Premier Age Chapitre 3 : Rencontre étrange


Dans la mythologie grecque, Athéna est la fille de Zeus, née toute armée de son front. Ses noms sont Athéna, Pallas Athéna, Athéna à face de chouette, Atrytôné ou encore Tritogénie. Elle est déesse guerrière, ainsi que déesse de l’intelligence active. Elle est vierge.
Considérons maintenant les observations suivantes.
- Je n’ai relevé au cours de mes recherches aucune occurrence d’aucun des épithètes précédemment citées et généralement attribuées à la déesse.
- Son rôle de guerrière, très grand, occulte complètement son appellation de déesse de l’intelligence active.
- Les dieux grecs sont immortels.. Si Athéna l’avait été, elle serait encore là aujourd’hui.
Nous pouvons donc en déduire la conclusion suivante :
La divinité que sert le Sanctuaire n’est pas celle de la mythologie grecque.

Il y a évidemment une relation entre les deux entités, mais sa nature exacte dépasse le cadre de cette étude. Signalons juste que sa parenté avec Zeus est logiquement remise en cause.

Extrait d’un rapport sur la chevalerie sacrée et sur le Sanctuaire, financé par la fondation Graad et mené par le père Jacob


~ 0 ~


" Le cosmos, c’est bien votre deuxième force.
Votre première force est celle que vous protégez. Athéna, protectrice de la Terre, qui vous inspire dans vos combats, et assure votre victoire.
- Athéna …? "
Kanon continu de regarder l’agonie de l’homme.
Il ne ressent aucune compassion.
" Athéna elle-même, oui. "


~ 1 ~


Quatre formes humanoïdes quittent cet endroit immortel qu’est la maison du Taureau.
Le premier d’une longue série de combat vient d’être mené, et s’est conclu alors qu’Aldébaran, chevalier d’or d’Athéna et gardien de la maison du Taureau, mordait la poussière. Le chevalier du Taureau n’a pas été capable de contenir ces assaillants. Ce sont les guerriers d’élites de Poséidon qui l’ont vaincu, les remarquables généraux à la force immense.
Quatre silhouettes se dessinent, sur les quelques marches séparant la maison du Taureau de celle des Gémeaux. Ces ombres bondissent tels des fauves, afin de franchir au plus vite la courte distance. Deux d’entre elles sont Krishna, général de Crysaor, et Io, général de Scylla. La troisième silhouette est Kanon du Dragon des Mers, commandant de l’opération. Il mène ses compagnons d’arme au combat.
La dernière ombre est le général de l’Hippocampe, Bian.
" Qui donc t’a demandé d’intervenir ? J’aurais très bien pu m’en sortir tout seul. J’allais vaincre Aldébaran !
- Tu es ridicule ", lui répond le général de Scylla. " Il t’a bien fallu deux minutes pour reprendre conscience après l’attaque du chevalier du Taureau. Si je ne lui avais pas porté le coup de grâce, il t’aurait sans doute achevé.
- Maudit sois-tu, Io ... "
Le général est en rage. Le fait qu’il n’ait pas réussi à prendre le dessus sur Aldébaran lui est déjà insupportable, mais qu’un camarade du même rang que lui ait été capable dans le même temps de terrasser le Taureau d’un seul coup est une chose qui porte un coup fatal à sa fierté.
Io devine cette pensée, et rassure son frère d’arme.
" Bian, si tu n’avais pas été à la hauteur, jamais je n’aurais été capable de frapper Aldébaran.
- Mmm... "
Bian est forcé d’accepter l’explication, mais sa colère demeure.
" Ceci étant dit ... ", et c’est pour une fois Krishna qui s’exprime.
" Ceci étant dit, es-tu sûr que c’est une bonne idée de ne pas achever le chevalier du Taureau ? "
A travers ces mots, le général de Crysaor s’adresse au commandant Kanon.
" Notre objectif est la tête d’Athéna, et non celle d’Aldébaran. "
Le général Dragon des Mers explique sa décision.
" Si le chevalier du Taureau survit à la blessure de Io, il n’aura plus de déesse à protéger. Il sera le gardien d’un Sanctuaire vide. "
Au moment de quitter la maison du Taureau, Io avait déclaré qu’il était possible de survivre à Queen Bee’s Stinger, que cela était un exploit hors du commun, mais néanmoins une action réalisable pour un chevalier sacré. Mais Kanon avait alors ordonné qu’on laisse tel quel le corps inconscient du guerrier vaincu. L’ultime protestation de Bian n’avait en rien affecté cette décision.
