Chapitre 8 : Artémis, la déesse jumelle


Une curieuse atmosphère emplissait le Sanctuaire de Delphes depuis un moment. Au doux climat d'harmonie et de sérénité qui régnait jusqu'alors, avait succédé une impression de trouble et d'angoisse indescriptible. Le chant des oiseaux semblait s'arrêter un instant, et l'eau des fontaines ralentir leur débit. La mort venait d'envahir les lieux.

Neil (Lynx) : voilà quelques instants que je ne parviens plus à percevoir la cosmo-énergie d'Arcanan…et un deuxième cosmos vient de s'éteindre, en même temps que le sien…l'un des Phébus d'Apollon aurait donc rendu l'âme, emportant avec lui la vie du chevalier d'Athéna qui le combattait ?

Neil courait depuis plus d'une heure dans le Sanctuaire, sans savoir où il allait, mais sa détermination en fut renforcée.

- Je n'ai pas le droit de faire du sentiment…six Phébus menacent encore la vie de l'humanité…je dois me dépêcher !

Et il reprit sa route, décidé à trouver l'un des chevaliers d'Apollon et à l'affronter.

*****

Dans les montagnes d'Anatolie

Tom du Lézard avait forcé Python, le Phébus de Saturne, à sortir de la grotte où il était entré pour tenter d'exterminer la population d'un petit village qui s'y était réfugiée. Il avait recommandé à celle-ci d'y rester pour l'instant et de n'en sortir sous aucun prétexte, tant que la chaleur qui envahissait la Terre n'était pas retombée. Mais, une fois à l'extérieur avec son adversaire, il dut se rendre à l'évidence. La chaleur ambiante dépassait aisément les quarante degrés et lui permettait à peine de se tenir debout sur ses jambes. Sa sueur s'égouttait en quantité le long de son front et de ses joues. Le Phébus de Saturne, lui, se tenait face à lui, les bras croisés, imperturbable, comme si une telle chaleur lui paraissait agréable plus qu'autre chose. Il le narguait d'un sourire amusé par la situation.

- Eh bien, chevalier du Lézard ! Tu veux donc m'affronter en combat singulier ?
- Absolument, et j'ai bien l'intention de te vaincre et de te mettre hors d'état de nuire, Phébus. Tu ne prendras la vie d'aucun être humain sur Terre, j'en fais le serment.
- De toutes façons, même si je ne tue pas ces habitants réfugiés dans la grotte, ils sont condamnés à une mort atroce, d'ici quelques heures. Tu ne trouves pas que c'était avoir pitié d'eux que de les tuer tout de suite et d'abréger leurs souffrances ?
- Je ne te laisserai pas proférer de tels propos davantage ! C'est toi qui va mourir dans d'atroces souffrances ! En garde, Python du Serpent ! Par la Capture du Lézard !

Le Phébus de Saturne ne bougea pas d'un centimètre et, au moment où Tom fondait sur lui le poing en avant, il sembla glisser vers la droite sans bouger, en fondant dans l'air tel un rideau que l'on tirait. L'attaque du chevalier du Lézard ricocha sur le sol, et quelques buissons proches de là volèrent en un amas de feuilles. Non seulement il avait raté sa cible, mais en plus il avait fourni un effort pour rien, et il en sentit le contrecoup. Par une telle chaleur, le moindre déplacement lui demandait une dépense d'énergie considérable, et il ne tiendrait pas longtemps à ce rythme.

- C'était donc ça, la Capture du Lézard, que tu avais tenté de me lancer dans la grotte, tout à l'heure ? C'est beaucoup de mouvements pour pas grand chose, on dirait…
- Tu as réussi à l'éviter parce que tu supportes mieux que moi la chaleur étouffante qui règne en ce moment. Mais je ne m'avoue pas vaincu !
- Allons, tu l'as très bien vu, tu ne peux pas te fatiguer à m'attaquer démesurément, tu dépenses trop d'énergie. Si tu le souhaites, je vais te tuer tout de suite, pour ne pas te faire souffrir trop longtemps.
- Ah oui ? J'aimerais bien voir ça !
- Reçois l'attaque du serpent venimeux ! Que le venin te transperce !

Tom vit un éclair jaillir sur lui et la main droite du Phébus de Saturne se précipiter sur sa tête. Il ne put l'éviter et reçut une griffe sur la joue gauche. Une égratignure apparut et quelques gouttes de sang s'en échappèrent. Tom porta sa main à son visage et constata la superficialité de la blessure.

