Chapitre 4


Ben, s'il faut choisir entre avoir les pieds dans la Méditerranée ou dans la boue, y'a vraiment pas photo. Je me retrouve devant un porche, du mauvais côté bien sûr, juste sous une gouttière. Il pleut, cela me mouille les cheveux. Je vais vite sous le préau mince et humide.

Je rentre dans la maison. C'est en fait une sorte de bar. Le parquet est trempé, l'odeur montant du bois sent le café moulu. L'endroit est populaire. Il existe diverses sortes de personnes très hétérogènes. Mais pour la plupart ce sont des hommes. Cela crie et joue aux cartes comme il en convient lors des jours de pluies.

Avant de pouvoir me sécher un peu, une femme aux allures de patronne vient vers moi, semblant mécontente. Je fronce les sourcils. Pourquoi elle me regarde comme ça? Arrivant à ma hauteur, elle me tend une sorte de râteau de la pire espèce:

- T'es donc la n'velle! Commence par balayer, ça va t'apprendre à arriver en r'tard pour ton prems jour!

Et sans que je puisse dire un mot de plus, la voilà disparue aussi vite qu'elle était apparue. Je regarde mon nouvel outil. J'hallucine! Je viens chercher un bambin et je me retrouve à jardiner une boutique nauséabonde.

Je me dirige vers la patronne pour lui dire qu'il y a erreur, que je ne suis pas la personne attendue, et encore moins la personne qualifier à nettoyer derrière les gens!

- Qué tu veux, Yévhé!?

Heu…

- Retourn' bosser! Sinon, t'vas voir d'quel bois j'me chauf!

Tout de suite! Il faut dire que j'ai du temps à perdre moi. Et puis, au fond, avoir une entrée gratuite dans un endroit de rencontres va sûrement me mener quelque part. Tiens, voilà d'ailleurs quelqu'un qui entre.

Une silhouette d'homme sous un capuchon. Quand il se découvre, on remarque des habits militaires. Rien d'intéressant. Je m'actionne un peu partout, balai, non, râteau en main.

Je me déplace discrètement de table en table et tends l'oreille. Athéna m'a engagée comme espion privé, faut bien que je remplisse ma tache. La plupart ne font pas attention à moi. Ils sont concentrés sur leur jeu, leur boisson… Ils ont tous l'air vachement contents et relaxes.

Vraiment, tout le monde est heureux! Au Sanctuaire aussi ils faisaient la fête quand j'y étais! Et moi là-dedans? Ben, je cours le temps, je saute les pays, et j'apprends à tenir une boutique!

Cela fait trente minutes que je suis ici et j'ai déjà envie de rendre mon fauchet! On me prend pour qui aussi?

Je reprends mon courage à deux mains pour faire face au monstre de cette maison. Inspiration profonde:

- Heu, excusez-moi, madame, mais…
- Quoi 'core la n'velle? T'vois pas qu'j'suis occupée? J'ai du travail!

Oui, mais moi aussi! Et les minutes s'écoulent inexorablement, et il faut absolument que je trouve ce taureau d'Aldébaran!

- Vous ne comprenez pas, je n'ai jamais voulu travailler ici pour quelques maigres pistoles de rien du tout.
- Pistoles! Reprends l'ahurie, surprise. Pistoles! Pis quoi encore?!

Mais zut! On est bouché au Brésil!

- Très bien! Comme vous voulez, je mutine!
- QUE?
- Oui, parfaitement! Je ne travaille pas une minute supplémentaire! Et au noir en plus! Vous savez qui je suis au moins! Je suis un grandissime chevalier qui n'a pas besoin de se baisser sur vos pitoyables conditions! Na!

Et à mon grand étonnement tout le monde a les yeux rivé sur moi. Qu'est-ce qu'ils ont tous à me fixer ainsi? Même des cuisines il y a des tabliers qui sortent. Leurs visages, d'abord exprimant la surprise teintée de peur, se décontractent en des rictus montant jusqu'aux oreilles.

- Ouais! On en a marre de ces conditions de travail! Sans considération! Sans rien!

Je vois la boutique qui prend des allures révolutionnaires, et bientôt les choses deviennent trop compliquées à suivre pour moi. Bon, je ne vais pas m'éterniser ici. Je leur ai montré la marche à suivre pour se faire entendre: gueuler. On a donc plus besoin de moi.

Et hops! Voilà le balai qui s'envole et qui perd quelques tiges de bambou. Et hops! Me voilà sortie. Dans une flaque. Mais il ne pleut plus. La violente averse semble avoir cesser. Je regarde autour de moi sous un différent jour, au soleil. Il fait très chaud et humide. Je frissonne. Je fais quoi maintenant?

Je marche un peu, mais très peu, avant d'entendre un brouhaha dernière moi. Je me retourne, et que vois-je? Un troupeau de cuisiniers et autres employeurs courir vers moi! Ils me rejoignent rapidement et m'entourent.

- Comment t'appelles-tu, jeune fille? Me demandent-ils.

Jeune?? Mais j'ai… qu'importe mon âge, mais je ne suis plus une gamine non plus!

- Je m'appelle Flo. Que me voulez-vous encore?

Et alors, les voilà qu'ils commencent à crier mon nom.

- Hip hip hip hourraaaaaaa!! Vive Flo! La libératrice des indigènes! Nous te devons tout. Merzi, merzi, du fond du cœur!!!

Grands dieux. Je ferme les yeux, défaitiste. Je n'aurais jamais cru que j'allais vivre assez longtemps pour un jour devoir entendre de telles sornettes. Je n'ai pas dû être un assez bon chevalier d'Hermès pour mériter de telles paroles.

Whouff!

