Chapitre 15 : Un Geste du Destin


L'hôpital de la Charité connaissait, comme toujours, l'effervescence dû au samedi soir, à croire que tout le monde attendait ce jour précis pour avoir des accidents de voitures, ou autres problèmes de santé...
Deux infirmières se précipitèrent en salle d'urgence alors qu'un nouveau patient arrivait par hélicoptère. Elles devaient préparer le bloc opératoire à toute allure, avant que les médecins n'arrivent en courant, poussant un brancard en sifflant leurs ordres sur leur passage.
A la réception un jeune homme tentait de se dépétrer d'une femme âgée d'une soixantaine d'années et qui contestait sa feuille de paiement avec autant de ferveur que d'autres dénonçaient les crimes. Il secoua la tête, alors que la cliente n'avait de cesse de répéter les quatre même phrases.
Devant lui, deux brancardiers s'engageaient dans l'ascenceur. Ils allaient chercher un enfant pour son opération de l'appendicite, rien de bien grave en somme. Les portes de l'appareil se refermèrent sur eux tandis qu'ils continuaient leur discution animée sur leur prochain week-end.
-Une semaine à attendre avant d'avoir un nouveau jour de repos! Et on dit les hôpitaux anglais évolués? Moi, j'appelle ça de l'esclavage! s'emporta le brun qui tenait d'une main la tête du brancard.
Le blond haussa les épaules avec peu d'entrain et fixa son regard bleuté sur son ami.
-Tu sais, on ne peut rien y faire... soit on travaille, soit on travaille... alors!
Les portes de l'ascenceur se rouvrirent et ils en sortirent sans précipitation. Ils traversèrent le long couloir vide sans s'apercevoir qu'ils étaient suivis par une pulsation.
Ils ouvrirent d'un même mouvement la porte donnant sur la chambre du jeune garçon, alors que le médecin était déjà en pleine conversation avec son patient, dont le regard soucieux trahissait sa peur de son opération.
Dans la pièce, on entendait peu à peu le bruit d'une chute s'intensifier, remplir toute la salle alors qu'aucun ne semblait véritablement y faire attention. Le personnel hospitalier devait probablement songer qu'il s'agissait d'un problème d'hélicoptère, ou quelque autre soucis de ce genre où il n'avait nullement la possibilité d'intervenir.
On entendit comme les battements d'un coeur frapper la surface des murs tandis que les brancardiers amenèrent le chariot près du lit, pour permettre au jeune garçon d'y monter sans encombre.
L'enfant fit une légère grimace devant l'action des deux hommes, qui l'encourageaient du regard à les suivre. Le médecin lui adressa une phrase encourageante alors que soudainement, une explosion retentit comme si quelque chose venait d'exploser... mais... mais oui!
L'air était devenu si lourd que chacun avait eu l'impression de le porter et tout à coup, la toiture venait d'être percée, le béton projeté partout dans la pièce, frappant le mobilier, dévastant le sol en y faisant des dégâts que certains n'auraient pas hésité à taxer d'irréparables.
La poussière s'éleva partout autour des quatre personnes se trouvant dans la chambre, tous criant plus fort les uns que les autres alors que les lumières vacillaient. Les ampoules éléctriques sautèrent, ne faisant qu'accroître la panique incrustée dans tous les esprits tandis que tout était plongé dans le noir le plus absolu.
Puis le silence.
-Que... que s'est-il passé? demanda le médecin qui reprenait rapidement ses esprits, habitué comme il l'était au brusque montée d'adrénaline.
Le petit garçon sanglotait à présent alors que plus personne ne distinguait son voisin.
Tout à coup, la lumière revint, baignant le lieu sinistré de clarté. On pouvait voir un trou d'environ 1 mètre 50 de diamètre ainsi que les fragements de béton et de charpente du toit reposer à terre.
Les trois hommes présents dans la pièce poussèrent un même cri de frayeur unanime : sur le brancard reposait un homme d'une taille et d'une carrure impressionante, presque blessé à mort.
Chacun évita soigneusement de croiser le regard de l'autre tandis que personne n'osait s'avouer que l'homme venait de tomber des cieux.
Il n'arrivait pas à croire qu'enfin, il avait touché terre, après des semaines et des semaines de dérive dans des dimensions parallèles, il était enfin parvenu à accomplir ce qui avait toujours ressemblé à l'impossible.
Il savait qu'il était le dernier à être attendu, qu'il était celui qui fermait le cercle des arrivées. Il soupira tandis qu'il comprenait que tous ceux partis dans l'Hadès se trouvaient maintenant sur terre, parmi les hommes, parmi leurs frères humains qu'ils avaient défendus au péril de leurs existences. Tous, exceptée Athéna, restée dans le royaume des ombres pour l'éternité.
Non, il ne devait pas penser à cela immédiatement, il devait attendre d'avoir les idées claires... et de toute manière, il n'avait qu'une hâte.
Maintenant, il n'avait plus qu'à retourner dans le Sanctuaire pour y retrouver ses compagnons d'armes, mais il savait qu'avant cela, il faudrait faire preuve de patience car il avait besoin d'être soigné... et quelle ironie! Tomber en plein milieu d'un hôpital, sur un chariot prêt à être emmené! C'était ce que l'on pouvait appeler un geste du destin...
Aldébaran, chevalier du Taureau, venait de complèter la roue du Zodiaque.


