Chapitre 6 : Les brûlures d' Esculape


Ils courraient, chacun de leur côté, sur le domaine qu'on leur avait choisi. De toute manière, peu importait l'endroit. Ils n'avaient pas peur de ce qui les attendait, ni n'étaient effrayés pour leur propre existence, mais ceux qui ne se trouvaient pas avec Athéna, craignait pour sa vie. Évidemment, elle était entourée de chevaliers particulièrement puissants puisqu'il y avait Shaka, Saga et Aioros… ainsi que le jeune Shun, qui l'avait toujours accompagné durant toutes les guerres. Mais, alors qu'ils foulaient les landes, ils sentaient tous que quelque chose allait arrivé, allait se produire. Ils s'y étaient préparés, depuis longtemps, puisqu'ils étaient nés pour cela, seulement aucun d'eux n'avait conscience de ce qu'était réellement les Berserkers.
Évidemment, ils avaient écouté Procuste évoquer les empereurs et leurs commandants mais sans vraiment le croire. Il s'était bien vanté de pouvoir terrasser dix d'entre eux, alors pourquoi s'imaginer que ce qu'il avait dis était vrai?
Au fait, était-il mort à l'heure qu'il était? Sans doute car Aldébaran était bien plus puissant. Et comment le chevalier du Taureau trouverait-il dans quel terrain s'engager? Cela avait été le principal sujet de préoccupation de Dohko et d'Athéna durant leur conversation. De toute façon, il s'engagerait sûrement dans le domaine ou il sentirait le moins de cosmo-énergie pour venir en aide à ceux qui en avait besoin. C'était logique mais cela n'avait pas convaincu Saori. Elle avait un mauvais pressentiment et l'avait déclaré au Grand Pope. Il éprouvait la même chose qu'elle et n'avait pas tenté de lui dissimuler, au contraire. C'était dans l'Atrium que son instinct lui avait soufflé que quelque chose guettait le gardien de la deuxième Maison du Zodiaque. Mais quoi exactement, ou plutôt qui, il n'en avait pas la moindre idée et il avait quitté la déesse sur ce point d'interrogation.
Tous les chevaliers s'élançaient vers l'inconnu avec courage, attendant que quelque chose se produise, qu'une personne vienne les accueillir. Pour l'instant, les domaines dans lesquels ils évoluaient à vive allure étaient tous semblables. Des landes, toujours de hautes herbes qui leur arrivaient jusqu'à la taille et qui les empêchaient de voir le sol.
Aphrodite disait que cela valait mieux aux membres de son groupe et personne n'avait trouvé à le contredire. Chacun se rappelait les fleuves et ce qu'ils y avaient vu flotter. C'était quelque chose qu'ils garderaient toujours dans leur mémoire. A présent, ils s'étaient trop enfoncés dans le territoire pour pouvoir encore apercevoir les eaux rougeoyantes qui les avaient épouvantées. Ce n'était pas un mal. Ils se demandaient tous pourquoi l'Île d'Azura avait été séparée en plusieurs parties puisque le paysage était toujours semblable. Fallait-il s'attendre à un piège ou était-ce normal? Enfin, le comportement d'Arès n'avait jamais rien de logique ni d'explicable et maintenant qu'ils étaient tous engagés sur des voies différentes, il n'y avait plus moyen de revenir en arrière.
Le vent soufflait toujours légèrement, provenant sans doute de la mer qui était à proximité, à portée de main avait rêveusement précisé Aiolia qui mourrait d'envie d'aller se baigner et d'oublier les terrifiantes heures qui l'attendait. Penser à autre chose, si l'on avait trop peur, se concentrer sur la Victoire, dans les autres cas, telle était leur doctrine qui leur permettait de faire le prochain pas, de prendre la prochain respiration.
Depuis combien de temps couraient-ils tous à présent? Pas très longtemps peut-être une quinzaine de minutes, certainement moins même, quand tout à coup, alors qu'ils étaient séparés par des kilomètres et des kilomètres ils se figèrent d'un même mouvement, répondant à l'appel d'un instinct collectif.
Quelle était cette étincelle qui venait de leur traverser l'esprit? Et cette flamme vacillante qui semblait s'éteindre tout à coup, alors que, à peine un instant auparavant, elle brillait avec toujours autant du luminosité? Ils furent tous transformés en statues de marbre, et plusieurs d'entre eux portèrent leur main à leur bouche... non... ce n'était pas la première victime de cette guerre Sainte qui venait d'être faite à peine une heure après leur arrivée. Pourtant ce cosmos, qui perdait peu à peu de l'ampleur et qui leur lançait comme un dernier adieu...
Aldébaran.
Quand la flamme de la bougie de sa vie fut éteinte, comme soufflée par la légère brise, il n'y eut plus rien. Rien que le silence pour apporter un sanglot mystérieux et qui provenait sans doute de lui. Il avait sans doute versé une larme en mourant, leur sixième sens le leur indiquait, mais par parce qu'il perdait la vie, non, simplement parce qu'il ne pouvait pas les aider davantage, parce qu'il avait été vaincu par... Procuste? Cela semblait invraisemblable et ils avaient tous cru depuis longtemps que ce dernier était mort, ils avaient même ressenti l'instant ou il avait poussé son dernier soupir. Quelqu'un d'autre était venu à bout du chevalier du Taureau, il le savait sans pour autant connaître l'identité de l'assassin.
-Ce n'est pas possible, murmura Nikè à son groupe.
-Il... il est mort? se demanda Mu qui ne voulait probablement pas y croire.
-Aldébaran, ta vie vient de s'achever, commenta Milo alors qu'il détournait son regard de l'endroit vers lequel il s'était retourné.
-C'est fini à présent, déclara avec douceur Athéna alors qu'elle réalisait qu'ils ne seraient plus tous ensemble au moment du couché du soleil.
La phrase qu'elle avait prononcée raisonna dans tous les esprits, comme si chacun l'avait pensé de sa propre volonté. Ce n'était qu'une simple constatation, mais dit avec une tristesse infinie. Mais si tout était terminé, cela insinuait aussi qu'il fallait continuer d'avancer, qu'il fallait pleurer ce combattant disparu en courant et silencieusement, intérieurement. Il l'aurait lui-même souhaité c'était évident. S'il n'y avait eu qu'eux en jeu, ils auraient tous pris le temps de retourner sur leurs pas, de rebrousser chemin afin de constater ce décès, de réaliser qu'il n'y avait plus rien à faire pour le sauver et peut-être, aussi, pour trouver une trace de celui qui avait osé l'abattre ainsi. Une nouvelle pensée générale s'insinua dans les esprits.
"J'espère qu'il tombera sur mon route. J'espère que je pourrais le venger."
"J'espère qu'il n'est pas mort", conclut l'esprit d'Athéna qui gardait foi en la résistance de son seconde combattant du Zodiaque.
Car peut-être aurait-il réussi à survivre malgré les blessures qu'on lui avait infligées. Pourtant, elle avait beau se concentrer, tout comme Nikè le faisait parallèlement, elle ne distinguait plus l'aura d'Aldébaran. En effet, pour lui la course vers le Temple d'Arès était terminée, tout était terminé car sa vie avait brutalement prit fin. Sans que l'on sache qui avait fais cela.
Le chevalier du Taureau n'était plus.