Cela avait éveillé l’attention du général de Crysaor, qui reconnaissait là un acte de loyauté.
‘Ne pas achever les blessés, car ils sont inoffensifs ...’, telle avait alors était la pensée de Krishna.
Kanon serait donc plus qu’un simple assoiffé de pouvoir ? Il serait un véritable homme de guerre ?
Les réponses à ces questions viendraient sûrement plus tard dans la bataille, mais l’heure n’est plus à réfléchir, car ...
" Voilà la troisième maison du Sanctuaire, celle des Gémeaux. "
Kanon s’adresse ainsi à ceux qui l’accompagnent.
" Cette maison est vide. On peut d’ici ressentir l’absence de cosmoénergie. Il nous faudra une seconde pour traverser ce lieu, en avant ! "
Puis, sans dire mot, tous disparaissent à l’intérieur de cette maison mystérieuse.


~~~~~


" STOP !! "
Quatre hommes cessent de courir, d’un seul coup.
C’est Krishna qui d’un mot vient de mettre un terme à la course folle d’un groupe de guerriers.
Krishna qui le premier vient d’admettre qu’il y a quelque chose de définitivement anormal.
Krishna qui n’a encore pris aucune initiative au cours de cette bataille, et que tous écoutent, à présent.
" C’est évident. Il est difficile de juger de la taille de cette maison d’après son aspect extérieur, mais il est clair qu’il n’y a aucune chance pour que nous n’ayons pas encore atteint la sortie.
- Krishna a raison ", lance Io. " En plus, nous ne la voyons même pas. Cette maison ne semble être qu’un grand couloir, et pourtant il n’y a pas moyen d’apercevoir la lumière du jour au bout de celui-ci. Quel est cet artifice ?
- C’est clair ", continu Bian. " Il n’y a qu’une seule personne sur Terre qui puisse agir sur la maison des Gémeaux, c’est ...
- ... le chevalier des Gémeaux, il est ici. ", termine Kanon.
Un mot vient à l’esprit du commandant. Un simple nom.
‘Saga ...’
Mais il ne laisse paraître aucune émotion. Comme à son habitude, il parle avec cette voix intimidante.
" Il est maintenant clair que le chevalier des Gémeaux est ici, au Sanctuaire.
- Qu’est-ce que tu racontes, Kanon ? "
Krishna, encore. Sur un ton de colère. Bian et Io sont surpris de voir leur camarade, qui était jusqu’alors resté si discret, s’exprimer si vivement à l’attention du général Dragon des Mers.
" Kanon, cette offensive a été acceptée par Seigneur Poséidon car tu as prétendu que quatre des douze maisons du Sanctuaire étaient vides. Tu aurais trompé Poséidon ?!
- Calmes-toi, Krishna. "
L’ambiance est malsaine. Krishna fronce les sourcils et jette un regard méchamment accusateur sur son camarade. Kanon affronte les yeux hargneux de Crysaor, et c’est en élevant encore le son de sa voix puissante qu’il reprend la parole.
" Rappelles-toi la maison du bélier, elle était bien vide, n’est-ce pas ?
J’ai bien dit que quatre maisons étaient vides. Je parlais de celle du Bélier, de celle des Gémeaux, de celle du Sagittaire et de celle de la Balance. Il paraîtrait même que cette dernière soit sans gardien depuis plusieurs siècles.
Ces maisons sont vides, c’est indéniable. Celle du Bélier est la preuve que mes informations sont fondées.
- Pourtant, tu viens de dire que le chevalier des Gémeaux était ici.
- Je l’ai dit. Il est la seule explication au mystère qui pèse sur cette maison. Mais il est tout aussi vrai qu’aucun d’entre nous ne ressent sa cosmoénergie. S’il était vraiment dans cette maison, nous devrions le percevoir.
- Ton explication ?
- Mmm ...
Il ne doit pas être loin. "
Krishna n’est pas convaincu. La perspective de prendre d’assaut à quatre un Sanctuaire possédant huit gardiens ne lui plaisait déjà pas beaucoup à la base, mais la révélation de la présence d’un neuvième chevalier d’or est encore plus loin de le réjouir.
Et alors il y a un silence. Un de ces temps morts angoissants durant lesquels rien ne se passe, où la seule chose perceptible est une atmosphère de plus en plus pesante. Les secondes s’écoulent lourdement sans qu’aucun des généraux n’ose esquisser un geste. Krishna semble réfléchir profondément. Il a l’air d’avoir accepté la situation nouvelle. Les autres attendent.