- Arg, nooooooooooon! Déposez-moi! Déposez-moi tout de suite!

Cette bande d'allumée m'a carrément fait quitté sol, et me fait faire le tour du village, entraînant tout le reste de ces noirauds derrière moi. Des litanies festivals sont chantés, et moi, voyant bien que tout ce que j'ai beau dire n'effleure en rien leur tympan, je soupire, et attends avec flegme que les choses se passent sans trop de bruits et VITE!

Et dire que Athéna doit se la couler douce sur son trône, ne se fatigant pour rien au monde, occupée de chanter comme ces bougres primaires des litanies barbares et surtout inefficaces contre Hermès.

Allez, je fais un petit tour sur des vagues de mains; et un balancement à droite, et un balancement à gauche, et on retourne à droit… je crois que je vais vomir. Je n'ai jamais supporté le bateau.

Heureusement que le tour du village est vite fait, j'y tenais plus.

- Allez, encore un p'ti tour! Décident les vagues de voix sous moi.

Non! C'est pour ça que je déteste la démocratie! Y'à toujours des perdants, et je perds toujours!

- Laissez-moi descendre! Vous vous êtes bien amusés et moi aussi - drôlement, je dois avouer - mais il est temps que j'y aille, et même plus que temps!
- Mais non, ici c'est Akuna Mattata! Faut profiter de la vie!
- Justement, si je veux encore faire quelques maigres os, il faut que je fasse en sorte de ne pas être pris en sandwich entre mon maître et son ancienne maîtresse!

Regard froncé, perplexe.

- Laisse tomber. Comprends juste qu'il faut que je me casse vite fait, bien fait!
- Akuna Mattata, grâce à toi on profite de la vie! Merzi!

Je crois que je vais être malade…

Clic… Flash!

Eblouissement… hein? Quoi? Oh non! On m'a prit en photo. Avec un Kodak ancien modèle. Manquerait plus que je fasse la une des journaux. J'imagine bien Athéna me brandir un journal brésilien vieux d'une vingtaine d'année, avec en première page le titre:

Révolution somptueuse et inégalée dans un coin paumé de l'Amazonie par le chevalier le plus chevaleresque de toute la chevalerie.

Et un article qui me serait entièrement consacré:

- Ce grand jour de l'année 19… en direct de l'Amazonie, nous, la "Famille de la Jungle" avons interviewé l'héro, ou devrions dire l'héroïne de toute l'Amérique du Sud. Un mot à bien vouloir nous faire partager, Flo?
- Heu, merzi.
- Quelle culture! Après avoir vaillamment fait face à la grosse patronne de l'auberge du coin, Flo a renversé le régime tyrannique digne de Zeus lui-même en un coup de balai, où était-ce un râteau?
- Heu, une tige de bambou.
- Oui, c'est ça! Et après avoir fait un énième tour de village à cheval sur la population locale ce superbe chevalier a été sacrée Déesse de la Liberté! Il y aurait de quoi détrôner Athéna elle-même!


Oui, là je comprends que Athéna soit furax. Bon arrêtons le délire, parce que j'y croirais pour peu. Surtout me voilà couronnée de bambou. La joie.

Dans tout ce fouillis de couleur et de bruits, je remarque le militaire qui était entré peu après moi dans la minable bâtisse qui a subi quelques petits problèmes. Il a remis son long manteau et fume une cigarette, fixant le sol, accoudé contre une barrière, semblant étranger à tout le bruit.

Pan! Vouiiii!

Moment de panique, et en moins de temps je m'embourbe dans la boue. Au moins c'est plus mou que du marbre, mais plus salissant.

- Heu…

Soudain je suis toute seule dans la rue qui semble s'être agrandie depuis qu'il n'y a plus personne. Enfin, non, l'endroit n'est pas tout à fait désertique que ça. Au loin, très loin, arrive un régiment de fourmis grossissant dans le lointain. Peu à peu on entend des cliquetis de métal, et des grondements de pas rythmé.

C'est un pays très musical ici. Et il semble qu'on ne s'ennuie jamais. Il y a toujours de nouveaux problèmes qui me tombent dessus.

Je me relève du sol mou. Ils sont encore à un bon kilomètre, ces militaires. Ils auraient pu attendre un peu, qu'ils soient plus proches avant de tirer leur canon. On se serait amusé un peu plus longtemps.

Tiens, il est toujours là, celui-là? Le type à la cigarette. Il sait se faire discret, lui au moins. Je viens m'accouder à la même barrière que lui.

- C'est vous qui les avez prévenus? Demandai-je sans le regarder, essayant de calmer mon cœur, toujours plein d'effervescences et de chants.
- Mouais, marmonne-t-il. Cela vous pose un problème?
- Non, au contraire, cela m'évite de devoir tuer tous ces bougres pour qu'ils me lâchent. Ils ont l'air d'avoir une peur monstre de la calamité qui arrive.
- Mouais.

Il me propose une cigarette distraitement.

- Non merzi, heu, merci, mais je compte pas mourir, en tout cas, pas tout de suite.
- Comme vous voulez.

Il prend une nouvelle bouffée, las.

- Au fait, vous les avez prévenus quand? Et comment? Le portable ne passe pas ici.

Il hausse les épaules et me jette quelque chose: Brazilia-On aime parler, payer, aimer. Une carte téléphonique, avec un slogan recherché en plus. Je les aime de plus en plus dans ce pays. Des satrapes, des couards et des sycophantes. Que reste-t-il? Même pas moi. Je rentre dans la troisième catégorie.

Les régiments arrivent enfin à notre hauteur.

- Vous avez besoin de venir à combien?

Il y en a à perte de vu. Eyadémda jr. a mobilisé toute son armée ou quoi?