- C'est ça, ton attaque terrifiante ? Cette griffure dérisoire ?
- Cette griffure, comme tu dis, va propager en toi un venin qui va progressivement imprégner tout ton sang de son poison. Les battements de ton cœur vont progressivement ralentir jusqu'à s'arrêter totalement, et tu mourras, d'une lente asphyxie.
- Je ne te crois pas !

Pourtant, Tom commença à sentir un violent mal de tête l'envahir, et une sorte de piqûre très douloureuse lui transpercer la poitrine. Il tomba à genoux et prit sa tête dans ses mains, ne sachant comment faire taire cette douleur.

- Sache, chevalier, que je possède le pouvoir d'annuler ce venin aussi facilement que j'ai pu te le transmettre, grâce à mon bras gauche. Il suffit d'une parole de toi pour que je fasse cesser tes souffrances. Abdique au nom d'Apollon, rallie-toi à lui, et tu auras la vie sauve.
- Ja…jamais ! Jamais… je n'aban…donn…aaahhh ! ! !

Tom s'écroula à terre, ne bougeant plus.

- Un nouveau chevalier d'Athéna vient de tomber… fit Python. Je vais pouvoir m'occuper de la population de cette grotte, à présent…

*****

Athéna continuait de marcher dans la montagne, accompagnant la Nymphe Mégare vers la demeure de sa maîtresse. Elles traversaient maintenant une forêt luxuriante, remplie d'arbres fruitiers, et Athéna s'étonnait de l'existence d'une telle végétation en un lieu tel que le Sanctuaire d'Apollon. Cet endroit était vraiment extraordinaire, la paix, la beauté et la luxure y régnaient, alors que, à quelques lieues de là à peine, la Terre était en proie à la détresse et à la désolation.

- Nous y sommes presque, déesse Athéna, fit Mégare. Nous sommes sur la partie de ce Sanctuaire qui est consacrée à ma Maîtresse, et nous approchons de son temple.
- Je commençais à perdre patience, Nymphe. Je dois rencontrer au plus vite Apollon. Mes chevaliers sont en train de livrer en ce moment de sanglants combats contre les Phébus de ton Maître, et il faut en finir au plus vite.
- Sachez, Athéna, que, quand bien même les sept Phébus seraient vaincus, rien ni personne ne pourrait jamais faire cesser le réchauffement de la Terre. Vous devez accepter l'inéluctable, à présent…
- Je suis la déesse Athéna, et ma mission est de protéger cette Terre de ses agresseurs, ne l'oublie pas. J'ai déjà affronté ton Maître Apollon à de nombreuses reprises par le passé, et je l'ai toujours vaincu.
- Tant pis pour vous, Athéna ; cette fois, vous ne pourrez rien contre lui. Mais n'oubliez jamais l'offre qu'il vous a faite ; il ne sera jamais trop tard pour revenir sur votre décision, et accepter l'union qu'il vous propose…
- Assez parlé ! Tu sais très bien quelle sera ma décision, quoi qu'il arrive !
- Puisque vous vous obstinez…ah, ça y est, nous sortons de cette forêt. Nous y sommes. Voilà maintenant, devant nous, le temple de ma Maîtresse.

Devant elles se dressait maintenant un temple imposant, dont l'entrée s'offrait à leur vue en haut d'un immense escalier. Un cosmos assez agressif émanait de cette entrée, et l'on pouvait distinguer un halo de lumière dorée au milieu de l'obscurité qui s'enfonçait dans le temple. Une jeune femme, tout de blanc vêtue et avec quelque chose attaché dans son dos, se tenait devant l'entrée et attendait l'arrivée de la nymphe et de son accompagnatrice.

- Voici le Temple de la sœur de notre Majesté Apollon…le Temple de la déesse Artémis !

*****

Neil : Je sens une présence en ces lieux…un Phébus se trouve tout près d'ici !
Une voix : Ainsi les chevaliers d'Athéna tentent de se mesurer à sa Majesté Apollon…quelle tristesse ! Pourquoi retarder l'inéluctable…
Neil : Qui es-tu ? Montre-toi !
La voix : Très bien, puisque tu y tiens…

Quelques arbres, dressés ça et là, se mirent à s'agiter et un souffle d'air passer dans les environs. Les longs cheveux noirs de Neil volèrent dans le vent et il dut écarter de ses doigts quelques mèches qui lui caressaient le visage. Il vit alors une silhouette brillant violemment apparaître en haut d'un mont de pierre qui continuait la route qu'il s'apprêtait à emprunter.

- Es-tu l'un des Phébus d'Apollon ?
- La réponse ne te semble t-elle pas évidente ? Je suis Géryon du Bœuf, Phébus de Jupiter, au service d'Apollon !

