteint toutes mes espérances et même plus, bien plus...
Et puis, j'avais cru pendant un certain temps qu'il était mon frère, ce frère que j'avais perdu il y avait de cela des années.
J'avais songé que Seiya pouvait être ce dernier, car la différence d'âge correspondait. Tout comme il avait cru que j'étais Seïka.
Mais nous nous étions trompés et Pégase avait finalement retrouvé son aînée, mais trop tard. Et moi, je cherchais encore celui que j'avais perdu et que je désesperais de voir réapparaitre un jour dans ma vie.
Je soupirais car cela était loin d'être mon seul problème.
Il n'y avait plus personne au Domaine Sacré pour s'occuper de le gérer, de le surveiller. Les chevaliers d'Or n'étaient plus, la caste des chevaliers d'Argent avait été décimé il y avait de cela bien longtemps par mon disciple et ses compagnons et les chevaliers de bronze.
Je secouais la tête avec incrédulité. Il ne restait plus rien que quelques personnes, dont moi. Il y avait encore Shaina aussi et nous étions, il fallait le reconnaître, les deux plus actives.
Les cinq autres chevaliers de Bronze étaient repartis pour le Japon, peu désireux de continuer à servir Saori alors qu'elle était morte. Ils avaient perdu leur courage, peut-être parce qu'ils n'étaient pas habitués, comme je l'étais, aux incessantes luttes contre le facétieux destin.
Mais je ne voulais pas baisser les bras, même quand je tournais mon regard vers ces ruines mortes. Il fallait que je me batte, que je lutte pour ce lieu qui avait donné un sens à mon existence et que je n'avais pas le droit de laisser partir en cendres.
Je prenais une profonde inspiration pour me redonner cette force qui était autrefois le principal trait de caractère de ma personnalité.
Même lorsque j'avais été en but avec la dureté et la violence des autres combattants de ma caste, dont Shaina était alors la meneuse, je n'avais jamais abandonné l'espoir qu'un jour tout s'arrangerait autour de moi, et c'était dans cette optique que j'avais soutenu Seiya et ses amis. Et c'était dans cette optique que je voulais remettre à flots cette terre ou plongeait mes racines.
Un vif sentiment d'exhaltation que je ne pus contenir s'empara de moi, me soulevant presque de terre alors que le soleil caressait ma peau. Nous étions au mois de mai et tout renaissait autour de nous. La nature, la vie... et le Sanctuaire. Oui, c'était ainsi que je devais agir, que je devais voir l'avenir, sous des cieux plus radieux.
Je marchais entre les colonnes, évitant soigneusement les flaques d'eau déposées par l'orage de la nuit précédente, tout en réfléchissant à la manière dont je voulais mettre mes désirs à éxecution.
Je savais déjà que j'arriverais à convaincre Shaina de s'opposer à nouveau aux coups du fragil destin, car depuis qu'elle s'était avouée son amour pour mon élève, elle n'avait eu de cesse d'agir de front commun avec les défenseurs de la justice. J'allais juste devoir chasser ses sombres pensées qu'elle nourrisait en ce moment... et je reconnaissais volontiers qu'il avait de quoi.
Nous vivions à présent presque seuls, avec quelques gardes certes, encore ici pour veiller à éloigner les touristes et par fidelité envers Athéna... mais l'absence des chevaliers se faisait chaque jour plus cruellement sentir. Shaina sortait parfois de sa torpeur quand Jabu venait aux nouvelles, après avoir visiter les camps d'entraînement de monde entier que des combattants d'Argent, le peu qui restait du moins, avait décidé de faire tourner.
Je secouais la tête.
J'aurais aimé pouvoir me dire qu'il nous fallait de nouveaux guerriers, cela aurait été si pratique, et si avantageux pour le Domaine Sacré... mais pas pour moi.
J'aurais eu comme l'impression que l'on tentait de prendre la place de ceux qui avaient tout donné pour le genre humain et la planète.
Et pourtant, cela allait bien arriver, il fallait que je m'habitue à cette idée. Je remerciais presque le ciel que l'armure de Pégase ne soit jamais revenue sur terre, car imaginer un autre que Seiya dedans...cela me glaçait les sens. Mais je devais m'avouer ouvertement qu'un jour, j'allais voir un autre garçon revêtir une cloth de bronze, et là, l'image de Seiya allait de nouveau s'incruster dans mon esprit, dans mes rêves...
J'agitais la tête, mes cheveux encadrant mon visage se balançant sur ma nuque. Je devais penser autrement pour le bien de tous. C'était nécessaire.
Je passais le revers de ma main sur mon front pour essuyer les gouttes de sueur qui commençaient à y naître sous l'ardeur des rayons de l'astre du jour.
Mes reflexions dérivèrent soudainement vers Kiki, le disciple de ce pauvre Mu, mort en même temps que tous les autres Gold Saints... il était resté au Sanctuaire, même s'il allait de temps à autre à Jamir pour se recueillir sans doute sur l'existence emputée de son maître, même s'il ne l'avouait pas et tâchait toujours de faire preuve d'une joyeuse humeur pour nous redonner cet espoir qui nous faisait si cruellement défaut. Jamais je n'aurais songé qu'un enfant aussi jeune puisse être capable d'une telle force de caractère. J'étais fière de lui à la place de son maître.
Kiki voulait souvent nous aider, nous épauler et il y arrivait fort bien cependant, il n'était malheureusement pas la personne dont le Sanctuaire avait besoin, pas plus que Shaina ou moi-même.
Non, ce qu'il aurait fallu s'était une personne comme... comme...

