Chapitre 2 : Face à l'océan


Le jour et la nuit se suivent dans une course sans cesse recommencée… La lumière roule devant les ténèbres, et les ténèbres devant la lumière. Et moi j'avance. Enfin, c'est un bien grand mot ! Oui, il n'y a pas de doute, les pas succèdent aux pas, sans fin, vers ce troublant océan que j'ai ressenti alors que tout me semblait perdu. Je n'aime le soleil que glacial. Je préfère ce désert à celui où je suis né. Et j'aime m'égarer. Mes pensées ne sont jamais droites, mais tourmentées suivant une route qui m'est inconnue, m'entraînant vers des rivages que j'ignore. Vers une lumière que j'espère pure. Je n'ai jamais aimé l'action, le geste est plus beau lorsqu'il est impassible. Cette vie est une ironie au monde. Moi, le craintif, le chétif, le plus jeune sans cesse couvé d'un semblant de joie et de silence, moi Benjamin fils de Jacob et de cette beauté lumineuse qui est morte en me donnant le jour, je suis parvenu, rien qu'en le voulant de tout mon être, à déclencher la plus formidable énergie que ce monde ait connu depuis la Création. J'aime ces légendes que mon père me racontait lorsque, assis tous deux à l'ombre d'une tente, attendant le retour de mes frères partis aux champs, il me montrait comme le monde est beau. J'aime à me souvenir de ses pénibles entraînements, qu'il me faisait endurer, comme un défi à l'inéluctable. Je me souviens de cette phrase que je n'entendis qu'une fois, qui ne fut prononcée qu'une fois, alors qu'il venait de nous raconter l'histoire de nos aïeux : " Dieu a créé le monde et a créé les hommes. Les hommes ont à créer leur monde, à l'achever. Les hommes doivent vivre. ". C'est le sens qu'il nous a appris à donner à nos vies. Voilà pourquoi je n'avance pas et voilà pourquoi je vais si vite. En même temps que je ramène tout à lui, j'y trouve la force nécessaire. Mon présent repose sur le passé est aspire l'avenir. Je ne suis sur que de vivre.

Je n'ai pas froid, je ne suis pas fatigué, et pourtant je suis que ma route s'achève. Tu as raison papa, le monde est beau. Devant moi, ce que je cherchai. Sombre et froid, grondant de par son calme, semblant si fragile tout en étant si puissant, l'océan se dresse devant moi. Infini écrasé par la lumière qui l'aime. Je m'assieds. Mon regard se perd dans cette immensité. Et toujours la neige qui tombe. La brume s'immisce dans mon esprit, obligeant les larmes à s'enfuir par mes yeux. La force que m'a donner mon père est comme l'eau fluide, invisible mais puissante et inéluctable. Elle montre que je vis, que je veux vivre, et elle peut tuer. Je ne sais pas pourquoi je lui ai parlé de justice et de pardon, cela m'est venu comme ça. Mais si je lui avais vraiment pardonné, pourquoi l'ai-je quand même tuer, lui, le guerrier invincible qui partageait un peu de mon sang ? Le devais-je ? Cela ne compte que peu. Le voulais-je ? Probablement. Il niait ce monde qui est mon rêve. Et toi, Natassia, pourquoi t'ai-je quitté en te mentant ? Le chant des larmes, troublante complainte se meut en crie. Pourquoi ? Comment ? Qui ? Qui ne perdrai-je pas par ma faute ? Et le cri lui aussi fini par se taire devant l'obscurité d'une question aussi absurde. Absurde parce que je sais que je ne peux pas tout me reprocher. Oui ma mère est morte en me donnant le jour, mais est-ce ma faute ? Non. Si je ne veux plus faire de cette énergie le bras de la mort, je le ferai, je ne suis pas aveugle ! Que chacun aie une chance de renoncer à l'injustice ! Purifies l'âme du repentant ! Je remplirai mon devoir, combattre l'inhumain et le désespoir. Je sais que c'est mon destin. Et je ne veux pas renoncer. Non, Natassia je ne te mentais pas, je reviendrai. Je ferai ce que je suis, et même quand tout semblera perdu, j'espérai encore, même si c'est ce que l'on nomme la folie. Je continuerai à espérer. Je continuerai à aimer. Je ne désespérerai pas, pas même sur le désespoir, et rien ne sera jamais perdu tant que je vivrai. Je le jure. Je le veux. Je défendrai cette univers d'infinité sans conditions, cette ordre à parfaire, ce Cosmos où je puiserai mon énergie, cette énergie que j'attiserai sans fin, toujours plus fort pour devenir ce que je suis. Brûle mon cosmos ! A jamais combat les ténèbres qui veulent dévorer le jour, sois lumière sois espoir ! Tu es univers en l'univers tu es infini ! Oui, que la lumière apparaisse toujours parmi les ténèbres ! Je suis le fils de l'espoir. Je sais que telle est ma destinée.
Mes yeux s'ouvrent à nouveau et il ne fait pas nuit, il ne fera plus jamais nuit, une énergie dorée et chantante entoure mon corps prêt à exploser. L'eau s'est faite glace. Mon entraînement commence.