Aphrodite

J'étais assis près d'Aioros, sous un maigre olivier censé nous procurer un semblant d'ombre. Nous partagions depuis maintenant plusieurs minutes un silence qui n'avait rien de pesant, mais qui restait malgré tout assez significatif.
J'avais su que Saga était le Grand Pope, j'avais su qu'il était mort en vain et je n'avais rien dit... et pourtant, je me trouvais aujourd'hui près de lui, un demi-sourire imperturbable sur le visage. C'était incroyable de voir comme le temps pouvait apporter de nouveau comportement, permettait d'évoluer.
Je sentais la présence de Shura et de Saga à côté du chevalier du Sagittaire et je n'arrivais à y croire... tous les anciens chevaliers, ceux qui avaient connu le gardien de la Troisième Maison du Zodiaque maléfique étaient là, réunis dans le même amour de la paix et de la justice. Je remarquais alors qu'il ne manquait plus guère que Masque de Mort pour que le groupe soit complet.
J'étais revenu dans le Domaine Sacré hier après-midi, alors que le crépuscule baignait les ruines dans lesquelles j'étais entré, les larmes aux yeux de fouler ce sol béni pour qui je m'étais battu. J'avais ressenti la force qui se dégageait de ces pierres, qui me traversait et j'avais été littéralement bouleversé en voyant mes pairs s'approcher de moi, tous autant qu'ils étaient et me sourire, m'accueillir à bras ouverts.
Et maintenant, une seconde vie se déroulait devant nous, même si nous hésitions encore à nous y engager, qui plus est sans Athéna.
La jeune fille était morte, ou tout du moins disparue et il nous répugnait de gérer son Sanctuaire sans sa présence, même si cela allait s'avérer inévitable.
-Que pensez-vous de Poséidon? demanda soudainement Shura de son habituelle voix ferme.
Il avait tué Aioros et pourtant, il quêtait en ce moment une réponse dans son regard... c'était cela que la véritable amitié, que j'avais moi-même connue autrefois mais que j'avais perdu alors que les années s'estompaient dans des teintes délavées que ma propre trahison colorait. Et Shura n'avait fait qu'obéir à un ordre, même s'il n'avait pas réfléchi, il avait eu des raisons... contrairement à moi. Cependant, mes pensées avaient été sincères, j'avais cru à une nouvelle ère de paix, je m'étais laissé aveugler, comme chacun, par l'intelligent Saga.
-Je ne sais pas... de toute manière il viendra à nous, répliqua à mi-voix Aioros.
-On ne peut pas attendre gentiment qu'il dégne nous attaquer! rétorqua avec vivacité Shura en fixant son meilleur ami d'un oeil réprobateur.
-Et que proposes-tu? demanda son interlocuteur avec une pointe d'amusement dans la voix.
Shura lui adressa une sorte de petite grimace qui me fit sourire avant de continuer son idée :
-Il faut que nous nous rendions chez lui pour lui demander ce qu'il en est. Cela vaut toujours mieux que de rester assis et d'attendre une offensive. J'ai toujours dit que la meilleure défense était l'attaque, alors autant agir rapidement avant qu'il n'arrive dans le Sanctuaire et qu'il tente de se l'approprier.
-Tu lui prêtes des intentions néfastes qu'il n'a peut-être pas... déclara Aioros en secouant la tête. Et puis, tu ferais mieux de ne pas te précipiter tête baissée et de patienter... réfléchir est souvent la meilleure des solutions lorsque l'on a pas toutes les données en mains.
Le chevalier du Capricorne blêmit soudainement en revoyant un ancien souvenir qui paraissait flotter devant ses yeux. Aioros posa une main sur son épaule, lui prouvant que cela n'avait rien à faire entre eux, et sûrement pas aujourd'hui.
-De toute manière, que peut-il bien faire? demanda Saga en esquissant un sourire ironique que je lui avais déjà vu lorsqu'il était au combat. Il est seul ou avec un de ses Mariners, je crois... qu'avons-nous à craindre alors que Poséidon est numériquement si faible?
Saga prit une profonde inspiration avant de continuer sur sa lancée :
-Certes, me direz-vous, nous n'avons pas ou peu de cosmos, mais cela, il n'est guère censé le savoir ou être au courant. Et puis, notre nombre est assez dissuasif. J'admets qu'il n'est jamais bon de vivre comme cela, sur les lacunes de l'ennemi, mais qui nous prouve que le dieu de la mer est réellement un opposant? Il se peut fort bien qu'il soit devenu un allié, étant donné la manière dont il a agi durant la guerre, en conduisant les armures d'Or vers Elision.
Je hochais, comme mes autres compagnons, vigoureusement la tête. Le chevalier des Gémeaux n'avait rien perdu de ses habitudes de Grand Pope. Il gardait au fond de lui un côté autoritaire et une confiance en lui hors du commun alors qu'il possédait en plus de cela une intelligence pénétrante et, chose fort rare chez la plupart des personnes, une capacité à rassurer tout le monde.
Comment un homme aussi bon aurait-il pu connaître un dédoublement de personnalité? Je n'arrivais pas à y croire, cette thèse était trop facile pour un homme qui avait été d'une pureté telle qu'on le comparait à un dieu.
