Chapitre 6 : La Menace


Pendant ce temps, au sanctuaire…

Le soleil brillait sur les collines d'Athènes, chauffant la terre, illuminant le ciel dont le bleu s'étirait à perte de vue. Un chemin de terre courrait à travers les oliviers et la rare végétation, pelée par la chaleur, qui entourait le sanctuaire d'Athéna. Sur ce chemin, un petit groupe allait d'un pas tranquille, humant l'air enjôleur de cet après-midi d'été. Leurs pas lourds et lents soulevaient la poussière qui s'envolait en tourbillonnant légèrement avant de retomber sur le sol avec légèreté. Il y avait là Saori Kido, réincarnation d'Athéna, qui marchait en avant du groupe. Elle était vêtue d'une longue robe blanche, découpée aux épaules, que soulevait légèrement la douce brise et à sa démarche altière, on voyait tout de suite à qui l'on avait affaire… A ses côtés, se tenait son ami le plus dévoué, Seiya dont l'allure quelque peu négligée tranchait avec le raffinement simple de sa princesse. Les mains engoncées dans les poches, il marchait en silence, jouant distraitement du pied avec un caillou. De l'autre côté d'Athéna, allait Mu, le chevalier d'or du signe du Bélier, en quelque sorte pope en second en attendant le retour de Dohko, le chevalier d'or de la balance. Portant sa majestueuse armure du Bélier, cape au vent et casque à la main, il avait fière allure. Légèrement en retrait, également cinglé dans son armure d'or étincelante, Shaka, le chevalier d'or de la Vierge, suivait le petit groupe, les yeux ouverts (!) et attentif au moindre mouvement de Saori.
Le matin même, Hyôga et Shun étaient revenus ensemble au sanctuaire et avaient rendu compte à Saori de leur entrevue avec Sirius, le chef des Kiaï. Malgré le rapport des deux chevaliers qui se voulait rassurant, Saori n'était guère satisfaite de la position que prenait Sirius. Les événements prenaient une tournure à laquelle elle n'avait pas pensé et elle hésitait à basculer ou dans le soulagement ou dans la méfiance. Ceux qui l'accompagnaient partageaient sa position et se taisaient, attendant patiemment que la déesse ne parle. Celle-ci finit par rompre le silence et s'adressant à tous :

- Toujours pas de nouvelles de Shiryu ?

- Malheureusement non, pas encore, répondit posément Mu.

- Shiryu est à peine parti avant hier, avança Seiya. Il rentrera certainement dans la journée…

En effet, Shiryu était reparti pour les cinq pics afin d'exposer au vieux maître les dernières nouvelles. Ikki, lui, soulagé par le retour de son frère pour lequel il s'inquiétait secrètement, était resté avec ce dernier et Hyôga à écouter le récit de leur voyage. C'était justement le rapport des deux amis qui avait décidé ce rassemblement de ce qui pourrait être nommé l'état major du sanctuaire. Dés que Shun et Hyôga avaient eu fini de s'expliquer sur les événements des derniers jours, Saori avait tenu à rassembler ses guerriers les plus avisés afin de discuter de ces nouveaux éléments. Rien ne semblait devoir aviver la méfiance de la déesse, mais celle-ci, pour une raison inconnue, sentait une sourde inquiétude l'encourager à la plus grande prudence.

Le petit groupe continua sa marche silencieuse un certain temps sans que personne ne relance la conversation.
Ils cheminaient maintenant sur un chemin bordé de hauts arbres qui les abritaient du soleil de leurs masses imposantes. Brusquement, Saori qui marchait toujours en tête s'arrêta net. Tous levèrent la tête et regardèrent devant : à une vingtaine de mètres, un homme d'un certain âge se tenait debout en travers du chemin. Il devait bien avoir une soixantaine d'années comme l'indiquaient ses cheveux grisonnants et son dos légèrement voûté. Il les regardait sans bouger, semblant les attendre. Saori jeta un coup d'œil à ses guerriers : les voyant tous aux aguets, elle reprit sa marche, sûre d'elle, avançant droit sur l'intrus. A mesure qu'ils se rapprochaient, chacun détaillait l'homme : son visage n'était pas excessivement marqué par l'âge si ce n'est un profond pli barrant son front mais qui devait plus probablement être dû aux soucis qu'aux années. Un sourire se dessinait sur son visage et tous furent étonnés par l'immense sentiment de bonté et de droiture qu'ils sentaient se dégager de celui qui leur faisait face. Arrivés à quelques mètres, tous s'immobilisèrent. Alors à leur grande stupéfaction, le vieil homme s'agenouilla.

- Déesse Athéna… Je vous attendais.

A ces mots, la vigilance de chacun des chevaliers, qui s'était évanouie l'instant d'avant, reprit ses droits et tous se raidirent, prêt à parer à toutes éventualités. A cette vue, l'homme qu'ils avaient en face esquissa un sourire.

- N'ayez aucune crainte. Je ne suis qu'un vieillard et mes intentions sont tout à fait pacifiques…

- Qui êtes-vous donc ? Intervint Saori d'un ton ferme ne laissant aucune place à la tergiversation.

L'homme eut un geste évasif comme toute réponse.

