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Sanctuaire d'Athéna. Sur le pas de sa maison, Mû, Chevalier d'Or du Bélier, scrutait, inquiet, l'horizon… Le petit matin éclairait le lointain d'un superbe soleil rougeoyant, prélude à un nouveau périple à travers le ciel : aube, zénith, crépuscule. Depuis la nuit des temps, l'embarcation solaire refaisait inlassablement le même voyage, jour après jour, siècle après siècle, sans jamais modifier la trajectoire de sa course. Aux yeux de l'astre céleste, aujourd'hui était un jour comme un autre. Pas aux yeux de Mû, si on en jugeait par la visible tension qui l'habitait… Celle-ci s'accrut instantanément lorsqu'une silhouette se profila à l'horizon, mais le chevalier reprit son calme en songeant qu'il ne pouvait s'agir de la visite qu'il attendait impatiemment et avec tant de trouble. Cependant, il ne parvenait pas à distinguer l'individu dans la brume matinale, bien qu'il était visible qu'il portait une armure. Mû la reconnut aisément lorsque le chevalier se fut davantage rapproché, mais sa mémoire, pourtant rarement prise en défaut sur le sujet, lui manqua, et ce n'est que lorsque l'homme ne fut qu'à quelques pas de lui qu'il put enfin l'identifier. Une expression d'étonnement se peigna alors sur son visage. Mû : Astérion ?! Ça alors, ça faisait un bout de temps ! Où étais-tu passé ? Mû remarqua l'expression morose mêlée de colère contenue qu'arborait la face du chevalier d'argent. Astérion : Ne m'en parle pas… Une mission secrète… Je viens à peine de rentrer. Mû : Ta mission est donc terminée ? Je peux savoir en quoi elle consistait ? Astérion : Eh bien… Tu te souviens quand la grel… quand Athéna, se reprit-il rapidement en jetant un regard en coin à Mû, est partie dans un voyage à travers le globe avec les gens de la fondation Graad ? C'était il y a trois ans. Il se trouve qu'au retour, elle s'est aperçue qu'elle avait perdu son ours en peluche au cours d'une de ses étapes… Le Grand Pope m'a alors chargé d'aller le retrouver… Comme j'ai la faculté de lire dans les pensées, il s'était dit que j'étais le mieux qualifié pour cette tâche. J'ai donc passé les trois dernières années à fouiller les quatre coins du globe à la recherche de ce foutu ours en peluche, jusqu'à ce que je reçoive cette lettre du Pope… Tout en finissant son récit, le chevalier d'argent tendit à Mû une lettre frappée du sceau du Sanctuaire. Ce dernier s'en saisit et lut : " À l'attention du Chevalier d'Argent des Chiens de Chasse, J'ai le bonheur de vous annoncer que la Princesse Athéna a fini par retrouver sa peluche, qu'elle avait au bout du compte égarée dans son coffre à jouets. Votre mission prend donc fin immédiatement. Merci pour le mal que vous vous êtes donné, Sion, Grand Pope. " Malgré la pitié que lui inspirait Astérion en cet instant, Mû eut tellement de mal à retenir un fou rire que ses côtes devinrent douloureuses. Mû (en son for intérieur) : Ça doit quand même être un sacré bordel, sa chambre. Tout ce temps pour retrouver son ours en peluche… Sauf qu'il ne lui a pas fallu trois ans, mais un mois. Je me rappelle de cette histoire, maintenant. Malheureusement, Sion avait complètement oublié de prévenir Astérion à l'époque. Le vieux devient sénile. Heureusement qu'Astérion ne le sait pas. J'ose à peine imaginer sa réaction s'il se mettait à deviner mes pensées… Mû se figea en songeant que, précisément, son vis-à-vis pouvait lire dans ses pensées. Et la lueur de folie meurtrière qui brillait dans ses yeux l'incita à changer rapidement de sujet. Mû : Oui, bon, euh… Peux-tu me laisser, maintenant ? J'attends le retour de Camus et Shaka. Astérion : Camus ? Shaka ? Ça fait longtemps que je ne les ai pas vus, eux non plus. Ça me manquait, les orgies dans la piscine du Grand Pope, quand le vieux partait en voyage officiel… Mû (jetant des regards inquiets autour de lui) : Chut, ferme-là ! Tu ne veux pas que quelqu'un l'apprenne, non plus ? Seuls les Golds et une poignée de Silvers sont au courant, je te rappelle. De toute façon, rêve pas, c'est fini cette époque. Depuis, Shaka