Deuxième Age Chapitre 2 : Conseil de guerre


"Encore un exemple aberrant du capitalisme : la fondation Graad.
Après avoir atteint la taille d'un véritable empire, et diversifié ses activités afin de toucher un nombre impressionnant de domaines, cette société a considérablement et inexplicablement ralentit l'expansion de ses activités depuis une quinzaine d'années. Les affaires semblent pourtant se porter à merveille pour la société de la famille Kido, et les ressources financières de la fondation Graad sont probablement très importantes. Alors, où passe cet argent ?
Dans un plan social ? Redistribués aux actionnaires ? Certes non.
Réinvestit ailleurs ? Mais dans ce cas, où ?
Interrogés à ce sujet, les responsables sont restés très évasifs.
Au risque de me répéter, toute société possédant un problème de transparence a quelque chose à se reprocher. Il en est de même avec la fondation Graad."


Article paru dans la revue satyrique américaine Financing Industries


~ 1 ~


Il est dit que l’homme possède, refoulée en lui, une notion subjective de l’endurance. Alors même que sa condition physique l’immobiliserait ou lui ferait perdre conscience, il est des formes de volonté, qu’il s’agisse de fierté ou désespoir, qui lui permettent de pousser son corps dans un retranchement ultime, à mi-chemin entre vie et mort, épuisé mais toujours capable. Capable d’exploits ...
Il serait exagéré d’affirmer que Kyô était dans cet état d’esprit, lors de son baptême du feu – après tout, son armure d’acier le protégeait – mais d’une façon ou d’une autre il a semble-t-il dépassé une limite. Affronter la redoutable Charge de Pégase, la contrer avec son attaque Firebolt, et ce, après avoir mordu la poussière par deux fois. Dieu soit loué, Kyô a réussi sa manoeuvre, et n’a pas subit l’impact prodigieusement violent une troisième fois. Il a ainsi remporté la victoire face à cet adversaire qui n’était que force et résistance. Sa volonté lui a permit d’atteindre ce niveau. Mais à présent que la pression est retombée, que l’adrénaline a quitté ses veines, le vaillant Kyô s’est effondré.

"Mademoiselle Kido, l’ambulance est prête à emmener Kyô. Tecton et Thoas sont déjà entre leurs mains.
- Mr Hakayashi, vous comprenez mal la situation. Il n’est pas question que Kyô soit emmené à l’hôpital.
- COMMENT !"
Yûchi vient d’entendre la conversation, et s’insurge.
"Mademoiselle Kido, vous perdez la raison ! Kyô est blessé, il a besoin de soins immédiatement.
- Je comprends, Yûchi, mais il est dans l’intérêt du programme Kido, et donc dans le sien, que ce garçon reste ici. Il porte encore son armure, et il n’est pas souhaitable qu’on prenne le risque de dévoiler son existence aussi tôt. Cependant, vous avez raison sur un point : Kyô a besoin de soin."

Réalisant avec effroi le sens des paroles de l’héritière Kido, Yûchi jette un regard anxieux sur Mr Hakayashi.
"Cette base possède-t-elle un centre médical, même minimaliste ?"
Le silence négatif du responsable du centre Okorimasen est explicite.
"Est-ce qu’il y au moins ici une personne habilitée pour retirer son armure à Kyô sans prendre de risque, et pour lui administrer les premiers soins ?
- Mon cher Yûchi, ou qui que vous soyez, vous devez bien comprendre que cette base est un avant-poste. Nous avons bien une infirmerie succincte, mais la médecine n’est pas dans nos compétences."
Yûchi semble profondément écoeuré. Il est peu probable que la vie de Kyô soit menacée – le jeune garçon n’a pas perdu conscience, et discute en ce moment, un peu faible quand même, avec ses camarades Kinô et Ashita – mais tout de même ...
Il y a ensuite le petit rire doux et rassurant de l’héritière Kido. La jeune fille semble amusée de l’inquiétude du garde.
"Ne vous inquiétez pas, Yûchi, Mr Hakayashi fait erreur quand il dit que personne ici n’est apte à prendre soin de Kyô. Le plus qualifié pour cela bel est bien ici."
Regard interloqué de Mr Hakayashi, et enfin, Saori appelle une personne importante.
"Ashita ?"
Le jeune garçon se tourne vers l’héritière Kido.
"Mademoiselle ?
- Ashita, je compte sur toi pour prendre soin de ton camarade.
- Bien.", lâche-t-il avec un sourire.


~~~~~


"Kyô ! Ne me dit pas que ta poitrine ne te fait pas souffrir !"
Ashita reçoit une grimace désagréable pour toute réponse.
"Ça ne m’étonne pas, l’armure d’acier a comme éclaté, et pénètre directement la chair. Il y a risque d’infection si on n’arrange pas ça. Nous avons fait une erreur de tarder à te soigner. La prochaine fois, soit gentil de ne pas garder ta douleur pour toi."
Tout en parlant, Ashita sort d’une mallette divers objets tranchants. A leur vue, Kyô écarquille les yeux.
"Ashita, tu vas quand même pas ...
- Allons bon, voilà qu’il nous fait le douillet. Et bien oui, Kyô, ce n’est pas que je n’ai pas d’anesthésiant, mais je préfère éviter de les utiliser. Compte tenu des circonstances, ils t'incapacieraient pendant 48 heures, et ce n'est pas une chose souhaitable. Alors sois gentil et épargne moi tes hurlements.
- S’il te plait Ashita ..."
Soupir de l’intéressé.
"Quoi, encore ? Tu veux encore te plaindre ?
- Euh, non mais, si tu pouvais me passer ma ceinture, là-bas."
Ashita jette un regard à l’objet en cuir. Il croise le regard désespéré de Kyô ...
... et il éclate de rire.
"Ha ha ha ! Sacré Kyô, va. Tu devrais arrêter les Westerns, tu sais ? Allez, au moins je pourrais travailler en silence."

Dans la chambre anodine, se trouvent deux adolescents. Le premier vient de mordre dans un objet souple. Le deuxième se penche. Il va retirer une armure d’acier bien endommagée, et cela ne va pas être facile.


