Prologue : Tant qu'il y aura des Loups


Le soleil de plomb qui dominait le ciel d'un bleu d'azur rendait encore plus insupportable les exercices qu'ils devaient exécuter. Cela ferait bientôt neuf jours qu'ils n'avaient pas manger la moindre parcelle de nourriture et la sueur collait à leur peau moite où venait se placer des grains de sable.
Ce désert n'aurait jamais de fin, ils en avaient tous eu la conviction alors qu'ils avaient cru voir un point d'eau se dessiner devant eux quelques heures auparavant. Leurs mains s'étaient tendues dans un geste d'effort et de survie désespéré pour ne finalement ne brasser que cet air harassant et qu'ils maudissaient tous.
Plus d'hygiène, plus de nourriture, plus de repos... et seulement cet entraînement à mener à bien alors que la température atteignait la barre vertigineuse d'une cinquantaine de degrés. Pourtant, ce n'était pas la première fois que cela leur arrivait, qu'un pareil obstacle était mis sur leur route, et ce n'était pas maintenant qu'ils allaient abandonner. De toute manière, c'était vaincre ou mourir, marcher ou tomber, alors ils avançaient, en cadence, silencieusement, sans doute par habitude de ne pas se faire repérer.
Les quatre légions de soldats avaient été distancées il y avait de cela déjà trois jours, et tous n'avaient que faire de ce qui avait pu arriver à ces sous-fifres dont Arès n'attendait pas le moindre exploit. Seul comptait leur propre survie, et de cette dernière dépendait aussi celles de ceux qui les entouraient.
-Les gourdes sont complètement vides, déclara brutalement Esculape pour briser le grésillement que la réverbération de l'astre du jour et de la fatigue faisait naître à ses oreilles. Nous ne pourrons plus tenir que quelques jours.
-Combien exactement? s'enquit avec un sérieux lointain Iphiclès, alors que sa peau mate paraissait moins souffrir que celles des autres des dardes du soleil.
-Un ou deux tout au plus, répondit le blond demi-dieu.
Phaéton ricana, alors qu'il manquait de trébucher contre une nouvelle dune de sables. Verrait-il un jour la fin de cet enfer... avait-il même connu quelque chose d'autre? Et Hélios, son père, qui au-dessus de sa tête le fouettait de son éclat brûlant... il le maudissait plus que jamais alors que des élancements naissaient au creux de ses jambes, s'élevant jusque dans ses épaules.
-Sacrée épreuve... murmura Argus, alors que son teint diaphane était devenu d'un rougeâtre qui n'avait pas manqué d'inquiéter Esculape la nuit précédente.
Narcisse, en tête de la troupe, porta soudainement quatre de ses doigts à sa bouche et émit un strident sifflement, pour attirer l'attention de tous. Il était debout, de toute sa haute et parfaite stature, ses traits divins cachés par sa cuirasse, et toisait ses compagnons, encore au pied de l'immense dune. Qu'ils étaient longs... enfin, il était vrai qu'il n'était pas même homme et devait se montrer patient avec ceux qui n'étaient fait que de chair et de sang...
Il mit ses mains en porte voix, et s'écria :
-Une ville en vue!
-Une ville en vue! répéta Épiméthée dans un cri furieux de joie sauvage.
-Au pillage! hurla Leech pour toute réponse.
-Au pillage! A la mort! Au sang que nous boirons!
Les phrases fusaient, la haine commençait à vivre tout comme le besoin de destruction et de violence. La chaleur de l'astre du jour ne comptait plus même dans leur esprit, alors qu'ils imaginaient tous les trésors dont recelaient la ville merveilleuse que Lucifel avait pu voir en grimpant en haut de la colline de sables qu'ils gravissaient tous d'un même élan.
Et c'est semblable à une vague d'hystérie déferlante qu'ils s'élancèrent vers les portes de la cité.

-Non... non... ce n'est pas... pas vrai... murmura un des guetteurs de la ville de Gordium alors qu'il portait à sa bouche une main vacillante.
Il attrapa le bras de son compagnon, y plantant ses ongles sans même s'en apercevoir, alors qu'il pointait un index désespéré vers l'horizon. Son ami, ne sachant pas vraiment à quoi s'attendre, scruta les dunes de sables qui s'élevaient tout autour des remparts, avant de se figer à son tour. Son front se couvrit lentement de gouttes de sueur, dont l'une d'elle souligna, en courant le long de sa joue, ses mâchoires trop saillantes.