- C'est elle, colonel? La sorcière tombant de la pluie pour créer la discorde et le chaos à travers le monde?

Mais où est-ce qu'ils ont été cherché ça?

Comment? Il m'a vu… apparaître? Ca va mal. Même très mal. Je n'ose fusiller mon voisin, car vu comment les choses avancent, je n'aurais jamais l'occasion de voir Aldébaran. Au moins j'ai eu le plaisir d'avoir rencontré et sauvé ce cher petit Mu.

- Mouais, répondit le félon de sa voix enrouée.

Il ralluma une cigarette, pas du tout concerné par ce qui se passe. Oui, car ici, la première concernée, c'est Moâ!

Je me redresse. Le militaire qui avait causé me regarde, critique, les yeux méfiants:

- Ne faites pas un geste. Vous êtes arrêtée par le gouvernement pour atteinte à l'ordre publique.

Ben voyons. Vous lisez toujours? Je suis arrêtée. Moi.

Très marrant, mais j'ai plus la tête à rigoler. Je foudroie l'insecte:

- Je vous laisse la chance de partir vite fait d'ici et de revenir si cela vous chante quand je serais plus là, avant que je décide moi-même de votre destination.
- N'essayez pas de résister, interrompt le colonel. Toute l'armée de terre est devant vous.

Je vois un petit groupe de six hommes sortir du rang de dix, dont un tient des menottes. Bon je fais quoi? Je joue le jeu? Peut-être que je vais trouver Aldébaran en prison en fin de compte. Et si il n'est pas là, je peux toujours revenir ici plus tard. Mais Athéna n'aurais quand même pas eu des forçats dans ses rangs? Et puis zut! J'en ai marre de perdre mon temps.

- Bon, vous l'aurez chercher, dis-je avec une suffisance qui m'est revenue.

D'un coup d'œil la peuplade devant moi est balayée d'un coup de vent, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien. Je leur ai offert un billet gratuit en vacances pour Trifouillis-les-oies. J'espère que quand j'aurais fini ma mission, il n'y aura pas une surpopulation là-bas.

A côté de moi, j'ai gardé le colonel. Il me plait, lui. Et puis, il n'est plus une menace, maintenant sans ses hommes. Et j'ai plaisir à remarquer la stupéfaction sur ses traits fatigués. Je lui donne une tape sur l'épaule:

- La prochaine fois, essayez l'armée de l'air. Sait-on jamais.

Puis je m'éclipse vivement, car du coin de l'œil je vois arriver tout le village pleutre voulant me gratifier leurs plus grands respects et admiration pour les avoir débarrassés du petit problème venu de la capitale en un temps record.

Je m'engouffre dans d'étroites ruelles, mais rien à faire, il y en a toujours un pour me trouver. Et si je les envoie aussi aux Oies ceux-là? Ils commencent vraiment à me courir sur le ciboulot. Personne en vue? A gauche, à droite, non, alors, whoups! Moi, dans la poubelle…

… quelques heures plus tard, je jette un coup d'œil incertain sur la rue. Il fait sombre, c'est la nuit. Mon nez n'est plus en état de fonctionner, ayant passé toute la journée dans un sauna fermentant aux vapeurs douteuses.

Ahhh, de l'air. Au fond, l'idée de la poubelle n'était pas si bonne que ça. Mon armure put à cent lieux! Ils ont des pressings dans le coin? Dans un coin entre deux renflements je dépose mon armure et m'attarde un instant.

Je fais quoi maintenant? J'ai sûrement toute l'armée d'Amérique Latine à mes trousses, ainsi qu'un village d'indigènes. Et dans ma poche j'ai toujours onze bracelets. Réfléchis Flo, réfléchis! C'est peut-être pas ton fort, mais il faut se sortir de cette situation malodorante, et finir cette mission empestée à temps! Car il est hors de question que j'arrive au Sanctuaire, après avoir tout bien fait, et de le découvrir sous le joug d'Hermès. J'aurais perdu mon temps divinement.

Bon, si je suis ici, c'est pas pour rien. Il doit y avoir quelque chose qui m'indique que ce cher Aldébaran est dans le coin. Ben oui! C'est ça! Le village est tellement petit - comme j'ai pu le constater moi-même - il ne doit pas être trop difficile de le trouver. Maintenant comment le reconnaître? D'après les notes d'Athéna à l'époque où je suis, il ne doit pas avoir plus de cinq ans. A cet âge-là, il doit juste commencer son entraînement qui normalement (enfin, vaut mieux se méfier de ce mot) se déroule dans ce pays, qui est malgré tout très grand. Mais comment faire pour m'y prendre pour ne pas me faire poursuivre une nouvelle fois? Au fond j'aurais peut-être dû rester à mon boulot de balayeuse…

- Haaaaa!!! Homf homf Piuuuu-ahhhhhhhhhh!!!!!

Qu'est-ce qu'il se passe? Quelqu'un cri comme si on l'égorgeait!

- Haaaaaaaaaaaaaaa!! Pfiu, pfiu ah ahhhhhhh haaaaaa!!!!!

Je me dirige vers la boucherie faisant du tapage nocturne. C'est une petite chaumière, à peine éclairée par une lampe à huile. D'ici le bruit devient véritablement désagréable. Où sont mes boules de coton? D'ailleurs je ne semble pas être seule attirée par le bruit. Dans l'obscurité se dessine une masse de têtes curieuses.

