Chapitre 14 : A travers le Sanctuaire de Poséidon


Les couloirs du temple gigantesque ne cessaient de s'enchevêtrer et de s'entrecroiser, résultant en un dédale qui défiait tout sens de l'orientation. Toujours à courir quelques pas derrière Arathorn, Erèbe commençait à nourrir de sérieux doutes. Pénétrer dans ce bâtiment avait-elle vraiment été la meilleure idée possible ? N'était-ce pas plutôt un piège spécialement conçu à leur attention ? Naia, la sirène, leur avait dit qu'ils n'en ressortiraient pas vivants. Ils s'étaient attendus à ce que les Généraux les attendent, mais leur but premier restait la récupération de l'orichalque. Si cet endroit avait pour unique but de les piéger, il était peu probable qu'ils en trouvent.

Erèbe réalisa brusquement qu'en agissant comme ils l'avaient fait, ils avaient laissé la direction du jeu aux Généraux. Ce serait eux qui décideraient du lieu et du moment des combats qui ne manqueraient pas de se tenir. Malheureusement, il ne voyait pour le moment aucune façon de reprendre l'initiative.

Parallèlement, il ne pouvait pas s'empêcher de s'inquiéter pour sa sœur. Elle l'aurait certainement rembarré s'il le lui avait dit avant de la laisser, mais il aurait de loin préféré qu'elle vienne avec eux. Enfin, il était trop tard pour ce genre de choses.

Quoi qu'il en soit, cette bataille ne s'annonçait pas exactement sous les meilleurs auspices.

***

- Par la Foudre des Gémeaux !

La vitesse de l'attaque n'était pas encore parfaite. C'était la première fois que Nyx était engagée dans un véritable duel et son offensive n'avait pas eu toute la puissance qu'elle aurait dû contenir.

Mais, en fin de compte, cette force réduite fut bien suffisante. L'éclair double traversa l'espace séparant les deux adversaires en une fraction de seconde. Naia n'eut que le temps d'esquisser une parade inadéquate. L'impact la percuta de plein fouet, la projetant au sol. Très brièvement étourdie, la sirène n'en réagit pourtant pas moins rapidement. Roulant au sol, elle se redressa souplement et…

- Par l'Illusion Démoniaque !

Le rayon à peine visible la frappa en plein front et Naia se figea. C'était comme si toute sa volonté, toute sa capacité à agir et à réfléchir venaient de disparaître subitement et sans retour. De très loin, Naia vit Nyx s'approcher d'elle, une main encore tendue. Elle sentait confusément qu'elle aurait dû faire quelque chose. Mais quoi ? Elle était incapable de s'en souvenir.
Nyx s'arrêta juste devant sa victime et sourit en admirant le résultat de son attaque.

- Je ne sais pas si tu en as conscience, dit-elle à Naia, sachant pertinemment que celle-ci ne la comprendrait pas, mais tu devrais te sentir fière d'être la première à recevoir cette attaque. Il m'a fallu beaucoup de temps pour la mettre au point, d'autant que je n'avais personne sur qui l'essayer. Même Erèbe n'est pas au courant. D'ailleurs, je suis sûre qu'il aurait encore trouvé le moyen de me gâcher mon plaisir en disant que ce n'est pas une technique très morale. Il dit toujours des choses comme ça. Enfin…

Nyx s'approcha encore et le champ de vision de Naia se réduisit soudain à ces deux yeux, infiniment noirs, qui semblaient vouloir aspirer ce qui restait encore d'elle.

- Et maintenant, dit Nyx d'une voix intense, tu vas me révéler tout ce que tu sais sur cet endroit et ce qui s'y prépare.

***

Les pas de Sauron et Janeel résonnaient lourdement à travers les vastes couloirs. Ni l'un ni l'autre ne parlaient. Le visage sombre du Forgeron du Nord ne paraissait pas moins fermé que le masque blanc du chevalier du Cygne. Tous leurs sens étaient pourtant en éveil, s'attachant au moindre signe qui aurait pu dénoter une embuscade.

Après avoir franchi la porte dorée qu'ils avaient choisi, ils s'étaient tout d'abord mis à courir. Mais, désormais, ils ne faisaient plus que marcher. La vitesse n'était pas primordiale, en fin de compte. De toute façon, les Généraux étaient déjà là et les attendaient. Mieux valait faire preuve de prudence.

