Chapitre 2 : Quetzalcoatl


Résumé de la chronologie de St Seiya Next Generation
1986-87 : Batailles de Seiya et ses compagnons
1989 : Bataille de l'Olympe
1990 mai : Hilda de Polaris confie Balmung à Athéna

2010 : 23-25/07 : Rencontre de Kotori Kido avec Arkhan et Eric. Combat contre Karen du Phénix.
27/07 : Arrivée de Rody le Jaguar au Japon. Le soir même, il affronte Arkhan.



"Green Queen !" Arkhan déchira l'air devant lui de ses deux bras, formant une croix mortelle, mais Rody esquiva le coup en bondissant au dessus de lui. Arkhan, entraîné par son élan, ne put que le regarder s'envoler et une fois à l'apogée de son saut, fondre sur lui.

"Les Crocs du Jaguar" tonna le guerrier en plantant profondément ses griffes dans l'épaule d'Arkhan, qui croyait pourtant avoir évité le coup. Le guerrier de la Mante s'arracha de la prise de son adversaire et recula prudemment de quelques mètres.

"Tu es très fort" fit-il, plaquant sa main gauche sur son épaule blessée, sentant le sang poisser entre ses doigts.
"Toi aussi. Mais moins que moi, désormais." Rody sentait la victoire proche. Avec le bras droit blessé, Arkhan n'était plus aussi dangereux. "Prêt pour la suite ?"

Arkhan se mit en garde, mais grimaça de douleur. Rody fonça à toute allure vers lui, ses ongles devenant à nouveau des griffes. Soudain il réalisa que Arkhan l'attendait sans bouger, sa main gauche repliée en angle droit par rapport à son bras, les doigts joints. Il vit les ongles d'Arkhan s'allonger démesurément, jusqu'à former une véritable faux, presque aussi longue que son avant-bras. Arkhan leva le bras au dessus de sa tête et attendit. Quand Rody serait sur lui pour le frapper, Arkhan aurait l'allonge et la vitesse suffisante pour le décapiter d'un coup. Il jouait sa vie à pile ou face. Rody accéléra son allure, il devait être plus rapide que son adversaire et l'abattre sur place.

Brusquement, une éclatante lumière blanche apparut non loin d'eux. Mais Rody, entraîné par le Jaguar, n'y prêta pas attention et fondit sur Arkhan, qui regardait la provenance de la lumière, l'air interdit. Cette baisse d'attention lui serait fatale.

Rody était sur lui, et se préparait à frapper, mais fut soudain stoppé net dans son élan, comme si une gigantesque main invisible l'avait saisi. Il fit un effort, tenta de bouger, mais il était totalement paralysé. Arkhan sortit alors de sa stupeur, et voyant la proximité de Rody, voulut frapper mais ne put point, immobilisé lui aussi par la mystérieuse force.

Les deux adversaires dirigèrent leur regard vers la lumière, découvrant une forme en son sein, une forme qui semblait être l'origine de la clarté, ainsi que de la force qui les maintenait. C'était une jeune fille, et elle tenait une épée à la main.

Rody et Arkhan tombèrent soudain au sol, comme privés de leurs forces. Ils ne purent que regarder la jeune fille approcher, nimbée de lumière, son épée, qu'elle tenait verticale devant elle, brillant elle aussi. Rody examina la lame, c'était une épée longue de quatre pieds, à double tranchant, et dont la garde simple n'exhibait qu'une unique pierre précieuse enchâssée en son centre. Toute l'épée était d'un gris bleu métallique et rayonnait d'une lueur de couleur semblable. Cette arme correspondait en tout point à la description du Voyant, et Rody en était maintenant certain, c'était là l'épée légendaire d'Odin, la fabuleuse Balmung. Mais qui était donc la jeune fille qui arborait cet antique artefact ?

"Ko... Kotori ?" balbutia Arkhan à côté de lui. Rody comprit qu'il s'agissait là de Kotori Kido mais pourquoi la jeune fille avait-elle un si grand pouvoir ? Elle était supposée n'être qu'une jeune fille inoffensive !
"Oui, Arkhan. Désolée de te l'avoir caché, mais c'était nécessaire. Tu dois arrêter ce combat, maintenant. Ce jeune homme n'est pas ton ennemi."

Rody se demandait pourquoi la jeune fille disait cela. Apres tout, il était venu pour récupérer Balmung, et pour cela était prêt à lutter contre quiconque tenterait de l'en empêcher. Même une jeune fille.

Arkhan fut soudain libéré de la mystérieuse force et put bouger. Délaissant son adversaire, il s'approcha de Kotori et s'adressa à elle, l'air grave.
"Mais qui êtes vous donc, par le Bouddha ? Et quelle est cette épée ?"

Kotori n'eut pas le temps de répondre.

"Cette épée est nommée Balmung, et Mlle Kido n'est qu'une voleuse !"

La voix d'Eric était chargée de fureur. Le guerrier d'Asgard s'approcha, revêtu de son armure, les yeux brillants de colère. Derrière lui venaient Anton, Krell, et Kassim, qui le regardaient anxieusement, se demandant s'il n'allait pas bondir sur la jeune fille.

"Non !" s'exclama Kotori, sur la défensive. "Je n'ai jamais volé cette épée. Elle appartient à Asgard de droit, je le sais, mais j'ai toujours eu cette épée en ma possession depuis ma naissance. C'est un héritage de mon père, qui l'avait reçu des mains de la prêtresse d'Odin, Hilda de Polaris."

"Ma mère n'aurait jamais donné à qui que ce soit l'objet le plus sacré d'Asgard, l'épée d'Odin !" gronda Eric, s'avançant toujours.
"Ta mère ?" Kotori fut si surprise qu'elle faillit en lâcher Balmung. "Tu es le fils de Hilda ?"

Kotori eut à peine le temps de voir une ombre fondre sur elle que déjà Rody empoignait l'épée. La jeune fille, dans son étonnement, avait oublié sa présence et ne maintenait plus le Jaguar prisonnier. Mais à l'instant où ses doigts touchèrent l'arme sacrée, une violente décharge électrique enveloppa Balmung, et Rody fut projeté à près de dix mètres de là, et s'écrasa au sol en hurlant, le corps agité de convulsions frénétiques. Eric, stupéfait, regardait Kotori qui tenait toujours l'épée, ne semblant avoir ressenti aucune agression de l'arme.

"Mais... mais alors..." Eric balbutiait, tant la surprise était grande. "... l'épée vous accepte ??"



28 juillet, 11h30, Japon

Rody ouvrit difficilement les yeux. Tout son corps lui semblait lourd, comme s'il était fait de plomb, il ne se sentait même pas la force de lever un doigt. Le plafond au dessus de lui était lambrissé, et le lit dans lequel il était étendu, confortable. Mais il n'en savait pas plus.

Il retrouva lentement sa vivacité d'esprit, et les souvenirs de la veille affluèrent. Il avait combattu, avait failli récupérer Balmung, et ensuite ? Rody fronça les sourcils. Oui, cela revenait. Le choc, la douleur dans tous ses muscles, dans tous ses nerfs. L'épée s'était défendue contre lui, à moins que ce ne fut la jeune fille ?

Rody tourna la tête vers la lumière qui venait de son coté gauche. Une grande fenêtre était la source lumineuse, le jour entrant dans la chambre par les carreaux, malgré un mince rideau presque translucide. Une forme se tenait près de la fenêtre. Un garçon, assis à califourchon sur une chaise, ses bras posés sur le dossier, et son visage couché sur cet oreiller improvisé. Il dormait, épuisé sans doute de l'avoir veillé. Son épaule était bandée, elle devait encore le faire souffrir, mais Arkhan avait dû passer la nuit ou une grande partie de la matinée là, à veiller sur son sommeil. Pourquoi ?

Rody retrouvait sa mobilité, son corps répondait mieux. Il fit un effort et se redressa, grimaçant lorsque son dos lui lança des signaux de douleur. Il ne fut pas assez silencieux, et Arkhan s'éveilla doucement. Il le regarda, l'air encore endormi, mais retrouva très vite une expression plus éveillée. Malgré tout, son visage n'exprimait aucune colère ni méfiance.

"Enfin réveillé ? Plus vite que moi, en tout cas."
"Tu... Tu as passé la nuit là ?"
"Oui. J'étais plutôt inquiet. Hier soir, tu as pris une sacrée châtaigne."
"Je ne comprends pas. Nous nous sommes battus, nous allions nous entre-tuer, et tu as tenu à veiller sur moi ?"
"Ce n'est pas complètement désintéressé. J'espère bien que tu vas répondre à quelques unes de mes questions."

Rody fronça les sourcils.

