Chapitre 15 : L'épée des Illusions


" L'homme qui a eu le courage d'affronter son dieu et de le tuer put jouir en paix de tous les délices du paradis, il prit alors le nom de Dieu"

Château d'Helstein


Un homme de haute taille aux cheveux et aux yeux brillant comme l'argent se tenait debout devant un trou obstrué au milieu d'un immense donjon.
Il regardait fixement ce tunnel qui menait les hommes vers leur destin, où il n'y avait pas si longtemps toutes les étoiles terrestres s'étaient engouffrées à la poursuite d'une petite déesse qui prétendait prendre la vie du seigneur des ténèbres.
Thanatos portait sur les choses qui l'entouraient un regard plein d'amertume. Cela faisait au moins un mois qu'il était de retour sur Terre après avoir joué un mauvais tour aux Moires et il avait encore du mal à s'y faire.
Rien ne lui rappelait l'ambiance d'Elision, la terre des dieux dans ce petit château allemand.
Certes il y avait les elfes qui étaient toujours aussi agréables avec lui, certes il y avait la musique et le raffinement mais il y avait aussi Pandore…
Ah ! Pandore, cette petite sotte à qui il avait pris la vie et que depuis son retour sur Terre il était obligé d'appeler " majesté ".
Jamais il n'aurait cru devoir s'adresser ainsi à une mortelle et pourtant… Et pourtant il le fallait bien… car c'était un ordre de sa majesté Hadès.
Hadès…
Depuis qu'il avait quitté le château d'Helstein sans explication Pandore ne cessait de le houspiller, lui Thanatos pour qu'il l'emmène le rejoindre.
Cela lui devenait de plus en plus intolérable ! Pourquoi Hadès l'avait-il laissé là ? Pourquoi avait-il confié à Hypnos la mission de ramener les guerriers divins plutôt qu'à lui ? Hadès le mésestimait-il à ce point ?
Et surtout pourquoi refusait-il de lui révéler la vérité à propos de Célesta ?
Thanatos revoyait le visage au teint mat et aux yeux d'émeraude de cette petite déesse qui avait touché son cœur.
Dans un soupir Thanatos lâcha le nom de son adversaire.
" Célesta… Saurai-je un jour quel passé nous avons en commun ? "

Le passé… Célesta… La mort amoureuse voilà ce qu'il était en cet instant. Il voulait comprendre pourquoi il ressentait des sentiments aussi forts pour cette déesse insignifiante.
L'amertume qui envahit alors son cœur le fit revenir un mois en arrière quand arrivé dans la prairie des Asphodèles il avait demandé la vérité à sa majesté Hadès.

Prairie des Asphodèles

Un mois plus tôt


Thanatos venait de terminer la narration de ses exploits, Hadès se tenait assez près de lui, l'air grave il regardait le ciel.
Thanatos emporté par sa fougue continua :

- Et c'est ainsi que j'ai laissé les Moires en train de se griffer mutuellement pour la possession de leur œil d'émeraude.

Hadès prit une inspiration puis se retourna pour faire face à Thanatos.
Aucun sourire ne flottait sur ses lèvres de sorte que Thanatos ne pouvait savoir si son maître approuvait sa conduite.

- Les Moires… Autrefois leur puissance me permit de garder Perséphone auprès de moi et m'obligea à défier l'Olympe… En ce temps-là même le grand Zeus aurait hésité à les défier… Mais aujourd'hui elles se font ridiculiser par un dieu mineur, j'espère que cette dégénérescence n'affecte pas toute l'espèce divine sans quoi les hommes auront eu raison de nous oublier…

Thanatos hésitait à se retirer, il y avait certaines questions auxquelles il voulait des réponses.
Hadès se retourna négligemment.

- Autre chose Thanatos ?

Thanatos hésitait, le regard de sa majesté était différent mais il ne voyait pas en quoi et cela l'affligeait de constater que depuis le retour de Pandore, Hadès hésitait à lui faire pénétrer le secret de ses pensées comme il le faisait auparavant. Il trouva quand même le courage de demander.

- Ha…Majesté… Lors de ce combat j'ai ressenti quelque chose de spécial pour cette déesse, cette Célesta… Comment cela se peut-il ?

Hadès se leva il regarda le ciel des Asphodèles et les nuages que le vent faisait bouger. " Le mouvement de ces nuages est celui du temps " pensa-t-il.
Il se retourna vers Thanatos, comme il était étrange que le dieu qui commande à la mort lui demande de lui faire retrouver le souvenir d'un passé qu'il avait lui-même souhaité oublier.
Puis finalement.

- Que souhaites-tu savoir ?

Les questions fusèrent dans l'esprit de Thanatos mais sur le moment une seule sortit de sa bouche.

- Est-elle comme nous ?