-De toute manière, quelque soit ses intentions, il viendra à nous, affirmais-je en accompagnant ma phrase d'un geste de la main aussi gracieux que volontaire. Et mieux vaut ne pas être dans sa position, celle du demandeur, car il va devoir venir nous visiter sur notre propre terrain... ce qui nous laisse encore un avantage.
Saga appuya ma requête d'un claquement de langue énergique alors que Shura et Aioros partageaient visiblement la même opinion.
Il était si facile de s'entendre avec eux que je m'en trouvais presque effrayé, oui, j'avais du mal à croire que l'amitié pouvait être aussi merveilleuse, un tel sentiment de pureté, léger juqu'au miracle et agréable jusqu'à en devenir îvre. J'aimais l'amitié, ce sentiment, autant que mes amis, et c'était étrange à dire de cette façon... mais pourtant vrai.
-Aioros... commençai-je.
-Oui?
-Me pardonneras-tu jamais?
L'atmosphère devint soudainement non pas plus pesante, mais plus grave, sérieuse aurais-je même été tenté de dire. Le chevalier du Sagittaire me regarda, alors qu'un lent sourire se dessinait peu à peu sur son visage éclairé d'une joie intense.
Saga aussi me regardait avec une indulgence qui lui était probablement inspirée par sa compréhension vis à vis de ma situation étant donné qu'il vivait la même, en sans doute bien plus difficile, tout comme Shura qui m'adressa un simple clin d'oeil d'encouragement.
-Je n'ai jamais voulu être néfaste et pourtant... je croyais que la paix reviendrait avec Saga, je pensais que tout serait plus simple, que sa dureté, que sa force était nécessaire à ramener la tranquillité dans le Domaine Sacré et partout sur le monde. J'ai été aveuglé, non pas par le chevalier des Gémeaux, mais par moi-même, par ma propre crédulité, par mon propre besoin irraisonné de puissance... et je n'ai rien dit même si je savais tout.
"Je n'ai pas le coeur si noir que certains le prétendent, non, c'est par idéale que j'ai servi une cause injuste, en songeant sincèrement que tout serait mieux, plus vivable sur terre. Mais ne dit-on pas que les chemins de l'enfer sont pavés de bonnes intentions? Alors maintenant, je demande ton pardon, Aioros.
Le gardien de la neuvième maison du Zodiaque m'observa attentivement pendant quelques secondes sans se dépareiller de son sourire.
-Je t'ai toujours compris, Aphrodite, et je n'ai jamais pensé que tu étais un homme à l'âme couleur de jais...
Il soupira longuement et plongea soudainement son regard dans le mien.
-Mon pardon? Je te l'ai donné en mourrant.


Aldébaran

J'étais en Angleterre, je pouvais l'affirmer sans crainte car je saisissais la langue que l'on parlait et que leur accent ne pouvait guère me tromper. Je ne me demandais guère comment j'avais attéri car je devinais que cela s'était produit grâce au hasard, qui avait eu la merveilleuse idée de m'amener directement dans un hôpital, lieu duquel j'avais décidement le plus besoin.
J'étais le dernier chevalier à être revenu sur terre et j'avais suivi les traces de cosmos de mes paires au travers des dimensions, car ceux passés avant moi avaient songé aux autres, malgré le peu de force qu'ils avaient alors, malgré la peur de rester à jamais dans le néant, ils n'avaient pas oublié les liens de l'amitié qui nous unissaient.
Je soupirais alors que mon thorax se soulevait douloureusement. J'étais fatigué, épuisé... et incapable de ne rien faire d'autre que de me laisser aller à une langueur qui me paralysait le corps. Je me sentais flotter entre deux eaux, au gré du vent, je me laissais porter par cette sorte de léthargie qui avait pris possession de moi. Je n'avais pour l'instant plus le besoin de lutter et j'en profitais malgré les souffrances que je devais endurer.
J'étais bien ancré sur terre, et je ne comptais pas en partir avant de longues années... tout comme mes compagnons probablement.
Je me revoyais soudainement affrontant Niobé... cela avait été terrifiant et il était probablement l'un des Spectres les plus puissants existants. Je revoyais son sourire pédant se dessiner sur son visage marqué de cruauté et d'une confiance en lui l'amenant à la suffisance. Il avait pensé que j'avais perdu l'âpre lutte que nous nous étions livrés mais je savais qu'il en allait alors tout autrement. J'étais parti tranquille car il ne tenait plus debout que par miracle et je savais que Mu, qui passerait probablement dans mon temple, saurait le lui faire comprendre.
Je souris soudainement orgueilleusement. J'étais mort debout, comme mon rang de chevalier d'Or me l'inculquait et je n'avais subi cette défaite que dans l'honneur... j'avais perdu la vie et maintenant, je respirais à nouveau et il me suffisait d'ouvrir les paupières pour voir la lumière.
J'avais d'ailleurs terriblement mal aux yeux, car pendant de longues semaines, j'étais devenu aveugle à tout... excepté à la douleur. Et maintenant que j'étais sorti du néant, j'éprouvais une grande difficulté et beaucoup de peine à me réhabituer à tout ce qui m'entourait et plus particulièrement à la clarté.
Je soupirais de nouveau alors que j'entendais plusieurs personnes s'agiter au-dessus de moi. Je comprenais parfaitement leur inquiétude étant donné l'état alarmant dans lequel je devais me trouver cependant, je savais, contrairement à eux, que tout cela passerait et que bientôt, avec quelques jours de sommeil, je serai de nouveau sur pieds.