Kanon!!!

Je rêvais!
J'hallucinais ou encore, le soleil tapait avec trop de force sur mon crâne. Je portais mes mains à mon visage pour me frotter les yeux et vérifier ainsi que je ne devenais pas folle. Je fermais avec insistance les paupières et lorsque je les rouvris...
Non! Il n'avait pas disparu!
Kanon des Gémeaux se tenait allongé par terre, dans une marre de sang, sans plus bouger juste devant moi.
J'arrondis la bouche de stupeur alors que mon incrédulité me transformait visiblement en statue de pierre car je n'esquissais plus le moindre mouvement.
-S'il vous... plaît...
Je faillis bondir en arrière en entendant cette voix dont les derniers mots venaient de mourir sur les lèvres de celui qui les prononçait.
Je m'avançais d'un pas avec précaution et m'accroupis à terre près du corps inerte, et que j'aurais juré mort si je n'avais pas entendu ce chuchotement indistinct. Je tendis mon bras vers sa nuque, osant à peine le toucher de peur d'agraver son état plus que catastrophique. Jamais il ne m'avait été donné d'apercevoir un homme dans une condition si dramatique. J'avais presque envie de détourner les yeux tant le spectacle de son corps ravagé par les souffrances était difficile à supporter.
Pourtant, je cherchais fébrilement sa respiration, ma main tremblant de nervosité et de peur.
Son pouls... non...si...faible, très faible, mais pas inexistant.
Je me mordis la lèvre inférieure avec dureté, faisant presque pointer une goutte de sang sur le bord de ma bouche.
J'avais l'impression d'agir comme dans un rêve, de m'observer au-dessus de mon corps alors que j'étais à la fois à l'intérieur. Oui, j'étais à la fois spectatrice et actrice de cette étrange scène qui m'était indifférente puisque je n'arrivais pas à en faire totalement parti.
Ce qui m'arrivait était impossible, chacun savait que Kanon était mort dans les enfers, chacun avait ressenti l'extraordinnaire puissance de son cosmos disparaître dans les limbes de l'oublie!
Et pourtant, je constatais bien qu'il se trouvait là, là, juste devant moi.
Je passais une main sur mon menton. Ce n'était décidemment pas le moment de faire l'étonnée, j'en aurais amplement le temps après car si je n'agissais pas avec rapidité, ce que j'avais cru à propos de son décès n'allait pas tarder à se produire.
Je l'englobais du regard.
Impossible de le déplacer dans d'aussi pitoyables conditions. Il fallait que...
Kiki! Kiki était notre dernier espoir. Lui saurait capable de téléporter Kanon à l'infermerie du Sanctuaire. J'allais le contacter télépathiquement car je ne pouvais pas laisser le chevalier des Gémeaux seul, pas dans cet état.
Dans les minutes qui allaient venir, j'allais devoir donner tout ce que j'avais pour l'aider à se raccrocher à l'existence.
Je saisis fermement sa main qui dépassait, m'apprêtant à assumer le rôle qui m'incombait.


Kanon

On essayait de me retenir.
J'aurais aimé pouvoir leur dire que c'était inutile, que je voulais m'en aller, me retirer, partir pour me reposer enfin.
Là-haut à la surface c'était trop difficile, trop dur à supporter et mon corps lui-même se rebellait à mon autorité.
Mais cette voix insistait, encore et toujours, je l'entendais parfois crier, me supplier, se mettre en colère, mais rien n'était assez puissant pour me remonter de l'endroit ou je me trouvais. Je ne pouvais plus, ne le comprenaient-ils pas?
On m'ensevelissait sous des mots, sous des paroles que je ne comprenais guère et qui me fatiguaient, me donnaient encore plus envie de m'en aller, de disparaître...
D'ordinnaire je me serai battu, je me serais accroché à tout ce que je pouvais, à Athéna, à l'aide que je devais apporter aux autres chevaliers, au fait qu'un adversaire m'attendait mais là... j'avais bien compris que rien ne m'intéressait sur cette planète que j'avais tenté de défendre avec les autres guerriers du Sanctuaire.
Tout à coup une pensée jaillit dans mon esprit.
Si Athéna avait fait l'effort de me guider vers son Domaine peut-être y avait-il une raison?
Non, non, elle avait fait cela par bonté, par charité, car sa nature divine la poussait à me sauver et parce qu'elle aimait tous ses combattants, y compris moi.
J'allais de nouveau me laisser sombrer dans cet obscur lieu, visiblement si désireux de m'aspirer, de me revoir.
Apparement, je manquais aux enfers, et s'ils ne me manquaient pour ma part pas, j'allais malgré tout y retourner car je n'avais aucune raison de faire autrement.
Tout à coup.
Cette phrase.
Cette voix.
Quelqu'un avait hurlé des mots. Ces mots qui ressemblaient à une formule magique car ils étaient les seuls capable de me ramener à la surface.

