Chapitre 9 : Flash-back


Poséidon

Un sentiment bizarre m'envahit. Mais après tout, quoi de plus normal ? C'est la première fois que je pénètre dans le Sanctuaire d'Athéna, ma plus vieille ennemie. Nous nous sommes combattus, ou plus exactement chevaliers et Marinas se sont affrontés pendant des siècles, avant que je ne me rende compte de mes erreurs. J'ai longtemps cru que j'étais le plus apte à défendre la Terre. Après tout, Zeus m'avait fait présent du gouvernement des mers ; et ces dernières ne représentent-elles pas 4/5 de la planète ? De ce fait, le gouvernement des hommes ne devait-il pas me revenir de droit ? C'est cette logique fallacieuse qui m'avait conduit à déclarer la guerre à ma nièce à de nombreuses reprises. Mais notre dernier affrontement a été celui de trop. Athéna m'a montré qu'elle était digne de défendre la Terre, parce qu'elle défendait non pas la planète, mais les humains, élément fondamental que j'avais écarté de ma réflexion. C'est pour cela que j'ai pris le parti d'Athéna lors de la guerre qui l'a opposé à Hadès.

Le bureau du Grand Pope est un endroit des plus austères. Une table, quelques chaises et puis c'était tout. Certes, on aurait eu du mal à imaginer un ordinateur, un fax ou autres modernités, mais tout de même. Dohko me fait signe de m'asseoir et en fait autant, une fois que je me sois installé. Je prends quelques secondes pour détailler celui qui a en charge la chevalerie d'Athéna. Un leader, incontestablement. Mais un leader plus posé que peut l'être Seiya par exemple. Le regard de Dohko suffit à lui seul à évaluer l'intelligence et l'esprit de l'homme. Mon examen achevé, je prends la parole.

- Je vous remercie de me recevoir, Grand Pope.

Dohko a un geste de la main, comme si le titre que je viens de lui accorder lui pèse.

- Je vous en prie. Ce n'est pas tous les jours que l'on a l'occasion de recevoir une divinité.

Le sarcasme perce sous le ton uni de Dohko. Manifestement, le chevalier de la Balance est surpris de ma présence et à travers ses remarques ironiques, il cherche à savoir quelles peuvent en être les raisons. Il me faut frapper fort tout de suite.

- J'apporte un message d'Athéna.

Dohko accuse le coup. Manifestement le Grand Pope était loin de s'attendre à une telle entrée en matière.

- Je croyais que Poséidon était enfermé dans l'urne d'Athéna.
- C'est exact.
- Alors comment avez-vous pu vous rendre sur l'Olympe ? Julian Solo a des pouvoirs, c'est certain, mais ils devraient être loin de vous permettre de faire ça !
- Zeus m'a aidé.
- Zeus ?

Dohko fronce un sourcil. Je peux aisément deviner la question qu'il se pose tant elle est évidente. " Que diable Zeus vient-il faire dans cette histoire ? ".

- J'ai reconnu mes fautes, Grand Pope. Je ne me considère plus comme l'ennemi de ma nièce. De ce fait, mon frère m'a permis de revenir au Royaume des Dieux afin qu'Athéna puisse me délivrer son message.
- Et quel est-il ?
- Le Sanctuaire sous-marin est totalement détruit. Il me faudra plusieurs décennies pour le reconstruire. Il me reste en tout et pour tout un Général des Mers et une Marina.
- J'ai du mal à voir le rapport, m'interrompt Dohko.
- Si vous me laissiez finir… Athéna, se rendant compte du service que je lui ai rendu lors de la dernière Guerre Sainte, m'a fait la grâce de me considérer comme l'un de ses alliés. Pour l'heure, nous n'avons pas à craindre une quelconque attaque de qui que ce soit, mais peut-être dans les prochains siècles ? En conséquence, j'ai décidé que le Sanctuaire sous-marin ne serait pas reconstruit. Pas plus que l'ordre des Généraux des Mers recréé.
- Vous voulez dire…
- Exactement. A dater de ce jour, les chevaliers d'Athéna et les Généraux de Poséidon se battront sous la même bannière. Je requiers donc pour Sorrente et Thétis des armures de chevaliers.
- Ce n'est pas si simple. Les armures d'Athéna doivent être en harmonie avec leurs porteurs. Il nous faut trouver les armures qui pourraient correspondre à ces deux guerriers.
- Athéna m'a déjà donné le nom de ces armures et l'endroit où elles se trouvent.
- Mais c'est formidable ! Je ne sers plus à rien. Désirez-vous mon fauteuil, ce sera peut-être plus rapide ?
- Il ne serait en être question et je vous présente mes excuses si je vous ai donné cette impression. J'ai bien conscience que vous pensez que j'empiète sur vos prérogatives et je vous assure qu'il n'en est rien. Je suis juste là pour vous soumettre les armures que devront porter Sorrente et Thétis et après je m'en irai.
- Quelles sont ces armures ?
- Sorrente doit recevoir l'armure d'Argent d'Orion qui se trouve en Afrique Noire. Thétis devra aller chercher en Mongolie l'armure de Bronze de la Croix du Sud.
- Bien, j'imagine que je n'ai pas le choix. J'enverrai un chevalier d'Or accompagner chacun d'eux dans leur quête.

