Annexe 1 : L'Histoire de Michael


Chapitre 1 : Le berger et la déesse

"Mikérinos ! Reviens ici !"
"Oui maman !"

Le jeune garçon revint vers la maison dès l'appel de sa mère. Il fit signe à Epo, son chien, de veiller sur le troupeau de moutons, et se mit à courir vers la maison. Il entra dans la fraîcheur - toute relative en cette saison - de l'habitation, essuyant la sueur sur son front du revers de la main, et prit une datte dans un panier avant de se diriger vers la chambre de sa mère.

La jeune femme était couchée, mais elle lui sourit dès son entrée. En fait de chambre, il s'agissait d'un recoin de la seule pièce de la petite maison, séparée du reste par un lourd rideau de toile opaque, mais cette isolation était nécessaire pour éviter aux visiteurs de contempler le douloureux spectacle de la mort lente de Daléa.

Mikérinos s'assit au bord du lit de sa mère, et essuya la sueur du front de la jeune femme avec le bord de sa tunique. Il n'avait que huit ans, pourtant il devait s'occuper de sa mère invalide nuit et jour, et il le faisait avec autant d'amour et de compassion qu'un enfant de son âge en était capable. Daléa sourit à nouveau, regardant tendrement son enfant. Cet gamin si attentionné pouvait-il réellement être un des descendants des fabuleux titans, ces êtres sauvages et parfois cruels ? Elle en doutait, mais en même temps craignait voir un jour le caractère emporté de son père s’éveiller en Mikérinos. Si elle le voyait un jour grandir...

"Qu'y a-t-il, mère ?"
"J'ai senti à nouveau le mal me ronger le coeur. Peux-tu aller chez la vieille Jaroa pour y prendre ses herbes qui me font tant de bien ? Je n'en ai plus."
"Déjà ? La dernière fois, il t'avait fallu près de deux semaines pour tout utiliser, et cette fois-ci moins de dix jours ont suffi."
"Le mal me ronge de plus en plus vite, Miké... Je ne sais si ces herbes continueront longtemps à me soulager. Peut-être... peut-être te laisserais-je seul plus tôt que tu..."
"Non ! Je ne veux pas que tu meures, maman ! Je resterai toujours avec toi, et je te soignerai !"
"Je sais mon chéri, je sais. Mais je regrette qu'il en soit ainsi. Tu perds ton temps avec moi ici, alors que tu pourrais apprendre des choses, devenir un homme. Mais personne ne vient jamais ici, et tu n'auras jamais la chance d'apprendre si tu restes là."
"Je m'en moque, maman. Je veux juste rester près de toi."

Le gamin se leva, l'air à nouveau enthousiaste.

"Je vais chercher les herbes. En courant, je serai de retour avant la nuit ! Et je te ferai une bonne soupe de légumes !"

Daléa acquiesça silencieusement et regarda son fils partir. Il ressemblait parfois tellement à son père, plein de vie, de force, héritée de ses ancêtres titans. Mais il y avait en lui cette humanité qui manquait à son père parfois, cette douceur, qu'il tenait d'elle, descendante des vestales d'Aphrodite.

Daléa ferma les yeux, revoyant son époux, le seul homme qu'elle ait jamais aimé, et qui lui avait donné cet enfant si précieux. Mikérinos avait comme son père des cheveux blonds, dorés comme les épis au mois d’été, tombant en boucles sur ses épaules, et les yeux bleu azur, dont le regard pouvait se faire tendre ou dur, riant ou triste, dévoilant toutes ses émotions. Il était grand pour son âge, comparé aux enfants du village voisin, et cette vitalité lui servait bien. Mikérinos devait en effet assurer la tenue de la maison depuis qu'elle était malade, rongée par ce mal interne qui lui liquéfiait les entrailles, lui faisant parfois rendre du sang qu'elle dissimulait pour ne pas alarmer son fils. Son époux mort à la guerre n'avait connu son fils que pendant quelques mois, mais cette absence ne semblait pas peser sur les épaules de Mikérinos, qui disait s'en moquer.

Un bruit dans la maison, près de l’entrée, interrompit ses pensées et fit apparaître un sourire sur ses lèvres.

"Eh bien, mon chéri, tu as oublié quelque chose ?"

Le rideau s'ouvrit soudain, et Daléa ouvrant les yeux vit le regard noir et dur d'un homme inconnu. Ce fut la dernière chose qu'elle vit.




"Grand-mère Jaroa ?"
"Entre mon garçon, entre." fit la voix de crécelle venant de la vieille masure.

Mikérinos entra calmement. Contrairement aux autres garçons du village qu'il voyait parfois, il savait que la vieille femme, considérée comme une sorcière, n’était pas dangereuse. D'ailleurs, il savait comment l'amadouer si elle se mettait encore à dérailler, et Mikérinos palpa la petite bourse à sa ceinture pour vérifier que les olives fraîches s'y trouvaient encore. C’était le péché mignon de la vieille femme, il le savait depuis longtemps déjà.

"Alors, mon garçon, que veux-tu donc ?"
"Maman m'envoie chercher des herbes pour son mal."
"Encore... Par tous les dieux, cette maladie empire de jour en jour. Quel malheur..."
"Je sais..." fit tristement le gamin. "Mais elle s'en sortira, grâce à vos herbes, et à ma soupe !"
"Si cela pouvait être vrai" pensa la vieille femme, qui prit un pot de terre sur une étagère.
"Tiens" poursuivit-elle à haute voix. "je t’en donne un peu plus cette fois, ainsi tu n'auras pas à revenir si souvent."
"Merci, mais ce n'est pas gênant pour moi. Moi j'vous aime bien grand-mère Jaroa !"

La vieille femme sourit, ces paroles attendrissantes la touchaient beaucoup, elle, la recluse du village.