- Mon nom ne vous dirait rien je le crains, et ne vous serait d'aucune aide… Cependant, je me suis permis de vous attendre ici car j'ai des choses d'une importance capitale à vous apprendre. Si vous le permettez bien entendu…

A ces mots, Saori échangea un regard interrogateur avec ses suivants. Tous se regardèrent et enfin, haussèrent les épaules en signe d'ignorance sur la conduite à adopter. Saori finit par se retourner vers l'étranger et dit enfin :

- Et bien, parlez, je vous écoute…

Un sourire de reconnaissance éclaira le visage du vieil homme.

- Je vous remercie, déesse Athéna de m'accorder votre confiance. Je ferais tout pour que vous ne le regrettiez pas…
Tout d'abord, je dois vous dire que ma venue ici est totalement liée à vos dernières préoccupations, concernant le sanctuaire Kiaï…


Un nouveau regard de surprise fut échangé entre les différents protagonistes. Que voulait donc cet homme ?

- J'imagine que vous savez donc que deux de mes guerriers les plus braves rentrent justement d'une rencontre avec leur chef.

- Je le sais. Je sais aussi qu'ils rentrent avec des nouvelles que l'on pourrait qualifier de rassurantes… Mais je crains que vous n'ayez pas tous les éléments en main vous permettant d'évaluer avec certitude ces nouvelles données. C'est pourquoi j'ai choisi de venir ici vous apprendre ce que vous ignorez encore.

L'homme fit une pause et reprit lentement son souffle.

- Si vous me le permettez, je vais m'asseoir ici car je suis vieux et bien fatigué… fit-il en désignant de la main une roche qui siégeait le long du chemin de terre.

Saori hocha la tête gravement.

- Je vous en prie.

Le vieil homme joignit alors le geste à la parole et se jucha sur le pierre avant de reprendre.

- Je me dois de commencer par le tout début de cette histoire afin que tout soit bien clair dans vos esprits… Il y a bien longtemps de cela, le monde fut partagé entre les dieux : Poséïdon reçut les océans, Hadès les enfers et Athéna la Terre. Mais très vite, cette dernière dotation suscita les jalousies des autres dieux qui enviaient la vie bien agréable que l'on pouvait mener sur cette terre qui avait été donnée à un autre qu'eux. Cette jalousie finit par les pousser à vouloir conquérir la terre, par la force s'il le fallait. Devant la menace que cela représentait pour elle, Athéna s'inquiéta de cette situation auprès de l'Olympe. Les pourparlers ne suffisant pas à calmer les belligérants, Athéna se vit offrir un certain nombre d'armes, qui en plus de ses chevaliers, devaient lui permettre de protéger son sanctuaire. C'est notamment à cette époque que furent créées les douze armures d'or du zodiaque…

- Mais nous savons déjà tout cela ! Grommela Seiya. Pourquoi perdre notre temps à…

- Seiya ! L'interrompit sèchement Saori. Je te prierai de ne pas interrompre cet homme d'une telle manière et de ne plus rien dire tant que je ne te l'aurais pas demandé. Est-ce clair ?

Seiya hocha la tête piteusement, comme un enfant pris en faute, sous les regards amusés de ses compagnons.

- Je vous prie, pardonnez-le et continuez.

L'homme hocha la tête et sans plus faire cas de l'intervention de Seiya, reprit son récit :

- Comme je le disais, des armes puissantes furent données à Athéna afin qu'elle puisse se défendre contre ceux qui en voudraient à son territoire. Au cours de l'histoire, pourtant guerrière et sanglante du sanctuaire, Athéna n'eut pas souvent recours à ces dons. Soit parce que ses ennemis étaient moins puissants que ce qu'elle avait cru, soit parce que ceux qui auraient nécessité leur utilisation décidèrent à la suite de cela, de se tenir tranquilles. Quoiqu'il en soit, il figurait dans ce lot une arme très particulière, très puissante aussi, synthèse des âmes et des cosmos qui ont parcouru la terre jusqu'à maintenant et tirant sa force de toutes les qualités guerrières des chevaliers et des combattants qui ont lutté un jour ou l'autre dans ce monde. Vous l'avez deviné je pense, il s'agit des puits du pouvoir. Craignant qu'un jour, une telle puissance puisse lui échapper et se retourner contre elle, Athéna décida de garder l'existence même des puits plus ou moins secrète et de leur adjoindre une classe particulière de chevaliers, qui auraient pour mission de conserver les secrets des puits de génération en génération et de les protéger de toute agression extérieure. Ne pouvant les prendre parmi les 88 chevaliers, afin de garder le secret et de ne pas affaiblir la défense régulière du sanctuaire, Athéna créa un nouvel ordre, celui des chevaliers Kiaï, dont chaque représentant serait attaché à une étoile et combattrait sans armure sacrée. Un certain nombre de non combattants leur furent adjoint afin qu'ils forment une communauté complète. Bien que les puits du pouvoir soient localisés en Russie, une grande partie des Kiaï vivaient ici même, au sanctuaire, en harmonie avec les autres chevaliers qui ne savaient pourtant pas grand chose d'eux… Ceci dura quelques siècles qui virent le sanctuaire couler des jours tranquilles. Et puis un jour…

Le vieil homme toussa légèrement afin de s'éclaircir la voix et reprit :

