Prologue


Une cascade s'écoulant dans un paysage féerique, où traditions et recueillement vont de pair. Autour de ce chaotique déferlement d'eau, des rochers en forme de pics. Cinq au total. Et sur l'un deux, semblant présider cette communauté de nature, un homme de petite stature observe. Il observe ce paysage calme et détendu, tel la mer après une terrible tempête, dans l'attente de perpétuels autres tourments. Il observe un horizon lointain et proche à la fois, horizon fait de larmes et sang, il le sait. Il écoute ce que lui disent ciel et vent. Il se tait.

Mais ce calme, il en est bien conscient, n'est que relatif et bien virtuel. Il cache ce que l'homme sait faire de pire. Il cache les morts et les batailles, les cris provenant des guerres provoquées par les hommes… Provoquées par les hommes ?

Les Dieux accusent ces derniers de tous les maux, d'avoir corrompu ce monde qu'ils avaient conçu comme idéal. Les Dieux montrent du doigt ceux qu'ils ont crée. Mais ces mêmes Dieux sont les premiers à faire preuve de ces sentiments cupides et malsains qui sont la plaie de l'humanité. L'égocentrisme, la jalousie, la haine et l'ambition démesurée de tout vouloir. Et les hommes ne sont finalement que les bras armés de leur bataille, et ne font que tuer en leur nom. Finalement, si le pire ennemi de l'homme ne peut être que l'homme, force est de constater que ceux qui se doivent d'être des modèles de vertus se comportent en fait comme des parangons de lâcheté et de vices.

En conclusion, qui blâmer ?

Ce sont en fait toujours les mêmes interrogations qui trottent dans la tête déjà bien âgée de cet homme qui possède maintenant le rang le plus haut de la chevalerie d'Athéna. Cet homme est tout simplement celui que les mortels appellent avec condescendance et respect le " Grand Pope ". Et son nom est Dohko, chevalier d'or gardien de la septième maison de la Balance.

*
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Un autre paysage, un autre lieu. Mais la même apparence de calme dissimulant les blessures ouvertes d'une guerre qui a provoqué de lourds dégâts, physiques et moraux. Ce lieu composé de colonnes Antiques et de marches interminables semblant conduire vers les Cieux, c'est le Sanctuaire d'Athéna.

Décimé par la guerre civile menée par le traître Saga, ravagé par les errements de la prêtresse d'Odin, terrassé par les forces de Poséidon, mais toujours debout. Fier et grand, gardé par 5 des plus puissants êtres peuplant cette terre, dirigé par ce vieil homme à la stature si frêle mais à la sagesse et au pouvoir si élevé. Et, depuis peu, protégé par le cosmos divin d'Athéna, revenue sur terre après 250 ans d'absence pour la défendre contre les forces du mal et ces Dieux avides de pouvoir et de puissance.

Athéna est revenue victorieuse de la guerre sainte contre le terrible Poséidon, Maître des Mers et des Océans. Mais elle a gagné quelque chose de plus grand qu'une simple victoire, c'est la certitude de pouvoir compter sur cinq hommes dont la grandeur et bravoure n'a rien à envier au chevalier d'or qui les ont introduit comme les leurs en leur donnant leur propre sang en gage de respect et d'admiration. Les chevaliers de bronze formant la garde personnelle d'Athéna…

Cinq garçons, cinq frères de sang. A l'amitié plus solide que le plus solide des aciers, au courage plus grand que le plus grand des sommets, à la volonté plus impressionnante que le plus impressionnant des guerriers.

Seiya, chevalier de bronze de Pégase, sans doute le plus valeureux d'entre eux. D'un courage sans limite, prêt à risquer sa vie pour celle qu'il aime et qu'il s'est juré de défendre jusqu'à la mort.

Shiryu, le chevalier de bronze du Dragon. Actuellement aux cinq pics auprès de son Maître et de sa bien-aimé, mélange harmonieux de force et de sagesse.

Hyoga, chevalier de bronze du cygne, au cosmos froid comme la glace et au cœur chaud comme la braise.

Shun, chevalier d'Andromède, à la chaîne aussi divine que ne l'est l'amour qu'il porte à l'humanité.