Une marée rougeâtre, pareille au sang qui constituait les armures, se précipitait vers les immenses portes de la cité. On entendait des hurlements qui s'élevaient de ce groupe désordonné et plus rapide que le vent qui s'était brutalement levé, sous l'effet du déplacement d'air que provoquait leur folle course.
-Les... les Berserkers?!
La voix était blanche, faible, presque lointaine alors que les troupes d'Arès, certes point dans leur intégralité mais tout du moins la plus belle partie, venaient d'être identifiées par le chef de la garde.
-Fermez les portes! hurla-t-il à ses subalternes, alors qu'il agitait ses bras en tout sens pour être obéi sur l'instant.
Car avec eux, chaque seconde comptait. Il ne leur faudrait pas plus de quelques instant pour parvenir devant eux, pour qu'ils croisent leurs regards de loups brillants, leurs sourires de carnassier... en somme, les dernières images que bien des villes détruites avaient vu avant de s'engloutir dans la mémoire de ceux qui y vivaient autrefois. Les soldats du dieu de la guerre étaient le pire fléau qui pouvait arriver, le plus épouvantable malheur dont une cité eusse pu souffrir, car la peste elle-même n'engendrait pas tant de victimes, certains médecins sachant la stopper... tandis qu'eux, seul l'apaisement de leur soif jamais étanchée de violence pouvait les amener à partir des ruines qu'ils avaient engendrées.
Ils étaient les messagers de mort que l'on ne voulait pas voir, le vent destructeur qui balayait tout sur son passage, d'un revers de la main et ils étaient à présent aux abords de Gordium.
A présent, le bruit du fleuve qui s'écoulait dans la ville était couvert par les cris sauvages qui dansaient dans l'atmosphère ainsi que par les cliquetis métalliques des Cuirasses qui se cognaient les unes contre les autres alors qu'ils jouaient des coudes entre eux pour arriver le premier.
On entendit le bruit des portes se fermant, des femmes hurlant en prenant leurs enfants dans leurs bras, s'enfuyant en direction du palais ou de leurs maisons, peu importait le lieu tant que l'abri paraissait solide. Des hommes, du moins les plus vaillants, saisissaient l'armement de guerre dont ils étaient pourvus, s'apprêtant à lutter, avec désenchantement et soumission face à cette maladie de haine qui les submergeait. Pourquoi les Moires les avaient-ils désignés pour mourir dans de telles souffrances?
Pourtant, des bataillons se formaient, silencieusement, avec ordre, alors que le jeune prince de la ville s'avançait avec rapidité et peur au devant de ses troupes. Il allait devoir assumer le sang royal qui courait dans ses veines en donnant l'assaut, et mourir pour cette ville que son père dirigeait depuis des années. Il fallait pourtant garder espoir, malgré l'inéluctable... après tout, Hadès n'était peut-être pas si terrifiant qu'on le prétendait.
Le sol se mit à trembler alors qu'ils étaient maintenant devant les portes qui, d'un coup projeté à folle allure, explosèrent en une pluie de copeaux, seul témoin de l'ancienne protection. Et avec cette première destruction, l'apocalypse entra dans la cité.
La lumière jaillit, pas celle de la vie, bien au contraire, car la mort et les ténèbres paraissaient s'aimer à cet instant. Le feu, les cris, le sang peint le tableau de guerre que les Berserkers faisaient artistement naître de leurs poings trop habitués à tuer. Ce n'était plus un entraînement, c'était devenu un jeu, une nécessité. Les vies n'avaient plus de valeur, la peur des autres non plus, bien au contraire car les hurlements ne faisaient qu'abreuver leurs âmes d'ébène.
Les armées se précipitèrent vers eux, mais déjà trop tard, car deux commandants semblaient s'être d'office désignés par anéantir ces hommes-insectes, désireux de gâter leur doux plaisir. Altaïr et Méléagre, partageant pendant une fraction de seconde un même regard complice, unirent leurs énergies pour détruire ceux qui se dressaient face à leur pouvoir. La masse d'hommes fut aveuglée, avant d'être projetée en tous sens comme les cadavres qu'ils étaient devenus.