- Un jour, entre deux réincarnations d'Athéna et après une guerre contre Hadès qui avait fait de nombreuses victimes, comme malheureusement à chaque fois que cela arrive, un homme sans scrupules arriva au pouvoir. Sans scrupules ou tout du moins rendu fou par les événements tragiques qui venaient de se produire. Tous les chevaliers d'or étaient morts et il était le quasi seul survivant de la guerre précédente. Chevalier d'argent, il avait été nommé pope en raison de sa grande expérience et des qualités qu'on lui avait longtemps reconnues. Mais il était devenu à moitié fou et mégalomane et n'était probablement pas prêt à de telles responsabilités. Il fit vite régner la terreur sur le sanctuaire. Le chef des Kiaï de l'époque, Alexis, s'inquiéta de cette situation et en rendit compte directement au pope. L'entrevue dégénéra vite en une dispute très houleuse. Dans la nuit qui suivit, tous les Kiaï s'enfuirent du sanctuaire pour rejoindre la Russie. Malheureusement pour eux, leur fuite fut découverte trop tôt et l'alerte donnée. Le pope envoya les chevaliers et les gardes du sanctuaire à leur poursuite à travers toute l'Europe. Les combattants Kiaï étant beaucoup moins nombreux que les soldats du sanctuaire et devant protéger les civils, ils furent vite massacrés, hommes, femmes et enfants sans distinction. Seul un petit nombre réussit à se réfugier dans une grotte, connue sous le nom de la Terre des Rêves, en raison de son aspect paradisiaque. Alexis lui-même succomba aux blessures que lui avait infligées l'un des derniers chevaliers d'argent de l'époque. Il fit promettre à son disciple et aux survivants de perpétuer la mission sacrée qui avait été la leur à travers les âges et de ne jamais céder à aucune pression extérieure. Tous jurèrent solennellement que jamais ils ne trahiraient les dernières volontés d'Alexis.
Les survivants décidèrent alors de se cacher le temps que le sanctuaire abandonne les recherches. Le climat favorable de la Terre des Rêves leur permit de survivre sans trop de difficulté alors que les rigueurs de l'extérieur tinrent le sanctuaire à distance.
Une fois le danger d'être retrouvés écarté, les Kiaï organisèrent leur nouvelle vie dans la vallée dans laquelle vivaient déjà auparavant certains d'entre eux. Paysans, instituteurs, guerriers, chacun trouva sa place et la communauté fut vite réorganisée de façon harmonieuse. Si bien qu'elle prospéra vite et que sa population revint bientôt à un niveau acceptable. Les années, puis les siècles passèrent. Les Kiaï furent oubliés des gens du sanctuaire qui les croyaient sans doute tous morts. Le secret des puits du pouvoir se perdit pour Athéna alors que pour les Kiaï, l'art de la guerre finit par n'être plus qu'une lointaine légende…

Le vieil homme s'arrêta un instant, et reprit son souffle. Cette fois, nul ne songea à l'interrompre et chacun attendait tranquillement qu'il veuille bien reprendre son récit. L'homme détailla ses interlocuteurs et eut un sourire bienveillant devant leurs airs attentifs. Enfin il passa à la suite :

- Il serait légitime que vous vous demandiez maintenant ce qui est venu rompre cet équilibre, pourtant si parfait durant de longs siècles… La réponse n'est malheureusement pas certaine. J'ai pour ma part formulé une hypothèse mais je ne saurais en garantir la véracité. Le pourquoi de tout cela se trouve peut-être bien dans une ancienne légende des Kiaï que l'on racontait aux enfants autrefois et que les maîtres enseignaient également à leurs élèves. Cette légende, la voici : on raconte depuis la nuit des temps que celui qui alors que son étoile est à la verticale au-dessus des puits, plongera son corps entièrement dans l'un d'entre eux et en ressortira vivant s'appropriera la puissance et le contrôle des puits du pouvoir. Inutile de dire que ce mythe a suscité chez les Kiaï beaucoup de vocations : de nombreux guerriers, parfois même parmi les plus puissants, ont tenté cette épreuve. Mais au cours des âges, nul ne l'a jamais réussi. Pas même un seigneur Kiaï… Les puits gardaient leur secret… Jusqu'à il y a peu…

Le ton amer et désabusé sur lequel le vieillard avait prononcé ces mots fit frémir Seiya. Quel drame se jouait donc en ce moment qu'allait leur révéler cet inconnu ?

- Il y a de cela trois ans, une jeune Kiaï dont l'ambition avait toujours été de réussir là où tous avaient échoué dans le courant de l'histoire a tenté l'épreuve à son tour au grand désespoir de son maître et de ses amis. Comme ces derniers l'avaient prévu, elle ne revint jamais. C'est en tous cas ce que tous crurent jusqu'à il y a quelques semaines lorsque cette jeune femme réapparut brusquement auprès des siens. Pourquoi et comment un tel miracle a-t-il été possible, je ne saurais le dire. Mais ce que je peux affirmer, c'est que cet événement est venu troubler l'équilibre des forces qui s'était établi dans le monde.

- Que voulez-vous dire par là ? Demanda Seiya, qui brûlait d'intervenir depuis déjà quelques minutes.

- Je regrette de ne rien pouvoir vous affirmer avec certitude mais…

A ces mots, l'homme se releva, écarta les bras, les mains ouvertes à plat vers le ciel et ferma les yeux avant de dire :

- Je sens une menace. Une menace qui plane autour de nous. Qui nous entoure insidieusement. Qui nous enveloppe chaque jour un petit peu plus. Fermez les yeux et vous la sentirez vous aussi, prête à jaillir à la moindre défaillance.

