Deuxième Age Chapitre 11 : Exterminations


(...) Ceux qu'il affronte ont déjà vaincu un chevalier d'or. Donc, ceux qu'il affronte sont forts, dangereux, et doivent être affaiblis, à défaut de pouvoir être complètement détruits. A n'importe quel prix. Au prix de sa vie. Au prix de la victoire, s'il le faut. Pour cette raison, sa situation est sans doute la plus tragique parmi celles des gardiens, car son rôle, pour lui plus que pour n'importe quel autre, est de mourir pour sa déesse.


Extrait d’un rapport sur la chevalerie sacrée et sur le Sanctuaire, financé par la fondation Kido et mené par le père Jacob


~ 1 ~


Quelques jours plus tôt


Et ils s'agitent, les chevaliers noirs ! Éparpillés sur la place, certains s'offusquent ouvertement, menacent de n'en faire qu'à leur tête, mettent en péril le nouvel ordre établi. D'autres sont plus nuancés, emplis de doutes et de craintes - c'est ce en quoi ils ont foi dont il est question ici - mais on devine l'intelligence et la sagesse des propos qui viennent d'être tenus.
- Allons allons, chevaliers noirs, essai de les apaiser Sylvan. Inutile de se mettre en colère. Vous m'avez reconnu comme étant votre chef, et vous saviez qui j'étais.
- Mais enfin, Sylvan, s'enflamme le chevalier noir du Lièvre Jozan, quel fou es-tu pour nous proposer ceci ? Abandonner nos rêves de liberté et de pouvoir et nous installer ici pour toujours ? Crois-tu réellement que les chevaliers noirs que tu as en face de toi vont s'y résoudre ?
- Calme-toi, Jozan, lance Tordek, le chevalier noir de l'Ours. Ne reconnais-tu pas la sagesse du chevalier de l'Hydre ? Ne nous offre-t-il pas une vie dénuée de peur ?
Mais il n'y a rien à faire. Les chevaliers noirs n'ont jamais vécu que dans l'espoir de quitter un jour l'enfer de l'île de la Reine Morte. Sylvan savait que sa politique serait difficile à imposer, que les enjeux de ses décisions seraient contestés, par ceux-là même qui quelques jours plus tôt le suppliaient de prendre leur tête.
'Les hypocrites ...'
Mais il se rassure. Certains ici partagent ce même idéal, comme ce Tordek qui prend souvent sa défense. Cela prendra du temps pour que les mentalités changent, mais le moment venu, se dit Sylvan, aussi bien ce lieu stérile sera devenu un un endroit agréable.


~~~~


Et puis il est venu. Tous ont ressenti sa puissance presque divine au moment où il foulait le sol sec de son pas, et tous au même moment ont compris que quelque chose d'incalculable allait ébranler l'air. Les chevaliers noirs, pauvres agneaux vulnérables, se sont alors mis à courir dans tous les sens de manière désordonnée, cherchant quelqu'un à la hauteur de la situation.
Et un nom était sur toute les lèvres.
- Sylvan ...
Oui, Sylvan. Le chevalier noir de l'Hydre, le doyen des habitants de l'île, et sans nul doute un des plus sages d'entre eux, saurait faire face à la situation, quelle qu'elle soit. Bien vite, les plus rapides d'entre eux expriment leurs craintes au tout premier des seigneurs noirs.
- Que dites-vous, chevaliers noirs ? panique Sylvan, ce qui à vrai dire lui ressemble peu.
- Comme je vous le dit, Seigneur. Le bruit court qu'un chevalier sacré serait venu, et qu'il aurait commencé à tuer aveuglément tous les chevaliers noirs.
- C'est impossible !
Il n'est pas dans la nature du chevalier de l'Hydre de se laisser emporter ainsi. Froideur et impassibilité lui ressemblent plus, mais ainsi un homme se dénature, quand ses espoirs meurent.
'Malédiction, alors que j'avais presque convaincu les chevaliers noirs. A quoi pense le Sanctuaire ? Pourquoi frapper maintenant ? Pourquoi envoyer un chevalier plutôt que de laisser faire le gardien ?'
La réponse à cette dernière question, Sylvan en devine l'enjeu. Si vraiment Guilty n'est pas leur bourreau, c'est tout simplement que leur extermination n'est pas une sanction, mais un acte calculé par le Sanctuaire.
La sueur noie le front de Sylvan. Ses jambes lui semblent flageller, alors que dans son coeur croît ce qu'il n'a jamais vraiment connu. Bien des années plus tôt - il n'était pas bien vieux à l'époque - ses semblables étaient emportés dans une tornade de violence pour avoir tenté d'échapper au gardien. Depuis ce jour, jamais il ne s'était vraiment inquiété pour son sort, car il avait compris que, dénué d'ambition, il ne risquait rien sur cette île. En cela, le gardien était presque autant son protecteur que son geôlier. Mais la situation présente vient de briser ce raisonnement qui nourrissait la flamme de ses espoirs. Si vraiment le Sanctuaire les extermine, sans avertissement ni explication, alors, et pour la première fois, il ignore comment s'en sortir.
Et quand il parle, sa voix n'exprime pas le désespoir naissant dans son coeur ...
- Bien, chevaliers noirs, tout porte à croire que notre dernière heure soit venue. Vous allez tout de même transmettre le message suivant au plus grand nombre de personnes possible. Faite répéter que Sylvan, le seigneur des seigneur noirs, ordonne à chaque habitant de l'île, qu'il soit chevalier ou apprenti, de se terrer dans sa cachette la plus secrète, et de ne plus donner signe de vie, à aucun prix, avant que de nouvelles instructions leurs soient données. Hennet du Petit Chien, tu diras à ton seigneur Tordek que je lui fais confiance pour mettre ce qu'il sait où il sait. Soveliss, Zark, Mynato et toi Glim, vous restez auprès de moi. Les autres, allez-y.
Et un instant plus tard, seuls cinq personnages restaient sur la place.
Sylvan s'inquiète un peu. Les chevaliers noirs ne valent guère mieux que de la racaille, mais dans l'immédiat il ne peut qu'espérer un miracle. Quant à ceux-là dont il vient de garder la compagnie, ils sont un peu moins pathétiques que la moyenne. Soveliss a toujours été le larbin de Jozan du Lièvre, mais accompagné de Glim, serviteur plutôt loyal de Tordek, c'est toujours un appui supplémentaire. Pas grand chose à dire sur les deux autres, sinon qu'ils ont à l'occasion pris sa défense lors des assemblées qui ont suivi son "sacre". Un appui bien misérable, mais Sylvan compte sur eux uniquement pour renforcer sa présence quand il lui faudra faire face.
- Que comptez-vous faire, seigneur Sylvan ? demande presque simplement Glim.
- Nous attendons le chevalier sacré. Qu'un miracle nous sauve la vie.


