Chapitre 6 : Lueur d'espoir devant le Mur des Lamentations


Mur des lamentations

Une jeune femme aux longs cheveux couleur de jais gisait là. Sur son visage planait un sourire paisible, celui d'une personne qui a retrouvé les couleurs de la vie après avoir cru les perdre. Elle était toujours vêtue de la même robe noire qu'elle portait dans la Giudecca, ses paupières étaient closes mais ses doigts étaient toujours crispés sur un objet, un collier, non un rosaire de 108 perles qui avaient été claires, mais maintenant elles étaient sombres comme les armures des spectres qu'elles représentaient.
Le néant planait autour de ce lieu mais il était empêché de l'engloutir par une autre sorte de néant : la dimension qui séparait les Enfers d'Elysion. Ces deux forces s'affrontaient sans qu'aucune ne parvienne à prendre l'avantage. C'est ainsi que le corps de Pandore qui se trouvait pourtant dans l'œil du cyclone ne fut absorbé ni par l'une ni par l'autre dimension. C'est alors qu'un dieu qui ne régnait plus sur les enfers survint. Il posa un pied sur ce qu'il restait du mur des Lamentations puis un deuxième. On aurait dit qu'il s'approchait en effleurant le sol de peur de réveiller la belle endormie qui se trouvait à quelques mètres de lui.
Il resta un moment à la toiser d'un regard empreint de tendresse puis finalement s'accroupit et passa sa main dans les cheveux de Pandore.

" Pandore, ma petite sœur, j'aurais tellement aimé te laisser en dehors de cette bataille, mais le pouvais-je ? Après tout c'est toi qui en ouvrant la boîte qui retenait Thanatos et Hypnos leur a permis d'organiser mon retour sur Terre… "
" Comme dans la mythologie tu as été la première victime des maux que tu as involontairement déchaînés sur l'humanité, tu as été fidèle à ton destin à cela près que tu n'étais pas censée mourir ainsi : tu devais garder l'espoir de l'humanité non pas dans une boîte mais dans ton cœur, tu aurais été la déesse qui aurait ranimé l'espoir dans le monde nouveau que j'entendais bâtir sur les ruines de l'ancien "

Le dieu se pencha alors vers le visage de sa sœur, il rabattit une longue mèche de cheveux noirs dont la pointe atteignait la commissure des lèvres de la jeune fille, il se pencha puis déposa un chaste baiser sur la joue de sa sœur.
Ils restèrent ainsi pendant un moment, comme deux amants qui refusent de se séparer, lui le dieu et elle la mortelle qui n'en étaient pas moins unis par les liens du sang. Le dieu des enfers prononça alors des paroles que seule sa sœur aurait pu entendre :

" J'aimerais pouvoir te rendre la vie petite sœur mais à cette heure ton âme doit voguer dans les parties de l'enfer qui n'ont pas été détruites et même si je suis un dieu je ne peux te ressusciter…
Repose en paix Pandore, je ne t'en veux pas d'avoir envoyé ce jeune fou de Phénix contre moi, j'aimerais pouvoir te dire que là où tu es maintenant tu vas retrouver tes parents mais vu qu'ils sont dans la prairie des Asphodèles… "

Le dieu arrêta soudain son monologue comme s'il avait été frappé par la foudre.

" La prairie des Asphodèles mais j'y pense … ce lieu est séparé de l'enfer et d'Elysion par le vortex que j'ai devant moi ! "

Le dieu posa alors un regard plein d'espoir et d'affection sur Pandore.

" Petite sœur prépare-toi, j'ai trouvé un moyen de te ramener à la vie : je vais transporter ton corps dans la prairie des Asphodèles puis j'y reconstruirai les portes de l'Enfer et je pourrai te ramener à la vie "

Les yeux d'Hadès s'embrumaient de larmes non retenues mais cette fois c'était des larmes d'espoir. Cependant, l'émotion passée il les essuya prestement ne voulant pas être pris à défaut même dans ces circonstances.

" C'est étrange, même à moi Hadès il restait des larmes. Pandore, je dois t'avouer que je n'ai réalisé combien je tenais à toi que lorsque j'ai tout perdu, auparavant je n'étais obnubilé que par mon corps mais les bronze saints me l'ont pris, puis Elysion mais le néant me l'a pris et maintenant que je n'ai plus que toi et que je sais comment te ramener à la vie je crois que je ne supporterai pas de te perdre à nouveau "

Au moment de prendre son élan pour s'engouffrer une fois de plus dans le vortex le dieu fut parcouru d'un frémissement.