*****

Python du Serpent s'approchait à nouveau de la grotte où se trouvait la population réfugiée du village pour tenter d'échapper à la chaleur suffocante du soleil. Il entra dans la grotte et vit les mines terrifiées des villageois qui comprenaient que cet homme revenait pour les tuer.

Le chef du village : Va t-en d'ici, étranger, et rentre chez toi !
Python : Très drôle…es-tu sérieux, vieux fou ? Tu sembles ignorer qui est mon maître, et de quoi ses fidèles chevaliers sont capables.
Le chef du village : Je ne sais pas qui tu es et ce que tu nous veux, mais nous ne te laisserons pas nous terroriser de la sorte. Allez, compagnons, en avant !

C'est alors que, parmi les quelques trois cent personnes amassées dans la grotte, quelques hommes, jeunes et robustes, sortirent du lot et se précipitèrent, armés de lances acérées, sur le Phébus de Saturne pour le combattre.

Python : Pauvres fous ! Vous ne savez pas à qui vous avez affaire !

Des deux bras, il lança plusieurs rafales d'énergie, sans bouger, que les guerriers reçurent en plein estomac, sans les avoir vues arriver. Ils tombèrent tous à terre, la bouche grande ouverte d'hébétude, ne comprenant pas ce qui leur arrivait. Python eut un sourire narquois et il ramassa l'une des lances que l'un des guerriers avait fait tomber. Il la pointa en direction du chef du village.

Python : Je t'avais prévenu. Tes misérables guerriers n'ont eu que ce qu'ils méritaient. A présent, je vais en finir avec vous, et tu seras le premier à périr de ma main, avec cette lance que tes hommes me destinaient. Meurs, chien !
- Par la Capture du Lézard ! ! !

Python fut sérieusement touché par cette attaque qu'il reçut en plein dans le dos, sans la voir arriver, et il fut balayé à quelques mètres, contre l'une des parois à l'entrée de la grotte.

- Encore toi ? ? ? Mais tu n'es pas mort ?
- Hélas pour toi, fit Tom, je suis plus résistant que tu ne le penses. Et, encore une fois, je te défie, Phébus !
- Mais comment as-tu fait pour échapper au venin du Serpent ? Personne ne peut y survivre !
- Ca, c'est ce que tu crois. J'ai bien cru que ma dernière heure est arrivée, lorsque tu m'as touché la première fois, mais, au moment de perdre connaissance, le cosmos d'Athéna m'a guidé et m'a permis de revenir à moi.
- Le cosmos d'Athéna, hein ? Ha ha ha ha ! Cette pitoyable déesse est donc capable de t'aider à distance ! Mais ce n'est plus qu'une question de minutes…bientôt, Athéna ne sera plus de ce monde.
- Quoi ? ? ? Qu'est-ce que tu dis ? ?

Les deux chevaliers ressortirent de la grotte, et Tom revint en plein soleil, bien que la chaleur ambiante n'eût pas diminué d'un degré et qu'il la supportât toujours aussi peu. Ils étaient à nouveau seuls, à l'écart des habitants de la grotte, et face à face, prêts à reprendre le combat.

- Pourquoi viens-tu de dire qu'Athéna allait mourir ? Réponds-moi !
- Tu sais très bien qu'Athéna vous a laissé seuls, toi et tes compagnons, pour aller se sacrifier devant Apollon…Je lis encore cette peur dans ton regard, qui ne t'a pas quitté depuis tout à l'heure, lorsque Mégare l'a emmenée avec elle…
- Mais, que dis-tu ? Tu étais là ?
- Décidément, tu n'es pas très observateur…j'ai pu assister à toute cette scène d'adieux déchirants entre vous et votre pitoyable déesse, sans qu'à un seul instant, vous ne vous rendiez compte de ma présence. De misérables chevaliers plein de larmes…comme c'était touchant…
- Tais-toi ! Tu es un être ignoble, qui n'éprouve aucune pitié et aucun sentiment pour qui que ce soit. Tu n'es pas apte à juger le cœur d'un chevalier digne de ce nom ! !
- Tu ne mérites pas d'être un chevalier, comme tu le dis, si tu n'es pas capable de faire abstraction de ce que tu as sur le cœur ! C'est là ta faiblesse, et ce qui fait que tu ne pourras jamais te mesurer à des combattants tels que nous, les Phébus !

Et, quand il eut dit cela, il donna un violent coup de pied à Tom, qui le fit renverser à terre. Il venait de lui rouvrir ses plaies, et quelques larmes lui venaient aux yeux. Oui, il était désemparé, il se laissait dominer par ses sentiments. Athéna voulait se sacrifier, et il ne pouvait rien faire, il ne pouvait pas s'opposer à la décision de sa déesse. Et cette chaleur accablante…il n'en pouvait plus. Il ne voulait plus se battre.