Seiya tressaillit et se sentit pris d'un malaise inexplicable. Un regard à ses compagnons lui apprit qu'eux aussi ressentaient ce même sentiment désagréable. Seule Saori, les yeux fermés, semblait encore sereine. Mais malgré son air apaisant, Seiya remarqua les frissons qui parcouraient son échine et le léger tremblement de ses mains.

- Princesse, vous ne vous sentez pas bien ? Interrogea-t-il, soudainement inquiet.

Au son de sa voix, Saori ouvrit les yeux et le regarda bien en face avec un léger sourire qui se voulait rassurant.

- Tout va bien Seiya, tu n'as pas à t'en faire.

Mais le léger raillement dans sa voix trahissait son émotion. Elle se tourna vers le vieil homme :

- Vous avez raison. J'avais un mauvais pressentiment déjà avant votre venue et là, je viens de ressentir moi aussi cette menace dont vous parlez. Que savez vous de plus ? De quoi s'agit-il ?

L'inconnu haussa les épaules en signe d'ignorance.

- Si seulement je le savais ! Je me ferais une joie de vous aider plus. Mais je ne sais ni qui ni quoi nous menace ainsi.

- Mais quel est le rapport avec les guerriers Kiaï ? Vous avez l'air de dire que ce ne sont pas eux qui sont nos ennemis ? Intervint Saori.

- Vous avez raison, les Kiaï ne sont pas vos ennemis. Pas encore. Mais ils pourraient le devenir. Ils sont jeunes, influençables, fiers. Fiers du pouvoir qui est le leur. Trop confiants dans leurs forces et celle des puits. Et pas capable de les protéger d'une agression extérieure…

- Mais vous disiez tout à l'heure que l'un d'entre eux avait pris le contrôle des puits…

- C'est justement cela qui est les rend si vulnérables et dangereux à la fois. Ils croient tous à l'invincibilité de celui qui contrôle les puits. Mais ils sont à une période charnière. Il faut du temps avant de pouvoir maîtriser une telle puissance. Et ce temps n'est pas encore écoulé…

Il y eut un nouveau silence, chacun semblant peser les dernières paroles et rassembler les pièces d'un puzzle dont les nouvelles pièces venaient chambouler l'ordre précédemment établi.

- Si je puis vous donner un conseil, le voici : Ne laisser personne mettre la main sur les puits du pouvoir avant vous. Car dans ce cas, votre vulnérabilité devant cet ennemi serait celle d'un enfant face à un lion. Les Kiaï ne se rendent pas compte de ce qu'ils possèdent, ne les laissez pas vous faire prendre des risques inconsidérés inutilement. Les puits du pouvoir doivent être à vous avant qu'il ne soit trop tard…

- Selon vous, nous devons absolument convaincre Sirius de la nécessité absolue de s'allier avec nous ? Demanda Saori.

- Exactement, fit l'homme sur un ton sans réplique. Sans quoi, vous ne pourriez avoir la garantie que les puits ne tombent en de mauvaises mains…

Nouveau silence, les chevaliers attendant que Saori ne reprenne la parole. Mais ce fut le vieil homme qui reprit le débat. Il tourna d'abord le dos à ses interlocuteurs et commença à s'éloigner d'où il était venu en disant :

- Agissez sans tarder. Attendre serait prendre un gros risque. Et sachez que vous n'avez guère le choix.

Les amis restèrent un moment bouche bée. Puis Seiya s'élança à la poursuite du vieillard :

- Attendez ! Vous ne pouvez pas partir ainsi !

- Je suis désolé mais je ne peux rien faire de plus pour vous. Je suis venu vous avertir et je vous ai dit tout ce que je pouvais. Je n'ai rien d'autre à ajouter. Bonne chance.

- Mais…

Le vieil homme n'attendit pas la suite de la phrase de Seiya, se dégagea et sans rien ajouter de plus, s'éloigna de nouveau jusqu'à disparaître de la vue du jeune homme et de ses compagnons.



Un lourd silence pesait sur la grande salle du trône. Saori et ses conseillers s'y étaient réunis dans le but d'éclaircir ensemble les paroles énigmatiques du vieil homme. Les autres chevaliers, Shun, Hyôga et Ikki exceptés, les y avaient rejoints sur ordre express de Saori. Mais depuis qu'ils étaient arrivés, nul n'avait pris la parole. Chacun attendait que Saori ouvre les débats, mais celle-ci, pensivement assise dans le grand trône du pope ne semblait guère disposée à entamer la conversation dans l'immédiat. Seiya allait et venait nerveusement le long de l'allée alors que Mû, les sourcils froncés semblait profondément réfléchir. Seul Shaka paraissait totalement impassible comme à son habitude. Shiryu, quant à lui, venait de rentrer de Chine et avait été mis au courant des événements du matin. Malheureusement, son entrevue avec son maître n'apportait rien de nouveau. De longues minutes passèrent ainsi sans que l'un ou l'autre des protagonistes ne prenne d'initiative.
Brusquement, la lourde porte de la salle s'ouvrit et un garde tonna :

- Chevaliers Andromède, Phœnix et Cygnus !