"Merci mon garçon. Puisque tu es si gentil, je peux te lire les lignes de la main pour rien, si tu veux."
"Vrai ?" puis plus timidement "vous croyez que maman serait contre ?"
"Non, pourquoi ? Ne t'en fais pas, je ne dirais rien à personne, si tu veux, je garderai le secret, comme ça ta mère n'en saura rien."
"Alors je veux bien !" fit l'enfant tendant sa main vers la vieille femme.

Jaroa prit la petite main d'enfant dans la sienne, ridée et flétrie, effleurant les doigts forts et pleins de vie du garçon, retournant la main paume vers le ciel. Elle trouva les lignes, les suivit du regard, puis recommença, stupéfaite.

Jaroa n'en croyait pas ses yeux : devant elle s’étalaient les prémisses d'une vie extraordinaire, d'un destin exceptionnel. Elle était incapable de trouver une fin à cette ligne de vie, voyait dans la ligne d'amour une romance fabuleuse et un déchirement tout aussi terrible, voyait les signes de terribles événements, de guerre, de mort, mais aussi d'honneur et de puissance. Jamais encore elle n'avait vu une main pareille, de vie aussi précieuse.

"Alors ? Que va-t-il m'arriver, grand-mère ?"
"Je... ho... tu... tu vas devenir un beau jeune homme... et puis épouser la plus belle fille du village, et tu seras heureux toute ta vie."
"C'est vrai ? Je serais fort comme mon père ? Maman dit toujours que mon père était très fort, que c’était un grand guerrier."
"Oui... oui tu seras fort... Mais tu sais, la grandeur ne réside pas seulement dans la guerre."
"Moi je veux devenir fort pour protéger maman, pas pour tuer des gens."

Jaroa ne put répondre. Devant ses yeux, une liste sans fin d'adversaires futurs pour le garçon s’étirait, promesse de combats interminables et mortels.

"Je... je suis fatiguée mon garçon, je crois que je vais aller dormir. Donne le bonjour à ta mère pour moi."
"Oui. Au revoir grand-mère Jaroa."

Le garçon repartit en sens inverse, après avoir offert ses olives à la vieille femme, qui ne s'en rendit même pas compte, plongée dans une perplexité sans fond.




"Non ! Maman non !"

L'enfant se mit à crier dès qu'il vit les flammes qui surgissaient de la crête de la colline derrière laquelle se trouvait sa maison. Il courut à perdre haleine, mais il était déjà trop tard, bien sur.

Mikérinos ne put même pas entrer dans la baraque en feu pour récupérer le corps de sa mère, car les flammes le repoussaient à chacun de ses pas. Il resta sur place à pleurer, tandis qu'autour de lui se dévoilait l'horrible vérité : des pillards, résidus sans doute d’armées vaincues, avaient attaqué sa ferme. Ses moutons avaient disparu, son chien gisait dans une mare de sang près du pâturage, quelques poules qui avaient réussi à s'enfuir s’éloignaient lentement, tandis que la maison, le seul lieu que cet enfant avait connu et aimé, partait en fumée avec celle qui l'habitait.


L'enfant qui entra à Athènes ce matin-là n’émut pas le moins du monde les gardes postés à l’entrée de la ville. Pourtant, son apparence misérable, son air de chien battu auraient dû attendrir le coeur de l'homme le plus endurci, mais en ces temps où la guerre faisait tant d'orphelins jetés sur les routes de Grèce, personne ne pouvait se permettre le luxe d'une larme.

Mikérinos entra dans Athènes, la cité merveilleuse, dédiée à sa patronne, la déesse Athéna, qui veillait disait-on sur sa ville depuis le Sanctuaire, origine de tous les légendaires Chevaliers.

Athènes était la ville de lumière, berceau des arts et de l'intelligence. Les poètes les plus fameux, les savants les plus érudits, y vivaient, dispensant récits et discours autour d'eux. Les guerriers les plus puissants, les héros les plus célèbres, s'y rendaient afin de rencontrer le roi d’Athènes et lui proposer leurs services, ou mieux encore, entrer dans le mystérieux Sanctuaire, afin de devenir chevalier, ce que peu réussissaient.

Athènes était la plus merveilleuse cité du monde.

Mais le jeune garçon, élevé à la campagne par une mère trop attentionnée, découvrit bien vite le coté sombre de cette ville de lumière. La nuit, les bandits et les voyous faisaient la loi, obligeant les braves gens à s'enfermer chez eux. Les troupes du roi, parfois tout aussi corrompues que les brigands eux-mêmes, faisaient régner une terreur plus grande encore, profitant de leur impunité. Dans ces conditions, les orphelins se cachaient comme ils le pouvaient, jusqu'au jour fatal où ils étaient immanquablement découverts, et tués par un quelconque coupe-jarret pour deux misérables pièces, ou au contraire engagés dans une bande de hors-la-loi, devenant à leur tour de sordides assassins nocturnes. Mikérinos fut de ceux-là.

A peine trois mois après son arrivée à Athènes, il fut découvert dans sa cachette - un vieux tonneau troué - par une bande menée par un certain Achros. Ce dernier avisa la bourse à la ceinture du garçon, et voulut la prendre, mais ce dernier se défendit vaillamment, et parvint même à assommer l'un des hommes de main d'Achros avant d’être maîtrisé par trois grands gaillards.

"Bien... voyons ce que contient cette bourse..." fit le chef des voleurs.
"Non ! Rends-la moi, n'y touche pas !" hurlait l'enfant, qui se débattait comme un diable.

Achros ouvrit néanmoins la bourse, renversant son contenu au creux de sa main. Il la jeta immédiatement, s'essuyant les doigts sur sa cape, en réalisant que c’étaient des ossements humains, noircis et brisés.