- Regarde-toi, Tom du Lézard ! Tu ne mérites même pas de revêtir l'armure que tu arbores. Tu n'es même pas digne de m'affronter. Aussi, je vais te tuer sans délai, avec ma plus puissante attaque. Tu retrouveras très bientôt cette déesse que tu pleures ! En Enfer !

Il ferma les yeux et se concentra.

- Adieu, chevalier du Lézard ! Par l'Etreinte du Serpent !

*****

Athéna et Mégare venaient de gravir l'immense escalier qui ornait l'entrée du Temple d'Artémis. En haut des marches, les regardant arriver depuis un moment, ils trouvèrent celle qu'elles cherchaient.

- Je suis honorée, Athéna, de te recevoir en mon temple. Que me vaut l'honneur de ta visite ?

Athéna regarda longuement cette jeune femme qui se tenait face à elle. Hormis la prodigieuse aura qui se dégageait d'elle, rien ne laissait supposer qu'il s'agissait d'une déesse. Elle portait une robe courte déchirée par endroits et recouverte d'autres haillons de couleur vive. Ses cheveux blonds et longs étaient emmêlés, presque ébouriffés, et masquaient à moitié un bandeau rouge qu'elle avait sur le front. Enfin, dans son dos, elle portait un carquois brun, attaché par une ceinture autour de son épaule droite, où se trouvaient un arc et des flèches. Artémis, la déesse de la chasse !

- Est-ce donc toi, Artémis ? Fit Athéna.
- Qui veux-tu que je sois d'autre ? Répond à ma question, et dis-moi ce que tu viens faire en ces lieux.
- La réponse devrait t'être évidente, non ? Je suis venue rencontrer ton divin frère, pour le forcer à mettre un terme à ce qu'il a déclenché depuis un moment sur la planète.

Artémis n'eut aucune réaction à cette réponse. Elle regardait fixement Athéna dans les yeux, sans un mot, et sans aucune expression perceptible dans son regard. Athéna, nullement désarçonnée par ce regard, fit brûler son prodigieux cosmos, afin sans doute de rappeler à son interlocutrice qui elle avait en face d'elle. Athéna, revenue sur Terre pour combattre le mal…

- Je suppose, fit Artémis, que tes chevaliers ont investi ce Sanctuaire et tentent depuis peu de se mesurer nos Phébus…
- Oui, et l'un d'eux a déjà rendu l'âme depuis peu, vaincu par l'un d'entre eux.
- Comment ? ?

Cette affirmation sembla cette fois jeter le trouble dans son esprit. L'un des Phébus, vaincu, abattu !
Elle n'était que peu informée de tout ce qui se passait dans le Sanctuaire depuis quelques heures, et une nouvelle aussi brutale avait de quoi l'interloquer. Pour une déesse, Artémis n'en était pas moins une femme atypique. Elle passait ses journées à chasser dans les bois entourée de ses nymphes, évitant tout contact masculin, et n'avait que peu faire des intrigues de son frère. Bien que sœur, elle était aussi toutefois sa vassale, lui témoignait respect et obéissance, et ne lui demandait rien de plus que la liberté et le droit de mener sa vie indépendante pour le moins pittoresque, et de résider dans ce temple personnel, séparé du sien. Elle était connue pour ses accès de colère dévastateurs, et ne supportait pas qu'un homme ne s'approche de ses nymphes, et ne tente de les séduire.

- Je vois…les Phébus sont des êtres prétentieux et arrogants, comme beaucoup d'hommes… L'un d'entre eux a sans doute dû commettre la grande erreur de sous-estimer son adversaire, dans un excès de confiance, et l'a payé de sa vie…mais c'est une erreur que les six autres ne commettront pas.
- Je n'en suis pas si sûre, Artémis, répondit Athéna. Mais, de toute manière, peu importe pour l'instant. Tout ce qui m'intéresse est de rencontrer ton frère, et ta nymphe Mégare m'a conduite jusqu'à toi dans ce but.
- Quiconque veut rencontrer notre seigneur et Maître Apollon doit effectivement passer par moi, et ne peut se rendre devant lui rendre sans mon autorisation, sous peine de le payer de sa vie. Ce temple où nous nous trouvons barre la route qui mène au Temple d'Apollon, et nous n'en sommes plus très loin à présent. Mais je ne vois pas ce qui devrait me pousser à accéder à ta demande et à t'amener auprès de lui, Athéna.

Athéna, jusque là d'un calme et d'une douceur indéfectibles, commença à s'emporter en entendant cette réponse.