et Camus sont de vraies tombes ambulantes. Astérion : Hein ?! Tu veux rire ? C'était les pires d'entre nous ! Mû : Oui, je sais. Mais depuis quelque temps, ils ont complètement changé. Shaka garde constamment les yeux fermés, tu as l'impression qu'il va te réduire en cendres au moindre battement de cils. Et Camus est devenu si froid qu'on a l'impression que son armure va geler d'un moment à l'autre… Astérion : Ça alors… Mais qu'est-ce qui a bien pu se passer ? Mû : On ne sait pas… Des rumeurs courent, mais rien de concret. Mais d'ailleurs… (Le regard pénétrant de Mû scruta à nouveau l'horizon.) Tire-toi ! Je les vois arriver. Je t'assure qu'il vaut mieux les éviter en ce moment, ils sont complètement à cran. Astérion : Ok, j'y vais. Tiens, c'est qui, les deux gamins à leur côté ? Mû : Leurs disciples. Le Grand Pope les leur a assignés il y a quelque temps Astérion : Sympa, j'ignorais. Ils doivent être contents… Dieu merci pour Astérion, ni Shaka, ni Camus n'entendirent ces paroles. Après avoir rapidement salué Mû, les deux chevaliers et leurs disciples s'étaient mis en route vers la maison de Shaka. Ils traversèrent la maison du Taureau sans trouver trace de son propriétaire. Et pour cause, ce dernier s'était empressé de se planquer derrière un pilier à la vue du chevalier de la Vierge. La silhouette massive d'Aldébaran débordait pourtant allègrement de part et d'autre de la colonne de pierre, ce qui provoqua les regards étonnés de Peg et Albi, mais ni Shaka ni Camus n'y firent attention. Arrivés dans la maison des Gémeaux, ils aperçurent Saga, un sac poubelle à la main. Shaka : Salut Saga, toujours de corvée ? Saga : Salut Shaka, salut Camus. Ne m'en parlez pas, une vraie galère, c'est pas possible le nombre d'ordures que je dois balancer en ce moment… (Écartant les bras :) Que se crée une autre dimension !! Le sac poubelle fut aspiré par le vortex et Saga s'empressa de le fermer. Saga : Voilà, c'était la dernière. Pas trop tôt, je suis dessus depuis ce matin. On croirait qu'il y a eu une orgie la veille. Pourtant, le Pope n'est pas en déplacement… Camus : Ça fait plaisir de te voir, Saga, mais on a des choses urgentes à faire, aussi on ne va pas te déranger plus longtemps. Saga : Pas de problème, bon courage. Shaka : Merci, à toi aussi. Les chevaliers se saluèrent, et Camus et Shaka sortirent de la troisième maison, hors de portée de voix de Saga. Saga : Pff… enfin un peu de repos… Je suis éreinté, cette idée de porter ces armures comme tenues officielles. C'est sûr que c'est très pratique pour vider les poubelles… Et ce n'est pas mon fainéant de frère qui m'aiderait… Où est-il passé, d'ailleurs, celui-là ? Sur le chemin de la sixième maison, Camus et Shaka conversaient. Camus : J'ignorais que c'était lui qui se chargeait de débarrasser le Sanctuaire des déchets… Shaka : Moi, je l'ai appris il y a quelques jours, quand je suis passé au Sanctuaire pour te voir… Au fait, qu'est-ce qu'on va faire de ces deux parasites si on veut pouvoir discuter tranquillement ? Camus : Je vais les envoyer jouer dans ma maison, comme ça on aura la paix. Le groupe finit par arriver à la demeure de Shaka. Sur la demande de Camus, ce dernier attendit que le chevalier du Verseau accompagne Peg et Albi jusqu'à la onzième maison. Quand il revint, le chevalier de la Vierge avaient préparé deux tasses de thé fumant, et ils s'assirent autour d'une table. Shaka : Pourquoi tu as tenu à les accompagner ? Camus : Parce que j'ai utilisé mon cercueil de glace sur tous mes meubles et objets de valeur, tu penses ! Je n'ai aucun envie de voir ces idiots saccager ma maison. Et puis avec un peu de chance, ils vont y crever de froid… Shaka : Parle pour toi… Le mien résisterait aux glaces du Cocyte. Camus : C'est vrai, pardon. Je les aurais bien congelé eux-mêmes d'ailleurs, mais impossible de faire passer ça pour un accident. Et puis ça ne les tuerait pas, et dès que ça se serait su, j'aurais été forcé de les en libérer. Shaka : C'est clair. Tu n'aurais pas pu développer des vraies techniques, aussi ? Camus : Quoi ? Elles sont parfaites, ces