~~~~~


- Scarlet Needle !
Et les chevaliers noirs tombent comme autant de mouches. Le chevalier d'or du Scorpion, Milo d'apparence divine, en a déjà bien abattu une douzaine au moment où il réalise combien désolante est sa mission. Qu'éteindre les renégats soit devenue une nécessité est une chose qui lui convient parfaitement, mais force est de constater que tout cela manque légèrement d'héroïsme. Il y a bien eu le gardien - qu'il soit maudit ! -, qui n'a pas su empêcher ses sentiments de contrarier les ordres du grand pope, mais face à de simples soldats, tout dévoué chevalier d'or au service d'Athéna qu'il est, il trouve son acte désolant.
- Scarlet Needle ...
Celui-là à bien failli se sauver. Pas qu'il serait allé bien loin, mais le chevalier du Scorpion aimerait en finir au plus vite.
'Quelle saleté d'île ...'
Milo, autour de lui, ne voit que la désolation de la roche nue, empestée par la puanteur du souffre, rendue intenable par une chaleur sans nom.
'Ceux qui vivent ici ne devaient pas être très heureux. A se demander si je ne leur rend pas service, au final.'
Et puis, au détour d'un chemin, arrivé en un lieu dégagé ayant sûrement une fonction particulière, cinq chevaliers noirs lui font face. Ce ne serait que leur nombre, Milo n'aurait pas même sourcillé avant de les envoyer rejoindre leurs ancêtres. Mais leur attitude presque assurée ébranle sa confiance. Que diable, ils semblent ne rien faire de moins que l'attendre !
- Chevalier sacré ! commence le premier d'entre eux.
- Scarlet Needle !
De son doigt, le chevalier sacré perce la chair du renégat. De la blessure aussitôt surgie un jet de sang poisseux et chaud. Cela ne se produit généralement qu'un peu plus tard, mais il est vrai que le chevalier du Scorpion avait appuyé son coup. Milo devine le poison envahissant le corps de son adversaire, réveillant la douleur et paralysant le corps. Curieusement, les autres ont a peine bougé.
Le chevalier sacré ne tarde pas à comprendre pourquoi. Loin de s'effondrer mort comme la totalité des chevaliers noirs qu'il a jusqu'ici soulagé de l'existence, celui-ci a tout juste posé un genoux à terre. Et d'un geste de la main, il fait signe aux autres de ne pas réagir.
- Intéressant, souffle perplexe le serviteur d'Athéna.
- Che ... valier sa...cré ...
- Tu as l'air moins fragile que tes semblables, renégat, aurais-tu quelque à dire ?
Le renégat se remet péniblement sur ses deux pieds. La sueur inonde déjà tout son corps. Le fil qui le rattache à la vie semble bien fragile, mais quand il ouvre la bouche, et bien que la résignation s'y entende très nettement, sa voix est forte.
- Je suis Sylvan, chevalier noir de l'Hydre et maître des chevaliers noirs.
- Tu dois te demander ce qui est en train de se produire. La réponse t'intéresse-t-elle ?
- Il y a plus important.
- Je ne l'avais pas, de toute façon. Après tout, même un chevalier d'or doit savoir obéir sans poser de questions.
Celui qui dit s'être appelé Sylvan semble réfléchir. Ce n'est pas pour rien si Milo a laissé sous-entendre qui il était et ce qu'il faisait là. Rien ne l'y obligeait, mais à présent, ce chevalier noir sait à quoi s'en tenir.
- Je vois ... finit-il par se lamenter. Y a-t-il quelque chose que nous puissions faire pour que les quelques chevaliers noirs restant aient la vie sauve ?
- 'Quelques' chevaliers noirs ? Qui crois-tu pouvoir tromper, misérable ? Vous voulez survivre ? C'est simple, vous n'avez qu'à me vaincre. Mais comme tu m'as l'air plus valeureux que les autres, je vais te faire une faveur. Si tu survis à toutes mes attaques, je te laisserais partir. Voyons voir à combien de piqûres du Scorpion tu pourras survivre ... Scarlet Needle !!


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Au moment où Sylvan de l'Hydre noir, seigneur des chevaliers noirs et maître de l'île de la Reine Morte, s'effondre, son âme donnée à Hadès, une douzaine de chevaliers noirs et autres apprentis s'étaient réunis autour de Tordek de l'Ours, une des rares personnes sur cette île à avoir encore un peu d'autorité. L'Ours noir a la réputation d'avoir souvent fait beaucoup pour son camp, aussi vont naturellement à sa rencontre les plus vulnérables des habitants de l'île.
- Mes amis, lance le seigneur noir, Sylvan nous a ordonné de survivre en nous dissimulant des sens de celui qui veut notre mort à tous, aussi vais-je vous conduire à la plus secrète des grottes de l'île de la Reine Morte. J'égorgerais moi-même le premier d'entre vous qui mettra le groupe en péril. En avant !

Le lieu auquel Tordek avait fait allusion se trouve de l'autre côté du Volcan. Invisible de tout sentier, au milieu de rocailles que rien ne fait sortir de l'ordinaire, se trouve une ouverture. Effacée dans l'ombre, l'entrée de la cachette n'est guère grande, le lieu guère spacieux. Mais nul ne songe à se plaindre, car bien malin serait celui qui les retrouverait en pareil endroit.
Ils sont une douzaine à pénétrer ainsi en ce lieu clos et isolé.

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Les corps tombent, répandant à foison une mare de sang rouge et poisseux. Le fracas des armures raisonne au milieu des cris et des râles d'agonis, dans un spectacle macabre qui ferait pâlir de jalousie jusqu'à Achille l'Immortel. Oh, parmi ceux qui tombent, certes, il y en a qui valaient moins que des hommes, qui, aveuglés par la soif de pouvoir et le désir de liberté, avait écrasé nombre d'autres moins forts qu'eux. Il y en a aussi, moins nombreux, que la Terre regrettera, car en eux résidait également des qualités humaines. Mais quels qu'ils soient, lui, Milo, semblable à Arès, ne fait aucune différence. Il ne lui viendrait tout d'abord pas à l'idée de donner à un seul d'entre eux une chance de gagner une seconde supplémentaire d'existence, et puis il y a l'Ordre. Le Grand Pope a été d'une simplicité qui ferait abandonner toute ombre d'espoir au plus optimiste des chevaliers noirs.
Or donc, tout de son armure d'or vêtu, le chevalier du Scorpion, enfin, prend un instant pour souffler. Moins parce qu'il en a besoin que pour la raison troublée qu'il a le sentiment d'être venu à bout d'adversaires à combattre.
'Où diable ...'
Mais Milo n'est pas dupe. Ce coin là était un véritable nid, mais selon la réputation de l'île, le compte n'y est pas. Existe-t-il une cache quelque part qui sache abriter vingt âme prêtes à s'éteindre, il n'en sait rien, et la question le lasse. Ce n'est pas tout les jours que Milo reçoit une instruction de son unique supérieur, voilà pourquoi l'idée lui plaisait autant, au moment de son départ. Ce fut même une déception que de la voir remise à un jour ultérieur lorsque Shaka s'était permis de répartir au Grand Pope. Troublé, Milo était resté bien docile ce jour-là, ce qui l'avait ensuite passablement énervé pendant plusieurs jours. Mais au final tout cela n'aura eu qu'une importance toute relative, car le voilà sur les lieux à appliquer la Sanction.
Mais il n'empêche que, malgré tout cela, il se sent las.
Dans le ciel, le Soleil est encore haut, l'air lourd et la chaleur accablante. A bien y réfléchir, le chevalier se demande s'il ne s'était pas enthousiasmé un peu vite à la perspective de se déplacer ici. Une fois sur place, pour être honnête, il n'y a pas grand chose à voir. Détruire les chevaliers noirs n'est pas bien glorieux, se dit-il, mais comme telle est la tâche qui lui a été assignée, et il lui faut bien s'y résoudre.
Le Grand Pope se fâcherait-il si Milo bâclait le travail et détruisait entièrement l'île ? Après tout, ces maudits renégats se terrent probablement dans quelque inaccessible coin secret qu'il lui faudra bien longtemps pour dénicher. N'étant pas chevalier d'or pour rien, il sait que frapper le sol suffira sans doute.
Et c'est aussi parce qu'il s'était presque résolu que la perception d'une cosmoénergie, faible mais réelle, le soulage à ce point.