~~~~~


‘C’était une opération de routine’, se dit Ashita.
De son côté, Kyô pleure à grosses larmes. La douleur, évidemment, l’indispose plus dans ce genre de situations que face à un adversaire.
‘C’est normal. Il a au moins eu le courage d’affronter ce moment sans se plaindre.’
Ashita réalise que quelque chose vient de se produire entre lui et Kyô. L’armure d’acier gît à même le sol, en piteux état. Le blessé de guerre est quasiment nu. Ashita a recousu les plaies, soigné les ecchymoses, mais la douleur est probablement très vive.
Il a un instant d'hésitation ...
... puis, il ferme les yeux, et passe sa main par-dessus la blessure principale, celle à la poitrine, qui vaudra probablement une cicatrice à Kyô.
Kyô voit son camarade – ou peut-être est-ce son ami ? – se concentrer sur le centre de son tourment. L’instant dure une minute, puis Ashita rouvre les yeux. Alors seulement, Kyô lache sa ceinture.
"Ashita ... Merci.
- Ce n’est rien.", répond-il avec un sourire.
"Je pense qu’on ne va pas tarder à repartir, alors essai de te reposer."
C’est paisiblement que Kyô ferme les yeux.


~ 2 ~


Les gardes du Sanctuaire sacré d’Athéna ne payent généralement pas de mine, pourtant côtoient-ils au quotidien les mythiques chevaliers sacrés, et ceux destinés à les remplacer : les courageux apprentis. Sans pouvoir supporter la comparaison avec ces derniers, leur métier reste parfois difficile. Faire une ronde peut paraître semblable à une promenade, mais de ces missions monotones dépend la sécurité du Sanctuaire. Un ennemi ou un espion devrait-il être découvert, qu’il faudrait sans tarder lui faire face, et prévenir sans délai l’autorité adéquate. Dans le pire des cas, le garde malchanceux peut trouver jusqu’à la mort.
Vaguement conscients de tout cela, deux hommes font leur ronde du soir. C’est le même rituel depuis des années, aussi ne sont-ils guère attentifs. Ils marchent à pas lent, regardant tantôt à droite, tantôt à gauche, au-delà de la discrète végétation du sol grec.
C’est dans ces conditions que le corps inconscient du chevalier de bronze de Pégase, le brutal Cassios, est retrouvé.
"Viens voir, Morys, il y a quelqu’un allongé, ici. On dirait ...
Bon sang ! C’est ..!
- Un chevalier sacré !"
Les deux gardes grecs sont médusés par le spectacle. Le chevalier gît inconscient à même le sol. Son armure intacte contraste avec les blessures affreuses qui marquent le corps. Il y a une brûlure malsaine au niveau de l’abdomen. Plusieurs plaies de tailles plus réduites souillent la chair. Mais le pire reste cette marque abominable au visage.
"Bon sang, Morys, c'est la première fois que je vois ça. Je croyais les chevaliers invincibles. La légende raconte qu'ils sont plus rapides que le son, qu'ils peuvent briser des montagnes avec leurs seuls poings. Qu'est-ce qui a bien pu arriver à celui-là ?
- Ca me fait un peu peur. Il faut lui administrer des soins, et prévenir le grand pope."
Captivés par la situation, et légèrement pris de panique, les deux gardes n'ont pas perçu une ombre qui vient d'arriver dans leur dos. Alors que cet être prend la parole, s'adressant à eux, la stupéfaction les gagne.
"Que se passe-t-il, ici ?
- Mais, tu es ..."
C'est dans un souffle sourd que Alastor, le camarade de Morys, termine la phrase.
"Tu es un chevalier. Asterion, chevalier d'argent des Chiens de chasse."


~~~~~


"Tu es un chevalier. Asterion, chevalier d'argent des Chiens de chasse."
Bien que le chevalier ne porte pas son armure, les deux gardes l'ont reconnu au premier coup d'oeil. Au Sanctuaire, Asterion joui d'une notoriété notable. On raconte qu'il est capable de lire dans les pensées. Bien qu'il n'ait jamais abusé de ce don, Asterion s'est fait l'ennemi de ceux qui ont des choses à cacher. Les autres le regardent d'un air partagé entre la méfiance et la curiosité, mais toujours sur la défensive. Cela ne l'empêche pas d'avoir le respect des autres chevaliers, et on peut dire qu'en général, il accepte cette situation et ses conséquences comme une partie de son existence. De mémoire, Asterion a toujours été loyal au Sanctuaire.
Ce n'est sans doute pas aujourd'hui qu'il contredira ce fait. D'un pas assuré, il se place de façon à pouvoir observer le chevalier inconscient. Se penchant en avant, il lui prend la main.
"C'est Cassios, chevalier de bronze de Pégase. Je comprends mieux pourquoi il manquait à l'appel."
Intimidé, un des gardes pousse sa question en avant.
"Que lui est-il arrivé ?
- Rien de grave. Il n'y a aucune inquiétude à avoir.
- Tout de même, il semble qu'il existe quelque part quelqu'un avec le pouvoir et la volonté de lui faire du mal. Serait-ce un nouvel ennemi ?
- Chut !"
Asterion n'a guère l'habitude d'utiliser son pouvoir que sur des personnes en parfaite possession de leurs moyens mentaux. Cassios est peut-être inconscient, mais Asterion n'exclue pas de pouvoir faire quelque chose. Au moins, doit-il travailler dans le silence. Une chance que ces gardes soient intimidés, au moins se sont-ils tut.
Asterion ne lit guère dans les pensées pour son plaisir personnel. Il n'agit de la sorte que quand la situation l'exige. Il s'amuse des ragots sur lui, et ne dément ceux qui l'admirent ou le jalousent. Lire dans les pensées n'est pas en soi quelque chose de difficile. La pensée humaine est comme un livre inachevé : une importante somme d'informations, et une phrase incomplète qu'il convient de terminer. Un livre qu'il faut lire sans utiliser ses yeux. Les yeux aveuglent celui qui les utilise. Seule la cosmoénergie permet d'apercevoir la vraie vision de l'âme. L'homme pense à beaucoup de choses, aussi convient-il de sélectionner adroitement quelle pensée doit être lue, et quelle autre doit être ignorée. Pour cela, Asterion se concentre sur les pensées les plus conscientes, comme la stratégie de combat de ses adversaires. Mais c'est juste pour gagner du temps. Dans la théorie, le livre de la pensée peut s'ouvrir à n'importe quelle page.
A présent, celui de Cassios est fermé.
'Le chevalier Pégase est inconscient. Mais il doit rester quelques souvenirs rémanents.'
Il faut bien une minute avant qu'Asterion trouve un moyen d'ouvrir le livre. Sur la dernière page non vierge, un seul mot est écrit, en gros caractères.
'Shina.'
La page précédente est identique.
'Shina.'
Asterion tourne les pages rapidement.
'Dans ces conditions, je n'arriverais à lire que ses dernières pensées les plus fortes. J'espère que tout n'a pas été éclipsé par son obsession pour son maître.'
Shina, encore et toujours. Les pages du livre deviennent pâles.
'Shina. Shina. Sh'na. 'na.'
Et ce n'est qu'au moment où Asterion commence à se faire à l'idée qu'il va échouer qu'une ultime information lui parvient. Un lieu. On dirait une résidence d'un richissime touriste. L'emplacement du bâtiment est clair. Au-delà, les souvenirs sont trop flous. Les pages sont illisibles. Et depuis, ce Cassios n'a cessé de penser désespérément à son maître.