Kanon

J'avais l'impression de marcher dans les landes depuis des siècles et des siècles et pourtant cela ne faisait qu'un quart d'heure. Était-ce la mort d'Aldébaran qui m'avait fait paraître cela pour une éternité? Cela ne m'aurait pas étonné. Nous venions de perdre notre premier compagnon. Procuste n'était pas responsable de cela puisqu'il avait lui-même perdu la vie quelques instants auparavant. J'aurais bien voulu connaître le fin mot de cette histoire, ou plutôt de ce combat.
Son adversaire avait du être si rapide que je n'avais pas même senti les éclats de cosmos de leur affrontement. Je me demandais sincèrement de qu'il s'agissait et je savais que j'étais assez puissant pour le tuer. Ce n'était pas une question de vengeance. Je ne connaissais pas bien Aldébaran et il n'était pas mon ami, seulement, comme le disait souvent Athéna, chaque vie comptait, et j'étais bien d'accord avec elle sur ce point. En réalité, je voulais constater si le Berserker qui était la cause de cette première perte était aussi puissant que tout le monde se l'imaginait.
Pour ma part, j'avais l'esprit lucide, comme Nikè sans doute, bien qu'elle connut encore moins que moi les chevaliers d'Athéna, et je me trouvais assez en dehors du cercle de notre confrérie pour juger de la puissance de chacun. C'était sans doute parce que je n'étais pas aveuglé par une quelconque amitié, ou parce que j'avais toujours été une personne solitaire, mais, il me semblait bien qu'Aldébaran était le moins puissant d'entre nous. J'avais ressenti à plusieurs reprises la présence de son cosmos, et, même si sa force était non négligeable, elle était loin d'égaler celle de Dohko, de Shaka, de Mu, de mon frère ou encore de moi-même. Je me rendais à l'évidence, non pas par méchanceté ou par cruauté, mais parce que je savais de quoi je parlais. J'avais donc des doutes sur les qualités de combattant de l'adversaire du chevalier du Taureau. Non pas que je ne crusse pas qu'il fut puissant au point de blesser l'un d'entre nous, mais au point de le tuer... Ou alors, Aldébaran avait été pris par surprise, mais un combattant d'Athéna doit toujours se tenir sur ses gardes. Essayais-je de lui trouver des excuses? Non, je ne le croyais pas.
Je secouais la tête, tout en continuant à avancer droit devant. Nous marchions à présent, Dohko nous l'avait demandé - ou plutôt ordonné, selon mes normes- car il prétendait avoir senti quelque chose. Nous avions tous les nerfs tendus, à l'affût du moindre signe de vie, du moindre bruit quand Seiya s'écria:
-Regardez droit devant vous!
Je me retournais, plus vif que je ne l'avais jamais été et prêt à fondre sur mes ennemi avec la rapidité de la lumière, quand je ne découvris que des bois. Seiya avait décidément le don de crier au loup quand il n'y avait rien. Tout cela parce que le paysage changeait, il m'avait effrayé. Enfin, sa jeunesse l'excusait sans doute et je n'avais de toute manière aucun droit de le juger, autant sur sa personnalité que sur ses actions.
Et puis, j'aimais bien le chevalier Pégase. C'était un garçon courageux et loyal et qui n'hésitait jamais à dire ce qu'il pensait, même si parfois, son caractère emporté devait lui jouer des tours. La preuve il y avait à peine quelques secondes... je souris et Nikè me rendit cette brusque montée de joie qui ne lui était pourtant pas vraiment adressé, à moins que sa propre expression de m'ait insisté à m'extérioriser.
Toute sa physionomie respirait la bonne humeur, même dans les moments dramatiques. Elle avait toujours une lueur rieuse au fond de ses yeux noirs qui me plaisaient mais je devinais aussi la complexité de son caractère. J'avais surpris chez elle, à deux ou trois reprises, des regards et des moments ou elle avait l'air bien triste.
Je lui souris de nouveau avant de me détourner. Tout cela me faisait songer à Athéna. Je m'inquiétais pour la déesse me je la savais en sécurité avec mon frère. Chez elle aussi, j'avais pu apercevoir des expressions mélancoliques et profondément malheureuses, sans doute comme seule la princesse Athéna savait en ressentir. Une peine divine était-elle différente d'une peine humaine? Probablement dans le cas de Saori, mais j'en doutais quand il s'agissait d'Hadès ou d'Arès! Et Poséidon? Comme j'avais du mal à le rencontrer de nouveau. Je l'avais berné et utilisé sans vergogne afin d'assouvir mes propres ambitions et j'avais beaucoup plus de mal à parler avec lui qu'avec Athéna. J'avais été mal à l'aise durant la réunion de la veille, alors qu'il était dans la même salle que moi, mais j'avais vite surmonté ce sentiment en songeant que je me rachetais chaque jour. Et puis, il n'avait pas fait particulièrement attention à moi, alors... il m'ignorait presque et cela me convenait pleinement, mieux, il me facilitait la tâche volontairement.
-Je crois... dit Dohko dans un souffle, je crois que nous avons de la visite.
Sa voix se faisait quelque peu ironique et je compris que le danger n'était pas imminent. Nous allions atteindre l'orée du bois dont Seiya avait parlé quand une dizaine d'hommes, tous vêtus de cuirasses qui me semblaient lourdes et malheureusement fort solides, se retrouvèrent devant nous.
Mon sang ne fit qu'un tour, alors que la vague de cette dizaine de personnes se précipitait dans notre direction, avec des visages durs et presque enragés. Leurs pas soulevaient des nuages de poussières qui rendaient leurs jambes invisibles et nous gênaient dans notre vision. On aurait cru qu'ils n'avaient vécu jusqu'à présent que dans l'optique de cette rencontre. Ils courraient tous, têtes baissés, comme la nuée de monstres qu'ils représentaient et j'eus juste le temps de pousser Virginie sur le côté afin qu'il ne lui arrive rien avant qu'ils ne soient sur nous.
Je vis Seiya et Shiryu bondir en l'air, et frapper de plein fouet leurs adversaires, les faisant cracher du sang et de la salive à la fois alors que leur expression était crispée, je vis Dohko en prendre trois et les frapper les uns contre les autres alors que je saisissais à la gorge sans aucune pitié les derniers. On entendant plus que des cris terrifiants de douleur et de rage. Nous n'avions à faire qu'à de la simple garde, et les vrais combats n'étaient apparemment pas pour tout de suite. Alors qu'ils tombaient tous, morts, les uns après les autres, sur la terre des bois à présent sablonneuse, je me suis retourné vers mes compagnons. Ils n'étaient pas essoufflés, et souriaient, surtout les deux chevaliers de Bronze. Ils avaient du s'amuser avec ces pauvres soldats totalement indignes de se frotter à nous.
-Décidément! s'écria Dohko, Arès nous sous-estime. A sa guise, il vient de perdre dix hommes.
Nikè, qui jusqu'à présent était restée en arrière, revient vers notre petit groupe.
-Allez-vous bien? interrogea Dohko.
-Oui... oui. Ils n'ont pas duré très longtemps...
-C'est bien vrai! s'exclama Seiya qui songeait sans doute qu'il ne s'était jamais senti mieux et plus prêt à combattre. C'était un échauffement comme un autre.
Il haussa les épaules et se tourna vers Shiryu qui avait un air grave.
-J'ai bien l'impression, que ce n'était que l'avant garde, dit celui-ci en fermant quelques instants les yeux.
-Oui, continua Dohko en souriant à son disciple qui ne perdait jamais son calme et son sang froid. Une manière de nous annoncer que quelqu'un de plus important arrive, c'est bien à cela que tu penses Shiryu?
-Oui, maître.
Ils hochèrent la tête d'un commun accord et, en les voyant ainsi, je devinais sans peine à quel point ils se ressemblaient. Seulement notre Grand Pope avait un savoir et surtout une expérience que le chevalier du Dragon ne possédait pas encore mais qui viendrait sans doute avec les années. Pour ma part, je le trouvais déjà d'une extrême maturité. Seiya se mit soudainement à rire, coupant le fil de mes réflexions sur l'échange qui venait d'avoir lieu.
-Et bien, nous l'attendons de pied ferme, n'est-ce pas? Personnellement, j'ai hâte de me trouver face à lui.
-Alors soit exaucé!
Quelle était cette voix et d'ou provenait-elle? Des bois évidemment, mais je ne voyais personne. Nous étions encore devant l'orée de celui-ci et nous n'étions capables d'apercevoir que des arbres, hauts mais maigres et presque squelettiques, sans la moindre once de feuilles ou de quelque chose qui auraient pu les habiller. Le sol n'était fait qu'en sable grisâtre ou jaune foncé et donnait la désagréable impression que nous nous enfoncions à chaque pas. Le soleil était à présent un peu plus haut dans le ciel et je ne savais plus vraiment quelle heure il était exactement.
-Qui est là? demandai-je, dans l'espoir que notre adversaire se découvrirait.
-Un guerrier d'Arès évidemment, un commandant qui plus est.
-Enfin une personne intéressante, murmura Seiya à Nikè qui n'avait pas l'air très rassuré.
-Je vois que la garde n'a pas été très performante. Je m'en doutais, mais cela m'a au moins permis de découvrir votre vivacité au combat. Vous êtes assez doués, messieurs, mais vos pouvoirs ne font guère le poids face aux miens!
-Cesse donc de te vanter, et viens plutôt nous montrer ton visage, s'écria Seiya, fatigué, sans doute autant que moi, de ce jeu de cache-cache.
Un bref éclat de rire retentit. Visiblement, la situation l'amusait. C'était loin d'être notre cas.
Je tournais sur moi-même, balayant du regard tout ce qui m'entourait sans rien trouver de vivant. Avait-il le pouvoir de se rendre invisible? De toute manière, nous n'avions pas le droit de perdre du temps. Athéna comptait sur nous et sur notre victoire et, d'ou elle était, elle rencontrait peut-être les mêmes problèmes face à un autre Berserker. Il fallait donc prendre une initiative avant notre ennemi et surtout, emmener la déesse Nikè vers le temple d'Arès.
Les combattants du dieu n'étaient probablement pas au courant de sa réincarnation récente, et c'était tout à notre avantage car elle aurait été leur proie favorite et sans doute nécessaire s'ils avaient connu son identité. Elle représentait la Victoire d'Athéna, tout ce qu'ils désiraient annihiler et c'était de notre devoir de la protéger.
-Je vais m'en occuper, chuchotai-je à Dohko, partez en courant sans vous retourner. Dépêchez vous... pour Nikè. Il faut la mettre en sûreté car sans cela...
Le Grand Pope hocha rapidement la tête. Il ne pouvait pas rester lui-même car il devait veiller sur la déesse. Même si cela n'avait pas été exprimer à haute voix, il avait clairement été défini qu'il serait celui qui devrait l'accompagner jusqu'au bout de la route. Je vis dans ses yeux qu'il était tenté de refuser, mais sa sagesse lui dicta le bon chemin.
-Très bien, Kanon, et surtout bonne chance.
-Ne t'inquiète pas pour moi. A bientôt!
Dohko prit le poignet de Nikè, sans doute pour l'aider à courir plus vite alors que les chevaliers de bronze, d'un même regard, comprirent les ficelles de notre plan. C'est alors qu'ils partirent en courant, si vite que j'avais presque du mal à les suivre des yeux. Les pieds de la déesse de la victoire touchaient à peine le sol et... Ca y était! Il s'était découvert et avait jaillit devant eux pour les freiner.
Je me précipitais en avant et il m'aperçut immédiatement. Il décrocha quelques instants son regard de mes quatre compagnons, ce qui leur laissa le temps de le dépasser. Le commandant se retourna alors, en poussant un juron avant de me regarder de nouveau.
Nous étions face à face, sans plus personne pour nous gêner durant notre combat. Je ne ressentais pas d'anxiété ou de peur, seulement une terrible et dangereuse excitation. Je ne mourrais pas, j'en étais sûr et pourtant, la puissance du cosmos de mon ennemi était redoutable. Mais je vaincrais, quoi qu'il advienne ou qu'il me fasse subir, je sortirai gagnant.