Ikki, chevalier de bronze du Phénix, peut-être le plus puissant d'entre eux, puisant sa force sans limite dans les blessures de son enfance qui lui ont forgé ce caractère solitaire et tellement chaleureux.

Ces cinq garçons, ces héros, sont fatigués. Si le chevalier d'or gardien de la première maison du bélier leur a réparé à nouveau leurs armures, si les chevaliers d'or ont à nouveau fait don de leurs sangs divins pour ressusciter les armures, leurs cœurs et leurs corps subissent les contre-coups de ces atroces batailles. Actuellement, si Seiya, Shun et Hyoga se reposent dans les palais et dorures de ce sanctuaire d'Athéna, Shiryu se ressources dans ce lieu magique des cinq pics. Pendant qu'Ikki est on ne sait où, mais cela devient une habitude rassurante en fin de compte.

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Revenons à la suave quiétude du cinq pics, où chacun n'est que bercé par le doux roulis monotone de la cascade de Rozan. Sur cette scène, un jeune homme, les cheveux noirs longs et aussi ordonnés que sa stature, l'air soumis et respectueux, parle à ce vieil homme dont la sagesse n'égale que le nombre des années. Ce dernier, situé en hauteur sur ce pic, le regard toujours semblant perdu vers ce futur proche de l'enfer, voit très bien cette jeune fille, cachée derrière un de ces cinq colonnes de pierre, l'air triste et apeurée.

- Vous avez demandé à me voir Vieux Maître ?
- Oui Shiryu, répond le vieil homme de cette voix rocailleuse qui semble vibrer harmonieusement avec le bruit de la cascade. Shiryu, je ne vais pas tourner autour du pot et te confier directement quelles sont mes craintes actuelles…
- Je vous écoute, Vieux Maître…
- Shiryu, tu crois avoir totalement vaincu Poséidon lors de la bataille des sept piliers ?
- Mais, Vieux Maître, nous sommes parvenus à détruire le pilier central et à enfermer l'âme du Dieu des Océans dans cette urne scellé, répondit avec surprise le dévoué Shiryu. Donc oui, Nous l'avons vaincu. Pourquoi cette question ?
- Shiryu… Je sens, proche du sanctuaire, une aura semblable à celle de Poséidon. Une aura pleine de peine, de tristesse et de colère. Le danger me semble aussi grand que seul face à un fauve blessé….

Derrière le vieil homme un éclair illumina le ciel. Un orage allait éclater, au sens propre comme au figuré.

- Mais… Vieux Maître, demanda Shiryu la voix cassée par la surprise et l'émotion, s'agit-il d'un nouvel ennemi ? Et pourquoi me parlez vous de Poséidon ?

Le vieux Maître, toujours les yeux fixant au loin, pris son temps pour répondre. Pas pour ajouter à cette scène une dramaturgie accrue par ces nuages menaçant qui commençaient à se multiplier comme pour annoncer la fin du Monde. Non, il prenait son temps car lui même ne savait pas comment formuler son appréhension.

En tant que nouveau Grand Pope, il avait, dans un laps de temps très court il est vrai, pris le temps de recevoir un à un les cinq chevaliers d'or restants. Pas au sanctuaire d'Athéna, non, la tâche lui incombant lui interdisait un tel voyage. Mais il reçu, à la même place où se situe en ce moment le dialogue entre le Maître et l'élève, les cinq chevaliers d'or ayant promit allégeance et fidélité à la Déesse Athéna.

Et de part les discussions, il savait que Poséidon avait un fils. Et de part son immense savoir, il le savait en vie et prêt à partir en bataille contre Athéna. Tout en sachant que ce combat ne faisait qu'en annoncer d'autres.

- Poséidon a un fils ! s'exclama le jeune disciple qui avait déjà une grande expérience. Mais c'est impossible ! C'est…
- C'est dramatique, mon petit Shiryu… Dramatique car le combat contre le Dieu des Océans n'est pas terminé. Dramatique car le deuxième acte de ce combat va bientôt avoir lieu, et tu devras, une nouvelle fois, risquer ta vie pour défendre bien plus que la simple vie d'Athéna… Tu devras te battre contre Arion, fils de Poséidon et Déméter !