~~~~~


Se tournant vers les gardes, le chevalier donne des instructions.
"Je me charge d'amener ce chevalier chez lui. Allez prévenir Shina, son maître. Elle prendra soin de lui. Puis emmenez ces informations au Grand Pope. Et surtout, ne cédez pas à la panique : il n'y a rien ici qui pousse à l'inquiétude."
Il n'est pas prévu dans la hiérarchie du Sanctuaire qu'un chevalier donne des ordres même à de simples gardes. Toutefois, le statut de chevalier sacré est sans conteste à un rang plus élevé qui rend apte à user d'autorité. C'est pourquoi Morys et Alastor ne disent rien. Ils regardent cet Asterion s'éloigner sans mot dire.

"C'est quand même quelque chose, pourquoi ne va-t-il pas prévenir le Grand Pope lui-même ?
- Ce n'est sûrement qu'une rumeur, mais j'ai entendu dire que le Grand Pope évitait de le rencontrer.
- Quoi qu'il en soit je ...
- Morys ?"
Le garde exprime une incertitude.
"Je trouve qu'il se passe des choses étranges.
- Hum ... Je comprends de quoi tu parles.
- Depuis la fin de la guerre contre Poséidon, le Grand Pope envoie partout des espions à la recherche de quelqu'un. Nul ne sait qui ni pourquoi. A cela il y a aussi les bruits qui courent sur les disparitions au sein même du Sanctuaire. Souviens-toi de Pédasos.
- Pédasos ? C'est celui dont Déipylos et Péisénor avait retrouvé le corps aux abords du Sanctuaire il y a 3 ans ?
- Celui-là même. Le sien et plusieurs autres, qui n'ont pas été identifiés. La rumeur dit que le Grand Pope les aurait tués car ils auraient vu son visage.
- Dit-moi, Déipylos n'a-t-il pas été promu suite au passage de Poséidon ? Il ferait partie de la garde rapprochée du Grand Pope, m'a-t-on dit.
- C'est la vérité. D'ailleurs, il compte bien lever le voile sur ce mystère."
Il y a une pause dans les paroles de Morys. Alastor n'ose le combler avec ses propres mots. Lui aussi doute, et cela le rassure d'entendre quelqu'un exprimer ses propres craintes.
"Et maintenant, on retrouve un chevalier blessé. On nous a pourtant assuré que Poséidon n'était plus un ennemi. Pour que ce Cassios se soit fait ainsi abattre, il faut que quelqu'un en ait non seulement la force, mais aussi la volonté. Quelqu'un comme ...
- Comme un nouvel ennemi ...
- Le chevalier des Chiens de chasse n'avait pas l'air de s'inquiéter.
On nous cache quelque chose, Alastor.
On nous cache quelque chose ..."


