Chapitre 25 : La tempête de la destinée


L'Olympe, où les dieux dans l'éternelle stabilité demeurent. Ni les vents ne l'ébranlent, ni jamais la pluie ne le bat, ni la neige ne l'approche, mais la limpidité y plane sans nuage. Toute blanche, une lumière l'environne.
Homère, Odyssée

Ah, l'Olympe...

Il faut avoir le regard d'un dieu pour pouvoir pleinement apprécier sa splendeur. Imaginez une montagne si immense que l'esprit peine à la concevoir, dont le sommet mystérieux reste perpétuellement dissimulé par les nuages impénétrables. Imaginez un pic de roche blanche s'élançant vers le ciel pour l'atteindre, baigné d'une lumière sereine. Imaginez des temples à la beauté impérieuse, taillés dans la marbre le plus pur. Imaginez des arc-en-ciels aux couleurs chatoyantes les reliant entre eux. Voilà, vous avez devant vous le mont Olympe, où résident les dieux depuis leur victoire contre les Titans.

Même après tout ce temps - une éternité, d'un point de vue humain - l'Olympe me fascine toujours autant. Pourtant, je suis assez loin d'être le dieu qui y réside le plus souvent. Pas par choix, d'ailleurs. Simplement, les devoirs de ma fonction m'imposent d'être toujours par monts et par vaux.

Mais pas aujourd'hui, bien entendu. Aujourd'hui est un jour très spécial, et l'atmosphère particulière qui règne ici depuis ce matin parvient même à troubler la sérénité paisible du mont Olympe. Je n'ai pas besoin de vous dire pourquoi. Ce n'est pas tous les jours que l'une des douze divinités olympiennes doit répondre de ses actes devant ses pairs.

C'est déjà arrivé, pourtant. Poséidon, Apollon et Arès, entre autres, ont déjà dû comparaître devant de tels tribunaux.

Mais pas Athéna. Pas la déesse de la Sagesse, l'enfant préféré du grand Zeus. Jusqu'à une période très récente, il était même inconcevable qu'elle aille à l'encontre de la volonté de son père. Par le passé, elle ne lui avait jamais failli, jamais désobéi. Et pourtant...

Serait-il possible que les dieux changent ?

Je jette un coup d'oeil à la montre posée à côté de moi. Presque une heure de passée depuis que les hommes d'Arès ont enlevé Athéna. Fort heureusement pour la déesse aux yeux pers, des coutumes aussi anciennes que l'Olympe imposent d'attendre douze heures avant de pouvoir procéder au jugement d'une divinité. Malheureusement, même si ses chevaliers ont réussi à franchir les deux premiers temples très aisément, il n'en sera pas de même pour ceux qui arrivent, ça ne fait pas le moindre doute. C'est regrettable, en un sens, mais...

Pardon ? La montre ? C'est un souvenir de mon dernier passage sur Terre, il y a quelques années seulement. Il faut dire que, de tous les dieux, je suis celui qui se réincarne le plus fréquemment. Ca me vient sans doute d'être le dieu des messagers. A force de faire des allez-retours entre l'Olympe et le monde des mortels, j'ai fini par me prendre d'affection pour celui-ci. Je sais, je sais, ça ne fait pas très divin de garder une montre sur soi, surtout ici où il est impératif d'être habillé en toge ou en armure si on veut être pris au sérieux. Mais elle a une valeur sentimentale.

J'aime bien les mortels, oui, avec toutes leurs imperfections. Je suis aussi le dieu du vol et du commerce, après tout. Et c'est pour cela que je n'ai pas vraiment apprécié que Poséidon et Hadès se mettent encore une fois dans la tête de déclencher l'apocalypse sur Terre. J'aurais fait quelque chose si j'avais pu. Ce n'était pas le cas. Athéna, elle, est intervenue, et je lui en suis reconnaissant pour cela. Si seulement elle n'était pas allé trop loin cette fois-ci...

Je sais bien que la devise de ma demi-soeur est devenu "il ne faut jamais perdre espoir", mais, pour une fois, je crois que sa situation est désespérée. Elle ne réussira jamais à convaincre le tribunal des dieux de son innocence. Déméter la soutiendra, et Hestia aussi, grâce à la subtilité incroyable dont à fait preuve ce lourdaud d'Arès en enlevant Athéna. Mais aucun autre ne s'y risquera. Parce que chacun d'eux connait désormais la crainte. La crainte, aussi irraisonnée soit-elle, de connaître le même sort qu'Hadès.

Non, je ne soutiendrai pas Athéna non plus. Hadès ne me manque pas exactement, mais je ne me risquerai pas à aller contre la volonté de Zeus. La colère de mon père ne pardonne pas et, de toute évidence, il veut désormais la perte d'Athéna. J'aimerais vraiment pouvoir intercéder à son égard mais ce serait inutile, et il n'est pas dans ma nature de me lancer dans des causes perdues. Athéna a appris la valeur de l'espoir auprès des humains. Moi... c'est plutôt celle de l'opportunisme.

Quant à ses chevaliers, ils n'ont aucune chance. Même les Géants ne sont pas parvenu à conquérir l'Olympe. Et, hormis Déméter et Hestia, les dieux ne les laisseront pas passer. En ce moment même, ils sont tous dans leurs temples, en train de se préparer à ce qui va suivre, chacun à leur façon.

Mon père ? Enfermé quelque part dans son palais. Je sais qu'il prépare quelque chose, mais je ne saurais pas dire quoi. Je n'essaie pas vraiment de l'apprendre, d'ailleurs. Dès qu'il s'agit de machination, il me ferait passer pour un enfant.

Héra ? Je ne sais pas ce que prépare la mégère, et c'est très bien comme ça. Une chose est sûre : ce ne sera pas à l'avantage des chevaliers d'Athéna.

Arès ? Dans un accès démentiel d'originalité, il a apparemment décidé de faire combattre jusqu'au dernier ce qui lui restait de guerriers, avant d'entrer lui-même dans la bataille. C'est une stratégie un rien simpliste, mais je ne vois pas qui saurait lui tenir tête parmi nos adversaires.

Apollon ? Retranché dans son temple depuis un moment. Il a pratiquement cessé de communiquer avec le reste d'entre nous. Je soupçonne que c'est parce qu'il a perdu sa faculté de voir l'avenir. Il faut savoir que personne, pas même les dieux, ne peut prédire son propre avenir et surtout sa propre mort, ce qui n'est pas une perspective très engageante pour mon cher frère.

Artémis ? Je ne sais pas trop. Mais elle est de très mauvaise humeur et, quand elle est comme ça, il est encore préférable d'affronter Arès sans arme que de croiser son chemin.

Dionysos ? Pas facile de savoir ce qui lui passe dans la tête. Plus que tout autre dieu, il est capable d'agir par instinct, de façon irraisonnée. Il est aussi capable de faire preuve d'une violence surprenante face à un adversaire, par ailleurs.

Aphrodite ? Je ne sais pas non plus ce qu'elle prépare, mais j'ai le sentiment que cela pourrait être amusant. Il faut savoir qu'elle ne s'est jamais entendu avec Athéna et qu'elle lui en veut pour de nombreuses raisons. Je ne sais pas ce qu'elle réserve aux chevaliers lorsqu'ils arriveront à elle, mais ça pourrait être désagréable... ou peut-être pas, remarquez.

Et moi ? J'observe, j'attends. Je n'ai jamais été un dieu guerrier, et je n'ai jamais vraiment eu de combattants à mon service. Une fois, une seule fois, je me suis laissé convaincre par Arès. J'ai recruté les hommes les plus forts et violents que j'ai pu trouver (un peu trop, en fin de compte), je les ai entraîné et je leur ai donné des armures. Beau résultat ! Ils se sont tous fait massacrer lors d'une mission qui aurait dû être facile dans le royaume d'Asgard.

Non, ma spécialité, c'est plutôt les informations, que je transmets ou non aux autres dieux, selon mon intérêt. Je sais notamment que l'urne de Poséidon a disparu, ainsi que l'armure d'Athéna, même si j'ignore encore les responsables. Et je sais aussi qui Arès est allé libérer pour nous aider à repousser l'assaut des dieux nordiques. Et je suis même au courant pour les chevaliers de platine.

Mais il y a surtout une chose que je sais, car mes fonctions m'imposent également d'être messager entre l'Olympe et les Enfers. Personne ne peut dire encore avec précision si Hadès survivra ou non à la destruction de son corps d'origine, mais une chose est sûre et c'est qu'il n'est plus en mesure d'assurer ses fonctions.

Et que, par conséquent, il n'y a plus personne pour veiller sur le royaume des morts.

*******

De tous les temples de l'Olympe, celui de Zeus était le plus magnifique. Imposant, et pourtant d'une beauté qui enflammait le coeur, on y trouvait partout des monuments somptueux à la gloire du maître des dieux. La pièce la plus magnifique était certainement le trône d'or massif, ciselé de gravures d'une finesse incomparable qui évoquaient les exploits des plus grands héros des temps mythologique.

Mais même cette vision ne parvenait pas à calmer l'esprit agité de Zeus tout-puissant. Assis sur le trône flamboyant, il repassait dans son esprit tout ce qui s'était passé depuis qu'il avait fait le choix de se retourner contre sa fille bien-aimée. Le futur lui était aussi opaque qu'il l'aurait été pour un mortel, ce qui signifiait clairement qu'il y serait engagé. Mais de quelle façon ? Le dieu de la foudre n'avait pas l'habitude d'avoir aussi peu de prise sur les évènements. Il y avait tant de choses qui échappaient à son contrôle...

Certes, Athéna était désormais entre ses mains, mais Déméter et Hestia avait fait le choix de la soutenir et il ne pouvait pas s'en prendre à elles également sans risquer de retourner contre lui les autres dieux. Les chevaliers élémentaires avaient fait le serment de ne plus intervenir, mais ils restaient un danger potentiel et imprévisible tant qu'il ne saurait pas lequel d'entre eux était son descendant. Et les chevaliers d'Athéna... Qui pourrait dire ce qu'il étaient capables d'accomplir ?

_Quant aux dieux nordiques, murmura-t'il pour lui même dans le silence de son temple, ils regretteront amèrement d'avoir osé me défier.

_Le grand Zeus connaîtrait-il la peur ?

La voix était assourdie, mais elle contenait néanmoins clairement une once de moquerie. Etonnament, le maître des dieux ne s'en offensa pas. Il avait d'autres préoccupations bien plus urgentes à l'esprit.

_Les forces du Sanctuaire et leurs alliés n'ont fait que grandir en puissance depuis l'assaut de l'Olympe, poursuivit la voix, qu'on devinait féminine. S'ils parvenaient à vaincre certains des dieux les plus opposés à Athéna, cela pourrait remettre en jeu l'issue du jugement à venir.

_Je sais ce que j'ai l'intention de faire, Hécate, trancha Zeus d'une voix définitive.

Le dieu de la foudre leva finalement les yeux. Devant lui, à moins de quelques mètres, se trouvait un nuage de noirceur indistincte que même les lampes éternelles de son temple ne parvenaient pas à dissiper. Mais les ténêbres n'empêchait nullement Zeus tout-puissant de percevoir la présence de la déesse de la sorcellerie et des ombres, même si ce n'était que son esprit qui se trouvait ici.

_Je n'ai pas d'objection au fait d'assurer la garde du temple d'Hadès, reprit Hécate après une pause. Mais je voudrais savoir si vous avez réfléchi au plan que je vous ai proposé. Les conséquences ne seraient pas parfaitement prévisibles, mais elles devraient nous permettre de reprendre un avantage net.

Zeus ne répondit pas immédiatement. Il n'avait pas confiance en Hécate, bien entendu. Elle ne faisait pas partie des dieux de l'Olympe et il savait qu'elle ne servait que ses propres intérêts. Mais il savait aussi qu'elle n'oserait pas agir contre lui sans être sûre de l'emporter. Et elle faisait une précieuse alliée, avec ses connaissances et ses pouvoirs. Quant à son plan... Zeus regarda un instant les gravures qui ornaient son trône. Son plan lui fournirait la possibilité de contrarier la progression des forces du Sanctuaire de façon très efficace.