Iphiclès attrapa un enfant qui passait devant lui, brisant son cou en une fraction de secondes, avant de saisir la mère effondrée de ce dernier. Phaéton, prêt de lui, enflamma les quelques maisons qui s'élevaient, à son goût, avec trop d'arrogance devant son regard orgueilleux. Épiméthée éclata d'un rire franc alors qu'il égorgeait tout ce qui lui tombait sous la main... était-ce des hommes, des femmes, des enfants... peut-être des animaux? Cela avait-il vraiment de l'importance? Après tout, ce n'était qu'un massacre!
Esculape et Argus se précipitèrent d'une même jambe vers les femmes les plus richement vêtues, leur arrachant leurs biens, leurs bijoux et leurs robes incrustées de joyaux pour en conserver les richesses. Arès ne serait que trop content d'agrandir son trésor... grâce à eux, il finirait peut-être même par devenir le dieu de la monnaie.
Dédale et Écho, guidés par Narcisse, gravirent en courant les marches du palais, propulsant les gardes de ce dernier d'un simple souffle de cosmos. C'était à eux que revenaient l'honneur d'abattre la famille royale et tous les lâches reclus dans cette bâtisse.
-Quelle mauvaise architecture! souligna l'empereur du Labyrinthe alors qu'il jetait un coup d'œil expert à l'immense monument avant d'y pénétrer.
Derrière eux, tout n'était déjà plus que cris et flamboiement, aussi bien de feu, que de haine de part et d'autre. De la part des Berserkers car ils n'étaient domptés que par ce sentiment, de la part des habitants de Gordium car ils périssaient des mains maudites de ces soldats de sang.
-Je demande à voir le roi, déclara Narcisse, d'une voix forte et claire qui eut le mérite de couvrir la fin des temps qui se passait à l'extérieur.
-Il s'agit de moi, rétorqua un homme de haute taille, noble et empreint de grandeur malgré la vieillesse de son corps.
L'empereur de la contemplation esquissa un sourire qui provoqua la pâmoison autour de lui. Non, lui ne créait pas la peur, et ce n'était pas pour lui déplaire, car tout ceci manquait grandement de lenteur, de réflexions. D'ailleurs, pourquoi détruisaient-ils cette ville? Simplement pour obéir à Arès... non, lui, l'ange banni, n'était pas de ceux qui exécutaient sans même songer avant, ceci était bon pour les animaux, point pour un être pensant. A quoi bon faire vivre ces êtres qu'il avait vu en entrant? N'étaient-il pas des représentants de débauches? N'était-ce pas eux qui, encore quelques heures auparavant, ne se contentaient que de la précarité de leurs fragiles existences sans même songer au salut de leurs âmes, au combien plus important que leur vie terrestre?
Tous les habitants de cette ville, tous les autres, ne se dirigeaient sur le chemin des moires, qu'en songeant à la luxure, aux plaisirs faciles de l'argent et des amours physiques, et ils oubliaient que l'essentiel n'était pas là.
Narcisse cligna des yeux brièvement, insistant d'un geste d'une grâce miraculeuse, pour que le souverain s'incline devant lui. Celui-ci, fièrement, ne bougea pas, le toisant de toute sa hauteur, si peu impressionnante à son regard d'arc-en-ciel.
-A votre guise, de ne pas vous être incliné devant moi, ce ne sera qu'un pêché de plus, murmura-t-il doucement, avec ce sourire de douceur triste qui flottait presque constamment sur son tendre visage.
Derrière lui, Dédale et Écho avaient fini de mettre à mort les habitants du palais. Le sol était jonché de corps dénués d'âmes, alors que le rouge coulait sur le marbre poli. C'était ainsi que tout devait finir, ils n'avaient fait que leur devoir.
-Comment osez-vous parler de pêchés, vous qui tuez les hommes, qui violez les femmes et leur prenez leurs enfants?
-Apprenez, souverain, que l'orgueil est un pêché, et que juger les autres ne l'est pas moins. Je ne suis pas là pour répondre à vos accusations, mais uniquement pour vous amener vers l'autre monde, où, je l'espère, vous trouverez la Sagesse qui vous a tant fait défaut.
-J'ai été un roi juste.
-Tu te dis roi, mais tu n'étais qu'un homme.
Et sur cette dernière phrase, l'empereur Narcisse abattit sa main vengeresse sur le dernier être vivant de la ville de Gordium.