- Je suis la réincarnation d'Athéna, et mon but est de défendre la Terre contre le mal qui le menace. Peu m'importe que tu sois d'accord ou non pour me laisser aller voir ton frère, Artémis ! Je suis prête à me mesurer à toi s'il le faut ! !

Et Athéna se remit à faire brûler son cosmos, plus que jamais, jusqu'à irradier toute la nature environnante.

- Je ne laisserai personne se mettre en travers de ma route, pas même une autre déesse, Artémis ! Amène-moi auprès de ton frère sur-le-champ, sans délai ! !
- Attendez ! !
- Quoi ? ?

La nymphe Mégare, silencieuse et passive depuis le début de l'entrevue entre Athéna et sa maîtresse, venait de prendre la parole, et d'interrompre le cosmos d'Athéna.

- Qu'y a t-il, Mégare ! Fit Artémis, d'une voix grave et autoritaire. De quel droit te permets-tu de nous interrompre !
- C'est que, Maîtresse Artémis…outre la mission d'amener Athéna ici, je suis également chargée par notre Maître Apollon de vous faire parvenir un message de la bouche même du Dieu.
- Tiens donc ! Qu'est-ce qu'Apollon veut donc me dire ? Viens me le souffler à l'oreille, Mégare.

Mégare monta les quelques marches qui la séparaient encore d'Artémis, tandis qu'Athéna restait en contrebas, et susurra quelques mot à l'oreille de sa maîtresse, dans la plus grande discrétion. Artémis acquiesça alors de plusieurs hochements de tête.

- Très bien, il en sera fait selon la volonté d'Apollon, dit-elle alors. Athéna ! Mégare vient de m'annoncer que mon frère est d'accord pour te rencontrer dans les plus brefs délais. Aussi, je t'y emmène de ce pas. Suis-moi auprès du dieu Apollon !

*****

Dans les montagnes d'Anatolie, Tom du Lézard se relevait péniblement de l'attaque de son adversaire, Python du Serpent. Au moment où ce dernier lui envoyait sa plus puissante attaque, l'Etreinte du Serpent, Tom avait eu un sursaut d'orgueil et s'était défendu avec sa Morsure du Lézard, ce qui lui avait permis d'esquiver une partie de la puissance de l'attaque, et d'avoir la vie sauve. Mais il y laissa encore des forces, car la chaleur suffocante du soleil le faisait transpirer abondamment, dans ses moindres efforts, et, de plus, son armure commençait à accuser les coups reçus. Alors qu'il se relevait péniblement, il put voir son plastron se fissurer puis se craqueler avant d'exploser en miettes, laissant un trou béant par où s'échappait du sang d'une plaie profonde. Il s'était certes ressaisi des larmes qu'il avait versées, mais il n'en pouvait plus.

- Tu es malin, Tom, fit Python. Ainsi, tu avais encore des tours en réserve, comme tu viens de me le montrer. Je me demande si tes larmes à l'évocation du nom d'Athéna n'étaient pas finalement qu'une petite mise en scène de ta part, destinée à me tromper…mais tu es plus mort que vif à présent, regarde-toi. Ton armure est en partie détruite et tu es blessé à l'une des côtes. Et, pour couronner le tout, la chaleur qui ne cesse d'augmenter accentue ta douleur et ta lente agonie…pourquoi ne pas renoncer à ce combat et te résigner à la mort sans souffrances que je t'ai promise ?

- Le renoncement est un mot qui ne fait pas partie de mon vocabulaire…répondit Tom, qui se remettait encore en position d'attaque, sur ses deux jambes, faisant abstraction de ses souffrances. Et si je meurs, alors je ne mourrai pas seul. Je t'emmènerai dans l'autre monde avec moi ! D'ailleurs, tu devrais surveiller tes bras, je t'ai réservé une autre surprise !

- Que dis-tu ? Ohh !

Python regarda son bras droit et put y voir une large plaie qu'il n'avait pas sentie, et dont le sang s'échappait de manière continue.

- Lorsque tu m'as attaqué avec ton Etreinte du Serpent, j'ai contre-attaqué sans que tu ne te sois rendu compte de rien, et ma Morsure du Lézard t'a touché de plein fouet. Sache qu'elle est comparable à la technique qu'utilise l'un des douze chevaliers d'or d'Athéna.
- Comment, un des chevaliers d'or ?
- Oui, le chevalier d'or du signe du Cancer, qui déteste la violence, utilise une technique de morsure indolore, qui fait vider peu à peu le sang du corps de sa victime, sans aucune douleur. Mon attaque repose à peu près sur le même principe, et c'est pour cette raison que j'ai pu te frapper sans que tu t'en aperçoives. Bien que mon attaque soit moins puissante que la sienne, en raison de notre différence de rang de chevaliers, elle n'en est pas moins aussi dévastatrice, et tu vas bientôt te vider totalement de ton sang, jusqu'à perdre connaissance.
- Navré pour toi, chevalier du Lézard, mais ton attaque ne m'impressionnes pas plus que ça…
- Comment ?