"Et si je refuse ?"
"Tu pourras partir. Mais je crois que nous avons tous deux intérêt à mettre en commun nos informations. Par exemple, pour commencer, j'ignorais jusqu'à hier soir que Kotori possédait un pouvoir divin."
"Tu ne savais pas qu'elle avait Balmung ?"
"Non. J'ignorais même que cette arme existait. Et que tu la convoitais. Je croyais que tu en voulais à la vie de Kotori."
"Tu voudrais peut être que je te dises pourquoi je voulais prendre Balmung ? N'y compte pas."
"A ta guise. Mais ca doit être foutrement important pour que tu risques ta vie ainsi. Il n'empêche que nous avons tous deux été roulés, parce qu'on ne nous avait pas tout dit."

Rody crut déceler une pointe d'amertume dans cette phrase.

Arkhan se leva, retourna la chaise, et s'installa plus confortablement. Il était dos à la fenêtre, et Rody distinguait seulement sa forme, maintenant qu'il avait ouvert les rideaux en grand. Le jeune mexicain se dit que c'était là plus une technique d'interrogatoire qu'une invitation à une franche discussion. Rody plissa les yeux, pour éviter d'être ébloui, mais rien n'y faisait.

"Rody, je ne te veux pas de mal, je crois que tu as été envoyé ici comme moi, pour exécuter une mission au dessus de tes forces. Mais je commence à en avoir assez de passer pour un imbécile, parce qu'on ne me dit pas tout. Je veux tirer cette histoire au clair, et pour cela j'ai besoin de tes connaissances."
"Et que vas-tu faire ? Employer la force, me torturer ? Je ne parlerai pas."
"Je ne suis pas un monstre. Mais je veux que tu me dises tout ce que tu sais."
Rody crut voir les yeux de Arkhan briller, bien qu'il soit en contre-jour. L'impression se précisa. Oui, les yeux de Arkhan luisaient d'une lueur surnaturelle, comme s'ils cherchaient à sonder son âme.

"Que... Que fais-tu ? Tu veux peut-être m'hypnotiser ?"
"C'est déjà fait. Tu ne peux plus détacher ton regard du mien."
"Je..." Rody commençait à avoir mal au crâne. Ce regard était si perçant... "Je... tu ne liras pas... mes pensées."
"Je n'en ai pas le pouvoir. Mais je peux te provoquer une migraine comme tu n'en as jamais connue. Savais-tu que la Mante Religieuse hypnotisait ainsi ses proies, avant de les dévorer vivantes ?"

Rody eut un petit rire nerveux.

"Je ne suis pas très comestible."
"La Mante peut rester ainsi des heures à fixer sa proie, jusqu'à ce qu'elle sente que la volonté de cette dernière est faible. Alors, elle peut frapper."
"Je ne faiblirai pas."
"Oh que si. Déjà, tu es incapable de bouger, et tes yeux pleurent, parce que tu n'arrives plus à cligner des paupières pour les humidifier. Bientôt tu auras l'impression qu'ils sont en feu. Ce sera insupportable."
"Et tu disais ne pas vouloir me torturer ?"
"Tu marques un point. Mais tant que je ne gagnerais pas au score, je continuerais."

Rody se tut, continuant de fixer les deux yeux luminescents, incapable de penser à autre chose. Il entendait le sang battre dans ses tempes, le sentait pulser dans ses yeux mêmes. Il lui semblait que ses globes oculaires enflaient, et allaient sortir de leurs orbites.

"Arkhan ! Ca suffit !"

Le regard de la Mante se détourna, et Rody put bouger, cligner des yeux. Il les ferma et les rouvrit frénétiquement, chaque clignement diminuant la douleur.

"Mais enfin, que fais-tu ?" Rody reconnut la voix de la jeune fille Kido.
"J'interroge Rody. Il me semble que je devrais aussi essayer sur toi, tu auras peut être quelque chose à me dire, cette fois." Rody décela de l'agressivité dans la voix. Arkhan était vraisemblablement en colère, même s'il se contrôlait.
"Je... Tu as raison, je ne t'avais pas tout dit. Mais j'avais mes propres raisons."
"Bien sur."
"Ce n'était pas la peine de le torturer comme ça. Tu pouvais lui demander gentiment !"

Rody sourit ironiquement. La jeune fille était sincère en plus.

"Pour quelqu'un qui m'a électrocuté hier soir, vous semblez vous inquiéter pour moi." Fit-il.
"Je suis désolée, je n'ai pas voulu cela. C'est mon épée qui a fait cela toute seule."
"VOTRE épée ? Il me semblait pourtant qu'elle appartenait à Odin. Etes vous cleptomane ?"
"De la part de quelqu'un qui a voulu me l'arracher des mains, et était prêt à tuer pour l'obtenir, je prends plutôt mal la remarque." fit-elle d'un ton froid. Rody ne répondit pas. Elle avait de la repartie.

"Arkhan, si j'avais su que c'était pour cela que tu voulais le veiller, je ne t'aurais pas autorisé à le faire."
"Autorisé ? Je n'ai pas d'ordre à recevoir de vous. Je restais pour découvrir pourquoi j'avais été envoyé dans un traquenard, mais il semblerait que je sois tombé dans un deuxième piège. Peut-être devrais-je revenir à ma première mission, et rentrer chez moi. Ce serait plus simple."
"Je vois. Je... Je suis désolée de t'avoir dissimulé certaines choses. J'aurais du jouer franc jeu. Peut être n'est il pas trop tard pour cela ?"
"Que voulez-vous dire ?"
"Retrouvons-nous à 15 heures dans le Salon. Nous remettrons tout au clair. Toi aussi, Rody. Tu nous dois quand même quelques explications."
"Je ne vous dois rien."
"Si. La vie."

Kotori sortit de la pièce. Arkhan la suivit des yeux jusqu'à ce qu'elle disparaisse. Rody ne disait rien, comprenant qu'elle avait dit vrai. Elle l'avait empêché de tuer Arkhan, la veille, mais avait aussi protégé sa vie en paralysant Arkhan à son tour. Rody effleura son tatouage, sur sa joue. Trahirait-il Quetzalcoatl en parlant avec elle ?



Nuit du 27 au 28 juillet, Sanctuaire d'Athéna.

Le Pope déposa son casque sur la table de nuit, se dévêtit, et entra dans son lit. Il repensa aux événements des jours précédents, la rencontre entre les envoyés des Sanctuaires et Kotori Kido. La mort de Karen du Phénix n'était pas prévue, ni le comportement de plusieurs chevaliers. Comment allait évoluer cette situation ? On lui avait déjà rapporté la rage terrible dans laquelle Ikki était tombé en apprenant la nouvelle. Qui pourrait prédire ses mouvements maintenant ? Le Pope secoua la tête, se forçant à penser à autre chose. Seul le temps apporterait ses réponses.

Il centra ses pensées sur Kotori et Athéna. Les deux femmes étaient si semblables. Kotori ressemblait à celle qu'était Saori un quart de siècle plus tôt : une jeune déesse luttant seule pour sa survie, entourée de quelques amis. Mais la situation était fort différente, même si la similitude était frappante.

Ce qui étonnait le Pope, c'était la puissance incommensurable que ces deux frêles jeunes filles possédaient. Leur éveil à la nature profonde de l'univers faisait d'elles des êtres largement supérieurs aux humains en cela qu'elles pouvaient échapper aux cercles incontrôlables de l'existence. Capables de se réincarner pratiquement à volonté, elles ne mourraient jamais vraiment.

Mais tous les dieux étaient ainsi faits. Zeus, Poséidon, Hadès, Abel, et même Seiya et ses amis, qui avaient eux aussi atteint ce qui se trouve au delà du 8e sens, n'étaient plus désormais les humains qu'ils furent à un moment ou un autre. L'immortalité était un rêve de l'homme mais seuls les dieux pouvaient la posséder.

Mais à quel prix... Athéna lui avait expliqué que dans ses premières incarnations, elle avait eu du mal à développer l'énergie suffisante pour rester une divinité. Car lutter contre le flot de la nature, se jouer ainsi des règles éternelles de la vie et de la mort a un prix : celui qui s'éveille à l'Univers, au Big Will, ne peut le faire sans dépenser une quantité d'énergie incroyable, et ce en permanence, comme le ferait un nageur qui voudrait remonter un fleuve à contre-courant. Athéna avait pu se réincarner après sa première existence car Zeus lui-même avait utilisé son pouvoir pour cela. C'était le privilège des dieux puissants que de pouvoir se maintenir hors du flot de la nature et d'aider d'autres divinités naissantes à faire de même. Athéna avait gagné son indépendance, et aujourd'hui elle faisait envers les nouveaux Chevaliers Divins ce que Zeus avait fait pour elle. Elle leur donnait l'énergie suffisante pour remonter ce courant naturel, pour rester éveillés au Big Will. Lorsque ces nouveaux dieux auraient atteint la force suffisante, ils n'auraient plus besoin d'Athéna et pourraient la rejoindre au Panthéon.