-Kanon, nous avons besoin de toi!!!


La nuit était revenue sur le domaine sacré et plongeait tous les environs dans l'obscurité. La lune était pleine et brillait d'une clarté opalescente au-dessus des ruines ou la princesse Athèna avait autrefois règné.
Un souffle de vent, léger comme une aile de papillon vint agiter la végétation entourant Shaina qui semblait perdue dans ses pensées.
Elle avait du mal à croire tout ce qui arrivait. C'était si brusque, si soudain, mais tellement bienvenu... car cela signifiait que peut-être, au fin fond des enfers...
Non! Non! Elle était ridicule et elle devait arrêter de se leurrer sans cesse.
Il ne reviendrait pas. D'ailleurs, personne ne reviendrait.
Elle soupira et poussa du bout de l'une de ses chaussures une légère pierre qui roula au bas de la pente qu'elle surplombait.
Elle avait beau essayer de se convaincre, rien n'y faisait. Elle ne parvenait pas à se persuader qu'elle ne verrait plus ce visage souriant, le visage de cette personne pour qui elle n'avait jamais hésité de se sacrifier, mais cette fois-ci...
Elle passa ses mains le long de son visage et soupira longuement. Elle se sentait épuisée depuis deux mois, non pas physiquement car elle continuait son entraînement même si cela lui semblait inutile, mais moralement. Depuis qu'aucun chevalier n'était remonté de l'Hadès, elle n'arrivait plus à retrouver la paix... même si elle la cherchait désespérement.
Shaina appuya son dos contre le mur de la masure de pierre qui servait d'infirmerie. Les roches étaient froides à cause de la faîcheur de la nuit mais elle ne frissonna pas. Elle était bien trop perdue dans ses pensées pour remarquer la température qui diminuait étrangement depuis quelques temps. Depuis le retour de Kanon, en fait.
Elle n'en revenait toujours pas. C'était tellement incroyable!
Comme tous les autres, le seconde chevalier Gemini était allé risquer son existence en enfer, et tout le monde au Sanctuaire, avait cru qu'il avait disparu dans le gouffre de la mort. Et pourtant...
Shaina secoua la tête et se retourna vers la maison ou Kiki avait téléporté le combattant. Elle n'avait jamais vu une personne en aussi mauvaise état, et n'avait jamais pu envisager qu'un homme puisse être endommagé à ce point. C'était épouvantable et elle ferma douloureusement les yeux, partageant pendant quelques sencondes les souffrances de Kanon.
Combien de temps cela faisait-il qu'il était revenu? Deux semaines, déjà deux semaines qu'il errait entre la réalité et le rêve sans pouvoir choisir l'un ou l'autre.
Elle se souvenait qu'elle avait été prévenu en même temps que le disciple de Mu de cette soudaine réapparition. Elle n'en avait rien cru au début, et s'était imaginée qu'il s'agissait d'une plaisanterie, mais l'appel télépathique de Marine irradiait de peur et elle s'était empressée de suivre Kiki.
Et elle avait eu raison.
Elle se souvenait comme Marine avait été extraordinnaire avant que les deux médecins ne parviennent au Sanctuaire. Ces derniers étaient au courant de l'existence du domaine interdit, tout comme le prêtre de Rodorio qui n'était autre que leur frère... c'était dire!
Marine s'était assise sur un tabouret prêt du mourrant, pendant qu'elle guettait les docteurs, et elle se rappelait avoir entendu sa voix appeler Kanon, le retenir à la vie de toutes ses forces. Elle avait fait des pieds et des mains pour le garder sur terre, tantôt enfonçant ses ongles dans la chair meurtie du blessé pour le faire sortir d'une dangeureuse torpeur, tantôt, repoussant délicatement les cheveux collés par la sueur et la fièvre à son front par gestes de pitié et d'indulgence.
Elle avait fait preuve d'un sang-froid phénoménal, et Shaina avait félicité son ami qui s'était contentée de hausser vaguement les épaules en répondant:
-On serait prêt à tout pour retenir un homme à la vie, car rien n'a plus de valeur qu'une existence, je ne le sais que trop bien...
Shaina avait compris ce que cela signifiait et les larmes lui étaient naturellement montées aux yeux mais elle s'était empressée de les refouler. Il n'était pas question qu'elle verse de pleurs, cela ne servait strictement à rien.
Elle soupira et se laissa glisser contre le mur auquel elle était adossée, se fondant dans son ombre et ne faisant plus qu'un avec cette masse de pierre rendue obscur par le manteau nocturne.
Parfois, il lui semblait que le poids des souvenirs pesait trop sur ses épaules... elle finissait par envier le caractère de Marine. Et dire que jadis, elle était réputée pour être bien plus dure que cette dernière! Elle esquissa un sourire en secouant la tête avec incrédulité.
Le temps l'avait changé, le temps et...Seiya.
Il avait transformé sa vie depuis le jour ou elle l'avait rencontré. Et maintenant, que restait-il de ce garçon connu pour sa joie de vivre, son joyeuse emportement et son inébranlable courage? Rien que quelques mémoires pour s'en souvenir.
Shaina releva précipitement le menton, pour éviter de s'enfoncer trop profondément dans ses lugubres songes. Elle devait penser autrement, comme Marine le lui avait fait remarquer en lui disait qu'elle n'avait pas besoin de quelqu'un de désespéré pour la soutenir et l'aider. Elle se souvenait comme sa voix avait été dure et froide à cet instant, mais son amie avait entièrement raison. Au Sanctuaire, on avait toujours eu besoin que de personnes qui avaient la rage de vaincre ou de vivre tout simplement.
Et puis, il fallait voir les choses autremement.
Kanon était revenu et ce retour était une bénédiction pour le Domaine Sacré. Lui saurait exactemement comme faire fonctionner un territoire de cet ampleur, il en avait déjà eu l'expérience. Il aurait probablement toutes les idées nécessaires pour lui redonner sa vie d'autant, c'était évident.
Shaina hocha vigoureusement la tête pour donner du poids à ses propos. C'était comme cela qu'il fallait voir les choses... c'était phrase lui rappelait un jeune garçon aux cheveux châtains ébouriffés, et aux yeux plein de malice et de gaieté.
Elle passa une main sur son front, pour se donner cette contenance qui lui manquait depuis quelques temps. Elle n'avait plus de présence, comme par le passé, lorsqu'elle rentrait dans une pièce, elle avait plutôt l'impression de n'être que le fantôme de celle qu'elle avait été. Mais elle avait décidé de s'en sortir.
L'arrivée de Kanon représentait pour tout le monde une seconde chance, si, bien-sûr, il se remettait d'aplomb.