A cette annonce, Saori se leva et adressa un sourire aux nouveaux arrivants, qui comme Seiya ne portaient pas leurs armures. Shun marchait en tête, suivis de près par son frère et Hyôga. Tous avaient la même moue interrogative sur le visage.
Saori avait envoyé des gardes les faire chercher dans le sanctuaire afin qu'ils soient mis au courant des dernières nouvelles et puissent donner leurs avis : après tout, étant les seuls à avoir rencontré les Kiaï, Shun et Hyôga étaient bien placés pour parler du problème.

- Eh bien, fit Hyôga d'un air mi-amuséé, mi-inquiet. Que nous vaut ces visages atterrés ?

Ikki, lui non plus ne semblait guère goûter la plaisanterie mais sa mauvaise humeur ces derniers temps était devenue si habituelle que nul n'y prêtait plus guère attention.

- Il y a du nouveau concernant le sanctuaire Kiaï, fit Saori, répondant à la question de Hyôga.

Ce dernier eut une petite moue désabusé avant de reprendre.

- Comment ça du nouveau ? Nous en revenons à peine !

- Je sais, je sais… Et tout cela ne me ravit pas. Mais malheureusement, nous devons vous faire part de ce qui vient de se produire.

Puis se tournant vers le chevalier du Bélier :

- Mû, je t'en prie, explique-leur.

Mû hocha la tête et entreprit de rapporter les propos du vieil homme rencontré le matin avec force détails.
Quand enfin il eut fini, Hyôga eut un geste mêlé d'incrédulité et de colère contenue.

- Qu'est-ce que c'est que ces salades ? Qui était-il d'abord ?

Mû, Saori et Seiya échangèrent un regard gêné avant que Mû ne reprenne :

- Nous ignorons son identité.

Hyôga ne put réprimer une moue moqueuse.

- Si j'ai bien compris, vous êtes tous là en grande discussion à cause de racontars d'un inconnu dont vous ignorez jusqu'au nom ?

Nul ne releva l'ironie du ton du jeune Russe et ce fut lui-même qui continua :

- Tout ceci est parfaitement ridicule. Et puis pourquoi remettre en cause les conclusions faites par Shun et moi suite à notre mission sur la simple foi d'un homme qui n'apporte aucune garantie quant à ses dires ?

Saori hocha la tête, en signe de compréhension.

- Je comprends ta position Hyôga, fit-elle d'une voix qui se voulait à la fois douce et ferme. Mais il ne s'agit pas seulement des paroles de cet homme, mais d'un sentiment plus profond, d'une conviction inexplicable qu'il dit la vérité, que cette menace dont il a parlé existe bel et bien…

- Mais qu'est ce qui pourrait nous menacer et être pire que ce que nous avons déjà connu ? Reprit Hyôga.

- Nous n'en savons rien et aucun de nous n'a la prétention de tout connaître en ce bas monde, intervint Shaka, visiblement énervé par l'insistance du chevalier du cygne. Mais si nous partons du principe qu'il vaut mieux prévenir que guérir, il serait bien prudent de prendre les devants dans cette affaire.

Mû et Shiryu hochèrent la tête d'un même mouvement et ce dernier ajouta :

- Prudence est mère de sûreté après tout… Et nous en avons justement suffisamment vécu pour nous montrer aussi prudent que possible. Il serait criminel de ne pas prendre ces avertissements au sérieux s'ils devaient se révéler fondés.

Un nouveau silence ponctua ces dernières paroles que Saori avait accompagnées d'acquiescements bienveillants. Apparemment calmé par les arguments de Shiryu, Hyôga interrogea alors sur un ton quelque peu désabusé :

- Que suggérez-vous dans ce cas ? Qu'allons nous faire ?

A ces mots, tous se tournèrent vers Saori qui répondit à la question collective sans aucune hésitation :

- Nous allons retourner sur la terre des Rêves et j'y rencontrerai personnellement Sirius et les siens afin d'y discuter d'une alliance entre nos deux forces.

Hyôga eut un nouveau geste évasif :

- Il refuse l'alliance avec le sanctuaire, il nous l'a clairement exprimé lors de notre rencontre. Pourquoi changerait-il d'avis maintenant ?

- L'existence d'une menace inconnue de nous le fera peut-être réfléchir, avança Shiryu.

- Et puis la présence d'Athéna elle-même aura peut-être son petit effet, ajouta Milo.

Hyôga ne trouva rien à répondre mais il n'était visiblement pas convaincu. Mais nul n'y fit plus attention, chacun questionnant sur la future expédition.

- Qui va partir ?

- Tenez-vous vraiment à y aller ?

- Quand partons-nous ?

Toutes ces questions fusaient dans un brouhaha soudain. Saori dut taper du pied pour ramener le silence dans la salle.

- Du calme, messieurs, du calme. Si nous nous devons de préparer ce voyage, il ne s'agit pas non plus de monter une grande expédition. Les chevaliers de bronze m'accompagneront sur la Terre des Rêves, d'autant qu'ils en connaissent la route. Quant à vous chevaliers d'Or, vous resterez ici en Grèce pour veiller sur le sanctuaire.

Saori se tut un instant afin de reprendre son souffle et d'observer la réaction de son auditoire. Satisfaite de ses observations, elle reprit en se tournant vers Mu :

- En notre absence, je souhaiterais que toi, Mu, tu diriges un référencement de tous les chevaliers en vie et en état de combattre. Fais toi aider des autres chevaliers actuellement au sanctuaire. Tu es libre de prendre toute mesure qui s'impose.