Je réussis à me frayer un passage jusqu'à la porte et jette un coup d'œil à l'intérieur de la maison après avoir écarté les rideaux. Il y a une femme qui hurle. Je ne la vois pas, étant dans une pièce adjacente, mais il est évident qu'elle souffre le martyre. Sans vouloir comprendre ce qu'il s'y passe, et sachant pertinemment que ce n'est pas là qu'il faut que je cherche, je décide de faire demi-tour, mais avant de partir, un homme arrive devant moi et me prend par la main pour me faire entrer. J'arrive dans la sombre chambre d'hôpital. Une femme, les traits tordus, est effondrée sur le sol, pleurant et hurlant ses boyaux.

- S'il te plaît, aide-nous. Nous avons prié tous les dieux de l'Amazonie, mais ma femme va mourir.

L'homme est à deux doigts de pleurer et de tomber à genou.

- Mais… j'suis pas toubib! Je ne sais pas de quoi souffre votre femme, réponds-je, n'ayant pas le courage de l'envoyer balader.
- Je t'en pris, tu as sauvé tout le village entier, sauve ma femme! Je ferais tout, pitié, je te donnerai tout.

Je fixe la femme sur le sol, écrasée par un mal qui m'est inconnu. Dans cette obscurité, je n'arrive pas à déterminer son âge, ni même à savoir à quoi elle ressemble. Si elle est bleu ou pas.

- C'est le démon… regarde pas! Entends-je par la fenêtre encombrée de têtes curieuses.

Bon, commençons par le commencement. Je claque la fenêtre au nez de ces gens. Quand on parle, faut savoir de quoi on cause. Le démon, moi je le connais, et personnellement, et je peux même assurer qu'il s'appelle Athéna!

- Où est le médecin du village? Je demande au mari.
- Je l'ai envoyé chercher, mais il est en retard. Pitié…
- Oui oui! J'ai compris! Lâche-moi les basques, tu veux!
- HAAAAAAAAA, AHHHHHHHHHHHH!!!!

La femme ressent une nouvelle vague de douleur. Je ne sais pas quoi faire. Peut-être est-elle blessée. Peut-être est-elle victime d'une de ces maladies tropicales, ou tout simplement d'oreillon. Je me demande…

- Aidez-moi à la mettre sur le lit, cela sera déjà plus confortable que par terre.
- Zurtout pas toucher!! S'écrie une voix d'un nouveau venu alors que je porte la femme par les bras. Elle pourrait contaminer zotre esprit par le malin…

C'est quoi encore ces histoires? Le type qui vient de rentrer en trombe est plus que bizarre: habillé d'un long peignoir bleu, les yeux protégés par des lunettes en forme de cœur, des clochettes accrochés à tous ses doigts, et des cheveux rouge en bigoudis… rouge??

Je tombe à la renverse. C'est mon cauchemar vivant: "L'homme-aux-cheveux-rouges-qui-se trouve-toujours-là-où-je-suis".

- Mais qu'est-ce que tu fais là toi!? Crie-je.
- HAAAAAAAAAAAAAA…

BOOM.

Désolée madame. J'espère que vous n'avez pas trop mal à la tête, croyez-moi je n'ai pas fait exprès de vous lâcher.

- Z'suis le shaman! Z'occupe de vot' femme, mon brav'.

C'est lui le médecin? Mais c'est quoi cet hurluberlu encore? Tiens, et voilà le quémandeur aux pieds de ce misogyne. Je le repousse, pas du tout contente qu'on prenne ma place:

- Eh, pousse-toi de là, blaireau, fis-je.
- HAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA… Hurle la femme jusqu'à damnation.
- QUE? Z'suis l'élu des dieux. Z'vais purifier zette femme! Fit-il en sortant un couteau.
- …AAAAAAAAAAAAAAAAAAAA…
- Ca va pas non! C'est à moi qu'on a demandé de l'aide!
-…AAAAAAAAAAAAAAAAA….
- Z'est pas vrai! Z'est à moi le premier! Et zé gagné mon diplôme à Harvard, moa!
- …AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA…
- Et ben, puisque vous êtes si fort que ça, parle déjà normalement! Et vas-y, exorcise-la, la pauvre femme. Mais je te préviens mon vieux, je t'ai à l'œil!
- …AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA…
- Zha! Ze sent le piège! Vas-zy toi!
- …AAAAAAAAAAAAAA…
- Oh la ferme!! Crie-t-on.
- …AAAAaaaaaaaaaaaaaa. Snif.

Bien sûr on pouvait continuer comme ça pour l'éternité. Le mari pleure sur le sol, n'osant toucher la femme.

- Bon, transportez-la sur son lit, j'ordonne ayant été donnée les commandes de l'opération.

Personne ne lève le petit doigt. Jetant un mauvais regard, tout en me demandant pourquoi je perds mon temps avec des paysans superstitieux, je prends la femme sur mon dos qui crie de plus belle, et la mets sur une paillasse présente, à la lumière.

- Ah, je vois, dis-je d'un ton très professionnel. - l'homme me regarde avec des yeux de soucoupes. - Voyez mon génie, monsieur. En un coup d'œil je peux tout de suite diagnostiquer le mal - Des yeux grands comme des soupières - et pour vous instruire un peu, dites-moi ce qui choque le plus chez votre femme?

Regard indécis. On aurait pu y engouffrer l'île entière du Sanctuaire par ses pupilles.

- Regardez-la bien. C'est son ventre. Vous ne vous êtes jamais poser la question de comment vous pouvez avoir des rejetons? Je suis désolée de casser vos illusions: ce n'est pas la petite cigogne qui les dépose, non. Conclusion: ta femme est en cloque. Et toi aussi, prends des notes. Oui, toi aux cheveux rouge bigoudiés! Comme ça, cela t'empêchera de tuer trop de monde avec ton jouet.