Kanon

Cette douleur... cette intolérable douleur... mais qu'elle disparaisse!
J'avais l'impression de me débattre dans des liens de souffrance qui enchaînaient mon âme à mon propre corps. C'était invivable et pourtant je réussissais à m'accrocher à cette existence de laquelle j'avais failli démissioner.
C'était une voix de femme qui m'y avait poussé, une voix que je ne connaissais guère mais qui avait su prononcer les mots justes. Et j'avais senti quelque chose d'autre me pousser à me reprendre, à me resaisir au plus vite.
J'aurais pu juré que cette énergie qui m'avait fait sortir du gouffre de la mort était celle de... Saga. Oui, à mieux y réfléchir, les ondes de ce cosmos ne pouvaient être que les siennes. Mais comment était-ce possible? Comment était-il probable que mon frère, mort depuis maintenant peut-être des années, je n'en savais toujours rien, ait pu me pousser à remettre un pied dans la réalité.
Alors que je m'apprêtais à faire mon saut dans le néant ou j'aurais été condamné à souffrir éternellement, j'avais senti une main retenir mon bras, m'attirer en arrière et me forcer à détourner la tête dans la bonne direction. J'aurais voulu voir de qu'il s'agissait, mais j'avais été trop faible pour m'éxecuter. Mais le contact de ces mains, la force qui m'avait entouré ne pouvait nullement me tromper. J'avais eu affaire à mon frère lui-même.
Je secouais la tête avec vivacité... je n'avais nulle idée d'ou je me trouvais mais j'avais l'impression que je remuais en tout sens, ce qui n'était pas fait pour arranger mes blessures. Je sentais la chaleur m'étouffer, ma peau devenir de plus en plus moite alors qu'un accès de fièvre s'emparait de moi. Je devais délirer et j'avais la nette impression que ce n'était pas la première fois que cela m'arrivait.
J'avais souvent la sensation que je flottais au-dessus de ma propre enveloppe charnelle et que je l'observais avec une certaine froideur.
Je voyais des personnes que je n'avais jamais connu s'agiter autour de moi, essayer de me soigner, surtout une femme aux cheveux roux qui me semblait possèder une grande force de caractère.
Je me voyais aussi, détourner la tête. J'entendais ma respiration haletante, mon coeur battre au ralenti, mais jamais je ne m'en allais. C'était Saga qui m'avait ramené à la surface et pour moi cela ne signifiait qu'une seule chose.
Quelque part dans ce monde, il était vivant.
Et pour le savoir je devais regagner mon corps.