Mu hocha la tête en signe d'acquiescement. Enfin, Saori termina :

- Nous partirons demain à l'aube. D'ici là, reposez-vous et préparez-vous.

Tous hochèrent la tête, certains satisfaits et d'autres plus frustrés d'être une nouvelle fois tenus à l'écart de l'action. Mais aucun d'entre eux ne contredirait Saori et tous tournèrent les talons, laissant seule Saori qui les suivit du regard. Quand tous eurent franchi la porte, la jeune femme se retira dans ses appartements. Tiraillée par une inquiétude grandissante, elle avait le besoin de se mettre au calme, de prier, de réfléchir à l'avenir et aux surprises qu'il lui réservait à elle et à ses amis. Les paroles du vieil homme rencontré le matin lui revenaient sans cesse en tête comme un chant lancinant. Une menace… Il avait parlé d'une menace, une menace qu'elle sentait et ressentait elle aussi. Rien ne l'annonçait pourtant si ce n'était ce pressentiment enfoui au plus profond d'elle même et que les mots du vieillard avait fait remonter à la surface jusqu'à presque l'étouffer. Mais qui les menaçait ? Et pourquoi ? Elle n'aurait su ni le dire ni même le supposer. Et c'était cela qui lui faisait le plus peur : savoir que quelqu'un rodait autour d'eux, prêt à les dévorer et être incapable de savoir d'où viendrait cet ennemi. Mais Saori espérait aussi que Sirius et les siens auraient des choses à lui apprendre car elle ne doutait pas que quelque en soit la manière, les kiai étaient mêlés à cette menace et que peut-être ils en étaient la clef…



Seiya accéléra brusquement pour dépasser Shun qui essayait de lui reprendre le ballon, dribbla Shiryu et enchaîna par une frappe qui partit trois mètres au dessus des buts de fortune gardés par Ikki. Un cri de rage échappa au chevalier Pégase alors que Ikki partait chercher le ballon en lançant :

- Décidément mon pauvre Seiya, ce n'est pas encore aujourd'hui que tu me marqueras un but !

- Renvoie le ballon au lieu de rire. Tu vas voir si je ne suis pas capable de te marquer un but !

Ikki s'éloigna et ramassa le ballon de Seiya avant de revenir vers le terrain. Au passage, il le fit rebondir sur la tête de Hyôga qui, allongé nonchalamment dans l'herbe, avait refusé de prendre part au jeu.

- Arrête de râler, blondinet ! On dirait moi ! ironisa Ikki alors que Hyôga émettait un grognement de protestation.

Cela ne fit pas plus réagir Hyôga qui se rallongea alors que ses camarades reprenaient leur partie de football endiablée. Le russe arborait depuis la réunion du matin son air des mauvais jours. Lui d'ordinaire si calme et posé ne décolérait pas. Une agitation sans précédent régnait dans son esprit. A quoi bon avoir accepté d'aller sur la Terre des Rêves avec Shun si cela était pour ignorer complètement leurs conclusions sur la situation ? Il savait qu'Ayan serait furieuse de cette nouvelle visite et c'était cela qui l'agaçait profondément. Mais au fond de lui, il ressentait cette nécessité d'intervention. Cette menace qui semblait tant perturber Saori, il commençait lui aussi à la ressentir et cela l'inquiétait. Il se demandait cependant si cette inquiétude l'avait gagné depuis que Saori avait fait part de la sienne ou si déjà auparavant, il n'avait pas cette sensation étrange et désagréable d'être en sursis. De plus en plus agité par ces réflexions, il décida brusquement de les balayer d'un revers de la main et se tourna vers le terrain sur lequel s'ébattaient ses amis. Seiya essayait une fois de plus de traverser le terrain tout seul avec le ballon dans le but avoué d'inscrire un but à Ikki dont les qualités de gardien étaient indéniables. Un tacle sévère de Jabu lui fit perdre l'équilibre et s'écraser lourdement sur le sol.

- Faute ! se mit à hurler Seiya.

Mais ses camarades continuaient à jouer sans se préoccuper des ses réclamations et le chevalier Pégase fut bien obligé de repartir à la conquête du ballon. Hyôga admirait leur désinvolture et leur décontraction. Etait-il donc le seul à n'avoir pas tiré leçon et expérience de leurs combats passés ? Même Shun et Shiryu, d'ordinaire si inquiets et sérieux s'amusaient comme des enfants, bien loin de ses propres préoccupations et très certainement de celles du reste du sanctuaire. Sur cette réflexion, Hyôga se leva d'un coup comme mu par un ressort et rejoignit ses amis sur le terrain. Son arrivée fut salué par de grands cris.

- Enfin, tu te décides ! s'exclama Seiya.

Puis chacun vint lui taper amicalement sur l'épaule et la partie reprit de plus belle.
Elle dura jusqu'au soir. Ce ne fut que lorsque le soleil commença à décliner à l'horizon que les chevaliers tombèrent sur le sol, ruisselant de sueur, fatigués mais heureux de ces bons moments passés ensemble. Seiya râlait bien de n'avoir pas réussi à marquer son but à Ikki mais ils se promirent tous deux de remettre ça dès leur retour.

- Je crois que nous avons bien mérité une douche ! fit Shiryu qui était couvert de poussières de la tête aux pieds.