~ 3 ~


Maison mère de la fondation Graad, au Japon. C'est une grande salle de réunion. L'endroit est presque luxueux. La tapisserie verte est superbement mise en valeur par un éclairage tamisé mais néanmoins très efficace, diffusant une lumière agréable. Le plafond est orné de motifs mythologiques. L'immense table ronde en bois massif occupe presque tout l'espace, et un discret projecteur pointe en direction d'un large écran.
Devant chaque chaise se trouve un nom.
La porte s'ouvre. Un à un, les convives s'installent. La plupart se connaissent, mais il y a des exceptions. Malgré l'ambiance rassurante du lieu, les dix personnes sont un peu tendues.
La dernière à prendre place est la divine héritière de la fondation Graad, Saori Kido. D'un geste de la main, elle met un terme aux murmures. C'est d'une voix grave qu'elle prend la parole.
"Lors de la Quête du Graal, les chevaliers d'Arthur se réunissaient afin de faire le point. Ils se plaçaient autour d'une table ronde, de sorte à ce que nul ne préside, et que tous soient à égalité. C'est la raison pour laquelle on les appelait les chevaliers de la Table Ronde. Aujourd'hui, des chevaliers sont à nouveau parmi nous, et nous voilà à notre tour réunis. Nous formons donc aujourd'hui une sorte de Conseil de la Table Ronde."
L'héritière Kido laisse filer une dizaine de seconde, les laissant vierges de tous bruits, évaluant si elle a réussi à captiver l'attention générale. Satisfaite, elle poursuit.
"Ce Conseil de la Table Ronde se réunira de façon irrégulière, en fonction des besoins et des événements. Cette irrégularité sera la même pour les membres du conseil. Tous ne seront pas présents à chaque fois. Certains s'absenteront, d'autres seront là à titre exceptionnel, comme c'est déjà le cas aujourd'hui. Avant toute chose, nous allons procéder à un tour de table, afin que chacun se présente.
Mr Hakayashi, je vous laisse le soin de commencer.
- Merci, mademoiselle."
Un homme frêle prend la parole.
"Je me nomme Fujita Hakayashi. J'étais responsable du centre Okorimasen, ancien centre Arimasen. J'ai été chargé d'étudier le Sanctuaire sacré depuis une position rapprochée. J'ai donc été le témoin de toutes les découvertes faites à ce sujet.
Je rappelle au passage que le centre Okorimasen a été abandonné suite aux derniers événements."
Le suivant à s'exprimer est un homme d'une trentaine d'années. Il exprime une puissante force de caractère.
"Je suis Yûchi, responsable de la sécurité de la fondation Graad. J'ai accompagné Mademoiselle Kido au centre Okorimasen, où j'ai été le témoin direct de ... euh ... des événements."
Interceptant la parole, Saori en profite pour lui faire un compliment.
"Je précise que Yûchi a été un modèle de sang froid à ce moment là. Ses décisions ont été judicieuses, et il n'est pas exagéré de dire que des vies ont été sauvées grâce à lui. Tout au plus peut-on lui reprocher de vouloir en faire trop."
Piqué, le concerné décide de ne rien ajouter, et il cède donc la parole.
"Je m'appelle Tôja Masaku. Je suis un agent de renseignement, j'avais été affecté au centre Okorimasen. J'ai pénétré l'enceinte du Sanctuaire, et ai été le témoin de son activité."
S'exprime à présent le premier des trois adolescents présents à cette attablée. Des personnes présentes, il est un des deux seuls à ne pas avoir de traits japonais. Les plus attentifs devineraient qu'il est d'origine australienne.
"Je m'appelle Marius Kogan, on m'appelle Kyô, et je suis un chevalier d'acier de la deuxième génération.
J'ai fais face au chevalier sacré qui menaçait la sécurité du centre Okorimasen."
L'évocation de cette victoire ne résulte que des regards graves.
"Je m'appelle Niwa Kokoro, et je suis également de la deuxième génération de chevalier d'acier."
Le sourire du jeune garçon possède une innocence éternelle.
"Mais appelez-moi Kinô, s'il vous plait !"
Mis mal à l'aise par cette familiarité, le troisième adolescent rougit un peu.
"Je suis Ashita Senfu, chevalier d'acier de la deuxième génération."
Le vieux barbu à sa gauche met quelques secondes pour réaliser que le garçon n'ajoute rien de plus. Il est grec.
" Je crois que Mademoiselle Kido pensait à moi en parlant d'intervenants exceptionnels au Conseil. Je suis le père Jacob, auteur du Rapport sur la chevalerie sacrée et sur le sanctuaire. Si j'ai bien compris, ce rapport a été très utile au programme Kido, mais je reste en partie responsable de l'erreur sur la non-existence d'un Sanctuaire moderne.
Je pense être apte à évaluer la situation d'aujourd'hui et à faire des estimations sur les difficultés à venir."
Le suivant est le moustachu de service.
"Je suis Ninko. Avec Mr Kajiya ici présent, je suis responsable de la conception des armures d'acier pour le programme Kido, ainsi que de la formation des chevaliers d'acier."