Zeus se leva brusquement et avança jusqu'à Hécate. Et, dans le même temps, il embrasa son cosmos immense. Une aura aveuglante se mit à crépiter autour de lui, faisant pâlir les ténêbres qui entourait la déesse de l'obscurité. Une aura si intense qu'un homme normal qui l'aurait contemplé aurait été réduit en cendres par sa puissance.

_J'ai décidé de mettre en application le plan que tu m'as proposé, dit Zeus, le Maître des Nuées, d'une voix grondante comme le tonnerre. La tempête de la destinée va balayer et disperser ceux qui ont osé me défier.

*******

La foudre, encore ! Athéna frissonna. Même ici, prisonnière au plus profond de son propre temple, elle l'entendait tout de même. Si seulement elle avait pu voir ce qui se passait... Mais c'était impossible. Depuis qu'elle avait été amené ici, un rideau de lumière aveuglante était venu entourer le temple, bloquant tout les issues, l'empêchant de distinguer quoi que ce soit à l'extérieur.

Athéna étouffa un rire amer. Et malgré cela, elle était toujours enchaînée.

_Est-ce que c'était vraiment nécessaire ? demanda-t'elle à celui qui se trouvait devant elle, désignant ses poignets.

L'homme haussa les épaules. Il était d'une laideur surprenante, qui contrastait violemment avec la perfection blanche du temple. Il avait une barbe hirsute et des yeux noirs où rougeoyait de temps à autres un éclat subit. Ses vêtements étaient frustres et il tenait un lourd marteau dans sa main gauche.

_Ce sont les ordres de Zeus, répondit-il, s'avançant en boîtant vers la déesse brune aux yeux pers.

Athéna regarda une fois de plus la chaîne qui liait ses poignets. Elle était merveilleusement mince et semblait fragile. Et pourtant, la déesse savait qu'il aurait fallu beaucoup plus de force qu'il ne lui en restait pour la briser. Tel était le pouvoir d'Héphaïstos, dieu du feu et de la forge.

_Ce n'est pas comme si je pouvais quitter mon temple, de toutes façons, observa-t'elle.

Héphaïstos eut un rictus.

_Zeus préfère mettre toutes les chances de son côté.

_Et tu lui obéis en tout point ? questionna Athéna, le regardant en face.

Héphaïstos soutint son regard un instant, puis détourna les yeux et haussa les épaules de nouveau, l'air sombre et désabusé.

_J'avais de l'affection pour toi, déesse Athéna, et c'est encore vrai aujourd'hui. Mais je ne me risquerai pas à provoquer Zeus et les autres dieux pour cette seule raison. Je crains que tu ne puisses plus compter que sur tes chevaliers.

_Mais mes chevaliers sont des mortels, répliqua Athéna, qui sentait une sorte de désespoir s'emparer d'elle. Et leurs corps sont fragiles, même si leur courage est grand.

Héphaïstos hésita tandis que, à l'extérieur, le tonnerre grondait encore avec plus de force. Et quand il répondit finalement, ce fut à mi-voix, comme s'il craignait que quelqu'un ne l'entende.

_Si tes chevaliers parviennent à trouver mon temple, je réparerai moi-même leurs armures. Je ne les aiderai pas plus, mais je ferai au moins ça, parce que tu es l'une des seules divinités que je respecte vraiment.

_Tu le promets ?

Il la regarda, et une flamme rouge traversa ses yeux sombres.

_Je le jure par le Styx.

Puis le forgeron divin se détourna et s'en fut en boitant. Athéna le suivit des yeux jusqu'à ce qu'il parvienne au rideau de lumière flamboyant. Puis il disparut et elle se retrouva seule. Totalement seule. La barrière que Zeus avait érigé autour de son temple l'empêchait même de sentir la présence de ses chevaliers. Ils auraient pu être déjà morts et elle ne l'aurait pas su.

Athéna fit quelques pas avant de se laisser tomber au pied d'une colonne, au milieu de ce temple si familier qui était brusquement devenu la pire des geôles. Enfermée dans le lieu même où elle aurait dû être la plus puissante. Quelle dérision. Elle ne se souvenait pas de s'être jamais sentie aussi faible qu'en cet instant. Zeus s'en était assuré.

Avec un frisson, elle revit le moment terrible, juste avant que des gardes ne l'emmènent jusqu'ici. Arès et Héra était parti et seul Zeus demeurait encore, sombre et fermé. Elle avait levé les yeux sur lui qui était son père et l'avait vu lever une main entourée d'un halo de lumière. Il avait effleuré son front et...

Il l'avait divisé. Il n'y avait pas d'autre mot. Il l'avait séparé en deux, sachant que cela lui ôterai l'essentiel de sa force. Elle n'aurait pas cru cela possible, même pour lui. Et maintenant, elle était incomplète. Il lui manquait une partie d'elle-même, une partie essentielle, et cette absence la rongeait.

Athéna mit sa tête entre ses mains entravées et sentit les larmes lui monter aux yeux. Son père n'accepterait pas d'être persuadé et, maintenant qu'elle avait constaté d'elle-même l'étendue de sa puissance, elle en venait à douter de tout.

Au dernier moment, elle était tout de même parvenue à transporter ailleurs son autre moitié. Au moins cela. Elle espérait que ses chevaliers la retrouveraient. Mais est-ce que cela serait suffisant ?

Le tonnerre gronda de nouveau tandis que, emprisonnée dans sa propre demeure, la déesse de la sagesse était envahie par la crainte.

*******

La tempête éclata véritablement quelques minutes plus tard, noircissant en un instant les nuages qui entouraient l'Olympe. Le vent hurlait le long des parois abruptes de la montagne éternelle tandis que la pluie glaciale venait s'écraser contre la roche, créant en un instant de véritables ruisseaux.

Et la foudre tombait partout, et le tonnerre grondait si fort que même les dieux dans leurs temples impérissables se demandaient si l'orage ne les emporterait pas avec lui.

Brûlant de la puissance conjuguée du Maître des Nuées et de la déesse des Ombres, les éclairs frappaient sans relâche, toujours plus violents, illuminant la nuit qui avait brusquement entouré l'Olympe.

Un éclair aveuglant tomba sur le chemin des chevaliers élémentaires qui venaient d'entamer leur ascension.

Un autre à proximité de l'endroit où Spartan avait été confronté aux chevaliers de platine.

Un autre encore à côté de June et Rigel, qui cheminaient péniblement sur le chemin.

Beaucoup sur les quatre chevaliers de bronze qui se dirigeaient vers le temple d'Aphrodite, mais Thor à la barbe rousse fit tournoyer son marteau Mjollnir et aucun ne les atteignit.

Et encore une myriade d'autre qui vinrent s'écraser partout, calcinant la pierre blanche et semant l'effroi parmi tous ceux qui se trouvaient là et qui se voyaient perdus dans une apocalypse sans fin.

Pas sans fin, non. Car, après un moment qui avait paru être une éternité, la tempête cessa. Les éclairs meurtriers cessèrent de tomber, le tonnerre ne gronda plus et la pluie s'arrêta. Après un instant, les nuages noirs et épais s'éclaircirent et bientôt, l'Olympe ne fut plus entouré que de son habituel manteau de brume.

Mais...

*******

Shun se retourna stupéfait. Où était-il arrivé ? Un instant auparavant, il y avait eu cette tempête terrible qui était apparue comme pour les submerger. Il se souvenait de la pluie battante qui leur fouettait le visage tandis qu'ils s'efforçaient de ne pas se perdre dans l'obscurité grandissante. Il se souvenait de Thor, bien droit au milieu d'eux, et dont le marteau pesant attirait tous les éclairs qui pleuvaient sur eux.

Et tout à coup, alors que l'orage terrible semblait enfin devoir décroître, il s'était retrouvé... ailleurs. Comme si une puissance inconnue l'avait téléporté. Mais où donc ?

Shun regarda autour de lui. Des murs blancs, des colonnes de marbre. L'ensemble ressemblait assez aux Maisons du Zodiaque qui se trouvaient au Sanctuaire, mais en infiniment plus majestueux encore. Il devait toujours se trouver quelque part sur l'Olympe, jugea-t'il.

_Mais de qui est-ce donc le temple ? demanda-t'il à voix haute.

_C'est le mien.

Shun pivota brusquement, ses chaînes à la main, prêt à se défendre contre toute attaque. Puis il s'immobilisa et écarquilla les yeux.

_Julian ?!

*******

Le ciel était de nouveau semblable à ce qu'il avait été avant la tempête: bleu pâle, strié d'épaisses volutes de brumes.

C'était bien la seule chose qui n'avait pas changé, observa Thor en son for intérieur.

Pour commencer, il avait perdu ses jeunes compagnons. Il était resté auprès d'eux tout au long de l'orage, les protégeant autant que possible, mais, au moment où les éclairs avaient enfin commencé à faiblir, ils avaient disparu subitement. Il avait beau étendre sa perception divine autour de lui, il ne parvenait pas à déceler leur présence.

Ensuite... Et bien, ensuite, le décor était très différent de ce qu'il avait été quelques instants seulement auparavant. Non que la tempête, aussi violente qu'elle ait été, ait causé beaucoup de dommage à la montagne éternelle. Mais les arc-en-ciels s'étaient brusquement multipliés, comme reflétés par une myriade de miroirs invisibles. Examinant ce qui l'entourait de sa vision acérée, Thor réalisa que les chemins chatoyants qui avaient relié chaque temple en une succession simple avaient brusquement perdus toute cohérence. Les arc-en-ciels innombrables s'entrecroisaient en un chaos éblouissant de couleur et il était impossible de discerner clairement où menait chacun d'entre eux.

Thor haussa les épaules. L'arc-en-ciel où il se trouvait actuellement aboutissait assez rapidement à un grand temple blanc, pour autant qu'il puisse en juger. Là-bas, il saurait bien obtenir des réponses à ses questions.

Plongé dans ses pensées, le dieu nordique de la foudre ne remarqua pas le grand faucon aux yeux orangés qui tournoyait au-dessus de lui.

*******

Rigel regarda autour de lui, incrédule. Que s'était-il passé ? Ils avaient été en train de gravir un sentier escarpé au moment où la tempête avait éclaté, menacant de les précipiter dans le vide. Et tout à coup, ils se retrouvaient au beau milieu d'un arc-en-ciel, aussi solide que la pierre au toucher et aussi large qu'une vaste avenue.

_La tempête a dû nous téléporter d'une façon ou d'une autre, observa tout à coup June, qui était restée silencieuse jusque là. Mais je pense que ce n'était qu'un effet secondaire.

_Tu crois que tous ces éclairs étaient dirigés contre les cinq chevaliers divins ? demanda Rigel, se remettant finalement de son choc.

June resta silencieuse un instant, comme si elle réfléchissait.

_Non. Ou, du moins, ils n'avaient pas pour but de les tuer. Tant que Thor accompagne les chevaliers divins, ils n'ont pas grand-chose à redouter des orages, et les dieux de l'Olympe le savent certainement. S'ils ont également été téléporté, cela les rendra peut-être plus vulnérables. Mais j'ai le sentiment que tout ceci avait un autre...

June s'interrompit brusquement et saisit le fouet accroché à sa ceinture. Interloqué, Rigel se retourna pour voir ce qu'elle avait vu. Puis il écarquilla les yeux, stupéfait.

A moins d'une centaine de mètres de l'endroit où ils se trouvaient, une trentaine d'hommes en armure étaient en train de poursuivre une jeune femme qui s'enfuyait dans leur direction. Ils semblaient gagner du terrain rapidement. La jeune femme portait une longue robe blanche qui gênait sa course éperdue et... elle avait de longs cheveux violets ?