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Et d'un geste, Tordek perfore la poitrine de Hyan, chevalier noir du Caméléon.
- J'ai dis ... "Silence" ...
Les autres sont interdits. Le chevalier de l'Ours imagine mal comment il aurait pu en être autrement, et c'est tant mieux. Ils ne sont pas habitués à le voir faire marque de violence, mais le sacrifice d'un seul est un bien petit prix à payer quand il est question de sauver tous les autres. Combien diable sont-ils encore ? Une douzaine ? La plupart était autrefois ceux de son camp, mais une petite voix dans sa tête lui rappelle qu'il n'est sans doute plus sage de considérer que, dans la mesure où l'ère des chevaliers noirs touche à sa fin, mieux vaut oublier cette histoire de seigneurs noirs et autres maîtres de l'île de la Reine Morte. Il n'y a guère de doute qu'ici se cachent les derniers survivants. Dans cette grotte.
Se cacher, voilà la seule alternative. Aussi redoutable que soit l'envoyé du Sanctuaire, il n'a que ses yeux et ses oreilles pour se repérer, aussi est-il logique de penser que ce lieu est leur dernier espoir de survie.
Tordek regarde autour de lui. Des cavités comme celle-ci, il y en a des dizaines sur l'île. Creuser étant un moyen de trouver des armures noires, au fil des siècle, l'île s'est transformée en véritable mine. Au sens littéral du terme.
'Une mine à armure ...'
Utiliser celle-ci était une bonne idée. Elle est spacieuse, et surtout son entrée dans un coin d'ombre derrière des rochers rend improbable le fait de tomber dessus par hasard.
'Ces chevaliers noirs, quels imbéciles ...'
Oh évidemment ils ne valent pas tous la même chose. Il y en a quelques uns qui sont presque doté de sagesse, sans compter les apprentis qui n'ont jamais eu le temps de devenir aussi orgueilleux que les autres. Il y a cette Trivia, aussi, qu'il avait pris sous sa protection, convaincu qu'elle ne survivrait pas plus de quelques jours. Quelle surprise de réaliser que c'est à elle qu'il vient de confier la garde de l'Urne !
Car il fallait bien en faire quelque chose. Jango mort, le plus précieux objet de l'île de la Reine Morte ne devait surtout pas tomber entre de mauvaises mains.
- Selon la légende, personne n'a jamais été capable de la revêtir, lui avait dit Sylvan il y a quelques jours.
Il l'avait fait venir spécialement à ce sujet. Cela le tracassait beaucoup, et il n'avait trouvé personne d'autre à qui faire un semblant de confiance.
- Voilà pourquoi je vais, à toi seul, Tordek, Seigneur noir de l'Ours, indiquer où est-ce que je l'ai caché. Même si elle est inutilisable, personne ne doit entrer en sa possession. Sa simple existence est un danger pour l'équilibre des forces. Celui qui possède l'urne gagne du pouvoir, gagne un statu.
- Pourquoi ne pas la détruire ? lui avait répondu Tordek. Ou la faire disparaître ?
- Parce que tel est l'héritage des innombrables générations de chevaliers noirs qui sont morts ici. Parce qu'il s'agit d'un grand trésor. Parce qu'un jour, peut-être, une personne saura l'utiliser comme elle le mérite.
- Pourquoi me raconter cela, seigneur Sylvan ?
Et le maître des chevaliers noirs n'avaient pas hésité une seconde.
- Parce que tu es le seul en qui j'ai confiance. Mais ce n'est pas à toi que je la donne, Tordek. Écoute-moi bien, Ours noir. Le jour viendra peut-être où je ne serais plus là, où les choses tourneront mal, où je me ferais renverser, où le gardien deviendra fou. Si par malheur cela devait se produire, ce serait la fin des chevaliers noirs. Notre seul espoir serait une aide extérieure, mais qui viendrait sur cette terre damnée sauver ses habitants misérables ? Et pourquoi ? Pour cet objet, voilà pourquoi. Et si je suis le seul à savoir où il est, il sera perdu. Voilà pourquoi il sera nécessaire que d'une façon ou d'une autre il tombe entre les mains que j'aurais choisies. Et tu accompliras cela pour moi, parce que je te le demande.
'Les mains qu'il a choisies ...'
Sylvan, alors, lui avait dit à qui il pensait en disant cela, ce qui avait profondément surpris l'Ours noir. Et à présent que le Sanctuaire les extermines, Tordek réalise que son rôle n'est pas d'accomplir lui-même la volonté de Sylvan. Jugeant ceux de son clan, il n'avait trouvé que Trivia qui sache s'acquitter de cette mission sans chercher à en tirer profit.
Assise sur l'urne, la jeune fille semble attendre. Il n'y a point de panique dans son regard. Plusieurs fois, Tordek s'était demandé si elle pensait encore au chevalier du Loup noir. Au fond d'elle même, elle n'avait jamais cherché à faire autre chose que survivre, et il ne faisait aucun doute que c'est ce qu'elle essayait de faire en ce moment même.
Mais évidemment il s'était quand même trouvé un candidat au suicide pour se croire plus malin que les autres à proposer une fuite éparpillée pour qu'au moins quelques uns d'entre eux s'en sortent vivants.
- Le gardien semble avoir disparu, c'est le bon moment !
L'imbécile, comment osait-il croire que c'était une solution ? N'avait-t-il jamais écouté l'histoire de l'arrivée de Guilty, il y a une quinzaine d'années ? Tordek l'aurait laissé gaspiller sa salive si il n'avait pas commencé à se disputer avec ceux qui essayait de le raisonner. Tordek s'en veut. Il aurait dû tuer ce chevalier noir plus tôt. Ne pas lui laisser le temps de venir faire le fier avec son cosmos. Il aurait dû voir la chose venir.
Tout ce qui lui reste à espérer, c'est que le chevalier sacré n'ai pas perçu la faible puissance qui vient d'être exprimée. Mais autant espérer que le Soleil oublie de se coucher ...