Python posa sa main gauche au niveau de la plaie du bras droit, et concentra son cosmos en cet endroit précis. La plaie disparut peu à peu et ne laissa aucune trace, ce qui laissa Tom décontenancé. Python regarda le visage de son adversaire et ne put s'empêcher de rire bruyamment.

- Ha ha ha ha ha ! As-tu déjà oublié ce que je t'ai expliqué tout à l'heure, Tom du Lézard ? Si mon bras droit peut te transmettre le venin du Serpent par une simple griffure, comme je te l'ai montré, mon bras gauche possède à l'inverse le pouvoir de stopper ce venin, en guérissant totalement la blessure. Et il ne guérit pas que ce type de blessure. Il guérit toutes les plaies, quelles qu'elles soient ! Ha ha ha ha ha !

Tom ne savait plus que dire ni que faire. Il serrait les dents en fixant son regard sur ce maudit bras gauche.

- Il a raison, pensa t-il. Il possède une réplique efficace contre chacune de mes attaques. Je n'ai aucune chance de le vaincre dans ces conditions. Il ne me reste plus qu'une solution…
- Eh bien, chevalier ? Qu'as-tu à me regarder de la sorte ? Es-tu enfin décidé à cesser ce combat stupide, et à te rendre ?
- Jamais ! Tant que mon corps me le permettra, je t'attaquerai sans relâche, encore et encore, jusqu'à ce que je vienne à bout de toi !
- Dans ce cas, j'aimerais bien voir ça…
- Eh bien tu vas être exaucé ! Par la Capture du Lézard !

Tom fondit sur Python, selon la technique que ce dernier avait eu le temps d'observer et d'étudier plusieurs fois, mais, cette fois, il fonça tête baissée, comme s'il voulait lui rentrer dedans.

- Mais il est fou ! Il veut donc se suicider ? Pensa Python. Très bien, comme il l'aura voulu !

Au moment où Tom allait effectivement lui rentrer dedans, Python l'attrapa par les épaules et lui porta un violent coup de poing dans le dos, dans lequel il mit toute sa puissance, et qui le fit s'écrouler à terre. Le reste de son armure se brisa, aux épaules, au casque et aux avant-bras. Il ne restait presque plus rien de l'armure du Lézard. A présent, Tom gisait dans une mare de sang.

- Pauvre fou ! Lui dit Python en le regardant à terre. Tu as foncé tête baissée sur moi en relâchant complètement ta défense. Tu savais très bien que tu étais à ma merci dans cette condition. Et, maintenant, tu es plus mort que vif, blessé par ta propre inconscience !
- Peut-être…balbutia Tom en tentant encore de se redresser à l'aide de ses bras, et de se remettre debout. Mais…j'ai a…atteint mon but…
- Hein ?

Dans la seconde qui suivit, il sentit une douleur atroce lui parcourir le bras gauche. Une douleur aux os. Son bras était fracturé ! Tom avait réussi à lui casser le bras gauche !

- Incroyable…fit Python. Tu t'es jeté sur moi juste pour me casser le bras, en sachant parfaitement ce qui t'attendait ! Mais tu ne peux maintenant plus rien me faire, dans ton état…
- N'en sois pas sûr…
- Mais comment peux-tu encore te relever ? ? C'est incroyable ! Et ce cosmos qu'il dégage encore, alors qu'il est à l'article de la mort ! !

Tom se relevait encore, bien que blessé et saignant en divers endroits. Une aura blanche l'entoura, dégageant une très grande puissance. Il ferma les yeux et se concentra.

- Je n'ai pas le droit d'abandonner…pour Athéna…pour l'humanité…je n'ai pas le droit ! !

Puis il ouvrit ses yeux et, visant Python du regard, tenta une nouvelle fois son attaque.

- Par la Morsure du…ahhh !

Il retomba à terre, épuisé, sans avoir réussi à lancer son attaque. Il n'avait plus assez de force pour cela.

- Ah ! ! Ces plaies me font si mal…et cette armure, brisée…et ce soleil, étouffant…tant pis, le tout pour le tout.