Qui avais-je le plus envie de revoir? L'interrogation me traversa soudainement l'esprit et je fixais toutes mes réflexions sur cette question. Tout le monde évidemment... mais deux visages s'imposaient plus particulièrement à moi.
Mu, le calme, le froid et pondéré chevalier du Bélier qui avait toujours été assez proche de moi et Seiya. J'éprouvais un vif sentiment d'amitié à son égard et le combat que nous nous étions livrés dans ma maison m'avait inexorablement lié à lui d'une certaine façon. Car n'était-ce pas face à moi qu'il avait découvert pour la première fois de son existence, le fameux septième sens?
Oui, et j'aimais la personnalité determinée, courageuse et têtue de ce jeune garçon dont les pouvoirs tenaient presque du miracle tant ils pouvaient s'étendre à l'infini. Malgré mon rang de chevalier d'Or, j'admirais ce combattant fervent et juste, il était le modèle de ce que chacun de nous aurait du être.
Mais nous étions tous semblables à lui, seulement, nos personnalités se déclinaient dans des teintes différentes, allant de couleurs violentes et emportées aux pastels doux et froids... nos différences faisaient souvent notre force puisqu'elles nous permettaient de nous compléter.
De repenser à tout cela, à toutes ces personnes que j'avais eu la chance de côtoyer, je me mis à m'agiter, accentuant un peu plus l'accès de fièvre que je devais subir depuis déjà quelques heures. Je n'avais plus qu'une idée en tête : me lever et partir pour le Sanctuaire.


Masque de Mort

- Le onzième chevalier à revenir, déclara Dohko en me regardant dans les yeux avec approbation tandis que je sentais tout autour de moi une certaine effervescence, voire même fébrilité, que je n'avais pas la vanité d'attribuer uniquement à mon retour.
J'observais derrière un regard pénétrant et ironique tous ceux qui m'entouraient... dix Gold Saints et trois Bronze Saints étant donné que ce cher Shiryu et Ikki n'étaient pas là. Je dénombrais aussi Kanon, que je ne savais guère dans quelle catégorie classer.
Ils avaient l'air anxieux tout en gardant leur calme mais je devinais sans peine que Poséidon était la cause de cette agitation.
-Oui, l'avant dernier, précisais-je pour souligner mon manque de ponctualité qui m'amusait.
J'avais toujours aimé être différent des autres, avoir des entrées et des sorties fracassantes et on pouvait dire que durant toute mon existence, j'y étais parvenu, même si ce n'était pas forcément dans le bon sens car je m'étais souvent fait remarquer pour de mauvaises raisons.
L'odeur putride émanant de mon temple me revint soudainement aux narines mais je n'esquissais pas le moindre geste. Je n'avais jamais eu peur des Spectres du passé, surtout pas maintenant que j'avais décidé de changer.
Aphrodite esquissa un de ses lumineux sourires en face de moi. Il était probablement le seul à apprécier mon retour à sa juste valeur étant donné qu'il vivait la même situation que moi - en nettement moi difficile cependant car il n'avait pas passé de longs mois à jouer les bourreaux et à massacrer de nombreuses personnes.
Je le saluais avec désinvolutre et nous faillîmes nous mettre à rire en même temps. Nous avions partagé une certaine amitié durant les années sombres du Sanctuaire et notre complicité, malgré ce que nous avions traversé et malgré notre décision de revenir à des principes de justice que l'on aurait jamais du quitter, existait toujours.
Pourtant, le chevalier des Poissons n'avait jamais été une personne facilement abordable, autant à cause de son caractère indiscernable que de sa beauté plus que troublante. Cependant, je n'avais jamais été homme à m'intéresser à l'apparence des gens -mais seulement à leur force- et c'est pourquoi j'avais abordé sans détour Aphrodite qui s'était révélé être un ami d'exception.
Il n'avait jamais eu conscience de tous les crimes que je comettais, et j'avais eu trop peur de l'effaroucher par mes actes pour les lui avouer, d'autant plus qu'il n'aurait pas été homme à les tolérer, encore moi à les absoudre car il accordait son pardon assez difficilement. Et j'avais vite découvert qu'il affectionnant particulièrement la paix et plus encore la force, dont il faisait presque un mode de vie. Tout comme moi.
Il se tenait à présent en face de moi, auprès de Kanon, dont le nombre de victimes s'élevait largement au-dessus du mien.
Mais l'heure du pardon était venue et nous avions tous enterré notre passé dans les dimensions que nous avions traversées.
Tout à coup, j'entendis derrière moi un cri d'exclamation laissé échappé par Seiya puis les voix de Hyoga et de Shun qui hurlaient à la cantonade. Je me suis vivement retourné, m'attendant à découvrir un de leurs enfantillages -car malgré ce qu'ils avaient accompli, ils restaient pour moi des gamins- quand je me suis retrouvé nez à nez avec Shiryu.
Le chevalier du Dragon me souriait tandis que j'écarquillais les yeux de surprise, ma mine devant être franchement comique étant donné les éclats de rire que j'entendis partout autour de moi.
Ainsi, je me retrouvais en face de celui que j'avais combattu, par deux fois alors que je me trouvais encore dans cette sombre période de ma vie que j'avais moi-même décidé. Je me souvenais de tout, alors que j'avais été aux Cinq Pics, sur ordre de Saga pour tuer le Vieux Maître et que le jeune chevalier du Dragon s'était interposé.