Mais pour l'instant, comme Kotori, ils avaient besoin d'un palliatif. Athéna leur offrait cette ressource, mais la jeune fille se débrouillait autrement. Balmung, la terrible épée d'Odin, était ce palliatif. Odin, en ces temps reculés de la mythologie, avait forgé cette épée afin qu'elle contienne assez de pouvoir pour le maintenir éveillé, lui le maître d'Asgard. Puis il n'avait plus eu besoin de cet artefact et Balmung était devenue une arme légendaire, mais dont la fonction principale avait été oubliée. Aujourd'hui, Kotori Kido s'en servait à nouveau pour conserver son statut de déesse, mais un tel pouvoir n'était-il pas dangereux entre les mains d'une jeune fille si inexpérimentée ? Certes son père devait l'avoir bien éduquée, mais le risque était toujours là. Et Némésis ne devait à aucun prix entrer en possession de l'épée, aussi fallait-il prendre toutes les précautions.

Le Pope sourit. Bien sûr, toutes les précautions étaient déjà prises. Tokumaru Tatsumi était en place auprès d'elle, c'était un exécutant sûr des ordres d'Athéna. Et en cas d'échec, un deuxième espion était en place, veillant à transmettre toutes les données aux chevaliers d'Athéna. La situation était déjà sous contrôle, il ne restait plus qu'à mener le plan jusqu'au bout. Si aucun imprévu ne venait le troubler, alors Athéna pourrait réussir là où les dieux avaient échoué des éons plus tôt. La destruction de Némésis était un objectif assez important pour s'autoriser quelques sacrifices.

Le Pope ferma les yeux. Cette nuit encore, la déesse noire viendrait hanter ses rêves, mais cette fois, le plan était engagé, et la victoire à portée de main. Cette certitude l'aida à dormir.



28 juillet, 15 heures, Manoir Kido.

"Bien, mes amis, il est temps de jouer cartes sur table." dit Kotori, une fois tout le monde installé dans le salon.

"Pas trop tôt.." grommela Eric. Kotori le foudroya du regard.

"C'est vrai, je vous ai dissimulé des informations, mais c'était nécessaire. Je vais vous raconter toute la vérité.

Mon nom est bien Kotori Kido, car je suis la fille de l'un des héritiers de la famille Kido. Le dernier héritier connu, car tous les descendants de Mitsumasa Kido ont disparu des archives. Le Sanctuaire d'Athéna est resté sourd à toutes mes demandes de renseignements sur ma famille. Je ne sais qu'une chose, mon père était chevalier. Tatsumi m'a appris qu'il était chevalier d'or, le plus haut rang de l'ordre, lorsqu'il a disparu. Pourquoi et comment un homme aussi fort a pu disparaître sans explications, cela fait partie des choses que je veux découvrir.

Qui est ma mère ? Est-elle en vie ? Voila des questions que je me pose encore. Mon père m'avait toujours dit qu'elle était décédée, mais je sais depuis toujours que c'est faux. J'ai cette impression en moi qu'elle vit encore, quelque part sur cette planète.

Cette impression, je la dois à ma nature. Je suis comme vous l'avez deviné, une divinité. Mais contrairement à Poséidon, Bouddha, Athéna ou Quetzalcoatl, je ne possède pas encore assez de pouvoir pour rester éveillée à l'Univers seule. Pour cette dépense d'énergie, j'ai besoin d'un artefact. Quand je suis entrée en possession de Balmung, j'ai vu en cette épée l'objet qui me permettrait de me maintenir dans ce monde. Son pouvoir est gigantesque, bien suffisant pour mes propres besoins.

Odin n'en a pas besoin pour le moment. Il est un dieu accompli, qui peut éventuellement compter sur l'énergie spirituelle des prières de ses fidèles en cas de besoin, même s'il n'a pas besoin de cela. C'est pourquoi je me permets de conserver Balmung, qui semble d'ailleurs accepter ma présence. Je la rendrai à son légitime propriétaire lorsque je n'en aurais plus besoin."

Eric acquiesça gravement, en silence. Kotori était sincère, il pouvait la croire, maintenant, et l'assurance que le trésor d'Asgard reviendrait en son pays lui suffisait. Kotori et lui avaient eu un entretien privé déjà dans la matinée, et elle lui avait promis de rendre l'épée à Hilda lorsqu'elle n'en aurait plus l'utilité. Kotori avait proposé à Eric de contacter Asgard pour signaler à la prêtresse la présence de Balmung au Japon, mais Eric n'avait pas jugé cela nécessaire, et de plus il hésitait toujours à rentrer en son pays. Désormais, sa tâche serait autant de veiller sur la jeune fille que sur son épée sacrée.

Kotori poursuivit. "Peut être est-ce à cause de cette épée que vous êtes tous ici. Rody, tu es venu pour la voler, Eric, tu étais peut être chargé de la récupérer, après t'être rendu compte de sa présence ici, quant aux autres, leur mission était peut-être liée autant à la protection de ma personne qu'à celle de l'épée, ou au contraire, à mon élimination pour m'empêcher de l'utiliser.

Ceci m'amène à poser une question. Rody, tu es le seul ici qui est venu expressément pour Balmung. Je ne peux me séparer longtemps de l'épée, au risque de dépérir, mais peut-être puis-je t'aider d'une autre manière. Je voudrais savoir ce qui t'amène ici."

Rody hésita quelques instants. Sa mission aurait dû rester secrète, mais maintenant qu'il était prisonnier ici, il n'avait plus rien à perdre. Si Kido était désireuse de l'aider, il devait tenter cette chance.

"J'ai été envoyé ici pour récupérer l'épée, afin de l'amener à mon maître Viracocha, réincarnation de Quetzalcoatl, le serpent ailé. Le Voyant nous a prévenu que bientôt des ennemis nous attaqueraient, venus d'au delà des mers. Tout porte à croire, d'après les rêves du Voyant, qu'il s'agisse d'ennemis vivant en Afrique, et qu'ils seraient puissants. Or Viracocha est un enfant de huit ans, il n'est pas encore capable de se défendre seul, et notre armée n'est pas très puissante. Seuls trois d'entre nous - et nous sommes neuf - sont capables d'atteindre la Grande Fusion, c'est à dire l'union parfaite avec notre animal totem. C'est cette union de l'homme et de la bête qui détermine notre force. Or le Voyant a vu que nos ennemis seraient tous extrêmement puissants. Sans Balmung, Viracocha n'aura sans doute aucune chance de s'en sortir. C'est pourquoi je devais trouver et ramener l'épée."

"Mais pourquoi veulent-ils vous attaquer ?" Arkhan était perplexe.

"Quetzalcoatl est le Serpent Ailé, le fils du Soleil. Mais notre ennemi tire aussi sa force du soleil, aussi doit-il penser que Quetzalcoatl sera une menace pour son propre pouvoir. Enfin, je pense..."

"Vous connaissez vos ennemis ?"

"Non. Seul le Voyant a vu des signes, notre Seigneur n'étant pas encore assez érudit pour les comprendre. Le Voyant a juste vu deux soleils luttant l'un contre l'autre, entourés de plusieurs formes, il a vu aussi au sein du petit soleil qu'un serpent se dressait. Pour lui il est clair que nous aurons le dessous dans cette guerre."

Kotori eut cette fois la voix plein de douceur. "Crois... Crois-tu que ton maître accepterait mon aide ?"

Il y eut un instant de silence, que Anton coupa sèchement.

"Pas question que vous alliez là-bas. Nous devons assurer votre protection, comment le pourrions-nous si vous vous jetez au milieu d'une bataille ?"

"Evidemment, je serais en danger, mais je ne peux me résoudre à laisser un enfant de huit ans, tout dieu qu'il soit, se faire tuer. Je ne peux lui laisser Balmung, mais je peux au moins l'épauler pour cette bataille."
"Et que ferez-vous là-bas ?" demanda Eric, "vous ne savez pas vous battre !"
"Je trouverais bien. Et puis, tu sembles oublier que je possède quelques dons."

Arkhan se leva, l'air agacé.
"Ca va, ça va, je vous accompagne. Si c'est vraiment ce que vous voulez, et si je veux tirer cette histoire au clair, je vous suis."

Kassim acquiesça lentement. "Nous devons tous y aller."

Rody se leva, embarrassé. "Mais ce n'est pas votre pays... ce n'est pas à vous de..."