"Bah ! Qu'est ce que c'est que cette saloperie ?" cracha-t-il, dégoûté.

Mikérinos, furieux, parvint à échapper aux hommes qui le tenaient, et se jeta à la gorge d'Achros.

"Salaud ! Ce sont les os de ma mère ! C'est tout ce qui me reste d'elle !"

Mikérinos serrait la gorge de l'homme, qui se débattait mais ne parvenait pas à se dégager de la poigne fantastique de l'enfant. Lorsque les hommes d'Achros purent enfin maîtriser le gamin, un autre bandit se pencha sur Achros et murmura "Il est mort... le gamin lui a broyé la gorge...".

Ainsi Mikérinos, descendant des titans, fut-il accepté dans la troupe des voleurs.




"Non, non, lâchez-moi !"

Mikérinos n'aurait jamais cru hurler ainsi sa frayeur. Il avait maintenant douze ans, mais sa stature et son apparence faisaient croire qu'il en avait cinq de plus. Il dirigeait la bande désormais, car même les plus solides gaillards du groupe ne pouvaient se mesurer à sa puissance physique. Pourtant, étrangement, il n’était pas disproportionnellement musclé. Mais il était capable de dégager une telle force que nul n'osait lui résister. Sa bande s’était ainsi taillée une part non négligeable du contrôle de la ville, trop sans doute pour que cela passe inaperçu.

Et aujourd'hui, le vieil homme qu'ils avaient attaqué s’était défendu trop bien. Ses hommes gisaient autour de lui, certains morts, d'autres inconscients, ou gémissant de douleur après que le vieil homme se soit battu seul contre eux tous, les écrasant sans aucune difficulté. Puis il avait empoigné Mikérinos qui l'attaquait, et avait de sa seule main soulevé l'adolescent par le bras, l'immobilisant par une torsion qui lui lancinait l’épaule.

Mikérinos était terrorisé. Jamais encore il n'avait rencontré une telle force tranquille, capable de le vaincre, lui.

L'homme lui parla : "Ainsi voici le fameux brigand qui tyrannise ce quartier. Un gamin, qui en plus ne sait pas se battre."
"Aie ! Répète un peu ça, vieux croulant, une fois que tu m'auras relâché ! Je te ferai ravaler les dents qu'il te reste !"
"Sache, gamin, que j'ai toutes mes dents. Je suis peut être vieux, mais loin d’être fini. Et pour le moment, c'est moi qui décide qui doit prendre des coups ou pas."

Mikérinos ne répondit pas, essayant de lutter contre la poigne de l'homme, qui semblait ne jamais devoir faiblir et le maintenait toujours aussi haut. Il banda ses muscles mais rien n'y fit.

"Oh oh ! Inutile, gamin, inutile. Si tu te débats, tu risques de te déboîter l’épaule. Alors cesse-là tes efforts et sois sage, tu dois répondre de tes actes, maintenant."

Mikérinos prit au sérieux la menace. S'il était jugé, il serait exécuté. Et ça, il n'en était pas question. Au prix d'un effort insensé, il parvint à se tourner légèrement vers le vieil homme, plongeant son regard dans le sien. "Ja... Jamais !" hurla-t-il, décochant un fantastique coup de poing dans le visage de l'homme, tandis que, comme celui-ci l'avait dit, son épaule se déboîtait.

Mikérinos tomba au sol, hurlant de douleur, mais le vieil homme l'avait lâché, ébranlé par le coup. L'enfant se mit a courir, bousculant la foule qui sortait pour voir la rixe, mais le vieillard était déjà derrière lui, courant lestement. Soudain, il y eut une sorte d’éclair et le vieil homme se retrouva devant lui, bloquant de nouveau le passage. Mikérinos ne comprenait pas comment il avait pu se déplacer si vite, mais cela ne le ralentit pas. Il fonça tête baissée vers l'homme, tenant toujours son épaule de sa main valide. Le vieillard esquiva facilement, et envoya le garçon cogner dans un étal de fruits. L'enfant se releva furieux, et invectiva son adversaire :

"C'est pas loyal ! Si j'avais mes deux bras, tu la ramènerais pas."
"Si tu veux, gamin, fit le vieil homme. Je ne vais pas me servir de mon bras droit. Allez, montre-moi ce que tu vaux !"

Mikérinos se précipita vers lui, décochant coup après coup, mais il ne brassait que l'air, son adversaire évitant chaque attaque, puis soudain, ce dernier lui décocha un formidable coup de poing dans l'estomac, qui fit plier le gamin en deux, vomissant son dernier repas.

"Bien. Je vois que tu te défends pas mal, pour un gamin des rues. Je peux peut-être faire quelque chose de toi."

Mikérinos ne répondit pas, le souffle court, mais dans son regard, on pouvait lire sa question : "Qui êtes-vous ?" Le vieil homme répondit calmement : "Je suis Thésée, celui qui vainquit le Minotaure. Et je suis le chevalier d'or du Capricorne, au service de la déesse Athéna. Je cherche un disciple à former."




Thésée et Mikérinos s’agenouillèrent devant le trône, et attendirent. Au bout de quelques instants, une femme entra, et s'assit sur le fauteuil d’ébène. Le jeune disciple et son maître gardaient les yeux baissés, attendant le bon vouloir de la déesse.

C’était la première fois que Mikérinos allait voir Athéna. Jusque-là, il avait entendu parler de son exceptionnelle beauté, de son intelligence et de sa grandeur d'âme, mais jamais il n'avait pu approcher la déesse. Il arrivait bientôt au terme de sa formation, aussi Thésée avait voulu le présenter à Athéna, mais bien qu'il soit l'apprenti du Lion, il se sentait tout intimidé devant l'aura que dégageait Athéna.