Mon entraînement est terminé, j'ai maîtrisé ce Cosmos dont la lumière si pure se compare au soleil. J'ai créé ma lumière humaine. J'ai réfléchi des nuits entières. J'ai appris en étendant mes sens que je ne suis pas le seul, que certains sont plus fort que moi encore ! Je l'ai senti, oui, mais je ne désespère pas. Je peux maintenant appeler la lumière dès que je le souhaite, j'ai appris de nouveaux coups. Toujours surprendre voilà ce que j'aime. Si ma force doit grandir ce sera par le combat. J'ai retrouvé Hatikva, le loup qui m'avait sauvé, il est venu me rejoindre il y a six ans, deux jours après mon arrivée. Je ne le quitterai plus , et il ne me quittera plus. Il m'a nourri et tenu compagnie, il m'a appris l'instinct du loup. C'est grâce à lui que j'ai développé mes attaques. Il m'a fait pleurer avec son, chant si beau. Je suis Benjamin, le loup du froid, né au bord de l'océan. J'ai fait face à l'immensité, je me suis fait lumière et j'ai compris. Je me battrai. Je vivrai ce que je veux, quitte à vouloir mes rêves. J'apprendrai. Mais je veux d'abord retrouver celle que j'aime, celle qui me redonne la vie, que je ne veux pas perdre de toute l'éternité de ce monde. Je l'aime.

*
**

Cela fait longtemps que je l'attends. Six ans. Il est parti, mais je sais qu'il reviendra, même s'il ne le savait peut être pas. Non, je ne l'ai pas oublié, et même si c'est fou, même si je suis folle il reviendra. Malgré ce que disent les autres. Sinon à quoi bon ? Je veux me souvenir de cette seule nuit. La chaleur de son souffle, le rugueux de sa peau, sa force si douce et si sereine, l'océan de lumière dans ses yeux. San voix, ou son chant devrai-je dire, me donne des frissons chaque matin. Je me lève à peine…
Je bois mon infusion d'herbe. On l'aurait aperçu seul face à l'océan. Je regarde ma sœur qui ressemble tant à notre mère. Ca ne m'étonne pas de lui et son absence vivifie l'amour. Je m'habille. J'irai au bout du village probablement pour rien comme d'habitude. Enfin si, pour espérer le revoir.
Je salue le forgeron et je salue le mendiant. La terre si dure. Je marche le long de cette rue qui est le seul chemin que ma vie n'ai jamais emprunté. Je marche comme si c'était vers lui. J'arrive devant cette cabane que tout le monde adore et craint depuis lui. C'est là que je passerai le temps qu'il faudra ; à l'attendre. Je le cherche, de mon âme et de mes yeux je parcours la blanche immensité, par des chemins que j'ignore, vers un rivage qui n'est que mot. Reviens. Le ciel si clair si simple se confond avec la plaine. Un voyageur arrive, il ne l'a pas vu. J'attends encore, je reprends ma route imaginaire. Comme tous les jours je m'abreuverai de patience. Je mangerai son souvenir. Je rentre en moi-même, je rentre chez moi. Je tourne le dos à cet horizon d'attente ; ne pouvant plus qu'entendre au loin le son d'une voix que je ne veux pas oublier, et qui, comme une confidence, murmure sur le souffle mon nom.

- Natassia…

Pourquoi ai-je tellement cette impression, cette peur de ne jamais le revo… ?

- Natassia…

Le rêve cède à l'oubli. C'est lui.

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Cette fiction est copyright Samuel Rousseau.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.