Chapitre 9 : Méditations en apesanteur...


* Combat à mort…


La mer, sous l'effet de la colère de Sion mais aussi sous une autre influence, se mit à bouillonner. Sion s'arc-bouta sur ses pieds, et attendit...
Soudain, la mer se fendit en deux, et Nereus apparut. Il ricana et regarda dédaigneusement Sion:

" Tiens, le gamin ? tu en as mis du temps....
-Seuls les renards cachent leurs traces, car ils sont assez couards pour ça...ce sera toi ou moi cette fois, Nereus...ce combat doit prendre fin d'une façon ou d'une autre... "

Il assura sa prise sur son trident, et dit:

" Mais je jure que cette fois je débarrasserai le monde de ta présence malfaisante ! "

Sion était aussi grand que lui maintenant, et se redressa....

Au palais, Hilda, soucieuse d'aider Sion qui mettait délibérément sa vie en jeu pour sauver le royaume d'Asgard et le monde, s'était mise en prière dans son cabinet privé:

" Seigneur Odin ! protège notre royaume comme tu l'as toujours fait et préserve la vie de cet enfant qui prend sur ses épaules le destin de l'humanité toute entière. Toi qui vois dans les coeurs, tu sais qu'il mérite de vivre ! "

Juste avant de s'enfermer, elle avait confié Athena à Freya, avec ordre de la garder avec elle tout le temps qu'il serait nécessaire. Athena faisait les cent pas dans la pièce, tant et si bien que Freya finit par lui dire:

" Allons, assieds-toi et calme-toi... "

Athena obéit, et attrapa le médaillon que son père lui avait offert. Freya dit:

" Tu as l'air de beaucoup tenir à ce médaillon...
-C'est un cadeau de mon père...il m'a dit qu'il me viendrait en aide quand j'en aurais besoin... mais je ne peux même pas aider mon propre frère !
-C'est ton rôle d'aînée, n'est-ce pas ? mais aider ton frère ne signifie pas te sacrifier sans cesse pour lui...
-A chaque fois il se met dans des situations impossibles, et cela termine en sommeil ou en coma ! notre mère s'inquiète à chaque fois...et j'en ai assez de ça !
-Il a fait son choix...il est assez grand pour ça je crois...tu dois lui laisser cette liberté... "

Athena dit:

" J'aurais bien aimé qu'on ait la moitié chacun des pouvoirs de notre père...Sion n'aurait pas cette énorme charge sur les épaules...
-Tu ne peux rien y changer...mais je pense que Sion s'aide de ta seule pensée, vous êtes jumeaux...insuffle-lui ta force... "

Mais Athena était trop impliquée pour raisonner logiquement. Freya lui tendit une tasse de thé, et lui dit:

"Tiens, bois ça, tu te sentiras mieux après…"

Sion ne cilla pas et regarda Nereus dans les yeux. Mais il ne dit rien de plus…Sa détermination se lisait dans ses yeux violets, il n'avait pas l'intention de reculer d'un pouce. Il se téléporta sur un iceberg, à un kilomètre des côtes d'Asgard, soucieux de tenir sa promesse.
Nereus se recula, et dit:

"Tu n'es qu'à moitié divin ! qu'est-ce qu'une petite chose comme toi pourrait me faire ?
-Beaucoup de choses ! "

Et une vague s'abattit sur Nereus, qui ricana.:

"Tu n'es capable que de ça ? tu es vraiment ridicule !"

Sion essaya de ne pas laisser le doute s'immiscer dans son esprit. Il devait s'accrocher, donner tout ce qu'il pouvait afin de sauver le monde de la destruction.
A ce moment-là, quelque chose apparut dans son esprit, comme une impression persistante. Il se souvint alors d'avoir autrefois lu, dans un dictionnaire de mythologie, que Nereus, dieu de la mer avant Poseidon, était un dieu juste et pacifique, qui avait le pouvoir de lever le voile de l'avenir…L'était-il réellement ou avait-il donné cette impression ? Là, en tout cas, celui-ci n'avait envie que d'une chose, c'était de le tuer, rien à voir avec le Nereus dont il avait lu la description dans son livre. Alors que penser ?
Nereus, en face de lui, n'avait pas bougé d'un pouce, se contentant de regarder Sion avec un sourire ironique…Sion, campé sur ses pieds, comme enfonçé dans la glace, ne bougeait pas non plus…l'ensemble rappellait les scènes des westerns, quand les deux ennemis se font face…
Mine de rien inquiet, Sion tenta de se rappeller tous les conseils de Sorrente. Mais il n'en retrouva pas un seul, son esprit restait désespérément vide. Que faire ? Alors que fallait-il faire ? Il décida d'utiliser le très fort instinct qu'il possédait…
C'est alors que Nereus lança son attaque…Sion tenta de se protéger, mais n'y parvint pas totalement. Une partie de ses vêtements vola en éclats, et son sang gicla en plusieurs endroits de son corps. Jugeant qu'aucune de ces blessures ne mettait en danger sa vie, il contre-attaqua. Deux éclairs partagèrent la mer en deux, qui s'abattit sur Nereus…
Cette fois, Nereus recula, mais continua à ricaner. Sion, concentré, lui assena plusieurs attaques de front, sans jamais reculer…
Sion se rappellait les conseils de sa mère et de Sorrente, et avait l'esprit très clair, à son grand étonnement. Nereus riposta, et il arriva enfin à le contrer, au prix d'autres blessures…