A l'inverse de beaucoup de chevaliers d'Or, je n'avais pas été touché par son courage et sa témérité à s'attaquer à quelqu'un de beaucoup plus fort que lui, au contraire, j'avais séverement jugé cette action de folie et il n'avait fait qu'exciter mon énervement, autrefois si facile à déclencher.
Et puis Mu était arrivé, portant secours au jeune disciple de Dohko, et j'avais décidé de ne pas me battre contre lui, car j'avais plusieurs fois entendu sa réputation de guerrier hors du commun, même si cela n'avait jamais été vérifié, et je n'avais nullement envie de me lancer dans un combat stérile et fratricide, comme je le lui avais souligné avant de me retirer.
Et puis, nous nous étions opposés dans mon temple avant de finir sur les bords du puit de la Mort... je frémis soudainement à la seule pensée de ce gouffre, qui semblait en permanence prêt à happer tous ceux qui s'en approchaient.
-Masque de Mort! s'exclama Shiryu alors que je voyais ses yeux voilés par son handicap se fixer sur moi. Je n'arrive pas à y croire... après tant de luttes, nous nous retrouvons enfin, au sein du Sanctuaire, comme les frères que nous sommes finalement. Je crois que c'est l'un des plus beaux jours de mon existence et le fait de te sentir de nouveau proche d'Athéna me remplit d'allégresse!
Je hochais lentement la tête. Le chevalier du Dragon m'offrait son pardon avant même que je ne lui demande, en somme, il me facilitait les choses et je lui en étais gré. Demander à être absous n'est pas une chose facile et j'étais moins que quiconque prêt à le faire.
Je pris alors sa main dans la mienne et la serrais vigoureusement.


Rhadamanthe

"Souviens-toi, Rhadamanthe du Wyvern, souviens-toi que je ne suis jamais loin des hommes, puisque je marche derrière eux tout au long de leur existence, avant de couper aussi soigneusement que cruellement le fil de leur vie..."
Cette voix, je la connaissais, je savais à qui elle appartenait mais je ne pouvais le dire. Je me sentais m'agiter dans mon propre sommeil.
"Dors, Rhadamanthe, tu sais que c'est mon rôle que d'assurer ton repos, ainsi que celui de tous les autres, mais n'ait crainte, je ne t'enverrai pas dans les bras de mon frère"
Cette seconde voix, qui n'était pas sans me rappeler la première en plus douce ne fit qu'augmenter un peu plus la tension et la fièvre qui s'infiltrait dans tout mon corps. Mais qui tentait de communiquer avec moi au travers de mes songes?
"Ecoute, Rhadamanthe, tu m'as toujours fidèlement servi depuis la nuit des temps, et maintenant, je compte toujours sur toi. Je suis celui qui attend les morts, je suis celui qui les regarde vivre dans son royaume mythique. Tu ne m'as pas oublié, je vis encore au fond de ta mémoire, comme Athéna vit dans celle de ses chevaliers."
Cette dernière voix m'était probablement la moins familière et pourtant, elle résonnait dans mon esprit, dans mon sang, dans ma peau comme si elle avait été mienne, comme si je l'avais entendu me chuchoter ces étranges paroles depuis la création du monde.
Je me tournais vivement dans mon lit, défaisant tous les draps alors que la chaleur étouffante de ce début d'automne m'écrasait.
Trois hommes -hommes?- essayaient de me parler, mais je n'arrivais pas à savoir de qui il s'agissait même si peu à peu, je sentais le fin voile obscure qui s'était placé devant mes yeux se déchirer lentement. Je voyais des sortes de flash de lumière passer et découvrais des scènes de mon existence à commencer par mon enfance.
Mon père, les îles Féroé tout cela s'incrustait de nouveau dans mon cerveau comme la marque d'un sceau maudit dont je ne pouvais pas me dépareiller... mon adolescence au travers du monde et cette étoile sombre qui ne cessait de me guider vers la Grèce... je redécouvrais des dizaines de passages de ma vie, de cette existence ou j'avais souffert mais ou j'avais appris à m'endurcir, à devenir dur comme un roc et froid comme la glace car ce caractère impassible et ce regard impénétrable que je possèdais servirait mes intérêts.
J'avais toujours su que mon existence me ménerait à quelque chose d'unique, à un destin hors du commun, dans le bon sens ou non. Mais quel était, finalement, ce fameux destin que je n'avais de cesse d'évoquer?
Au moment ou l'ombre d'un château se découpait dans un ciel d'ébène, je me réveillais en sursaut dans mon lit.


Julian

Ils me dévisageaient tous avec un étonnement au moins égale à leur méfiance, et je ne pouvais que les comprendre car je m'effrayais finalement moi-même.
J'étais Poséidon... il ne s'agissait tout de même pas là d'une mince nouvelle et je ne savais comment me dépétrer dans les fils de ma mémoire, récemment retrouvée. Pour ne pas dire malheureusement.
Si je m'exprimais de cette façon, c'était sans doute car je réalisais enfin pourquoi j'avais tant tenu à venir en aide aux personnes en détresse qui avaient été touchées par les raz de marées propagés sur la planète, selon mes propres ordres. Et je réalisais enfin pourquoi, même après avoir consacré une partie de ma fortune dans des aides et autres dons, je ne m'étais jamais senti apaisé.