Les progrès de l'enfant qu'il était avaient été rapides. Il avait désormais seize ans, et maîtrisait parfaitement le septième sens, qui donnait toute sa puissance aux chevaliers d'or. Il avait grandi en stature, et était presque aussi grand que son maître. Son visage avait perdu ses traits enfantins, bien que les longs cheveux bouclés lui donnaient un air plus juvénile. Mais il se sentait aujourd'hui un homme.

"Vous pouvez relever la tête." dit Athéna d'un ton calme.

Mikérinos eut la surprise de sa vie. En face de lui se tenait une jeune fille de quinze ans d'une beauté incroyable. Ses cheveux de miel, pourtant relevés en chignon, tombaient en cascade sur sa peau nacrée, et ses yeux d'un noir profond étaient inévitables, semblant, par leur candeur, leur bonté, attirer tous les regards. Mikérinos ne sut jamais combien de temps il resta là à la fixer, la bouche ouverte mais son maître le rappela à l'ordre brutalement, lui faisant prendre conscience de son ridicule. Athéna pouffa de rire, et Mikérinos baissa les yeux, honteux et rougissant.

Il ne sut jamais non plus ce qui se dit dans cette salle ce jour-là, car son être tout entier était absorbé dans la contemplation de la déesse Athéna, dans l’écoute du son de sa voix, mais il ne comprenait pas ses mots. Quand il quitta le palais, il se jura solennellement de devenir le plus vaillant des chevaliers afin de la protéger.

Car il était amoureux.




Mikérinos acheva peu de temps après sa formation, et obtint l'armure d'or du signe du Lion. Il en éprouva une grande fierté, mais aussi un petit regret : de par sa position centrale dans l'ordre des douze maisons, il n'aurait sans doute jamais l'occasion d'affronter un adversaire qui tenterait d'envahir le Sanctuaire, et qui serait donc arrêté par les chevaliers d'or se trouvant avant lui, et cela le contrariait car il voulait prouver sa vaillance et sa loyauté à Athéna.

Aussi, lorsque la guerre contre Arès, le nouveau dieu de la guerre, éclata, Mikérinos y vit une opportunité de montrer à tous son aptitude au combat. Mais la réunion d’état-major que décida Athéna modifia ses projets.

"Bien", fit la déesse, "les forces de Arès seront neutralisées en grande partie par les chevaliers de bronze et d'argent, et seule la garde rapprochée d'Arès est réellement dangereuse. J'aurais alors besoin des chevaliers d'or."
"Quand partons-nous, déesse ?" demanda Mikérinos, impatient, et oublieux du protocole.
"Tu ne pars pas, Mikérinos. Je ne peux me permettre de laisser le Sanctuaire sans protection, car je sens d'autres forces à l'oeuvre, et je crains que nous soyons attaqués. Seuls quatre d'entre vous m'accompagneront, et ce seront les quatre derniers chevaliers. Jason du Sagittaire, Thésée du Capricorne, Al-Hassim du Verseau, et Noa des Poissons. Les huit autres continueront de garder les douze maisons."

Mikérinos voulut protester mais il sentit la présence de son maître qui le regardait d'un air sévère, et baissant les yeux, il se retint.

Le soir même, Athéna, vêtue de son armure divine, partait avec les chevaliers d'or pour affronter Arès. Mikérinos ne dormit pas cette nuit-là, attendant dans la maison du Lion le dénouement de la bataille. Tout son être était tendu vers l’extérieur du Sanctuaire, vers cette bataille au loin, et il essayait de percevoir les cosmos qui s'affrontaient.

A l'aube, les cosmos se turent, puis les guerriers rentrèrent au Sanctuaire. Mikérinos descendit dans la maison du Bélier, rejoignant son ami Luccius, gardien de cette maison, pour être le premier à voir si Athéna était encore en vie.

Elle l’était, à son grand soulagement, et il sentit la grande tension qui oppressait sa poitrine disparaître, à la simple vue de sa silhouette. Il l'examina en détail, rapidement, et vit avec satisfaction qu'elle n’était pas blessée, ne portait même pas une légère cicatrice.

Ce n'est qu'à cet instant qu'il vit la triste mine qu'elle faisait, et qu'il constata que seuls deux chevaliers d'or étaient rentrés avec elle.

"Athéna ?" fit-il, interrogatif, s’avançant vers elle.
"Je suis désolée, Mikérinos. Thésée s'est bien battu pour nous sauver tous, mais ses forces l'ont trahi au dernier instant et il... je suis vraiment désolée."

Le jeune chevalier du Lion sentit soudain une vague de tristesse le noyer. Thésée, mort ? L'homme qui avait vaincu le Minotaure, qui avait accompagné Jason et ses Argonautes à la recherche de la mystérieuse Toison d'Or, vaincu par les séides d'Arès ? Il ne pouvait y croire.

"Al-Hassim aussi nous a quitté. Il a accompli son devoir jusqu'au bout avec vaillance. Ce soir, nous célébrerons leur mémoire à tous deux."

Athéna rentra au palais, suivie par ses deux gardiens, tandis que Mikérinos, géant formidable dans son armure dorée, restait abasourdi, réalisant seulement à l'instant combien le vieil homme qui lui avait tout appris comptait pour lui.


Les chevaliers d'Athéna étaient tous rassemblés devant le bûcher funéraire. Thésée avait depuis longtemps laissé des instructions concernant ses obsèques, et Al-Hassim, qui partageait ses convictions, voulait aussi être incinéré. Athéna se tourna vers ses chevaliers, le flambeau a la main, les yeux pleins de larmes. Elle ne prononça pas un mot mais la question était évidente.

Ce fut Mikérinos qui s’avança, et prit le flambeau qu'elle offrait à tous. "C'est à moi de le faire." dit-il simplement. Il s'approcha du bûcher de son maître, jetant un dernier regard vers le vieil homme qui avait passe sa vie à combattre pour les autres, puis il abaissa le flambeau.