Une minute s’écoule ainsi, lentement.
Enfin, le général de Crysaor arrive à une conclusion. Sans mot dire, il fait quelques pas plus en avant dans la maison étrange. Juste quelques pas. Krishna se tient à présent à quelques mètres de ses compagnons d’armes. Il se retourne, et prend alors conscience d’une vérité.
Il va dire quelque chose.
" Quelqu’un se joue de nous, ici. Il m’est impossible d’apercevoir la sortie de cette maison, de même que je ne vois plus son entrée. "
Krishna laisse à ses trois camarades le temps de réaliser que c’est effectivement le cas.
Puis, il continu son explication.
" Si je fais abstraction de mon sens de l’orientation, je n’ai aucun information me permettant d’affirmer de quel côté de ce couloir se trouve la sortie. "
C’est tout aussi vrai. Le couloir est large, et une luminosité étrange règne ici. C’est en fait une alternance d’ombres et de lumières qui permet aux généraux d’y voir, alors qu’aucune ouverture ne laisse passer la chaude lumière du Soleil.
" Si nous ne parvenons pas à atteindre la sortie, c’est à cause d’un artifice du chevalier des Gémeaux. Il existe pour lui deux moyens d’arriver à un tel résultat.
Ou bien ce chevalier est parvenu à déformer l’espace de sorte à ce que ce couloir possède une longueur infinie, ou bien il s’arrange pour que notre course ne nous permette pas de quitter une seule et toujours identique position.
- Viens-en au fait, Krishna !
Comment pouvons-nous sortir d’ici ? ", s’impatiente Kanon.
" J’ai peut-être une idée. "
Le général de Crysaor pointe son index. Il montre quelque chose du doigt. Quelque chose qui se situerait au milieu de la courte distance qu’il a mit, un instant auparavant, entre lui et les trois autres généraux. Ces derniers baissent le regard. Mais il n’y a rien à voir. A cet endroit, le sol est aussi nu qu’il ne l’est partout ailleurs.
Bian, Io et Kanon relèvent la tête et regardent interloqués leur compagnon Krishna, qui semble décidément bien avoir une idée.
" L’idéal serait de tuer le chevalier des Gémeaux, mais cela nous est impossible car nous ignorons où il est. Mais je connais un moyen qui pourrait nous donner une chance de venir à bout de ce subterfuge qui nous empêche de sortir de cette maison.
Ce que je vous montre n’est pas le sol, mais bel et bien la distance qui nous sépare.
- Quoi !
- Si je peux m’éloigner de vous, alors que vous êtes immobiles, c’est que d’une manière ou d’une autre je dois me rapprocher de la sortie.
- Tu veux dire que ... ", Kanon ne parvient pas à terminer sa phrase. C’est Io qui prend la relève.
" Nous allons devoir nous séparer.
- Exactement. "
Telle est l’idée du général de Crysaor. Il ne manque cependant pas d’expliquer plus en détail sa théorie.
" Formons deux groupes. Le premier partira dans cette direction. "
Krishna indique d’un geste la direction qu’ils empruntaient alors.
" L’autre groupe ira à l’opposé. Ainsi, il est impossible qu’aucun de nos deux groupes ne se rapproche de la sortie.
- Exécution ! ".
Kanon semble avoir décidé qu’assez de temps a été perdu à écouter les explications de Krishna, et reprend les opérations en main.
" Le premier groupe sera formé de Bian et de toi, Krishna. "
Encore un de ces silences pesants. Mais nul ne possède d’arguments pour s’opposer à cette décision.
" Vous partirez en avant.
Io et moi rebrousserons chemin.
- Je vois ... ", avance Krishna avec un sourire.
" Quoi donc ? Qu’est-ce que tu vois ? "
Kanon intériorise son insatisfaction. Est-il possible que Krishna soit au courant ?
Les groupes n’ont évidemment pas été faits au hasard. Dragon des Mers ne risque pas d’oublier l’identité du chevalier des Gémeaux.
Saga, son propre frère ...
La puissance démesurée du frère de Kanon est à même de vaincre même un général de Poséidon, il le sait. Le résultat d’un combat entre Saga et le groupe formé de Bian et de Krishna serait la mort des deux généraux. Grièvement blessé lors de son combat contre Aldébaran, Bian ne serait probablement pas d’une grande aide à Krishna, qui devrait alors affronter seul le plus puissant des chevaliers d’or. La mort de Krishna ne pourrait en aucun cas être considérée comme quelque chose de purement négatif. L’ambition démesurée de Kanon l’oblige en effet à concevoir la mort de tous ceux qui pourraient vouloir s’opposer à lui un jour. Quant à Bian, il ne serait être une perte majeure. L’autre conséquence d’un tel affrontement serait que Kanon aurait franchit avec Io la maison des Gémeaux. Saga ne pouvant pas être omniprésent, il lui serait impossible d’attaquer les deux groupes simultanément, et donc Kanon aurait la voie libre.