Il se concentra encore et fit exploser de lui-même ce qui restait encore de son armure du Lézard. Il était maintenant torse nu, sans aucune protection. Il se sentit d'un seul coup plus léger et put se remettre debout, encore une fois. Mais la chaleur du soleil l'écrasait encore, et sa transpiration ne diminuait pas pour autant. Et il n'avait plus aucune défense, à présent. Son adversaire, face à lui, imperturbable, regardait sans sourciller Tom se débarrasser de son armure brisée. Son armure de Phébus, elle, brillait plus que jamais, et semblait en harmonie totale avec le soleil.

- Comment…demanda Tom…comment, Phébus de Saturne, peux-tu encore te tenir debout, sans aucun effort…et ne pas ressentir les effets du soleil sur le corps ?
- Cela semble t'intriguer, chevalier…pendant que tu es encore en état de m'écouter, je vais te répondre. Sache que je dois ma résistance au soleil à l'armure que je porte. Les armures des Phébus ne sont pas des armures ordinaires. Elles ont été conçues par le dieu Hélios, à la demande d'Apollon, à partir de fragments d'énergie solaire. Elles puisent ainsi leur énergie dans la chaleur même du soleil, elles l'emmagasinent et s'en nourrissent, et protègent leurs porteurs de températures pouvant atteindre plusieurs milliers de degrés ! C'est ainsi que je ne ressens aucune chaleur émanant du soleil en ce moment, et que cette chaleur, au contraire, est pour moi source d'une puissance infinie. Plus il fera chaud, et plus ma force grandira !
- Je ne peux le croire, pensa Tom, et portant…dans ce cas, cet homme est invincible, et je ne parviendrai jamaisà le battre. En le frappant et l'attaquant, je m'épuise progressivement sous la chaleur, et je ne fais que ce qu'il recherche.
- Tu n'as plus aucune protection, chevalier du Lézard, tu es blessé de part en part, et tu peux encore à peine tenir debout sur tes jambes. Comme promis, je vais t'achever sans te faire souffrir. Adieu, Tom ! Par l'Etreinte du Serpent !
- Par la Capture du Lézard !
- Comment ? ? ?

*****

Ailleurs dans le Sanctuaire de Delphes
Khalid (Licorne) : Je ressens enfin une présence en ces lieux, depuis les heures où je cours sans rencontrer personne. Montre-toi, Phébus !
Une voix : Pffff…je n'ai même pas besoin de me montrer à toi pour te vaincre.
Khalid : Que dis-tu ? Je sais que tu te caches derrière ces arbres, dans cette forêt, et je te trouverai. Par le Galop de la Licorne !

L'attaque de Khalid fit voler des buissons en éclat et apparaître une silhouette sombre perchée sur une branche. Khalid regarda cette silhouette dévoiler son apparence. C'était bien un chevalier qui se tenait là, et son visage apparut à Khalid.

Khalid : Mais c'est impossible ! ! ! Tu es… ! ! !
Le chevalier : Peu importe qui je suis ! Meurs, chevalier !

Le mystérieux chevalier lança une boule d'énergie fulgurante en direction de Khalid, qui le heurta de plein fouet, et le fit s'effondrer à terre.

Le chevalier : Et d'un…les autres chevaliers d'Athéna ne doivent pas être loin. Je n'aurai pas de mal à les abattre, un par un…

*****

- Par la Détente du Lynx !

Pour la énième fois, Neil du Lynx venait d'attaquer son adversaire, Géryon du Bœuf, Phébus de Jupiter, sans parvenir à lu porter un coup.

- Voyons, chevalier du Lynx, tu m'as déjà montré cette attaque à de nombreuses reprises. Comment peux-tu penser pouvoir me porter un coup avec cette pitoyable technique alors que j'ai déjà eu l'occasion de l'analyser, de la comprendre et de maintenant l'éviter sans difficulté ?
- Tu es fort, Phébus de Jupiter, mais certainement pas invincible. Au nom d'Athéna, j'arriverai à te vaincre, et à protéger la Terre de la menace que tu représentes ! Par la Détente du Lynx !
- Il me fait pitié…tant pis pour lui. Par la Charge du Bœuf !

Le vent se mit à souffler en de violentes bourrasques, comme si un troupeau de bœufs déchaînés passait à toute allure. Les bourrasques furent si violentes que le chevalier de bronze du Lynx fut projeté à des mètres en arrière, et vint s'écraser contre une colonne en ruines qui s'élevait dans les environs, puis s'écrouler à terre, dans les cailloux, sans connaissance.
- Il a eu la fin qu'il méritait…Paix à ton âme, chevalier.

*****

Les corbeaux continuaient de voler au-dessus de leur maître, le chevalier Arcanan, et certains lui béquetaient doucement le visage, affectueusement. Cela faisait maintenant plus d'une heure qu'il était à terre, et il commença à remuer les paupières, puis ouvrit peu à peu les yeux.