Ce fut une soirée étrange, faite de feu sans joie, de chansons tristes, de souvenirs joyeux racontés par des gens qui ne riaient pas. Mais telle était la vie du Sanctuaire.




"Bien joué, Miké !" fit Jason, lorsque le chevalier du Lion bloqua son attaque.

Trois ans avaient passé, et Mikérinos augmentait toujours en puissance, maîtrisant toutes les attaques qu'on lui enseignait. Jason avait vu en lui un véritable héros, et voulait faire de lui le plus grand défenseur d'Athéna. Cet homme était voué à un destin exceptionnel, aussi fallait-il lui donner les moyens d'affronter son futur, quel qu'il soit.

Mikérinos avait encore changé, et il était désormais un adulte. Sa haute stature, son corps d’athlète, et ses traits harmonieux faisaient de lui le plus convoité des chevaliers parmi les jeunes filles novices du Sanctuaire. Mais il ne regardait aucune d’entre elles, car son cœur allait toujours vers la même jeune fille.

Mikérinos et Jason s’entraînaient tous deux dans le Colisée environ trois fois par semaine, le reste du temps, ils enseignaient à leurs propres disciples comment devenir chevaliers. Ceux-ci étaient assis sur les gradins aujourd'hui, admirant le combat fantastique entre les deux chevaliers d'or, ne réalisant pas encore combien leur puissance à tous deux était infiniment supérieure à la force de tous les disciples réunis. C’était pour les deux guerriers l'occasion de montrer à ces novices l’étendue du cosmos et de son utilisation.

Leur duel dura deux bonnes heures, jusqu’à ce que le cor, qui sonnait l'heure du repas de la mi-journée pour les novices et les gardes, sonnât. Les deux chevaliers cessèrent d'un commun accord et se serrèrent la main sous le regard admiratif des disciples éberlués et d'une jeune femme souriante.

"Bravo !" fit cette dernière, applaudissant.
"Athéna ?" fit Jason. "Vous êtes là depuis longtemps ?"
"Environ une heure. C'est le plus beau match d’entraînement que j'ai vu depuis longtemps. Je vous félicite. Surtout toi, Miké, qui tiens tête à un guerrier aussi expérimenté que Jason."
"Oh je ne suis plus qu'une vieille carne, maintenant" fit modestement le Sagittaire. "J’étais bien plus fort lorsque je recherchais la Toison. Mais l’âge finit toujours par nous rattraper."
"Ne soyez pas modeste, Jason. Vous êtes peut-être le doyen des chevaliers d'or, mais aussi leur exemple, et vous le savez. D'ailleurs vos disciples vous admirent."
"Mais ils admirent aussi Mikérinos" continua le héros "et un jour, je suis sûr qu'il sera aussi célèbre que moi."

Mikérinos rougit légèrement. Il n'avait pas dit un mot depuis qu'Athéna était là, se sentant incapable de lui parler sans rougir. Son amour pour elle n'avait pas diminué en intensité, bien au contraire. Mais il ne se sentait pas le droit d'oser lui parler. Elle était Athéna, la Déesse Intouchable.

"Mes amis, pour vous remercier de ce beau spectacle, je veux vous inviter à déjeuner au palais."
"C'est un honneur, Athéna. Nous acceptons bien sur." fit Jason.
"Euh... Et bien, c'est à dire..." bredouilla Mikérinos, confus.

"Tais-toi et viens." fit une voix dans sa tête. Mikérinos vit le regard impérieux de Jason et il acquiesça d'un mouvement de tête, ce qui fit sourire Athéna.
"Parfait." fit-elle.




Le repas fut plaisant, Mikérinos se laissant aller à plus de bonne humeur, et il n'en apprécia que plus ce moment privilégié avec sa déesse, même si la présence de Jason rendait ce repas un peu moins romantique qu'il n'aurait pu être. Jason détendait l’atmosphère racontant ses exploits de jeunesse sous un jour comique, et les trois convives riaient franchement.

Mais le vieux Sagittaire déclara à un moment qu'il devait faire quelque chose d'urgent, et il s’éclipsa, laissant les deux jeunes gens seuls. Il y eut un silence gêné, puis Athéna réussit à reprendre la conversation, et Mikérinos parla longuement avec elle, sentant son coeur battre à tout rompre dans sa poitrine, se maudissant de ne pas trouver le courage de lui avouer ses sentiments.

"Miké, veux-tu faire un tour au jardins avec moi, je te prie ? Je voudrais... parler." fit-elle après le dessert.

"Oui, bien sûr."

Le jeune homme se leva, tendit poliment le bras à la déesse, et ils se dirigèrent tous deux vers les jardins verdoyants qui surplombaient le Sanctuaire.

Athéna entraîna le jeune homme vers un banc où ils s'assirent. A cette heure de l’après-midi, les jardins du Sanctuaire étaient fort agréables, et l'air pur, chargé du pollen des fleurs en éclosion, donnait une impression de bien-être qu'ils apprécièrent tous deux. Mikérinos cependant, retrouva un instant son sérieux et brisa le silence complice qui s’était installé.

"Je vous écoute, ma déesse. Que voulez-vous ?"

Athéna baissa la tête, détournant son regard des yeux bleus qui la fixaient d'une intensité à peine supportable, et se mit à parler, d'une voix d'abord grave.

"Je... J'ai un aveu à te faire, Mikérinos. Tu ne l'as peut-être pas remarqué, mais depuis que je t'ai vu pour la première fois, dans la salle du trône, j’éprouve une grande joie et une grande tristesse à te savoir près de moi. Une grande joie parce que..."