June réagit presque instantanément, passant de l'immobilité totale à la vitesse du son en une fraction de seconde. Les gardes avaient presque rattrapé celle qu'il poursuivait. L'un d'entre eux tendait déjà la main pour l'agripper. Le fouet d'acier claqua et la main se détacha du poignet dans une gerbe de sang. L'homme s'écroula en arrière en hurlant, étreignant son moignon rouge. Mais June ne s'arrêta pas un instant. S'interposant entre la jeune femme et ses poursuivants, elle fit décrire à son fouet un arc de cercle protecteur, forçant les gardes à reculer.

_Attaquez-la en masse, cria brusquement l'un d'entre eux, s'efforçant de rallier ceux qui l'entouraient devant cet obstacle imprévu. Nous ne devons pas laisser s'échapper...

_Par la Lance d'Orion !

Le trait d'énergie orangée fusa si vite qu'il en fut imperceptible et percuta l'homme de plein fouet avant même qu'il n'ait pu achever sa phrase. L'impact le propulsa en arrière et au-delà du rebord de l'arc-en-ciel où il disparut sans un cri.

L'instant d'après, Rigel parvenait au côté de June, maudissant intérieurement sa jambe blessé qui l'empêchait de se déplacer rapidement. Visiblement épuisée après la course qu'elle avait dû soutenir, la jeune femme aux cheveux violets s'était effondrée presque sans connaissance. Il n'avait pas le temps de s'occuper d'elle pour le moment. Ils devaient se concentrer avant tout sur sa protection. Le chevalier du Caméléon décrivait toujours des arabesques meurtrières de son fouet métallique, maintenant les gardes à une distance de cinq mètres. Mais ces derniers ne semblaient pas décidé à renoncer si facilement à celle qu'ils poursuivaient, et Rigel n'était pas certain que June et lui sauraient résister à une attaque en masse. Même s'ils avaient été surpris par leur intervention, ce n'étaient pas là des hommes ordinaires. Il sentait clairement qu'ils disposaient tous d'un certain cosmos, bien que restreint. Et, blessé comme il l'était, il ne pourrait pas aider June efficacement lorsqu'ils décideraient d'attaquer tous ensemble. Si seulement ils pouvaient donner une chance de s'enfuir à...

_Par l'Ange de la Vengeance !

Il y eut une déflagration et une explosion de lumière aveuglante qui obligea Rigel à se protéger les yeux de la main. L'instant d'après, près de la moitié des gardes qui leur avaient fait face gisaient au sol, leurs armures en morceaux, morts pour la plupart. Au milieu du carnage se tenait un enfant d'une dizaine d'années aux cheveux noirs, vêtu d'une simple tunique blanche et enveloppé d'une aura flamboyante.

Les gardes survivants battirent en retraite en désordre, paniqués, mais ils n'eurent pas le temps d'aller très loin...

_Magnetic Distortion !

Un globe magnétique apparut de nulle part et se referma sur eux alors qu'ils s'enfuyaient. L'espace se déforma. Il y eut un seul hurlement, coupé net. Puis plus rien, hormis les cadavres broyés des fuyards, dont le sang venait se mêler au rouge de l'arc-en-ciel.

Rigel secoua la tête pour s'éclaircir l'esprit. Quelques secondes seulement s'étaient écoulées, mais trente hommes venaient de trouver la mort dans ce laps de temps. En deux attaques seulement. Ganymède lui sourit et Rigel étouffa un grognement. Il aurait dû être mort ! Pourquoi était-il ici ?

Un autre homme, la peau pâle, revêtu d'une armure étrange, s'avança vers eux. Rigel ne le reconnut pas immédiatement. Il avait l'air d'un chevalier d'Athéna, mais...

_Spartan ?

L'intéressé répondit d'un sourire hautain.

_Vous avez de la chance que cette tempête m'ait transporté par ici ou vous ne vous en seriez pas sorti. Maintenant, écarte-toi de mon chemin, chevalier de bronze.

_D'où que tu sortes, tu n'as pas d'ordre à me donner, rétorqua Rigel sans se laisser démonter. Même si toi et les autres chevaliers d'argent avez été abusé par Saga, je ne me souviens pas de t'avoir vu prêter serment à Athéna par la suite.

_Taisez-vous tous les deux, interrompit sèchement June alors que Spartan s'apprêtait à répondre. Il y a plus urgent que vos disputes ridicules.

Brusquement rappelé à la réalité, Rigel se retourna vers la jeune femme aux cheveux violets. Elle semblait avoir reprit connaissance, mais n'avait toujours pas fait le moindre geste pour se relever. Des larmes se voyaient sur ses joues. June s'approcha d'elle et s'agenouilla à ses côtés.

_Déesse Athéna...

_Saori, murmura la jeune femme.

June inclina la tête sur le côté, visiblement interloqué.

_Qu'est-ce qu'elle veut dire par là ? demanda Ganymède, qui avait rejoint Rigel.

L'intéressé allait hausser les épaules en signe d'ignorance quand Spartan les écarta tous les deux d'un geste impérieux et vint à son tour s'agenouiller devant la déesse, une statuette à la main.

_Déesse Athéna, fit-il d'un air avantageux, moi, Spartan de Pyxis, vous ai apporté votre armure divine afin que vous puissiez mener votre guerre contre les dieux de l'Olympe.

_Je ne suis pas Athéna !! hurla brusquement la jeune femme, relevant la tête et écartant la statuette d'un revers de main.

Son visage était blanc et ses yeux dilatés. Ses mains tremblaient et sa respiration était haletante.

_Je ne suis pas elle, vous entendez ?! Pas elle !! Juste Saori !! Elle n'est plus là !! Elle est partie, perdue !! Il n'y a plus rien, je suis vide !! Laissez-moi tranquille !!

Confronté à une adolescente en pleine crise d'hystérie alors qu'il s'était attendu à être couvert d'honneur par une déesse, Spartan battit précipitamment en retraite, médusé. Rigel, la mâchoire entrouverte, ne savait pas plus comment réagir, et Ganymède lui-même paraissait interloqué. Plus Athéna ? Comment était-ce possible ?

Ce fut June qui prit les choses en main.

Il y eut un claquement sec. Dans le silence désormais total, Saori porta lentement une main à sa joue écarlate, sous les regards incrédules de Spartan, Rigel et Ganymède.

_Vous devez vous reprendre, Saori, dit June d'une voix autoritaire. Même si l'essence d'Athéna ne vous habite plus pour le moment, vous demeurez sa réincarnation. Les chevaliers du Sanctuaire ne vous abandonneront pas, mais vous devez garder le contrôle de vous-même ou nous sommes tous perdus.

Saori resta longuement silencieuse, avant d'esquisser finalement un pâle sourire.

_Deux gifles en une journée... Je suppose que je méritais plus celle-ci que la précédente...

Puis elle releva la tête et, avec soulagement, ses chevaliers purent voir qu'elle avait retrouvé une forme de calme. Ses yeux avaient perdus leur expression démente et sa respiration était redevenu presque normale.

_J'ai besoin d'un peu de temps pour remettre de l'ordre dans mon esprit, fit-elle à mi-voix. Mes souvenirs sont très confus.

Sortant brusquement de son état d'ébahissement, Rigel bondit sur l'occasion.

_ Bien sûr. June, est-ce que tu peux t'occuper de mademoiselle Saori ?

Le chevalier du Caméléon hocha la tête.

_Parfait, fit Rigel avant de faire signe à Spartan et Ganymède. Vous deux, venez avec moi. J'aimerais bien avoir quelques explications.

Les deux intéressés acquiescèrent, Spartan d'un air renfrogné, Ganymède avec son sourire habituel.

_Maintenant, j'apprécierais que vous me racontiez de quoi il retourne et d'où vous venez, fit Rigel une fois qu'ils se furent éloignés de quelques mètres.

_Je n'ai pas à me justifier devant toi, rétorqua Spartan avec hauteur. Tu oublies ton rang.

_Et toi, tu oublies que j'ai tous les droits de te considérer comme un renégat et un traître envers Athéna. Je reconnais que ton apparition à l'instant était opportune, mais elle l'était justement un peu trop. Où étais-tu passé depuis la bataille du Sanctuaire ?

Spartan parut réfléchir, comme s'il hésitait à fournir une explication ou non.

_Je ne me suis pas présenté devant Athéna après la bataille du Sanctuaire parce que je craignais qu'on ne me rende coupable de crimes que je n'avais pas commis, finit-il par dire. J'ai beaucoup erré à travers le monde et j'ai rassemblé un certain nombre d'information. Je suis revenu en apprenant que l'Olympe avait déclaré la guerre au Sanctuaire, et j'ai décidé d'apporter son armure à Athéna. En chemin, j'ai été attaqué par deux hommes et deux femmes aux armures bizarres. Si jamais nous les croisons, je te suggère d'engager le combat sans essayer de parlementer.

Fronçant les sourcils, Rigel tourna la tête vers Ganymède.

_Et toi ?

Ganymède haussa les épaules avec un sourire désarmant.

_Vous n'êtes pas heureux de me revoir, chevalier Rigel ?

_Je dissimule ma joie, rétorqua le chevalier d'Orion avec une ironie tranchante. J'aimerais surtout savoir comment tu peux être encore en vie alors que je t'ai senti mourir face à Kanon.

Ganymède prit l'air évasif.

_Je ne suis pas sûr. Je suis mort, c'est vrai, mais la mort était étrange. Je n'ai pas eu l'impression de disparaître. Il me semblait flotter dans une sorte d'univers sans forme et sans fin. Et puis, lorsque la tempête s'est déclenché, cela m'a brusquement fourni une issue et je suis revenu. L'instant d'après, je me trouvais devant le palais de Zeus, juste à côté de Geste.

_Tu crois que je vais avaler ça ? fit Rigel, incrédule. Même si c'était vrai, pourquoi aurais-tu attaqué des serviteurs de Zeus pour nous aider ?

_Je n'ai jamais éprouvé une très grande fidélité à l'égard de Zeus, répondit Ganymède en écartant les bras. Et j'ai décidé de finalement suivre un conseil qu'on m'avait donné dans ma précédente vie et de rencontrer Athéna.

_Cela ne me dit pas bien comment tu as pu ressusciter.

Ganymède sourit sans répondre. Mais, derrière ses yeux au calme limpide, il revoyait ce qui s'était passé lorsqu'il était revenu à la vie. Il entendait de nouveau les paroles de Geste avant qu'il ne parte.

(Ne me prends pas pour un idiot, Gany. Tu as peut-être échappé à la mort cette fois-ci, mais si tu vas aider Athéna, je te tuerai la prochaine fois que nous nous verrons.)

Et la réponse qu'il lui avait faite.

(Je me suis réincarné à travers ce qui restait de ta personnalité bonne, Geste. Tu peux reprendre ma vie quand tu le voudras. Je ne pense pas que cette seconde existence dure très longtemps de toutes façons.)

Rigel finit par détourner le regard, agacé par toutes les questions qui lui habitaient l'esprit et auxquelles il ne recevait aucune réponse. Il fit le geste d'aller rejoindre June, puis esquissa une grimace de douleur quand une onde de douleur lui parcourut la jambe.

_Vous ne devriez pas vous déplacer avec une blessure pareille, chevalier Rigel ! s'exclama Ganymède. Vous pourriez rester infirme par la suite.

_Grâce à qui ? grommella l'intéressé, de la sueur lui perlant sur le front.

Mais Ganymède ne parut pas entendre. Il s'était baissé et avait posé une main sur la jambe blessée.

_Chevalier, fit-il en se tournant vers Spartan, pourriez-vous utiliser vos pouvoirs de psychokinésie pour m'aider ?

Le chevalier d'argent eut une moue agacée, mais s'exécuta. Rigel sentit une force invisible entourer sa jambe. Au même instant, la main de Ganymède se mit à briller avec éclat.