Athena, debout à la fenêtre, regardait les éclairs que provoquait au large ce combat de titans. Freya l'appella:

"Tu te fais du mal…
-Non…c'est Sion qui a mal, il est blessé !"

Et ses yeux tremblèrent.
Freya continua:

"Ce n'est peut-être rien…allons, viens boire une autre tasse de thé, et cesse de te miner…si Sion sent ton désarroi, il sera triste lui aussi…"

Athena se retourna, et avança lentement vers le centre de la pièce. Elle s'assit devant Freya, convaincue par la justesse de son argument. Elle la regarda, et eut l'intuition qu'elle aussi avait connu l'inquiétude de voir combattre un proche…peut-être même plus qu'un proche d'ailleurs. Sous les traits aimables de Freya se cachait une vieille douleur…pas tout à fait éteinte d'ailleurs.
Freya surprit le regard d'Athena sur elle…Elle la regarda et dit avec un demi sourire:

"Tu es très intuitive, et tu te dis que j'ai dû connaître moi aussi la douleur de voir combattre un proche…
-Oui, tout à fait…"

Freya sourit doucement de son beau sourire triste et dit:

"Il s'appelait Hagen…il avait été élevé avec moi depuis mon enfance, et avait toujours été commis à ma garde. Il est mort sous mes yeux lors de la bataille contre le Sanctuaire…"

Mais elle n'en dit pas plus. Athena comprit à demi-mot cependant ce qui ne pouvait être dit…l'amour inavoué, impossible entre la princesse et son chevalier servant. Elle hocha juste la tête…Même mariée et heureuse, Freya ne pouvait oublier Hagen, qu'elle considérait comme mort par sa faute, au point de donner à son premier-né son nom…

Sion, lui, sauta en l'air et retomba à l'arrière de son iceberg. Nereus ricana:

"Tu ne pourras pas fuir éternellement…"
"Il a raison, se dit Sion en son for intérieur, je dois attaquer !"

Il devait lui faire croire qu'il maîtrisait le pouvoir du trident. Il se redressa et dit:

"Je vais me débarrasser de toi maintenant, Nereus ! "

Il était plus que temps, s'il attendait encore il n'aurait plus assez de force et d'énergie. Il faisait vraiment peur, avec ses vêtements déchirés et ses blessures desquelles coulaient de larges filets de sang qui s'étalaient sous lui en une flaque sombre.
Malgré la douleur intense qui lui vrillait le corps, Sion ne tremblait pas. Il ne pleurait pas non plus, ni ne se plaignait.
Il lui fallait faire quelque chose maintenant, avant de mourir exsangue…il savait que le moindre effort augmenterait la perte de sang, mais cela ne l'arrêta pas…sa vie valait moins que la vie des milliards de personnes innocentes qui mourraient si les glaces fondaient.
Il ne savait pas vraiment se servir du trident de son père, mais il devait donner le change à Nereus pour que celui-ci ne s'aperçoive de rien.
Il pointa les trois pointes de son trident vers Nereus, et dit:

"Par le nom de mon père, tu ne feras jamais plus de mal à personne…"

Il se concentra, allant chercher sa puissance au tréfonds de lui-même:

"Trident des sept mers, donne-moi ta puissance !"

Comme a la fin de la guerre d'Hermès, quelque chose explosa en lui…c'était ce qu'il ne contrôlait pas, ce dont Sorrente lui avait toujours dit de se méfier. Il hurla, alors que sortaient des trois pointes dorées du trident trois jets bleus, qui touchèrent Nereus de plein fouet. Sion se concentra encore plus, faisant appel à toutes les forces qu'il possédait…Nereus commença à hurler, et à fumer…

"Nooooooooooooooooooooooooooooooonnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnn…je te tuerai !" hurlait-il.