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- Je vous trouve enfin, fait le chevalier d'or.
D'un geste, il vient de dégager la tonne de roche et de terre qui lui barrait le passage et qui, accessoirement, formait la dernière protection des chevaliers noirs. Les gravas de pierre et de poussière s'éparpillent sur un kilomètre, soulevant une abondante poussière.
- Tiens donc, mais vous êtes bien une douzaine, ici ... Dis moi, toi qui semble être leur chef, sais-tu s'il reste d'autres chevaliers noirs sur l'île ?
- Ce serait le cas, exécuteur du Grand Pope, tu t'imagines que je te le dirais ?
- Bof, il fallait essayer. De toute façon, ça n'aurais pas changé grand chose à votre sort, j'en ai bien peur. Avez-vous une dernière parole avant de subir votre châtiment ?
- Hum ... il était prévisible que tu sous-estimes les chevaliers noirs.
Le regard perplexe, Milo du Scorpion prend une seconde pour se demander ce que ce personnage à bien voulu dire par là. La situation lui paraît pourtant évidente, mais malgré tout il a prononcé ces mots avec sincérité, sans bluff.
'Qu'il emporte ce secret dans sa tombe.'
- Scarlet Needle.
- Bear Sanctuary !!!!


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Obscurité, ténèbres, silence ...
Puis, l'un d'entre eux reprend ses esprits. Il n'y voit rien, il croit être devenu aveugle, il se demande s'il est mort. Puis il entend du bruit ...

- Que s'est-il passé ? Où sommes-nous ? Pourquoi n'y a-t-il pas de lumière ?
D'autres voix se posent les mêmes questions. Il y a un bruit de heurts, comme si quelqu'un trébuchait.
- Aïe, se plaint Conan. Cherchez pas plus loin, c'est un tour de Tordek. Il a le pouvoir de téléporter ceux qui sont autour de lui. Il a dirigé sa technique sur nous, et nous voilà ici.
Il y a un silence interdit lors duquel biens des questions trottent dans bien des têtes.
- Mais euh ... Y a quelqu'un ? s'interroge encore une autre voix. On est où, là ? Pourquoi il n'y a pas de lumière ?
- Il y a plus important, et la voix était inquiète. Qui sommes nous, exactement ? Je propose que chacun dise son nom à voix haute.
Ainsi se nommèrent les neuf survivants, ceux qui avaient la chance de se trouver au bon moment au bon endroit : sous la protection du seigneur noir de l'Ours, celui qu'à jamais ils nommeront Tordek le Sauveur.


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Quelques jours plus tard


- Vous êtes arrivés bien plus tard.
Et le récit de Trivia s'achevait. Rien ne l'avait obligé à tout raconter aux chevaliers d'acier, mais de gratitude, et cela lui ressemble peu, elle s'y était abandonnée. Quant aux autres évadés de la caverne, ils étaient déjà partis chacun de leurs côtés pour voir si quelque chose sur l'île pouvait être sauvé.
- Des six chevaliers noirs et trois apprentis que Tordek avait sauvé d'une mort certaine, nous ne sommes plus que cinq. Curieusement, ceux qui ne s'en sont pas sorti avaient tous une armure.
- Quel hasard extraordinaire, s'enflamme finalement Kinô, que le Bear Sanctuary de Tordek vous ai projeté dans une caverne souterraine inaccessible et inconnue de tous ! Quelle chance inespérée qu'elle ne se soit pas détruite quand le chevalier du Sanctuaire a ébranlé l'île pour que tout s'effondre !
- Pffeuu, lui crache Trivia. Le hasard, la chance, est-ce cela qui peut sauver un être humain ? Survivre est une aptitude, et vous le sauriez "chevaliers d'acier", si d'aventure vous aviez jamais été en danger.
Pareille remarque n'est pas ce à quoi les chevaliers d'acier s'attendaient, et pendant un moment il n'y a plus que des regards interdits et des silences abattus. Mais il en est un pour qui cela relève plus de l'affront que de la philosophie.
- Mais quelle peste, celle-là ! s'énerve Kyô, le chevalier d'acier de l'Energie. On a bravé plusieurs fois la mort, et si on est vivant aujourd'hui c'est qu'on le mérite, voilà tout !
- Oui, bon, calme-toi, reprend la jeune fille avec une voix sèche, pas la peine de se disputer pour si peu. On aura tout le temps d'en discuter, de toute façon.
- Et pourquoi cela ? demande calmement Ashita.
- Pour la raison simple que je repars avec vous. Je vais sans doute pas être la seule, d'ailleurs.
Cette affirmation est accueillie par des regards ébahis. Mais la jeune fille n'avait pas terminé.
- Au fait, j'ai quelque chose pour vous.
Disant cela, la jeune fille saisissait un énorme objet.


~ 2 ~


"La disparition mystérieuse du général Alvarez s'est accompagnée de celle de l'espoir d'une résolution rapide de la guerre civile qui ébranle le Brésil depuis quelques semaines. Alvarez était non seulement la poigne de fer capable de ramener l'ordre, mais également un fin diplomate très influant dans le monde politique local. Sa compassion pour le peuple et sa retenue jouaient un rôle vital dans l'équilibre des forces, et il ne fait nul doute que les émeutes qui ont encore tué bien des gens ce matin n'auraient pas eu lieu si ..."

Saori Kido se sent lasse. Si d'un geste elle a pu faire taire ce satané téléviseur qui ne sait rien faire d'autre qu'annoncer des mauvaises nouvelles et prédire le chaos dans le monde, elle sait au fond d'elle même que la terre ne s'arrête pas de tourner pour autant. Seule dans une pièce élégante, elle écoute un silence lui rappelant encore une fois qu'ici n'est pas sa place. Ou plutôt, qu'ici n'est pas Sa place.
'Athéna, que ferait-elle si elle était à la tête de ses chevaliers. Rendrait-elle le monde meilleur en intervenant ? Y aurait-il moins de guerres ?'
L'héritière de la fondation Graad s'étonne toujours de penser à celle dont elle est censé être la réincarnation à la troisième personne. Pas un instant elle ne doute de la nature divine qui sommeille en elle, mais le fait de ne disposer d'aucun de ses souvenirs, ni d'aucune expérience ou force d'aucune sorte, la plonge dans un abîme de perplexité.
'Peut-être est-ce la conséquence pour m'être tenue si éloignée du Sanctuaire ?'
Mais l'heure n'est pas à penser métaphysique. Si la moitié des pays du monde sont en guerre, ce n'est définitivement pas de sa faute, et si elle s'en impute une part de responsabilité, c'est avant tout parce que le programme Kido a justement été conçu pour ce genre de situation, et que définitivement, ce fameux programme ne progresse que trop lentement.
Le toc-toc caractéristique d'une porte sur laquelle on frappe poliment la sort de ses pensées.
- Oui ?
Un homme d'une trentaine d'année et habillé avec soin franchit le battant de la porte après l'avoir ouvert avec soin.
- Mademoiselle, l'équipe est sur le retour.
- !!! Déja ?
- Il semblerait que tout ne ce soit pas passé comme prévu, et le personnel rentre tout simplement, faute de travail.
- Et les chevaliers d'acier ?
- Ils sont à bord, bien évidemment. Ils seront de retour d'ici demain soir, et nous feront un rapport complet.
- Bien.
Et sans perdre plus de temps qu'un salut poli adressé à une personne de rang supérieur, l'homme quitte la pièce.