Les deux chevaliers parvinrent à une vaste salle circulaire. Les dalles qui recouvraient le sol étaient d'un bleu miroitant, évoquant la mer. Les murs étaient tout entiers recouverts de fresques somptueuses représentant des cortèges de néréides et de tritons. Le plafond, quant à lui, était si élevé qu'il en était difficile à distinguer…

- Eagle Scratch !

Sauron eut tout juste le temps de pousser Janeel de côté au moment où une forme indistincte s'abattait sur eux à une vitesse aveuglante. Le choc détruisit une partie des dalles bleutées, faisant trembler le sol de pierre et les projetant au sol. Il ne leur fallut cependant qu'une brève seconde pour se redresser et faire face à leur ennemi.

Lyath s'était déjà dégagé du cratère que son attaque avait creusé et les regardait à présent d'un air de défi.

- On dirait que vous n'étiez pas suffisamment sur vos gardes, railla-t-il avec un rictus. Ce n'est pas très prudent de vous aventurer ainsi, surtout dans un endroit dont vous ne connaissez rien.
- On dirait que, même avec l'avantage de la surprise, tu as été incapable de nous infliger la plus petite égratignure, rétorqua Sauron sans expression particulière. Ce n'est pas très prudent de te montrer si prétentieux, surtout face à quelqu'un qui a déjà failli te massacrer.

Une grimace de colère apparut sur le visage de Lyath, mais il se contint.

- Lorsque nous nous sommes affrontés, fit-il en se mettant en garde, tu étais soutenu par la présence d'Athéna. Mais ici, ce ne sera pas le cas. Nous sommes dans le Sanctuaire de Sa Majesté Poséidon. Aucun autre dieu ne peut y manifester la plus petite influence.
- Nous allons bien voir si cela va faire la moindre différence, dit Sauron, avant de tourner la tête vers celle qui l'accompagnait. Janeel, je n'ai pas besoin de toi pour ce combat. Poursuis ton chemin, je te rattraperai.

La jeune femme masquée hocha la tête silencieusement et s'en fut, empruntant l'un des couloirs qui partaient de la salle. Lyath parut vouloir la retenir, mais y renonça aussitôt, réalisant qu'il se retrouverait dépassé face à deux adversaires réunis.

- Fort bien, dit finalement le Général de Poséidon en joignant les mains et en intensifiant son cosmos. Le moment est venu de te montrer une certaine technique que j'avais conservé jusqu'ici. Nous allons voir si ta précieuse armure d'or sera à la hauteur !

***

Erèbe et Arathorn étaient parvenus au pied d'un très large escalier qui semblait mener au cœur même du temple gigantesque.

- Il y a de fortes chances pour qu'au moins un Général nous attende au sommet, observa Arathorn d'un air songeur. D'un autre côté, c'est sans doute le meilleur chemin.
- Je ne sais pas, répondit Erèbe, exprimant finalement les doutes qui le rongeaient. Il me semble que, depuis que nous sommes arrivés, nous faisons exactement ce que les Généraux attendent de nous. Et je ne crois pas qu'ils aient la moindre intention de nous laisser nous emparer de leurs réserves d'orichalque. Leur seule idée est de nous affronter et de nous tuer.
- Ce n'est pas faux, admit Arathorn. Je reconnais que les Généraux sont plus préparés à notre offensive que nous ne nous y étions attendus. Mais il ne tient qu'à nous de retourner la situation à notre avantage. Ils vont être trop sûrs d'eux et donc vulnérables. De plus, nous sommes en avantage numérique. Nous pouvons nous permettre de diviser nos forces pour affronter les Généraux tout en recherchant cet orichalque.
Erèbe hocha la tête avec un peu de réluctance et, ensemble, ils entamèrent l'ascension de l'escalier. Les marches étaient particulièrement hautes, comme si elles avaient été prévues pour des êtres plus grands que les humains normaux. La pierre dont elles étaient constituées était d'un blanc aux reflets dorés. De larges colonnes se trouvaient de part et d'autre, soutenant le plafond élevé.

Parvenus au sommet, en dépit de leur force surhumaine, les deux chevaliers se sentaient quelque peu à bout de souffle. Mais ce n'était guère le moment de faire des pauses. Comme ils s'y étaient attendus, l'un des Généraux des Mers les attendait là, les bras croisés.