Je me lève alors, bien conscient que Dohko m'a en quelque sorte signifié mon congé. J'aurais pu m'offusquer, étant un dieu, mais j'ai récemment cessé de me croire au-dessus de tout. De plus, Athéna m'avait prévenu que notre projet risquait de faire grincer des dents quelques chevaliers, particulièrement les plus anciens. Le Grand Pope se lève également et s'apprête à me raccompagner. Lorsqu'il ouvre la porte, il tombe nez à nez avec un garde, manifestement essoufflé.

- Seigneur Dohko…
- Qu'y a-t-il ?
- Les chevaliers Aphrodite du Poisson et Shiriu du Dragon requièrent audience. Ils disent que c'est urgent et de la plus grande importance.

Je vois les sourcils de Dohko se froncer à nouveau. Le chevalier de la Balance connaît bien son disciple. Il sait parfaitement que celui-ci ne prend rien à la légère et surtout qu'il ne se permettrait pas de le déranger sans une raison péremptoire.

- Je vais les recevoir. Dis au chevalier du Poisson de patienter quelques minutes.
- Je vous demande pardon, Grand Pope, mais ils ont demandé à être reçus ensemble.
- Ensemble ? Soit, fais les entrer.

Je commence à m'éclipser quand Dohko tend le bras et le pose sur mon épaule.

- Restez, Seigneur Poséidon. Si nous devons former une seule armée, nous ne pouvons pas avoir de secrets, surtout s'il s'agit d'un problème réellement important.
- Je vous remercie Dohko, réponds-je en m'inclinant, bien conscient de la grandissime faveur que mon interlocuteur vient de m'accorder.

Un bruit de pas. Je tourne la tête et vois Shiriu et Aphrodite se diriger rapidement vers nous. Dohko s'écarte pour me laisser rentrer à nouveau dans son bureau, laisse ensuite pénétrer les deux chevaliers, avant de nous rejoindre. Le garde ferme la porte derrière lui. Il est frappant de voir à quel point deux chevaliers aussi différents en apparence que le Dragon et le Poisson peuvent être aussi semblables réellement. Ils ont tous deux ce regard pénétrant, ce visage glabre et impassible des grands guerriers ; ceux qui savent prendre les décisions au moment opportun. Bien sûr la trahison du gardien de la douzième maison ne m'est pas inconnue, mais aujourd'hui, quelle importance a-t-elle ? Je reprends ma place, pendant que les deux visiteurs déclinent la proposition de Dohko et restent debout.

***

Dohko

Allons bon, que va-t-il encore me tomber sur le coin de la tête ? Poséidon vient de m'étourdir avec son message en provenance d'Athéna, ces guerriers à assimiler à des chevaliers d'Athéna et j'en passe. Et voilà que Shiriu et Aphrodite requièrent une audience extraordinaire. Je vois mes chevaliers tiquer légèrement à la vue de l'Empereur des Mers, mais bientôt ils reprennent leur impassibilité naturelle.

- Maître, commence mon apprenti, si je vous ai demandé de nous recevoir, c'est qu'il s'est passé quelque chose de grave et qui pourrait porter atteinte au Sanctuaire.
- De quoi s'agit-il, Shiriu ?
- Peut-être vous rappelez-vous que, à la fin du procès, Androgée a déclaré que nous étions " quittes " ?

Si je m'en souviens ? Cet épisode douloureux ne quittera jamais ma mémoire. Il est venu me rappeler que malgré mon statut de chevalier le plus sage, je n'étais pas exempt de tout sentiment irrationnel. Mais sur le moment, il est vrai que je n'ai pas attaché plus d'importance que cela aux paroles du roi Androgée. Sans doute aurais-je du…

L'histoire que me raconte alors Shiriu me laisse coi. Cela tient du mauvais roman feuilleton ! Comment peut-on croire à un tel tissu d'âneries ? Et pourtant, c'est compréhensible. Les chevaliers de Bronze se sont hissés au niveau de chevaliers Divins grâce à leur foi en Athéna. S'ils venaient à apprendre que la déesse pour laquelle ils se sont battus, pour qui ils ont tué bien des hommes, était une… Brusquement, je comprends. Cela a du se produire.