Marine

J'humectais doucement une compresse dans une bassine en fer pour Kanon. La nuit avait été particulièrement pénible et j'avais mis beaucoup de temps à le calmer. J'étais épuisée, mes jambes ne me portaient plus tant il y avait d'heures que je ne m'étais pas assise ne serait-ce qu'un instant.
J'avais bien cru qu'il allait s'en aller il y avait de cela quelques heures et j'avais été cherché en courant les médecins car Shaina et Kiki s'étaient téléportés pour vérifier le bon fonctionnement de certains camps d'entraînement. J'avais courru aussi vite que je le pouvais et en moins de cinq minutes, les deux docteurs auxquels nous faisions tout le temps appellent s'étaient rués avec moi dans la chambre du mourrant.
Il avait failli partir, mais était resté, comme toujours. Cet homme était pourvu d'une force incroyable et je savais que tous mes efforts n'étaient pas vain et que bientôt, je le verrais s'éveiller de nouveau au monde des vivants.
Je tordais au-dessus de la cuvette le chiffon pour déverser le trop plein d'eau et secouais mes mains pour faire tomber les goutellettes qui s'étaient déposées dessus.
Dehors, le jour allait bientôt se lever. J'aimais l'aube car c'était la promesse d'un jour nouveau, d'une nouvelle chance.
Mon optimiste forcené était resté intact malgré les difficultés que j'étais contrainte de traverser ses derniers temps. Mais comme je l'avais toujours dit à Pégase, les problèmes n'existent que pour renforcer notre caractère et raffermir notre foi en la vie. Pour ma part j'avais confiance en l'existence et je devinais qu'une nouvelle fois, elle allait triompher.
Je pris d'un main un petit tabouret de bois et l'installais rapidement au chevet de Kanon avant de désposer le ling froid sur son visage et de lui en tamponner les pomettes puis ensuite le front. Je le regardais quelques instants alors qu'une lueur d'espérance devait clairement transparaître dans mon regard.
Je croisais ensuite mes bras sur ma poitrine et sans m'en appercevoir, j'inclinais peu à peu ma tête vers le bas, mon menton finissant par toucher ma poitrine tant je m'apprêtais à être plonger dans un profond sommeil.

-Rhadamanthe... Rhadamanthe...
Je sursautais et écoutais.
Rien. Et pourtant, j'aurais juré entendre une voix m'appeler, ou plutôt interpeller une autre personne. Je me frottais les yeux et m'étirais avec une lenteur délibérée, pour tenter de faire partir toutes les courbatures que j'avais attrapées pendant ces quelques heures de sommeil qui m'avaient été bénéfiques.
Je jetais un coup d'oeil à la fenêtre et découvrit le soleil plus haut dans les cieux que je ne l'aurais cru. Il devait probablement être aux alentours de onze heures du matin et je commençais décidement à avoir faim. Je me levais et m'avançais vers la bassine de fer dont j'avais oublié de jeter l'eau tout à l'heure tant j'avais été exténuée. Enfin, il n'était jamais trop tard.
Au moment ou je me penchais en avant pour la soulever de terre, une voix se fit soudainement entendre dans la pièce.
-Rhadamanthe...
Je me retournais vivement, incrédule, les yeux écarquillés de surprise. Je restais debout, incapable de bouger, à observer les lèvres de Kanon ne cesser de former encore et encore le même mot, ou le même nom plus exactemement.
J'avançais d'un pas fébrile en avant, sans oser y croire... il... il...reprenait conscience?
Je sentais mes mains et tout mon corps se mettre à trembler. Un curieux sentiment de panique s'empara de moi, mélangé à une joie si intense et brutale que j'eus envie de sauter dans la pièce et de m'agiter en tous sens. Mais je devais rester silencieuse, muette pour être certaine de ne pas gâcher les chances de Kanon de revenir parmi nous.
-Rhadamanthe...ou es-tu? Ou es-tu?
Qui appelait-il? Ce nom ne m'était pas inconnu, je l'avais déjà entendu quelque part. J'essayais de réfléchir alors que mon coeur battait à toute allure dans ma poitrine. Il fallait que je réfléchisse, on m'avait déjà parlé d'un homme de ce nom...
Un roi! Un roi de l'enfer, l'un des juges!
Kanon devait songer à l'un de ses combats qu'il avait mené dans l'Hadès. Il devait délirer ou alors... non, je n'osais pas encore y croire et pourtant, pourtant...
Je dégageais des ondes de tension, mon souffle était suspendu et je me penchais au-dessus du visage de Kanon.
Il était plus pâle que la mort personnifiée, ses traits étaient tirés par l'épuisement que provoquait en lui les incessants assauts de douleur, des cicatrices parcouraient ses joues et le balafraient, mais pas de façon irrémédiablement car je savais que comme tous les chevaliers d'or, sa faculté de récupération était au-dessus de la norme.
Sans bouger, j'effleurais son corps du regard. Un fin drap le recouvrait, et seuls ses bras dépassaient. L'une de ses mains avait été bandé et commençait, d'après les médecins, à se cicatriser. Mais ils n'avaient de cesse de me répéter qu'il n'avait aucune chance de sortir de son état. Quand j'avais proposé de l'emmener à l'hopitâl, on m'avait répondu que c'était inutile, et qu'il n'y avait rien de plus à faire qu'attendre en pareille situation. Attendre qu'il se batte. Attendre un miracle d'après eux.
Mais moi, je croyais aux miracles.
La main valide de Kanon serra brusquement entre ses doigts le drap, comme en un mouvement convulsif. De surprise, je bondis en arrière et poussait un cri d'effarement sans même m'en rendre compte.
-Rhadamanthe...
Ses paupières fermées frémirent avec intensité et tout à coup, il ouvrit les yeux.
Je m'approchais de lui, sous le choc de la scène à laquelle j'assistais. Kanon était entrain de revenir parmi nous, parmi les vivants. Et dire que Kiki et Shaina n'étaient pas là pour voir cela!
J'avais l'impression d'assister à une véritable résurrection.