Les mots se firent pesants, comme si Athéna se les arrachait de la gorge, parce qu'ils ne voulaient sortir d'eux mêmes.

"... parce que j'ai beaucoup... d'affection pour toi, et que j'aime... me trouver en ta compagnie. Mais j'ai aussi de la tristesse, sachant qu'à cause de moi tu seras confronté au danger et à la mort, en tant que chevalier."
"Ne craignez pas pour ma vie, déesse Athéna, j'ai fait le serment de l'offrir pour vous de mon plein gré."

Athéna ne répondit pas immédiatement, et Mikérinos, se sentant mal à l'aise dans cette situation qu'il ne comprenait pas, se leva et fit quelques pas vers le palais après s’être incliné devant la déesse.

"Miké ! Attends ! Je... Tu n'as pas compris... Je crains pour ta vie parce que... parce que je t'aime !"

Mikérinos se retourna à ces mots, n'en croyant pas ses oreilles.

"Oui, je t'ai toujours aimé, depuis ce premier regard que nous avons échangé. J'ai essayé de me le cacher, j'ai essayé de t'oublier, mais tu es toujours présent dans mes pensées quand je suis seule, quand j'ai peur ou quand j'ai froid. Quand je ris, je souhaite que tu ries aussi, et si je te sens triste, je le suis aussi. Je sais que je n'aurais jamais dû te le dire mais..."

"Non ! Athéna... vous... vous ne vous rendez pas compte ? C'est fantastique ! Moi aussi je vous ai toujours aimée depuis ce jour-là ! C'est pour vous que je suis devenu chevalier d'or afin de toujours vous protéger, pour toujours être à vos côtés, même si cela devait être dans votre ombre. Je... Je n'arrive pas à croire ce que vous me dites, ça dépasse mes espoirs les plus fous. Je..."

Mikérinos ne termina pas sa phrase. Lorsque Jason, qui recherchait les deux jeunes gens après avoir trouvé la table vide, fit un détour par les jardins, et découvrit la scène, il s’éclipsa en silence tout en souriant. Il prit bien garde qu'aucun chevalier ou homme de garde n'entre au palais a cet instant, car rien ne devait déranger le fougueux baiser d'Athéna et du chevalier du Lion.



Chapitre 2 : La main de Zeus

"Miké, crois-tu que nous ayons un avenir tous les deux ?"
"Que veux-tu dire ? Bien sûr que nous en avons un. Nous sommes jeunes, la vie s'ouvre devant nous. Le fait que tu sois une déesse n'y change rien."

Mikérinos avait du mal à comprendre le point de vue d'Athéna. La jeune femme s'assit dans le lit et ramena les draps sur elle, comme pour se protéger d'une invisible menace. Près d'elle était allongé son amant, lui aussi nu comme au jour de sa naissance. Mikérinos tendit la main vers Athéna, effleurant sa peau si douce, encore moite de sueur après leur dernière étreinte.

Athéna n'avait pas eu un seul doute sur leur bonheur commun depuis qu'ils étaient ensemble, depuis cette terrible et superbe nuit, huit mois plus tôt, où ils s’étaient découverts l'un l'autre. Et voilà que soudain, Athéna semblait ressentir un danger pour eux.

"Athéna, que se passe-t-il ? Est-ce que tu crois que nous deux..."
"Non, non bien sûr, ce n'est pas ce que je voulais dire. Miké, je... je suis une déesse. La femme que tu as devant toi est déjà la deuxième incarnation de l’entité que je suis. Je n'ai pas eu la chance de connaître l'amour pendant ma première incarnation, et aujourd'hui je suis une femme comblée avec toi à mes côtés. Mais dans le même temps, je ne suis plus vraiment humaine, et mon destin est si... Je suis exposée à tant de dangers. Je ne veux pas que tu souffres lorsque je disparaîtrai."
"Et c'est cela qui te préoccupe ? Athéna, je serai toujours avec toi dans cette vie. Je sais que bien après ma mort tu te réincarneras, tu vivras à nouveau et peut-être seras-tu heureuse avec un autre homme. Je te le souhaite de tout mon coeur. Mais en attendant, nous devons profiter de cette existence."
"Mais... et si nous sommes attaqués, si je devais périr au combat ?"
"Je suis là pour te protéger. Et mes compagnons aussi. Et j'ai encore plus de raisons qu'eux pour veiller sur toi. Il ne t'arrivera rien."
"Miké... j'ai peur... Je ressens des forces énormes qui nous menacent. Je crains qu'une nouvelle guerre ne se déclenche."
"Qu'elle se déclenche, alors, et qu'on la mène à son terme. Je suis prêt à défier tous les dieux de l'univers si je peux après cela me retrouver seul avec toi." fit-il en l'embrassant.


Athéna avait raison. La première guerre contre Hadès fut déclarée quelques jours plus tard. Arès, après sa défaite contre Athéna, avait convaincu le Dieu des Enfers qu'une alliance leur serait profitable. Hadès avait accepté, et avait envoyé la moitié de ses Spectres aider les derniers guerriers d'Arès.

La bataille eut lieu sur les monts du Péloponnèse, et fut sanglante. Tous les spectres furent exterminés, ainsi que les guerriers d'Areès, mais de nombreux chevaliers y laissèrent la vie. Jason périt, tué par le spectre du Balrog. Noa des Poissons périt, étranglée après avoir été violée par trois des plus bestiaux des guerriers d'Arès, qui furent à leur tour tués par le frère de Noa, le chevalier d'or du Taureau. Luccius du Bélier périt, frappé dans le dos par un assassin de l'ombre. Seuls trois chevaliers d'or assistaient encore Athéna lorsque la déesse se retrouva face au Dieu de la Guerre, au sommet d'une montagne. Deux d'entre eux étaient blessés, et incapables de bouger. Le troisième était Mikérinos.