Silence, ils me regardent comme si j'étais le nouveau prophète. Mon égo prend un sacré coup de jus aujourd'hui.

- Bon, prenez votre temps pour me remercier, mais maintenant il faut que j'y aille, dis-je, allant vite vers la porte.
- Mais, mais… comment faire??? Fait le peureux, complètement paniqué.
- Zette femme va mourir. Le monstre en zlle va lui manzer le cœur.
- Ohhhhhhhh! S'évanouit l'homme.
- Comment ça elle va mourir? Faut juste qu'elle pousse très fort. Relevez la jupe, et que l'un d'entre vous rattrape l'enfant à moins que vous ne vouliez qu'il se crashe le crâne.
- HAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA!!! HAAAAAAAAAAAAAAAAAAA!!! MAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAL!!!!!

Personne ne bouge. Ni moi ni lui ne faisons rien.

Puis un dernier cri, et après un: WHOUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIINNN! ARRRRRRRGggg. Qui a été précédé par un 'Boum' équivoque.

Bilan: Un enfant a été mis au monde par la génialissime Flo, chevalier des Déplacements, une commotion cérébrale à sa naissance. Nous pouvons juger que ce fut une éclatante réussite. L'enfant est très docile et ne fait pas un bruit, ce qui fait très plaisir. Le tout sans recours à une salle spéciale d'accouchement. Les états feraient sûrement beaucoup d'économies si les femmes mettaient à bas chez elle. Point négatif: la paillasse est ragoûtante d'os et de sang.

Je laisse la mère, dotée de l'instinct maternel, s'occuper de son bambin. Mais c'est le matin et je vais aller chercher mon armure. Cependant avant de partir, ma patiente vient vers moi:

- Donne lui un nom.
- Hein? Quoi? Pardon?

Elle me montre l'enfant qu'elle veut que je nomme. Je reste plantée là. Un nom. Un nom? Mais… et si… cela serait trop beau…

- Et pourquoi pas Aldébaran, par hasard? Propose-je, l'air de rien.

Par hasard, bien sûr. La femme me regarde si fixement que cela en devient inquiétant. Je fronce les sourcils. Je suis fatiguée.

- Commet toi savoir?
- Savoir quoi?
- Tu es devin.
- Quoi? Vous l'avez appelé Aldébaran!? Je m'écris.

Elle secoue la tête:

- Non. Mon premier s'appelle Aldébaran.

BOUM

Est-ce une surprise? Une coïncidence? Mais elle ne fait que me répéter que son premier enfant s'appelle ainsi.

- Et où est-il?
- Prison.
- … Ah?
- Dieu enlever mon fils. Camp. Plus jamais revu.
- Un camp? Quel camp? Où ça le camp? Je m'excite.
- Forêt dense. Dieu a enfermé Aldébaran.
- Tu pourrais m'indiquer où?

Elle hausse les épaules.

- Moi pas savoir. Peut-être grand sorcier.
- Quel grand sorcier?
- Le shaman.

Comment? Encore cet hurluberlu? C'est une honte que ce charlatan profite ainsi de la crédulité des gens. De toute façon, je n'ai pas d'autre solution à moins de passer l'Amazonie au peigne fin. J'attrape donc le sorcier pas les bigoudis et lui fait ma requête. Il a bien fallu être quelque peu convaincant, mais il a bien voulu m'aider de bon cœur.

Nous sommes tous les deux assis autour d'un feu. Il est six heures du matin, ou quelque chose d'approchant, il y a déjà les moustiques qui bourdonnent et le soleil qui brûle. Mais il paraît qu'il faut absolument un feu. Donc, il y a un feu atour duquel nous sommes assis. Quant au reste, je ne peux pas vraiment expliquer ce qu'il a fait: je me suis endormie, ennuyée par ces litanies inévitables comme tous bons sorciers qui se respectent. Résultat, la "prison des dieux" (c'est devenu un mythe vivant à ce qu'il paraît) se trouve à droite du village à partir de la poste (oui, il y a en a une), trente kilomètre plus loin, puis ensuite on fait trois tours sur nous-mêmes, puis un quatrième pour la forme, on tourne à droite, marche cinq mètres, on grimpe au bananier se trouvant à un angle de trente degré par rapport à l'unique prunier se trouvant là. De là haut, on devrait trouver ce que je cherche.

… Est-ce qu'il se moque de moi? Bon, je prends le type par son bigoudi de gauche, car celui de droite est distendu:

- J'ai rien compris. Bon, de toute façon, tu viens avec moi.

Et me voilà, obligée de me coltiner un abruti qui fait que me suivre depuis le début de ma quête dans un but qui doit être tellement simplet que je n'arrive pas à le déchiffrer. Cela mis à part, il fait office de porteur de mon armure, car je commence à avoir très chaud sous ce soleil irritant.

Nous sommes en fin d'après-midi au moment où on a enfin trouvé le bananier en question qui est en fait un dattier… allez comprendre.

- Bouge pas comme ça! Tu vas te faire repérer pas les miradors! Je réprimande mon guide.

Nous sommes tous les deux perchés au bout d'une des branches de l'arbre, tendant le cou pour avoir une bonne idée de ce à quoi ressemble le camp d'entraînement à travers la végétation. Déjà, quatre tours s'en dégagent.

- Ze fais ze que ze peux, me baragouine-t-il.
-Chuuuuuut! Regarde, ils se relayent. A combien donc est le tour de garde? Cela fait combien de temps qu'on est là? Il est quelle heure?
- Heu, ze sais pas…

En fait, il a perdu le chrono que je lui ai passé. Il fouille ses poches, remuant tout l'arbre. Il se retourne, la branche ne semble pas apprécier.