J'esquissais un sourire féroce alors que Dohko et les autres avaient disparu de l'horizon. Une légère brise souffla, déplaçant un nuage de poussières pour aller le reposer plus loin. Le cadre de notre affrontement n'avait rien d'accueillant et je me rendais parfaitement compte qu'il était sur son propre terrain et que cela lui donnait un avantage. Mais rien de tout cela ne m'effrayait, non. J'étais un chevalier de l'espoir et la cause de la justice triompherait une nouvelle fois. En face de moi, il devait tenir le même raisonnement, mais à son avantage. Je me retrouvais avec un homme -mais un Berserker pouvait-il vraiment être considéré comme un homme?- à la volonté aussi redoutable que la mienne et à la puissance... je ne savais pas encore mais je vis l'aura rouge de son cosmos l'entourer. Elle vibrait et l'air autour de lui aussi.
Je fus bientôt entouré de mon énergie dorée et je le toisais, sans aucune crainte. Le fait d'enflammer nos deux cosmos avaient provoqué un petit tourbillon de sable autour de nous mais qui s'était vite calmé. Nous n'avions pour l'instant pas échanger la moindre parole et seuls nos yeux s'opposaient. Il était grand, à peu près autant que moi, ses yeux en amande étaient voilés de violence et ils étincelaient de leur couleur verte à chaque fois que je faisais un mouvement. Il avait des traits du visage réguliers et de longs cheveux blonds lui tombaient dans le dos, aussi raides que ceux de Shiryu. Il aurait pu ressembler à un être humain s'il n'avait pas porté cette cuirasse, d'un rouge vif mille fois plus brillant que celle de Procuste et que son visage n'avait pas été si tendu, si raidi par la hâte et la cruauté. Il n'avait qu'une envie, celle de me voir par terre, gisant comme un cadavre inerte. Et bien, je n'allais pas m'ennuyer pendant les minutes à venir. Mais le courage ne me manquait pas, la force non plus d'ailleurs et ce vulgaire combattant n'allait pas m'épouvanter, non. Dans quelques instants, il allait apprendre la véritable puissance des chevaliers de la grande Athéna.
-Je suis Kanon, chevalier d'Or du signe des Gémeaux.
-Je suis Esculape de la Maladie.
Ce nom… étrangement, il me disait quelque chose et je devais malheureusement le laisser transparaître sur mon visage, ce qui fit esquisser un sourire à mon adversaire.
-Eh bien, visiblement, tu me connais… j'en suis flatté, déclara-t-il alors qu'une lueur suffisante brillant à présent au fond de ses yeux.
J'entendis ensuite son rire éclater et résonner tout autour de nous. Je contractais mes mâchoires en constant sa vanité et secouais la tête avant de déclarer d'un ton détaché, destiné à le vexer :
-Oui, ton nom me dit vaguement quelque chose, une vieille bribe de souvenir qui me serait revenue… guère plus intéressant que cela, figure-toi…
Ce fut au tour d'Esculape de serrer compulsivement les dents tant il était vexé que je fasse fi de son identité. De plus, je n'avais réellement que faire de qui il était ou non, tout ce que je savais et que j'avais besoin de savoir était qu'il se trouvait être mon ennemi. Après, son passé, son existence avant qu'il ne devienne un Berserker, il pouvait bien la garder pour lui, car de toute manière, il n'aurait pas le temps de me l'expliquer. Je n'allais pas non plus lui offrir la possibilité de fanfaronner à sa guise!
Pourtant, alors qu'il se tenait debout devant moi, la tête haute, presque orgueilleusement, je ne cessais de retourner ce nom dans mon esprit. Et si cela avait après tout de l'importance dans notre combat, qui n'allait pas tarder à s'engager. Il parut lire dans mes pensées et ricana.
-Alors, on ne se rappelle plus de ses leçons? Parce que je suis persuadé que l'on vous apprend mon nom au Sanctuaire, autant parce que je suis un berserker que pour ce que j'ai fait autrefois…
Je sentais sa vantardise à fleur de peau ressortir alors qu'une expression suffisante se dessinait sur son visage. Je n'avais jamais vu autant de vanité concentré en un seul homme!
Je haussais les épaules avec une désinvolture qui cachait en fait mon énervement à découvrir un homme pareil et me mis à rire.
-Je n'ai jamais particulièrement apprécié les hommes comme toi, alors je n'ai jamais éprouver le besoin de me renseigner sur les personnes de ton espèce. A quoi bon perdre du temps?
-Tais-toi immédiatement! tonna Esculape alors que je lui lançais un sourire étincelant. Qui es-tu donc pour me juger? Tu crois peut-être que je ne t'ai pas reconnu, toi, l'homme qui as trompé les dieux, qui a tenté d'abuser de la puissance de Poséidon…
Il éclata soudainement de rire alors que je le regardais faire d'un œil parfaitement impassible. Entendre parler de mon passé ne me posait guère de problème car j'avais appris à l'accepter, et ce n'était pas ce vulgaire berserker qui allait me faire douter de moi! Tout à coup, j'eus comme un éclair dans mon esprit, comme si la lumière affluait de nouveau dans quelque partie secrète de mon cerveau.
-Esculape… est-ce bien moi que tu accuses d'avoir tromper les dieux? Tu n'as sans doute pas tort, mais d'après ce que je constate, tu es probablement la personne la plus mal placée pour me critiquer… et ce n'est pas peu dire!
J'esquissais un sourire féroce, comme si j'étais prêt à dévorer ma proie sur place et je le regardais rentrer ses ongles dans la paume de ses mains. Il avait visiblement de plus en plus de mal à se contenir et maintenant que j'avais retrouvé qui il était, j'allais me faire un plaisir d'en jouer face à lui.
-Comment oses-tu me dire cela, toi qui n'est qu'un simple mortel? On peut dire que tu ne manques pas d'impertinence?
-Parce que tu crois sans doute que ton ascendance divine ne me permet pas de te traiter comme il me plaît?
-Je suis le fils d'un dieu, et les mortels de basse extraction ne devraient pas même avoir le droit de poser les yeux sur moi.
-Mais tu n'es qu'un demi dieu si je ne m'abuse, répliquai-je en prenant un plaisir sadique à lui rappeler que comme moi, il possédait un sang humain qu'il jugeait probablement impur.
En effet, si je me fiais à ce que j'avais entendu et lu dans au Sanctuaire, Esculape n'était autre que le fils d'Apollon et d'une femme mortelle nommée Coronis. Celle-ci, de nature instable, était tombée en même temps amoureuse d'un simple humain, alors même qu'elle attendait un enfant du dieu de la lumière et des arts. Apollon, fou de jalousie et apprenant cette nouvelle, tua sa bien-aimée pour la punir, après qu'elle eut accouché de son fils, qu'il nomma Esculape. Incapable d'abandonner l'enfant, il décida d'en faire un homme destiné à guérir tous les maux de ses pairs, comme pour prendre une vengeance sur le destin et sur cette femme qui l'avait tant fait souffrir.
Et c'est ainsi qu'Esculape devint le plus grand médecin ayant jamais existé. Il parcourait le monde, pour en apprendre toujours plus, pour trouver des cas toujours plus difficiles à guérir et dont il ressortait malgré tout triomphant car aucun problème ne lui résistait. Il rendait en permanence son père fier de lui et jamais il ne le trahit.
Je fronçais, les sourcils, me demandant soudainement comme avait-il pu se retrouver chez Arès, quand la fin de son existence dans les temps anciens me revint en mémoire.
Un jour, Hippolyte, le fils de Thésée et l'un des protégés de la déesse Artémis, vint à mourir. La sœur d'Apollon, tourmentée par son chagrin, demanda à son frère d'agir. Ce dernier, ne sachant pas que faire, décida d'envoyer Esculape tenter de ramener le malheureux à la vie. Celui-ci se rendit alors en Grèce et tenta une résurrection sur Hippolyte… qui, contre toute attente et à la stupeur générale, aboutit finalement, le fils d'Apollon ayant ainsi encore prouvé son incroyable génie et son miraculeux talent.
Mais l'histoire ne s'arrêta pas là… Poséidon entra dans une colère noire en apprenant qu'Hippolyte, qu'il avait lui-même condamné à mort était revenu à la vie, tout comme Hadès, qui refusait qu'un mortel puisse repartir sans son accord de son sombre royaume. D'un comme accord, les deux dieux demandèrent à leur frère Zeus d'agir, et celui-ci fut obligé de céder à leur requête en foudroyant Esculape qui mourut.
Je supposais maintenant ce qui avait permis à mon adversaire de tourner au mal mais ma curiosité ne pouvait s'empêcher de me piquer au vif.
-Je connais ton histoire, Esculape, dis-je d'une voix froide et dure, mais je ne vois guère ce qui a pu te faire entrer dans les armée du belliqueux Arès…
Mon ennemi sourit et hocha la tête.
-Ah tiens, tu ne comprends pas? Les dieux eux-mêmes m'avaient demandé d'agir pour eux en ressuscitant Hippolyte et de quelle manière m'ont-ils remercié : en m'ôtant la vie! Je me suis retrouvé dans les enfers, après avoir aidé des centaines d'êtres humains à survivre, après avoir ôté tant de souffrances et de maladie sur la terre… et à quoi tout cela a-t-il bien pu servir? A rien, à rien puisque je suis mort en vain et que les hommes n'ont rien appris de mes enseignements.
" Kanon, si tu pouvais t'imaginer à quel point j'ai aimé la race humaine, tu n'en reviendrais pas. Chaque jour, je la chérissais, je l'aidais, je l'épaulais du mieux que je le pouvais en utilisant ma science et tout cela pourquoi? Pour mourir d'avoir été bon, d'avoir été ce que les dieux voulaient que je sois. Ne trouves-tu pas qu'il y a là de quoi être dégoûté?
Je ne répondis rien alors que je voyais la mélancolie se répandre sur les traits de mon adversaire. Je le comprenais mieux qu'il ne pouvait se l'imaginer mais me gardais de le lui préciser. Je n'avais que faire de son passé et il n'allait certainement pas m'influencer durant mon combat. Je ne ressentais que l'indifférence pour cet homme qui se tenait devant moi, et qui allait bientôt devoir périr de mes mains.
-Après ma mort, mon père m'a vengé en abattant les Cyclopes qui avait forgé la foudre de Zeus ayant servi à m'abattre… mais cela lui a valu bien des problèmes par la suite et cela ne m'a pas ramené à la vie. Enfin, je suis resté des années entières en enfers, condamné dans une prison car je n'étais pas un dieu à part entière. Pendant tout ce temps ou j'ai évolué dans les ombres, j'ai commencé à songer à une vengeance et à fonder une haine implacable envers la race humaine. Chaque minute, je me maudissais de ne pas être un dieu, car c'était eux qui détenaient la véritable puissance, je l'avais bien saisi.
" Et puis un jour, Arès, dieu de la guerre et de la violence a décidé de fonder ses armées, pour faire face à celle qu'il détestait plus que tout, votre chère Athéna. Immédiatement, il songea à moi, comprenant ce que je devenu et ce que j'étais prêt à faire. Quand il est venu en personne me délivrer de mon sort avec l'accord d'Hadès, je me suis juré de ne jamais le trahir et de le servir le plus fidèlement possible. Il est le seul dieu à m'avoir traité correctement, la seule divinité à m'avoir reconnu et pour cela, je lui serai éternellement reconnaissant de sa bonté.
" Arès doit gouverner la terre, pas Athéna. Il est pour moi le dieu des dieux, et je sais qu'il parviendra à son but et quitte à en perdre la vie, je l'aiderai vers dans sa quête, dans son idéale.
J'esquissais un sourire narquois, prêt à combattre.
-J'espère que cela t'a soulagé de me parler… ironisais-je alors qu'il adoptait la même pose de parade que moi. Maintenant, passons aux choses sérieuses et voyons qui des deux divinités de la guerre va parvenir à gagner. Pour ma part, il me semble que l'histoire est déjà écrite...