Le dernier homme est trapu. En sa voix résonne comme une ambiance irrationnelle.
"Je suis donc Kajiya, et je crois que Mr Ninko a fait la présentation pour nous deux."
La dernière personne à se présenter n'est autre que ...
"Quant à moi, je suis Saori Kido, héritière de Mitumasa Kido, de la fondation Graad et du programme Kido. Je poursuis cette oeuvre ambitieuse sans ménager ma peine.
Bien, à présent que tout le monde s'est présenté, nous allons pouvoir commencer."


~~~~~


"Il y a de cela 16 ans, Mistumasa Kido, mon grand-père trouvait, lors d'une visite touristique en Grèce, un homme décédé depuis peu. L'homme avait avec lui une urne étrange, et un nourrisson. Ne sachant comment réagir, il décida alors d'adopter l'enfant et de ramener l'urne au Japon. Les choses auraient pu en rester là, mais l'expertise de l'urne et de l'étrange armure trouvée à l'intérieure posait de trop nombreuses questions. Afin d'en savoir plus, mon grand-père revint en Grèce et fit la rencontre du père Jacob, ici présent. De cette rencontre est né le Rapport sur la chevalerie sacré et sur le Sanctuaire. Rien à l'époque ne laissait penser que le Sanctuaire était toujours actif, et ce fut là notre erreur. Si nous avions su cela, la situation aurait été bien différente ..."
Saori aimerait donner plus de détails, mais trop de choses sont à dire.
"L'idée du programme Kido est venue tout de suite après. La volonté de mon grand-père se résume par cette phrase qu'il a dite un jour : 'Rendre le monde meilleur grâce aux chevaliers des temps modernes'. Il parlait des chevaliers d'acier. S'inspirant du Rapport, il a alors chargé Monsieur Ninko de la conception des armures d'acier, qui seraient mises à disposition des chevaliers d'acier. Mr Kajiya est par la suite venu l'aider, et le projet a pu aboutir.
Parallèlement, une vaste campagne de recrutement a été effectuée, afin de sélectionner les jeunes personnes destinées à devenir chevaliers. Furent retenus trois jeunes garçons, qui, après la formation adéquate, ont formé la première génération de chevalier d'acier.
Je tiens au passage à féliciter l'extraordinaire contribution de Mr Kajiya, qui a fait la découverte de la gestion des concepts. De cette connaissance est née une révolution dans nos connaissances, qui a permit la conception des armures d'acier et la formation des chevaliers.
La première génération était très orientée dans le domaine du combat. C'était un point de départ, inspiré des chevaliers sacrés. Certains auraient utilisé le terme 'super héros', mais il ne plaisait pas à mon grand-père.
Une seconde sélection eut lieu peu après la première. Le résultat est devant vos yeux : la deuxième génération de chevaliers d'acier. Dans la théorie, celle-ci n'était pas prévue pour le combat, et aurait utilisé son potentiel dans d'autres types de situations.
Il y eut la mort de mon grand-père. J'ai par la suite eu l'espoir qu'il reste une trace du Sanctuaire, et fut alors créé le centre Arimasen, une base secrète située en Grèce, qui confirma mes doutes. En même temps, j'encourageais la deuxième génération de chevaliers d'acier à accentuer leur formation physique. Décidant de me rendre au Sanctuaire, la situation a mal tourné. Ainsi furent tués les trois représentants de la première génération de chevaliers d'acier.
Le centre Arimasen fut rebaptisé 'centre Okorimasen', et entreprit un travail d'espionnage, qui porta ses fruits, au prix que nous connaissons. Le centre Okorimasen a depuis été abandonné pour des raisons de sécurité.
Voilà où nous en somme. Pardonnez-moi d'avoir été brève dans mes propos, mais le temps presse. Avez-vous des questions avant que nous n'entrions dans le vif du sujet ?"
Une main se lève.
"Yûchi ?
- Mademoiselle, vous nous avez parlé d'un nourisson.
- C'est exact !", s'exclame l'héritière dans un vent de panique, pendant que Yûchi poursuit sa question.
"Pourriez-vous s'il vous plait nous en dire plus à son sujet ?"
Il y a un silence tendu. Les membres de l'assistance sont animés d'émotions hétérogènes. Curiosité, incrédulité, mal à l'aise ...
... un pouffement de rire innocent.
Se ressaisissant, c'est Kinô, un des adolescents, qui met un terme à la situation.
"Yûchi, il me semble que cette question n'est pas à l'ordre du jour.
- Comment cela ?
- N'est-ce pas mademoiselle ?"
L'héritière croise le regard de l'adolescent. Un regard presque hilare.
"Certes, Kinô.
Y a-t-il autre chose, Yûchi ?"
L'homme comprend que sa question n'a pas sa place ici.
"A vrai dire, non, mademoiselle.
- Une autre question ?", demande-t-elle, s'adressant au reste de l'assemblée.
"Très bien !", s'exclame-t-elle après quelques secondes d'attente.
"Attaquons sans tarder l'ordre du jour."