- Je me souviens… d'avoir déjà rencontré celui-ci quelque part, observa Arathorn, qui haletait légèrement. Il me semble que c'est à cause de moi… qu'il n'a plus de casque.

Le Général des Mers décroisa les bras et fit un pas en avant, l'air irrité.

- Je suis le général Velinar de l'Hippocampe, lança-t-il d'une voix sèche. Quant à vous, vous avez pénétré dans le temple de notre seigneur Poséidon dans l'intention de le piller. Je vais vous exterminer de mes propres mains.
- Courageuses paroles, pour quelqu'un qui s'est enfui après quelques instants de combat seulement, observa Arathorn en haussant un sourcil.
- J'avais reçu des ordres, répondit Velinar avec hauteur. Nous allons bien voir quel sera le résultat de notre combat cette fois-ci. Tu t'es trouvé une armure depuis la dernière fois, mais il semble que tu aies perdu ta petite épée.
- Aurais-tu eu le courage de m'affronter si cela n'avait pas été le cas, ironisa Arathorn en se mettant en garde ?

La rage empourpra le visage du Général des Mers qui emplit ses poumons en l'espace d'un instant avant de relâcher son attaque dévastatrice.

- God Breath !

Le souffle divin sortit des lèvres de Velinar en un tourbillon dévastateur. Mais Arathorn - contre qui était dirigé l'attaque - avait déjà eu l'occasion de l'entrevoir une fois et il était déjà parvenu à l'éviter. Cette fois-ci, il ne lui fallut qu'une fraction de seconde pour se déplacer sur le côté, esquivant toute la force de l'offensive. Pendant ce temps, Erèbe était à son tour entré en action.

- Par la Foudre des Gémeaux !

Velinar dût interrompre sa propre attaque pour bloquer celle qui arrivait, ce qu'il fit sans grande difficulté.

- Tu n'imaginais pas un seul instant que cela suffirait à…

Le Général des Mers s'interrompit brusquement. Erèbe n'était pas resté pour l'écouter. Au contraire, il était parti en courant dans le couloir le plus proche du sommet de l'escalier.

- Maudit chevalier d'Athéna ! Je vais…

Arathorn vit Velinar lui tourner le dos et concentrer son cosmos, sans doute pour déclencher une attaque qui frapperait Erèbe dans le dos. Ce n'était pas une occasion qu'il devait laisser passer. Agissant avec toute la rapidité qu'il s'était découvert, il se jeta sur le Général des Mers.

Au moment même où il allait l'atteindre, il le vit se retourner, vit son sourire. Et il réalisa qu'il avait un peu sous-estimé le Général de l'Hippocampe au moment même où celui-ci déclenchait son attaque.

- Rising Bellows !

***

Naia avait finit par cesser de parler et l'expression de son visage était confuse, un peu comme celle d'une personne en train d'émerger finalement d'un très profond sommeil. D'ici quelques instants, Nyx avait conscience qu'elle allait probablement échapper à son contrôle. Mais cela n'avait pas une grande importance. Même si la sirène retrouvait ses moyens, elle ne serait pas une menace pour elle.

Nyx réfléchit à ce que son adversaire lui avait involontairement appris. Les Généraux de Poséidon étaient bel et bien préparés à leur venue. Naia n'avait pas su lui dire exactement où ils s'étaient placés, mais il semblait qu'ils se soient dispersés de façon à pouvoir intercepter tout intrus provenant de l'entrée principale.

Plus intéressant, la sirène avait révélé l'existence et l'emplacement de plusieurs entrées secondaires, toutes dissimulées. Elle ignorait toutefois si celles-ci étaient gardées. Même si c'était le cas, raisonna Nyx, ce serait sans doute par de simples gardes et non par des Généraux.

Si elle parvenait à s'introduire dans le temple de façon à ne pas être remarquée, elle serait en mesure de surprendre les Généraux, peut-être même de découvrir où se trouvait ce fameux orichalque.

Un léger bruit échappa aux lèvres de Naia et Nyx se retourna vers elle. Le plus sûr était de la tuer. Son frère n'approuverait pas qu'elle achève un ennemi à sa merci, mais il ne pourrait pas le savoir, après tout.