techniques, personne n'a jamais atteint un tel niveau dans la maîtrise du froid ! Shaka : Tu parles, aucune d'entre-elles ne peut venir à bout d'un chevalier d'or. Camus : Peut-être, mais on n'est pas censé se battre entre nous, non ? D'ailleurs, puisque tu parles de techniques, pourquoi tu ne les envoies pas dans l'un des six mondes, ça règlerait le problème. Shaka : Parce qu'ils seraient fichus d'en revenir, ces deux idiots… Camus : Et tu critiques mes techniques ? Shaka : …et puis, je me vois mal raconter au Pope que j'ai utilisé cette arcane dans le cadre de leur entraînement… Camus : Ouais, c'est moyen comme excuse… D'ailleurs, en parlant de techniques, je me suis toujours demandé pourquoi tu gardais constamment les yeux fermés ? Tout le monde affirme que c'est pour parfaire ta maîtrise des autres sens, et donc du Cosmos, mais j'ai remarqué que tu ne faisais pas ça avant que Peg ne devienne ton disciple… Shaka : Comme tu t'en doutes, c'est à cause de lui. Je ne peux plus supporter de le voir en peinture, alors en trois dimensions… Le chevalier de la Vierge sentit soudain une brusque émotion chez son frère d'armes. Mais avant qu'il n'ait pu le questionner, un garde fit irruption dans la maison, visiblement essoufflé et affolé. Garde : Chevaliers ! Je demande l'autorisation de traverser cette maison ! Shaka : Accordée. Que se passe-t-il ? Garde : Merci. Savez-vous si le chevalier des Gémeaux a déjà fini de vider les poubelles ? Étonnés, Camus et Shaka échangèrent un regard. Enfin, un demi-regard… Camus : Il me semble que oui, il était en train de terminer quand on l'a croisé. Garde : Malheur, ô malheur ! Le garde traversa la maison en quatrième vitesse et se précipita au-dehors. Les deux chevaliers ne comprenaient pas son agitation, mais ils ne s'en soucièrent guère. Shaka : Qu'est-ce que tu as, Camus ? J'ai senti une vive émotion en toi avant que nous ne soyons interrompus. Camus : C'est toi qui m'a fait penser à quelque chose. On ne peut pas se débarrasser de nos disciples avec nos techniques, mais que se passerait-il s'ils étaient emportés par la technique d'un autre chevalier ? Shaka : Hmm… L'idée est à étudier, mais il faut que ça passe pour un accident et ça me paraît difficile de cette manière. Camus : Pas forcément… (Se levant brusquement :) Retournons voir Saga. Shaka : Saga ? Tu penses à… ? Le chevalier du Verseau eu un sourire sardonique. Camus : Qu'est-ce que ça coûte d'aller voir ? Maison du Verseau. Peg : Youhouuu !!! Le disciple de la Vierge s'amusait comme un fou, glissant sur la glace, tandis qu'Albi, comme de coutume, grelottait de froid… Albi : Peg ? Peg : Quoi ? Albi : T'es taré. Peg : Mais non, c'est génial ! J'ai jamais vu autant de toboggans de ma vie ! Yahoo ! Albi (en lui-même) : Vivement que mon maître revienne, ou je vais mourir de froid ! Si Camus avait entendu ces paroles, probablement aurait-il ralentit nettement son allure… Mais ce n'était pas le cas, et il pénétra soudainement dans sa demeure, Shaka sur ses talons. Camus : Peg, Albi ! Suivez-nous, c'est le moment de vous entraîner ! Peg : Déjà ? Mais je m'amusais tellement, moi ! Yaaaaah !!! Camus regarda Shaka d'un air de dire : Mais où tu l'as trouvé, celui-là ? Le chevalier de la Vierge se contenta de secouer la tête. Flanqués de leurs disciples, les deux chevaliers d'or descendirent jusqu'à la maison des Gémeaux. Elle était vide. Shaka : C'est bizarre, ça, où peut-il bien être passé ? Camus ferma les yeux et se concentra. Camus : Je ressens son Cosmos… Il semble provenir du Cap Sounion… Shaka : Il a probablement décidé d'aller s'entraîner. Camus : C'est parfait pour nous… Ils se mirent alors en route vers le Cap Sounion… Lorsqu'ils y arrivèrent, ils sentirent à nouveau la présence d'un Cosmos très puissant, familier et pourtant inhabituel… Ils firent signe à leurs disciples de les attendre, et se dirigèrent alors vers le sommet d'une falaise qui surplombait une plage d'où paraissait venir la source du Cosmos. Ils virent alors un homme, en plein entraînement, ouvrir et fermer des dimensions à sa guise, comme