"Athéna, il est temps d'en finir" gronda Arès.
"Oui" fit calmement la jeune femme, revêtue de son armure, tenant son sceptre et son bouclier en main.
"Non, Athéna, laissez-moi vous aider..." fit Mikérinos, s'approchant. Mais le duel des dieux avait déjà commencé.

Le combat dura plus d'une heure. Les deux Dieux de la Guerre étaient égaux en puissance, et aucun des deux ne prenait l'avantage sur l'autre. Mais Arès ne semblait jamais devoir se fatiguer, portant coup sur coup, tandis qu'Athéna commençait à ployer sous le poids conjugué du bouclier et du sceptre, se contentant de se défendre. Elle finit par faire un faux pas et fut jetée au sol. Arès, voyant déjà sa victoire, leva haut sa lame, prêt à décapiter sa rivale.

"NOOON" fit une voix derrière lui. Un instant plus tard la lame d'Arès s'abattait sur Athéna, mais se retrouvait prise dans l’étau des mains de Mikérinos.

"Quoi ? Comment oses-tu ?" Arès était hors de lui. "Un humain ne peut s'interposer entre les dieux !"
"Alors que mon cosmos soit celui d'un dieu !" répliqua Mikérinos qui intensifia son aura jusqu’à la limite. Il décocha un coup en direction du dieu de la guerre qui le para difficilement.
"Impossible..." marmonna-t-il, pressentant que Mikérinos s'ouvrait déjà au Big Will.

"Que mon cosmos explose !" hurlait le chevalier du Lion, son énergie soudain libérée. Il fondit sur Arès, et avant que celui-ci puisse faire un geste, lui transperça le coeur de sa main nue.

"Non... non..." Arès s'effondra, ne parvenant pas à admettre sa défaite face à un simple humain, mais pourtant, Mikérinos n’était déjà plus un humain, mais une divinité naissante. Un cosmos d'or pur l'entourait, et son apparence déjà si noble s'en trouvait grandie. Athéna n'en croyait pas ses yeux : Mikérinos était son égal, un dieu !


"Athéna..." fit le chevalier du Lion "Que... que m'arrive-t-il ?" Il tendit la main à la déesse pour l'aider à se relever. Athéna, debout face à son amant, n'osait croire ce qu'elle était forcée de constater. Elle effleura la joue de Mikérinos du bout de ses doigts, comme pour se convaincre qu'il était réel, puis soudain se jeta à son cou, cherchant ses lèvres des siennes. Que les anciens dieux soient bénis ! pensa-t-elle, car elle comprenait maintenant que jamais Mikérinos et elle ne seraient séparés désormais.

Le couple commença à s’éloigner du lieu du combat, Mikérinos tenant Athéna contre lui, quand la voix d'un chevalier d'or retentit : "Attention !"

Mais il était déjà trop tard. Au même instant, Arès utilisait ses dernières forces pour se jeter sur Athéna, plongeant sa lame profondément dans le dos de celle-ci. Mikérinos, hurlant sa rage, vit Athéna s'effondrer à côté de lui tandis qu'il portait un terrible coup au dieu de la guerre, le coupant en deux. Le corps du dieu tomba au sol dans une mare de sang, un rictus de satisfaction figé sur ses lèvres alors qu'il expirait.

"Athéna... non !" Mikérinos tenait Athéna dans ses bras. Elle respirait difficilement, le poumon perforé, et sa pâleur annonçait une mort imminente.

"C'est fini, Miké... Seuls les dieux pourraient me sauver... Je crois que nous n'avions pas d'avenir..."
"Il en est hors de question ! Tu ne dois pas mourir ! Tu dois tenir ! Je vais chercher quelqu'un qui pourra te soigner. Reste en vie ! Je t'aime..." finit-il dans un sanglot.

"Miké..." fit le chevalier de la Vierge à côté de lui. "Je peux essayer de maintenir en elle ce souffle de vie avec mon cosmos. Va chercher Zeus. Lui seul peut t'aider maintenant."
"Zeus ? Mais où est-il ?"
"En Olympe. Normalement tu ne devrais pas le trouver, mais tu sembles si puissant désormais. Cherche Zeus." Jaral de la Vierge se tut, pour concentrer ce qui lui restait d’énergie afin de maintenir Athéna en vie. Mikérinos se leva et regarda le ciel.

"Zeus est le roi du ciel..." se dit-il. L'instant d’après, il avait disparu.




Mikérinos s’élevait toujours plus haut. Si le royaume de Poséidon était sous les océans, il était logique que celui de Zeus soit au dessus du ciel. Mikérinos fendait les nuages, montant toujours plus haut. A chaque instant, son cosmos augmentait, le transformant en une fusée de lumière qui s’éloignait un peu plus du monde des hommes.

Le dernier nuage disparut, et Mikérinos vit le bleu du ciel s'assombrir, devenant nuit.Les étoiles brillaient plus fort, comme pour lui souhaiter la bienvenue parmi elles. Bientôt il aurait quitté cette Terre. Mais soudain, tout fut blanc.

Mikérinos se tenait sur un nuage d'un blanc pur. Autour de lui s’étalait une ville étrange, aux couleurs chatoyantes. Devant lui un temple titanesque se dressait, et les armes de Zeus étaient frappées sur sa colossale porte en bronze. Mikérinos avait sans le vouloir franchi les dimensions, et atteint l'Olympe.

Son hésitation et sa surprise ne durèrent qu'un instant, et déjà il fonçait sur le temple. Il transperça la porte de part en part, anéantit une douzaine de gardes qui apparurent à son entrée, mais fut bientôt arrêté par un homme en armure dorée.