_Par l'Ange de la Guérison, l'entendit-il murmurer.

Une vague de chaleur parcourut sa jambe et il se sentit très faible. Puis tout disparut. Ganymède se releva. Spartan s'éloigna de quelques pas, l'air indifférent. Rigel baissa les yeux. La blessure s'était refermée. Il ne restait qu'une vague cicatrice, à peine visible, qui semblait remonter à des années. Il releva la tête et voulut dire quelque chose, mais, à ce moment-là, Saori et June les rejoignirent.

_J'ai pris ma décision, dit Saori d'un ton impérieux.

La jeune femme n'avait plus grand-chose de commun avec son état quelques instants seulement auparavant. Son visage était de nouveau ferme et résolu et, bien qu'elle n'ait plu la majesté divine qui l'entourait habituellement, elle avait retrouvé toute la fierté hautaine qu'elle possédait avant même d'apprendre qu'elle était Athéna. La statuette qui était son armure divine se trouvait dans sa main droite.

_Ma moitié divine se trouve enfermé dans mon temple, poursuivit-elle d'un air décidé. De plus, c'est certainement le meilleur endroit pour regrouper toutes les forces du Sanctuaire si elles ont également été dispersées par la tempête. C'est donc là que nous nous dirigerons. Des observations ?

Il n'y en eut aucune. Même Spartan n'émit pas la moindre objection. Saori hocha la tête, satisfaite.

_Allons-y.

*******

_Je ne vois vraiment pas pourquoi tu réagis comme ça.

Shun eut un sourire mi-amusé mi-nerveux. Face à lui se tenait Julian, revêtu de son armure dorée, son long trident à la main. Aucune raison de réagir ainsi, vraiment...

_Il est inutile d'avoir peur, chevalier Andromède, intervint à son tour Thétis qui se tenait aux côtés de son maître.

_Vraiment ? fit Shun avec défiance. Je suis face à l'ennemi juré de la déesse que je sers, mais il est inutile d'avoir peur ?

Julian écarta les mains.

_Je porte peut-être cette armure et ce trident, mais je ne suis pas Poséidon, seulement Julian Solo. Et je ne suis pas non plus l'ennemi d'Athéna, ni le tien.

Shun fronça les sourcils, méfiant.

_Que viens-tu faire ici, alors ?

_L'urne où repose l'âme de Poséidon a été dérobé, expliqua Julian avec calme. Thétis est venue m'en informer et nous sommes partis pour l'Olympe. Je ne sais pas si c'est l'un des dieux qui s'est emparé de cette urne, mais cela me concerne, d'une façon ou d'une autre.

Shun baissa légèrement sa garde. Cela paraissait convaincant. Mais il ne pouvait pas se permettre d'être trop confiant. Les enjeux étaient trop élevés depuis qu'Athéna avait été enlevée.

_Pourquoi cherches-tu donc à récupérer cette urne si ce n'est pas pour l'ouvrir ?

Julian le regarda avec intensité.

_Je pensais que tu étais le mieux placé pour comprendre. Je veux récupérer cette urne pour m'assurer qu'elle ne soit pas ouverte. Si cela arrivait, l'esprit de Poséidon prendrait de nouveau le dessus sur le mien et m'asservirait de nouveau. Je n'aurais plus d'esprit propre et plus de libre-arbitre. Poséidon utiliserait de nouveau mon corps pour commettre tous les actes qu'il voudrait...

Shun cessa brusquement d'entendre la voix de Julian. Il avait un étrange bourdonnement aux oreilles et son coeur cognait à tout rompre dans sa poitrine. Sa vue s'était obscurcie et il ne distinguait plus rien autour de lui. Son armure l'écrasait d'un poids terrible. Qu'est-ce qui lui arrivait tout à coup ?

_Shun ?

La voix était tellement distante. Il ne parvenait même pas à la reconnaître. Qui était-ce donc ? Sa peau était tellement froide. Il se sentait tellement faible.

_Shun, respire !

Un choc électrique le traversa brusquement. Sous l'effet de la douleur, Shun ouvrit la bouche et prit une inspiration subite. Les ténêbres qui l'entouraient se dissipèrent quelque peu et il put voir de nouveau. Julian était juste devant lui et le regardait avec préoccupation.

_Shun, tu m'entends ?

_Qu'est-ce qui... m'arrive...? parvint-il à articuler, la voix pâteuse.

_J'aurais dû y penser, fit distraitement Julian en se mordant les lèvres. Même si les arc-en-ciels ne suivent plus le parcours habituel pour le moment, ce temple-ci reste très près de celui d'Hadès. Et la tempête a peut-être accéléré le processus.

_De quoi est-ce que tu parles ? demanda Shun, qui se forçait à respirer calmement.

Julian le regarda un instant, comme hésitant à lui confier ce qu'il savait.

_Hadès est mort, finit-il par dire. Vous avez détruit son corps d'origine. Je ne sais pas si son esprit se réincarnera un jour, mais, si c'est le cas, ça n'arrivera probablement pas avant des siècles. Le royaume des morts ne peut pas rester sans gardien tout ce temps-là.

_Comment... comment est-ce que tu le sais ? interrogea Shun, s'efforçant de réfléchir logiquement.

_Même si mon corps n'abrite plus son âme, j'ai conservé une bonne partie des connaissances et des pouvoirs de Poséidon, répondit Julian avec un geste évasif. Ce n'est pas important. Ce qui est important, c'est que le royaume des morts s'efforce de trouver quelqu'un qui tienne le rôle d'Hadès, quelqu'un d'aussi proche de lui que possible. Et tu as été sa réincarnation...

Shun voulut répondre quelque chose mais n'y parvint pas. Les mots s'entrecroisaient dans son esprit et il ne parvenait plus à réfléchir. C'était... C'était...

Ses yeux roulèrent dans leurs orbites et, dans un grand fracas métallique, Shun, chevalier Andromède, s'effondra au sol.

*******

Encore un autre arc-en-ciel au flanc de l'Olympe, si gigantesque que les deux chevaliers qui sont en train d'y avancer n'en voient ni le début ni la fin. Mais cela ne les effraie nullement, parce qu'ils ont déjà connu bien d'autres épreuves. Ils ont affrontés des dieux et sont ressortis vivants des enfers, comme seuls les plus grands héros peuvent espérer le faire.

L'inquiétude n'est pas absente de leurs coeurs pour autant, mais c'est de l'inquiétude pour leurs compagnons, qu'ils ont perdus, et pour leur déesse, qu'ils vont secourir. La route devant eux paraît si longue et le temps est si court... Un homme les conduit, porteur d'une lyre fracassée, mais lui-même ne semble plus tellement savoir où diriger ses pas.

_Est-ce que tu es bien sûr de ton chemin, Euterpe ? demanda Seiya, au bout d'un moment.

L'intéressé haussa les épaules.

_Non. Cette tempête a perturbé totalement les chemins habituels qui existent entre les temples. Si ça se trouve, celui-ci nous ramène en fait au temple d'Hestia. Ou peut-être qu'il mène directement à la demeure de Zeus, encore que cela serait surprenant.

_Est-ce que tu penses que les choses redeviendront normales bientôt ? demanda à son tour Shiryu.

Euterpe eut un sourire amusé.

_Au risque de te surprendre, nous n'avons pas tous les jours des tempêtes comme celle-là. Je n'en ai pas la moindre idée. Je...

Il s'interrompit brusquement. Un homme en armure était apparu à quelque distance devant eux et semblait les attendre, les bras croisés.

_Tiens ! s'exclama Seiya. Je croyais que les serviteurs de Zeus nous avaient oubliés !

_Nous n'aurons pas cette chance, fit Shiryu, fronçant les sourcils. C'est curieux, sa silhouette me dit quelque chose.

_Ca n'a rien de très étonnant, observa Euterpe. C'est Achille, l'un des membres de la garde rapprochée d'Arès. C'est lui qui a enlevé Athéna pendant que ce pauvre Doriens...

Il s'interrompit brusquement sous le regard enflammé de Seiya.

_Quoi ? C'est lui qui...

Puis Seiya se détourna et se mit à courir à pleine vitesse en direction du berseker qui s'était mis en garde. Son cosmos bleuté s'était enflammé avec force autour de lui sous l'effet de la colère subite qui l'avait saisi et il ne ralentit même pas au cri de Shiryu.

Il y eut une déflagration assourdissante au moment où le chevalier et le berseker se rencontrèrent, et l'explosion de lumière qui s'ensuivit dissimula un instant le combat qui débutait. Lorsque Shiryu, suivit d'Euterpe, arriva finalement en courant, les deux adversaires avaient déjà échangé plusieurs coups, sans que l'un des deux ne prenne un avantage décisif. Seiya avait une plaie ouverte au bras. Euterpe avait perdu son casque. Chacun tournait lentement autour de l'autre en une sorte de ballet meurtrier, guettant une ouverture, une faiblesse.

_Tu es bien agressif, chevalier d'Athéna, fit tout à coup le berseker. Je croyais qu'une des tradition de votre ordre était de se présenter avant de s'en prendre à quelqu'un d'autre.

_Je sais déjà tout ce que j'ai envie de savoir à ton sujet, cracha Seiya avec fureur. C'est toi qui a enlevé Athéna comme un lâche en violant l'asile du temple d'Hestia. Rend-toi et dis-moi où elle se trouve, ou prépare-toi à payer !

_Athéna est entre les mains de Zeus, fit le berseker d'un air moqueur. Et toi, tu ne vas nulle part hormis vers l'autre monde. Je suis Achille, de la garde rapprochée d'Arès, et je vais te découper en petits morceaux que je jetterai aux vautours.

_Achille, dis-tu ? C'est amusant.

La voix était...froide, remplie d'une colère contenue qui ne demandait qu'à éclater. Surpris un instant, les deux adversaires se retournèrent. Un homme était apparu à quelques mètres d'eux seulement, une lyre de bois précieux à la main. Grand, le visage fin, il avait de longs cheveux blonds et bouclés qui lui incendiaient le dos et ses yeux étaient d'un bleu perçant. Il portait une magnifique armure d'or brunie, ciselée de gravures délicates sur toute sa surface. Etrangement, elle recouvrait la totalité de son corps à l'exception de sa cheville gauche, qui n'avait aucune protection. L'homme regardait fixement le berseker qui disait s'appeler Achille, et une rage sourde se lisait en lui.

_Qui es-tu ? demanda le berseker avec agacement.

_Je suis un homme qui revient des Enfers où il est resté depuis une éternité. Et, toi, tu es un homme qui a usurpé un nom qu'il n'a pas mérité.

Euterpe laissa brusquement échapper un grognement étouffé et ses yeux s'écarquillèrent de stupéfaction. Avec un sourire sinistre, l'homme blond lui lança la lyre qu'il portait. Le serviteur d'Apollon était tellement choqué qu'il faillit ne pas la rattraper.

_Tiens, Euterpe, joue-donc quelque chose d'approprié. Une marche funèbre, par exemple.

_Une minute ! C'est mon combat ! s'exclama Seiya tandis que le berseker d'Arès s'empourprait de colère.

_Plus maintenant, rétorqua simplement l'inconnu. Mais ne crains rien, je t'en offrirai un autre très bientôt.

_Qui es-tu, à la fin ?! s'emporta le berseker.

_Je pensais que cela crevait les yeux.

Le serviteur d'Arès fronça les sourcils, sans comprendre. Brusquement, son visage devint blême comme un linceul.

_Tu...

Il y eut un mouvement, si rapide qu'il parut presque instantané. Un instant, l'homme blond se tenait immobile, à quelques mètres du lieu du combat interrompu. L'instant suivant, il se tenait juste devant le berseker, et son doigt tendu l'avait frappé en plein front. Il y eut une seconde de silence. Puis le serviteur d'Arès s'effondra en arrière dans un râle étranglé, les yeux révulsés, comme une marionnette dont on aurait brusquement sectionné les fils. Le silence revint, étouffant.

