Chapitre 11 : Attention ! Les illusions d'armures!


Le visage de Rigel affichait une pâleur inquiétante, presqu'aussi inquiétant que celle de la pleine lune qui flottait au-dessus de sa tête dans un ciel sans étoiles. Son ombre projetée sur son armure mourante était également étrangement claire. Tout dans le paysage respirait une blancheur morbide...

Et ce silence...

Le masque de June qui reflétait les caresses lumineuses de l'astre de la nuit...

...juste entrecoupé de battements de coeur de plus en plus lents.

Même les yeux sévères d'Adonis avait été remplacés par deux cercles blancs de lumière.

La mort rodait.

Un porteur n'offre pas impunément son sang à son armure.

*
* *

L'impassibilité prodiguée par son masque cachait efficacement la stupeur qui déformait les traits de Marine. Quelques secondes auparavant, elle avait senti une puissance terrifiante se diriger vers elle. Instinctivement, elle s'était protégée et l'instant d'après, l'armure d'or du signe des Poissons reposait devant elle dans toute sa splendeur, renvoyant fièrement les dards de l'astre de Phoebus.

Le chevalier d'argent de la constellation de l'Aigle restait là, immobile. L'armure semblait gémir pour l'appeler ; ou était-ce le vent ? Marine dut entendre l'appel car elle tendait la main comme pour s'assurer que son sens de la vue ne la trahissait pas. Elle fit alors un pas mais avant d'entrer en contact avec l'armure sacrée, un cri retentit dans son dos :

" Marine ! Eloigne-toi ! "

L'avertissement d'Algébia eu la vertu de stopper Marine dans son geste. Elle tourna la tête vers le jeune homme revêtu d'une armure aux formes inhabituelles. Perdue quelques secondes dans la contemplation du benjamin d'Aiolia, la jeune femme se reprit en repliant son bras. L'appel de l'armure se fit alors plus insistant. Une bourrasque de vent balaya le sol poussiéreux du Sanctuaire.

" Surtout, ne cède pas, Marine ", continua Algébia d'un ton suppliant aux inflexions rappelant tellement l'expression de son frère, le chevalier d'or du signe du Lion. Il lui ressemblait tellement ! Ses yeux avaient la même volonté farouche...

Et Marine semblait se raccrocher à ce regard. Comme hypnotisée par les yeux d'Algébia, elle avait à nouveau stoppé tout mouvement. Il lui fallut un effort douloureux pour parler :

" Qu'est-ce que ça veut dire, Algébia...
- N'écoute pas la plainte de l'armure, Marine. Elle est aussi mortelle que celle des Sirènes qui piégeaient les marins d'antan.
- Mais c'est une armure d'Athéna. Elle ne peut me vouloir du mal...
- Détrompe-toi, Marine.
- Elle serait capable de me nuire ?
- Ce n'est pas ce que je veux dire... J'essaye simplement de te faire comprendre que cette armure n'est pas une armure d'Athéna. "

*
* *

Loin au nord du Sanctuaire, dans les forêts géantes de Dodone, Arimaspe était agenouillé devant une statue colossale du roi de l'Olympe. Aménagée dans une clairière gigantesque, la demeure terrestre de Zeus était réputée pour les prédictions qui y était annoncées : guerres, famines, colères des Dieux, mort d'enfants...

Les mélanges d'ivoires et d'or donnaient à la statue un aspect quasi-vivant et tous les fanatiques venant dans le Sanctuaire divin en revenaient toujours raffermis dans leur foi et dans leur volonté de servir le grand Zeus.

Devant le corps prostré d'Arimaspe gisait un poignard finement ciselé : des tâches de sang maculaient déjà une lame qui avait du être rutilante autrefois. L'homme était seul dans la clairière et il fixait intensément le manche de l'arme. Rien ne semblait pouvoir le perturber dans sa concentration. Mais un mouvement sembla lui faire comprendre qu'il pouvait relever sa tête afin de contempler la statue qui lentement prenait vie. Le bras d'Arimaspe saisit alors le poignard et le tint à quelques centrimètres de son flanc droit, lame tournée vers son corps. De sa main gauche, il souleva sa tunique, revélant ainsi de nombreuses cicatrices.

Le visage de la statue était désormais teintée comme le serait tout visage humain. Un regard colérique fixait Arimaspe. Dans un roulement de tonnerre, une voix caverneuse emplit l'air pourtant calme, un instant auparavant :

" Arimaspe, tu n'es qu'un imbécile " dit la statue.
" Oui, mon Seigneur ", répondit Arimaspe avant d'abattre le poignard entre deux de ses côtes.
" Tu as failli faire échouer mon plan et celui de mes Sculpteurs de Lumière.
- Je... ne... comprend pas... Grand Zeus.... " haleta Arimaspe.
" Bien sûr que tu ne comprends pas, stupide mortel. Ton pêché d'orgueil est à la hauteur de ton incompétence.
- Oui, mon Seigneur ", dit le serviteur avant d'abattre à nouveau son poignard.

Un silence emplit la clairière... puis un nouveau roulement de tonnerre se fit entendre, faisant trembler le sol et les arbres si géants fussent-ils.