~ 3 ~


Le sol gronde. Le cataclysmique déchaînement de forces insondables ébranle la terre, fissure la roche et zèbre l'air. Il y a bien longtemps que tous les oiseaux se sont envolés, que tous les animaux - même les plus petits rongeurs - ont déguerpis. Et alors qu'à des kilomètres de là les sismographes paniquent, une voix rugie au milieu d'un capharnaüm évoquant la pluie de feu abattant Sodome et Gomorrhe.

- GREAT HORN !!!!!
L'explosion de la cosmoénergie du chevalier d'or exprime l'énergie d'un soleil, et au moment où elle frappe sa cible, il ne fait aucun doute qu'il ne restera pas même un peu de poussière pour témoigner de son existence.
- Ha ! s'enflamme Aldébaran. C'est bien ce que je pensais. Vous etes loin d'etre à la hauteur !
Mais il n'a guère le temps de s'auto-satisfaire plus longtemps, car au même moment, une demi-douzaine de silhouettes lui tombent dessus.
- Grand Axe Crusher !
- Howling Inferno !
- Blood Spray !
- Giant Hold !
- Rolling Bomber Stone !
La première attaque est dangereuse. En d'autres contextes Aldébaran aurait songé à l'encaisser de front, mais conscient de son infériorité numérique, il ne peut s'y résoudre et esquive d'un bond. La deuxième attaque l'atteint à ce moment, tout aussi violente, et le chevalier du Taureau a besoin de toute sa vitesse et de toute son adresse pour ne pas la subir de plein fouet. Il y parvient, et c'est à ce moment que trois autres adversaires lui tombent dessus et, même si certaines de ces attaques sont très lentes pour un surhomme habitué à porter des coups à la vitesse de la lumière, sous le nombre, il plie. Les coups secouent son corps. Et malgré la rudesse de l'entraînement qui lui a valu de gagner son armure d'or, Aldébaran n'a pas l'habitude de prendre des coups.
Il se retrouve à genoux. Ses membres tremblent. Il crache.
Mais il en faut plus pour abattre un chevalier d'or, et si ses membres tremblent, c'est au stress qu'il le doit, et s'il crache, il n'y a guère de sang dans sa salive. Bien vite il est sur pied, époussetant son armure à qui il doit la vie, désormais et pour toujours.
- Pas trop mal, lance-t-il avec une aisance provocatrice.
- Ne te fous pas de nous, lui repart le seul de ses adversaires à ne pas avoir pris par à l'assaut. Tu es peut-être un des meilleurs chevaliers d'Athéna, mais face à nous, tu n'es qu'un mort en sursit.
Celui qui tient ce dialogue n'est pas bien grand. Ses cheveux gris tirés en arrière allonge un visage marqué par un long nez et des yeux en amande aux pupilles de chat. Le casque de son armure possède deux courtes cornes, et à la main il porte un objet étrange, semblable à de petits tubes accrochés les uns aux autres.
- Pffeu, reprend le chevalier d'or. Vous m'avez à peine égratigné, et j'ai réduis l'un d'entre vous en poussière.
- ... ttttuuuu .... paaaarle deeeee .... mmmoooii ..?
La voix d'outre-tombe fait sursauter le chevalier du Taureau, et à sa grande stupéfaction, il voit avec horreur celui qu'il croyait avoir désintégré avancer vers lui en titubant, l'armure presque détruite, la chair meurtrie, mais bel et bien vivant.
- C'est Tyran, explique celui de ses adversaires dont la tête est entièrement recouverte, le corps complètement caché par sa protection. Cela fait longtemps qu'il aurait dû devenir cendres, mais il possède quelques facultés.
- C'est ridicule. Vous m'avez fait mettre genoux à terre, mais votre avantage numérique ne tiendras par longtemps face à la corne du taureau.
Et disant cela, il se mettait en garde
Et de concert, tous se jettent sur lui.


~~~~~


Or donc, l'assaut eu lieu. Le sol a tremblé, encore, mais avec moins de force. Cette fois le vent n'a pas perturbé la géologie des lieux, et aucune roche n'a fondue. D'un oeil extérieur, on pourrait dire qu'il fut moins violent. Mais les apparences sont parfois trompeuses, et pour Aldébaran, chevalier d'or du Taureau, le deuxième gardien, rien n'a été épargné, et s'il se tient fier tout droit sur ses jambes, si son allure n'a pas souffert, c'est pour la raison simple que cette fois au moins il n'a pas même cherché à abattre ses ennemis.
- Fufufu, ricane une silhouette grossière dont le front baigne dans une abondante sueur, te voilà dos au mur, chevalier d'or. Tu n'as même plus la possibilité d'attaquer, seulement de te défendre. C'est le début de la fin pour toi.
Et sans attendre plus, la horde réengage le combat.


Les attaques se succèdent, les coups pleuvent, toutes violentes, toutes très physiques. Bien qu'ayant mordu la poussière une fois, Aldébaran se félicite de le stupidité de ses adversaires.
'M'attaquer aussi simplement, les imbéciles ...'
Sept adversaires.
'Sept, encore ce chiffre ...'
Ils étaient bien moins que sept quand ils l'ont mis à terre, dans sa propre maison dont il est le gardien. Mais les généraux de Poséidon étaient forts. Rien a voir avec l'ordre de la chevalerie d'Athéna, évidemment, mais aucun d'entre eux n'était à prendre à la légère. Ils s'y étaient pris par traîtrise pour l'avoir, et il s'en était voulu de ne pas avoir vu cela venir. Il aurait dû en mourir, un miracle lui avait sauvé la vie.
Quant à ceux-ci, leur nombre est un problème. Perplexe de constater que l'un d'entre eux reste à l'écart, il ne peut guère laisser ses six assaillants directs prendre le dessus.
Une attaque tranchante comme une hache inflige une éraflure de plus à son armure du Taureau, un jet liquide couleur sang semble attaquer sa surface comme de l'acide. Les autres le frappent, ou du moins essaient. Il est dit qu'une attaque ne porte qu'une fois sur un chevalier, et ils ne semblent pas s'en être rendus compte. Débordé par le nombre, toutefois, le chevalier d'or doit sacrifier son potentiel offensif pour une défense efficace.
Mais la chance va tourner, les ennemis - les malheureux - mordront la poussière à l'instant où Aldébaran prendra le risque de passer à l'attaque. Et en un éclair, cela se produit.
- GREAT HORN !!
L'un des guerriers est balayé, soufflé par la puissance de l'attaque. Effrayés par la violence de l'assaut, les autres prennent quelques pas de recul.
- Alors, guerriers sauvages, toujours aussi confiants ?
Mais le coeur du chevalier d'or fait un bond dans sa poitrine : celui qu'il pensait avoir abattu se relève ...
'Encore, quel est ce cauchemar ?'
Et quand il parle, sa voix est d'outre-tombe.
- Fleeesh .... never die ...
Aldébaran fronce les sourcils. Il y a un moment déjà qu'il a comprit que parmi ceux qu'il affronte, seuls un ou deux sont à prendre au sérieux. Il voulait avant tout réduire le nombre de ses ennemis en se débarrassant des plus faibles, et telle était la raison précise pour laquelle il avait prit soin de s'en prendre à cet être à l'aspect grotesque qui semble à peine avoir la force d'un chevalier de bronze. Quant à celui qu'il a finalement frappé, ce n'est nul autre que sa première cible, celui qui a sa grande surprise s'était déjà relevé une fois de sa puissante attaque.
'Comment ai-je pu me tromper à ce point ?'
Perturbé, il n'en charge pas moins. Changeant de stratégie, il vise celui dont l'attaque évoque un coup de hache.
'Si je passe à l'offensive, eux non plus ne pourront pas attaquer et défendre en même temps.'
- GREAT HORN !
Mais au même moment, tous lui sautent dessus. Sa cible, il l'a frappé de toute sa force, mais le prix à payer a été lourd : les autres sont sur lui.
- Blood Spray !
- Howling Inferno !
- Giant Hold !
- Rolling Bomber Stone !
- Fleeeesh ...
Une pluie de coup secoue son armure, blesse son corps, affaiblie sa vigueur. Et le chevalier d'or pose un genoux à terre.
Et levant la tête, savourant d'avance la vision du corps démembré d'un de ses adversaires, son moral chancelle.
'Lui ? Non ...'
Il n'a point abattu son ennemi. Celui qui se relève siffle d'une voix sinistre.
- ... never diiie ...