Krell prit la parole - il n'avait rien dit depuis déjà quelques temps : "On se battra pas pour ton dieu, mais pour elle" fit-il en désignant Kotori. "C'est notre rôle."

Anton regarda son ami, les yeux écarquillés, puis prit l'air abattu de celui qui savait qu'ils étaient tous en train de faire une énorme bêtise.

Kotori insista. "Accepte, Rody. Emmène nous chez toi, afin que nous t'aidions. Ainsi tu auras réussi ta mission."

Rody hocha doucement la tête.



30 juillet, fin d'après midi.

Le petit avion se posa sur l'aéroport de Mexico, et les passagers furent accueillis par deux jeunes hommes, qui les attendaient au pied de l'avion. L'un d'eux était grand, son visage était dur, mais ses yeux brillaient quand il vit Rody. Celui-ci se précipita vers lui, joyeux, pour s'arrêter à un mètre, son expression figée sérieusement.

"Maître" dit-il "j'ai désobéi aux ordres. Je n'ai pu dérober Balmung, et ai abandonné dans cette entreprise. Mais la jeune fille qui détient cette épée nous propose son aide pour lutter contre nos ennemis. Elle est ici, avec ses guerriers."

L'homme sourit doucement, tandis que Kotori s'approchait. Il s'adressa à elle en anglais.
"Vous devez être Kotori Kido, n'est ce pas ?"
"En effet. Et vous devez être Yrugo, le Condor, le maître de Rody." répondit la jeune fille dans un espagnol impeccable.

Rody ouvrit des yeux comme des soucoupes. "Vous vous connaissez ?"
Kotori lui sourit franchement, amusée par sa surprise.
"J'ai pris la liberté de faire rechercher le sanctuaire de Quetzalcoatl par mes agents au Mexique, et j'ai réussi à attirer leur attention. Hier soir, Yrugo m'a téléphoné, et je lui ai parlé de notre venue. Je voulais m'assurer avant de venir ici que nous ne n'allions pas à l'encontre de la volonté de Quetzalcoatl."
"Mais pourquoi ne m'avoir rien dit ?"
"Tu étais toujours épuisé après tes blessures. Cela n'aurait rien changé que je te prévienne, tu étais mieux au repos."
Rody fut un peu vexé de sa mise à l'écart, et du ridicule de sa déclaration devant son propre maître.

Le deuxième homme intervint. C'était un homme plus trapu, aux membres courts et épais. Son visage était jovial, et comme Yrugo, il portait une tenue simple composée d'une chemise et de jeans. Tous deux arboraient, comme Rody, le serpent stylisé tatoué sur la joue.
"Bienvenue au Mexique. Je suis Paulo, le Scarabée. Je voudrais pas vous presser, mais nous avons un long chemin à faire en Jeep pour rejoindre le Temple." Il parlait anglais pour s'adresser à l'ensemble des guerriers.
"Ne serait-il pas plus rapide d'y aller en se déplaçant à la vitesse du son ?" risqua Anton.
"Tu sembles m'oublier, Anton" dit Kotori "je suis puissante, mais je ne sais pas courir aussi vite que vous."

Les deux guerriers mexicains se mirent au volant de deux Jeeps dans lesquelles les guerriers s'entassèrent, les caissons de leurs armures attachés sur le toit. Puis ils démarrèrent et se dirigèrent vers le coeur de la foret, antique et mystérieuse.

La région du Mexique vers laquelle ils se dirigeaient était encore assez sauvage, le relief ne se prêtant guère à l'urbanisation, et les ressources naturelles étant assez faibles pour dissuader les promoteurs et exploitants de s'intéresser à ce recoin du pays. Néanmoins, là aussi, la déforestation avait commencé depuis quelques années, et Rody vit avec un sombre regard un grand arbre abattu par une énorme machine. Il serra les poings. Kotori remarqua son geste.

"Vous êtes proches de la nature, dans votre sanctuaire, n'est ce pas ?"
"Oui. Chacun d'entre nous possède un animal totem, et tire sa force de l'animal sauvage représenté. Quetzalcoatl est évidemment le Serpent Ailé, mais d'autres plus ou moins puissants possèdent d'autres totems : insectes, fauves, reptiles ou oiseaux. Nous respectons nos totems, et toute la vie de la forêt. La force de la nature, c'est son équilibre, et eux - fit-il en désignant du menton les ouvriers qui continuaient leur labeur - détruisent cet équilibre, exterminent les animaux, la nature même. Ils ne se rendent même pas compte qu'en faisant ainsi, ils se condamnent eux-mêmes."
"Je comprends." Kotori eut un remords, pensant que la Fondation tirait profit d'activités qui puisaient aussi dans les ressources de la planète, comme l'exploitation pétrolifère. Mais n'était-ce pas le progrès qui provoquait ces activités destructrices, était-elle personnellement responsable ? Elle décida, pour se donner bonne conscience, de doubler le budget du département "environnement" en rentrant à Tokyo.

"Eh ! Kotori, vous ne regardez pas le spectacle ?" La voix d'Arkhan la tira de ses pensées. Regardant autour d'elle elle vit que les Jeeps s'étaient déjà profondément enfoncées dans la forêt, et découvrait que la route était devenue une piste à peine visible au milieu de la végétation luxuriante. Ils se dirigeaient maintenant vers le sanctuaire secret de Quetzalcoatl.

Kotori réprima un frisson, sentant que là-bas, elle affronterait le danger.



Lorsque la Jeep s'arrêta, Kotori ne put qu'admirer, muette, les ruines antiques qui composaient le temple du Dieu serpent. Autour d'une pyramide principale, haute de plusieurs dizaines de mètres, et bâtis dans le style si caractéristique des incas, se tenaient plusieurs petits temples et maisons, certaines reliées entre elles par des chemins pavés de pierre encadrés par des colonnes aux motifs géométriques. La plupart des temples était nue, malgré tout, les fresques ou les sculptures effacés par le temps. Kotori reporta son attention vers la pyramide, tentant vainement d'en évaluer les dimensions. C'était comme si l'architecture était spécialement étudiée afin de dérouter l'oeil, afin qu'un spectateur ne puisse juger de l'immensité ou de la petitesse des éléments qui constituaient le temple. En se concentrant, Kotori vit que la pyramide était plus basse qu'elle n'en avait l'air, mais que le temple qui se trouvait à son sommet était sans doute assez spacieux pour être habitable par un roi et sa cour.

Paulo et Yrugo conduisirent leurs invités jusqu'à l'entrée du temple, où Kotori souffla bruyamment.

"Seigneur ! que c'est haut !" dit-elle, n'osant se retourner vers la base de la pyramide.
"324 marches" dit froidement Arkhan, qui à l'exaspération de Kotori ne semblait pas le moins du monde essoufflé. "Ca représente 3 fois 108, est-ce voulu ?"
"Oui, 108 est le nombre de démons des profondeurs que Quetzalcoatl a combattu avec ses guerriers lors des guerres antiques. Et 3 est pour nous un nombre plein de significations." explique Yrugo.
"Je vois". Kotori regarda, étonnée, le visage si sérieux d'Arkhan. Il avait l'air concentré, comme attentif à toute information.

"Dites-moi, vous êtes surs que vous serez attaqués ici ? Je serais bien incapable de retrouver mon chemin seul, alors pour vous découvrir au coeur de la foret..." Anton regardait tout autour de lui en parlant, découvrant depuis le sommet de la pyramide l'immensité de verdure qui les entourait.
"Ils viendront, c'est sûr." dit Rody. Notre temple est bien caché, mais pas suffisamment..."

"Et ils seront attirés par l'aura de cette jeune fille" dit une autre voix.
Kotori et Anton se retournèrent en même temps pour découvrir un vieil homme, vêtu de tenues antiques, appuyé sur un bâton de bois sombre. L'homme avait le visage ridé et fripé comme un vieux parchemin, son corps malingre et noueux semblait prêt de s'effondrer à tout instant, et le grand âge l'avait tout ratatiné, mais on sentait en lui une force secrète, une énergie incroyable, qui soutenait ce corps décrépit. Ses yeux, mobiles au fond des orbites, brillaient d'une grande intelligence, reflétant la connaissance qui ne peut venir que de l'expérience d'une vie bien remplie. Mais son regard contenait aussi une part de méfiance et de malignité.

"Notre Voyant, le sorcier et prophète de notre temple."
Eric eut un geste désinvolte à ces mots, signifiant son incrédulité pour la divination. Dans le temple du Valhalla, on pratiquait les offrandes à Odin pour qu'il accorde prospérité et protection à son peuple, mais les divinations n'avaient plus court depuis des siècles, et seule la grande Prêtresse était autorisée à interpréter les signes dans les étoiles. Lui-même n'avait jamais pu accompagner sa mère dans l'Alcôve, la partie du temple la plus secrète, où se tenait l'Autel d'Odin.
Kotori lança un regard noir vers le garçon, mais le vieil homme fut plus rapide qu'elle à répondre.