- Il est là, fais-je en voyant l'appareil posé en équilibre sur sa cuisse. Attention, il va tomber!!

Il le voit; je me baisse pour attraper le chrono qui entama sa descente vers le bas. Il se baisse, voulant aussi voler à sa rescousse.

Bang! Ma tête.

Crrrrrrrrrrrash!! La branche…

Et merd… credi.

- Whaaaaaaaaaaaaa…aaaaaaaaaaaaaaa…

BOOM. No comment.

Inutile de dire que les surveillants du camp, bien que pas du tout zélés, ont été bien obligés de signaler la disparition d'un arbre, qui s'écroule, logeant deux drôles d'oiseaux. De cause en conséquence, ils amènent une patrouille de routine, et me trouvent, coincée à terre par un tronc de dix virgule quatre-vingt treize mètres de diamètre et de trente et un virgule zéro trois mètres de haut en compagnie de mon armure, de mon chrono en miette et d'un zigoto aux bigoudis.

Résultat des courses: je suis faite prisonnière au Brésil par les chevaliers d'Athéna, mon employeur, seule car ils ont eu la bonne idée de juger que mon compagnon, étant d'une rare espèce d'animal exotique en voix de disparition (pour le bien du monde), ils l'ont laissé tranquille.

Je suis gé-ni-ale.

Mais pas autant que je ne l'ai cru tout d'abord, car pour une fois, les choses se sont très très, horriblement mauvaisement passées.

Je suis accueillie avec les honneurs d'une vraie divinité. Peut-être ma réputation de sauveur de village m'a précédée jusqu'ici. Les gens sont très courtois et gentils, pleins de petites attentions. Je ne me suis jamais dit qu'il se cachait quelque chose d'autre que de la simple hospitalité dans toutes leurs actions, mais quand je l'appris, cela m'a fait moins sourire:

- Comment??? (Ca, c'est moi qui m'égosille) Ceci est un lieu d'entraînement d'Hermès!!! Mais, mais, celui d'Athéna! Il est où? Où est mon petit Aldébaran?!!

Ils me regardent d'abord un peu bêtement, surpris de ma saute d'humeur (oh, mais ils n'ont encore rien vu, s'ils ne me sortent pas Aldébaran à l'instant!). Y'en a quand même un qui se risque à me répondre:

- Heuu, il n'y a plus de camp d'entraînement d'Athéna ici depuis la dernière guerre sainte contre Hermès, notre maître.
- Quoi !! Mais quel abruti celui-là ! Il est gonflé ! M'énervai-je. Comment je fais moi alors !

Où est Aldébaran? Bon sang!

Les gardes froncent les sourcils, peu sûrs de quoi faire maintenant.

- Mais vous êtes bien le chevalier envoyé par Hermès, n'est-ce pas?
- Hein ? - c'est quoi encore cette histoire ? - Non, enfin, oui. Oui, oui, c'est moi, loyal serviteur de ce cher dieu tout gentil bla bla bla, etc.

Ils sourient. Un peu machiavéliquement je dois dire. Ils m'emmènent plus profondément dans le camp jusqu'à l'arène centrale. Vide. Ils me rendent en même temps mon armure brillante sentant la goyave.

- Nous vous avons préparé une place là-bas.
- Ah, merci, c'est gentil, mais pourquoi ?
- Eh bien, c'est pour assister au combat en tant que substitue du responsable, c'est-à-dire, si nécessaire, prendre une décision et d'apporter le gagnant à Athéna.
- Hé ! Minute papillon ! Qu'est-ce que tu me causes d'Athéna maintenant? On est bien chez Hermès là, oui ou non ?
- Oui, mais comme tous chevaliers d'Hermès et d'Athéna bien constitués, nous savons que le Traité d'Alliance d'Echange d'Elèves afin d'Eviter une Guerre Sainte (le TAEEEGS) a été mit en vigueur il y a deux jours. Nous avons donc notre part à fournir.
- J'ai rien compris. Sinon, je suis chef du camp jusqu'à ce que j'emmène l'élève, c'est ça ?
- Parfaitement.
- Cool.

Trop. J'attends donc patiemment sous le soleil. J'ai beau demander un parasol, on ne semble pas se préoccuper que j'ai un cerveau en surchauffe (si si, j'en ai un). Je suis juste à la périphérie de l'arène, sur le côté extérieur. Je commence à vraiment être mal à l'aise, marinant ainsi dans mon armure toute propre qu'on m'a redonnée.

Arrive enfin les deux candidats. Un petit gringalet, cheveux lisses et longs, l'air doux. L'autre est poids-lourd avec des cheveux longes et lisses, le regard féroce. Du genre… Aldébaran !

Mon cœur bat à cent à l'heure en comparant la photo du dossier d'Athéna avec la jeune armoire à glace devant moi. Super ! Il va gagner sans problème, je l'amène à Athéna comme tout le monde semble l'avoir prévu, et hops ! Au prochain ! Jamais mission n'aura été si facile à réaliser ! Aldébaran m'est littéralement servi sur un plateau.

Petite cloche annonçant le début du combat. Je suis bientôt rejointe par des gardes faisant une pause.

Comme prédit, le poids-plume se retrouve à terre. Il se relève ; retombe ; se re-relève ; re-retombe. Cela n'en finit pas. Le garçon a au moins mordu plus de cinquante fois la poussière.

- Il me fatigue ce gosse à toujours se relever. Hééé ! Microbe !! Je crie au candidat. Tu vas te dépêcher de perdre, tu me fais perdre mon temps ! J'ai pas toute la journée !