_D'un seul coup, murmura Seiya, les yeux écarquillés par la surprise.

_Un coup est suffisant, répondit l'homme d'un air tranquille.

_Mais ça n'est pas possible ! s'emporta le chevalier Pégase. Tu l'as seulement effleuré du doigt !

L'homme blond haussa les épaules.

_C'était un coup à la vitesse de la lumière. Il avait perdu son casque, et il était tellement abaourdi qu'il n'a pas eut le réflexe d'esquiver ou de se protéger de son cosmos. J'aurais pu lui arracher la tête sans trop de mal.

Puis un sourire se dessina sur ses lèvres, très différent du rictus cruel qu'il avait eu devant le berseker.

_Mais je réalise que je ne me suis pas présenté. Je suis le seul et unique Achille, bien entendu, le fils de Thétis et de Pélée.

Les deux chevaliers d'Athéna ouvrirent de grands yeux, stupéfaits, mais le héros légendaire ne sembla pas le remarquer, comme s'il s'attendait à ce genre de réaction.

_La tempête déclenchée par Zeus m'a ramenée à la vie... avec quelques autres, mais vous n'avez plus à vous en soucier, c'est moi qui m'occuperait de vous tuer.

_Tu sers donc Zeus ? demanda Shiryu, reprenant ses esprits.

Achille eut une moue dédaigneuse.

_Je ne suis pas un de ses larbins, si c'est ce que tu veux dire. Mais je lui dois malgré tout un peu de reconnaissance pour m'avoir permis de quitter les enfers. Est-ce que vous êtes prêts à combattre ?

_Pour sauver Athéna, nous affronterons tout l'Olympe si c'est nécessaire ! s'emporta le chevalier du Dragon. Héros ou pas, nous ne te laisserons pas nous barrer le chemin ! Rozan Sho Ryu...

Un choc sourd, un cri déchirant. Avant même que Shiryu n'ait pu achever son attaque, Achille était apparu devant lui, lui immobilisant le bras droit d'une main tandis que l'autre le percutait au niveau du coeur. Crachant du sang, le chevalier du Dragon s'écroula, comme privé de toute force.

_Sans vouloir être désagréable, il fallait être idiot pour vouloir m'attaquer avec une attaque aussi imparfaite, observa calmement le fils de Thétis devant son adversaire à terre. C'était tellement évident que j'ai cru un instant que c'était une feinte.

_Shiryu ! s'exclama Seiya, désemparé.

_Vous avez de la chance d'avoir des armures si solides, observa Achille en se tournant vers lui. Ca va vous permettre de survivre quelques minutes de plus.

_On va voir ça ! s'écria le chevalier Pégase, fou de rage. Pegasus Ryu Sei Ken !

Une myriade de coups partirent dans la même fraction de seconde en un faisceau de rayons bleutés, tous aussi rapides que la lumière. Mais Achille ne fit pas le moindre mouvement pour esquiver. Seules ses mains bougèrent, avec une rapidité telle qu'elle semblèrent se multiplier par mille l'espace de ce moment. Aucun des coups de Seiya ne franchit cette barrière. Puis, alors que la force du Ryu Sei Ken commençait à décroître, Achille bondit brusquement dans les airs. Désorienté, son adversaire cessa son attaque devenue inutile et ramena ses bras devant son visage juste à temps pour encaisser un coup de pied terrible qui le projetta jusqu'au bord de l'arc-en-ciel.

_Tu ne pourras jamais m'atteindre avec des coups aussi prévisibles ! s'écria Achille, repartant immédiatement à l'attaque après s'être reçu sur le sol.

Etendu sur la partie violette de l'arc-en-ciel, presque tétanisé par le choc, Seiya s'efforça en vain de se relever pour éviter le poing d'Achille. Il était déjà trop tard, l'attaque allait le percuter de plein fouet et le faire chuter dans le vide. Seiya fit un effort désespéré.

Il y eut un choc violent.

Achille haussa légèrement les sourcils, visiblement surpris. Shiryu était apparu devant lui au tout dernier moment, et son poing était venu se heurter au bouclier indestructible du Dragon.

_Puisque mon attaque précédente était imparfaite, gronda Shiryu, enflammant son cosmos jusqu'à sa limite, en voici une autre ! Rozan Ryaku Ryu Ha !!

Il y eut une explosion d'énergie terrible alors que les cent dragons de Rozan fondaient sur leur proie pour la déchiqueter entre leurs griffes, et la force dégagée fut telle qu'elle fit vibrer la surface chatoyante de l'arc-en-ciel. Mais...

_Pas suffisant !!

Interrompant brusquement son offensive, Shiryu leva la tête, pris au dépourvu. Achille était au-dessus de lui. Il avait bondi avant même que l'attaque ne l'atteigne. Le chevalier du Dragon réalisa qu'il était totalement à découvert. Il était déjà trop tard. Achille referma ses jambes autour de son coup en un ciseau parfait avant de basculer en arrière et de le catapulter à une dizaine de mètres.

_Mais c'était tout de même mieux que la première fois, reconnut-il en se relevant. Malheureusement pour toi, il est déjà rare que je me fasse toucher une fois par une attaque donnée. Alors deux...

Il allait s'avancer vers le chevalier étendu au sol pour l'achever quand deux bras se refermèrent autour de ses épaules, l'immobilisant.

_Le combat ne fait pourtant que commencer ! dit Seiya, en embrasant à son tour son cosmos. Tu n'esquiveras pas ce coup-là ! Pegasus Rolling...

Il n'eut pas le temps d'achever. Se tordant sur le côté avec la vivacité d'un serpent, Achille passa un bras autour de la taille de son adversaire et le déséquilibra avant de le projeter à son tour au sol. Surpris, le chevalier Pégase eut tout de même le réflexe de rouler sur lui-même avant de se relever, prêt à se défendre. Mais, pour une fois, Achille n'enchaîna pas sur une nouvelle attaque. Il avait l'air songeur.

_Vous n'êtes pas encore au point, observa-t'il pensivement. Vous avez de l'énergie et de la volonté à revendre, mais il vous manque toujours le sens tactique qui fait les plus grands guerriers. Vous comptez trop sur la puissance de votre cosmos. C'est un défaut important. Et pourtant, vous coopérez bien ensemble dans le combat. Vous n'hésitez pas à risquer chacun votre vie pour protéger l'autre.

Shiryu se releva à son tour et vint rejoindre son ami, tout aussi surpris que lui. La fougue du combat semblait avoir momentanément abandonné Achille pour être remplacée par une certaine mélancolie.

_J'avais un ami, aussi, à une époque, murmura le héros d'une voix à peine audible. C'était il y a... tellement longtemps...

*******

Encore un temple. Grand, massif, tout de marbre blanc. Aucun signe extérieur ne venait indiquer quel était le dieu qui y résidait. Mais, d'une façon ou d'une autre, il faudrait le traverser pour pouvoir atteindre n'importe lequel des autres arc-en-ciels.

_Hyoga !

L'interpellé se retourna précipitamment, embrasant son cosmos par la même occasion, mais il relâcha sa garde en voyant de qui il s'agissait. Shina, Algébia et Sayan était en train d'arriver vers lui.

_Comment est-ce que vous êtes arrivé ici ? demanda-t'il une fois qu'ils l'eurent rejoint.

_Probablement de la même façon que toi, répondit Shina avec un rictus amusé. Un instant, nous étions tranquillement en train d'avancer le long d'un de ces arc-en-ciel. L'instant d'après, cette tempête nous arrive de nulle part. Et l'instant encore après, elle est terminée mais nous ne sommes plus au même endroit.

_Sans compter que nous avons apparemment perdu Sylphia et Meyastes par la même occasion, ajouta Algébia, l'air pensif.

_Au moins, vous êtes resté ensemble tous les trois, observa Hyoga. Je me suis retrouvé complètement seul à l'arrivée. Si le but de cette tempête était de nous diviser et de nous disperser, c'est plutôt réussi.

_Ce n'était pas le but principal, fit une voix caverneuse.

Les quatre chevaliers se retournèrent simultanément. Un homme était apparu sur le fronton du temple blanc. D'une stature colossale, il dépassait aisément les deux mètres et il était d'une largeur d'épaule stupéfiante. Il avait des cheveux bruns et une barbe fournie. Une armure jaune-orangée recouvrait la quasi-totalité de son corps, le casque évoquant la tête d'un lion monstrueux. L'homme les regardait avec un rictus dédaigneux, les bras croisés.

_Et quel était donc ce but principal ? demanda Hyoga d'un air de défi.

Le géant eut un grognement qui aurait pu être interprété comme un rire bref avant de décroiser les bras et de s'avancer vers eux.

_Le but était de me permettre de revenir dans le monde des vivants afin que je puisse repeindre l'Olympe en rouge avec le sang des chevaliers d'Athéna.

_Ah ! Viens, si tu penses avoir une chance de réussir !

Hyoga invoqua son cosmos et des cristaux de glace translucide se répandirent dans l'air, refroidissant la température autour de lui et couvrant le sol d'une fine couche de givre. Une aura blanche vint le recouvrir, dessinant la forme du cygne derrière lui.

_Tu appelles ça un cosmos ? demanda le géant avec un sourire désagréable. Un peu risible, sans vouloir te froisser...

Hyoga fronça les sourcils, agacé. Il allait déclencher l'Exécution de l'Aurore et on verrait bien si... Il écarquilla soudain les yeux. Cette sensation terrible ! Un cosmos écarlate était apparu de nulle part pour envelopper l'homme face à lui. Un cosmos d'une intensité effrayante, qui brûlait comme un soleil ensanglanté et destructeur, chargé de violence et de force. Pris au dépourvu, Hyoga ne put s'empêcher de faire un pas en arrière. Jamais il n'avait ressenti autant de puissance dans un adversaire mortel. Ce cosmos semblait vouloir rivaliser avec celui des dieux !

_C'est déjà remarquable que tu sois arrivé jusqu'ici, grogna l'homme en se mettant en garde, mais ça n'était dû qu'à la chance et ta chance s'arrête maintenant. Tu ne sauras même jamais à qui appartient ce temple derrière moi. Apprends pour ton malheur que je suis Héraclès, fils d'Alcmène et du Maître des Cieux.

Hyoga se tendit, pris au dépourvu par la révélation. Héraclès ? C'était insensé ! Mais il devait se reprendre ou...

_Un instant !

Une voix, claire et décidée. Hyoga cligna des yeux. Sayan, Algébia et Shina venaient de s'interposer entre lui et son adversaire surpuissant.

_Que vous soyez le véritable Héraclès ou non, nous ne vous laisserons pas vous en prendre à lui sans réagir, dit Sayan d'un air résolu.

Un rictus sceptique apparut sur le visage du géant.

_Corrigez-moi si je me trompe, mais est-ce que vous n'étiez pas sensé ne plus intervenir jusqu'à la fin de cette guerre ?

_C'est ce que croit Zeus, répliqua Algébia en souriant ironiquement. Mais il se trompe. Nous n'avons fait aucune promesse à ce sujet, ce sont nos ancêtres qui ont donné leur parole. Tant qu'ils n'interviennent pas directement, nous sommes libres d'agir. Et nous avons toujours à notre disposition tout ce que nous avons appris d'eux.

_Ce qui veut dire que tu ferais bien de battre en retraite, fils de Zeus ou pas, poursuivit Shina aggressivement.

Il y eut un silence. Puis Héraclès rejetta la tête en arrière et éclata d'un rire tonitruant qui fit vibrer les colonnes du temple derrière lui.

_Très subtil, très subtil. Mais...

Il cessa de rire et concentra son cosmos entre ses mains.

_Sans les chevaliers élémentaires pour guider vos mouvements, vous n'êtes que des gamins devant ma force ! Vous pourriez bien être mille que cela ne changerait rien !

Aveuglés par la concentration incroyable d'énergie qui se créait, les quatre chevaliers qui lui faisaient face s'efforcèrent de se protéger les yeux, incapable de distinguer encore leur adversaire.