Sion donnait tout ce qui lui restait…La flaque sombre en dessous de lui grandissait de plus en plus. Nereus lança alors un rayon vert, qui entoura Sion avant de disparaître…Puis il disparut lui-même, et de lui ne resta qu'un petit tas de cendres vertes calcinées.
Sion resta debout, puis s'écroula lui aussi dans une mare de sang…

Athena dit:

"Je ne sens plus Sion !"

Elle avait pâli, et s'était levée, sous le coup d'une forte émotion. Hilda envoya immédiatement des hommes rechercher Sion en mer, des pêcheurs et des marins de grande expérience.
Athena refusa de manger et de boire quoi que ce soit pendant les trois jours que durèrent les recherches. Quand les pêcheurs retrouvèrent Sion, il avait largement dérivé, et était presque exsangue.
Heureusement, comme le dit le médecin, le froid ambiant avait fait se contracter les vaisseaux sanguins et lui avait donc sauvé la vie en l'empêchant de se vider totalement de ce qui lui restait de sang.…
Mais il était dans un état pitoyable, blessé de partout, et dans un coma profond, entre la vie et la mort. Hilda ordonna qu'on lui donne les meilleurs soins, mais il n'y avait aucune réaction chez lui, ce qui fit dire au médecin qu'il était perdu.
Athena refusait toute nourriture, malgré les exhortations d'Hilda et de Freya…même les deux Camus essayèrent de la convaincre, sans succès. Elle souffrait en même temps que son frère…
Mû aussi souffrait, sentant le désarroi de sa fille et l'état pitoyable de son fils…
Au bout d'une semaine, Athena fit ses adieux au royaume d'Asgard et revint avec son frère au Sanctuaire. Sion fut installé à l'infirmerie…


* Plongeon en chute libre…

Mû courut voir son fils dès son arrivée, mais, dès qu'elle le vit inconscient, bardé de tuyaux, sans la moindre réaction de vie que le bruit de son électrocardiogramme, elle se sentit vaciller et tomber…Elle fit immédiatement volte-face et courut jusqu'à chez elle, aveuglée par les larmes…
Arrivée chez elle, elle s'écroula et sanglota jusqu'à épuisement…Elle ne supportait plus de voir son fils ainsi, toujours victime du haut destin imposé par son père…
Les pensées qu'elle avait toujours refusées de voir s'imposèrent alors à elle avec une telle force qu'il lui sembla que son cœur allait exploser…

Mû…
Sion, mon fils...je te vois là, gisant, sans espoir de guérison peut-être...et je m'effondre ! mais qu'est-ce qui m'arrive ? Moi qui n'ai jamais craqué, même durant ta naissance et celle de ta soeur...est-ce moi qui t'ai inculqué ces idées de sacrifice et d'héroïsme qui t'ont conduit là où tu es ?
Tu as fait ton devoir...mais je ne supporte plus de te voir ainsi, à chaque fois plus proche de la mort, à me demander si tu t'en sortiras cette fois. Je t'ai porté, et la douleur que tu ressens, je la ressens aussi...les livres de pédagogie féminine disent qu'on a toujours tendance à préférer son enfant le plus fragile, souvent le dernier-né d'ailleurs...
Jamais je n'ai ressenti un si grand désarroi depuis des années. Il est vrai aussi que je n'ai jamais pris le temps, ou jamais voulu je crois, de m'apesantir sur ces choses. Mais maintenant tout me rejoint, tout me submerge, comme un flot que je ne peux contrôler...c'est au dessus de mes forces...
Tout ceci me fait d'autant plus mal que je ne me souviens presque pas de ta naissance...juste quelques impressions dans mon inconscience. Ton premier cri, entre autres, entendu dans un brouillard épais. Il me manque tout un chapitre de ta vie, ton premier sourire, tes premiers pas...
Est-on mère en étant si déchirée ? Il est vrai que je ne suis pas non plus une mère ordinaire...pourtant, j'ai ressenti les douleurs de l'enfantement, chaque douleur qui vous poussait tous deux vers la vie. Moi qui n'ai jamais été une femme à part entière, j'ai pourtant accompli le plus féminin des devoirs...je sais que je ne vous ai pas vraiment prouvé mon amour, je ne sais pas dire ces choses-là...tout ce que je n'ai jamais voulu envisager, le fait d'être femme et mère, tout cela s'impose à moi maintenant.
Pourquoi maintenant ? pourquoi au bout de douze ans ? Jamais je ne me suis sentie si mal...je n'ai pu supporter de te voir ainsi, au milieu de tous ces tuyaux, entre la vie et la mort...c'est une fois de trop...toi et ta soeur n'êtes-vous nés que pour combattre et pour souffrir, alors que vous n'êtes pas encore sortis de l'enfance ? Non, je refuse cela, je refuse cette fatalité !