Les autres chevaliers d’or seraient autant de problèmes potentiels, mais il ne devait pas sous-estimer sa propre force.
Dans l’hypothèse où Saga s’en prendrait à lui, Kanon pourrait compter sur l’appuie de Io, et être ainsi presque sûr de la victoire. Ils seraient donc quatre généraux à franchir la maison des Gémeaux. Autant dire que la victoire sur Athéna serait acquise.
Est-ce que Krishna aurait été capable de comprendre tout cela ? Voilà de toute façon une raison supplémentaire pour s’en éloigner.
Quoi qu’il en soit, Krishna ne conteste pas la décision. D’un signe, il fait comprendre à Bian qu’ils ne doivent pas perdre plus de temps, et tous deux disparaissent rapidement dans la luminosité étrange de la maison des Gémeaux.
Kanon se tourne vers Io. Les deux généraux échangent un regard. Si Io a le sentiment d’avoir raté quelque chose, il préfère se taire.
Et enfin, les deux guerriers repartent, s’éloignant d’autant plus vite de leurs camarades.


~ 2 ~


Couloir, d’abord.
Forme plate, deux murs, le sol, un plafond simple. Aucune ouverture. Rien que la pierre froide, nue, presque vierge. La couleur grise. Quelque chose de simple.
Les colonnes, ensuite. Régulières, nombreuses. Le même contact que les murs qu’ils soutiennent. Quelque chose de monotone.
La lumière, agréable. Et aussi l’ombre, inquiétante. L’alternance du jour et de la nuit qui troublerait quelqu’un. Quelque chose d’étrange.
Le bruit du pas des hommes, celui de leurs respirations. L’écho de ces sons dans le silence sombre. Quelque chose d’angoissant.
Et tout cela qui serait sans fin. Tout cela qui durerait toujours, entraînant deux âmes aux portes du découragement. Quelque chose de pénible.
Quelque chose de nouveau, enfin. C’est un scintillement. Un rayon de lumière qui se reflète. Une couleur qu’on a déjà vue. Quelque chose de ressemblant. Mais aussi quelque chose de différent.
Une forme neuve. Quelque chose de beau, de captivant. Quelque chose qui brille de milles feux. Mais c’est aussi quelque chose d’inquiétant, quelque chose qu’il faudrait éviter.
Les bruits cessent. Plus rien ne bouge.
Et puis, quelque chose d’horrible …


~~~~~


" C’est lui ! Voilà enfin le chevalier d’or des Gémeaux, notre deuxième adversaire !
- Du calme, Bian, j’ai une impression étrange.
- Je n’ai que faire de tes impressions, je dois effacer ma défaite contre Aldébaran. Je dois l’attaquer ! "
Un guerrier qui se jette en avant.
" BIAAAN !! NOOOOON !!
- RISING BELLOW !!!!!!!! "
Un choc affreux, quelque chose d’horrible. Un hurlement. Le bruit d’os qui se brisent, le bruit de chairs qui se fendent. Le heurt d’un crâne sur le sol, une conscience qui se perd. Un cosmos qui s’éteint.
Une défaite écrasante.
Et …

Krishna, l’homme à la lance merveilleuse, est sidéré par l’ampleur des événements. Pendant un long moment, son compagnon et lui avaient simplement progressé le long d’un couloir qui semblait sans fin. L’idée était qu’il était vraisemblablement impossible que la taille du lieu soit réellement si grande, et cette hypothèse se vérifiait depuis peu. L’armure d’or des Gémeaux, cet objet ambigu, se tenait alors sur leurs chemins. Cela devait sans doute vouloir dire qu’un chevalier sacré se trouvait à l’intérieur, et comme de raison les deux généraux avaient alors cessé leur course pour faire face à l’obstacle.
Mais alors le général de Crysaor, le général hindou, s’était mis à douter. Pourquoi diable l’être n’émettait-il aucune cosmoénergie, aucune force vitale, même ? Son pauvre compagnon, hélas, n’eut pas la même intuition, et alors il attaqua l’entité de front. Il utilisa pour cela sa plus puissante attaque. Pauvre camarade que ce général de l’Hippocampe, car il ne réussit qu’à subir sa propre technique de combat en retour, telle quelle, aussi puissante, sans même que l’adversaire mystérieux n’esquisse un mouvement simple.