Pourtant les choses n'évoluent pas. Ca en devient lassant, et c'est en grognant que je me rends sur l'arène. Et arrivée à leur hauteur, je les sépare :

- Vous n'avez pas de techniques super balèzes qui sembleraient mettre n'importe quel adversaire au tapis ? Parce que, je ne voudrais pas vous brider, mais sans un minimum de superflu, je ne crois pas que vous parviendrez à un résultat.

L'armoire à glace en voulait à mort à son adversaire et ne fait que gigoter derrière ma main qui le retient. Il ne m'a pas entendu.

- Bon, Aldébaran suffit ! Mais c'est quoi ce gosse mal élevé.

Le petit maigrichon était out, dormant debout, les yeux enflés de coups.

- On peut savoir ce que vous faites, chevalier ? Me demande le chef de la garde du camp qui m'a rejoint suivi de tous ses suivants.
- Je fais un peu accélérer les choses. Je prends Aldébaran est basta.

Il fronce les sourcils, perplexe.

- Mais, il ne gagnera jamais.

Derrière j'entends quelques ricanements. Il y a des choses qui m'échappent ici. Déjà, c'est une bonne chose que tout le monde soit d'accord qu'un Aldébaran existe dans ce bas camp… mais il y a anguille sous roche.

- Heu, peut-être que vous n'avez pas bien compris les règles du combat, chevalier, tente le garde, perdant patience.

Prenez-moi pour une imbécile pendant que vous y êtes !

- Le gagnant, c'est celui qui est encore debout.
- Vraiment ? Je lui réponds sarcastiquement. Je croyais que c'était le premier à atteindre Jupiter qui gagnait.

La tension monte. Mais le type soupire, essaye de ne pas faire dégénérer les choses. Un pacifiste quoi!

- Bon, si nous retournions à nos places, pour rapidement finir ce combat; vous partirez plus rapidement ainsi.
- Non, j'en ai assez vu, réplique-je. Aucun de ces deux garnements n'est de niveau à être un chevalier de quoi que ce soit. Même les guerriers d'Athéna valent mieux, c'est dire! Laissez-moi prendre ce que je cherche, et vous n'entendrez plus parler de moi.

La tension remonte. Le garde semble de moins en moins pacifiste, un lunatique quoi!

- Pour qui vous prenez-vous…
- Je suis bien maître du camp d'entraînement jusqu'à la fin du match? Je décide donc d'y mettre fin de suite!

J'agrippe fermement Aldébaran gamin tellement fort qu'il ne doit plus sentir sa main, il s'évanouit, pov' chou.

- C'est juste! Et en temps que chef vous devez savoir qu'il y a des règles auxquels même vous ne pouvez transgresser, telle que celle qui dit: "un combat donnant finalité à un grade n'est en aucun cas limité dans le temps et l'espace, et toute intervention prématurée peut se traduire comme une partialité intolérable et donc intolérée." Dixit le Manuel du chevalier apprenti d'Amazonie, page 2448!

- Une magouille quoi. Ecoute jeunot, les lois de la paperasse, moi je m'en torche. Si tu es là pour me créer des problèmes, viens te battre, et finissons-en tout de suite!
- Très bien!

Surprise, car ne pensant pas qu'il sorte de ses gonds si facilement, je ne vois pas son coup. C'est ça un pacifiste-lunatique!?

-Ouille, ma mâchoire! Je grimace en me massant l'endroit blessé.

Je lâche le gosse, vraiment pas contente de m'être faite avoir par un bleu pareil:

- Typhon Zéphyrin!! Je lance les grands moyens.

De l'arène se crée une tornade qui en peu de temps ravage le camp. Après avoir été projetée contre une cabane d'habitation que j'ai défoncée, je retrouve l'alentour dévasté. Génial, à moi toute seule j'ai détruit un camp d'entraînement, et pas n'importe lequel, celui-ci appartenant à Hermès! Bah, au fond qu'importe.

Résultat, Aldébaran s'est envolé. J'espère qu'il n'est pas trop loin, car j'ai hâte de le ramener au bercail. Je fais quelque pas dans la paille qui devait faire office de toit.

- TOI!!!

Je me retourne pour me retrouver avec cette teigne de garde.

- Qui? Moi? Je fais innocemment.

Il fulmine et semble incapable de dire quoique cela soit.

- Ecoute coco, je dis. Je suis pas là pour te voir devenir rouge ou jaune, je suis là pour trouver des bambins, nuance.

BAM!

Et un autre coup de l'autre côté de la mâchoire! RHAA! Mais c'est qu'il fait mal ce type!

- Tu veux que je pulvérise ton camp, gros crapaud! Tu commences réellement à me mettre en rogne!
- Tu as raison, concède-t-il. Faisons un combat chevalier à chevalier! Si tu gagnes, casse-toi avec le gosse, si c'est moi qui gagne, tu vas me reconstruire le terrain! Le premier à tomber aura perdu!

Je souris. Youpi! Un super combat s'annonce pour Flo, chevalier inégalable dans tous les domaines comportant ruses prédestinées à la fuite!

Tout stagne autour de nous, le ciel s'assombrit. Yeux dans les yeux… enfin non, il est trop long pour que je vois les siens. Le combat s'engage, et je crois que c'est parce que je ne suis plus très en forme que je perds un peu le dessus.

- YAAAAAAAA!! Crie l'autre, endiablé.

Son coup que j'esquive détruit la cabane rescapée. Hééé! Détruit pas tout non plus!
Puis, par inadvertance, je trébuche sur je ne sais pas quoi de caché sous la paille, et me retrouve à terre. Face la première.

- Hé! C'est de la triche! C'est qui qui a mis ce piège!?
- J'ai gagné! J'ai gagné! Crie l'autre.