Tout ce qu'elle gardait en elle depuis des années, tout ce que Sion du Bélier avait fait d'elle en la transformant en homme, tout ce qu'elle se cachait à elle-même depuis des années ressurgissait, provoquant une souffrance presque physique…
Sous cette émotion très violente, pour la première fois, apparurent quelques images de la naissance de son fils, dans une brume épaisse, alors que la déesse l'avait endormie, et cela la fit encore plus souffrir…Jamais elle n'avait autant souffert de toute sa vie…

Athena avait vu le geste de sa mère, et détourna la tête…Sa mère devait savoir qu'elle n'avait pas aidé Sion, elle ne lui parlerait plus jamais…
Sa tête était lourde, mais elle refusait de céder, et ses idées s'entremêlaient…Tentant de se soutenir, elle ne le put, et tomba à terre, évanouie…
Kanon, qui arrivait, la souleva et la déposa sur un lit. Il prit son pouls:

"Il est très lent…vite, appelle le médecin !" dit-il à Saga qui se trouvait à côté de lui.

Le médecin arriva en courant, et dit après l'examen:

"Elle n'a rien mangé depuis un bon moment, voilà le problème ! je vais la mettre sous perfusion de glucose…"

Saga regarda la petite et dit:

"La pauvre ! comme elle doit souffrir, autant que sa mère souffre…
-Mû a trop de choses en elle, il est temps qu'elle fasse le point, et la vue de Sion dans cet état en fut le facteur déclenchant…
-Alors, qui s'occupera d'Athena ? on ne peut pas la laisser seule…
-Il ne faut pas qu'elle reste au Sanctuaire, il faut l'éloigner…ce sera pire si elle reste ici…"

Kanon réfléchit un instant…et dit:

"Pourquoi ne la confierions-nous pas à son père ?"

Milo, qui entrait, dit:

"C'est une très bonne idée…elle sera en sécurité avec lui, ça lui changera les idées…et nous irons la voir pour lui porter des nouvelles de son frère et de sa mère…"

Les chevaliers d'or, réunis en assemblée plénière, trouvèrent que c'était une bonne idée, ainsi que la déesse, qui donna son accord et prévint Julian Solo elle-même.
On attendit cependant qu'Athena soit remise plus ou moins sur pied... Son père avait d'abord été briefé sur ce qui se passait, et était venu rendre visite à son fils cadet. Entretemps, Mû n'était pas sortie de chez elle, elle méditait, réglant tout ce qui avait explosé en elle d'un coup, toutes ces contradictions refoulées en elle depuis si longtemps…

Julian Solo vint alors chercher sa fille, et l'emmena chez lui, dans sa grande maison blanche, d'où on voyait le Cap Sounion…Athena ne pouvait le regarder sans avoir les larmes aux yeux en pensant à son frère…
Julian avait fait aménager pour sa fille une chambre de sa maison, en tenant compte de ce qu'il connaissait d'elle et de ce que les adolescents aimaient…mais Athena ne savait pas se servir de la télévision ou de l'ordinateur posé sur une table de sa chambre.
Désireux de lui changer les idées, il l'emmena avec lui dans toutes les réceptions auxquelles il assistait, la présentant comme une parente éloignée dont il prenait soin. Athena, amusée, voyait le charme de son père en action, et prit bonne note de certaines choses. Pourtant, malgré ces distractions, son frère lui manquait, et son père la surprit souvent silencieuse et triste. Pourtant, il faisait tout ce qu'il pouvait pour qu'elle aille mieux, et comprit que, sans son frère, Athena n'était pas complète…Tous les jours, il se libérait de son travail pour déjeuner et dîner avec elle, et il l'emmenait parfois dans ses bureaux avec lui. Athena découvrit la technologie qui lui permettait de régner sur son empire marchand…