- Qui, interroge-je ?
- Shun, me répond Shiriu qui a très bien compris où mon raisonnement m'a mené.

Evidemment. Le plus pur des chevaliers, douteux de sa déesse. Quel scénario catastrophe. Personne ne peut douter de Shun ; alors si ce dernier se met à raconter son histoire, les chevaliers, les apprentis, tout le monde va le croire ! Ce serait la fin du Sanctuaire et de la chevalerie d'Athéna ! Je prends ma décision rapidement. Mon cosmos se manifeste alors que je contacte mentalement les chevaliers d'Or.

Chevaliers, réunion immédiate dans la grande Salle du Trône. Inutile d'alarmer ceux avec qui vous vous trouvez, donc trouvez une excuse pour les laisser. Je vous attends.

Je repousse mon siège et regarde mon disciple.

- Shiriu, tu viens avec nous. Tu exposeras à nouveau ce que tu viens de me dire et tu nous feras part de ta solution. Car j'espère que tu en as une ?

Shiriu hoche la tête d'un mouvement quelque peu incertain, comme pour me dire qu'il en a en effet une, mais qu'il est loin d'être sûr du résultat. Je me dirige alors vers la porte en faisant signe aux trois hommes qui se trouvent avec moi de me suivre. Quand nous pénétrons dans la salle, tous les chevaliers sont déjà assis. Je ne sais pas où ils se trouvaient, mais ils ont fait preuve d'une incroyable célérité pour parvenir jusqu'ici ! Aphrodite gagne son siège rapidement, pendant que Poséidon s'adosse à une colonne dans un coin de la salle, comme pour faire oublier sa divine présence. Shiriu attend que j'ai moi-même pris place puis parle. Je profite du fait que je connaisse l'histoire pour étudier les réactions de mes compagnons. Stupeur chez la plupart bien sûr. Mû et Aiolia semblent totalement incrédules. Pourtant trois d'entre eux ne paraissent pas surpris outre mesure des révélations de mon élève. Shaka, Saga et Kanon gardent en effet les yeux mi-clos, comme s'ils étaient déjà au courant. Je croise le regard du chevalier de la Vierge et ce rapide échange me conforte dans ma réflexion. Shiriu termine à peine que les premières répliques fusent déjà.

- Qu'est-ce que c'est que cette fable, lance Paolo ?
- Qui a pu vous raconter un truc pareil, fait Shura ?
- Et surtout pourquoi y avez-vous cru, renchérit Milo ?

D'un geste, je fais signe au Conseil de se taire. Shiriu reprend.

- Cette histoire nous a été racontée par le Roi Minos.
- J'aurais du m'en douter, grommela Mû.
- La question n'est pourtant pas de savoir qui nous l'a racontée, voire même de savoir si nous y croyons ou pas.
- Mais alors quel est le problème, interroge un Aioros perplexe ?
- Le problème est que l'un d'entre nous y croit. Enfin, ce n'est pas tellement qu'il y croit, mais qu'il doute. Après de multiples batailles et de nombreuses morts, il doute de la justice de ses actes. Et si cela vient à se répandre, qui sait quels chevaliers pourraient donner foi à ces rumeurs.
- Qui croit cela, intervient Camus ? Ce ne sont ni Seiya ni Ikki. Leurs caractères sont trop puissants pour cela. Ce n'est pas… Hyoga ?

Sa voix a considérablement faibli alors qu'il prononce ce dernier mot.

- Non, assène Shiriu, c'est Shun.

Un silence. Comme moi plusieurs minutes plus tôt, les autres chevaliers comprennent petit à petit l'enjeu de la situation.

- Mais je ne comprends pas, fait Aiolia. Ne pouvons-nous pas trouver la réponse à ces interrogations dans les archives du Sanctuaire ? Nous devons sûrement posséder des témoignages de cette bataille !
- Tu as raison mon ami, répond Shaka. Mais que pourrais-tu attendre de ces archives, sinon une ode à la gloire de notre déesse ? Comment veux-tu qu'il en soit autrement ? Non, pour résoudre ce problème, il n'y a qu'une solution.
- Laquelle, interroge Aldébaran ?
- Je crois que c'est à Shiriu de nous le dire, se contente de dire Shaka.