Tout était fini, et dans leurs dos, alors qu'ils s'étaient assis en tailleur dans le sable brûlant du crépuscule, seules de larges volutes de fumée, derniers vestiges des incendies, témoignaient de l'existence de l'ancienne cité. Toute forme de vie avait été détruite, chaque maison avait été pillée, chaque trésors volés et emmenés... ils avaient simplement exécuté ce pourquoi ils avaient été dressés : répandre la mort et la haine autour d'eux, comme la sombre aura qui les suivait sans cesse.
Leech se mit à rire en observant Argus qui comptait les pièces dérobées :
-Tu n'en auras donc jamais fini.
Le commandant aux yeux entièrement noirs et aux cheveux pareils au plumage du paon lui lançant un regard mi-amusé mi-courroucé :
-En effet, je crois que je ne me lasserai jamais de ce bruit, pas plus que des chiffres, surtout lorsqu'ils sont aussi importants!
Les deux commandants, habitués à garder ensemble l'un des territoires d'Azura, se laissaient bercer par la complicité qui existait entre eux depuis à présent des mois entiers. Leur domaine était probablement le plus difficile à gérer, entièrement recouvert de marécages, il était aussi rebutant qu'hostile, même si ils avaient fini par s'y attacher. A trop connaître un endroit, on finit toujours, bon gré mal gré, par s'y sentir comme chez soi. Enfin, Leech plus que le commandant du Paon, puisqu'il s'y trouvait dans son élément.
-Tu as besoin d'eau? lui demanda brusquement Argus, de sa voix un rien aigrelette.
Celui-ci émit simple un bruit gutturale, que son compagnon comprit apparemment comme une affirmation car il l'aspergea d'une des gourdes qu'il venait de remplir dans le fleuve qui traversait ce que l'on appelait autrefois Gordium. La sangsue était, de tous les Berserkers, celui qui supportait le plus difficilement le soleil, sans nul doute à cause de sa nature marine... son élément était l'eau, point la terre.
-Heureusement que nous avons pu trouver quelque chose de potable... déclara sérieusement Esculape, dont la santé de ses compagnons restait le principal sujet d'inquiétude.
Sa nature de médecin revenait au galop, quoiqu'il fasse, ou qu'il fusse, il ne pouvait s'empêcher de songer aux soins à porter au fragile corps humain qu'il avait, pendant tant d'années, soigné de toute son âme, de toute sa foi. Une grimace de dégoût vint, durant une fraction de secondes, se peindre sur ses traits réguliers, qui n'étaient pas s'en rappeler ceux d'une certaine divinité.
-Et heureusement qu'il ne s'agissait pas que d'eau! rit Épiméthée en gargarisant la gorgée de vin qu'il venait de prendre.
Des amphores, pleine de ce breuvage auquel ils n'avaient plus goûté depuis des jours, étaient disséminées parmi les troupes d'Arès qui se les passaient tour à tour.
Avec un raffinement patricien à demi étudié, et pourtant naturel, Phaéton but à son tour l'alcool que tenait auparavant son ami avant d'échanger un sourire avec ce dernier. Ils s'entendaient mieux qu'Argus et Leech, qui partageaient pourtant une sincère amitié, et ne pouvaient envisager d'être un jour séparés... c'était ensemble qu'ils avaient livré chacun de leurs combats, qu'ils s'étaient entraînés, qu'ils avaient serré leurs mâchoires jusqu'à les briser sous les coups de leur maître alors qu'il les châtiait pour tester leur endurance. C'était des instants si difficiles, si peu imaginables pour de simples êtres humains, qu'ils se savaient liés par des sentiments qui allaient au-delà d'une simple amitié.
-Qu'allons-nous faire maintenant? demanda le commandant de l'attirance en se tournant vers l'empereur qui les dirigeait.
Iphiclès, dont les pupilles n'étaient plus dilatées et étrangement sauvages comme durant le pillage, observa avec lenteur le fils d'Hélios. Beau et élancé, il était le symbole même de la jeunesse, de la force, de la vigueur, et il s'étonna soudainement de ne pas trouver ce jeune homme d'aspect si sain et avenant parmi les Saints d'Athéna. Il esquissa un sourire un rien moqueur en se souvenant de la folie qui tenaillait l'esprit de cet être d'allure si plaisante... enfin, pouvait-il vraiment juger l'esprit des autres? Lui qui cachait si bien son lourd secret?