" Attends "

Hadès s'insurgea.

- Qui est là ? Qui ose ?
- Moi
- Est-ce toi mon frère qui a accueilli mon âme qui me parle ?
- Oui c'est moi.
- Mais je ne comprends pas, recevoir le Big Will aurait dû anéantir ta conscience.
- Comme je suis d'essence divine, nul, pas même le Big Will, ne peut réduire entièrement mon corps à la merci d'un autre, et puis tu ne pensais quand même pas que j'allais te laisser mon corps sans prendre quelques précautions.

Hadès sourit.

- Hum je reconnais bien là le dieu qui sacrifia son œil droit pour avoir le droit de s'abreuver à la fontaine de la sagesse. Tu es bien …
- NON pas un mot de plus !!
- Pourquoi çà ?
- Tu ne vas quand même pas révéler mon identité aussi vite.
- C'est vrai, tu as raison… Mais que veux-tu de moi exactement ?
- Ecoute, une nouvelle guerre s'annonce car les dieux ne pourront ni ne voudront laisser la destruction de l'Enfer impunie. Dans ce conflit nous aurons un rôle à jouer et pour le mener à bien il nous faudra des guerriers.
- Tous les spectres ont été vaincus.
- Ce que tu veux faire pour Pandore fais-le aussi pour eux.
- En sont-ils tous dignes ? Tu sais, pour la plupart je les ai recrutés parmi les enfants battus, les maniaques du silence, de la justice, du meurtre en série, des complexés d'Oedipe, des parricides, des paumés quoi. Y en a même à qui j'ai promis la vie éternelle en échange de leurs services, quels naïfs quand même.
- Tu es libre de choisir ceux que tu estimes dignes de te servir.
- Voilà une perspective qui ne me déplaît pas, sera-ce tout ?
- Non il y a sept hommes que j'aimerais voir ressusciter, tu n'auras qu'à transporter leurs âmes vers cette fameuse prairie.
- De qui s'agit-il ?
- De sept guerriers protégés par les étoiles de la Grande Ourse et nés sous le signe du destin.
- Je ne sais pas si mon pouvoir influe sur les autres étoiles que celles des 108 spectres mais je peux toujours essayer.
- Bien parlé mais il est temps de se rendre à la prairie des Asphodèles.
- Tu as raison
- Y allons-nous Hadès ?
- Allons-y Odin !
- Imbécile !!
- Il me semble que le suspense a assez duré et que ceux qui raconteront notre épopée aimeraient pouvoir révéler ton nom plus tôt que je ne l'ai fait. Ne sois pas si susceptible seigneur du Wallahall.
- Si tu le dis bougonna Odin, n'empêche que j'aurais voulu ménager mon effet.

Sans attendre le feu vert de son hôte Hadès s'envola vers la prairie des Asphodèles.


Prairie des Asphodèles

Hadès


La prairie des Asphodèles est un lieu intermédiaire où j'avais pris l'habitude d'envoyer la plupart des morts que les juges n'avaient pas eu le temps de juger et qui ne présentaient pas a priori un profil de serial killer ni celui d'un héros, des monsieur tout le monde en somme.
A dire vrai je ne m'en étais pas occupé depuis longtemps et les morts qui y demeuraient menaient une vie assez rustique, partageant leur temps entre la garde des troupeaux de moutons que j'avais fait venir à grands frais et la culture de jardins peu fertiles, en somme ils végétaient…
Autrefois il y avait un jardinier nommé Ascapholos qui les surveillait. Cet homme aux longs bras musculeux et au teint cadavérique était chargé de faire fleurir mes jardins, il s'y employait avec zèle jusqu'à faire travailler les morts comme des esclaves pour la joie de voir renaître les fleurs. Je ne l'aimais pas beaucoup : sa voix éraillée et ses bras décharnés me donnaient la chair de poule.
Par la suite il joua un tour à mon épouse Perséphone : selon une décision des Moires, Perséphone serait condamnée à ne plus jamais revenir sur Terre si elle avait goûté à la nourriture des morts… Mon désir était bien sûr de conserver Perséphone auprès de moi, de façon à la soustraire à sa mère la possessive Déméter, mais je ne souhaitais pas la retenir contre son gré. Or Ascapholos révéla qu'elle avait mangé 7 pépins de grenade pendant son séjour en Enfer, ce faisant il lui ferma à tout jamais le chemin de la Terre. Il faut avouer que mon jardinier avait dans toute cette affaire été manipulé par les Moires mais il souhaitait également se venger de Déméter qui l'avait jadis transformé en lézard.
Ne pouvant me venger sur les Moires, je m'en pris à mon jardinier et l'envoyai rejoindre les Titans qui croupissaient dans le Tartare.
Il est vrai que par la suite je dus déclencher une guerre contre l'Olympe pour obtenir de conserver Perséphone.
Quoiqu'il en soit, depuis ce malheureux événement les morts de la prairie des Asphodèles végétaient sans aucune forme de surveillance, les 108 spectres étant bien assez occupés avec les guerres saintes que je livrais avec plus ou moins de bonheur à Athéna.
Quand j'arrivais dans la prairie des Asphodèles je tenais toujours dans mes bras le corps de Pandore. Les morts qui habitaient ces lieux reconnurent mon cosmos et me saluèrent pour ce que j'étais : leur seigneur. Ce fut Egée, ancien roi d'Athènes et éternel politicien qui le premier vint à ma rencontre.