Kanon

Ainsi, cela faisait deux semaines entières que je me trouvais dans le coma, du moins d'après cette Marine que je croyais sur parole.
Dès l'instant ou elle avait prononcé un mot, j'avais immédiatement reconnu le son de sa voix qui ne m'avait trompé. C'était elle qui m'avait aidé à revenir du royaume des ombres et je n'avais pas encore ma place.
Elle m'avait aussi appris que j'étais la seule personne revenue vivante des enfers et que personne n'avait encore refait surface, si toutefois cela devait se produire. Elle n'avait pas l'air très confiante, mais cependant, je décellais au fond de ses yeux une certaine espérance qui me prouvait qu'elle avait bien habité dans ce Sanctuaire.
Je ne lui dis rien de ce qui concernait mon intuition pour Saga, mais me mordis la lèvre, non sans regretter amèrement ce geste qui rouvrit une plaie que je n'avais pas encore remarqué sur ma bouche.
J'étais, paraissait-il, dans un état catastrophique. Et je devais honnêtement reconnaître que j'avais déjà connu beaucoup mieux... et à plus y réfléchir, rarement pire. Mais je me sentais nettement plus en forme que lorsque j'avais été retrouvé dans les ruines du Sanctuaire. J'avais alors sincèrement cru que je me devais de rendre mon dernier souffle. Mais je m'étais trompé, une nouvelle fois, j'étais parvenu à accomplir l'impossible.
J'étais à présent seul dans la chambe ou l'on m'avait transporté. Celle-ci était vétustement meublé, comme toutes les maisons dissiminées sur le Domaine Sacré.
Les murs étaient faits de vieilles pierres aux formes aussi variées que de tailles. Mon lit se situait dans un angle de la pièce et donnait sur une fenêtre au chassit de bois et à mon chevet reposait une sorte de meuble ou était entreposé des linges et une bassine d'eau.
A mes pieds, on avait déposé une cruche d'eau et un verre, ainsi que de quoi me restaurer mais j'étais loin d'avoir faim. Pourtant, j'avais perdu énormément de poids d'après ce que je sentais, mais je n'avais décidemment pas le coeur à me soucier de mon estomac.
Il fallait que je sache... que je sache tout d'abord ce que tous les chevaliers d'Athéna étaient devenus car je ne pouvais pas croire à leur disparition, non. Et ensuite, il fallait que je découvre ce qu'il était devenu.
Rhadamanthe.
J'en avais parlé précédemment à cette jeune femme qui s'occupait de moi... Marine, je me souvenais bien de son nom. Je lui avais dis que je n'étais pas retombé seul de la dimension ou Athéna m'avait guidé.
Elle m'avait d'abord dévisagé, ne voulant comprendre qu'à demi ce que je disais. Elle pensait probablement que je parlais d'autres Saints, mais je l'avais vite détourné de sa voie. C'était mon ennemi qui m'avait suivi dans ce long périple et personne d'autre.
Si à l'heure qui l'était personne ne l'avait retrouvé, il devait probablement était retourné de l'endroit d'ou il venait et ou il reposerait pendant encore quelques centaines d'années...
Je soupirais ce qui m'arracha un cri de douleur tant la violence de la brûlure que j'avais à la poitrine m'assaillit sans prévenir. Je me soulevais à demi dans mon lit, secouer par une quinte de toux que je ne savais contrôler, avant de retomber allonger, le visage couvert de sueurs.
Je fermais de nouveau les paupières, épuisé. J'aurais pourtant voulu me relever et aller me rendre compte de mes propres yeux de ce qui se passait mais je ne le pouvais pas. Mes jambes n'auraient jamais accepté de me porter, et mon corps n'aurait pas obéi au moindre de mes ordres... pourtant... je sentais encore quelque chose qui planait dans l'air. Et ce n'était pas normal.
En fait, je savais tout simplement qu'il n'était pas mort. Son incroyable énergie n'avait pas disparu, mais c'était plutôt transformé. Je ne pouvais pas en dire plus, ni l'expliquer davantage, mais ce dont j'étais certain c'était que Rhadamanthe était bien en vie.