"Tu doutes de mes visions, n'est-ce pas, enfant du froid ?"
Eric fut piqué par ces mots, surtout le qualificatif "enfant".
"J'attends de voir une de vos prédictions se réaliser pour être convaincu. Permettez moi en attendant d'être sceptique."
Le vieil homme écarquilla les yeux soudain, tandis qu'il le fixait, et il s'approcha de lui, jusqu'à plonger son regard directement dans les yeux d'Eric, son visage près de celui du jeune homme. Eric voulut reculer mais une force invisible l'en empêchait.
"Oui... oui..." marmonna le vieillard "je sais maintenant qui tu es..." Puis s'éloignant d'Eric qui sentit la mobilité revenir dans ses membres, il ajouta "Je te souhaite la bienvenue, enfant du grand nord. Et que ton destin ici s'accomplisse, afin que ta noble lignée soit fière."
"Que... que voulez-vous dire ?" Eric paraissait moins rassuré.
"Tsss... pas maintenant, enfant, pas maintenant. Si je te révèles l'avenir, tu n'y croirais pas et le modifierais malgré toi. Garde mes paroles en tête, elles prendront leur sens en leur temps." Puis se tournant vers Kotori :
"Mais la jeune demoiselle que voici porte aussi un lourd fardeau. Vous êtes la lumière que j'ai vue près de notre soleil, n'est ce pas ? J'avais prévu votre venue. Hélas, le Soleil qui veut nous détruire viendra en suivant vos traces. Mais c'était inévitable."

"Vous voulez dire que vos ennemis vont venir ici par ma faute ? Mais alors je n'aurais pas dû..."
"C'était déjà écrit. Ne vous sentez pas coupable. De toutes façons, nos ennemis seraient venus, tôt ou tard. Votre présence ici les attirera plus tôt, c'est tout, mais votre aide nous sera précieuse. Mais ce n'est pas à moi de vous dire cela, mais à notre maître. Suivez-moi, je vous prie, Quetzalcoatl va vous recevoir."



Kotori acquiesça en silence et suivit le vieil homme qui s'engageait à l'intérieur du temple, suivie par tous les guerriers. Ils traversèrent une antichambre et une coursive longue de quelques dizaines de pas à peine, avant d'atteindre la salle du Trône.

"Avec un accès si rapide au Trône, il ne va pas être facile de défendre ce gamin" pensait Arkhan, analysant la topographie des lieux tout en marchant.

"Le gamin peut se défendre seul contre des ennemis de ton niveau." fit une voix infantile, en réponse à ses pensées, tandis que les portes s'ouvraient et qu'ils pénétraient dans la salle du Trône.

L'enfant qui avait parlé était assis sur le trône, deux guerriers en armure se tenaient près de lui, veillant à sa sécurité. Viracocha, réincarnation de Quetzalcoatl, était un enfant assez petit, ayant même l'air fragile, mais dont l'aura de puissance semblait pratiquement visible à l'oeil nu. Si son corps en plein croissance le démentait, l'esprit du Dieu antique était bel et bien totalement incarné dans ce corps juvénile. Le regard de Kotori croisa celui du garçon l'espace d'une seconde, et elle put immédiatement lire en lui l'Eveil qu'elle connaissait si bien. Oui, Quetzalcoatl était une divinité, un être aux grands pouvoirs, mais qui était obligé d'attendre son heure, enfermé dans le corps d'un enfant.

"Vous êtes Kotori Kido, n'est ce pas ?" fit l'enfant d'une voix un peu effrontée, en regardant la jeune fille. Celle-ci acquiesça gravement, rougissant légèrement lorsqu'il l'examina de la tête aux pieds, une lueur plus adulte brillant parfois au fond de ses yeux.

"Je vous souhaite la bienvenue, Mlle Kido. Et je vous remercie d'avoir accepté de nous aider. Ce sont vos guerriers n'est ce pas ?" fit-il, désignant Arkhan et les autres.

"Oui, et non, majesté" Kotori ne savait quel titre employer avec le gamin. "Ces guerriers me protègent par devoir ou par choix, mais ne m'ont nullement prêté serment de fidélité. Je n'ai pas de guerrier à mon service particulier."

Viracocha prit un air méfiant. "Mais êtes-vous sure de leur loyauté ?". Anton prit la mouche et s'avança d'un pas, élevant la voix.
"Nous défendrons Mlle Kido jusqu'à la mort ! C'est notre devoir sacré !"
"Anton, calme-toi, je te prie" fit sèchement Kotori. Anton hésita un instant, puis recula pour rejoindre le groupe, l'air penaud. "Laissez moi vous les présenter, majesté. Voici donc Anton, et son ami Krell, des Gémeaux. Puis Kassim, du Sagittaire. Tous trois sont au service d'Athéna. Voici ensuite Eric, Guerrier Divin d'Asgard, et Arkhan de la Mante, obéissant à Bouddha."

"Et qui doute de notre capacité à nous défendre, n'est ce pas ?" fit l'enfant, sa voix à nouveau pleine de raillerie.
"En effet, Majesté" fit Arkhan. "C'est d'ailleurs pour cela que nous sommes ici, n'est-ce pas ?"
"Tu n'as pas peur de me défier, c'est bien. J'aime les guerriers courageux. Laissez moi à mon tour vous présenter mes serviteurs. Vous connaissez déjà Rodrigo le Jaguar, son maître Yrugo le Condor et Paulo le Scarabée, ainsi que notre Voyant, qui n'est pas un guerrier. Voici aussi Ryan l'Araignée..." fit-il en désignant l'un des guerriers à cote du Trône.

L'homme en question était grand, blond, et il portait une armure noire et luisante aux formes symétriques. Son visage était impassible, n'exprimant aucune émotion, mais on pouvait sentir en lui le courage et l'abnégation qui font les grands guerriers. Ryan n'exprimait ni doute ni supériorité, mais nul doute qu'il était plus puissant qu'il ne paraissait. Ryan hocha la tête à leur intention, tandis que Viracocha poursuivait :

"... et aussi Isamu l'Iguane, un de vos compatriotes, Mlle." Isamu était un garçon qui devait avoir 20 ans, et moulé dans une armure verte écailleuse. Ses traits étaient bien japonais, et s'inclinant vers Kotori, il lui adressa la bienvenue dans sa langue maternelle. Kotori lui répondit poliment avant de se tourner à nouveau vers son hôte qui reprit la parole.

"Les quatre autres sont en mission à l'extérieur, ou gardent une autre partie du temple. Vous les rencontrerez ce soir. Le Voyant m'a dit que nos ennemis ne tarderaient plus maintenant que vous êtes là. Mais nous avons encore quelques jours devant nous. En attendant vous serez mes invités. Rody, je te charge de veiller à ce que nos invités soient correctement installés. Tu leur feras aussi visiter le temple."

"Je... Seigneur... ne craignez-vous pas..." commença Rody, qui manifestement voulait émettre une objection mais se refusait à la formuler devant Kotori.
"Ne crains rien. Je leur fais confiance, de plus s'ils doivent me protéger, autant qu'ils connaissent les lieux dans lesquels ils vont se battre."

"Je vous remercie de votre confiance, Majesté" fit Kotori en souriant, "nous saurons nous en montrer digne."

Sur ce, elle s'inclina, et fit demi-tour, suivant Rody qui les menait hors du temple.



30 juillet, Sanctuaire d'Athéna.

Le Pope entra dans le bureau, salua Athéna et Seiya, et s'assit à sa place.

"Pardonnez moi, Athéna, de mon retard, j'ai dû régler une petite affaire urgente."
"Ce n'est rien. Je vous ai demandé de venir, parce que Seiya a quelques informations intéressantes."