Il commence à danser comme un idiot, et à son tour trébuche sur le même piège que moi, et dévoile la touffe de cheveux d'Aldébaran. Enfin, je crois.

Mon adversaire vient vers moi triomphant, après s'être malheureusement relevé. Je m'apprête à le tuer par surprise - il est hors de question que je reste dans ce pays traître - quand une grosse voix venant des airs hurle dans mes tympans:

- RENDEZ-VOUS SORCIERE!!! VOUS ÊTES ENCERCLEE!!! CECI EST L'ARMEE DE L'AIR!!! VOUS ENTENDEZ??? DE L'AIR!!!!

Des hélicoptères dépassent la cime des hauts arbres encore debout. J'y crois pas. C'est l'autre militaire qui se ramène avec son armée de l'air. Rhaaaa! La prochaine fois je tiens ma langue. Mais quels idiots! Ils n'auraient pas pu choisir plus mauvais timing! D'un côté j'ai les hélico, de l'autre des gardes dont l'agressivité décuple les forces. Et de mon côté qu'est-ce que j'ai? Tiens tiens, un cerveau défaillant ressemblant plutôt à une tige d'épinard fleurie et il faut que j'aille chercher un veau.

Mes yeux s'agrandissent quand je vois l'armée lâcher des bombes… ça rigole plus.

Je saute le plus loin possible vers la tête chevelue de mon petit convoité, fais un roulé boulet, et tout un tas d'autres débilités. Les déflagrations me projettent encore plus loin, et généralement contre des troncs d'arbres.

AU SECOURS!!! J'ai les fesses en feux! Et l'armure rouge. Gardant la tête froide j'atteins le garçon toujours couvert de paille, l'agrippe par les cheveux, et slalome telle un pro du ski hors-piste entre les bombes. Hop, on saute sur une et… BOOM!!

Oops, me voilà dans les airs, haut encore plus haut… vers le ciel peuplé de machines de guerre. Oh non, non… si… fatalité. Telle une fusée je crashe dans une de ces machines et tout explose autour de moi.

Je crois que j'ai perdu connaissance, ou ma vie. Ah bah, c'est la même chose au fond. Je n'entends rien, je ne sens rien. Si, je sens quelque chose qui me frôle, me chatouille le visage. D'agréable ça devient franchement gênant. J'ouvre les yeux.

- Haaaaaa!

Je fais un bond de cinq mètres (trop fatiguée pour faire plus haut) en me rendant compte que c'est un de ces cétacé visqueux de cinq millimètres qui essaye de me grimper dessus.

Où suis-je? Pas dans une pizzeria en tout cas. Plutôt sur une plage vide puante de varechs. Je grimace. J'ai envie de gerber. A côté de moi un petit garçon souriant mais dont les yeux sont gonflés. Son corps tout maigrichon me rappelle quelque chose.

- Euh, fait ma voix enrouée. T'es qui toi?
- Aldébaran, m'zelle!
- Hein? Je fais celle pas du tout au courant.

Mais avant quoique ce soit, l'être commence à sauter tout au tour de moi:

- Merzi! Merzi! Merzi! Vous m'avé sauvé des mézants!

Merzi?

- QUOI!? Tu es Aldébaran! Je m'écris alors, lui prenant le bras. Mais, non, comment, tu es tout efflanqué, c'est pas toi Aldébaran!
- Si.

Tout me revient. Le pub où s'est effectué la révolution, le militaire amenant son armée de terre, l'accouchement ou l'avortement, le shaman fêlé, le camp d'entraînement, le combat, le zigoto brandissant son manuel, les bombes me tirant au pigeon… et…

J'ai pas le temps de reformer tous les événements que de derrière les dunes de sables apparaît encore les mêmes hélico:

- AU NOM DE SA SUBLIME PERSONNE EYAMEDA, RENDEZ-VOUS SALE ZOUAVE!!

Arg, cela donne un mal de crâne. Enfin, j'suis plus une sorcière, c'est déjà ça.

- Bon, Aldébaran, je te fais confiance que tu sois bien Aldébaran. Si on y allait?

Je le prends rapidement par la taille le mets sur mes épaules et hop! Je saute, derrière moi il y a un trou béant. Hop!

- YAAAAAAA!!!

Je suis entrain de courir comme une dératée le long d'une belle plage tropicale du Brésil. Ce ne sont pas des bombes qui me font peur! Je suis Flo! Chevalier enchaîné à deux maîtres complètement fous mais je m'en fiche, car c'est un réel plaisir pour moi de courir le long de cette plage où tout explose autour de moi. Aldébaran, ben, je sais pas comment il va.

- C'est partiiiiiiiiiiiii………..

Et je disparais… Adios.

***

- C'est quand qu'on arrive? Se plaint la momie derrière moi.
- Pff, Aldébaran, si tu veux devenir un jour un chevalier un tant soi peu digne de cette niaise d'Athéna parce qu'il est inutile de te présenter à Hermès: Son entourage est déjà assez débile comme ça. Maintenant il faudrait grimper cette petite colline de marches non?
- Et après je serais fort! Un vrai chevalier d'Athéna? Un vrai de vrai?
- Mais oui, bien sûr. Comment, a-t-on avis j'ai eu mon armure, moi?

Devant nous, encore cinq cent marches en perspectives. Aldébaran gémit de nouveau. Ahh, les gosses. A son poignet teinte à chacun de ses mouvements un petit bracelet qui ne paie pas de mine.

- Bon, si on chantait?

Il était un grand Taureau
Et ron et ton, petit patapon
Il était un grand Taureau
Qu'avait un drôle de nom, ronron
Qu'avait un drôle de nom…


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Cette fiction est copyright Marianne Dumarché.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.