~~~~~


Des sept adversaires qui violemment tentent de terrasser la vaillance du chevalier d'or du Taureau, le puissant Aldébaran, l'un d'entre eux n'est pas intervenu dans le combat.
'Ce n'est pas un combat, se dit-il à lui-même, un meurtre non plus? Son combat il le mène, pareil au taureau dans l'arène. Pareil au mammifère sans intelligence, il frappe la cape rouge. C'est une corrida, voilà ce que c'est.'
Il repense au double objectif de la mission. Le premier semble accompli. Aldébaran du Taureau est sans conteste le plus fort parmi les chevaliers d'or sur le plan physique, et ils parviennent à en prendre le dessus.
'Si ses sens n'étaient pas leurrés, il nous causerait de lourdes pertes, mais finirait par tomber. Notre seigneur sera ravi d'entendre ça.'
Il ne restait plus qu'à en finir. Songeant à cela, il amenait à ses lèvres son étrange objet.


~~~~~


'La situation devient critique.'
Ainsi s'inquiète Aldébaran, au moment où à nouveau et de plein fouet, il subit les multiples assauts de ses adversaires. Encore une fois, d'un coup de sa puissante 'Great Horn', il tente de réduire l'un des plus faibles d'entre eux en poussière. Mais son armure commence à souffrir des coups répétés et, meurtrie, c'est sa chair qui de plus en plus accuse le coup. Et quand l'action se calme, c'est sans surprise qu'il constate qu'encore une fois, son attaque, il l'a dirigé vers le même adversaire qui refusait de comprendre qu'il aurait dû être mort depuis longtemps.
- La situation t'échappe, chevalier d'or, le raille celui parmi ses ennemis dont le visage semble sortir de la gueule de l'horrible monstre représenté par son armure. Tu auras été coriace, mais moi, Phlégyas, ai l'honneur de faire partie de ceux qui te porteront le coup de grâce.
Et leurs rugissements couvrent le cri étranglé de celui qui, désarmé et blessé, et pour la première fois de sa courte vie de chevalier d'or, s'inquiète pour son sort.