-Eh bien, Phaéton, nous allons marcher, marcher jusqu'à ce que nous rentrions sur Azura, comme nous l'a demandé Arès.
-Mais nous sommes encore à des kilomètres de notre but, répliqua Épiméthée avec mauvaise humeur.
Ce dernier se sentait plus enclin à l'indolence qu'à toute autre activité... du moins à l'heure qu'il était.
-Cela n'a aucune importance, murmura prêt de lui Bételgueuse qui haussait les épaules avec son fatalisme coutumier. Nous marchons tous, nous vivons, nous mourrons... tout ceci n'est qu'une boucle que l'on ne brise pas.
-Il y a bien d'autre chose que j'aurai envie de briser, lâcha brutalement Altaïr en le regardant d'un oeil significatif.
Le commandant de la pensée répondit à cette menace par un nouveau haussement d'épaule, alors qu'il saisissait ensuite une poignée de sables entre ses mains pour en filtrer chaque grain, indéfiniment. Rien n'avait véritablement d'importance, tout était à demi-irréel en ce qui le concernait. Et même si les autres ne s'en rendaient pas compte, il songeait réellement avoir raison... oh... il était trop détaché pour se juger lui-même de toute manière.
-Notre prochaine étape, annonça brutalement Narcisse alors que ses yeux d'arc-en-ciel se fondaient avec la nuit qui envahissait lentement le ciel, sera... la ville de Sardes... à partir de cet instant nous nous trouverons en Lydie, où la civilisation est plus florissante qu'ici. Nous passerons ensuite par Smyrne, Téos et Éphèse et nous rejoindrons à la nage Athènes...
Les rires fusèrent alors à cet instant, coupant Lucifel de ses sombres pensées.
-On rencontrera peut-être les Saints! se moqua Altaïr.
L'empereur de la contemplation hocha la tête avant de se tourner vers le sage et reposant Dédale, qui souriait paisiblement.
-Athéna et les siens... nous ne leur ferons pas la guerre, ce n'est pas utile, du moins pour l'instant, chuchota dans un souffle le père d'Icare.
Écho, serrée contre sa poitrine, ferma les yeux.
-Et d'Athènes, continua-t-elle de sa voix mélodieuse, nous finirons à Sparte. Que ce voyage me semble palpitant...
Elle échangea un regard amoureux avec son mari avant que leurs lèvres ne se touchent.
Près d'eux, Méléagre les regardait en tournant entre ses index l'une des deux courtes nattes aussi flamboyante que le feu qui lui tombaient dans le cou. Âgé de quinze ans, son visage gracieux n'arrivait pas à perdre les derniers traits de l'enfance, pourtant, ses yeux noisettes étaient déjà adultes, presque trop vite grandis, avait-on l'impression en regardant cet être de fragile constitution et de caractère si indépendant. Il avait en lui quelque chose de sauvage et de doux à la fois, et pourtant, la haine laissait son empreinte dans nombre de ses sourires.
-A quoi penses-tu? demanda Iphiclès qui s'était glissé à ses cotés.
-A l'amour... répondit-il en haussant les sourcils avec ironie.
-A celui de Dédale et d'Écho...
-Notamment. Je me demandais simplement comment des êtres aussi sombres qu'eux étaient capables d'aimer.
L'empereur sourit devant cette interrogation à la fois enfantine et adulte. Méléagre était décidément un étrange personnage qui hésitait encore à grandir. Il posa sa main tannée sur la fine épaule de son compagnon qu'il sentit presque se dérober sous ce poids pourtant léger... il était cependant puissant durant les combats, il en avait souvent eu la preuve... ce garçon ne finirait pas de l'étonner de par son incroyable fragilité.
-Si nous sommes des prédateurs, nous reconnaissons toujours les nôtres.
Le jeune homme hocha la tête... des carnassiers, ainsi étaient tous les êtres qui l'entouraient et se gaussaient du carnage qu'ils venaient de commettre et de ceux qui allaient venir. Il faisait parti de ceux-là, assurément, et il répandait le sang autour de lui, comme on lui avait appris à le faire.
Avec eux, rien ne pourrait jamais être en paix... car, tant qu'Arès aurait ses loups...

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Cette fiction est copyright Caroline Mongas.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.