Nyx leva une main, puis hésita. Cela ne faisait tout de même pas très glorieux pour sa première victoire. Après tout, elle aurait certainement d'autres occasions.

Renonçant à ses intentions meurtrières, Nyx se contenta d'assommer son adversaire d'un coup violent avant de se mettre finalement à courir en direction du temple.

***

- Big Tornado !

Sauron ne bougea pas, confiant en la protection de son armure, choisissant d'analyser l'attaque qui venait plutôt que de chercher à l'esquiver.

Le tourbillon de force déferla sur lui comme une lame irrésistible. Au dernier instant, il croisa les bras devant lui pour se protéger. Mais ce ne fut pas suffisant. L'impact le balaya, le projetant violemment en arrière. Sauron alla heurter brutalement le mur à l'autre extrémité de la pièce.

- Et bien, lança Lyath, qu'en penses-tu ? C'est mon arcane ultime. Pas de technique élaborée, rien que de la puissance brute. Je ne l'utilise pas souvent, mais, comme tu vois, elle n'en est pas moins efficace.

Sauron se redressa, non sans une certaine difficulté. L'attaque avait véritablement été très puissante. De minces fissures, à peine visibles pour un humain normal, striaient à présent le plastron de son armure d'or. Celle-ci était encore très loin de devoir se briser, cependant. Plus ennuyeux : bien qu'il ait eu l'occasion d'observer le déroulement de l'attaque, il n'avait pas trouvé de façon simple de l'esquiver. Ce qui laissait l'affrontement brutal.

Sauron intensifia son cosmos. Face à lui, Lyath joignit de nouveau les mains, puis leva les bras, relâchant toute la violence de son attaque.

- Big Tornado !
- Lightning Plasma !

Les deux attaques se percutèrent de plein fouet, avec une violence qui fissura le sol au niveau de leur point de rencontre. Les deux adversaires faillirent être projetés en arrière par l'impact, mais ils tinrent bon malgré tout.

- Qu'est-ce que tu essayes de faire, lança Lyath, qui luttait pour maintenir le flux d'énergie partant de ses mains ?
- Plutôt que de chercher à éviter ton attaque, je la contre avec la mienne propre, qui est tout aussi puissante, répondit Sauron. Ce qui signifie que le premier de nous deux qui faiblira recevra de plein fouet le choc des deux attaques.

Les yeux de Lyath s'écarquillèrent. De fait, une sphère d'énergie destructrice était en train de se former entre eux, grandissant lentement. La tension était en train de devenir extrême et il était déjà difficile de continuer à projeter son attaque. Pourtant, il ne pouvait pas se permettre de s'arrêter.
Jetant un coup d'œil à Sauron, Lyath vit qu'il était tout entier concentré sur ce duel de puissance. Il n'avait pas le choix. Il devait en faire autant.

Et espérer qu'il était vraiment le plus fort, comme il l'avait cru.

***

Arathorn se releva péniblement, un goût de sang dans la bouche. Il gisait au milieu de l'escalier, écroulé sur les marches. L'attaque de Velinar l'avait percuté de plein fouet, alors qu'ils avaient été à moins d'un mètre l'un de l'autre. Sans son armure d'or, il aurait été pulvérisé. Même avec elle, il ne se sentait pas exactement en bon état. Il pouvait se remettre sur ses jambes, cependant.

Velinar était en train de descendre vers lui calmement. Son expression disait assez qu'il considérait le combat comme déjà remporté. Arathorn se retint de sourire. Il avait certes commis une erreur grossière, mais c'était le moment d'en tirer parti. Son adversaire le croyait pratiquement désarmé, privé de son épée.

Arathorn laissa tout son pouvoir filtrer dans son bras droit, donnant à celui-ci toute la force et le tranchant qu'avait eu Excalibur. Il n'avait pas eu l'occasion d'expérimenter cette technique avant leur départ pour Atlantis. Il allait découvrir ce dont elle était capable en même temps que son adversaire.

Velinar descendit encore une marche. Il n'était plus qu'à quelques mètres, à présent. Encore un instant, songea Arathorn. Il ne devait pas lui laisser l'occasion d'esquiver. Encore un instant. Encore un instant.

Maintenant !

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Cette fiction est copyright Emmanuel Axelrad et Romain Baudry.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.