_Par la massue de chêne !

La déflagration fut incroyable, comme si deux mondes étaient entrés en collision à l'instant où ces mots avaient été prononcés. Le choc fit trembler le sol de pierre, le temple blanc, et même l'arc-en-ciel qui se trouvait à proximité parut vaciller un instant sous l'impact. La destruction engendrée souleva un nuage de poussière qui masqua la scène l'espace d'un instant. Et, quand il se dissipa finalement, les corps inconscients de Sayan, Algébia et Shina gisaient sur le sol fracassé, leurs armures couvertes de profondes fissures.

_Et voilà, grogna Héraclès avec satisfaction. La prochaine fois... Mais...

De la glace. De la glace épaisse qui recouvrait son corps, l'emprisonnant jusqu'à la poitrine. Il ne l'avait pas ressenti immédiatement, protégé qu'il était par son armure.

_A quoi sert-il d'avoir une telle force si tu ne peux pas toucher ton adversaire ? ironisa une voix derrière lui.

Une fureur intense s'empara du demi-dieu, embrasant son cosmos avec plus d'intensité encore que l'instant d'avant. Il y eut un bref flamboiement, puis la glace qui le retenait se désintégra et Héraclès se retourna vers son adversaire, menaçant.

_Je t'ai manqué uniquement parce que tu n'étais pas ma seule cible, gronda-t'il. A présent, je vais te réduire dans un tel état que même ta déesse ne reconnaîtra pas ton cadavre quand on le lui présentera !

Hyoga ne fit que sourire. Sa situation n'était guère brillante, mais cela en faisait une occasion de prouver sa valeur. Et s'il devait mourir, au moins, il laisserait à son adversaire de quoi se souvenir de lui pour l'éternité.

*******

_Où sommes-nous ?

_Je ne sais pas. On dirait... un temple...

Les colonnes pâles se dressaient silencieusement autour d'eux, à peine visibles dans l'obscurité étouffante. C'était comme si les ténêbres en ce lieu étaient plus qu'une simple absence de lumière, comme si elles avaient véritablement une vie propre. Il en était presque difficile de respirer, ici.

_Je hais cet endroit, murmura Sylphia, qui frissonnait malgré la chaleur de l'air. Trouvons la sortie et fichons le camp !

Ses propres paroles parvenaient assourdies à ses oreilles, comme provenant d'une très grande distance. Sylphia réprima un nouveau tremblement et s'efforça de se rappeler des souvenirs de couleurs. La neige sur les grands sapins d'Asgard, le ciel au-dessus de sa tête, la mer qui battait les rochers. Tout cela semblait tellement distant, tellement flou. Est-ce qu'elle avait vraiment eu l'occasion de voir cela ou est-ce qu'elle ne faisait que l'imaginer ? En ces lieux, les ténêbres règnaient depuis toujours et cela n'aurait jamais de fin. Son esprit en était oppressé.

_Du calme, fit Meyastes, qui se trouvait juste à côté d'elle mais paraissait infiniment plus loin. Ce temple n'est probablement pas désert. Nous devons rester prudents. Nous allons peut-être au devant du danger.

_Le danger n'est pas devant, mais en vous, dit une voix murmurante et chargée d'obscurité. Vous ne pourrez donc jamais le distancer et il est maintenant temps d'y faire face.

Meyastes et Sylphia se figèrent, tous leurs sens en éveil, s'efforçant de déterminer d'où provenait la voix. Mais il était bien trop tard. Déferlant comme une vague de fond surgie des profondeurs du Tartare, les ténêbres opaques affluèrent autour d'eux et les engloutirent en un instant.

*******

Shun reprit connaissance. Il avait encore mal à la tête, mais se sentait l'esprit étrangement clair malgré cela. Peut-être était-il finalement parvenu à surmonter l'appel terrible qu'il avait ressenti un instant auparavant. Peut-être...

Shun écarquilla les yeux. Ce qui l'entourait... Ce qui l'entourait n'était plus le temple blanc de Poséidon. C'était...

Gris. Gris partout. En s'appliquant, on pouvait distinguer d'autres couleurs, mais elles semblaient toutes étouffées, atténuées. Le paysage lui-même, aride et rocailleux, était d'une uniformité déroutante, qu'on ne distinguait qu'à peine du ciel de plomb. Et tout autour...

Shun frémit. Tout autour de lui se trouvaient des âmes en peine. Hommes, femmes et enfants erraient au hasard, poussant parfois des gémissements. Leur chair était flétrie et leurs corps décharnés. Toute leur expression ne dégageait qu'un désespoir sans fin.

Shun se releva précipitamment, réalisant seulement alors qu'il ne portait plus son armure, mais une sorte de tunique d'un blanc immaculé. Les âmes en peine l'entouraient de toutes parts, innombrables. Elles semblaient incroyablement plus nombreuses qu'elles ne l'avaient été lorsqu'il avait franchi l'Achéron.

L'Achéron. Shun regarda tout autour de lui, mais ne vit rien. Ni fleuve, ni passeur, rien que cette étendue désertique et morne qui s'enfonçait vers l'infini. Etait-il possible que les enfers aient vraiment été totalement détruit et que seul cet endroit demeure ?

Shun se retourna. Les âmes en peine semblaient avoir finalement pris conscience de sa présence et le regardaient de leurs yeux incandescents. Le chevalier Andromède se prit à reculer devant ces regards chargés de douleur. Puis il vit toutes les créatures déformées qui l'entouraient se mettre à avancer vers lui d'un pas traînant, sans cesser de le fixer, comme s'il était un phare au milieu de cet océan de grisaille. Leurs gémissements s'étaient changés en grognements et un désir brûlant apparaissaient en eux tandis qu'ils tendaient vers lui leurs mains squelettiques. Et pourtant, ce ne fut pas de l'horreur qui naquit dans le coeur de Shun à la vue de ce spectacle horrible, mais de la compassion.

_Je ne suis pas lui, murmura-t'il pourtant, écartant les bras en un geste d'impuissance. Je ne peux rien faire pour vous.

Mais les morts avançaient toujours, regroupés en une masse sombre et indistincte qui semblait devoir l'engloutir et l'étouffer d'un moment à l'autre. Le désir était toujours présent dans leurs regards, mais d'autres émotions violentes y brûlaient également. Colère, rage, haine, envie. Ils étaient maintenant si près de lui qu'il n'aurait pas pu faire un pas dans n'importe quelle direction s'il l'avait voulu. Encore un pas et...

_Allons, allons, écartez-vous ou vous allez l'écrasez et nous serons tous dans de beaux draps !

_Oui, c'est ça, de l'air, tous autant que vous êtes !

Les âmes en peine s'arrêtèrent. Puis, avec une reluctance infinie, elles s'écartèrent de Shun. Le cercle sombre qui l'avait entouré un instant auparavant se disloqua, puis disparut tandis que les morts retournaient à leur errance sans but. Un instant plus tard, ils semblaient de nouveau ne même pas avoir remarqué la présence du chevalier Andromède.

_Shun, ça va ?

L'intéressé cligna des yeux plusieurs fois. Devant lui se tenait deux hommes qui n'avaient pas grand-chose en commun avec les âmes en peine qui les entouraient. Deux hommes qu'il reconnut aussitôt.

_Sorrento ! Jabu !

_Tu ne vas pas trop mal, à ce que je vois, observa en souriant le flûtiste aux yeux rouges. Il est vrai que tu es déjà venu une fois dans l'autre monde.

_C'est vrai, mais...

Puis la réalité le frappa de plein fouet.

_Sorrento ! Tu... Qu'est-ce que tu fais là ?!

L'ancien général des mers haussa les épaules, l'air gêné.

_J'ai été imprudent. Et j'ai un peu manqué de chance, aussi...

_Je ne crois pas que tu sois le seul dans ce cas ici, observa Jabu avec un sourire ironique.

_Mais...

Sorrento arrêta la question de Shun d'un geste de la main.

_Nous n'avons pas de temps à perdre avec ça. Je suis mort, voilà. Ca serait arrivé un jour ou l'autre, de toute façon. Il y a des choses plus importantes dont nous devons parler.

_Mais... cet endroit... et vous, comment se fait-il que vous ayez conservé votre volonté propre si vous êtes morts ?

_Nous ne sommes pas certains, répondit Jabu en écartant les mains. Tout ça est lié à la mort d'Hadès. Cet endroit n'est pas véritablement le monde des morts. Et il semblerait qu'avec une volonté suffisante, il soit possible d'y conserver son identité. Du moins, je pense. Nous n'avons rencontré personne d'autre dans ce cas pour le moment, mais le coin est plutôt vaste.

Shun regarda son demi-frère avec un peu de surprise. Jabu semblait étrangement... calme, serein même, beaucoup plus qu'il ne l'avait été de son vivant. Et... Une idée le traversa tout à coup.

_Et Marine ? Vous ne l'avez pas vu ?

Jabu eut l'air stupéfait.

_Marine ? Elle est morte aussi ?

_Oui, répondit Shun avec tristesse. Elle est morte sur Star Hill.

_Nous ne l'avons pas rencontré, dans ce cas, fit Jabu. Mais, si elle est morte, elle doit se trouver quelque part ici.

Shun fronça les sourcils, déployant son sixième sens sur les étendues désolées qui l'entourait. Il sentait clairement la présence de Jabu et de Sorrento, bien qu'elle fut beaucoup plus faible qu'elle n'avait pu l'être avant leur mort. Leur aura ressortait clairement au milieu des âmes en peine à la personnalité effacée. Mais il ne sentait pas Marine.

_Reprenons les choses depuis le début ou tu ne vas rien comprendre, dit finalement Sorrento.

Shun hocha la tête en signe d'approbation. Il avait beaucoup de questions qui lui venaient à l'esprit et la perspective d'obtenir enfin des réponses était rafraîchissante.

_La mort d'Hadès a eu des conséquences très importante pour le royaume des morts, reprit Sorrento. Les enfers n'ont pas été détruits, mais ils n'ont désormais plus de gardien. La division entre la vie et la mort est devenue plus floue.

_Est-ce que cela pourrait permettre à quelqu'un de revenir à la vie ? demanda subitement Shun.

Sorrento eut l'air interloqué l'espace d'un instant.

_Je ne sais pas, finit-il par admettre. Mais ça demanderait une volonté terrible et ça laisserait certainement des séquelles sur la psyché. Si tu te demandes si cela pourrait nous donner à tous les deux une possibilité de revenir dans le monde des vivants, n'y songe plus. Je ne crois pas que j'essaierai si je le pouvais. La frontière entre la vie et la mort ne se brave pas impunément.

Jabu n'ajouta rien, mais Shun vit un sourire amer se dessiner sur ses lèvres l'espace d'un instant.

_L'important, continua Sorrento, c'est que les morts ne trouvent plus leur chemin jusqu'à l'endroit où ils doivent reposer. Ils restent ici, au milieu des limbes, à mi-chemin entre la vie et la mort, où ils ne connaissent que la souffrance. Et, parallèlement, cette situation menace aussi le royaume des vivants, qui n'est plus protégé de ce que recele l'autre monde.

_Qu'est-ce qu'il est possible de faire, alors ? demanda Shun, sidéré par la réalisation de ce qu'il venait d'entendre.

Sorrento le regarda avec intensité, ses yeux rouges flamboyant d'une lueur sourde.

_Le royaume des morts a besoin d'un gardien, de quelqu'un qui veille à ce que la frontière éternelle soit respectée et à ce que rien ne revienne du monde des ombres dans celui des vivants. Alors seulement, les choses rentreront dans l'ordre et le chaos pourra être évité. Mais il n'y a que très peu de personnes qui puissent assumer ce rôle.

Il y eut un silence profond qui parut durer des siècles.

_Je ne sais pas comment faire, dit finalement Shun.