Saga

Mon frère... Je portais une main à mon front en songeant à mon jumeau.
Un ennemi se tenait en face de lui, je le sentais. Il n'avait rien à craindre et je ne pouvais pas m'en faire pour lui. Il était assez puissant pour ne pas avoir besoin de mon aide, encore moins de mon soutien.
Je levais la tête vers les cieux, alors que l'astre du jour y montait tout doucement. A l'heure qu'il était, des centaines de personnes perdaient la vie à cause d'Arès... cette pensée me déconcentrait souvent, mais je savais que je ne devais pas me laisser distraire.
Le paysage des Landes s'était effacé pour laisser place à des montagnes rocheuses, hautes et imposantes, apparemment impossible à emprunter. Nous tentions de trouver un chemin convenable, Shaka en avant et tournant sans cesse la tête pour trouver la meilleure solution, Athéna, Shun et moi venant en arrière et en dernier et fermant la marche d'un air inquiet, Aioros.
La mort d'Aldébaran avait déclenché un silence de mort entre nous et je touchais de temps à autre mon bras pour effleurer ma blessure. Après mon combat contre Nérée, Athéna avait apposé sa main sur ma plaie, effaçant ainsi la souffrance mais pas la cicatrice. Je me rappelais son regard triste alors qu'elle faisait cela. Elle se disait sans doute que cela ne serait pas arrivé si elle n'avait pas été présente.
Je posais mes yeux sur elle. Elle marchait, sa toge blanche et fluide épousant chacun de ses mouvements et je me dis qu'elle la gênerait quand nous devrions escalader un pan de montagnes, car cet instant ne devait d'ailleurs plus tarder. Elle avait de longues mèches de ses cheveux mauves qui tombaient par dessus ses épaules et lui cachaient une partie du visage mais on apercevait malgré tout ses yeux pensifs et mélancoliques. Elle venait de perdre son premier guerrier et craignait sans doute de voir un autre disparaître. Mais elle savait que tel était le prix d'une guerre et qu'elle devait accepter ce que le Destin lui imposait.
J'aurais aimé percer le mur de silence qui l'entourait mais je n'osais pas. Elle n'avait peut-être pas envie d'être déranger et voulait sans doute se retrouver avec elle-même, penser en paix... Je l'observais probablement depuis trop longtemps et avec trop d'intensité car elle releva brusquement son visage vers moi.
-Et bien Saga... que se passe-t-il?
Sa voix était calme et douce, comme à son habitude. Shun releva brusquement la tête, trop heureux qu'une conversation le sorte du flot de ses propres réflexions qui devait le porter vers le désenchantement et la désillusion.
-Rien, princesse, vous aviez seulement l'air si...
Elle hocha la tête et me sourit. Derrière nous, Aioros se rapprocha un peu et seul Shaka était trop loin pour entendre ce que nous allions nous dire. Mais nos bavardages l'auraient de toute façon dérangé, voire encombré. Il devait méditer sur ce qui allait se produire et sur la mort du chevalier du Taureau.
-L'endroit ou nous nous trouvons est loin d'être aussi désagréable que je m'y attendais, déclara Shun en observant les superbes montagnes rocheuses.
-Il serait même plutôt joli s'il n'était pas infecté de Berserkers! renchérit Aioros. Quel dommage tout de même que cette île soit sous l'emprise des force du mal car le paysage y est magnifique.
Athéna hocha la tête avant de pointer son doigt vers la gauche. Nous étions sur l'un des bords de l'île et comme nous étions particulièrement en hauteur nous avions la chance d'apercevoir la mer. C'est ce que la princesse était entrain de nous désigner d'une main. Le soleil si reflétait et donnait à sa surface une couleur or. Cela me rappelait le jour ou le cosmos d'Athéna avait envahi le Sanctuaire. Il y avait des millénaires me semblaient-ils! Comme les jours passaient vite et comme les moments de paix que nous avions connus étaient loin derrière nous.
Mais d'ici à demain, quand l'affrontement entre Arès et Athéna aurait pris fin, nous pourrions peut-être goûter de nouveau à une existence plus normale et enfin sereine. Car je ne doutais pas de notre victoire, il était évident que le bien devait terrasser le mal au nom des millions d'êtres humains qui désiraient retrouver leur âme et non plus se battre sans cesse. Mais combien serions-nous exactement, quand tout serait fini, qu'Arès aurait rejoint son urne duquel il s'était échappé? J'espérais pas un de moins qu'actuellement, car déjà, la perte d'Aldébaran représentait un trop lourd bilan de victime.
Athéna détourna les yeux de la mer et me sourit avec bonne humeur, oubliant pendant quelques instants qu'un de ses chevaliers était mort, que nous étions en guerre et qu'elle était une déesse. Elle redevenait parfois Saori, mais cela lui arrivait de plus en plus rarement et ne durait que le temps de brefs éclairs de joie, vite coupés par une mélancolie écrasante. Comme je m'y étais attendu, elle perdit son sourire au bout de quelques secondes et ses yeux se troublèrent. Elle regarda alors de nouveau le chemin serpenteux sur lequel nous avancions et ou Shaka se trouvait loin devant. Celui-ci revenait justement en courant vers nous.
-La route prend fin là-bas. Il ne nous reste plus que deux ou trois cents mètres de terrain plat avant de nous trouver nez à nez avec une montagne. Sans parler du nombre de ravins que j'ai compté tout le long de la route.
Aioros ouvrit plus grand les yeux et se passa une main dans ses cheveux bouclés et bruns.
-Cela ne s'annonce pas sous les meilleurs auspices! Comment allons-nous faire pour sauter les ravins?
Son regard dévia naturellement sur Athéna qui ne pourrait sans doute pas nous suivre si nous sautions sur les parois afin de nous propulser vers le haut. Celle-ci fronça les sourcils et se tourna vers chacun d'entre nous.
-Mais... nous avons mes chaînes nébulaires, déclara Shun. Il me suffira de m'en servir comme de cordes. Je l'ai déjà fait il y a bien longtemps avec Hyoga à l'époque ou nous combattions des chevaliers d'Argent.
Il faillit mettre une main devant sa bouche pour retenir ses dernières paroles car elles concernaient ce passé que j'essayais d'oublier, sans y parvenir. Chaque fois que mes souvenirs et ma culpabilité s'effaçait une personne ou un évènement était là pour faire rejaillir en moi cette période trouble et sombre. J'eus un mouvement de recul instinctif mais je me retins. Je devais jouer l'indifférence, pour ne mettre mal à l'aise aucun de nous. Seuls Shaka et Athéna paraissaient ne pas avoir remarquer les malencontreuses paroles du pauvre Shun, qui se mordait à présent les doigts de m'avoir peut-être blessé.
-Cette technique est-elle... sûre? interrogea Shaka, sceptique.
-Oh!...oh, oui. Je m'en suis très bien sorti et le chevalier du cygne aussi.
-De toute manière, nous n'avons pas d'autre solution! Alors autant utiliser les moyens du bord. Il suffit juste d'avoir de la force dans les bras… déclara Athéna.
Shun hocha la tête et haussa les épaules.
-Ce n'est pas un exercice très difficile, mais qui peut devenir fatiguant sur de longues distances. Comment sont les pentes ici?
Le chevalier d'Andromède avait l'air d'être un alpiniste expert et nous l'écoutions tous avec sérieux. De lui, dépendait actuellement le sort d'Athéna et malgré sa jeunesse, je lui accordais ma plus totale confiance.
-Très, comment dire... très raides, précisa Shaka en désignant d'une main l'une des immenses rocheuses qui étaient sur le côté.
Shun est une expression légèrement contrariée.
-Comme je l'ai dis, nous n'avons pas d'autre possibilité, ni d'autre choix d'ailleurs. Alors autant se lancer tout de suite, quand dites-vous? demanda Saori, qui avait l'air assez enthousiaste à l'idée de faire de l'escalade.
Je me doutais qu'elle simulait cette réaction pour nous redonner espoir, mais, comme toujours, j'eus envie de la croire, alors qu'elle s'avançait d'un pas décisif vers la fin de la route, Shaka a ses côtés.