- Rentrons, renchérit Shun. Un bon repas et une bonne nuit de sommeil ne seront pas un luxe non plus !

Chacun acquiesça et tous se dirigèrent vers leurs chambres. Un messager du palais les attendaient dans le hall.

- La déesse Athéna vous fait savoir que vous êtes conviés au repas au palais dans une heure.

- Il va falloir nous dépêcher alors !

- Je ne m'inquiète pas pour toi Seiya, ironisa Shiryu. Que ne ferais-tu pas pour un repas !

Seiya sourit à cette boutade et donna une bonne bourrade à son ami en signe de représailles.

- Allons, nous verrons bien lequel de nous deux sera prêt le premier ! Et impeccable bien sûr !

- Je relève ton défi mon vieux !

Et chacun de se précipiter dans sa chambre le plus vite possible.



On se retrouva au repas une heure plus tard comme prévu. Shiryu avait gagné le pari lancé par Seiya, celui-ci ayant été effectivement un peu plus rapide mais il avait manifestement oublié de mettre en ordre ses cheveux et son accoutrement laissait à désirer. Aussi un jury composé de Shun, Hyôga et Ikki, avait déclaré Shiryu vainqueur au grand dam de Seiya. Mais en bon perdant, celui-ci s'était installé à coté du chevalier du dragon et plaisantait avec lui tout en mangeant l'excellent repas servi par les cuisiniers du sanctuaire. Shun, lui devisait gaiement avec quelques apprentis conviés par Saori alors que les chevaliers d'or, restés entre eux semblaient eux aussi être gagnés par la bonne humeur communicative de Seiya et de ses amis. Seuls Ikki - resté un peu à l'écart comme à son habitude - et Hyôga - dont le visage s'assombrissait à mesure que les heures passaient - ne prenaient pas part aux festivités. Le chevalier du cygne, assis à un bout de table, ne tentait même pas de s'intéresser à ses voisins alors que Ikki, assis assez loin de lui, l'observait à la dérobée en écoutant distraitement une jeune fille, toute honorée de parler ainsi avec le chevalier Phœnix. Ikki, qui s'était déjà promis d'essayer de parler à celui de ses compagnons dont il s'estimait le plus proche après la bataille contre Poséidon, regrettait de pas avoir pris ni le temps ni le courage de le faire et se promit d'aller voir le russe dès le repas achevé. De fait, une fois que Saori eut engagé ses jeunes protégés à aller à se reposer en vue d'un départ matinal le lendemain, les chevaliers de bronze se retrouvèrent devant le palais envisageant une promenade digestive. Hyôga déclina l'invitation de Shun.

- Et toi Ikki ? Tu viens avec nous ? fit son jeune frère d'une voix presque suppliante.

Ikki hésita un instant et ses yeux allèrent plusieurs fois de son frère qui le regardait, souriant et plein d'espoirs à Hyôga dont le regard vide n'exprimait rien de bon. Il finit par secouer la tête.

- Non merci. Je rentre me coucher.

- Oh allez Ikki, s'il te plait. Reste quelques instants.

Ikki regarda de nouveau en direction de Hyôga qui s'éloignait déjà d'eux d'un pas lent et mal assuré. Puis ses yeux se posèrent à nouveau sur son frère et son sourire si enfantin et si confiant. Il céda.

- D'accord. Mais rien que quelques instants alors, nous sommes d'accord ?

- Parfait ! fit Shun en se pendant au cou de son frère.

Les quatre amis marchèrent un peu au hasard dans le sanctuaire. Il faisait bon et il était agréable de se retrouver ainsi ensemble dans une ambiance si calme et détendue. Bien sur, Hyôga manquait mais il avait été de si méchante humeur tout au long de la journée que tous respectaient son désir de se retrouver seul ce soir. Il n'y avait pas de véritable inquiétude sur leur nouvelle destination. Tous se sentaient assez confiants. Ils avaient un peu honte de l'avouer ainsi mais ils partageaient tous ce sentiment de sérénité. Shiryu dit en riant que cela était sans doute que toutes les épreuves qu'ils avaient déjà traversés les avaient fait mûrir et rendu plus forts. Les autres approuvèrent. Mais ce que chacun pensait réellement, c'était que ce qui les rendaient si confiants en l'avenir, que ce qui avait fait leur force jusqu'à présent était le fait d'être tous ensemble. La confiance qu'ils avaient les uns envers les autres était inébranlable. Et cette confiance qu'ils avaient les uns en les autres les rendaient suffisamment forts pour renverser des montagnes. Ils l'avaient déjà prouvé par le passé et ils le prouveraient encore : ensemble, ils étaient capables de tout. Bien sûr, il y avait cette menace dont on avait tant parlé aujourd'hui. Mais si pesante et étouffante qu'elle eut l'air d'être le matin même, elle semblait bien loin à cet instant tant la présence des uns et des autres rassurait chacun. Quoique leur réserve l'avenir, ils l'affronteraient ensemble et seraient vainqueurs de nouveau, il ne pouvait en être autrement. Et cette certitude était désormais devenue aussi limpide que celle de la présence effective d'un nouvel ennemi, quelque part.