Derrière ce rocher, la jeune fille pleurait.

- Je serais prêt vieux Maître, clama Shiryu en caressant amoureusement le métal de ce coffre renfermant l'armure sacrée remise en état par le puissant Mu du Bélier. Je serais prêt à défendre le sanctuaire des griffes de ce nouvel ennemi…
- Shiryu, je te demanderai d'être extrêmement prudent…

Un nouvel éclair déchira le ciel.

- … car le combat que tu risques de mener ne me semble pas si anodin et simple que ce qu'il ne paraît…
- Que voulez vous dire par là, vieux Maître ?
- Arion ne me sembla pas être… votre pire ennemi dans ce combat… Soit prudent mon fils.
- Ne vous inquiétez pas, oh mon Maître. Je vous demanderais simplement de… de ne rien dire à Shunrei… Pour ne pas l'alarmer, pour…
- Pourquoi ! Pourquoi est ce que tu veux rien me dire ! J'en ai marre que tu risques toujours ta vie…

C'est en s'effondrant en larme que la jeune fille au kimono rouge répondant au doux nom de Shunrei surgit de sa cachette, comme pour venir troubler cet instant solennel que même le ciel orageux n'osait perturber.

- Shunrei, je… je comprends ce que tu dois ressentir, affirma calmement et tendrement le jeune homme aux longs cheveux noirs en prenant la tendre enfant dans ses bras chauds et vigoureux. Mais je te promets… Je ne mourrais pas avant de…
- Shiryu…

Personne n'entendait les puissants éclairs qui violaient la quiétude céleste.

- Mon enfant, murmurait le vieil homme en silence pour lui même, si tu savais comment je m'en veux de t'envoyer une nouvelle fois sur ce champ de mort. Mais je te promets que si tu sors une nouvelle fois vivant de ce combat, tu n'auras plus que pour seule mission d'aimer Shunrei. Mais je ne peux pas quitter ce lieu… Pas encore…

*
**

Retour dans ce domaine sacré que les Dieux ont érigé sur terre pour y assurer sa surveillance. Certains utiliseront plutôt le terme de protection. C'est la fin de la journée. La nuit va bientôt annihiler ce qui reste de soleil.

Au pied de ce lieu divin, comme un portail ouvert sur ce monde céleste, la maison du Bélier. Son gardien portant l'armure d'or sacrée porte le doux et mystérieux nom de Mu. Actuellement, ce dernier se tient droit à la porte de son temple. Il rayonne dans cet habit de lumière qui le porte au summum de la beauté et de la puissance, le menant toujours plus proche du rang de Dieu. Le casque sous le bras droit, il contemple ces marches que les premiers belligérants doivent gravir pour arriver à sa porte. Il pense à tous ces combats qui ont déjà eu lieu sur ces terres saintes, et à tous les prochains qu'il faudra endurer.

Il pense à ces quatre hommes qui, il y a quelques temps, se sont présentés devant lui, pour aller renverser celui qui se faisait passer pour le Grand Pope officiel, représentant divin d'Athéna sur terre. Il pense à ces garçons pleins de courage qui sont venus à bout de ces 12 maisons, allant jusqu'à sacrifier ce qu'ils avaient de plus chers, leurs vies, pour atteindre leurs buts. Il pense à ces garçons qui sont allés sauver la terre en ramenant l'ordre en Asgard et en terrassant le terrible et divin Poséidon en ses terres.

Masque de mort, Shura, Camus, Aphrodite, Saga… Avant eux Aiolos. Autant de jeunes hommes, jeunes guerriers, pleins de vie, de puissance, et de conviction, morts dans cette guerre civile tellement ridicule. Causé par cet homme qui se voulait être le Dieu le plus proche du Diable. Saga, chevalier d'Or des Gémeaux, aux deux visages, l'un angélique, l'autre diabolique. Le feu et la glace dans le même cœur. Un cœur responsable de ces nombreux désastres.