Kanon

Je dérapais sur plusieurs dizaines de mètres alors qu'il venait de m'administrer un coup de pied dans le menton. Sa rapidité n'avait visiblement d'égale que ma vivacité et je me relevais en me précipitant sur lui. Je le fis tomber à terre et j'entendis le bruit des os de son dos craquer. Il poussa un grognement rauque identique à celui que j'avais eu quelques instant auparavant.
S'il voulait du corps à corps, j'allais lui en donner! Alors qu'il était sous moi et que je m'évertuais à l'étrangler, il enfonça l'un de ses genoux dans mon ventre, me faisant cracher un filet de sang. La douleur qui m'assaillit avec violence me fit relâcher une fraction de seconde mon étreinte barbare et il me prit aux épaules, avant de laisser glisser ses mains vers ma nuque.
Nous nous étouffions mutuellement, cherchant notre souffle à tout bout de champs et je sentis qu'une veine battait sur mon front. Je voyais ma victime -ou bien était-ce moi le vaincu? Je n'en savais rien- se débattre autant que moi-même, alors que ses yeux verts s'exorbitaient sous la pression de mes mains. Il réussit le tour de force de se mettre sur le côté et nous nous mîmes à rouler dans la terre sablonneuse, sans pour autant lâcher nos cous. Je devais à présent avoir le visage couvert de sable grisâtre mais je n'en avais que faire. La force physique de ce commandant était hallucinante et il avait une résistance aussi étonnante que la mienne.
Nous lâchâmes prise à la même seconde, nous relevant ensuite d'un bond et nous calant sur nos deux jambes, dans des postions aussi bien d'attaque que de défense. Le combat commençait très rudement, j'avais faillir mourir étouffer, et s'apprêtait à continuer dans le même sens.
-Pas mal, Kanon! Je te jugeais beaucoup moins puissant, mais je vois que nous allons bien nous amuser ensemble. Tu es assez doué pour un mortel!
-Esculape, si tu n'as pas compris que ce n'était pas un amusement, tu risques de perdre la vie.
-Je serai toi, je n'en serai pas si certain, me répliqua-t-il de sa voix aux intonations douces et dures à la fois.
Il bondit sur moi, tel un tigre, m'administrant un coup de poing dans le menton et un autre sur la joue. Je l'attrapais par les poignets et le fit tourner et voler à une distance de plusieurs mètres en arrière. J'eus à peine le temps d'essuyer les gouttes de sueur qui envahissaient mon front par dizaines qu'il revenait déjà à la charge. Cet homme était infatigable, mais il avait de qui tenir puisqu'il avait pour père Apollon... parfait, je m'en accommoderai très bien et j'en avais vu d'autres de toute manière.
Il était a à peine deux mètres de moi quand je m'écriais:
- Goûte donc au Triangle d'Or!
Je vis ses pieds ne plus toucher le sol et je l'entendis pousser un cri de rage avant de disparaître dans les limbes des Bermudes ou je l'avais envoyé. Je repris une grande bouffée d'air et en empli mes poumons endommagés, profitant de ces quelques instants de répit avant de le voir reparaître, encore plus en colère que précédemment. Car il allait revenir, à n'en pas douter! J'avais vu un échantillon de sa force et je préférais me préparer tout de suite au pire, autrement dit à son retour.
Je tournais sur moi-même, ne sachant pas exactement d'ou il allait surgir. Je vis alors dans le ciel une lueur rouge, qui devait être visible de toute l'île et un homme apparut le pied en avant et fonçant sur moi à la vitesse d'une comète. Je croisais mes bras devant mon visage à la dernière seconde, barrant ainsi son coup. Il fit un salto pour retomber sur ses pieds et je vis à son visage qu'il n'était pas en colère mais en pleine crise de fureur. Décidément, les Berserkers étaient très susceptibles. Qui avait l'avantage pour l'instant? Je n'en avais pas la moindre idée, tout ce qui comptait, c'était que je devais prendre le dessus.
-Je ne te pardonnerai jamais de m'avoir fait sortir du champ de bataille! Attrapa ça, chien maudit!
Ce fut comme si l'air se transformait en condensation pour former des sortes de volutes de vapeurs qui entraient par tous les pores de ma peau. Je ne pus retenir un hurlement de douleur car l'opération était terriblement douloureuse. Mon armure ne me protégeait pas contre l'air qui s'insinuait au travers et venait me déchiqueter non pas la peau, mais l'intérieur de mon corps.
Je tombais à terre, me pliant en deux, posant la tête sur mes genoux et cherchant à respirer. Mes poumons avaient-ils pris feu? Je toussais avec violence, agité par une quinte de toux qui m'arrachait la gorge et je crus que tout mon corps était lacéré par cette vague de vapeur. C'était monstrueux et je n'avais plus qu'à peine conscience de ce qui se passait autour de moi.
Ou était Esculape? J'entrouvris mes paupières pour tenter de le distinguer au travers du voile fièvre que provoquait en moi cette attaque. Je dégoulinais littéralement de sueurs et j'étais en proie à de terribles tremblements. Mes pensées se brouillaient car ma douleur les effaçait et la seule réflexion qui parvint à mon cerveau était que si je ne réagissais pas, il allait m'achever. J'étais toujours à terre, le visage presque dans le sable alors que l'intérieur de mon corps était bouillonnant... j'étais persuadé que tout cela allait exploser.
-Tu me fais pitié, mon pauvre Kanon. Tu n'as plus très fière allure à présent! Il ne me reste plus qu'à t'achever... en prenant tout mon temps devrais-je préciser, pour que tu profites bien de mon Skin Burning. Mon attaque favorite. La plus dévastatrice comme tu as du t'en douter. Est-ce que tu m'écoutes? J'aime quand on prête oreille à ce que je raconte!
Il m'administra un coup de pied dans le front ce qui ne fit qu'empirer mon mal de tête. J'étais complètement à sa merci. J'aurais pu hurler de douleur sans m'arrêter si seulement ma gorge n'avait été consumée elle aussi. En apparence pourtant, je ruisselais de sueurs glacées. Avais-je pris feu de l'intérieur? Étais-je en pleine combustion?
Esculape me frappait le dos du talon avec force et enthousiasme car je l'entendais rire de sa propre virtuosité. Je n'allais pas mourir, non, c'était impossible et pourtant... C'était incroyable, moi, Kanon, le chevalier d'Or du signe des Gémeaux, l'un des plus puissants parmi l'ordre de la chevalerie, je voyais peu à peu ma vie s'échapper de mon corps sans pouvoir réagir. Cela ne me ressemblait guère. Et... Athéna.
J'avais fermé les yeux et je l'apercevais. Environné d'un halo de lumière. Elle m'encourageait, je le savais même si je n'arrivais pas à lire sur ses lèvres tant j'étais mourrant. Me relever... continuer. Pour elle, pour l'humanité. Je n'avais pas le choix. C'était maintenant ou jamais, j'allais devoir attaquer ce fou par surprise. J'arrivais à maîtriser un peu mieux ma douleur même si j'avait l'intime conviction que je n'en avais plus pour très longtemps à vivre.
Je tendis tous mes muscles et respirais profondément. Il crut sans doute que je cherchais de l'air et éclata d'un rire hystérique. C'est à cet instant que je bondis sur mes pieds, le laissant pantois, la bouche ouverte alors que j'avais moi-même les jambes chancelantes. Je devais maintenant agir vite, très vite avant qu'il ne me lance une autre de ses attaques.
-Co.. comment as-tu fait?
Il n'en revenait pas.
-C'est impossible, tu aurais du mourir, et plutôt deux fois qu'une.
Je réprimais une violente quinte de toux qui m'aurait amené du sang dans la bouche et m'aurait empêché de continuer à parler et répondis d'une voix beaucoup plus rauque que d'habitude.
-Esculape, tu vas mourir. Combien de fois serai-je obligé de te le répéter?!
Il aurait sans doute éclaté de rire si je n'avais pas subi son attaque avant et que je n'avais pas eu ce regard noir et dur qui m'était coutumier lorsque je me battais.
-Galaxian Explosion! hurlai-je en déchaînant contre lui toute ma puissance, réduisant sa Cuirasse en miettes, et dévastant une bonne partie des arbres cadavériques qui nous entouraient.
C'était comme si le sol se soulevait, nous entourait, étouffant l'air dont j'avais tant besoin mais dont je savais pouvoir me passer quelques secondes si cela me permettait de vaincre mon ennemi. Puis quand tout cessa autour de nous, le paysage ayant clairement été dévasté, je compris. J'avais gagné -je n'en étais pas vraiment sûr car la douleur en moi se faisait toujours aussi vivace et insupportable- car nul n'était capable de résister à cette attaque. Personne, pas même l'un des plus puissants Berserkers existants.
J'entendis, mon sens de la vue était devenu inexistant, du moins pour l'instant, car j'avais presque les paupières soudées l'une à l'autre à cause de ce mal étrange, son corps retomber lourdement à terre, inerte et je m'en approchais d'un pas assuré. Je resterai digne face à lui, j'en avais décidé ainsi et je ne désirais pas être contrarié. Je m'agenouillais à ses côtés, entendant toutes mes articulations craquées et, alors que je vis qu'il était encore raccroché à la vie par un fil, qu'il ne tenait qu'à moi de couper, j'abattis mon poing sur sa joue. Il eut un hoquet frénétique qui le secoua et je le retournais, car son visage était, comme moi alors que je subissais son Skin Burning, à moitié enfoncé dans la terre.
-Pauvre Kanon... murmura-t-il de telle façon que je dus me pencher sur lui pour que ses paroles deviennent audibles. Tu as perdu le combat... il me suffisait une fois de te porter mon Skin Burning pour être assuré que tu mourrais. Tu es plus résistant que je ne le pensais, voilà tout.
Il happa de l'air plus qu'il n'en respira et me regarda de ses yeux verts devenus opaques. Sa voix était tremblante mais je savais qu'il n'avait pas fini de me parler. Je devais à tout prix savoir de quel mal il s'agissait... de quoi étais-je atteint et dans combien de temps la mort surviendrait.
-Il doit te rester environ cinq minutes. De toute manière, Arès triomphera, car vous n'avez pas... pas encore idée de ce qu'il vous réserve.
Il se mit à rire et je le giflais avec rage pour me venger. Cela du achever de le tuer car sa tête tomba sur le côté et son corps se détendit. Esculape de la maladie. Il venait de décéder.
Je me remis sur pieds rapidement, mais l'impression que j'étais en pleine combustion intérieure n'avait guère disparu. Pourtant, je ne pouvais pas rester à côté de ce cadavre, il fallait que je rejoigne les autres, que je continue jusqu'au temple du Dieu de la guerre, coûte que coûte. Je partis, marchant doucement et de travers vers l'orée du bois qui avait nettement reculé à cause de mon attaque, et je toussais, crachant du sang toutes les deux ou trois minutes, en laissant un filet couler sur mon menton que je n'avais plus la force d'essuyer. Je cherchais de quoi respirer alors que la chaleur se faisait de plus en plus intense et me dévastait. J'avais mal, si mal... De mon pas tremblant, j'étais pourtant décidé à aider Athéna.
Et je ne mourrais pas, du moins, l'espérais-je.