" Pourtant, je ne puis te supprimer. Mes fidèles sont rares en ces temps maudits et je ne puis me permettre de me faire remarquer des autres divinités. Le Temps des Hommes, proclamée par ma fille il y a des siècles est en train de s'accomplir. Aussi, je dois te révéler une partie de mes plans afin que tu ne commettes plus de bévues dont tu as le secret.
- Seigneur... les armures d'or sont de retour " réussit à expirer Arimaspe désormais effondré sur le sol. "
" Evidemment, idiot.
- Oui....mon Seigneur " déclama l'homme blessé dans son corps et dans son âme, avec une fausse vigueur et le poignard s'abattit à nouveau sur son flanc.

" Elles sont ma pièce maîtresse afin que mon descendant direct, celui qui doit me détrôner, d'après ces maudites Parques, se révèle au grand jour. Nous devons le supprimer avant qu'il ne prenne conscience de son identité réelle.
- Qui...est-il ?
- Je ne le sais pas. Mais il... ou elle... portera une Elemental Cloth. C'est pour ça que mes Sculpteurs ont façonné ces fausses armures d'or et les ont faites intervenir afin de troubler nos ennemis. Et toi, tu étais prêt à combattre un guerrier élémental, au risque de lui faire prendre conscience de son pouvoir !!!
- Mais...ne sont-ce pas ces armures... réelles ?
- Ce sont des illusions parfaites. Elles ne sont pas réellement matérielles. Ce sont des illusions de lumière. Seuls les plus aguerris des Chevaliers d'Athéna verront la différence. Et quand bien même ils essayeraient de convaincre leurs semblables, leur orgueil sans limite les aveuglera. Avec un peu de chance, ils s'entre-déchireront dans leur vanité et leurs explications pour couvrir leurs faiblesses sous des apparats dorés et rutilants. Mais je t'en ai trop dit. Reste au Sanctuaire de Dodone désormais. Les chevaliers d'Athéna, s'il en reste, tenteront de pénétrer mon royaume par cette entrée. Tu devras les en empêcher.
- Merci... mon Seigneur. " balbutia Arimaspe avant de s'effondrer.

*
* *

Marine était toujours aussi immobile. Elle jetait des regards tour à tour à l'armure et à Algébia.

" Fais-moi confiance, Marine. Crois-moi, comme tu croyais mon frère. " l'implora le jeune homme.

Alors, les membres tremblants, Marine se releva et se dirigea vers lui. Elle l'atteignit et se plaça à son côté afin de faire face à l'homme blond aux yeux pers qui venait d'apparaître comme par magie près de la fausse armure des Poissons.

" Comment oses-tu pénétrer dans le Sanctuaire d'Athéna sans sa permission " lanca froidement Marine.

" Je vais et je fais ce que je veux, Chevalier d'Athéna. " répliqua l'étrange homme vêtue d'un toge colorée. " Car toi, je sais qui tu es. " reprit-il. " Ton compagnon, par contre, m'est inconnu. Et son armure ne m'inspire que de la pitié : quelle noirceur, quel ... impression de vide ! " railla le nouveau venu d'une voix suraigüe.

" Je ne déclinerais mon identité que lorsque tu auras présenté la tienne " répliqua Algébia d'un ton sérieux digne de ses deux frères aînés.

" Belle impertinence, jeune homme... mais qui n'est pas à la hauteur de tes moyens. Vos pouvoirs pitoyables ne méritent pas que vous connaissiez mon nom, ni mon grade. ", persifla l'homme blond.

" Nous pouvons néanmoins considérer cette félonie comme ta création " dit Marine en désignant la fausse armure d'or de la tête.

" Oui... d'ailleurs elle n'est plus d'aucune utilité. " dit l'homme qui fit disparaître l'illusion d'un revers nonchalant de la main. " Tu étais à deux doigts de tomber dans mon piège, Marine. Mais toi, jeune homme... tu l'as déjoué. Aussi, je suis très curieux de connaître l'étendue de tes pouvoirs. " murmura l'homme d'un ton plutôt enjoué.

Il n'en fallait pas plus pour Algébia qui se mit en garde, campé sur ses pieds, une main devant le visage et l'autre tendue vers son ennemi inconnu. A une vitesse insensée, l'ennemi bougea sa main et projeta des raies de lumière vers Algébia.
Celui-ci planta instinctivement son pied dans le sol et s'en servi comme pivot pour éviter le coup et se retrouver à nouveau en face de son adversaire.

" Quelle rapidité ! " souffla l'inconnu blond pour lui-même. Quelques gouttes de sueur perlèrent à ses tempes. Ses sourcils se froncèrent et il fit la moue.

" Je pense que nous allons nous en tenir là " déclama-t-il à voix plus haute. " Je n'ai aucune envie d'abîmer ma belle armure de Sculpteur de Lumière .
- Sculpteur ? De lumière ? " reprit Marine dubitativement.

" Et serviteur de Zeus " compléta Algébia.

"Effectivement " confirma le Sculpteur de Lumière de Zeus. " Nous nous reverrons, je pense, jeune homme. A ce moment, je déclinerai mon identité. Et j'espère que je saurai qui tu es. " dit l'homme blond aux yeux pers.

" Je te le dirai... Et tu ne m'oublieras jamais. " répondit Algébia d'un ton à glacer le sang des veines de n'importe quel assaillant.

Avant de disparaître, l'homme inconnu tourna le dos à ses ennemis, fit quelques pas et murmura pour lui : " Car je ne sais pas qui tu es, jeune homme, ni d'où sort ton armure... mais elle a toute les propriétés d'une Elemental Cloth ".

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