_Laisse-toi guider par ce que tu ressents à l'intérieur de toi, répondit Sorrento d'une voix apaisante. Le royaume des morts te cherche depuis longtemps, mais il ne peut pas forcer ta volonté.

_Est-ce que... Est-ce qu'il faudra que je demeure aux enfers ?

Sorrento secoua la tête.

_Tu n'as pas besoin d'assumer le rôle d'Hadès. Tu seras libre de retourner ensuite dans le monde des vivants.

Shun sentit un tourbillon de pensées confuses lui traverser l'esprit dans un vacarme assourdissant. Quelles conséquences cela aurait-il pour lui ? Quelles conséquences ? Mais sa décision était déjà prise. Il ne pouvait pas se dérober face à ce que sa conscience lui imposait.

_Très bien.

Sorrento s'inclina en signe de respect.

_Dans ce cas, il est temps de nous dire adieu pour cette fois-ci, Shun d'Andromède, fit-il en se redressant. Ou plutôt au revoir.

Une flûte dorée apparut entre ses doigts, et il la porta à ses lèvres et se mit à en jouer. Une mélodie sereine et paisible s'éleva parmi les rochers gris et sinistres, une mélodie d'une telle beauté que les âmes en peine cessèrent un instant d'errer autour d'eux et oublièrent leur souffrance pour écouter. Shun sentit un léger engourdissement s'emparer lentement de son corps.

_Shun, je voudrais te demander une faveur, dit tout à coup Jabu tandis que le paysage paraissait s'estomper progressivement.

_Bien sûr, répondit Shun, demande ce que tu veux.

_C'est au sujet de Saori, fit Jabu, l'air embarrassé. Quand tout cela sera terminé et qu'il n'y aura plus de danger, je voudrais que tu lui dises... que...

Il passa une main dans ses cheveux bruns et un sourire indécis apparut sur ses lèvres tandis que tout devenait flou autour de Shun.

_Je voudrais que tu lui dises que je l'aime, et que je garderais son souvenir au royaume des morts.

Puis tout disparut et il n'y eut plus que la musique enchanteresse, qui guidait son chemin vers le monde des vivants. Et enfin, même cela disparut.

*******

_Votre problème, tel que je le vois, dit Achille d'un air très calme, c'est que vous ne vous reposez pas suffisamment sur votre esprit tactique. Vous êtes partis du niveau de simples chevaliers de bronze, et vous avez battu des adversaires qui auraient dû être plus fort que vous essentiellement parce que vous parveniez à dépasser les limites normales de votre cosmos. Mais ce systême ne peut pas marcher indéfiniment.

_Et pourquoi pas ? demanda aggressivement Seiya.

Achille eut un sourire amusé.

_Parce qu'il n'est pas possible d'aller plus vite que la lumière, pour commencer. Vous pouvez intensifier votre cosmos tant que vous voudrez, cela restera toujours vrai. Votre cosmos peut également vous aider à donner plus de force à vos coups, mais cela ne vous aide en rien si vous ne parvenez pas à toucher votre adversaire. Ce qui veut dire qu'en fin de compte, c'est le sens tactique qui compte le plus lors d'un combat, parce que c'est ce qui vous permet de porter vos coups et d'éviter ceux qu'on vous envoie.

_Très intéressant, fit Seiya, agacé par la leçon qu'ils recevaient. Ca nous mène où ?

_Ca nous mène à la réalisation que ce sens tactique est la seule différence entre vous et moi, répondit Achille sans se départir de son sourire. Je ne peux pas être plus rapide que vous et, à mon avis, mon cosmos n'est pas tellement supérieur aux vôtres. Mais j'ai une expérience supérieure. J'ai affiné toutes mes techniques jusqu'à la limite ultime de leur efficacité et la science du combat est en moi. Ce qui n'est pas votre cas. Certes, vos techniques vous ont permis de surmonter tous vos combats jusqu'ici, mais elles sont demeurés imparfaites. Et je peux vous le prouver tout de suite.

Un cosmos flamboyant vint le recouvrir tandis qu'il se mettait en garde.

_Nous allons voir ça, rétorqua Seiya en l'imitant. Shiryu, laisse-moi faire pour cette fois-ci. Je vais lui montrer.

Le chevalier du Dragon hocha la tête, inquiet malgré tout. Il n'y avait effectivement que très peu de différence entre les cosmo-énergie des deux adversaires, mais...

_Pegasus Ryu Sei Ken !!!

Une déflagration assourdissante déchira l'air tandis qu'une myriade de coup atteignait la vitesse de la lumière, fusant comme autant de rayons bleutés. Un cri, au moment où leur cible prise au dépourvu recevait toute la force de l'attaque de plein fouet. Puis le silence. Seiya avait mis un genou à terre et du sang maculait son visage.

_Comment... Comment...

_Là, l'attaque était à peu près parfaite, dit Achille, dont le cosmos s'était apaisé. J'espère que tu as pris des notes.

Seiya ne répondit pas, ni Shiryu, pétrifié de stupeur. Il n'avait vu cette attaque qu'une fois ! Une seule fois !! Comment avait-il pu...? Ca n'était pas possible. Utiliser la propre attaque de son adversaire ?

_Je suis le meilleur combattant qui soit, dit Achille calmement. Je ne dis pas ça pour me vanter. C'est juste un fait. Et je ne dis pas non plus que jamais personne ne pourra me battre parce que je n'en sais rien. Mais je sais que vous n'arriverez jamais à me vaincre tant que vous n'aurez pas corrigé les défauts qui existent dans vos techniques. L'autre possibilité serait d'atteindre le neuvième sens et de devenir des dieux. Vous pouvez toujours essayer si ça vous chante.

Shiryu fronça les sourcils, sentant la colère qui montait en lui. Leurs techniques ? Imparfaites ?

_Mes techniques m'ont été enseignées directement par des chevaliers d'or ! Ose-tu prétendre qu'elles sont imparfaites ?

_Oui, répondit Achille sans se désemparer. Ou peut-être que c'est toi qui ne les maîtrise pas correctement. Mais même ton attaque la plus simple a une faille si évidente qu'elle te coûterait la vie dans n'importe quel combat sérieux. Y recourir correspond à un suicide, même si elle est relativement puissante.

_Le défaut fait partie de l'attaque, répliqua Shiryu, il est impossible de...

_Rozan Sho Ryu Ha !!!

Une vague d'énergie terrible percuta Shiryu de plein fouet, le projettant en arrière sans qu'il puisse résister, et il alla s'écrouler presque sans connaissance à plus de vingt mètres. Un réseau de minces fissures apparaissaient sur son armure divine. Peinant à se relever, Seiya s'efforçait de comprendre ce qui était arrivé. Il n'avait pas quitté Achille des yeux quand celui-ci avait déclenché l'attaque et...

Et à aucun moment son coeur n'avait été à découvert.

_Tout est une question de point faible, dans un combat, fit tranquillement Achille. Par exemple, mon propre point faible est la cheville gauche.

_Mais tu as développé des techniques spécialement pour protéger ce point faible, dit Seiya, qui commençait à comprendre.

_Exactement, répondit Achille en souriant. C'est tout à fait ça.

Il parut réfléchir un instant.

_Tenez, je vais vous faire une proposition, dit-il finalement tandis que les deux chevaliers se remettaient péniblement sur leurs pieds. Je me moque un peu des désirs du maître des dieux et vous m'êtes plutôt sympathique. Je vous propose un véritable combat. Vous deux contre moi. J'utiliserai toutes mes techniques pour vous tuer. Si vous perdez, j'amènerai vos dépouilles à Zeus. Si vous l'emportez, je n'interviendrai plus dans cette guerre et je vous aiderai à développer vos techniques de combat. Qu'est-ce que vous en dites ?

Les deux chevaliers d'Athéna, qui s'étaient remis côte à côte, échangèrent un regard. Ils n'avaient guère le choix.

_Parfait ! Euterpe, fit Achille, se tournant vers le serviteur d'Apollon à demi oublié, joue-nous donc quelque chose d'entraînant !

Les notes de musique s'élevèrent dans l'air translucide tandis que le combat commençait véritablement.

*******

_Ou sommes-nous ?

_Cet endroit... Cet endroit ne ressemble à rien.

Vide, c'est le mot qui vient à l'esprit. Bien que ce lieu ait l'apparence d'une vaste pièce circulaire taillée dans une sorte de pierre grise, le tout donne une impression de... non-existence.

_Meyastes ?

_Qu'est-ce qu'il y a ?

_Qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce que nous faisons ici ?

La voix de Sylphia s'efforçait d'être ferme, mais ne pouvait totalement dissimuler le tremblement qui l'habitait. En un sens, ce lieu était aussi oppressant que le temple ténébreux où ils s'étaient trouvés l'instant d'auparavant.

_Je ne sais pas...

Meyastes laissa traîner la fin de sa phrase. Deux hommes étaient apparus devant eux, se matérialisant comme à partir du vide. Leurs traits étaient aisément discernables malgré la semi-pénombre qui règnait ici et il les reconnut aussitôt, encore qu'il ne les eut jamais vu.

_Bien, bien, bien, fit Thidiakyne avec un sourire qui découvrit ses dents. Je commençais à être fatigué d'attendre, mais vous êtes là, finalement.

Sylphia se raidit, brusquement très pâle. Le chevalier élémentaire paraissait littéralement la dévorer de ses yeux verts où brûlait une flamme de folie. Il était vêtu d'une simple tunique blanche, qui ne faisait ressortir que davantage ses cheveux roux en bataille, et le vêtement semblait étrange sur lui, comme s'il aurait été plus naturel de le voir dans une armure recouverte du sang de ses ennemis. Sylphia ne pouvait ressentir aucun cosmos provenant de lui, mais il dégageait une aura terrible de violence et de fureur, une aura si puissante qu'elle la fit presque suffoquer.

_Vous êtes là, reprit Inachos sans expression. Et il est maintenant temps de procéder. Nous avons perdu suffisamment de temps.

Les phalanges de Meyastes se crispèrent. Inachos avait un visage abrupt et fermé, et sa carrure était impressionnante. Mais ce furent ses yeux qui retinrent toute son attention. Gris, froids, ils reflétaient l'expression d'une volonté écrasante, sans limite. Ces yeux n'auraient pas cillé devant le spectacle le plus merveilleux ou le crime le plus horrible. Et l'aura qu'il discernait au-delà était dure comme le diamant, inflexible comme l'acier le plus robuste. Si Thidiakyne était un incendie dévorant, Inachos était un océan glacé.

_De quoi est-ce que vous parlez ? parvint-il à articuler après un moment où il fut incapable d'émettre un son.

Thidiakyne eut un rictus sauvage.

_Nous avons décidé de mettre un terme à toute cette histoire. Puisque nous ne pouvons pas vous dominer en permanence sans votre bon vouloir, nous allons nous y prendre autrement. Grâce à l'aide plutôt intéressée d'Hécate, très bientôt, nous revêtirons de nouveau nos armures et nous pourrons agir à notre guise !

_Nous allons vous absorber, dit simplement Inachos d'une voix froide.

_Quoi ?! s'exclama Sylphia, partagé entre la colère et la peur qui était apparue en elle.

_Vous n'êtes pas ici en chair et en os, ma chère descendante, ironisa Thidiakyne. Ce ne sont que vos esprits qui se trouvent là. Et, malheureusement pour vous, cela nous donne la possibilité de les absorber en nous, de digérer la totalité de votre personnalité et de vos souvenirs. Et, une fois que cela sera fait, nous pourrons quitter cet endroit pour intégrer vos corps.

Il esquissa une moue songeuse l'espace d'un instant.

_Je suis sûr que cela sera amusant d'habiter un corps de femme.

Puis il éclata d'un rire dément qui se répercuta longuement entre les murs gris.

_Et une fois que cela sera fait, complèta Inachos, il ne nous restera plus qu'à attendre la fin de la guerre qui oppose les dieux entre eux. Une fois qu'ils seront tous affaiblis, rien ne pourra plus s'opposer à notre puissance.