Au Sanctuaire, Sion était toujours dans le coma. Il reçut la visite de Petit Camus, venu tout exprès, de Saori, de petit Doko et petit Shaka…Tous étaient émus aux larmes en le voyant ainsi…Relié à des tuyaux et à des perfusions qui le nourrissaient, Sion semblait errer dans un monde extérieur…Il avait cependant l'air reposé…pourtant, de temps en temps, il s'agitait et ouvrait la bouche sans qu'aucun son ne sorte de ses lèvres…
Un jour, Triton vint le voir, et insista pour rester et le protéger, malgré la présence ininterrompue des généraux des Mers qui se relayaient à son chevet. Il se sentait débiteur de Sion, et faisait tout ce qu'il pouvait…
Environ trois semaines après la bataille, Mû sortit de chez elle, apparemment amaigrie mais l'esprit en repos. Il lui avait fallu tout ce temps pour enfin se réconcilier avec son état de mère et de femme, et avec toutes ses contradictions imposées par Sion du Bélier…Elle prit sa place auprès du chevet de son fils, et ne le quitta plus…

Athena, triste, se dit que sa mère l'oubliait un peu…mais elle considérait cela comme normal, vu qu'elle considérait que c'était son frère le plus important dans ce cas. Son père essaya de la faire changer d'idée, mais elle ne voulut rien savoir…alors il l'emmena dans une des pièces de la maison…elle contenait les tableaux de tous les Solo depuis trois siècles. Il la prit par les épaules et dit:

"Toi aussi tu es un membre de cette famille, tu t'insères dans la dynastie…alors arrête de me dire que ton frère est plus important que toi, vous êtes jumeaux, et je ne privilégie ni l'un, ni l'autre…vous êtes égaux pour moi…
-Mais c'est Sion qui a failli donner sa vie, moi je ne l'ai pas aidé…
-Il te l'avait demandé, je crois…il voulait que tu restes en sécurité…qu'aurais-tu fait face à Nereus ? tu n'as aucun pouvoir marin…il a voulu te protéger…"

Les yeux d'Athena se remplirent de larmes:

"C'était à moi de le faire…
-Ton rôle d'aînée n'est pas tout le temps de veiller sur lui…tu dois vivre pour toi-même également…Sion est peut-être l'héritier désigné, mais cela ne veut pas dire du tout qu'il soit plus important que toi…son rôle est différent, c'est tout…mais dis-toi bien que tu as les mêmes prérogatives que lui, même si tu n'en uses pas…"

Athena baissa la tête, et son père l'entraîna:

"Viens…"

Athena suivit son père jusqu'au petit port qui bordait la maison. Il la fit monter dans un bateau et l'emmena au large…Il respira et dit:

"Sens l'odeur de la mer…elle sera toujours là…Sion se nourrit de cette puissance, il a juste plus besoin de temps pour l'absorber…il se réveillera…"

En effet, Mû et Athena avaient insisté pour que le trident de Sion fût placé à côté de son lit, ainsi que certaines choses auxquelles il tenait, comme sa boucle de ceinture et son écharpe brodée au trident d'or, espérant ainsi que son énergie se rechargerait plus vite.
Athena sentit vraiment pour la première fois la formidable puissance qui sommeillait sous les flots placides de la Méditerranée. Elle se sentit lucide et calme, comme elle ne l'avait pas été depuis bien longtemps…et la mer s'apaisait elle aussi. Son père la regarda et dit:

"Tu vois, toi aussi tu as ce pouvoir…il vient de se révéler à l'instant…
-Quel pouvoir ?
-De pouvoir projeter ton humeur sur la mer…ton frère a le même…"

Athena sourit alors, d'un franc sourire, pour la première fois depuis la bataille…

Mû réfléchissait beaucoup au chevet de son fils. Tout n'était pas réglé, mais elle devait s'occuper de lui, tel était son rôle en tant que mère. Et pourtant, elle n'avait pu l'assurer pour Athena…elle savait que cela lui faisait du bien de rester avec son père, au moins elle se ferait moins de mal qu'en restant sans cesse au chevet de son frère. Elle savait les pensées qui agitaient sa fille…
Cependant, elle envoya Aphelia chez les Solo, avec ordre de continuer l'entraînement d'Athena, dans la mesure du possible bien sûr…
Juste avant cela, le chevalier d'argent fut convoquée chez la déesse, et mise au courant de certaines des spécificités d'Athena…cela devenait plus qu'utile vu les soupçons qu'elle nourrissait depuis un certain temps. Mais la déesse ne lui dit pas tout, elle ne lui révéla pas sa filiation maternelle ni le rapport entre Sion et le trident…ni qui était Julian Solo réellement ! Aphelia fut tenue au secret.
Julian Solo accueillit Aphelia avec sympathie, et celle-ci ne douta pas une seule seconde qu'il fût le père de Sion, il n'y avait là aucun doute. Il est vrai aussi que le père avait autant de charme que le fils, si ce n'était plus, et qu'il savait parfaitement en user…