Ne voyais-je pas, dans le visage de cette petite fille désormais orpheline le reflet de ma propre folie? Ou peut-être était-ce dans cet homme ayant perdu tous ses enfants que je découvrais les propres traits de mon âme?
Ces questions, je me les étais posé mille fois et j'avais eu raison. Je n'osais simplement pas en donner la réponse à voix haute. J'avais commis l'irréparable, et même si je tentais à présent d'expier mes crimes, je me rendais cruellement compte que rien ne faisait revenir un mort à la vie, pas même le souhait d'un dieu. Car il existe autre chose, une puissance supérieure devant laquelle les divinités elles-mêmes doivent plier genoux et courber l'échine : le destin.
Maintenant que j'avais compris pourquoi mes nuits étaient sans paupières, seulement bercées par le bruit des vagues s'échouant sur la plage proche de ma maison, je ne savais pas si je n'aurais pas préféré rester dans l'ignorance. Enfin, je comprenais qu'il s'agissait là d'une solution lâche, et qui ne me permettrait jamais de me relever des horreurs que mon bref, mais décisif pour des milliers de vies, règne avait engendré.
Mon âme était séparée en deux à présent que j'avais retrouvé mes facultés, pour une raison encore obscure, celle de Julian que je connaissais le mieux et qui gouvernait dorénavant l'autre, pleine de remords et de bonne volonté et enfin, celle de Poséidon, étrangement paisible mais dénuée de pitié envers la race humaine, même s'il semblait ne pas la haïr avec la méprisante souveraineté d'un Hadès en puissance.
Je me sentais, malgré ses deux aspects que j'avais parfois du mal à gérer, parfaitement moi-même, comme de nouveau réunifié et enfin apaisé par le fait que je comprenais ces étranges troubles de conscience dont j'avais été victime, bien que fort troublé car je saisissais l'ampleur de mes fautes... et l'impossibilité de les expier, du moins de la façon dont je l'aurais voulu.
Je revoyais Saori face à moi, tentant de me faire comprendre la vérité, cette Vérite qu'elle prônait depuis toujours et qui s'appelait tout simplement la foi en l'homme... j'étais ensuite transporté à cet instant ou j'étais venu en aide aux chevaliers de bronze, alors qu'ils se trouvaient à Elision, face à l'effroyable Thanatos.
Qu'avais-je voulu exactement à cet instant? Avais-je voulu préserver ce que je jugeais comme étant mon bien, la terre autrement dit, d'une ruine que je désirais moi-même assurer, ou bien, m'étais-je soudainement ouvert à ce qu'Athéna défendait corps et âme?
Je ne le savais pas, je ne voulais pas le savoir, mais je comprenais que maintenant réunifié, c'était Julian qui allait décider d'orienter sa vie selon ses désirs, et non plus Poséidon.
Je hochais vigoureusement la tête, sans que personne ne saisisse pourquoi, avant de fixer les chevaliers un à un.
Je n'en connaissais pas la plupart, uniquement Seiya et ses trois compagnons, mais je me doutais pourtant de leur identité. Je laissais errer mes yeux sur eux, alors qu'ils s'étaient présentés à peine quelques minutes auparavant.
Cet homme, aux yeux à demi-clos, les bras croisés sur la poitrine et la mine réfléchie ne pouvait être que le célèbre Vieux-Maître, plus connu dans le monde divin comme étant le gardien de la tour des 108 étoiles maléfiques.
Quant à ce garçon, aux grands yeux violets et à l'air distant et inaccessible, il s'agissait sans doute de l'achmisite capable de réparer des armures... Dohko et Mu... ils s'appelaient de cette façon d'après ce qu'ils m'avaient dis.
Quels autres hommes évoquaient des images précises en moi? Ah! Bien-sûr! J'allais oublié ce jeune homme aux immenses cheveux blonds et l'irradiante luminosité dont la réputation d"homme proche de la perfection était arrivée aux oreilles divines... Shaka, ou Bouddha selon le nom qu'on voulait lui donner.
Je passais en revue les autres, Aphrodite à la grâce langoureuse et aux yeux intelligents, Camus glacé et pondéré, Aioros à l'enviable tranquillité d'esprit, l'orgueilleux Shura, l'ironique Milo, l'emporté Aiolia, l'amusé Masque de Mort... non, je n'avais aucun mal à les cerner car ces hommes ne savaient pas mentir sur cette personnalité que la destinée leur avait forgée. Leur complexité pouvait effrayer, car ils n'étaient pas faits d'un seul et unique bloc, mais d'une multitude de détails qui les rendait probablement si intéressants à fréquenter.
J'arrêtais soudainement mon regard sur Saga, cet homme torturé par ses remords et au regard aussi triste que son sourire était sarcastique. Je ne pouvais m'empêcher de remarquer ce contraste qui sautait aux yeux, qui différenciait l'homme, au coeur pur et fragilisé par son existence difficile, du combattant, fort et sûr de lui... son histoire était plus que célèbre et...
Je me figeais.
Mais qui voyais-je maintenant... hormis Kanon, mon général, Dragon des Mers comme il aimait à se faire appeler en usurpant une identité alors qu'il voulait s'approprier mon royaume.
Je sentis comme un tressaillement, sorti de l'âme de Poséidon et non plus de celle de Julian, me saisir, mais je le réprimais rapidement. Comme il était étrange de revoir cet homme aux moeurs justes et au courage maintes fois prouvé dans l'Hadès, dans ces conditions... et aujourd'hui était un jour bien étrange pour des retrouvailles!