A présent, Bian gît sur le sol froid, vaincu à jamais.
Mais Krishna ne peut se concevoir une telle vérité. S’il reconnaît que son frère d’arme possède une certaine fierté, il sait aussi que sa force ne peut laisser personne indifférent. Esquiver, encaisser ou contrer, il existe bien au moins trois façons de réagir à une technique telle que celle de Bian, mais comment serait-il possible de la renvoyer ?!
Quel personnage aurait assez de pouvoir pour entreprendre une telle action ? Un dieu ? Mais le chevalier des Gémeaux ne peut tout de même pas être un dieu !
Krishna se rappelle l’absence de cosmoénergie. Il ne comprend pas. Il regarde l’armure.
Quel étrange objet ! Ce n’est pas sa forme humanoïde, ni le casque angoissant aux deux visages. Ce n’est pas non plus cet air confiant que le métal lui-même semble arborer.
Il y a autre chose. Quelque chose de secret. L’armure dissimule, elle cache quelque chose. Quelque chose qui n’aurait rien à voir avec la force d’un homme, ou la puissance d’un chevalier.
Quelque chose que le général décide de ne pas affronter.
Une illusion ?
Tout cela peut-il être une illusion ?
Cette idée perturbe Krishna. Et l’armure semble attendre, encore.
L’armure serait une illusion ? Cela expliquerait l’absence de cosmoénergie, mais pas l’anecdote avec Bian.
Et si …
Crysaor a le souffle coupé.
‘Le labyrinthe …’, se dit-il.
‘Ce ne serait pas un labyrinthe dimensionnel, mais une illusion …
Mais alors …’
Krishna ferme les yeux. Il se concentre. Et il oublie sa vue.
Il cesse d’écouter. Il ne pense plus à ce silence pesant.
Une à une, il ferme ses perceptions, ignore chacun de ses cinq sens.
Et il attend. Il attend une seconde. Il attend une minute.
" MAINTENANT ! "
La vue, l’ouï, plus trois autres sens qui éclatent. Epurée de toute influence, chacune des sensations parvient jusqu’à Krishna avec une virginité simple.
Et devant ses yeux, l’indéniable vérité, l’incontestable sortie de la maison des Gémeaux.
L’homme, pour la première fois, esquisse un sourire. De la satisfaction. La satisfaction sincère de celui qui sait avoir accompli une action difficile.
Un sourire qui disparaît, bien vite.
C’est l’armure. L’éclatante armure d’or des Gémeaux, sa présence est réelle. Elle se tient toujours là, debout, immobile, vide de toute présence.
‘L’armure d’or des Gémeaux, elle n’était donc pas une illusion.’
Un mouvement. Le général de Krishna appréhende un retournement de situation certain.
C’est deux bras qui se lèvent. L’armure ne serait donc pas vide ?!
Il n’y a toujours aucun cosmos, et pourtant déjà l’objet de forme humaine tend ses deux bras en avant.
Et une voix se laisse entendre, grave, distincte. Une voix de mort.
" Another Dimension. "
A quelle vitesse se sont alors déroulés ces événements, dans l’étrange maison des Gémeaux !
A l’instant où les mots lui parvinrent, Krishna sentit la réalité onduler autour de lui. Un passage vers une autre dimension était bel et bien en train de s’ouvrir ! Il devina alors qu’il n’avait pas de temps pour trouver une alternative. Encore une seconde, et plus jamais il ne pourrait revenir sur cette Terre qui l’avait vu naître …
Pris d’une intuition soudaine, le général de Crysaor ferma les yeux et se mit en position du lotus.
La lévitation est une action qui demande une maîtrise particulière de l’énergie présente en chaque individu. Parfois appelée ‘cosmoénergie’, Krishna lui préfère l’appellation ‘Kundalini’, que seule la purification du corps et de l’esprit permet d’atteindre. Ainsi éveillé, il lui suffit d’anticiper l’appel de la dimension nouvellement accessible, et de choisir librement de ne pas s’y laisser guider.
Telle est la force de Krishna, le guerrier hindou, général de Crysaor au service de Poséidon.
Il ouvre les yeux. L’agitation de l’espace a cessé.
L’armure se tient toujours là. Simplement, elle ne semble plus menacer le général, et enfin le guerrier comprend qu’il va pouvoir traverser la maison des Gémeaux.