Le beau et grand Mu ne peut s'empêcher se sentir toujours coupable. Il a laissé la vie d'Athéna dans les mains de ces jeunes enfants chevaliers de Bronze, alors que la déesse gisait devant son temple, une flèche d'or plantée dans le cœur. Ensuite, il ne put quitter sa demeure alors que ces mêmes enfants risquaient leur vie devant la main menaçante de Poséidon. Maintenant, il doit prendre en main la destinée d'Athéna et de la terre. Une destinée qu'il sent à nouveau menacé par ces cosmos pleins de colère et d'amertume qui semblent se faire de plus en plus présents.

Alors dés lors qu'il a fallu à nouveau rendre vie à ses mortes armures, il n'a pas hésité. Comme ses quatre compagnons chevaliers d'or rescapés, c'est sans aucune retenu qu'il s'est entaillé les veines et à verser à grands flots son sang pour qu'un nouveau miracle se produise. Il est fatigué, ce n'est pas une sinécure, même pour un être proche de Dieu, de se vider comme ça de son sang. Surtout qu'il a ensuite fallu à nouveau invoquer son cosmos divin et prendre les outils sacrés pour redonner à ces armures leurs pouvoirs immenses de protection.

Il est fatigué comme le sont encore les chevaliers d'or de cet effort. Mais il le sait, ce n'est rien en face des sacrifices effectués par ces trop jeunes enfants, qui ont eu la vie de l'ensemble de l'humanité entre leurs mains. Alors à présent, il est prêt à se battre et à garder sa demeure infranchissable. Que les chevaliers d'or assument enfin le rang qui est le leur.

- Mu ! Peut être je te dérange… fit une voix grave et puissamment masculine derrière lui…
- Oh… Aldébaran, c'est toi ?

Cette interrogation était empreinte de joie et de surprise. Ainsi le vaillant Aldébaran du Taureau quitta sa demeure pour visiter amicalement son voisin. Le gardien de la deuxième maison du Zodiaque, le chevalier d'or Aldébaran du signe du Taureau….

- Aldébaran, tu viens de quitter ta demeure… Tu dois avoir une excellente raison, remarqua le chevalier au visage doux et fin.
- Je ressens ce que toi aussi tu dois ressentir… Une impression latente de violence et de colère. Un cosmos prêt à éclater. Toi aussi tu le sens ?
- Oui… Il est proche. Et il est extrêmement puissant.

Un éclair déchira le ciel dans un bruyant fracas. Les mêmes nuages qu'en Chine… L'orage, comme la guerre, est proche.

- Mu, il faut que je te prévienne… Je pense avoir une idée sur l'identité de cet homme.
- Que me dis tu Aldébaran ?
-Je l'ai déjà affronté, confia le chevalier d'Or du Taureau, le visage éclairé par un nouvel éclair. J'ai déjà affronté ce garçon. Arion, le fils de Poséidon !

Le ciel était devenu complètement noir… la nuit n'était pas encore tombé, mais la pluie commençait, avec un vent qui semblait porter toujours plus d'éclairs lumineux et effrayant.

De sa voix aussi grave que les informations qu'il avait à distiller, le chevalier d'or du Taureau reprit ses explications.

- Je l'ai déjà affronté de part le passé. Il était avec trois chevaliers d'Athéna. Des renégats qui sont passés dans le camp ennemi. Et apparemment, ni Arion ni ses trois hommes n'étaient au sanctuaire de Poséidon lors de la bataille des sept piliers.
- Donc tu penses…
- … qu'il va falloir se préparer à accueillir un enfant qui aura pour ambition… de venger son père dans le sang de celle qui l'a vaincu…
- Mais tu n'es pas entièrement convaincu par ce que tu me dis, je me trompes, interrogea avec calme le divin Mu du Bélier.

Aldébaran resta silencieux quelques instants avant de répondre.

- Tu as raison. Mais ce que je ressens, tu le ressens également…
- Cette bataille n'est qu'un prélude à l'enfer que va vivre la terre.
- Enfer est peut être un mot bien choisi…

Le silence pour laisser parler la foudre qui tombait à quelques encablures du sanctuaire.

Arion et ses 10 compagnons pouvaient également voir et entendre l'appel de cette foudre qui semblait marquer le début du combat final. Il était en train de marcher, sous le ciel noir qui annonçait une pluie battante en direction de cette première maison du Zodiaque.

Le combat pouvait commencer.

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Cette fiction est copyright Fabien Chaffard.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.