Sorrento bougea légeremment à côté de moi ce qui me fit redescendre rapidement sur terre alors que je voyais le visage de Dohko prendre une expression ou se mêlait méfiance et intérêt.
-Savez-vous vous-même, commença-t-il en posant sa main sur l'épaule de Mu, pourquoi votre âme, enfin, celle de Poséidon, à regagner votre corps?
Je lui trouvais le ton du professeur parlant à un disciple avec sa sagesse coutumière et j'esquissais un sourire assuré, probablement hérité de l'empereur des Mers ou de mon habitude à attirer les regards.
-Non... mais je ne pense d'ailleurs pas avoir récuperé l'intégralité de mes pouvoirs divins étant donné que je puis encore me contrôler. Je ne sais cependant pas pourquoi je suis présent...
Sorrento hocha la tête, pour approuver mes paroles autant car il les croyait lui-même que par habitude de me soutenir.
-Attendez... déclara Shura, vous voudriez nous faire croire que vous êtes revenu sans la moindre intention? Que vous venez nous voir sans la moindre idée en tête? Cela me paraît, comme à la plupart d'entre nous, si je puis me permettre de parler au nom de mes compagnons, un peu difficile à avaler!
-Du calme, murmura Aioros, visiblement coutumier du fait de tempérer son ami.
-Même si Shura a oublié d'y mettre les formes, continua le chevalier du Verseau alors que son regard froid et dur se posait sur moi, je ne peux m'empêcher de lui donner raison.
Un bref silence tomba entre nous alors que je ne savais guère quoi répondre. Je ne leur avais pas menti en leur déclarant ne rien savoir à propos de cette subite renaissance, mais je compenais aussi parfaitement pourquoi ils ne voulaient, ni même ne pouvaient, me croire.
-Nous ne demandons qu'à vous croire, enchaîna subitement Aioros, avec calme, seulement, nous aimons tous le concret et nous avons besoin de preuves.
Je vis un sourire ironique fendre le visage de Milo, visiblement certain, au moins autant que moi, que je ne serais pas capable de donner cette fameuse preuve que l'on me demandait de fournir.
-Il nous a aidé en enfer, intervint le chevalier d'Andromède, alors que sa voix douce résonnait étrangement dans l'immensité de la chambre sacrée... nous ne pouvons donc pas le condamner sans l'avoir même ne serait-ce qu'écouté.
-Il n'est pas question ici de condamnation ou de quelqu'autre jugement, renchérit Aphrodite dont le sourire lumineux démentait le regard aiguisé et pénétrant qui cherchait à me sonder, mais bel et bien de compréhension.
Ils m'acculaient tous contre un mur duquel je n'arrivais pas à me déroger et j'eus du mal à avaler ma salive dans ma gorge sèche qui me faisait souffrir. Ils avaient entièrement raison, mais cependant, je savais que mes intentions n'étaient pas néfastes, et il était de mon devoir de le leur faire comprendre.
-Si j'avais été votre ennemi, je ne serai pas venu ici, à découvert, sans la moindre arme et alors que je n'ai pas retrouvé la totalité de ma puissance... que pourrais-je faire contre plus d'une dizaine de chevaliers à la force légendaire?
J'entendis le rire légeremment ironique de Sorrento teinter alors que je m'appuyais sur sa présence car celle-ci était un soutien face à cette table qui, sans être prête à me condamner, n'était tout de même pas aisée à convaincre.
-J'ai parcouru le monde dans le but de racheter des crimes qui n'ont pas de prix, j'ai tout fait, alors même que je n'avais pas conscience de mes méfaits, pour regagner un semblant d'honneur et pour aider ceux que j'avais moi-même démunis. Le spectacle de ce que j'ai commis est amplement suffisant à faire venir en moi plus de remords que quiconque ne pourra jamais en éprouver. Je suppose que plusieurs d'entre vous sont capables de comprendre ce qu'est une erreur et combien il est difficile de la réparer.
Je reprenais mon souffle alors que je regardais tour à tour Saga, Masque de Mort, Kanon, Shura ou encore Aphrodite.
-Je ne vous veux pas le moindre mal, au contraire. Shun a raison lorsqu'il dit que je suis venu en aide à Athéna en amenant à ses serviteurs les armures d'Or et je peux dire que sans moi, la Victoire était loin d'être assurée. Je sais pourtant que tout le mérite revient à Shiryu et aux autres mais cependant, il est utile de s'interroger sur le devenir de la planète si j'avais décidé de rester tranquillement dans mon coin.
J'avais l'habitude de convaincre des assemblées depuis mon enfance, car les entreprises de mon père me forçait bien souvent à être éloquent en publique, et j'étais pour une fois heureux d'avoir assisté à toutes ces ennuyeuses réceptions et autres réunions.
-Et puis... je ne sais pas pourquoi je suis revenu, pourquoi mon âme est parvenue à se délivrer du sceau d'Athéna, pourtant apposé avec le plus grand soin, je puis vous en assurer, et tant qu'il n'y aura pas de réponse à cette question, je suis tout prêt à subir une surveillance rapprochée.
Je me tus car je venais de dire le nécessaire et je ne pouvais plus qu'espèrer les avoir convaincus.