Le Chevalier Divin prit la parole. "Oui, Tatsumi vient de me faxer un rapport sur les derniers événements, et il concorde avec ceux de notre autre espion. Kotori et ses guerriers sont partis au Temple du Serpent Ailé. Et Kotori a emporté Balmung avec elle."
"Hum... C'est parfait." fit le Pope, après quelques instants de réflexion. "J'aurais eu plus de crainte si elle l'avait laissée sur place, mais tant qu'elle la garde avec elle, la menace d'un vol par Némésis est écartée."
"Pas complètement." fit Saori. "Némésis a bien réussi à posséder l'esprit de Zeus, le dieu le plus puissant de l'Olympe. Nous ne sommes jamais à l'abri avec elle."
"Mais elle semble inactive depuis quelques temps, il me semble. Mais peut-être prépare-t-elle un nouveau tour à sa façon."
"C'est pour cela que je tiens à envoyer quelques chevaliers surveiller le Temple de Quetzalcoatl. Ils nous informeront sur ce qui se passe là-bas et interviendront si nécessaire. Le groupe de Kengo est parfait pour cela, il me semble. Ils sont déjà au courant de nombreux détails, ils ne risquent pas de faire un faux pas."
"Je suis d'accord." approuva le Pope.
"Bien, alors c'est décidé." fit Seiya. "Je donne l'ordre à Kengo de rassembler ses amis et de partir sur le champ pour Mexico."
"Parfait.." dit le Pope en se levant. "Athéna, si vous le permettez..."
"Oui, bien sûr... Je vous vois tout à l'heure dans la Salle du Trône."

Le Pope prit congé, et ferma la porte derrière lui. Seiya resta un moment sans rien dire, puis se tourna vers Saori.

"Crois-tu vraiment que la surveillance de la bataille qui se prépare est nécessaire ?"
"Pas vraiment. Mais je tiens à prendre toutes les précautions, notre Pope est un peu anxieux, même s'il tente de le cacher !" fit-elle, le sourire aux lèvres.
Seiya sourit à son tour. "C'est vrai, il redoute toujours que notre plan échoue. Mais il faut y croire pour que ça marche."

Saori hocha la tête, et Seiya, s'inclinant, sortit à son tour.

Saori, seule, l'air un peu triste, s'entendit à peine murmurer "Sinon, quel avenir pour nos enfants... ?"



Apres avoir quitté le Dieu Serpent, Rody mena le petit groupe à des appartements, petits mais confortables, dans les maisons qui entouraient le temple principal. Seuls les guerriers seraient installés là, Kotori aurait droit à une chambre dans le palais, comme son rang l'autorisait. Mais en attendant que les serviteurs aient préparé sa chambre, elle préférait suivre le groupe que rester seule, bien qu'elle se maudit pour cela après avoir descendu les douzaines de marches du temple qu'il lui faudrait gravir à nouveau plus tard.

Le soleil ne se coucherait pas avant longtemps, pourtant des serviteurs se pressaient vers le grand temple, afin de préparer le repas. Deux hommes se séparèrent d'un groupe de servantes et vinrent rejoindre Rody, qu'ils saluèrent en espagnol. Rody, se retournant vers le groupe, les présenta. Le premier était un guerrier de grande taille, à la musculature développée. Son nom était Lanz, il était originaire d'Allemagne et son totem était l'ours. Son ami était un jeune homme du même âge que Eric et ses amis. Il se nommait Juan, c'était un garçon des bidonvilles qui avait trouvé sa voie parmi les serviteurs de Quetzalcoatl. Il était désormais le Toucan, et semblait très fier d'être devenu un guerrier.

Après que Arkhan et ses compagnons aient déposé leurs maigres bagages dans leurs chambres, Rody leur fit visiter les quelques petits temples entourant la pyramide, et dédiés à d'autres divinités subalternes. Kotori écoutait avec attention, mais Anton et Kassim semblaient se désintéresser complètement de cette visite. Mais leur attitude changea lorsque Rody, les ramenant vers la pyramide, et passant par une petite porte secrète située à sa base, les fit pénétrer au coeur du Temple. Ils franchirent quelques marches, éclairant leur route par des flambeaux, et entrèrent dans une petite salle.

Cette chapelle, située au centre exact de la pyramide, était malgré tout éclairée. Par un jeu de miroirs, la lumière solaire était captée de l'extérieur, et dirigée vers des panneaux qui la diffusaient à travers la pièce. L'air y était pur, car un autre système astucieux permettait de le renouveler, et si Rody n'avait pas dit à ses invités qu'ils se trouvaient à trente mètres sous le plafond du Temple, ils ne l'auraient jamais deviné. Les murs étaient peints de fresques parfaitement conservées, et les décorations, faites d'or pur et de pierres précieuses, ajoutaient à la somptuosité des lieux.

"Vous vous trouvez ici dans la Chambre des Prophéties, notre lieu le plus sacré. Notre Seigneur m'a ordonné de vous faire visiter cette partie du temple, c'est le signe qu'il a confiance en vous, car cet endroit doit rester secret. Il vous sera demandé de jurer ne jamais en parler une fois que vous quitterez ces lieux."

"A quoi sert cette chapelle ?" demanda Kassim, désormais curieux.
"C'est ici que notre Voyant sacrifie les animaux afin de faire les prophéties. Ne soyez pas horrifiée, Mlle..." fit-il en voyant la mine de Kotori, "ces sacrifices sont fort rares, la plupart du temps, le Voyant peut faire ses prédictions suivant ses propres rêves inspirés par les Dieux."
"Et cette porte, où mène-t-elle ?" demanda Arkhan, qui suivait les murs et était tombé sur une porte dissimulée.
"Au sommet du temple, dans une antichambre près de la Salle du Trône. En fait ce passage servait aussi de sortie de secours dans les anciens temps. Nous allons l'emprunter pour remonter dans le temple, je vais vous faire visiter encore quelques endroits intéressants puis Mlle Kido pourra rejoindre sa chambre et se délasser en attendant le dîner."

Une heure plus tard, le repas fut annoncé. Contrairement aux usages qui voulaient que Quetzalcoatl prenne ses repas sans témoin, le jeune Viracocha avait tenu à participer au repas entouré de ses guerriers, afin d'honorer la présence de Kotori. Rody présenta les deux derniers guerriers, Khal le Puma et Lise le Colibri. Khal était un garçon d'une vingtaine d'années, aux traits anguleux et sévères, qui accueillit les étrangers d'un air méfiant. Lise était la seule femme guerrier du temple, une belle amazonienne aux yeux clairs, mais à l'air indomptable. Elle était la compagne de Khal, et ce dernier lança des regards noirs vers Kassim quand celui-ci eut l'audace de détailler sa femme.

Le repas se déroula dans la bonne humeur, les servantes et les guerriers du Dieu Serpent riant lorsque leurs invités grimaçaient ou hésitaient à la présentation d'un plat au contenu suspect. Eric fut victime à plusieurs reprises de cette hilarité, mais la nourriture qu'on lui proposait était si différente de celle d'Asgard qu'il regardait tous les plats d'un air soupçonneux. Kotori dut même à plusieurs reprises lui faire comprendre d'un regard que son attitude irrespectueuse risquait de lui attirer des ennuis, aussi le jeune homme se forçait à manger du bout des lèvres quelques bouchées, accroissant par ses grimaces l'hilarité générale.

Lorsque le repas fut terminé, chacun rentra dans sa chambre, après une courte et sérieuse discussion sur le danger qui les menaçait. Kotori avait besoin de prendre un peu l'air, et elle s'attarda quelques minutes au bord de la pyramide, regardant la forêt qui s'étalait devant elle comme une sombre mer dans la nuit.

"Mlle Kido ?"

Kotori se retourna pour voir le jeune Viracocha s'approcher, seul, d'elle. Elle s'inclina légèrement en signe de déférence.

"S'il vous plaît, appelez moi Kotori, je ne peux accepter de la part de quelqu'un comme vous..."
"D'accord, mais appelez-moi Viracocha alors. On me sert déjà du 'majesté' toute la journée."

Kotori sourit à ce commentaire. Viracocha n'était pas seulement un petit garçon, ses propos étaient ceux d'un adulte.

"Puis-je m'entretenir avec vous... Kotori ?" La jeune fille sourit et acquiesça de la tête. Le garçon s'avança, et s'assit au bord de la pyramide, ses jambes pendant dans le vide, dans l'attitude d'un enfant insouciant qui se sait en sécurité. Kotori réprima un léger frisson et s'assit elle aussi, un tout petit peu plus éloignée du bord.

"Je vous remercie pour votre aide, Kotori. Sans vous, je ne sais pas ce que nous aurions pu faire."
"C'est normal, Viracocha. Je... Je ne pouvais pas laisser un enfant tel que vous en danger."

Le garçon eut un petit rire, qui laissa Kotori interdite.