Il pense à son compagnon. Bian n’a pas été concerné par l’étrange attaque dimensionnelle. Son corps inconscient est triste à voir. Krishna réalise que la protection de son écaille n’était plus qu’éclats en raison des coups du chevalier du Taureau. Bian avait subit sa propre technique, une force capable de traverser une armure d’or, sans même posséder de protection …
Krishna s’approche du corps. L’homme étendu respire encore, mais Krishna sait que cette fois il ne se relèvera pas.
‘Terrassé par ta propre attaque’, pense-t-il.
‘Tu vas certainement mourir et je pourrais te sauver.’
Il pense à cela. Juste un instant.
‘C’est vrai, il me serait possible de te ramener sous l’océan, où peut-être tu survivrais.’
Krishna sent une émotion le gagner. Quel cruel destin l’a mis dans une situation si difficile …
‘Bian, si j’abandonne ma mission pour te sauver, je trahis en même temps notre seigneur Poséidon.
Et cela m’est impossible …
Adieu, Bian …’

Un homme se relève. Il est triste. Triste de ne pas avoir le choix.
Il part, quitte le lieu, court vers d’autres épreuves, mais il n’oubliera jamais cet instant où pour la dernière fois il vit son camarade vivant.

~~~~~


Souriant.
Souriant tel l’homme bienveillant, tel l’homme brave, l’homme de grande valeur, l’homme aux mille vertus. C’est une expression rassurante qu’arbore le visage.
Grimaçant.
L’homme mauvais, le vil, pareil au malin. Ainsi grimace l’autre face.
Deux visages pour un seul homme, le mythique chevalier d’or des Gémeaux, à l’apparence divine. Deux visages ambigus sont bien représentés sur le casque de l’armure. Le corps de l’objet présente la même perfection qui avait surpris quatre guerriers, alors que devant eux se présentait le fracassant Aldébaran à la force sans limite.
D’un même éclat resplendit à présent l’armure d’or des Gémeaux, barrant la route aux deux généraux venus traverser la troisième maison du Sanctuaire. Un instant les deux hommes, ils étaient alors accompagnés de deux camarades, avaient pensé pouvoir traverser le lieu sans autres épreuves.
Mais la réalité est toute autre, à présent.
Au terme d’une course folle à travers un espace qui semblait se diriger vers l’infini, l’unité que forme ces assaillants que sont Io, général de Scylla, et Kanon, général du Dragon des Mers vient d’atteindre un nouvel ennemi.
" Le chevalier des Gémeaux …
- … il est ici. "
Voici un obstacle qui ne saurait être franchis facilement.
Avant d’organiser cette offensive mortelle contre le camp d’Athéna, Kanon avait pris soins de se renseigner sur l’organisation du Sanctuaire. Il avait pour cela utilisé quelques marinas de confiance qu’il avait envoyés à la surface. Les hommes s’étaient introduis au sein du Sanctuaire, pourtant redoutablement bien gardé. C’était en soit un exploit, mais il ne faut pas perdre de vue que tels sont ceux qui hériteront de la Terre, le jour où le tout puissant Poséidon la repeuplera.
Ces hommes avaient passé du temps à écouter les bruits de couloirs, à laisser traîner leurs oreilles, à "s'égarer" en des lieux sensibles. L’un d’entre eux s’était même rendu à l’entrée de la maison du Bélier, pour vérifier quelques rumeurs. Ainsi était parvenu à Kanon un rapport sur la sécurité au Sanctuaire.
Outre l’information de l’absence de quatre chevaliers d’or, il avait disposé de la réputation de certains des moins secrets des huit autres gardiens, notamment le fait que le chevalier du Taureau était le plus brutal de tous, donc le moins subtil. Malgré sa très grande force, il ne devait en conséquence pas représenter un danger trop grand.
Il avait pourtant fallu l’intervention de la moitié des forces de Poséidon pour en venir à bout, et certains pourraient reprocher aux guerriers marins de n’avoir pas été très loyal pour mener à bien ce combat. Toujours est-il que le chevalier des Gémeaux est à coup sûr d’un niveau supérieur, Kanon est bien placé pour savoir cela. Attaquer de front ne peut donc en aucun cas être une stratégie payante.
Mais Kanon devine que la force ne sera pas déterminante dans cette rencontre fraternelle. Il vient en effet de comprendre la nature des mystères de la maison des Gémeaux.
" Arrêtes, Io ! Que comptes-tu faire ?