Lorsque Ikki reprit la direction des appartements mis à la disposition des chevaliers de bronze, il faisait déjà nuit noire. Il s'était attardé bien plus longtemps qu'il ne l'avait souhaité au départ mais la quiétude de cette soirée l'avait gagné, lui d'ordinaire si tourmenté. Il gagna d'un pas rapide le bâtiment et monta quatre à quatre les marches qui conduisaient à l'étage. Il s'immobilisa devant la porte de Hyôga. Il n'avait pas perdu de vue l'idée d'essayer de faire parler le russe de ses tourments, ce qui, il le savait bien, n'était guère dans ses habitudes. Mais il était désormais assez tard. La porte était close et aucune lumière ne filtrait de la pièce. Ikki hésita un moment. Aucun bruit ni mouvement ne se faisait sentir. Hyôga dormait probablement à poings fermés. Que faire ? Le chevalier Phœnix finit par renoncer. Inutile de réveiller Hyôga qui n'apprécierait sûrement pas la plaisanterie. Et pour quelle raison de toutes façons ? Ikki ne se voyait pas se présenter à cette heure en prétextant une brusque envie de parler. Cela attendrait le lendemain voilà tout. Il rejoignit donc sa chambre et alors qu'il achevait de se mettre au lit, il entendit les autres rentrer à leur tour et se souhaiter bonne nuit dans le couloir. Il écouta alors pendant un moment les bruits de chacun : les portes qui s'ouvrent puis se referment, les pas sur le sol, l'eau qui coule d'un robinet, les draps qui se froissent, un lit qui craque sous le poids d'un corps. Puis se fut le silence. Ikki l'écouta aussi un long moment avant de sombrer à son tour dans le néant.



Il fut le premier debout le lendemain. Ses yeux s'ouvrirent tout d'un coup et il se redressa aussitôt sur son lit. Un coup d'œil à son réveil lui apprit qu'il était cinq heures trente du matin. Le départ était fixé pour dans une heure. Il bondit au bas de son lit et passa immédiatement à la salle de bains. Il s'aspergea le visage d'eau fraîche pour s'éveiller puis passa à la douche. Cela acheva de le mettre d'aplomb. Des chambres voisines, il pouvait maintenant percevoir les bruits de ses amis qui s'affairaient également. L'un d'entre eux fut même prêt avant lui et s'éloigna en direction du palais. Une fois habillé, Ikki ne tarda pas à le suivre, l'urne sacrée du Phœnix sur l'épaule. Dans l'antichambre du grand pope régnait une grande effervescence pour une heure si matinale. Tous les chevaliers d'or étaient là, cinglés dans leurs armures brillantes, le regard fier et empli d'un sérieux qui tranchait étrangement avec la décontraction de la veille. Seiya aussi était là, déjà en pleine discussion avec Saori. Il salua l'arrivée d'Ikki d'un grand sourire.

- Mais ma parole, tu as presque fait le brushing ! s'esclaffa le chevalier Pégase.

- On ne peut pas dire que ce soit ton cas ! rétorqua Ikki en ébouriffant un peu plus les cheveux en bataille de son ami.

Seiya rit de bon cœur et remit ses cheveux en place d'un geste souple sous le regard bienveillant de la déesse Athéna.

- Les autres étaient-ils debout ? s'enquérit Saori auprès d'Ikki.

Ce dernier hocha la tête.

- Ils ne devraient pas tarder.

De fait, Shun et Shiryu franchirent la porte à l'instant où Ikki achevait sa phrase.

- Et bien, il ne manque plus que Hyôga, fit Seiya. Celui-là, il dort comme une marmotte !

Shun et Shiryu les rejoignirent et saluèrent tout le monde.

- Tout le monde est déjà sur le pied de guerre, sourit Shiryu.

- Effectivement, confirma Mu qui s'était approché du groupe. Nous attendons Hyôga et puis vous partez.

- En attendant, discutons de notre plan d'action, proposa Shun.

Mu hocha la tête.

- Les consignes sont simples : il faut parvenir jusqu'à la Terre des Rêves, convaincre le seigneur Kiai de l'existence d'une grande menace et s'assurer par tous les moyens de son concours dans cette affaire.

- Une simple formalité, fit Seiya.

- Je ne suis pas sur que ça sera aussi simple que cela, le détrompa Shun. Certains Kiai m'ont paru plutôt hostiles.

- Dans ce cas, ajouta Mu. A vous de maîtriser ceux qui vous barreront la route. Quant à leur chef, s'il est aussi sage que Hyôga et toi le pensez, Athéna ne devrait pas avoir de mal à le convaincre.

- En parlant de Hyôga, que fait-il ? grommela Seiya. Il est six heures trente bien passé !

Tous se regardèrent.

- Je vais le chercher, fit finalement Ikki. Nous perdrons ainsi moins de temps si il ne s'est pas réveillé.

Puis il s'éloigna en courrant. De longues minutes passèrent que tous employèrent à discuter les mille possibilités de la journée. Enfin, près d'une demi-heure après son départ, Ikki reparut. Seul.
Avant que quiconque ne lui pose une question , Ikki rompit lui même le silence mortuaire qui avait salué son retour.

- Hyôga n'était pas dans sa chambre.

Un mouvement de surprise parcourut l'assistance.

- Il faut le chercher, commença Marine.

Mais Ikki secoua la tête.

- Je l'ai déjà fait. J'ai cherché sa présence. Il n'est plus au sanctuaire.

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Cette fiction est copyright Stephanie Fabrer.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada et Toei Animation.