C'est alors que je vis peu à peu leur visage perdre ces traits qui durcissaient leur physionomie et que Dohko prit la parole :
-Vous avez raison, nous en convenons tous. Cependant, le mystère reste entier.
Il n'avait guère tort et je me demandais, alors que tous les chevaliers m'observaient maintenant avec un peu moins de méfiance, qui serait capable de lever le voile.


Aldébaran

J'étais parti de la clinique depuis maintenant deux jours, et j'avais traversé la Manche puis parcouru une partie de l'Europe avant de finalement me retrouver dans cette terre bénite pour laquelle je serai mort sans hésiter, la Grèce.
Mon voyage avait été extrêmement mouvementé, je m'en rendais compte à présent qu'il était terminé et que je marchais sous un soleil de plomb qui marquait le début récent de l'automne.
J'avais du monter dans des trains à vive allure, en tentant de ne pas me faire remarquer, ce qui était plutôt difficile avec ma carrure plus que notable. A maintes reprises, à cause de mon physique, j'avais failli me faire prendre... et je n'avais pas manqué de trouver les situations dans lesquelles je me retrouvais plongé plus que comiques!
Un chevalier d'Or en proie aux griffes d'un contrôleur, c'était en effet une plaisanterie que je ne manquerai pas de raconter. Mais je supposais que mes confrères avaient du vivre les mêmes tourementes, et qu'ils auraient eux aussi plus d'une aventure à me rapporter.
Pour l'instant, je sentais mes forces m'abandonner et je me raccrochais à la puissance d'Athéna que je sentais pourtant autour de moi, comme si les ruines des abords du Sanctuaire portaient sa marque depuis des siècles et des siècles.
Je n'arrivais d'ailleurs toujours pas à croire à sa mort. Ma déesse... je lui avais dédié ma première vie, si l'on pouvait appeler cela ainsi car j'avais l'impression que ce voyage entre les dimensions ou j'aurais du rendre mon dernier souffle avait abouti sur une seconde existence, que je vouerai encore à la justice. Cependant, sans Athéna sur terre, je me demandais à quoi allait ressembler nos vies de chevaliers.
Nous allions probablement entraîner des disciples, cette prochaine génération de combattants qui viendrait prendre la relève et qui ne connaîtrait pas les guerres saintes que nous avions traversées. Non, ces enfants qui revêtiraient un jour nos armures seraient simplement destinés à en éduquer d'autres, à veiller sur la paix des êtres humaines et je leur souhaitais d'aimer autant les hommes que je le faisais moi-même.
J'esquissais un sourire empreint de mélancolie. Est-ce que l'histoire se terminait comme cela? Est-ce qu'après avoir accompli autant de miracles nous allions retrouver une existence paisible, faite de joies simples que nous pourrions trouver au Sanctuaire?
Je trébuchais à cause d'une fissure faite dans le sol et me rattrappais de justesse à un olivier que je jugeais un rien trop malingre, tout étouffé qu'il était par la chaleur qui régnait partout.
Je ne savais plus que penser de l'avenir, sans doute car cela faisait trop longtemps que j'étais seul, aussi bien dans les dimensions, que sur cette terre ou je n'avais pas encore rencontré l'ombre d'une personne que je connaissais. Je n'avais pourtant pas perdu mon optimisme, ni ma détermination et ma jovialité, au contraire, je me sentais prêt à vivre de nouveau, car je méritais bien les jours qui s'ouvraient devant moi.
Cependant, la disparition d'Athéna provoquait une curieuse mélancolie dans mes pensées que je ne savais pas vraiment expliquer. Je me posais des questions quant à l'avenir du Domaine Sacré que nous avions maintenant le devoir de gérer...
Mais toutes mes interrogations furent balayées en moins d'une seconde lorsque je les apperçus, tous assis sur les marches du temple du Bélier, entrain de parler et de s'animer.
Je pouvais discerner onze chevaliers d'Or, Kanon, second chevalier des Gémeaux, et quatre chevaliers de Bronze... Seiya, Hyoga, Shun et Shiryu. Il ne manquait plus que moi... et Phoenix d'après ce que je pouvais voir.
Mon coeur éclata dans ma poitrine et je n'eus pas la force d'ouvrir la bouche pour les appeler alors que les larmes me montaient aux yeux, que mon esprit se laissait submerger par les émotions que je savais stagnantes en moi depuis plusieurs jours. J'avais l'impression que tout mon sang s'échappait de mon corps avant d'affluer de nouveau à toute allure dans mes veines, le monde tournoyait autour de moi et plus rien n'avait de sens que cette vision de mes compagnons qui m'avaient manqué plus encore que les mots ne savaient l'exprimer.
Et ils me virent, se figèrent, incrédules devant la découverte du dernier d'entre eux, avant de se précipiter dans ma direction, comme un groupe d'écoliers désordonnés et criant de joie.
En moins de quelques minutes, ils furent autour de moi, tous autant qu'ils étaient, m'entourant de leur présence que j'avais cherchées depuis que j'avais été propulsé dans l'espace. Je sentais l'espoir qui battaient en eux, et je savais qu'avec nous, la vie ne mourrait jamais, qu'elle ne prenait fin que lorsque nous l'avions décidé... nous étions tous là, présents pour le prouver.
Tous les chevaliers se trouvaient maintenant réunis sur le sol du Sanctuaire.

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Cette fiction est copyright Caroline Mongas.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.