Introduction


Juillet 1976

Marine marchait le long d'un sentier poussiéreux serpentant, gravissant un mont sans fin. Sa bouche emplit d'air aride lui faisait presque regretter le mal de mer dont elle avait souffert durant toute la traversée. Combien de temps le voyage avait-il duré ? Sa perception du monde extérieur était tellement brouillée qu'elle n'en avait aucune idée. Perdue et surtout désespérée, Marine était à deux doigts de craquer. Pourtant, une pensée lui permettait de garder foi en sa vie : elle se savait seule chance de survie de son petit frère Seiya. Tout ce qui lui restait à faire était d'accomplir ce pour quoi on l'avait envoyé dans ce pays hostile et de retourner au Japon le plus vite possible.

Une voix hurla quelque chose à la colonne d'enfants les exhortant à marcher comme des esclaves vers une destinée plus qu'incertaine.

Car Marine n'était pas seule. Non, elle était accompagnée d'au moins au vingtaine d'autres fillettes d'une dizaine d'années, certaines livides, d'autres éplorées.

Parfois, une fille tombait de fatigue. Un des hommes qui les guidaient la prenait dans ses bras et redescendait le chemin poussiéreux en courant. Il revenait peu après les bras vides devant les yeux anxieux de celles qui restaient. De nombreuses fois, Marine avait failli trébucher sur des pierres coupantes mais elle savait que si elle tombait, c'en serait fini des ses espoirs et qu'elle ne pourrait pas se relever.

Rester stoïque, silencieuse et concentrée était la seule attitude à tenir pour Marine : plus qu'une façon de se comporter, c'était devenu pour sa petit tête noyée de douleur et de sueur une règle de survie. La seule entorse à cette règle avait eu lieu lorsque sa voisine la plus proche (une fillette aux cheveux d'un blond si étrange qu'ils lançaient des reflets verts) avait failli tomber. Dans un réflexe, Marine l'avait saisit par le poignet et au risque de le lui briser l'avait remise debout. La fillette avait crié et s'était rebiffé en frappant Marine de sa main valide. L'ingratitude de la jeune fille qui s'était relevée n'intéressait pas Marine. Au moins, elle ne terminerait pas dans les bras d'un garde.

Ce ne fut qu'après de nombreux kilomètres de marche forcée que la colonne décimée de jeunes filles vit pointer à l'horizon des bâtisses. Vue de loin, elles étaient insignifiantes mais bientôt, elles se révélèrent dans toute leur splendeur : Des colonnades à perte de vue, des statues dorées et peintes de couleurs vives, des temples cyclopéens... Les fillettes défilaient devant chacun de ces bâtiments, sous les yeux de jeunes hommes aux regards sévères ou perplexes. La fille aux cheveux verts marmonna quelques mots que Marine ne comprit pas : ce devait être du français ou de l'italien.. ou encore de l'espagnol, elle s'en contrefichait.

La troupe quitta alors ce qui paraissait être un sanctuaire pour se diriger vers un camp isolé du reste des autres habitations. Celui-ci étant entouré d'une grande palissade, les fillettes durent attendre qu'une grande porte en bois sec s'ouvrit. C'était le moment que Marine attendait.

Malgré sa fatigue et toutes ses meurtrissures, Marine démarra subitement , évita la poigne d'un garde et courut dans une direction qui lui semblait être opposée au camp. Surpris et décontenancés par une telle vigueur, les gardes hurlèrent des mots que Marine ne comprit pas. Elle courait et ne s'inquiétait pas du reste, ni des conséquences de son acte, ni des ampoules qui se perçaient au contact des lanières de cuir de ses sandales, ni de la forme humaine qui se dressait devant elle.

Elle percuta donc quelqu'un. Marine rebondit en arrière et titubant, ne put voir que quelques bribes de son visage avant de sombrer dans l'inconscience.




Elle se réveilla au son d'une voix inconnue prononçant des mots incompréhensibles. Toutefois, la douceur de la voix lui inspirait confiance et elle ouvrit les yeux. La jeune fille aux cheveux verts se tenait à côté d'elle accroupie, lui portant de l'eau dans une écuelle à la bouche. Marine but difficilement tant son corps était douloureux. Elle découvrit de nouvelles courbatures mais sentit également des hématomes résultant sûrement de la fureur des gardes après qu'ils l'aient rejointe... Elle se souvint tout à coup : qui s'était ainsi dressé sur son chemin pour la stopper aussi net ?

Elle essaya de se soulever sur les coudes mais ses bras refusèrent de la porter et elle chuta lourdement sous des mots désapprobateurs de la fille. Marine tourna la tête vers elle, lui adressa un sourire et s'enquit d'une interrogation futile : de quel pays venait-elle ?

Elle prononça alors :"Nippon". La fille aux cheveux verts, la Verte comme l'avait surnommée Marine, fut surprise. Elle sourit à son tour et exprima sa surprise en désignant ostensiblement les cheveux roux de Marine. C'est vrai qu'il y avait de qui être surpris pensa-t-elle.

La surprise passée, la "Verte" prononça à son tour un mot : "Italia".

Ce fut au tour de Marine de laissait échapper un sifflement étouffé. La "Verte" venait d'Europe ! De si loin ? Quel long voyage elle avait du faire ! Idiote, pensa Marine, je ne sais même pas où nous sommes !

Elle désigna alors le sol de son doigt et le reste de la pièce sombre où elles se trouvaient en affectant un air perdu et interrogateur. La "Verte" répondit d'un air triste et après un soupir : "Hellas".

"Hellas" ? Marine se creusa les méninges. Quel pouvait-être ce pays. Repassant mentalement ses cours de géographie à l'orphelinat, Marine pensa subitement à Seiya. Où était-il ? Se portait-il bien ? Son ventre se serra à la pensée de son petit frère adoré, pleurant alors qu'elle-même était emportée par des hommes qui ne semblaient pas vouloir transiger, ni discuter.

Puis un nouveau choc la secoua. Elle se souvenait maintenant : Hellas était le nom en grec de la Grèce ! Ils l'avaient emmenés si loin de Seiya ! Comment allait-elle rejoindre son pauvre petit frère ?

La surprise et le désespoir s'emparèrent de son esprit et, peut être avec un certain soulagement, l'esprit de Marine quitta à nouveau son corps.

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Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.