_Alors... Alors tout ce que vous avez raconté à Boréen, c'était du vent ? demanda Meyastes, qui cherchait désespérément une échappatoire.

_Boréen est un peu trop naïf, c'est son gros défaut, ricana Thidiakyne. Evidemment, il pourrait gêner nos plans...

_Nous ne pouvons pas nous en prendre à lui ni à sa descendante pour autant, reprit Inachos. Les liens qui existent entre les chevaliers élémentaires sont trop forts. Mais nous pourrions nous emparer de leurs armures et les rendre inaccessible sans difficulté.

_Et maintenant, assez parlé, siffla Thidiakyne dont les yeux s'embrasèrent véritablement. Il est temps que tu fasses partie de moi, ma jolie...

Avec un cri soudain, Sylphia fit un geste brusque et une boule de feu quitta sa main pour aller percuter Thidiakyne de plein fouet. Mais le rire aigu de celui-ci couvrit même le bruit assourdissant de la déflagration et, lorsque les flammes se dissipèrent, la tunique qu'il portait n'avait pas même noirci.

_Cela ne sert à rien, Sylphia, intervint Meyastes. Tu ne peux pas utiliser ses propres armes contre lui.

Puis Inachos accrocha son regard et le jeune homme ne parvint plus à articuler un mot. Ces yeux... Si froids... Il ne parvenait pas à regarder ailleurs, malgré tout ses efforts. Ces yeux brisaient sa volonté, l'empêchaient de rassembler sa volonté. Il lui semblait qu'ils attiraient sa substance, la lui dérobait sans qu'il puisse rien faire... Son front maculé de sueur, Meyastes voulut faire un mouvement, se détourner, mais ses muscles ne lui répondaient plus comme anesthésiés. Il n'entendait même plus ce qui se passait à côté de lui. Sylphia...

La gifle projetta la jeune fille au sol. Puis, avant même qu'elle ait pu réagir, une main vint se refermer autour de son cou et la força à se remettre debout, l'étranglant à moitié. Un goût de sang dans la bouche, Sylphia vit le visage grimaçant de Thidiakyne juste devant le sien, ses yeux brûlant d'une flamme incandescente. Brûlant, brûlant...

Une nouvelle gifle et elle se retrouva au sol, à demi consciente. Le rire perçant de Thidiakyne la déchirait comme si cela avait été un poignard acéré, disloquant ses pensées. Elle ne pouvait plus réfléchir. Tout son être ne ressentait plus que souffrance et terreur devant cet adversaire auquel elle ne pouvait plus échapper.

Est-ce bien là ma soeur ? Reprends-toi, tu me fais honte !

Sylphia cligna des yeux malgré le sang qui les recouvrait à demi. Albérich ?

Il est plus fort que toi, c'est vrai, mais la force n'est rien. Sers-toi de ta tête !

Désemparée, Sylphia ne fit pas le moindre geste pour se défendre lorsque Thidiakyne la saisit de nouveau pour la forcer à se relever.

_Le jeu est terminé, cracha-t'il avec l'air satisfait d'un prédateur. Tu vas bientôt faire partie de moi !

_Est-ce que... Est-ce que tu en es bien sûr ? articula péniblement Sylphia.

Les yeux de Thidiakyne flamboyèrent d'un amusement malsain.

_Je ne vois pas ce qui pourrait encore m'en empêcher...

_Ca contrarierait un peu tes plans si mon corps était rendu inutilisable avant que tu ne puisses y entrer, non ? demanda Sylphia, s'efforçant de ne pas frémir devant le regard dément de son ancêtre.

_Tu penses à Hécate ? fit Thidiakyne en éclatant de rire. Elle ne fera rien ! Elle compte nous utiliser ! Bien sûr, elle se trompe, mais c'est dans sa nature de vouloir manipuler les autres, elle ne peut pas s'en empêcher.

_Je ne pense pas... à Hécate... mais à ton "ami", là-bas...

_Inachos ? demanda Thidiakyne en cessant de rire. Pourquoi ferait-il une chose pareil ? Et comment s'y prendrait-il ?

_Est-ce que tu n'essaierais pas de le rendre inoffensif après que tu n'aies plus besoin de lui, si tu en avais l'occasion ? demanda Sylphia dont l'esprit était devenu plus clair malgré la douleur. Alors comment peux-tu penser... un seul instant... qu'il n'a pas eu la même idée ?

A l'expression qui traversa le visage de Thidiakyne l'espace d'un instant, Sylphia sut qu'elle avait touché juste.

_Et il m'a l'air d'être très près d'absorber son "hôte", ajouta-t'elle. Plus que toi. S'il récupère le corps de son descendant avant toi, tu ne pourras rien faire pour l'arrêter.

C'était vrai. Meyastes était tombé à genoux et son corps semblait en train de devenir transparent, comme s'il perdait tout substance. Thidiakyne le vit et un doute apparut dans son regard. Puis, avec un cri, il lâcha Sylphia et se précipita vers l'autre chevalier élémentaire.

_Non, Inachos ! Je ne te laisserais pas faire !!

Une vague de feu percuta de plein fouet le chevalier élémentaire de l'eau, le projettant à l'autre bout de la pièce tandis que Meyastes s'effondrait, respirant lourdement. Mais la surprise d'Inachos ne dura qu'un instant. Se relevant presque instantanément, il para une nouvelle attaque en créant un mur bleuté devant lui, avant de passer à son tour à l'assaut. La pièce fut bientôt emplie du fracas de la bataille titanesque.

Oubliée au milieu de toute cette destruction, Sylphia se hâta aux côtés de Meyastes et l'aida à se relever.

_Nous devons ficher le camp, fit-elle, effrayée.

Mais Meyastes secoua la tête.

_Ce n'est pas possible tant qu'ils seront là, je l'ai lu dans son esprit au moment où il... où il allait...

Il secoua la tête comme pour reprendre ses esprits, avant de refermer sa main autour de celle de Sylphia et de la tenir fermement.

_Nous ne pouvons pas partir d'ici. Le seul moyen est que nous les absorbions, au lieu du contraire. Lorsque leurs pouvoirs et leurs esprits seront en nous, nous pourrons retourner vers nos corps.

Sylphia pâlit visiblement et se mit à trembler, mais Meyastes resserra son étreinte.

_Ne t'inquiète pas, dit-il, s'efforçant de paraître convaincant. Cette fois-ci, nous les affronterons ensemble.

Sylphia hocha la tête, à demi-rassurée, et ensemble ils se retournèrent vers Thidiakyne et Inachos. Les deux chevaliers élémentaires parurent s'en rendre compte, car ils interrompirent leur combat et se retournèrent vers eux, réalisant leur erreur.

Meyastes sentit les ongles de Sylphia s'enfoncer dans sa peau tandis qu'elle fixait Thidiakyne, mais il ne pouvait rien faire pour elle, sinon serrer sa main aussi fort qu'il le pouvait, car les yeux gris d'Inachos étaient de nouveau sur lui, pesant de tout leur poids.

Sylphia avait peur. C'était la première fois qu'elle admettait cette sensation. Elle était morte de peur. Les yeux brûlants de Thidiakyne et son rire strident la terrorisaient. Mais... Mais, alors même qu'elle allait céder, la jeune femme trouva à son tour un feu en elle. Un feu qui n'était pas destructeur ni sauvage, mais qui réchauffait et protégeait. Un feu agréablement chaud, qui se renforçait encore au contact de Meyastes. Et brusquement, Sylphia fut libérée de ses craintes.

Elle ne sut pas exactement quand Thidiakyne réalisa. Mais ses yeux se mirent tout à coup à refléter le doute, l'incompréhension. Il avait cessé de rire.

_Non ! Non, tu ne peux pas faire ça ! hurla-t'il tout à coup.

Une boule de flammes jaillit de sa main et fondit vers elle pour la carboniser mais elle ne bougea pas et le feu ne fit que se fondre en elle, dans cette chaleur qui l'habitait. Lentement, très lentement, elle accentua la pression, brisant la folie qui habitait Thidiakyne, le forçant à se dissoudre... en elle...

Il y eut un cri terrible et Thidiakyne se fondit en une flamme aveuglante qui vint frapper Sylphia.

Meyastes sentit la jeune femme tomber à genoux à côté de lui, mais ne relâcha pas sa main. Face à lui, Inachos pesait toujours de toute sa volonté contre lui. Une volonté terrible, implacable. Mais elle ne faisait plus que glisser autour de Meyastes, comme les vagues contre un récif qu'elles ne parvenaient pas à user. Et puis, à son tour, le jeune homme prit l'offensive, dirigea sa volonté vers son adversaire, usant sa force progressivement. Inachos ne réagit pas immédiatement, comme si la perspective de la défaite ne lui était pas venue à l'esprit. Le duel mental se prolongea un long moment. Puis, enfin... enfin, un éclair d'incrédulité apparut dans les yeux du chevalier élémentaire de l'eau.

_D'où te vient cette force ?

Puis il se dissolvit à son tour en une vague glacée qui vint frapper Meyastes de plein fouet et disparut en lui.

_Je ne crois pas que tu aurais compris, murmura le jeune homme en aidant Sylphia à se relever.

Il y eut un long moment de silence tandis que tous deux s'efforçaient de reprendre leur souffle. Puis Sylphia sourit.

_Bien joué, fit-elle à Meyastes en lui donnant une tape sur l'épaule.

Le jeune homme allait répondre quelque chose quand Sylphia se haussa sur la pointe des pieds et lui planta un baiser sur la joue.

_A présent, il est temps de partir, fit-elle avec désinvolture tandis que Meyastes la regardait avec stupéfaction.

Il y eut une explosion silencieuse qui désagrégea la pièce grise et, l'instant d'après, ils étaient de nouveau dans le temple ténébreux, revêtus de leurs armures, face contre terre.

_Je ne m'attendais pas à ce que vous réussissiez à les battre, siffla la voix d'Hécate tandis qu'ils se relevaient, un peu désorientés.

Les ténêbres se regroupèrent devant eux jusqu'à dessiner une silhouette humaine d'une noirceur telle qu'elle semblait n'être qu'une simple découpure dans l'espace.

_Je ne m'attendais pas non plus à ce que vous absorbiez leurs pouvoirs. Mais cela n'a pas d'importance. Chevaliers élémentaires, vous allez devoir affronter Hécate.

*******

_Shun ? Shun, tu m'entends ?

Le chevalier d'Andromède ouvrit les yeux. Il se trouvait de nouveau dans le temple de Poséidon. Julian était agenouillé à côté de lui, l'air préoccupé.

_Je... je vais bien, dit-il, la voix pâteuse, s'efforçant de se relever.

Mais cette sensation en lui...

_J'ai envoyé Thétis en reconnaissance, fit Julian avec un geste vague. Mais... Shun, tu...

Shun secoua la tête.

_Je ne suis pas devenu un dieu. Les chaînes d'Andromède veilleront sur la frontière entre la vie et la mort jusqu'à ce qu'un autre gardien puisse être trouvé, mais...

Un sourire triste apparut sur ses lèvres.

_Je ne suis pas un dieu. Je ne ressusciterai personne, pas même mes amis.

Un silence.

_Pas même mes frères.

Julian hocha la tête en signe d'approbation.

_C'est la voie la plus sage à suivre si tu veux rester qui tu es. Certaines limites ne doivent pas être violées.

Puis il fit un geste vers la sortie de son temple.

_Mais nous avons assez parlé. Je ne sais pas tout ce qui se passe actuellement, mais le plus sage serait de nous rendre au temple d'Athéna.

Shun hocha la tête à son tour, et les deux hommes qui étaient presque des dieux s'en furent, abandonnant le temple aux murs blancs.

Dissimulé derrière une épaisse colonne, Aréion n'avait rien perdu de tout ce qui s'était passé.

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Cette fiction est copyright Romain Baudry.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.