- Que dis-tu, Kanon ? Je vais attaquer et vaincre cet ennemi. Peut-être préfères-tu mener ce combat toi-même ? "
Le général de Scylla vient d’adopter une position de combat, et déjà son cosmos remplit l’espace autour d’eux. Il prend son souffle avant de mener un premier assaut.
Mais Kanon d’un geste lui ordonne de ne rien tenter. C’est avec agacement que Io jette son regard sur son frère d’arme. Un regard presque furieux.
Le commandant de l’offensive des généraux se contente de répondre.
" Si tu attaques ainsi, ta technique se retournera contre toi.
- C’est ridicule !
- Ridicule ? "
Kanon tourne la tête et répond au regard exaspéré.
" Pourquoi donc ?
- Les chevaliers d’or et les généraux sont de niveau semblable, sur le plan de la puissance. Peut-être sa force lui permettrait de contenir mon attaque, mais retourner ma technique contre moi-même nécessiterait un pouvoir encore bien supérieur.
Quel être humain serait capable de cela ?
- Lui, il le peut.
- Sa puissance serait si grande ?
Je refuse de le croire.
- Tu ne comprends pas. La force n’a rien à voir là-dedans.
- Comment ?
- Rappelle-toi la facilité avec lequel ce chevalier nous a égarés à l’intérieur de sa maison. Afin qu’on ne l’attaque pas, il use également d’un artifice dimensionnel. "
Io reste un instant perplexe. Il semble réfléchir au sens des paroles qui viennent d’être dites.
Un artifice dimensionnel ?
Comment renvoyer une attaque avec une telle stratégie ?
La réponse est …
" !!!!!
J’ai compris.
Le chevalier d’or des Gémeaux sait manipuler les dimensions. Il l’a prouvé en transformant sa maison telle que nous la voyons. Il déforme l’espace, en quelques sortes.
Cette armure devant nous doit être un autre de ces tours. L’espace autour d’elle doit être totalement courbé, un objet qui tenterait de l’attendre continuerait en ligne droite, soit dans la direction opposée à son déplacement.
- Je vois que tu as compris. "
Intérieurement, Kanon soupire.
‘A moins que tout cela ne soit qu’une de ses illusions …’
Plus rien qui ne bouge, l’espace d’un instant.
Un général réfléchit, l’autre attend. Une armure reste immobile, tel un piège sournois.
Et puis, Dragon des Mers reprend la parole.
" Le chevalier des Gémeaux ne doit même pas être là.
- Ce serait à peine surprenant. Je me demande de quoi cet être n’est pas capable.
Qu …
Que fais-tu Kanon ? "
D’un pas sûr, voilà que le général commandant s’avance vers l’armure éclatante. L’instant laisse Io interdit, incapable de prendre une décision. Kanon ne prend-t-il pas un risque en agissant ainsi ? Quelle folie peut bien le pousser à se rapprocher d’une entité au potentiel inconnu ?
Le général de Scylla n’est pas au bout de sa stupéfaction, car voilà qu’à présent Kanon parle, semblant s’adresser au chevalier ennemi …
" Saga …
Qu’as-tu fais durant toutes ces années ?
Pourquoi ne protèges-tu pas ta maison ? Où es-tu ?
- Kanon ? ", s’inquiète alors Io. " Ne viens-tu pas de me démontrer que ce chevalier n’était pas ici ? "
C’est bien la vérité. Et voilà encore une raison de plus au fait que la voix qui a alors répondu à Kanon n’aurait jamais dû exister.
" Kanon … "
Quelle voix étrange ! Nostalgie et tristesse semblent s’y mêler … Et d’où cette voit peut-elle venir ? L’armure mystérieuse semble être vide, et pourtant ces paroles existent indéniablement …
" Kanon …
Ainsi tu es toujours en vie. Je suppose que Poséidon t’a sauvé du Cap Sounion en échange de ton aide. Et maintenant il se sert de toi pour satisfaire ses ambitions de conquêtes. "
Il est certain que les paroles, d’où qu’elles puissent venir, interpellent, et dans quelle mesure, les deux généraux attentifs.
Kanon ricane intérieurement. Il est presque fier de voir comment son frère se trompe sur son compte. Voilà bien la preuve que ses projets à longs termes ne sont pas si évident à deviner.
Mais c’est Io qui réagit le plus violemment. Il ne comprend pas ce qui se passe, mais jamais il ne laissera insulter ainsi les rêves de son seigneur et maître, le divin Poséidon.
" Qui que tu sois, chevalier des Gémeaux, sache que je ne peux laisser passer de tels mensonges.