~~~~~


"Nous avons eu à cette heure-ci seulement deux contacts directs avec le Sanctuaire.
Le premier s'est déroulé au sein même du dit Sanctuaire. Alors que nous venions certes sans avoir prévenu mais néanmoins dotés d'intentions pacifiques, un homme étrange, masqué et à la puissance de combat redoutable nous a attaqué sans sommations et sans un mot d'explication. Il a massacré de façon impitoyable les trois chevaliers d'acier de la première génération. Nous avons pu nous enfuir, mais tout porte à croire que le pilote qui nous avait conduit, Tatsumi et moi-même aurions subit le même sort si nous n'étions parvenus à fuir.
Ce fut donc une rencontre particulièrement déplaisante.
Je laisse la parole à Mr Hakayashi, qui va nous décrire les conditions de notre deuxième rencontre avec le Sanctuaire."
Fujita Hakayashi semble désarçonné.
"Je ... euh ...
Je laisse la parole à Mr Masaku, qui était notre espion et qui est de nous tous celui qui en a vu le plus."
Tôja Masaku commence son récit. Celui-ci est semblable à celui qu'il a fait à Saori quelques jours plus tôt, à ceci près qu'il fait l'impasse sur ses sentiments personnels et ceux de ses collègues. Les faits, et uniquement les faits. Il raconte les difficultés rencontrées pour pénétrer à l'intérieur du Sanctuaire, l'attaque violente de Cassios, la filature de ce dernier jusqu'au centre Okorimasen.
"Merci, Tôja.", lance alors Mr Hakayashi.
"Je vais reprendre le fil du récit ..."
Mr Hakayashi est coupé dans sa phrase par Yûchi.
"Vous voulez dire JE vais reprendre le fil du récit."
L'interruption est d'une violence qui fait sursauter l'intéressé.
"Euh ...
Yûchi ?
- Je ferais une description plus fidèle que la votre. Que je sache, vous n'avez pas assisté au combat, si ?"
Rouge de confusion, Fujita Hakayashi ne répond pas à la provocation. Il devine le mépris dans la voix de son interlocuteur. Pourtant, les mots sont dans sa tête.
'Je ne me suis pas enfuit. Il y avait du danger, j'étais impuissant, et ma place n'est pas sur le terrain. Me mettre à l'abri était la chose à faire.'
Mais il ne dit rien. Et c'est Yûchi qui narre la suite des événements.
"Ce Cassios s'est donc présenté à nous, peu après l'arrivée de Mademoiselle Kido. Il avait un air menaçant, et nous avons tous remarqué son armure. Il a dit être le chevalier de Bronze de Pégase. Ses intentions restent un mystère, mais quand il a commencé à nous menacer, j'ai confié Mademoiselle Kido à Ashita, et je suis allé cherché Kyô et Kinô.
Ce Cassios était comme immunisé à nos armes. Il s'en est pris à nous. Ensuite a eu lieu son combat avec Kyô, qui s'est plus ou moins terminé par la victoire de ce dernier."
Peu de monde fait attention au rire contenu de Kinô, qui semble beaucoup apprécier le 'plus ou moins' de Yûchi. Mais il se calme très vite à la vue du regard noir de son camarade Kyô.
"Cassios est repartit, blessé, sous ordre de ... Mademoiselle Kido."
Yûchi a marqué une pause avant de nommer l'héritière. Il porte un regard accusateur sur elle, exprimant une fois de plus sa désapprobation pour la décision en question.
"Telle fût notre deuxième rencontre avec le Sanctuaire.", conclut Saori, non sans répondre au regard de Yûchi, mais sans y faire allusion verbalement.
"Elle ne fut pas beaucoup plus agréable que la première. Kyô s'est rapidement remis de ses blessures, mais les deux gardes que ce Cassios a blessés garderont des séquelles toutes leurs vies.
La question qu'il nous faut débattre est ...
... sommes-nous en guerre contre le Sanctuaire ?"


~~~~~



Il y a comme un murmure autour de la table, et plusieurs personnes cherchent à s'exprimer en même temps. Saori les coupe.
"Messieurs, gardons notre sang froid, et procédons par ordre. Que ceux qui ont quelque chose à dire lèvent la main."
A tous les volontaires, chacun leur tour, Saori donne la parole.
Yuchi : "J'estime que les faits sont là. Deux rencontres, deux agressions. Nier la guerre serait suicidaire."
Tôja Masaku : "J'ai vu de mes yeux l'intérieur du Sanctuaire. J'y ai vu une armée innombrable. Je l'affirme, le Sanctuaire se prépare à la guerre. Toutefois, je ne me risquerais pas à prédire que nous sommes la cible de cette préparation."
Hakayashi : "Je suis de l'avis de Masaku."
Père Jacob : "De tout temps, le Sanctuaire a toujours été en préparation pour une guerre, mais ses ennemis n'étaient pas humains, mais divins. De plus, le Sanctuaire a toujours été impitoyable avec les intrus, et par deux fois, nous étions ces intrus."
Saori devine qu'une dernière personne voudrait donner son opinion.
"Kinô ? Tu as quelque chose à dire ?"
L'enfant est ravi.
"J'ai assisté au combat de ce Cassios, et je jurerais qu'il était aussi perdu que nous. A sa façon de réagir, et aux propos qu'il a tenu, il est clair qu'il n'avait aucune idée de comment réagir. Ce Cassios n'a pas été envoyé pour nous affronter. Il a suivi Tôja, et les événements ont dégénérés."
"Bien !", s'exclame Saori.
"Je vous remercie de vos opinions qui, si elles diffèrent, me conforte dans mes décisions."
Plus personne n'ose parler. Yûchi est vexé, Kinô exulte, les autres sont plus nuancés.
"Ma conclusion est la suivante.
Le Sanctuaire a une attitude violente envers nous, et il nous faut nous préparer à d'éventuelles agressions. Nous constatons en revanche qu'à chacune de ces rencontres 'mouvementées', le Sanctuaire ne faisait que réagir à nos actions. Que ces réactions soient irrationnelles ou exagérées ne change rien : tout nous pousse à croire que nous n'aurions pas eu de morts à pleurer si nous n'avions cherché à entrer en contact. Voilà pourquoi jusqu'à nouvel ordre, nous allons non pas ignorer le Sanctuaire, mais simplement tenir compte de son existence dans la poursuite de la réalisation du programme Kido.
Des objections ?"
Saori s'y serait attendue, Yûchi lève la main.
"Yûchi ?
- Je suppose que cette décision est sans appel."
Yûchi a l'air particulièrement blasé.
"Vous supposez bien, Yûchi. A moins que vous ne sachiez me convaincre du contraire. Autre chose ?
- Oui, juste une. Est-ce que les autres points à l'ordre du jour ne sont là également que pour confirmer vos décisions ?"
Encore une fois, le rire retenu de Kinô. Mais cette fois, Saori n'a pas envi de plaisanter. Répondant à Yûchi, elle hausse le ton, réduisant au passage l'enfant au silence.
"Yûchi, ce conseil sert à deux choses : faire circuler l'information, et prendre les meilleures décisions. Prenez bien conscience que j'étudie chaque question avant d'en aborder le sujet, et que j'ai déjà mon opinion sur le sujet. Vous êtes libre de faire des interprétations, mais tant que vous ne m'avez pas convaincue, je reste sur mes positions.
- Bien, Mademoiselle.", lache Yûchi dans un soupir.
Saori reprend.
"Bien, nous allons pouvoir poursuivre."