- Votre majesté Hadès, quel bon vent vous amène ?
- Celui de la tempête j'en ai peur mon bon Egée : Elysion vient d'être détruit.

Cette nouvelle le plongea visiblement dans la consternation.

- Mais comment et par qui ? Et si Elysion a été détruit, cela veut dire que l'Enfer l'a aussi été !! Mais alors que va-t-il advenir de nous ?
- Ne paniquez pas. Ce lieu est situé dans une autre dimension que les Enfers et Elysion et comme j'ai retrouvé une grande partie de mes forces je pense être en mesure d'arrêter la progression du néant.
- Grâce vous soit rendu majesté. Mais quelle est cette jeune femme que vous tenez dans vos bras ?
- Cette personne est ma sœur, sa majesté Pandore et même s'il est vrai que la vie a aujourd'hui quitté son corps vous lui devez le respect !

Mon ton impérieux produisit son effet et Egée se prosterna humblement malgré la peur qui faisait trembler ses genoux.

- Je vous présente mes excuses, majesté Pandore et vous salue bien bas.
- Voilà qui est mieux, vous êtes pardonné mais puisque vous êtes là vous allez pouvoir faire passer une annonce.
- Quelle est-elle ?
- Puisqu' Elysion n'est plus j'ai décidé de faire de ce lieu ce qu'Elysion fut.

Egée parut ébahi par cette proposition, il sourit aux multiples perspectives qui s'offraient à lui. Vous pensez bien, un politicien menteur comme un arracheur de dents qui avait réussi à devenir officieusement le gouverneur de cette prairie, il allait devenir le maître officieux d'Elysion. C'est curieux mais je crois que cet homme dévoré d'ambition me faisait un peu penser à Kanon du Dragon des Mers, il était aussi ambitieux que lui.

- Votre majesté je ne sais comment vous exprimer la joie de vos humbles serviteurs de vivre dans le nouvel Elysion. Quels sont vos ordres ?
- Ils tiennent en deux mots : au boulot.
- Pardon ?
- Il m'a fallu plusieurs siècles pour bâtir Elysion alors que vous flemmardiez dans ces champs à l'abandon, alors chacun son tour ! Recrutez ceux qui ont été artisans et qu'ils se mettent au travail.

Egée marmonna quelques insultes sur l'ingratitude du travail manuel surtout quand il est bénévole puis se retourna vers moi.

- Quel est le premier bâtiment que nous devrons construire ?
- Des portes… Les portes de l'Enfer.

Je tournai alors mon visage vers celui de Pandore.

- Petite sœur, même si ces morts doivent travailler jusqu'aux limites de leurs forces et suer sang et eau je te jure que les portes qui te permettront de revenir dans le monde des vivants seront prêtes avant que le soleil n'ait encore dardé ses rayons sur ton visage.

Je m'interrompis un instant. Parler de résurrection me faisait penser que j'avais oublié de mettre en sûreté les corps d'Hypnos et de Thanatos. Tiens en parlant de Thanatos… quel était cet étrange cosmos que je sentais errer dans les ruines d'Elysion.
C'était…
Oui c'était…
…la Mort !

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Cette fiction est copyright Diego Jimenez.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.