Mu

L'odeur de puanteur s'infiltrait dans mes narines avec tant d'insistance que j'en avais presque mal au cœur. D'ou cela provenait? Allais-je de nouveau devoir être confronté au mêmes immondices que j'avais vu dans les fleuves. Je réprimais un haut le cœur alors qu'Aphrodite et Camus faisaient de même.
L'endroit était loin d'être accueillant. Les landes n'avaient certes pas pris fin et il s'en étendait encore devant nous mais le sol devenait de plus en plus spongieux, vaseux alors que l'atmosphère était humide et presque pesante. La terre gluante s'enfonçait sous mes pas et je me demandais vers quel piège nous étions entrain de nous diriger.
Je ne me sentais prêt à combattre, bien-sûr, mais les derniers jours m'avaient complètement épuisé. J'avais des cernes sous les yeux, mes mouvements me paraissaient plus lents et je craignais d'être une victime potentielle dans un pareil état. Cependant, j'étais plein de ressources et je savais avoir encore d'énormes réserves d'énergie pour les affrontements. Les Berserkers n'étaient pas des hommes comme les autres et il fallait faire preuve avec eux d'une violence au moins égale à la leur à notre égard. C'était maître Sion qui me l'avait expliqué, alors que je n'étais encore qu'un jeune disciple.
Arès... il m'avait un peu parlé de lui, car cela faisait des centaines d'années qu'Athéna ne l'avait pas combattu, et j'avais moins aussi songé que nous ne risquions pas de le voir reparaître avant 250 ans. Et maintenant, je me retrouvais les pieds dans la glaise, sur mes gardes, à attendre les soldats de ce même dieu que je pensais tranquillement enfermé. J'avais aussi beaucoup conversé avec Dohko d'eux, car je devais bien reconnaître que derrière ma nature un peu froide, je fondais un assez grands nombres d'interrogations. Le Grand Pope m'avait parlé de la distribution des armes de la Balance, et j'étais persuadé, tout comme lui, que nous nous n'y aurions pas recourt cette fois-ci. Nous étions tous les douze... treize présents, nous les chevaliers d'or, et il y avait aussi les cinq célèbres Bronze Saints ainsi que la réincarnation de Nikè. Et Athéna, bien-sûr...
Mais maintenant que j'étais plongé dans cette ambiance nausée à bonde et non plus sereinement assis sur les marches de ma maison à discuter, je doutais de ma propre logique et de mes réflexions. Enfin, maintenant, il était trop tard pour pouvoir obtenir les armes de Dohko, alors autant chercher à s'en passer. Je hochai la tête alors que Camus m'observait.
-Tu n'as pas l'air très en forme Mu ces temps-ci, avança-t-il prudemment.
-Si, seulement la fabrication de nos armures m'a quelque peu pris de mes forces... merci de t'en inquiéter. Mais je vais bien, je t'assure. Sinon, je ne serai pas venu.
Je mentais et il le savait mais il acquiesça, autant pour me faire plaisir que pour se rassurer. Camus était un homme à la souplesse d'esprit remarquable, et il concevait parfaitement que même aveugle, manchot, bossu et boiteux j'aurais accouru aux côtés d'Athéna. Subitement, l'odeur qui jusqu'à présent était stagnante nous frappa de plein fouet, nous faisant tous reculer d'un pas.
-Mais qu'est-ce qui se passe? interrogea Ikki en maintenant sa main devant son nez pour éviter aux effluves les plus forts de venir l'agresser.
Shura, qui ne se protégeait pas le visage et qui préférait orgueilleusement affronter la puanteur fit quelques pas en avant et poussa une exclamation de surprise. Aphrodite, qui marchait, semblait-il, en ne touchant presque pu le sol, le suivit.
-Aaaaah! C'est ignoble! Qu'est-ce donc que cette horreur?! s'écria-t-il alors que le paysage se découvrait à sa vue, puis à la mienne.
En effet, cela n'avait vraiment rien de bien rajoutant, au contraire. Des marécages s'étendaient à perte de vue devant nous, ce qui rendait l'horizon marron et presque poisseux. Ikki plongea sa main dedans et en ressortit une grosse poignet de terre humide et molle, boueuse et vraiment écœurante. Elle était à la fois solide et très liquide. Nous marcherions sans doute très difficilement là-dedans et cela nous ralentirait considérablement... N'y avait-il pas d'autre chemin? Je posais la question et Shura embrassa d'une main l'horizon.
-Non, des marécages, autant devant, que sur les côtés... Nous n'avons donc que cette solution qui s'offre à nous.
Il entra alors dans les étendues putrides d'un air impassible et je constatais que seule une partie de sa poitrine et sa tête dépassait. Camus et Ikki le suivirent, non sans réprimer l'un et l'autre une grimace de dégoût. Je frissonnais, sans pour autant tarder à les imiter et seul Aphrodite restait sur le bord.
-Mais vous êtes tous devenus fou ma parole?! Vous n'avez pas vu ce que vous venez de faire. Savez vous le nombre de sangsues qu'il doit y avoir là-dedans? Pour ma part, il n'est pas question que je mette même ne serait-ce qu'un pied dans ces horreurs. Et puis, ne réalisez-vous pas le temps en plus que nous allons mettre pour parcourir ces cinquante kilomètres qui nous séparent d'Arès! Mais toute la guerre sera terminée quand nous arriverons! Et regarde-toi, Mu, regarde l'état de tes cheveux! Et toi, Camus, ce n'est pas tellement mieux! Non, je préfère tenter de trouver un autre chemin. Et nos ennemis… croyez vous vraiment que nous pourrons les vaincre alors que nous serons ralentis dans nos gestes et dans un fief qu'ils connaissent et maîtrisent parfaitement?!
Je l'observais avec étonnement mais je devais reconnaître qu'il n'avait pas tellement tort. Le domaine dans lequel nous nous trouvions n'était pas fait pour nous permettre d'aller très vite. Je vérifiais en faisant un pas en avant. C'était comme si tous mes mouvements étaient passés au ralenti. Je n'osais même pas imaginer ce que serait un affrontement dans ces marécages. S'il prenait l'envie à un Berserker, et je ne doutais guère que cela allait arriver, de venir nous rendre visite ici, il serait complètement maître de la situation car, comme Aphrodite l'avait précisé, sur son propre terrain, et quel terrain!
Je croisais le regard d'Ikki qui acquiesça d'un regard. Nous étions mal partis pour l'instant, très mal partis mais nous devions assumer ce que le Destin nous avait donné. Et sans Aphrodite, tout serait plus difficile car sa puissance nous était nécessaire pour vaincre. Mais avant même qu'il ne nous rejoigne, je savais déjà qu'il le ferait de gré ou de force, Shura l'attrapa par le poignet de sa main poisseuse et glissante et le fit tomber avec nous.
Sa chute provoqua autour de lui de grands éclats de boue qui nous aspergèrent le visage. Je ne pus retenir mon rire, tout comme Ikki et Camus et à ce moment, nous ressemblions à des gamins qui s'amusent des pitreries d'un camarade.
-Ah! Vous êtes tous écœurants, mes pauvres! Regardez l'état dans lequel vous m'avez mis! C'est...
Il s'interrompit brusquement, enlevant une tâche de boue de sa joue et avança d'un pas. Sa répulsion avait vite fait place à autre chose mais à quoi? Il marcha sur une petite distance, s'éloignant de nous de quelques mètres. Je remarquais alors le contraste saisissant que formait sa peau d'une blancheur de porcelaine par rapport à cette étendue foncée et obscure.
-Mais, il doit y avoir des sables mouvants par ici!
Je retins mon exclamation. Malgré son dégoût, le chevalier des Poissons ne perdait pas sa finesse et sa rapidité d'esprit et il venait de constater ce qui était pour lui une évidence, à laquelle pourtant aucun de nous n'avait songé.
-Tu crois? bredouillais-je, comprenant que notre mission devenait de plus en plus compliquée à mener à bien.
-C'est certain, répliqua Camus en rejoignant Aphrodite et en provoquant de curieuses vaguelettes en avançant, exactement les mêmes que l'on faisait alors que l'on évoluait dans une eau profonde.
-Il ne vaut mieux pas stagner alors, car nous risquerions de nous enfoncer sur place et de ne plus pouvoir nous en sortir. En route! s'écria Shura en partant avec vigueur et en se servant de ses bras comme de rames pour avancer plus vite.
Je pris la même posture que lui et nous partîmes tous vers l'horizon, quelque peu déconcertés et découragés par le terrain sur lequel nous nous trouvions.


Milo

Je frissonnais en voyant se dessiner devant moi des formes que je crus immédiatement identifier. Nous voyions enfin la fin des landes venir et nous nous retrouvions maintenant au début de... d'un cimetière! J'échangeais un regard perplexe avec Hyoga qui haussa les épaules. Mais ou venions-nous d'atterrir? Et surtout, sur combien de kilomètres s'étendait cet endroit brumeux et ou l'air lui-même paraissait trembler. Je crois que nous venions de mettre pied dans l'un des lieus les moins accueillants qu'il m'avait été donné l'occasion de voir. C'était incroyable... on avait presque l'impression qu'il ne faisait plus jour, mais comment cela se faisait-il?
Je me tournais vers l'expert de ces domaines, autrement dit, Masque de Mort. Il souriait avec ironie et une certaine moquerie, plus dirigé vers nous que vers nos ennemis.
-Au moins, dit-il, nous sommes déjà sur place au cas ou...
Je me mis à rire en même temps que mes deux autres compagnons. Visiblement, il ne perdait pas son sens de la repartie, ni de l'humour. Il n'avait pas tort car il valait certainement mieux voir les choses sous leur aspect le plus lumineux. Je ne doutais de toute manière pas que, partout ailleurs sur l'île, les autres chevaliers devaient se retrouver face à des lieux tout aussi peu enviables. Et s'ils franchissaient leur répulsion, nous en étions nous aussi parfaitement capables. Mais je n'arrivais toujours pas à m'expliquer pourquoi nous n'arrivions plus à voir le soleil.
Je levais la tête vers les cieux et constatais alors que des arbres démesurés nous entouraient et que leurs gigantesques et épais branchages nous empêchaient d'apercevoir la moindre once de lumière car ils formaient une immense voûte. Tout ceci avait sous doute été créé pour renforcer l'impression de malaise qui régnait déjà naturellement auparavant. En tout cas, leur mise en scène était excellente, mais certainement pas suffisante pour arrêter des chevaliers d'Athéna.
-En route, dit Aiolia en essayant de se motiver en même temps que nous.
Hyoga s'éloigna un peu de nous et je lui fis signe de revenir, mais il ne m'écouta, ou ne me vit, pas. Ne savait-il donc pas qu'il valait mieux rester grouper et non pas se disséminer partout sur un terrain et devenir, de par la même occasion, une proie facile! Il avait l'air absorbé dans la contemplation d'une rangée de pierres tombales. Il était penché vers elle, tous ses cheveux blonds nous cachant son expression et il toucha du bout des doigts une croix de bois humide avant de retirer immédiatement sa main, comme s'il s'était brûlé.
-Hyoga! Dépêches-toi de revenir ici tout de suite, ordonnai-je.
-Savez-vous dans quel cimetière nous nous trouvons? demanda-t-il en connaissant pour sa part parfaitement la réponse et en faisant fi de mon ordre.
Il revint pourtant vers nous, en apercevant mon regard glacé et l'expression quelque peu désapprobatrice d'Aiolia. Masque de Mort n'avait strictement rien à faire d'ou Cygnus se rendait et il sifflotait un air derrière nous, ce qui avait le mérite et de m'exaspérer au plus haut point et de détendre un peu l'atmosphère. Hyoga se planta devant nous et d'un mouvement de tête nous indiqua toutes les tombes. -Nous nous trouvons dans le cimetière de guerre. Celui ou on enterre les gardes qui sont morts. Oui, parce que les âmes des Berserkers restent en sommeil en même temps que celles d'Arès, n'est-ce pas?
-Sans doute, répliqua Aiolia en guettant une réponse de ma part car il n'avait pas du se poser la question. Ce doit être comme pour les Spectre d'Hadès. Car sinon, nous aurions vu des camps d'entraînements pour former des chevaliers, or, il s'agit là de combattants réveillés il y a environ une semaine et qui sont déjà tout prêts à nous affronter. Finalement, je crois que la réponse m'apparaît comme évidente.
Hyoga regarda quelques instants de plus les rangées de tombes avant de frissonner.
-Toujours est-il que ce n'est pas très chaleureux. Je me demande combien de kilomètres fait cet endroit. Pas trop, j'espère, car je n'ai nul envie de m'y attarder, déclara-t-il.
-J'ai bien peur que nous n'ayons à le traverser durant tout notre trajet jusqu'au palais d'Arès et de l'un des quatre empereur, intervins-je en voyant l'horizon couvert de tombeaux.
-Pour ma part, déclara Masque de Mort, je trouve ce lieu tout à fait à mon goût tant qu'il n'y a pas d'ennemis dessus.
Sa réflexion était plutôt logique et je l'approuvais. Nous n'étions jamais que dans un cimetière et il n'y avait vraiment pas de quoi s'effrayer. Nous nous remîmes en route, furetant l'ombre suspecte qui se révèlerait finalement être l'un de nos adversaires, alors qu'Aiolia paraissait être perdu dans ses pensées.
-J'espère que tout se passe bien pour mon frère Aioros... et qu'il parcourt un lieu plus agréable que le mien