"Arrête-toi, envahisseur. Je suis Saint Georges, le gardien de ce palais, et je ne peux te permettre de rencontrer mon maître, le puissant Zeus."
"La vie de ma déesse sera sauvée, même si pour cela je dois te tuer" gronda Mikérinos. Il ne devait pas reculer.

Le combat fut bref et sauvage. En moins d'une seconde, Saint Georges gisait à terre, une jambe et un bras brisés, son armure fracturée de toutes parts. Mikérinos entra en courant dans la salle du trône de Zeus.

"Puissant Zeus, Père des Dieux, je te supplie de m’écouter..." commença-t-il.
"Ne dis rien, chevalier. Je sais ce qui se passe sur Terre, et ton courage face à Arès m'a impressionné. C'est d'accord, je soignerai Athéna. Mais tu devras en payer le prix."
"Lequel ?" fit sans hésitation le chevalier du Lion.
"Une vie contre une vie. Pour rendre son souffle à Athéna, tu dois me donner le tien."
"J'accepte. Mais faites vite, je vous en suppl..."

Mikérinos s'effondra, inconscient, alors qu'au même instant, Athéna ouvrait les yeux, sa blessure évanouie, ses forces restaurées. Les yeux de la jeune femme étaient pleins de larmes.


"Seigneur Zeus..." fit la jeune déesse en s'inclinant vers le Père des dieux.

"Athéna. Tu viens voir ton chevalier, n'est-ce pas ?"
"Oui. Est-il... ?" Le mot était insupportable.

"Non, il vit. Tu peux le remercier de son geste, c'est grâce à lui que tu vis aujourd'hui."
"Je le sais. Je te remercie de ton aide, Zeus. Je te dois une vie."
"Tu ne me dois rien. Ce jeune homme a payé ta dette."

Athéna eut un frisson. Zeus ne faisait jamais rien gratuitement.

"Que veux-tu dire ? Qu'as-tu en tête, Zeus ?"
"Mikérinos m'a offert sa vie en échange de la tienne. Il m'appartient désormais."
"Comment ? Mais tu ne peux pas... Je ne veux...."

"Athéna" fit calmement Zeus, voyant qu'Athéna était sur le point de s’énerver "peux-tu me dire ce qu'il adviendra de lui quand tu mourras ?"

Athéna réfléchit un instant, puis baissa les yeux. "Il se dissipera dans le néant, comme Niké."
"Oui. Tu n'es pas assez puissante en tant que déesse pour assurer votre divinité à tous deux. La dernière fois, c'est moi qui t'ai donné la force de survivre, et même si ton pouvoir a augmenté assez pour te permettre d’être indépendante, tu ne peux aider ton ami seule. Tu vas devoir compter sur moi encore une fois."
"Zeus... peux-tu le faire ? Pour moi ?"
"Oui. Mais je t'ai déjà dit que ce prix était payé. Mikérinos entrera à mon service et vivra ici au palais."
"Mais... qu'en dit-il lui-même ?"
"Pour le moment, il est toujours inconscient. Mais quand il se réveillera, ton choix devra être fait depuis longtemps. C'est maintenant que tu décides, Athéna."

La jeune déesse murmura "Je veux qu'il vive, bien sûr..."

"Soit. St Georges le formera afin qu'il lui succède. Le chef de mes Archanges a mal pris de s’être fait battre aussi facilement. Il voit en ton chevalier un successeur potentiel. Et puis, St Georges veut rejoindre les anges du Seigneur, et quitter mon service. Apres plus de mille ans, c'est normal. De plus, il ne reste presque plus de dragons à exterminer."

Athéna n’écoutait déjà plus. Ses pensées étaient tournées vers une seule certitude : Mikérinos vivrait loin d'elle.

Sans écouter plus avant ce que disait le Roi de l'Olympe, la déesse tourna les talons et quitta le royaume des dieux.




"Seigneur Zeus..." fit avec déférence Ezékiel lorsque le grand dieu entra.
"Alors Ezékiel, que penses-tu de lui ?" fit le dieu, désignant le corps endormi sur la table de marbre.

"Oh, je crois qu'il fera un bon archange. Mais son amour pour Athéna est si fort... Je crains qu'il ne nous trahisse si un jour vous deviez affronter cette déesse."
"Je vois. Peux-tu effacer cet amour ?"
"Son âme est pure, et résistante. Je ne peux sans doute pas écraser tant de sentiments. Mais je peux lui faire croire qu'il a été abandonné par Athéna, et ce ressentiment fera de lui un serviteur dévoué à votre personne."
"Fais comme bon te semble. Je veux l'avoir à mon service."
"A vos ordres Seigneur" dit l'archange tandis que Zeus quittait la pièce.


Le lendemain, Mikérinos fut conduit devant Zeus. Celui-ci lui dit qu'Athéna avait préféré le savoir ici que sur Terre où son pouvoir aurait été dangereux pour elle. Le jeune homme acquiesça, car son âme manipulée à son insu lui disait que c’était là la vérité. Puis Zeus conféra une part de son pouvoir au héros, le faisant grandir en taille et en force, tandis que deux ailes blanches apparaissant dans son dos, transformant le jeune dieu en archange surnaturel. Saint Georges lui offrit son armure et sa lance, le désignant comme le nouveau chef des Archanges. Ezékiel et les deux jumeaux Vesper et Lucifer, s’agenouillèrent devant lui, lui promettant fidélité et obéissance. Zeus enfin donna un nouveau nom, d'origine divine, au jeune homme. Il s’appellerait Michael.

Le nouvel archange s'agenouilla devant Zeus et prêta serment de fidélité. Au cours des millénaires qui suivirent, il servit Zeus sans jamais faillir, accomplissant avec succès toutes les missions qui lui étaient confiées.

Mais chaque nuit, dans ses rêves, une jeune femme blonde lui souriait.

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Cette fiction est copyright Patrick Huart.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.