Pendant ce temps, les généraux et les marinas continuaient à se relayer au chevet de Sion, toujours inconscient et aréactif. La plus triste était Thétis, qui avait pour Sion des sentiments de mère et qui souffrait énormément de le voir dans cet état. Mû la comprenait si bien qu'elle la laissait parfois seule avec Sion…elle lui faisait confiance parce qu'elle savait qu'elle préférerait se faire tuer plutôt que de laisser quiconque faire du mal à Sion.
Triton lui aussi ne quittait pas le chevet de son demi-frère, pour honorer sa dette, disait-il.
"Sion m'a rendu la vie, je peux au moins faire ça pour lui…", disait-il avec de l'émotion dans la voix.
Le cas de Sion avait ému toutes les divinités marines, et même une partie des divinités terrestres. Ce petit demi-dieu mortel qui avait osé s'opposer à un dieu et qui surtout était encore vivant, même si ce n'était qu'à peine, forçait le respect de tous…
Hilda demandait à être informée de son état tous les jours, et priait inlassablement Odin de lui rendre la santé…elle considérait qu'elle avait une dette inremboursable envers lui.
Sorrente essayait de ne pas montrer ses sentiments, mais Mû sentait bien qu'il était horriblement triste…Sion était comme son fils, et il souffrait énormément de le voir ainsi sans pouvoir rien y faire…

* Retour à la vie…

Trois mois avaient passé, et Sion était encore dans le coma…les médecins étaient très pessimistes, et craignaient une mort cérébrale.
A Asgard, le moment était venu pour Freya d'accoucher de son second enfant. Hagen avait été éloigné de la chambre de sa mère, et Hilda l'avait pris avec elle dans son bureau afin de le distraire. Les deux Camus, eux, étaient partis s'entraîner depuis tôt le matin, comme à leur habitude.
Alexer faisait les cent pas devant la porte de la chambre, attendant qu'on vienne le chercher…

Au Sanctuaire, c'était l'effervescence. Un pic avait été remarqué sur son électroencéphalogramme, il avait réagi à quelque chose ou à quelqu'un. S'il réagissait, c'est qu'il se réveillerait très probablement, démentant les diagnostics alarmistes des médecins.
Son rythme cardiaque avait remonté aussi très légèrement…Mû se reprit à espérer. Athena sentit alors, dans le grand vide qu'elle ressentait depuis trois mois, une étincelle…Sion réagissait…

A Asgard, Hilda attendait le naissance de son neveu ou de sa nièce, et elle sourit en pensant à la délicate attention de sa sœur: si c'était un garçon, il se nommerait Siegfried, comme le Guerrier Divin mort pendant la bataille contre le Sanctuaire. Le cœur d'Hilda se serra en pensant à lui…elle ne s'était jamais vraiment pardonné, et ne se pardonnerait jamais, ce qui s'était passé ce jour-là, même si elle était sous l'emprise de l'anneau maléfique des Niebelungen elle se souvenait de tout…La mort de Siegfried, le seul homme qu'elle eût jamais aimé, restait encore comme une blessure à vif dans son cœur…mais personne, peut-être à part sa sœur, ne se doutait de cette fêlure.
Souriant à son neveu, elle admira le dessin qu'il venait de faire, et lui dit d'en faire un autre. C'est alors qu'elle reçut une visite inattendue: Bud. Il ne venait jamais au palais, pourtant…
Il la salua, et dit:

"Mes respects, princesse…en fait, je venais prendre des nouvelles du petit Sion…j'étais en voyage un certain temps, et, quand je suis rentré, l'un de mes serviteurs m'a dit qu'il était dans le coma…"

Hilda demanda à une servante de faire sortir Hagen, et reprit après un court silence:

"C'est vrai…il a sauvé notre royaume et combattu jusqu'au bout…nous avons tous une dette éternelle envers lui…
-Que disent les médecins ?
-Ils sont très pessimistes…il était presque mort quand nous l'avons retrouvé, il ne réagissait même plus…il semblerait que cela n'ait pas changé depuis…"

Hilda était très surprise: Bud, qui ne s'était jamais intéressé à personne, semblait apprécier Sion. Elle ne montra cependant pas son étonnement, et dit:

"Excusez l'effervescence qui règne ici, mais ma sœur Freya va mettre au monde son bébé dans peu de temps…
-Vous la féliciterez de ma part…"

Hilda tenta alors le tout pour le tout, et dit:

"Je vais vous confier une mission, à vous guerrier divin de Dzêta…
-Je suis à vos ordres…
-Nous devons beaucoup au prince Sion (elle appuya sur le titre…qui était le titre réel de Sion d'ailleurs), alors vous allez aller au Sanctuaire et veiller sur lui pour nous…allez !"