Aioros

Je sautai en haut de la montagne le troisième, alors que Shaka et Saga m'attendaient déjà à son sommet. Shun arriverait sans doute en dernier, après Athéna. Nous n'entendions aucune plainte émanant d'elle mais je me doutais sans peine que l'exercice devait lui être difficile, voire franchement pénible.
-Est-ce que tout va bien plus bas? criai-je, alors que ma voix résonnait sur les parois rocheuses.
-Un peu de silence, je te prie! Il est tout à fait inutile que nous nous fassions remarquer... dit Shaka avec son habituelle impassibilité même si la situation devait provoquer en lui une certaine appréhension.
Du moins je le croyais. Je ne connaissais que très peu le chevalier de la Vierge et il m'apparaissait, parmi notre ordre, comme le plus mystérieux. Je savais qu'il était la réincarnation de Bouddha, et que la méditation et l'élévation spirituelle formaient les trois quarts de son temps et c'est pourquoi, je n'avais jamais vraiment eu l'occasion de lui parler.
A deux ou trois reprises, nous avions certes échangé quelques mots, mais rien que des propos banals et sans véritable intérêt. De par sa nature divine, il était distant mais on ne décelait en lui aucune once de méchanceté. Il formait finalement un mélange des plus étonnants, presque un mystère dont il fallait avoir la clé pour le comprendre. Et, évidemment, je ne possédais pas cette dernière.
De toute façon, au Sanctuaire, tout le monde m'était assez inconnu jusqu'à mon retour, il y avait environ trois mois de cela, peut-être un peu plus même. Mes relations se résumaient à mon frère Aiolia, que je n'arrivais plus vraiment à considérer comme mon cadet même s'il le restait, Shura, mon ami que j'avais cru perdre il y avait de cela des années, et Saga, mon ancien bourreau devenu un chevalier exemplaire. Masque de Mort et Aphrodite aussi dénombraient parmi mes anciennes connaissances.
Cela ne faisait pas beaucoup de monde, mais la compagnie du chevalier du Capricorne suffisait à m'occuper la plupart du temps. C'était lui qui m'avait présenté à la plupart des autres combattants et qui m'avaient expliqué tous les changements survenus, tout ce qui s'était passé durant mon absence dans le Domaine Sacré. Bien-sûr, j'avais connaissance de toutes les batailles puisque j'y avais toujours indirectement participé, par l'intermédiaire de mon armure que je prêtais au courageux Seiya. Mais il y avait une multitude de petits détails dont je n'avais pas conscience. De choses toutes simples mais pourtant primordiales. Comme les nouvelles maisons construites pour les disciples et leurs maîtres, comme les modifications dans le programme des entraînements, en somme, tout ce qui était suspect de m'intéresser.
J'avais envisagé de prendre de jeunes garçons pour les former mais la guerre contre Arès m'en avait empêché. Mais, lorsque je reviendrai, il fallait bien optimiser si je voulais rester en vie, j'avais pris la bonne décision de devenir maître. Je hochais la tête pour approuver ma propre décision alors que Saga se penchait vers le ravin d'ou émergeait Athéna. Il saisit sa main dans la sienne et la souleva pour la ramener sur la terre ferme. Shun la suivit quelques instants plus tard de très près.
-Et bien, déclara Saori en lissant les plis de sa toge qui subissait des épreuves dont elle ne se remettrait peut-être pas à en juger par la couleur marron et poussiéreuse que prenait l'ourlet. C'est le troisième que nous traversons. Combien en reste-t-il?
-Je ne sais pas, dis-je, mais un très grand nombre. Je nous trouve pour l'instant plutôt assez rapide...
-Malheureusement, je vous ralenti, coupa Athéna. Mais je vous assure que je ne puis pas aller plus vite. C'est la première fois que je me livre à l'alpinisme et... nous ne serons jamais là-bas à temps pour atteindre le palais d'Arès!
Shaka acquiesça et d'un geste gracieux que lui seul savait accomplir, il indiqua une petite route qui ne devait pas s'étendre sur plus de cinq ou six kilomètres et qui était bordée de gigantesques et terriblement profonds ravins. Cette route n'était pas très large et il ne fallait pas avoir le vertige pour l'emprunter... cependant personne d'entre nous ne paraissaient en être victime.
-Cela semble assez instable, constata Saga en se dirigeant vers cette sorte de ponton naturel.
-Mais cela pourra nous faire gagner plusieurs minutes et donc plusieurs vies seront peut-être épargnées, alors en route, répliqua Athéna en le suivant et en se préparant et cette traversée dans les airs.
Shun regarda en bas et refoula un frisson.
On ne distinguait pas même le fond de ces ravins, noirs comme la nuit et visiblement ou les risques d'éboulements n'étaient pas à exclure. Enfin, mieux valait prendre son courage à deux mains et s'y engager pour en ressortir plus vite. L'endroit ou nous évoluions était absolument magnifique, mais extrêmement dangereux aussi, et je me demandais si, finalement, je n'aurais pas préféré me trouver dans un domaine en terrain plat, si toutefois il en existait un.
Je me demandais quand nos ennemis surgiraient et il ne faisait pas de doute que ce moment n'allait plus tarder, surtout que nous avions dans notre groupe Athéna, et qu'elle était bien celle qu'ils recherchaient le plus. Car, pendant qu'Arès déclenchait ses offensives, le cosmos de Saori se répandait partout sur terre et tentait de ramener un semblant de paix entre les hommes. Elle y parvenait, j'en étais certain, mais pas assez pour sauver toutes les existences en péril. De plus, je savais qu'elle se servait aussi de son énergie pour nous soutenir et nous venir en aide pendant que nous combattions, alors même qu'elle aurait mieux fait de fixer la route et d'y accorder toute son attention.
De temps à autre, alors que nous traversions les trois précédents ravins, je m'étais retourné vers elle, et je l'avais vu entourée de ce halo de lumière si chaud et si bénéfique... l'un d'entre nous avait du combattre un ennemi et n'était pas mort, puisque aucun cosmos ne s'était éteint. Pourtant, je sentais bien que celui de Kanon devenait vacillant et cela me faisait frémir. Il avait abattu l'un des Berserkers mais était loin d'en être ressorti indemne. Et si l'un des chevaliers les plus puissants était dans cet état, je n'osais pas imaginer le sort qu'on avait du me réserver.
Par moment, je suppliais intérieurement Kanon de s'accrocher à la vie, de ne pas abandonner. Je ne savais pas s'il m'entendait, il était peut-être trop faible pour cela, mais si jamais il lui restait encore assez de son sixième sens, j'espérais que mes prières lui permettraient de raviver les braises presque éteintes de son envie de vivre. Aucun d'entre nous ne devait se laisser aller dans les bras de la mort, et Athéna était là pour nous retenir.
De Saori, mes pensées basculèrent à la déesse Nikè. Je souhaitais qu'elle ne soit pas en danger, je la savais avec Dohko, et donc, en sûreté, mais je ne pouvais pas m'empêcher de me sentir inquiet. Si elle venait à mourir, nous n'étions plus certains d'obtenir la victoire, pire encore, nous avions de grandes chances de perdre. Mais personne ici n'avait la moindre idée de son identité et j'étais persuadé que le chevalier de la Balance allait jouer sur cette avantage. A moins qu'Arès ne découvre qu'un autre cosmo divin était sur son territoire et qu'il ordonne qu'on intercepte cette autre divinité.
J'avais sans doute raison, mais pour l'instant, je n'avais pas le loisir d'approfondir le sujet. Je devais avant tout savoir, si en mettant le pied un peu plus à gauche je ne risquais pas de tomber ou si en le plaçant au contraire à droit, je pourrai continuer ma route de façon plus sereine.
Vivre la minute, ou plutôt la seconde présente, voilà la seule chose qui comptait à mes yeux.


Kanon

Des arbres... la chaleur, le paysage qui tournait, ma moiteur, la fièvre, les tremblements... ou étais-je? Que faisais-je? Je me cognais contre un arbre, car j'avançais de travers, ne sachant même plus comment mettre un pied devant l'autre.
Je... je tombais par terre, plié en deux et je me mis à cracher du sang en portant ma main à ma poitrine recouverte de mon armure d'or. Cette dernière me gênait presque tant je brûlais. Je n'avais plus aucune pensée logique et... tout ce mit à tourner autour de moi. Je portais mes mains à me tempes et mon envie de hurler devenait de plus en plus pressante. Esculape de la maladie... il portait vraiment bien son nom.
Je tentais de me relever sur mes jambes qui me paraissaient molles et... je faillis basculer en arrière mais me retins à un arbre d'un faible mouvement de la main. Je n'allais pas pouvoir continuer ainsi, j'allais mourir. Et mes compagnons qui couraient devant sans jamais s'arrêter... je devais pourtant les rejoindre. Je sentais bien que ma vie s'échappait de mon corps au fur et à mesure que je respirais et que l'air me consumait les bronches, les poumons. J'avais l'impression d'inspirer des flammes. Et cette sueur froide dont je dégoulinais.
J'étais à bout, je n'en pouvais plus et pourtant, j'étais debout, je continuais à avancer, à me dire que l'effet du Skin Burning allait bientôt disparaître.
Alors que j'allais tomber en avant, je vis soudainement ma main, que j'avais mis en avant pour me protéger durant ma chute... elle était rouge, rouge écarlate, comme si elle était...? Non pas boursouflée, non, elle avait toujours les mêmes proportions, mais à vif, comme si je n'avais plus de chair. Je poussais un grognement rauque alors que ma gorge ne me servait plus à rien puisque j'étais incapable de parler. Je me cognais à un arbre que mon sixième sens ne m'avait pas indiqué, car j'étais fixé sur ma main que je voyais au travers de mes paupières à demi-colées.
Le bruit de mes propres pas me devenait intolérable et je devais agir, faire au mieux et essayer de me sauver. Il valait mieux que je perde quelques minutes pour m'assurer la survie et donc, procurer de l'aide à Athéna, plutôt que de continuer dans cet état pathétique et lamentable. De toute manière, si je n'agissais pas, j'allais mourir, c'était à présent très clair. Les battements de mon cœur ne cessaient plus de ralentir et tous mes sens perdaient peu à peu de leur acuité. Pendant plusieurs minutes, j'allais devenir une proie facile, mais ne l'étais-je pas déjà après tout?, mais le jeu en valait la chandelle. Je retirais mon armure en rassemblant mes dernières forces pour exécuter ces mouvements. Ma peau devenue rougeoyante se découvrait peu à peu à ma vue et je ressemblais à un écorché. Bon, à présent, je devais me concentrer pour me rappeler ou se trouvait mes points vitaux…