Apprends que Poséidon n’a pas ces ambitions de conquêtes comme tu sembles le penser. Apprends que la cause qu’a embrassé notre seigneur, celle pour qui je me battrais jusqu’à la mort, c’est la sauvegarde de la Terre ! Chevaliers et généraux luttent pour un même idéal, mais pendant que votre déesse choisit de laisser mourir le monde qui nous a vu naître en acceptant cette gangrène qu’est l’humanité, Poséidon fait le choix brillant de sauver la vie de cette planète. Mais pour cela, Athéna est un obstacle qu’il nous faut éliminer.
- Ca suffit, Io. Tais-toi. "
Le général de Scylla, qui reconnaît s’être laissé emporté, obéit à l’ordre. Il a conscience que son commandant est en train de tenter quelque chose, même s’il ne comprend pas quoi.
Kanon fixe l’armure vide, et prononce d’autres mots.
" Je suis là pour prendre la tête d’Athéna, afin que nul ne vienne compromettre les plans de Poséidon, et je franchirais ta maison, sois-en sûr.
- Et en plus tu as l’air sincère … ", reprend la voix.
" Tu veux la tête d’Athéna ?
Soit, prouve-moi ce dont tu es capable. "


~~~~~


D’un seul coup, le soleil, lumineux et vif. L’air, agréable, tranquille, doux. Les bruits de tout un lieu, enfin, simples.
Quelle curieuse sensation que d’être enfin à l’extérieur ! Car c’est bien là l’extérieur, n’est-ce pas ? Ce ne peut être une illusion !
Kanon est peu habitué à ce genre de transition, et il est bien forcé d’avouer être surpris. Quoi qu’il en soit, Io semble bien plus inquiet …
" Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?
Nous sommes à l’extérieur, qu’est-ce que … "
Mais c’est bien la maison des Gémeaux qui se trouve là, derrière. Quelle étrange impression que de se retrouver ainsi à la sortie du lieu ! Et que l’architecture semble petite, maintenant que le labyrinthe des Gémeaux n’est plus …
" Je ne comprends pas, Kanon, que s’est-il passé.
- Le chevalier des Gémeaux nous laisse franchir sa maison.
- Cela a-t-il un sens ?
- Sûrement, mais il est bien le seul à le comprendre. Du moins pour l’instant.
Mais qu’importe.
- Kanon, tu as l’air de connaître cet adversaire. Je ne me trompe pas, n’est-ce pas ?
- En effet, Io, mais ça ne t’intéresse pas.
- Non, en effet. "
Io comprend qu’il ne doit pas insister. Il se dit qu’après tout, ces secrets finiront bien par lui être révélés.
De son côté, Kanon reste un instant pensif.
Saga, son frère, n’était pas dans la maison des Gémeaux. Les rumeurs concernant sa disparition étaient bien fondées, alors que fait-il ici, au Sanctuaire ? Quel est le sens de sa présence là-bas, dans …?
" BIAN !!
Oh non, Bian !!! "
C’est Io qui vient de trouver son compagnon sans vie. Le corps est affreusement mutilé.
" Bian, c’est horrible, on dirait qu’il a subit …
- … Rising Bellow, sa propre attaque.
C’est pathétique de finir comme ça. "
Le commandant est d’une froideur extrême. La mort d’un compagnon semble loin de l’affecter. Mais Io ne s’en rend pas compte. Il réalise que la mort de Bian l’émeut tragiquement. Il est déchiré par la tristesse et déjà quelques larmes perlent à ses yeux souillés.
" Bian … "
Peut-être était-il son ami …
Mais l’heure de pleurer les victimes de la guerre n’est pas encore venue, et il le sait.
Un instant après, le général s’est relevé. Il jette un coup d’œil aux alentours, puis tourne son regard vers Kanon.
" Le camp de Poséidon déjà subit une perte. Mais où est passé Krishna ? "
En guise de réponse, l’explosion d’un cosmos lui parvient. C’est une grande cosmoénergie, celle qui donne la mort des guerriers les moins braves. Mais c’est un cosmos qui d’un seul coup disparaît, comme terrassé, laissant la place à un calme mauvais.
Kanon, l’homme à la grande ambition, laisse un sourire de satisfaction s’exprimer sur son visage sombre.
" Krishna nous attend dans la maison du Cancer. ", avance le général.
" Allons-y, Io, nous penserons à Bian quand les combats seront terminés. "

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Cette fiction est copyright Frédéric Ramirez et Gille Monchoux.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.