Le tout dit d'un ton qui ne se discutait pas. Même si le visage de Bud ne réfléta rien, Hilda vit clairement une lueur s'allumer dans ses yeux mordorés. Restant impassible, elle avait donné ses ordres…Bud s'inclina alors et dit:

"Il en sera fait selon votre volonté…je pars tout de suite !"

Le tout dit sur un ton neutre, mais Hilda savait qu'elle ne pouvait pas lui faire plus plaisir. Bud s'inclina et sortit, et seulement alors Hilda s'autorisa un petit sourire. Si elle arrivait à rendre Bud plus heureux, alors pourrait-elle envisager de commencer à se pardonner ce qu'elle leur avait fait, à Syd et à lui.

Les médecins du Sanctuaire couraient en tout sens: deux pics sur l'EEG à nouveau, et encore une augmentation du rythme cardiaque ! Les chevaliers d'or observaient tout depuis la vitre qui séparait la chambre de Sion du reste de l'infirmerie. Mû était restée à son chevet, ainsi qu'Illia, Thétis et Sorrente. Petit Shaka, Saori étaient là aussi, attendant…
Soudain, entra dans la pièce Bud. Il venait du temple d'Athena où la déesse lui avait fait relater la raison de sa présence au Sanctuaire…Il demanda:

"Qu'est-ce qui se passe ?"

Aldébaran grogna et dit:

"On se connaît, nous…que fais-tu ici, Guerrier Divin ?
-La princesse Hilda m'a envoyé veiller sur le petit Sion parce qu'il a sauvé notre royaume…ces querelles stériles sont finies depuis longtemps…"

Bud était sincère, les autres le sentaient…Alors ils le laissèrent rester avec eux, assistant à ce qui semblait être la résurrection de Sion…

A Asgard, Freya était entrée dans la dernière phase de son accouchement, mais il lui semblait qu'elle ne souffrait pas autant que pour la naissance d'Hagen. Celle-ci avait duré plus de quinze heures, rendant Alexer fou d'impatience…
Justement, le pauvre Alexer imaginait mille choses, s'inquiétant beaucoup et refusant de quitter son poste devant la porte de sa chambre.
Soudain, un cri, suivi d'un autre, de bébé cette fois, et de l'agitation. Alexer s'arrêta, et attendit…la sage-femme sortit peu après, le bébé dans les bras:

"C'est un fils, Votre Majesté, très grand et très fort ! Odin en soit loué !
-Et Freya ?
-Elle va bien…"

Il attendit encore un peu, puis la sage-femme lui fit signe d'entrer. Freya était couchée dans leur grand lit, le bébé dans les bras…elle avait l'air d'aller bien.
Il l'embrassa, et admira son fils. Il est vrai qu'il avait l'air plus grand qu'Hagen à sa naissance, et il l'était effectivement, il le vit quand il consulta le papier du médecin posé sur la table de nuit. Hagen ne mesurait que 49 cms pour 3,120 kgs, celui-ci mesurait 52 cms pour 3, 950 kgs, ce qui était un peu au dessus de la normalité.
Freya dit:

"L'appellerons-nous comme nous l'avions décidé ?
-Oui, ça lui ira très bien, il est déjà fort…"

Il décidèrent de l'appeler Siegfried-Alberich…Le bébé sembla apprécier son prénom, puisqu'il esquissa une grimace qui ressemblait à un sourire et s'endormit dans ses vêtements brodés.
Alexer laissa Freya dormir elle aussi, et sortit s'occuper de la proclamation de la naissance du second prince d'Asgard…