Rhadamanthe

Je m'étais éveillé dans une chambe d'hopitâl, enfin d'après ce que je croyais reconnaître derrière mes yeux gonflés par la fatigue et la douleur. Mon corps entier était endolorie et je supportais à peine le contact des draps sur ma peau.
Que m'était-il arrivé? Que faisais-je dans cet endroit?
Je balayais du regard la pièce ou l'on m'avait déposé.
Qui m'avait amené ici.? D'ou venais-je surtout?
Toutes ces questions me parurent soudainement étranges. J'avais l'impression de ne me rappeler de rien, comme si tout c'était effacé de ma mémoire.
Et quel était mon nom?
Une vague de sueurs m'ensevelit alors que je sentais ma tension montée en flèche. Mon coeur battait à tout rompre, ce qui était certainement très mauvais pour mon état, surtout que je venais de me réveiller.
Je tentais de me tourner, de me redresser pour m'assoir dans ce lit inconnu afin de mieux réfléchir, mais je ne pus bouger. Mes muscles refusaient tout effort, tout comme mon cerveau visiblement.
Je sentis soudainement que j'avais quelque chose à la tête, comme un bandage... j'avais du recevoir un choc terrifiant pour me retrouver dans cet état physique et mental puisque je ne me rappelais plus de qui j'étais, et il y avait de quoi s'affoler.
Une violente douleur s'insinua soudainement dans mon crâne et je portais mes mains à mes tempes, cherchant à les protéger.
Le noir... le noir...un vêtement de la nuit...des longues ailes... cette brillance sombre... cette protection obscure...
La lumière jaillit de nouveau dans mon esprit alors que j'avais le souffle court. Cela avait été comme un flash. Un flash terrifiant car un fort sentiment de malaise s'en dégageait. Qu'avais-je vu? En proie à quelle vision avais-je été?
Je sentais l'épuisement prendre possession de moi alors que quelqu'un ouvrait au même instant la porte de ma chambre et se figea subitement en me voyant.
-Vous êtes enfin réveillé?
La douleur... une tour...le ciel étoilé... et cette tour...
Je poussais un grognement qui traduisait ma souffrance avant de relever de nouveau la tête vers l'inconnu à la mine affolée. Il s'était précipité dans ma direction et j'eus un mouvement instinctif de rejet en mettant mon bras devant ma poitrine, comme si l'un de mes subalternes avaient essayé de m'approcher de trop près.
Mes subalternes? Mais j'étais complètement fou... de quoi pouvais-je bien parler? Visiblement, toute ma mémoire n'avait pas totalement disparu et peut-être que ce vieil homme saurait me renseigner sur mon identité.
-Vous vous sentez mal? Mon dieu, il faut que j'appelle les médecins qui s'occupent de vous...
-Attendez, dis-je, alors que le son de ma propre voix ne me semblait pas familier. Veuillez rester ici.
Le ton que j'employais était impérieux, comme si j'étais habitué à donner des ordres et à être obéi. Le vieil homme ne bougea plus et me regarda avec une certaine affection qui me mit plus que mal à l'aise.
-Nous avons bien cru à plusieurs reprises que vous alliez mourir. C'est un véritable miracle que vous soyez encore dans le monde des vivants.
Cette tour... les étoiles... les sombres vêtements... l'autre côté...
Je serrais les dents mais ne dis rien, de peur d'effrayer cette personne que je n'arrivais pas à reconnaître. Je décidais d'être direct, comme à mon habitude, au moins me rappelais-je de cela...
-Qui suis-je?
Le vieil inconnu recula d'un pas, incrédule. Il porta une main à son menton qu'il lissa et me dévisagea avec suprise et inquiètude.
-Vous ne le savez pas non plus... moi qui comptais justement vous le demander!
Je hochai la tête tout en trouvant la situation, pour une mystérieuse raison, grotesque. Et dire qu'il me semblait que j'avais laissé quelque chose en suspens... mais de quoi s'agissait-il?
-Ou m'avez-vous retrouvé, monsieur?
-Euh... je passais dans la campagne d'Athènes, sur un terrain entouré de ruines et d'un peu de végétation, c'était même après la terrible tempête qu'il y a eu un soir et qui a dévasté pas mal de mes champs... et puis, je vous ai trouvé, par terre, allongé, comme si vous étiez tombé des cieux.
-Des cieux? répétais-je en revoyant un éclair de lumière m'aveugler.
-Exactement. J'ai d'abord cru que vous étiez mort, couvert de sang, de blessures et de cicatrices comme vous l'étiez mais non... et j'ai tout fait pour vous ramener ici à temps et pour que l'on vous soigne. Tous les docteurs se sont demandés qu'est-ce qui avait pu vous mettre dans un pareil état. Et moi aussi, je dois le reconnaître.
Une explosion... eus-je envie de répondre pour une raison que je ne m'expliquais pas.
J'appuyais ma tête contre l'oreiller et fermais les yeux quelques secondes.
-Merci à vous de m'avoir sauver la vie.
-Oh, non! Ce n'était rien vous savez, je n'ai fait que ce qui me semblait juste...
Etrangement j'aurais du ressentir de la gratitude envers lui, mais j'avais le sentiment qu'il n'avait fait que son devoir.
Pourquoi étais-je ainsi? Cet homme était pourtant charmant mais j'avais sans cesse l'impression que nous n'appartenions pas au même monde. Je haussais les épaules, ce qui fit craquer les os de tout mon corps.
-Vous ne connaissez pas même mon nom?
-Non, je suis désolé... sincèrement désolé. Mais! Ah si! Excusez-moi, vous avez appelé quelqu'un alors que vous vous trouviez dans le coma. C'était un nom qui revenait tout le temps.
Je rouvris les yeux et me suspendis à ses lèvres, avide d'apprendre un détail sur cette existence que j'avais oublié.
-Il s'agissait d'un nom spécial. Ah... c'était, je crois, Kanon.