~~~~~


Bien des années plus tôt


La scène se passe en Chine. Loin, très loin à l'Est de l'Occident, se trouve un lieu connu sous le nom de "Cinq pics". C'est ici qu'à grands bouillons, et ce depuis toujours, la cascade de Rozan s'abat, avec la force d'un Tigre. La légende raconte que parmi les puissants chevaliers d'Athéna, on en trouve qui, d'un coup de pied, serait capable d'inverser son courant et de faire remonter l'eau de sa chute, troublant la force tranquille des éléments plusieurs fois millénaires. C'est face à cette cascade, en haut d'une falaise abrupte, que se trouve le vieux maître des Cinq Pics, qui sous son apparence de vieillard affaibli par les années dissimule en réalité la toute-puissance d'un chevalier d'or. Dokho, chevalier d'or de la Balance, au nom d'on ne sait quelle mission confiée par Athéna, n'aurait pas bougé d'un mètre depuis de très nombreuses années. Il passe ainsi chaque journée où le Soleil étant ses rayons sur la terre à faire face aux tumultes des eaux, veillant avec soin.
Et même aujourd'hui que, fait rare, quelqu'un vient le voir, il ne daigne pas même se retourner.
- Ainsi voilà à quoi ressemble les Cinq Pics, lance une voix joviale. Je m'ennuierais sans doute profondément à votre place, mais depuis le temps que vous êtes là, vous avez du découvrir le sens de la vie, n'est-ce pas ? Ha ha ha !
Le rire de l'homme trouble la quiétude du moment, mais quand il lui répond d'une vieille voix, le vieux maître ne semble pas s'en offenser.
- Que me vaut la visite d'un chevalier d'or ? Le Grand Pope s'est-il enfin décidé à me faire assassiner ?
- Hé hé, non vieux maître, pas du tout. A dire vrai, il ignore jusqu'à ma présence ici.
Pour la première fois, le vieillard sourcille et exprime un peu d'intérêt.
- Vraiment ? Tu es donc ici de ta propre initiative. Va-t-en, Aldébaran. Pour le Sanctuaire je suis un traître, tu auras des problèmes si quelqu'un apprend que tu es venu me voir.
- Je sais cela, vieux maître, j'y ai bien réfléchi. Il me semble que, aujourd'hui comme avant, vous n'êtes jamais parti bien loin de ce rocher sur lequel vous vous tenez aujourd'hui. Si vous n'avez jamais bougé d'ici, je vous mal comment vous auriez pu trahir quoi que ce soi.
- Ce n'est pas comme ce traître de Aioros, n'est-ce pas ? Ou cet effronté du chevalier du Bélier ?
Le chevalier du Taureau n'aime pas trop la tournure des événements. Il est déjà difficile pour lui de trahir la confiance du Grand Pope en venant auprès d'un homme considéré comme un ennemi, et s'il est venu ici c'est que c'est ce que son coeur lui indiquait.
- Vieux maître, je vous en pris, oublions notre rang et nos responsabilités, considérez la requête que je vais vous faire comme celle d'un homme faite à un autre homme.
- Ainsi, chevalier du Taureau, tu as quelque chose à me demander ?
Le vieillard s'exprime toujours avec la même voix monotone dénuée d'émotion.
- Oui, vieux maître. Et je vous supplie d'accepter.


~~~~~


- Tu vois cette chute d'eau ? demande le vieux maître à celui qui vient d'exprimer son voeu.
- La cascade de Rozan ? lance Aldébaran. Comment pourrais-je ne pas la voir ?
- La légende raconte que certains chevaliers d'Athéna seraient capable d'en inverser le flux. Chevalier du Taureau, possèdes-tu assez de force pour réaliser pareil exploit ?
Aldébaran jauge, perplexe, l'eau fracassante et, en lieu et place de réponse, il lève la main. A cet instant, une violence inouïe secoue le flux de l'eau, et une seconde après la cascade a tout simplement disparue.
- Voyez, vieux maître, j'ai vaporisé l'eau. Elle devrait couler à nouveau d'ici un jour ou deux. Est-ce que cela répond à votre question ?
- C'est bien ce que je pensais, Aldébaran du Taureau. Tu es déjà largement assez fort, je n'ai plus rien à t'apprendre.
- Comment ?! Mais ..! se stupéfait l'intéressé.
- C'est ainsi, chevalier d'or. Tu exécutes déjà à la vitesse de la lumière des attaques capables de briser des armures d'or, qu'est-ce que tu peux bien désirer de plus ?
- C'est que ... Vieux maître, j'ai compris quel est le rôle du deuxième gardien.
Et ces mots taisent l'indifférence presque bienveillante du vieillard. Pour la première fois depuis son arrivé, Aldébaran peut enfin voir le visage de celui à qui il parle, car enfin, et seulement, il lui jette un regard.
- Le rôle du deuxième gardien ?
Et disant cela, il jugeait la sincérité de cet aveu. Bien que ne s'étant jamais aventuré au Sanctuaire depuis l'arrivé de celui qui allait devenir le chevalier d'or du Taureau, une fois ou deux ce dernier était venu le voir. Jamais pour des choses bien importantes, il est vrai. Mais Dokho avait su voir l'innocence derrière la force, la main de velours sous le gant de fer, cette sincérité exceptionnelle bien cachée par cette façade bourrue.
Et comme il s'y attendait, il comprend qu'Aldébaran ne ment pas. Depuis la fameuse "trahison", il ne restait plus grand monde au Sanctuaire à connaître la vérité quant au rôle du deuxième gardien, et si celui-ci est parvenu à le comprendre de lui-même, même lui, Dokho, il en est impressionné.
Et jetant à nouveau son regard vers les flots millénaires, il lance des mots sages.
- De combien de temps disposes-tu ?
- Quelques semaines, tout au plus.
- Mmh ... Si tu écoutes mes conseils, tu auras la puissance d'abattre n'importe quel adversaire. Tu auras une force qui dépassera celle des chevaliers d'or. Cela aura un prix, mais il me semble que tu as compris cela. Je vois que tu as amené ton armure avec toi.
- Oui, maître, et dans la voix du chevalier d'or naissait un immense respect.
- Range-là où tu veux, tu n'en auras pas besoin.


~ 4 ~


Aldébaran se jure que cet assaut qu'il subit, que ces coups qu'il prend, que cette humiliation que lui inflige ses ennemis, seront les derniers. Comme le lui a enseigné le vieux maître, la défense est une chose que le chevalier du Taureau doit savoir mettre de côté. Dans l'arène, le taureau se débat, se fait blesser, frappe dans le vide et les aficionados hurlent.
'Ce n'est pas un combat, se dit-il, c'est une corrida. Et si je veux survivre, il me faut frapper le toréador.'
Il compte ses membres, ses phalanges, vérifie que sa tête se tient toujours sur ses épaules. Puis il se met debout. Sous les coups répétés son armure a bien souffert, mais il n'en a plus besoin. Morceaux après morceaux, il jette les pièces métalliques au sol, d'un geste naturel, dénué de peur, exempt d'angoisse.
- Il est fou ! s'exclame l'un de ceux à qui il fait face.
- Où alors, il veut mourir. Vu son état, même moi, je pourrais l'achever.
- Ne t'impatiente pas, Rock, l'arrête celui dont on ne voit pas le visage. Ce chevalier conserve tout son potentiel offensif, et si la victoire ne fait plus aucun doute, tâchons de ne pas perdre bêtement la vie.
- Tu as raison, Cube. Allons-y tous.
Le temps d'un battement de paupière, le cercle des guerriers jauge ce chevalier qui garde les yeux fermés, les bras écartés autour du corps, dans ce qui semble être une étrange garde.


- Rolling Bomber Stone !
L'attaque de Rock fracasse l'air du bruit d'innombrables rochers. Au même instant, ses cinq frères d'arme se jettent en avant, embrasant l'air de leurs cosmos.


~~~~~


'Vieux Maître, aujourd'hui, je vous dédie la victoire, que mon sang la scelle, que ma vie la purifie. J'ignore si je rouvrirais les yeux, mais ma mort signerait la destiné du deuxième gardien, celui qui protège la maison du Taureau, deuxième parmi les douze à sécuriser la vie de notre Athéna bien aimée.'


- Tu es au point, lui avait dit le vieux maître. il ne te reste plus qu'à trouver un nom à ton nouvel arcane. Es-tu inspiré ?
Et il lui avait répondu.
- Dans l'arène, le taureau est désorienté, écrasé sous le nombre, et tué. Si les aficionados s'accordent à dire qu'il a sa chance, qu'il peut gagner sa survie en montrant suffisamment de vaillance, l'événement est si rare qu'aucun ne sait dire si cela est jamais arrivé. Vieux maître, j'ignore si un jour je serais le taureau de l'arène, si mon pied foulera le sol poussiéreux, celui dont nul ne revient, mais je le jure, si cela se produit, je ferais mienne la Victoire. Ce sera ...