l'aurait fait Saga. À la faveur d'un rayon de soleil, Camus put voir son visage. Camus : On dirait Saga… Shaka : …mais ce n'est pas lui. Je connais bien son Cosmos, et celui que nous ressentons en ce moment n'est pas le sien. Camus : Alors… Les deux chevaliers restèrent muets un moment… Camus : Un ennemi ? Qui aurait pris son apparence ? Shaka : Si c'est le cas, c'est inquiétant. Sa puissance est incroyable. Camus : On devrait prévenir le Grand Pope de toute urgence… Les visages des deux chevaliers se tournèrent alors l'un vers l'autre, et esquissèrent un sourire sardonique. Shaka & Camus : Naaaaaaaaaan ! Peg, Albi ! Venez ici ! Obéissant à leurs maîtres, les deux disciples s'approchèrent. L'inconnu continuait à faire la démonstration de sa puissance, impressionnante. À cette vue, un doute effleura l'esprit de Camus. Camus : Il est quand même TRÈS puissant… On devrait peut-être réellement prévenir le Grand P… Shaka : Ta gueule. Camus : D'accord d'accord. Peg et Albi arrivèrent près des deux chevaliers. Peg : En quoi consiste l'entraînement, Maître ? Shaka (tout bas) : Cours de vol plané… (À voix haute :) Vous allez bien voir ! Approchez-vous du bord. Peg et Albi obéirent, mais ils n'eurent pas le temps de comprendre ce que leurs maîtres attendaient d'eux qu'ils sentirent deux violentes poussées dans leur dos qui les précipitèrent dans le vide ! Peg & Albi : Aaaaaaaaaaah !!! Au même instant, l'inconnu ouvrit un nouveau portail dimensionnel… dans lequel les deux infortunés disciples tombèrent la tête la première ! Le vortex se referma sur eux… …et Camus et Shaka sentirent leur corps envahi d'une félicité qu'ils n'avaient encore jamais connue, comme si tous leurs sens venaient d'atteindre un niveau de détachement ultime, en un moment d'extase, de soulagement, et de jubilation unique. Trop émus pour dire un mot, ils retournèrent lentement et béatement vers la demeure de Shaka, croisant au passage quelques gardes qui les regardèrent d'un air ahuri… Maison de la Vierge. " À la tienne ! " Camus et Shaka trinquèrent à leur liberté retrouvée et à la fin du cauchemar. Ils leur semblaient qu'ils venaient de se réveiller d'un très mauvais rêve, et soudainement la vie qui était la leur avant l'arrivée des deux disciples honnis reprenaient ses droits. Leur joie était telle qu'ils accueillirent à grand renfort de cris et de rires la venue d'un visiteur dans la sixième maison, en l'occurrence Saga. Ce dernier, quelque peu abasourdi par l'euphorie de ses deux camarades, avaient cependant d'autres soucis pour chercher à comprendre. Camus et Shaka s'en aperçurent en observant l'aspect du chevalier des Gémeaux : il était couvert d'ordures, et… il tenait un ours en peluche à la main. Shaka : Eh bien, Saga, qu'est-ce qui t'arrive ? Saga (maugréant) : J'ai reçu la visite d'un garde tout à l'heure. Figurez-vous que la grel… qu'Athéna avait " par mégarde " perdu son ours en peluche dans une poubelle !! Il a fallu que je fouille toutes les dimensions à la recherche de cette satanée peluche, au milieu des ordures et des déchets !! Tiens d'ailleurs, en parlant de déchets… Saga fit un mouvement pour sortir quelque chose de derrière sa cape… Et Peg et Albi, inconscients, s'écroulèrent à ses pieds. Saga : J'ai trouvé ces deux épaves au milieu des dimensions, c'est à vous je crois ? Il voulut ajouter quelque chose, mais les mots gelèrent au fond de sa gorge. Les regards de Camus et Shaka étaient braqués sur lui, fixement. Au fond brillait une leur de douce folie mêlée de pulsions sanguinaires sauvages et démentes… Le chevalier des Gémeaux sentit la température de son corps chuter à la vitesse de la lumière, alors que ses sens semblaient le quitter un à un. Pour la première fois de sa vie, il eut peur. Tournant les talons, il se rua sans demander son reste hors de la sixième demeure, détruisant en partie les maisons d'Aiolia et de Masque de Mort au passage… Aiolia & Masque de Mort : MA MAISOOOOON !!! Et tandis que Peg et Albi reprenaient leurs esprits, deux hurlement de désespoir déchirants résonnèrent dans le domaine sacré… |