~~~~~


"La question suivante est : de quelle puissance militaire dispose le Sanctuaire. Je laisse la parole à Kyô."
Le jeune garçon se redresse, et parle avec ses mots.
"Ben, à propos de ce Cassios, c'est cela ?
Il est très fort !
D'abord, il ne craint pas les balles. Ensuite, il m'a mit au tapis plusieurs fois, et a fracturé mon armure d'acier. Enfin, le coup que je lui ai porté aurait dû le tuer tout net, et après lui il a encore eu la force de se relever et de repartir.
Y a pas à dire, il est vraiment très fort ..."
Nul n'ose rompre le silence, ce qui met Kyô très mal à l'aise. Chacun essai de relativiser les choses quand au langage de ce Kyô, ceux qui ne le connaissaient pas se posent des questions.
Finalement, Saori lui vient en aide.
"Kinô, tu veux bien nous apporter plus de détails, s'il te plait ?"
Kinô décide de garder le fou rire en lui pour une autre fois. Après tout, il n'est pas dans son intérêt de tourner la deuxième génération en ridicule. Il prend son souffle, et se met à parler.
"Ce Cassios a effectivement reçu plusieurs impacts de balles sans sourciller. D'après certains mouvements qu'il a réalisés ensuite, je suppose qu'il aurait même pu esquiver les projectiles. Son armure n'était pas le plus moins du monde entamé par les impacts. Je pense qu'il devait savoir que la puissance destructrice de ce genre d'armes n'était pas à craindre pour lui, compte tenu de sa constitution. C'est un colosse, en quelques sortes, et sa résistance aux attaques enflammées de Kyô est là pour le prouver. Sans l'intervention de Kyô, il avait le potentiel de se débarrasser des sept membres de la sécurité sans le moindre problème.
D'après son combat, et d'après la fois où il a bloqué une balle avec la main, j'ai constaté qu'il possède une vitesse d'attaque et de défense très élevée. Kyô est formidable d'être parvenu à l'égaler ! Son attaque a une puissance offensive brutale et très élevée. Avec une telle technique, il aurait probablement pu détruire la base à mains nues ...
Cependant, je pense que son niveau est encore inférieur à celui des chevaliers d'acier de la première génération, niveau que plus personne ne possède dans le programme Kido.
Hélas, il serait exagéré de dire que les chevaliers sacrés ont une puissance militaire inférieure à la notre. Ce Cassios a dit être un chevalier de bronze, et je crois que ...
Saori ?
- Kinô ?
- Je pense que le père Jacob est plus qualifié que moi pour poursuivre."
Quelques regards s'échangent, et le père Jacob reprend le monologue de l'adolescent.
"Ce jeune garçon a ma foi dressé un portrait assez fidèle de ce que peut être un chevalier. Dans la hiérarchie du Sanctuaire, il existe les chevaliers de bronze. Au dessus d'eux, bien plus puissants, se trouvent les chevaliers d'argent. Quant aux chevaliers d'or, on dit d'eux qu'ils sont capables de pourfendre les étoiles.
- Les étoiles, vous dites ?"
Yûchi juge le père Jacob d'un air suspicieux.
"N'exagéreriez-vous pas ?
- Mon enfant, n'avez-vous pas été impressionné par les prouesses d'un chevalier de bronze ? Ils sont les plus faibles des chevaliers sacrés. La force des chevaliers d'or est au-delà de notre imagination. Votre première génération de chevalier d'acier, bien qu'en situation de supériorité numérique, a été massacrée sans qu'ils aient pu rien faire alors que, de votre propre aveux, ils possédaient un niveau bien plus élevé que celui de l'actuelle deuxième génération. Leur adversaire avait peut-être la force d'un chevalier d'or, ou peut-être pas. Quoi qu'il en soit, nous avons là un ordre de grandeur de ce à quoi il nous faut nous attendre.
Se pose ensuite la question du nombre.
Selon mes études, la chevalerie serait une véritable armée, possédant 48 chevaliers de bronze, 24 chevaliers d'argent et 12 chevaliers d'or, chacun associé à une constellation. Il est peu probable qu'il existe aujourd'hui autant de chevaliers, mais il faut considérer cet ordre de grandeur.
Quoi qu'il en soit, si réellement le Sanctuaire est pleinement actif, et d'après ce que vous m'avez enseigné, le programme Kido n'aurait pas l'ombre d'une chance de vaincre en cas de guerre ouverte."


~~~~~


"Ce qui nous amène au point suivant.", poursuit Saori.
"Quel est le potentiel militaire du programme Kido ? Je vous donne la parole, Mr Ninko, mais veuillez bien centrer le sujet sur la deuxième génération uniquement."
Ninko commence sans tarder son explication.
"Les armures d'acier de la deuxième génération n'étaient initialement pas prévues pour servir de protection véritable. Depuis les événements d'il y a un an, je travaille avec Mr Kajiya pour remédier à cela, et je suis heureux que l'armure de Kyô ait à peu près tenu le coup lors de son combat face à Cassios. Toutefois, si vraiment il existe des chevaliers plus dangereux, je crains fort que cela se révèle insuffisant. Nous disposons heureusement de l'expérience des armures de la première génération. Il est possible qu'à terme les armures d'acier puissent détenir un pouvoir défensif réel face aux chevaliers sacré, mais je reste relativement prudent quant à mes prévisions. La découverte des concepts nous a permis de réaliser des progrès colossaux, mais j'adhère à la thèse que tout reste à faire.
Mr Kajiya ?"
Mr Kajiya s'exprime à son tour.
"Nous abordons maintenant le potentiel des ... hum ... individus."
Quelques paires d'yeux se tournent vers les trois adolescents. Kyô est agacé. Kinô se fait tout petit. Ashita s'indiffère.
"Kyô nous a prouvé qu'il savait faire face à un chevalier sacré. Son assurance n'était probablement pas justifiée, mais il est sortit vainqueur du combat, et c'est ce qui compte. C'est le plus motivé de tous, et je ne doute pas qu'il soit capable d'affronter l'adversité, même si un peu d'humilité lui sera sans doute nécessaire pour atteindre le niveau de la première génération, encore plus s'il veut le dépasser."
L'intéressé est perplexe, incapable de déterminer si son portrait s'est fait à son avantage ou pas. Dans le doute, il choisit de se taire.
"J'émettrais plus de réserve sur Kinô. Il semble prendre tout cela comme un jeu, mais possède un puissant potentiel intellectuel. Analyser et comprendre peut mener à la victoire, ce qui ne l'empêche pas d'être parfois à la traîne lors des formations physiques."
Kinô est un peu confus. Il n'a plus du tout envi de rigoler. Il aimerait juste qu'on parle d'autre chose.
"Quant à Ashita, nous avons un problème. Il accepte de suivre les entraînements physiques, mais s'investit sans volonté dans les sports de combat. Il n'est pourtant pas moins capable qu'un autre, c'est juste une question de motivation."
Ashita reste impassible, comme désintéressé.
"Tout ça pour dire que nous sommes loin du potentiel de la première génération. Ceci étant dit, je reste relativement confiant. La force physique et la maîtrise du combat sont une chose, mais je pense qu'au final seront majoritairement importants les notions de cosmoénergie et de gestion des concepts. Je ne suis même pas sûr que nous soyons en retard par rapport au Sanctuaire sur ce dernier point.
Ma conclusion est que nous avons besoin de temps. Dans l'état actuel des choses, un assaut du Sanctuaire sur nous équivaudrait à notre perte à coup sûr. Je pense aussi que les armures d'acier ne sont pas au point. Nous avons une armure d'or entre nos mains, et l'écart avec notre technologie est inimaginable."