La nuit tombait lentement sur le Domaine Sacré et en partant de sa visite au chevalier des Gémeaux, Shaina avait décidé de laisser la porte ouverte pour qu'il profite de la fraîcheur du crépuscule, probablement le moment le plus vivable et le plus agréable de la journée.
Marine l'avait prévenu dès son arrivé avec Kiki du réveil de Kanon, et cela avait été un véritable déchaînement de cris de joie à la suite de cette annonce.
Mais elle avait elle aussi eut une surprise à montrer à Marine.
En se promenant toute la journée d'un camp à l'autre, elle avait retrouvé une personne qu'elle connaissais bien et qui n'avait pas encore eu le courage de rentrer de nouveau sur les terres d'Athéna. June du Caméléon qui avait accepté de la suivre.
Celle-ci n'allait pas très bien depuis qu'on lui avait appris la mort de Shun mais elle tâchait de faire aller, tout comme elle avec la disparition de Seiya.
Shaina soupira en songeant que cela faisait toujours une personne de plus pour remettre à flots le Sanctuaire. Et maintenant que Kanon avait repris ses esprits, tout allait sûrement marcher pour le mieux.
Elle sentait une nouvelle lueur d'espoir poindre en elle alors qu'elle s'asseyait sur le haut d'un colline pour regarder le soleil se coucher entre deux monts, pour finalement s'enfoncer dans la mer. Elle aimait tellement à venir ici observer le spectacle qu'offrait la nature.
Le ciel prenait des teintes pastels annonçant la venue prochaine de la lune et de la nuit et cela dépeignait un magnifique tableau mélangé aux couleurs du coucher de l'astre du jour.
Cette soirée était peut-être celle du renouveau. Elle s'assit en tailleur en observant ce qui l'entourait. Une légère brise vint agiter les herbes dans lesquelles elle se trouvait et elle réprima un frisson.
Jamais Seiya n'aurait accepté qu'elle se trouve avec une aussi pessimiste vision de l'avenir. Il aurait voulu qu'elle fasse tout ce qui était en son pouvoir pour honorer Athéna et redonner à vie au Domaine pour lequel il avait sans hésité donner la sienne.
Shaina hocha gravement la tête alors qu'elle sentit bientôt une main se poser sur son épaules.
Marine, évidemment.
-A quoi pensais-tu?
-Oh... à rien de vraiment intéressant. Enfin, si. Je me disais simplement que je me devais d'être plus énergique et entreprenante que je ne l'ai été ces derniers temps.
-Sage décision, répondit Marine en esquissant un sourire alors que son amie perdait son regard dans le vague de l'horizon.
Un silence tomba entre les deux femmes mais ce dernier n'avait rien de malaisé. Depuis quelques temps, elles étaient même devenues plus proches qu'elle ne l'avaient jamais été. Mais il fallait reconnaître que les épreuves qu'elles traversaient ne cessaient de renforcer les liens d'une amitié qui avait semblé au départ improbable. Un choc.
Leurs regards se croisèrent au même instant sans qu'elle puisse s'expliquer pourquoi car elle venait de sentir quelque chose.
Un choc.
Shaina faillit ouvrir la bouche pour demander ce dont il s'était s'agit.
Cela avait été comme une impression, un pressentiment qui leur avait traversé l'esprit et en même temps le corps tant il était fort.
Et cette émotion ne les avait pas seulement traversé elle, mais le Sanctuaire tout entier.
Comme si un frisson l'avait agité.
Comme si quelque chose allait de nouveau se produire sous la bienveillance des étoiles.

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Cette fiction est copyright Caroline Mongas.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.