Au moment où les agresseurs le réalisent, il est trop tard. A l'écart, celui qui, les lèvres posées sur un étrange objet, médite sur le sort de sa présumée future victime, est soudain choqué par l'ampleur de la chose.
L'onde de choc aurait réduit des diamants en poussière, vaporisé la roche et fissuré le sol d'une étoile. Sidérés, les spectres ne peuvent qu'assister impuissants à leurs propres destructions car, pour la première fois, tous sont atteint.
'Son attaque est si puissante qu'aucun d'entre eux ne pourra l'éviter, se lamente le spectre à l'étrange objet. Mon tour ne peut pas marcher, c'en est fini de ces vaillants guerriers.'
Et alors le rugissement se fait entendre, zébrant le ciel d'une assourdissante présence, celui d'un surhomme dépassant les limites des mortels, et sur bien des kilomètres du sol brésilien il était possible de l'entendre ...
- PAR LA VICTOIRE DU TAUREAU !!!!


~~~~~


- Je n'aurais jamais enseigné cela à quelqu'un d'autre qu'au deuxième gardien, avait dit le vieux maître. Sais-tu pourquoi, chevalier du Taureau ?
- En risquant ma vie, je met en danger la protection du Sanctuaire. La perte d'un seul chevalier d'or est une tragédie, et remet en cause la sécurité de le divine Athéna. Détenir un pouvoir, c'est être tenté de l'utiliser. Un chevalier d'Athéna doit sortir victorieux quelle que soit la situation. Si sa force ne lui suffit pas, il lui faut apprendre face à l'adversité. Mais cela ne s'applique pas au chevalier du Taureau, son rôle est plus important que cela.
- Va, maintenant, Aldébaran, mais n'oublie jamais ceci : ta nouvelle puissance ne te permettra pas de mieux protéger Athéna. Puisses-tu un jour trouver le chemin.



Encore aujourd'hui, Aldébaran du Taureau n'a pas compris cette dernière phrase qu'avait prononcé le vieux maître ce fameux jour.
'Maître, ne suis-je pas en ce moment-même en train de sauver la déesse que j'ai juré de protéger ?'
La sincérité du vieillard avait ébranlé ses certitudes. Ils étaient censés être ennemis, et il lui aurait enseigné l'art du combat ?
'Peut-être cela a-t-il quelque chose à voir avec toutes ces rumeurs ...'
Aldébaran n'a pas plus de temps pour s'inquiéter. Le sang coule à flots de ses blessures. Aux Cinq Pics, c'est un arcane foudroyant qu'il a appris, grâce auquel il a pu terrasser les multiples ennemis qui l'assassinait, mais pour atteindre une telle cosmoénergie, il a fallu qu'il paît le prix avec son corps. Au moment du choc, l'effort qu'il a fourni lui a fait éclater la plupart de ses veines. Il est bel est bien vivant, mais ne vaut guère plus qu'un mort, à présent.


Interdit, Silène regarde le désastre. Ils étaient pourtant sept à avoir donné l'assaut au chevalier du Taureau, et voilà qu'il ne reste plus que lui. Son seigneur et maître, les envoyant ici, espérait deux choses. Mettre un terme à la vie du chevalier du Taureau, et ce faisant jauger le niveau des chevaliers d'or. Il savait qu'Aldébaran était brutal, qu'il combattait en n'attaquant ni la pensée ni l'esprit de ses adversaires mais seulement leurs corps, et pour cette raison ceux affectés à la mission possédaient une puissance variable. Invincibles dans leurs protections indestructibles, forts de la supériorité numérique et disposant de l'effet de surprise, la victoire ne faisait aucun doute. Afin de se l'assurer plus encore, il l'avait placé, lui, Silène, à la tête de l'opération.
- Tu es un spécialiste des attaques mentales, lui avait-il dit. Tu assureras la victoire.
Parmi les corps, Tyran gît, immobile. Il n'est pas certain qu'il se relève, cette fois, car en désespoir de cause il avait dû faire écran de son corps pour le protéger, lui, qui était à la base de tout dans ce combat, selon la tactique préalablement mis au point.
- Moi bouuuuuclier, toi épéeeeeee, avait-il soufflé avec sa façon de parler si caractéristique, avant que ne se déchaîne les éléments.
Silène regarde au bout de ses doigts la flûte de pan qu'il utilise pour exprimer sa cosmoénergie. Pour la première fois, il a l'impression de n'avoir qu'un morceau de métal dans sa main.
Et c'est à ce moment qu'une voix essoufflée, meurtrie, lui parvient.
- ... alors c'était toi le ... toréador ...
Silène reste muet, frappé de voir que son ennemi et lui avaient été inspirés de la même métaphore.
- Dans l'arène, lui répond-t-il, le taureau gaspille ses forces, incapable de frapper celui qui tire les ficelles du combat. Tu voulais frapper tes adversaires, mais grâce à mes illusions tu frappais celui qui ne meurt pas. Tous les frapper, d'un seul coup, c'était la seule issue. Mais personne ne pensait que même un chevalier d'or en était capable.
- Hé hé hé ...
Le chevalier d'or ricane, mais ses forces l'abandonnent. Il était pourtant parvenu à se relever, voilà qu'il pose un genoux à terre.
Saisissant l'occasion, Silène mène son instrument de musique à ses lèvres.


~~~~~


- N'y pense même pas, lui lance une voix inconnue.
Interrompu, Silène jette un regard derrière lui. Avec sa chevelure brune dressée au dessus de son front, ses pommettes creusées et son oeil vif, l'individu aurait tout l'air d'un chevalier sacré venu à la rescousse, si seulement il portait une armure en plus de cette monotone tunique.
- Plaît-il ?
- Il m'a parlé de cette technique, reprend le jeune garçon. Elle sacrifie le corps, et blesse le corps. L'attaquer mentalement ne servira qu'à le forcer à repousser encore ses limites pour te tuer.
- Qui es-tu, vagabond ?
- Je ne suis pas un vagabond. Je m'appelle Elnath, je suis apprenti chevalier d'or du Taureau, et tu ne porteras le coup de grâce à mon maître qu'après m'avoir vaincu.
Et sans ajouter un mot de plus, il se met en garde et attend.
Silène peste. Les choses n'étaient pas censées se passer comme cela. Quel que soit le scénario, Aldébaran du Taureau était censé périr aujourd'hui sur le sol brésilien. Une erreur avait été commise, mais il a beau y réfléchir, il ne parvient pas à comprendre laquelle.
- Très bien, lâche-t-il comme il cracherait une liqueur nauséabonde, ton maître doit encore survivre à la propre folie de son combat.
Disant cela, il chargeait sur son épaule le corps de Tyran. Peut-être n'était-il pas complètement mort. C'était difficile à concevoir, mais il ne pouvait prendre le risque de se tromper.
- Les chevaliers auront d'autres pertes à pleurer, reprend-t-il, alors ne crie pas victoire trop vite.


Ce n'est qu'après que le dernier ennemi et son curieux bagage aient disparus, après encore qu'il se soit assuré qu'il ne restait aucun souffle de vie à aucun de ceux qui avaient blessé son maître, qu'Elnath entreprend de lui porter secours.


~ 5 ~


'La situation est devenue critique, et cette fois tu ne diras pas que c'est de ma faute. La situation s'aggravait déjà pour toi. Avec ces rumeurs et ces soupçons qui pèse sur toi, nous étions déjà au bord de la crise intérieure. Et à l'aube du jour où les chevaliers allaient se séparer entre ceux qui crois en toi, et les autres, que se passe-t-il ? L'ennemi attaque ! Voit donc ces rapports qui s'accumulent, de camps d'entraînement attaqués, de chevaliers isolés assassinés ..!
- C'est pour cette raison que j'ai mis le Sanctuaire en état d'alerte. Les chevaliers sont déjà presque tous revenus en Grèce. L'ennemi ne frappera pas ici, nous y sommes trop fort.
- La force, encore et toujours ...
- Oui, la force. La puissance. C'est de cela que la Terre a besoin. A toi qui voulais tout mettre entre les mains d'un nouveau-né, je vais te montrer de quoi est capable la chevalerie sacré, dirigée comme elle l'est aujourd'hui par une poigne de fer.
- Et quand tu auras mené l'humanité à sa perte, tu auras du regret. Mais il sera trop tard ...

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Cette fiction est copyright Frédéric Ramirez et Gille Monchoux.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.