"Je... J'ai dit quelque chose de mal ?"
"Non, non, ce n'est rien. Evidemment vous ne pouviez pas savoir... Je vais vous expliquer. Malgré mon apparence, j'ai en fait le même âge que vous. Je me suis réincarné il y a environ dix-huit ans, mais par un coup du sort, je fus tué avant d'avoir atteint neuf ans. Un bête et terrible accident. Mais mon esprit ne pouvait se résoudre à abandonner cette époque; je dois veiller sur mon temple ici et maintenant, car plusieurs prophéties vont se réaliser, et je dois être présent. Au prix d'un colossal effort, j'ai pu me réincarner dans l'année qui suivit mon décès, mais hélas, je me retrouvais à nouveau dans le corps d'un bébé. Toutefois, sans doute dû à ma précédente incarnation toute proche, mon esprit s'éveilla très vite et je retrouvais toutes les facultés que je possédais à ma mort. Alors aujourd'hui, mon corps a huit ans, mais mon esprit en a dix-sept. C'est assez... perturbant. Le problème se réglera avec l'âge, lorsque mon corps deviendra lui aussi adulte, mais en attendant, c'est plutôt éprouvant."
"Je suppose que vous devez vous sentir enfermé dans votre corps, n'est-ce pas ? "
"Oui. La plus grande frustration vient du fait que mes désirs sont adultes, mais que mon corps est incapable de les réaliser."

Kotori fronça légèrement les sourcils tandis qu'elle comprenait vaguement les sous-entendus de ces propos. Le regard qu'il avait porté sur elle lorsqu'elle était entrée dans la Salle du Trône lui revenait en mémoire, et elle se sentit mal à l'aise.

"Kotori, je.. Enfin plus tard, lorsque tout ceci sera fini... Je veux dire, un peu plus tard, lorsque ce corps aura grandi, croyez vous que nous pourrions... nous entendre ?"

Cette déclaration à peine voilée fit apparaître un sourire forcé sur les lèvres de la jeune fille.

"Je... Ecoutez, majes... Viracocha... Je.. Je ne sais pas... En théorie, rien ne pourrait s'y opposer, mais... mais cela me semble un peu tôt, vous ne croyez pas ? Je veux dire, nous nous sommes rencontrés aujourd'hui, nous ne nous connaissons pas, et puis, vous le dites vous-même, il vous faudra attendre encore près de dix ans. Qui sait où nous serons dans dix ans, ce que nous ferons... et avec qui ?"

Viracocha poussa un soupir.

"Je vois... Oh bien sûr je m'y attendais un peu. Je ne peux pas vous en vouloir, la situation doit être bien délicate pour vous. Veuillez m'excuser."
"Je vous pardonne. Et je vous plains, votre vie doit être bien difficile par moments."
"Oui, surtout que peu nombreux sont ceux qui sont au courant de cette différence. La plupart de mes serviteurs ignore que mon esprit est aussi mûr." L'enfant s'esclaffa. "Si mes servantes savaient ce qui me passe par la tête quand elles m'aident à prendre mon bain !!"
"Oh ! Vilain garnement !" fit Kotori, faussement outragée.

Ils rirent tous deux quelques minutes, puis Viracocha se leva.

"Je vous remercie de m'avoir écouté. Ce n'est pas tous les jours que je rencontre quelqu'un de ma nature."

Kotori se leva à son tour, et, se penchant, déposa un baiser sur la joue du garçon.
"Je vous souhaite une bonne nuit, Seigneur de ces lieux. Et qui sait..." fit elle en s'éloignant, le sourire aux lèvres "peut-être serez-vous un beau parti dans dix ans !"

Viracocha se tenait toujours debout au même endroit après que la jeune fille ait disparu, sa main effleurant la joue qu'elle avait embrassée, et les yeux dans le vague.



31 Juillet, 7h du matin, Temple du Serpent Ailé.

Anton arriva le dernier dans la grande salle, et y trouva tout le monde à table, prenant déjà un copieux petit déjeuner, sauf Quetzalcoatl, qui avait déjà mangé seul, comme le prévoyait le protocole. L'ambiance était lourde, chacun mangeant en silence, et Anton croisa le regard de Kotori, qui semblait lui signifier qu'il devait s'asseoir au plus vite. En effet, à peine Anton fut installé que Quetzalcoatl se levait, et que tous cessaient de manger pour le regarder gravement.

Le jeune garçon avait l'air sévère quand il commença à parler.
"Notre sorcier a encore fait un rêve cette nuit. Mais la précision était plus grande cette fois. Il ne peut y avoir de doute : nos ennemis seront là demain."

A ces mots, un frisson parcourut l'assemblée. Kotori jeta un regard anxieux vers Arkhan lequel hocha lentement la tête. Khal posa sa main sur celle de sa compagne Lise, et leurs doigts se mêlèrent tandis qu'ils se regardaient avec intensité. Anton échangea un coup d'oeil avec Krell, leurs pensées s'accordant instantanément. Tous savaient ce que voulait dire les paroles de l'enfant.

"Oui, mes amis, ceci est le dernier jour avant la bataille. Nous savons tous ici que nos ennemis seront très difficiles à battre, et que certains d'entre nous périront. Aussi, je vous laisse cette journée entière libre, afin que vous profitiez de ce qui sera peut être votre dernier jour. Je ne vous demande que de rester dans l'enceinte du sanctuaire, et d'être prêt à vous battre à tout moment. Tous les serviteurs quitteront le temple d'ici ce soir, afin que seuls demain restent les combattants."

Les servantes qui étaient là baissèrent les yeux, conscientes que leur présence serait une gêne au cours de la bataille, et que leur maître avait raison de les congédier.

Plus personne n'osa rien dire pendant quelques instants, et lentement, les mots semblant se refuser à lui, Viracocha, jeune incarnation d'un dieu millénaire, s'assit à sa place. Eric soudain se leva.

"Ah non ! Cessez donc de vous morfondre, tous ! Vous semblez déjà aussi pâles que si vous étiez morts ! Nous ne sommes pas encore vaincus, que je sache, et nous lutterons âprement, pour notre survie. Guerriers du Dieu Serpent, regardez nous ! Nous vous connaissons à peine, nous ne savons rien de votre existence, de vos idéaux. Mais nous lutterons à vos cotés, verserons notre sang pour vous. Non pour mourir en héros, mais pour vaincre. Je ne suis pas venu ici pour y trouver la mort, et je compte bien repartir d'ici en pleine forme, après avoir détruits NOS ennemis. Alors moi qui ne suit qu'un étranger à votre cause, serais-je plus vaillant que vous ? Relevez la tête, nous aurons besoin de courage demain, pas de fatalisme. Debout, guerriers ! Montrez à votre seigneur que vous ne renoncez pas déjà !"

Rody fut sur ses pieds instantanément, et les uns après les autres, les guerriers totems et les amis de Kotori se levèrent, éclairant leurs visages d'un sourire, les yeux reflétant cette fois une confiance retrouvée. Viracocha se leva aussi, et hocha la tête à l'adresse d'Eric. Celui-ci sourit, acceptant le remerciement silencieux.

Une seconde plus tard, tous se plongeaient à nouveau dans leur petit déjeuner, mais discutant et plaisantant cette fois-ci.

A des milliers de kilomètres de là, au coeur d'un autre temple, des guerriers se préparaient pour la bataille.



31 juillet, début de l'après-midi.

Rody entra en courant dans la petite maison, tout en appelant ses amis.

"Khal, Lise, venez voi... Oh pardon !"

En découvrant le couple enlacé, Rody s'interrompit et s'empourpra. Il était si pressé de montrer les derniers exploits de son maître à ses compagnons qu'il n'avait pas pensé un seul instant qu'il pouvait trouver le couple en train de faire l'amour dès le début de l'après-midi. Rody sortit et referma la porte derrière lui, sous les quolibets agacés des deux amants, puis il revint vers le groupe qui entourait Yrugo.

"Alors, ils viennent ?" fit Juan à son approche.
"Euh... ils sont occupés, pour le moment..." répondit le jeune homme, gêné.

La surprise puis la compréhension apparurent sur le visage de Juan, et il émit d'un ton entendu "et ils en ont sans doute pour un moment. Tant pis pour eux. Ou tant mieux."
"Oui" fit tristement son ami. "C'est peut être la dernière fois qu'ils en ont l'occasion, alors laissons les tranquilles."
"Non, tu as entendu le guerrier du nord comme moi, nous serons vainqueurs." Juan se voulait encourageant, mais son ton était sarcastique.

Rody ne répondit pas et reporta son attention vers son maître.

Yrugo le Condor, assis sur une dalle de pierre, les yeux fermés, concentrait son cosmos, dégageant une grande aura grise autour de lui. En face de lui, soutenue par le cosmos gris, une des Jeeps flottait dans les airs, à un mètre cinquante du sol. Yrugo fronça les sourcils, une onde parcourut le cosmos, et la Jeep se retourna dans les airs comme si une vague la poussait. Yrugo lui fit faire ainsi un ou deux tours puis la reposa en douceur sur le sol. Il expira bruyamment en laissant son aura s'évanouir, puis se releva tandis que les guerriers autour de lui applaudissaient.