* L'horrible testament de Nereus…


Au moment même où Siegfried-Alberich venait au monde, Sion ouvrit les yeux, faisant s'affoler les moniteurs chargés de surveiller son pouls et sa tension. Les médecins se précipitèrent, tout sourire, mais leur sourire se fana vite : Les pupilles de Sion étaient blanches, il ne voyait plus !
Il ouvrait la bouche, mais nul son n'en sortait…Horrifiés, les médecins durent en convenir: Sion était aveugle et aphasique (aphasie: impossibilité de parler non causée par une lésion des organes de la parole). Ils attribuèrent cela à des traumatismes subis par son cerveau…
Seule Mû, télépathe avec son fils, et Athena, qui arriva tout de suite avec son père, eurent la véritable explication: le sort jeté par Nereus, une des dernières choses dont Sion se souvenait. Athena resta forte, pour ne pas affoler son frère, mais pleura dans les bras de son père une fois de retour chez lui…
Quand à Mû, elle s'effondra intérieurement à nouveau, mais n'en laissa rien paraître pour ne pas faire plus peur à Sion. Il n'avait pas laissé échapper une larme, mais serrait son trident contre lui, comme un enfant contrarié serre sa peluche préférée. Il gardait les yeux fermés, ne voulant pas imposer au monde ses pupilles blanches et privées de vie.
Les généraux en furent navrés, et entreprirent de rechercher le moyen de le guérir. Quand au pauvre Sion, il entendait sans cesse l'horrible rire de Nereus qui mourait en le laissant lui aussi presque mort. Mû le serrait parfois dans ses bras quand elle sentait que sa tristesse lui devenait insupportable. Thétis rendait de multiples services, mais Mû sentait bien qu'elle le faisait pour se distraire elle-même de sa tristesse…
La déesse Athena, horrifiée par ce que Nereus avait fait et émue par la force morale de Sion, promit d'apporter son aide…de telles choses ne pouvaient demeurer impunies, et Sion avait sauvé le monde d'une inondation qui aurait peut-être signifié sa fin.
Au bout de quelques semaines, quand Sion fut transportable, il fut décidé de l'emmener vivre au sanctuaire sous-marin, maintenant vivable et habitable…Sorrente espérait que, par le lien que Sion avait avec les forces marines, quelque chose se produirait, n'importe quoi…
Athena, elle, regagna le Sanctuaire avec son professeur, la maison des Solo étant trop proche du Cap Sounion. Mû passa des jours à chercher un remède dans ses livres de médecine afin de sauver son fils, et réfléchit par la même occasion…Elle souffrait de voir son fils ainsi…quelle récompense que d'avoir sauvé le monde ? Etre aveugle à 11 ans…mais elle essayait de garder vivace chez son fils la flamme de l'espoir…
Sion apprit très vite à marcher seul, appuyé sur son trident. Mais Sorrente insistait pour qu'il soit en permanence accompagné…on ne savait jamais ce qui pouvait arriver. Mû avait obtenu une autorisation spéciale pour venir le voir quand elle le voudrait, elle venait tous les deux jours…
Pendant ce temps, Athena continuait son entraînement, mais le cœur n'y était pas…Shaina dit à Aphelia de la ménager un peu, car elle comprenait très bien ce que la petite ressentait.
Bud retourna à Asgard, la mort dans l'âme, mais demanda que l'on le tînt informé de l'évolution de Sion. Il tint cependant à connaître Athena avant de quitter le Sanctuaire, ainsi que Mû. Celle-ci se déclara touchée de l'attention que Bud avait, et accepta de le renseigner.
Tout le monde voulait garder l'espoir que Sion reverrait un jour. Les chevaliers d'or y mettaient toutes leur meilleures pensées…cet enfant méritait d'avoir une vie normale.

Illia et Thétis regardaient Sion, assis dans un fauteuil en dehors du temple de Poseidon. La mer au dessus de sa tête mettait des reflets changeants dans ses cheveux, leur donnant des teintes plus claires.
Il tenait son trident en main, et était habillé de sa robe de prince héritier. Il avait la tête droite, légèrement penchée vers la gauche…malgré son apparence digne s'exhalait de lui une profonde tristesse.
Le genéral et le marina se demandaient à quoi il pouvait bien penser…en tout cas, il était en sécurité ici, et personne ne l'attaquerait. Ses blessures étaient presque refermées, sa condition physique quasiment revenue, à part les quelques cicatrices résiduelles qui parsemaient son corps. Il continuait sa croissance normalement, et Sorrente l'encourageait à marcher tous les jours pour maintenir son tonus musculaire. S'il avait quelque chose à demander, il le demandait par gestes ou par télépathie.

Tous espéraient donc que Sion retrouverait la parole et la vue…et qu'Athena et Mû se remettraient du choc psychologique…Il fallait garder espoir en l'avenir.

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Cette fiction est copyright Anne-Laure Perrin.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.