Arcanan : Que s'est-il passé ?

Il émergeait de sa léthargie et avait du mal à retrouver ses esprits et sa mémoire. En se redressant peu à peu, il aperçut la dépouille d'Erymanthe du Sanglier, Phébus d'Uranus, sur laquelle quelques corbeaux s'acharnaient encore. En se regardant lui-même, il constata que son armure était presque totalement brisée. Ses nombreuses blessures lui faisaient mal, et du sang en coulait encore, de partout.

Arcanan : j'ai vaincu le Phébus d'Uranus…mais les autres ont besoin de moi…six autres Phébus menacent encore la paix du monde…

Il se remit sur ses deux jambes et tenta de faire quelques pas, avec bien du mal.

Arcanan : Athéna…aidez-moi…prêtez-moi votre force ! Que j'aille combattre Apollon ! !

Il fit brûler son cosmos et se déplaça a vive allure, mais en titubant, vers le sentier qui prolongeait l'endroit où il avait rencontré Erymanthe.

*****

Python du Serpent retomba sur le sol après l'attaque de Tom. Sa nouvelle Capture du Lézard avait atteint une puissance inouïe, et surpassé en intensité son Etreinte du Serpent, qui ne lui avait rien fait.

- C'est incroyable, il est comme dans un état second, fit Python en se relevant et en regardant son adversaire. Il n'est presque plus conscient, et pourtant il se tient, debout face à moi, et m'attaque encore et encore, sans relâche. Je n'ai jamais vu une telle volonté.
- Je n'en peux plus…cette chaleur…j'ai si soif…

On devait approcher les quarante-cinq degrés, et les blessures de Tom lui brûlaient violemment la peau en divers endroits. Il s'écroula encore une fois, terrassé par cette chaleur.

- Mon véritable ennemi n'est pas ce Phébus qui se tient face à moi…non, c'est ce soleil harassant !
- Cette fois, c'en est fini de toi…je vais mettre un terme définitif à tes souffrances, Tom.

Tom manqua de perdre connaissance. Il commença à divaguer, et vit l'image d'Athéna lui apparaître précisément au-dessus du Phébus de Saturne. Elle lui souriait et semblait l'encourager à continuer le combat.

- A…Athéna ! !

Tom sentit alors des forces lui revenir et il concentra son cosmos comme jamais. Il sentit la haine l'emplir. Une haine non plus contre le Phébus lui-même, mais contre le soleil qui lui brûlait la peau. Et ce qui symbolisait cette chaleur en son ennemi. Son armure de Phébus. Ce dernier avait fini de préparer son attaque.

- Adieu, Tom du Lézard ! Par l'Etreinte du Serpent !
- PAR LA CAPTURE DU LEZARD ! ! !

Une explosion retenti, et fut perceptible très loin de là. A des milliers de kilomètres de là, Arcanan, Neil et les autres purent ressentir le choc produit par les deux attaques et la confrontation des deux cosmos.
Ils surent qu'un terrible combat était en train d'être livré, quelque part dans le monde.
Sur les lieux du combat, la dévastation était palpable. La rare végétation présente dans les environs avait totalement disparu, les cailloux et la terre avaient volé dans toutes les directions. Dans la grotte voisine, certains habitants réfugiés du village évacué, qui tentaient d'assister, de loin, au combat entre les deux chevaliers, avaient été obligés de rentrer aussitôt dans la grotte. Deux personnes se tenaient debout, face à face, au milieu d'un paysage de désolation. L'un des deux était blessé de part en part, et tenait malgré tout encore debout, torse nu, le sang coulant le long de sa poitrine. Le second, à l'armure toujours aussi étincelante, ne semblait pas blessé.

- Quelle puissance dans ton attaque, Tom ! fit Python. Bravo, chevalier, tu es vraiment étonnant. Mais, comme tu le vois, cela n'a pas suffi. Et tu as encore été touché par mon attaque. Tu n'es plus en état de combattre davantage.
- Tu te trompes, Python. Nous…nous sommes à égalité, maintenant.
- Quoi ? ? ?

Python sentit un bruit étrange venir de son armure et regarda aussitôt celle-ci. Des petites fissures apparurent partout, des pieds à sa tête, et se développèrent jusqu'à provoquer des craquellements. Soudain, en un instant, la totalité de l'armure du Phébus de Saturne explosa et fut réduite en miettes qui tombèrent à ses pieds.

Tom avait détruit l'armure de Python du Serpent !

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Cette fiction est copyright Christophe Becquet et Fabrice Willot.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.