Mais un peu plus loin, adossé à une colonne, Anton ne participait pas aux réjouissances. La voix de Krell se fit entendre derrière lui et Anton se retourna. Comme à son habitude, Krell était arrivé en dissimulant son cosmos, et l'avait surpris.

"Eh bien , Anton, tu n'as pas l'air d'apprécier les prouesses d'Yrugo ?"
"Prouesses ? Tu sais comme moi que c'est un tour minable. Notre maître est capable de faire cent fois mieux."
"Je sais. Mais nous n'avons pas de chevalier d'or avec nous pour cette bataille, et je doute que notre maître quitte le Sanctuaire pour venir nous aider. Alors même si Yrugo et ses amis ne sont pas extrêmement puissants, ils sont pour certains plus forts que nous, et nous devrons compter sur cette force."
"Je n'en suis pas si sur." fit une autre voix à coté d'eux. Kassim avait l'air sérieux.
"Que veux-tu dire ?"
"Que certains d'entre nous sont très forts, et plus que les guerriers de Quetzalcoatl."
"Tu penses à Eric ?" fit Krell. Anton ouvrit les yeux de surprise.
"Eric ? Mais je le trouve pas très fort, pourtant."
"Tu ne t'es pas battu contre lui, moi si." fit son 'jumeau'. "Et Kassim te le confirmera."
"En effet. Eric aurait pu vaincre Karen seul, s'il avait voulu. Mais il s'est retenu d'utiliser toute sa force. J'espère qu'au cours de cette bataille, il s'en servira."
"J'espère aussi." fit Krell. "J'appréhende un peu la force de nos ennemis. Pour que Quetzalcoatl les craigne, il faut qu'ils soient vraiment forts."

Kassim haussa les épaules. "Nous verrons ça demain. Dîtes les amis, ça vous dit de visiter un peu les autres ruines autour du temple ? Il doit y avoir des choses intéressantes à voir par ici ? La petite visite d'hier m'a bien plu finalement."
"Sans moi" fit Anton, l'air mystérieux. "J'ai rendez-vous avec une petite brunette du temple qui ne veut pas partir sans souvenirs."
"Mais je croyais que tu parlais pas espagnol ?" fit Krell, surpris.
"He he... Je crois qu'on aura pas le temps de se parler, si tu vois ce que je veux dire..."
"Je veux rien savoir ! " fit Krell en riant. "Allez, va rejoindre ta proie, Don Juan ! Et tache de ne pas mourir de fatigue d'ici demain !"

Anton lança un "oui papa !" et s'éloigna les mains dans les poches. Kassim se demandait comment Anton pouvait rester si calme lorsque Krell, semblant lire ses pensées, lui répondit. "Il a toujours su comment calmer ses angoisses. Mais au fond de lui, il tremble de peur, comme nous tous. Il sait dissimuler, c'est tout."

Kassim haussa à nouveau les épaules.



Kotori se glissa avec délice dans sa baignoire. L'eau était brûlante, mais elle donnait malgré tout une impression de fraîcheur, appréciable dans la moiteur tropicale et suffocante de cette après-midi sous l'équateur. Kotori effaça toute pensée néfaste de son esprit et laissa les sensations du bain parfumé emplir son cerveau. Une servante s'approcha, lui demandant si elle voulait qu'on lui brosse le dos, mais Kotori déclina l'offre, préférant se laver seule.

Elle traîna ainsi plus d'une heure dans son bain, avant de s'arracher à l'eau encore tiède, à regret, et de se vêtir. Elle prit une des robes que les servantes avaient préparées à son intention sur le lit, puis elle sortit dans le couloir. Malgré les épais murs de pierre, la chaleur était étouffante, et elle eut un instant l'idée de retourner dans sa baignoire. Mais elle se dirigea vers la salle du Trône, où le jeune Viracocha devait sans doute discuter avec son sorcier et conseiller d'un plan de bataille. En chemin, elle croisa Arkhan et Eric, qui revenaient, riants et suants, d'un long entraînement. Ils paraissaient désormais très complices, et le fait que seuls eux deux ne venaient pas du Sanctuaire d'Athéna sur les cinq guerriers qui l'accompagnaient ne devait pas y être étranger.

"Seigneur !" fit en riant Kotori lorsqu'elle les croisa dans le couloir. "Mais qu'avez vous faits pour suer autant ? En tout cas, prenez un bain, et vite !"
"C'est exactement ce que nous allons faire." répliqua Eric. "Nous avions demandé à ce qu'un bain nous soit préparé pour quand nous reviendrions de notre entraînement."
"Nous n'avons pas de baignoire dans nos chambre en bas." ajouta Arkhan.

Puis les deux guerriers s'éloignèrent, continuant de rire. Kotori eut un doute soudain. Ils n'allaient tout de même pas prendre leur bain ENSEMBLE ? Elle secoua la tête pour dissiper cette pensée puis continua son chemin.

Le repas du soir se déroula dans un silence morbide. Même Eric, après son discours de la matinée, n'était plus d'humeur à remonter le moral de ses compagnons. Tous se taisaient, plongés dans leurs pensées. Dès la fin du repas, Lise et son compagnon s'éclipsèrent, afin de profiter encore de leurs derniers instants d'intimité. Les autres retournèrent dans leurs chambres, disposées à l'intérieur du Temple à la place de celles des servantes, afin de mieux assurer la protection des divinités ; sauf Rody et Juan, qui prirent le premier tour de garde.

Arkhan dormit mal cette nuit-là, avant d'être réveillé pour son tour de veille. Son cerveau retournait sans cesse les quelques informations dont il disposait et aboutissait toujours à la même conclusion : quelque chose clochait dans cette histoire. Il ne voyait aucune raison pour un dieu d'Afrique de déclarer la guerre à Viracocha, leurs territoires respectifs étaient trop lointains. A moins que cela ne fasse partie d'une campagne d'invasion plus grande. Si c'était le cas, Bouddha était peut-être alors lui aussi menacé, et il se devait de le prévenir. La bataille qu'ils allaient vivre lui apporterait sans doute des réponses, et Arkhan décida qu'il devait tenter de questionner chacun de ses adversaires, et même en capturer un vivant si c'était possible. Il devait le signaler aux autres, afin qu'ils tombent d'accord sur la marche à suivre. Il n'avait toujours pas trouvé de moyen efficace lorsqu'il se recoucha après son tour de garde, mais cette fois-ci, le sommeil voulut bien de lui.



Une heure avant l'aube, un cri effroyable retentit, et tous se levèrent, endossant leurs armures à toute vitesse. Ce fut Eric qui, en sortant du temple, se trouva face à Lanz de l'Ours. Celui-ci se tenait debout devant l'entrée du temple, mais ses yeux étaient révulsés, du sang coulant au bord de ses lèvres, et il tremblait. Eric vit la lame noire sortant de la poitrine du guerrier totem, puis Lanz fut soulevé du sol par l'homme qui se tenait derrière lui et l'empalait de son épée, et qui le projeta sur les dalles de pierre, mort. Le guerrier inconnu portait une grande armure noire, et son casque comportait un masque qui recouvrait entièrement ses traits. Eric frissonna en voyant le sinistre visage métallique qui le regardait, celui d'un chacal aux yeux cruels. Arkhan, apparu derrière lui, marmonna "Anubis" en reconnaissant le Dieu des Morts de la mythologie égyptienne. Une voix profonde et moqueuse se fit alors entendre de sous le masque.

"Vous êtes venus aider Quetzalcoatl, mais cette guerre ne vous concerne pas. Repartez d'où vous venez, et nous vous laisserons en vie."
"Jamais !" fit Anton.
"Alors mourrez." fit le sinistre guerrier.

Le guerrier représentant Anubis descendit à toute allure les marches du temple, poursuivi par Eric et Anton ainsi que plusieurs guerriers, tandis que Arkhan retenait Kassim et Juan à l'entrée du temple, afin de constituer une garde rapprochée des deux divinités.

Mais Anubis avait disparu au coeur des ruines et des maisons, seule sa voix résonnait tandis que ses poursuivants cherchaient d'où elle pouvait provenir.

"Eh bien, saurez vous me trouver, moi et mes frères ? Nous vous attendons !"

Les guerriers se séparèrent par groupe de deux, et se mirent à chercher leurs adversaires, ouvrant les maisons une à une, se déplaçant avec précaution au milieu des ruines.

Au sein du temple, Kotori prit place aux cotés de Viracocha, tenant Balmung dans sa main. Le jeune garçon hocha la tête à son approche et la courte phrase qu'il prononça fut comme une sentence de mort.

"Ca a commencé."

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Cette fiction est copyright Patrick Huart.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.