~~~~~


Saori a l'habitude de tenir des réunions, mais ce Conseil de la Table Ronde est particulièrement éprouvant.
"Nous allons maintenant faire le point sur ce que nous allons faire. Mais avant, père Jacob, pouvez-vous nous expliquer le fruit de vos dernières recherches ?
- Avec plaisir, Mademoiselle.
Mademoiselle Saori Kido, alors qu'elle était au Sanctuaire, a entendu parler par l'assassin de la première génération l'existence d'un lieu appelé Ile de la Reine Morte. J'ai peu d'information sur le sujet.
L'Ile de la Reine Morte serait le vestige de la terre où furent conçues les armures sacrées d'Athéna. Cependant, je n'ai trouvé aucune allusion à des relations moins anciennes entre cette île et le Sanctuaire. Cela veut peut-être dire que l'île a été engloutie suite à je ne sais quel cataclysme. Une autre thèse voudrait que ce lieu ait été abandonné par le Sanctuaire, et qu'il serait aujourd'hui habité par des chevaliers renégats, reniés par Athéna.
Quoi qu'il en soit, si cette île existe bien, rien n'exclue qu'il soit possible d'y trouver des informations, voire de l'aide, notamment concernant la fabrication des armures.
Mais je le répète, tout ceci n'est peut-être rien de plus qu'une légende. Aussi bien, l'île elle-même n'existe plus.
- Merci, père Jacob."
'La conclusion, enfin ...'
Saori commence à fatiguer. Mais cette réunion est importante, elle se persuade de prendre sur elle.
"Je vais maintenant vous donner mes instructions. Si elles vous déplaisent, dites-le moi immédiatement.
Le plan global est le suivant : ne plus tenter quoi que ce soit contre le Sanctuaire, mais surveiller ce dernier. Pendant ce temps, le programme Kido continuera comme avant, après l'accomplissement d'une mission spéciale, que je vais vous indiquer dans un instant.
Monsieur Hakayashi, vous allez retourner en Grèce avec votre équipe, et faire de l'espionnage passif. Je ne veux pas que vous tentiez la moindre action. Vous vous fondez à la population locale d'une façon ou d'une autre, de façon à former un cercle autour du Sanctuaire. Je veux qu'il soit surveillé de l'extérieur. Si quelque chose d'important se produit, informez-en-moi sans délai.
Tous ceux concernés par le programme Kido vont poursuivre leurs travaux, sans jamais oublier la menace potentielle qui pèse sur nous. Mr Kajiya, je vous fait confiance pour trouver des solutions à courts, moyens et longs termes.
Quand à la fameuse 'mission', elle est la suivante. Les chevaliers d'acier de la deuxième génération vont se rendre sur l'Ile de la Reine Morte pour tenter d'en apprendre plus sur les armures.
Ashita ?
- Mademoiselle, vous nous avez dit de manifester nos mécontentements sans délai. J'ai accepté de m'investir dans le programme Kido dans le but, comme vous le dite, de 'rendre le monde meilleur'. Tout ce qui a été dit lors de ce conseil a eu pour seul sujet la guerre. Je désire soigner l'humanité, et non pas la blesser.
D'autre part, toutes nos initiatives ont fini dans le sang, comment être sûr que la situation ne va pas se reproduire sur l'Ile de la Reine Morte ?
Mademoiselle, le programme Kido suit une orientation qui ne ma plait guère."
L'héritière reste une seconde silencieuse, puis répond.
"Ashita, je vais tenter de répondre à tes inquiétudes.
D'abord, tu affirmes ne pas vouloir te battre, pourtant je sais que tu pratiques un art-martial. Peux-tu m'expliquer cela ?
- Mademoiselle, je pratique l'Aïkido. Cet art martial ne permet pas d'attaquer ni de blesser son adversaire. L'Aïkido représente le non-combat.
- Si quelqu'un t'attaque, utiliseras-tu ton Aïkido pour te défendre ?
- Oui, Mademoiselle.
- Et bien nous faisons la même chose. Le programme Kido n'était pas prévu pour le combat. Aujourd'hui, il est notre Aïkido. Nous venons à l'instant de confirmer que nous ne tenterons aucune action offensive. Il nous reste à nous défendre, et à rendre le monde meilleur en le protégeant. Comprends-tu cela, Ashita ?
- Je ne suis pas sûr d'être d'accord avec vous, mais je crois que vos intentions sont louables. Je n'apprécie guère la violence, mais si c'est pour sauver ma vie, ou celle de mes amis, je peux bien m'y résoudre.
- Concernant la mission sur l'Ile de la Reine Morte. Il n'est effectivement pas exclu que vous y fassiez une rencontre hostile. Mais si nous ne prenons pas ce risque, les armures d'acier seront semblables à du tissu si un jour le Sanctuaire nous frappe avec toute sa force. Nous ignorons, il est vrai, si cela doit se produire, mais comme nous l'avons décidé il nous faut prévoir cette possibilité.
- Mademoiselle, n'en dite pas plus. J'ai embrassé le programme Kido il y a des années, et je saurais m'adapter à lui.
- Merci, Ashita."


~ 4 ~


Seule face à la table ronde, Saori soupire.
Elle sent la déesse en elle, la divine Athéna.
'Athéna a toujours protégé la Terre. Mais l'humaine que je suis, Saori Kido, souhaite de tout son coeur donner son ascension au programme Kido, et rendre le monde meilleur. Deux objectifs, un même moyen ?
Cela serait une bonne chose. Athéna consent.'
Mais la jeune fille reste troublée ...
'Pourquoi est-ce que je pense à Athéna à la troisième personne ?'

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Cette fiction est copyright Frédéric Ramirez et Gille Monchoux.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.