Camus

Il suffisait de s'armer de courage pour traverser ces étendues boueuses. J'étais juste derrière Shura et je réussissais assez bien à m'accommoder de ma condition, comme nous tous ailleurs. Même Aphrodite avait fait tomber ses réticences, uniquement parce qu'il n'avait pas le choix, nous avait-il précisé alors qu'il évoluait dans une eau boueuse et dégoûtante.
Ma chevelure devenait de plus en plus lourde, à cause de ce bain prolongé dans les marécages et je n'osais pas imaginer à quel point Mu devait avoir la tête entraîner en arrière. Nos armures empêchaient à la glaise de s'infiltrer sur nos corps mais nos mains, un bout de nos cuisses non protégé et nos visages n'étaient pas à l'abri des éventuels éclats de vase ou autre. Nous ne les provoquions certes pas, mais il semblait y avoir une vie assez intense en-dessous, une vie à laquelle j'étais loin de souhaiter me mélanger.
En effet, l'eau ondulait parfois, à quelques mètres de nous, nous laissant le cœur palpitant et en position de défense. A d'autres moments, nous sentions quelque chose, que nous étions bien incapables d'identifier, nous frôler la jambe. Mais tout cela n'était pas dangereux et c'était la seule chose que je retenais. Nous bondissions parfois de temps à autre, nous effrayant mutuellement à cause d'un animal des marais venu nous rendre une petit visite de courtoisie...
-Vous ne trouvez pas cela étrange que nous n'ayons toujours aucun ennemi devant nous? interrogea Shura.
-Pourquoi? Ils ne sont pas fous, et ils n'ont sans doute pas envie de nous rejoindre et de patauger dans la bouillasse à nos côtés. Même eux, doivent être dégoûtés, répliqua Aphrodite d'un ton acerbe et sans réplique.
-J'ai plutôt une drôle d'impression, déclara Mu en me regardant et en lançant une autre oeillade dans la direction d'Ikki.
Le chevalier du Phœnix était perdu dans ses pensées et ne semblait pas prêt à entamer une conversation, ce que je n'allais pas lui reprocher, car j'étais moi-même toujours extrêmement absorbé dans mes réflexions qui me conduisaient bien souvent aux frontières de ma logique.
Depuis plusieurs minutes, j'avais l'impression d'être suivi, ou plutôt traqué par... oui, cela ne faisait aucun doute et il valait mieux se rendre à l'évidence, par un Berserker. Mais son cosmos était tellement indistinct que je n'en étais pas certain. Était-ce une invention de mon imagination, ou était-ce bien réel? Je n'en avais pas la moindre idée. Mais cette énergie qui rôdait dans l'air ne m'était pas totalement inconnue. D'ou cela provenait-il?
Je secouais la tête pour me débarrasser de cette impression latente de déjà-vu qui m'embrouillait. Mais Mu semblait être en proie au même phénomène que moi. Et quand était-il pour Shura? Et Aphrodite? Ils devaient aussi éprouver comme un curieux malaise, du moins je le supposais car leur sixième sens était aussi aiguisé que le nôtre. Quant à Ikki, son silence me paraissait bien assez parlant. Nous n'allions pas tarder à recevoir de la visite, c'était certain.
Je me retournais une fois de plus, cherchant des yeux par-dessus mon épaule la personne qui aurait pu représenter un adversaire potentiel. Pourtant, rien ne troublait ce paysage boueux de marécages, pas même une petite ombre susceptible de nous alarmer. Malgré tout, j'avais la conviction qu'il était entrain de se tramer quelque chose qui n'allait pas tarder à nous être révélé.
A côté de moi, Mu toussota. Il devait être mal à l'aise par rapport à l'atmosphère ambiante qui m'apparaissait comme humide, pleine d'eau, ce qui ne serait pas fait pour nous faciliter la respiration durant un combat, lourde, comme l'eau dans laquelle nous avancions péniblement, et enfin dangereuse. Je soupirais alors qu'Aphrodite porta une main à sa bouche et que je vis, alors qu'il m'observait ses yeux s'emplir de dégoût. Mais pourquoi? Je tournais sur moi-même, cherchant ce qui provoquait chez lui une mine aussi expressive. Je balayais la surface des marécages du regard, incrédule et surtout perplexe.
-Camus, fit la voix d'Aphrodite qui se voulait calme mais qui était légèrement tremblotante. Tu as sur la joue une grappe de sangsues...
Il m'avait annoncé cela avec une sérénité feinte qui ne trahissait que trop bien son horreur des saletés qui étaient venues se coller à moi. J'eus un mouvement de recul et cherchais sur mon visage, sous les yeux ébahis de mes autres compagnons les visqueux petits animaux. Je posais alors ma main sur leurs surfaces molles et baveuses et je les glaçais du bout de doigt. Elles se décrochèrent d'elles-mêmes, tombant sur la surface de glaise et la ridant durant une fraction de seconde.
Le chevalier de Poissons nous regarda tous, vérifiant que personne n'était atteint du même mal et prêt à nous prévenir dans le cas contraire. Ce lieu était vraiment répugnant, répulsant, même s'il n'y avait pas de quoi s'affoler. Je portais ma main à mon visage et essuyais les quelques gouttes de sang que m'avaient volé ces inoffensives sangsues.
-Dire que nous en avons peut-être des grappes collées sur les jambes et que nous ne le savons même pas... avança Aphrodite, tout en priant intérieurement que cela ne soit pas vrai.
-Cela ne m'étonnerait pas le moins du monde, rétorqua Shura, peu enclin à s'épancher sur la vie de ces animaux totalement inintéressants. Comme cela, elles feront le trajet avec nous.
Le chevalier des Poissons eut une moue dépitée et écœurée qu'il réprima aussitôt.
-Vous n'avez rien entendu? demanda-t-il en se retournant subitement vers la direction des berges que nous avions quitté depuis à présent longtemps.
Ikki hocha la tête.
-Si, on aurait du comme des cailloux entrain de tomber dans l'eau, dit-il en guettant l'adversaire potentiel auquel il songeait.
Mu ne bougea pas, sachant que l'ennemi pouvait arriver de n'importe ou et... l'eau se rida car quelque chose évoluait en dessous. Ou non... au dessus, mais de façon invisible. Et cette énergie que j'avais déjà rencontré me devenait de plus en plus familière. Mais de qui s'agissait-il? Connaissais-je le Berserker qui s'approchait de notre groupe?
Je ne sus pas pourquoi, mais à cet instant, toutes mes pensées volèrent vers mon disciple Hyoga. Comment allait-il alors que moi-même, j'allais être au prise avec un guerrier d'Arès. S'était-il battu? Non, pas encore, car j'aurais ressenti les éclats de sa cosmo-énergie. Je l'imaginais revêtu de son armure du cygne, un homme cent fois plus puissant en face de lui, et je le voyais sublimant son cosmos au maximum de ses possibilités, repoussant une nouvelle fois les limites de l'impossible. Pourvu qu'il ne lui arrive rien.
Mais j'aurais mieux fait de m'inquiéter de mon propre sort alors que les ondulations de cette eau opaque dans laquelle nous marchions depuis maintenant une heure, nous montrait clairement que l'on nous encerclait. La personne se déplaçait-elle dans l'air? Cela ne faisait aucun doute mais j'émettais malgré tout quelques réserves.
-Démasquez-vous! s'écria Shura à bout de nerfs alors qu'il voulait certainement se frotter avec une puissance qu'il ne connaissait pas encore mais dont il se doutait grâce aux étincelles qu'avaient fait dans toute l'île le combat de Kanon.
Puis plus rien. Rien. Tout autour de nous avait retrouvé son calme et on n'entendait même plus de bruits provenant du marais. C'était comme si toute forme de vie s'était subitement arrêtée, comme si la présence de ce guerrier avait tout détruit ou réduit au mutisme. La nature elle-même cherchait-elle à se cacher de notre ennemi? Cela ne me disait rien qui vaille et nous restâmes tous immobiles, tels des animaux à l'affût, prêts à attaquer au moindre signe d'agression.
Nous étions cinq et il était seul, que pouvait-il nous arriver? Enfin, nous étions aussi nombreux pour l'instant car nous devions attendre que le Berserker se décide à nous apparaître pour nous séparer. Seulement l'un d'entre nous, sans doute celui qui se désignerait resterait pour l'affrontement, alors que les autres ne perdraient pas de temps et continueraient à avancer en direction de chez Arès.
Je réfléchissais, tous mes sens étant à leur sommet, tous mes pouvoirs au summum de leur puissance et, alors que même le vent n'osait plus caresser la surface de l'eau, un bruit gigantesque provenant du ciel, comme un coup de tonnerre enragé, éclata, forçant Ikki à se protéger les oreilles. Puis, un éclair rouge scinda le ciel en deux, nous éblouissant… et il apparut. Il était devant nous. Debout sur l'eau, ses pieds n'effleurant qu'à peine la surface de la boue, et je dus bien admettre qu'il y avait en lui une grâce mais aussi une sorte de vanité qui émanait de sa personne.
-Enchanté, messieurs les chevaliers, dit-il d'une voix légèrement trop aiguë. Je suis le commandant Argus, du Paon, bourreau de ce vieux nigaud d'Aldébaran.

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Cette fiction est copyright Caroline Mongas.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.