Tous les regards se tournent vers ce dernier. Je ne peux m'empêcher, en cet instant, de ressentir une profonde fierté. Encore une fois, le Sanctuaire d'Athéna a désespérément besoin de lui, et il se tient droit devant nous, prêt à accomplir son devoir sacré.

- Il nous faut faire appel aux Sanctuaires étrangers.
- Comment cela, interrompt Paolo ?
- La seule façon de convaincre Shun est de lui prouver que Minos a menti. Or, il est plus que probable que d'autres Panthéons ont écrit des témoignages beaucoup plus impartiaux que ceux que nous pourrons trouver dans cette bibliothèque ou à Knossos. Même si, pour cette dernière, il est évidemment trop tard. Je propose que les chevaliers de Bronze soient envoyés dans divers Sanctuaires, afin de tenter de découvrir la vérité.
- Et si Minos a raison, se risque Milo, que faisons-nous ?

La QUESTION. Que ferons-nous en effet ?

- Pour l'instant il n'est pas nécessaire de voir aussi loin, lui répond Saga. Si cela arrive, nous aviserons afin de prendre la meilleure décision.
- Comment envisages-tu les choses précisément, Shiriu ?

Shiriu me jeta un bref coup d'œil et reprit.

- Seiya et Shina iront en Egypte. Le signe zodiacal de Shina devrait leur permettre de recevoir un assez bon accueil de la part du représentant d'Osiris. Hyoga et Camus se rendront en Asgard. Je suis certain qu'Hilda de Polaris ne fera aucune difficulté pour prêter ses archives. Pour ma part, je partirai pour l'Amérique du Sud avec Ikki, pour tenter de trouver le Panthéon Aztèque. Enfin Shun et Ariane…

Ici, sa voix hésita quelque peu avant de se reprendre.

- Shun et Ariane, reprit-il, iront en Inde, afin de rencontrer les guerriers Bouddhiques.
- Mais, interrompit Shaka…
- Je sais, Shaka. Le Bouddhisme est apparu bien plus tard que la guerre de Thera et il est peu probable que Shun y découvre quelque chose. Mais sait-on jamais ? De plus, je pense que la sérénité du lieu pourrait peut être avoir des conséquences bénéfiques pour son mental qui a été durement mis à mal ces derniers temps.
- C'est tout, demande Kanon ?
- Oui, à peu près. Il ne faut pas trop tarder à partir car je ne sais pas combien de temps Shun tiendra ici.
- Qu'attendez-vous alors, fait Aioros ?
- L'accord du Grand Pope, répond simplement Shiriu.

De fait, les chevaliers ne peuvent pas quitter le Sanctuaire sans mon accord. Mais de toute façon, si je le refuse, Shun partira quand même, j'en suis certain.

- Soit, Shiriu, va porter mon accord à tes amis. Qu'ils partent dès qu'ils seront prêts. Dis-leur également que nos prières les accompagnent, même si je ne suis pas certain que cela leur importe.

Shiriu s'incline et quitte la salle. Un silence s'installe peu à peu, telle une chape de plomb. Pourtant, une voix claire résonne au bout de quelques minutes ; celle de Mû.

- Nous expliqueras-tu maintenant, Dohko, la raison de l'Empereur des Mers en ces lieux ?

En quelques mots, je résume la discussion que j'ai eu avec Poséidon. Kanon sourit quand je leur apprends que les Marinas deviendront bientôt des chevaliers d'Athéna.

- Des chevaliers d'Or accompagneront Sorrente et Thétis. Saga, tu iras en Mongolie avec Thétis pour qu'elle puisse récupérer son armure. Vous en profiterez pour faire un crochet par l'Inde et vérifier que tout se passe bien pour Shun. Au moindre problème, contactez-moi.

Je me tourne alors vers Mû.

- Mû, je souhaite que tu t'attaques tout de suite à l'armure du Verseau…

Le chevalier du Bélier hocha la tête, mais fut surpris par la suite de ma phrase.

- … Ainsi qu'à celle du Sagittaire.
- Bien sûr, mais pourquoi ?
- Parce que c'est Aioros qui ira en Afrique avec Sorrente.
- Moi, fait Aioros interloqué ?
- Oui, comme ça en remontant, vous pourrez allez admirer les Pyramides.

Un éclair passe dans le regard intelligent d'Aioros. Il a saisi immédiatement où je voulais en venir.

Après tout, n'est-ce pas le rôle du chevalier du Sagittaire que de veiller sur le chevalier Pégase ?

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Cette fiction est copyright Emmanuel Axelrad.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.