Hadès s'avança vers Thanatos toujours agenouillé et dans un geste paternel qui toucha beaucoup le dieu de la mort, caressa ses cheveux et rabattit une mèche argentée qui cachait sa marque frontale.

- Te souviens-tu de la signification de cette marque Thanatos ?

Thanatos hésitait, cette marque étoilée symbolisait toute l'affection qu'il avait pour son maître, en fait il s'agissait d'une reproduction de la médaille qui liait Shun à Hadès, et il avait des scrupules à exprimer ses sentiments de peur qu'ils ne gênent Hadès.

- Majesté… Cette marque j'en suis fier car c'est vous qui l'avez apposé sur mon front le jour où vous avez fait de moi un dieu et je la garderai toujours comme un signe de votre affection. " Yours ever " A toi pour toujours… Voilà ce que signifie cette marque étoilée que vous avez gravée sur mon front.

Hadès sourit à Thanatos et dans ses yeux le dieu de la mort voulut lire toute l'affection et la fierté d'un père pour son fils.

- C'est exact Thanatos. Cette étoile signifie que tu es lié à moi pour la vie car en laissant ce signe sur ton front je t'ai permis de t'éveiller au 9ème sens, te permettant ainsi d'entrevoir une infime partie des infinies possibilités du Big Will.
- Oui je m'en souviens…

Hadès s'éloigna un peu au grand dam de son vis-à-vis. Thanatos y vit du dédain, en fait Hadès avait encore du mal à accepter que Thanatos ait pu prendre la vie de Pandore avec une telle légèreté, Pandore la seule personne qui réchauffait encore son cœur triste. Il se ressaisit pourtant.

- Non Thanatos, Célesta n'est pas comme toi : ce n'est pas moi qui ai fait d'elle une déesse. Pas par affection en tout cas.
- Mais alors pourquoi est-ce que je sens qu'elle appartient à mon passé ?

Hadès parut touché par la détresse de son serviteur.

- Thanatos, te souviens-tu de ton passé ?
- Oui je me souviens des guerres saintes, d'Hypnos, de vous, de…
- Non, ce n'est pas ce que je veux dire. Te souviens-tu de ta vie avant de devenir un dieu ?

Thanatos resta figé, aussi loin que sa mémoire s'étendait il ne se rappelait pas de sa vie avant que cet homme au cosmos si puissant appose ses mains sur son front. Avant cela il n'y avait rien ou plutôt si il y avait de la souffrance.

- Non votre majesté je ne m'en souviens pas.

Hadès baissa les yeux, son regard se fit plus triste.

- Thanatos… En devenant un dieu tu as choisi de renoncer à une partie de ton humanité, Célesta appartient à cette partie de toi que tu as sacrifiée.

Thanatos était éperdu de désespoir, qu'avait-il bien pu perdre ? A quoi avait-il pu renoncer pour devenir un dieu ?

- Votre majesté je vous en prie, dites-moi à quoi j'ai renoncé !

Hadès hésitait, cela lui faisait une impression étrange de voir ce grand fauve agenouillé devant lui le suppliant de lui rappeler les sentiments qui lui étaient les plus étrangers.

- L'amour, la souffrance… Voilà ce à quoi tu as renoncé Thanatos.
- L'amour, la souffrance ?
- Oui, c'est à cette partie de ton passé que Célesta appartient. C'est en abandonnant ces sentiments que tu es devenu ce que tu es maintenant : un dieu impitoyable ! Es-tu prêt à y renoncer pour retrouver ton passé ?

Thanatos ne savait que dire. L'amour était un sentiment humain, penser que lui, Thanatos, pouvait l'avoir connu lui donnait la nausée ! Aussi loin qu'il se souvienne tout ce qui avait fait bouillir son sang c'était le sadisme, la cruauté, le raffinement mais l'amour ! Quelle horreur !
Hadès comprit le sens de ce silence.

- C'est bien ce que je pensais, tu n'es pas encore prêt à affronter ton passé.

Hadès fit mine de s'éloigner. Thanatos fut saisi de peur à l'idée de ne jamais pouvoir retrouver son passé. Et pour la première fois de sa vie il appela Hadès d'une voix forte et dénuée de respect.

- A… Arrêtez ! Je veux savoir ! Revenez !

Thanatos n'eut pas le temps de se rendre compte de ce qui lui arrivait qu'il sentit une vague d'énergie cosmique le renverser et le propulser vers l'arrière. Il se retrouva allongé à une dizaine de mètres de là, des fleurs écrasées attestaient du vol plané qu'il venait d'exécuter.
Il avait du mal à se relever, la voix d'Hadès s'éleva alors terrible.

- Il est trop tard pour cela ! Tu as eu ta chance et tu l'as laissé passer !

Thanatos se sentait honteux, une souris devant le dieu suprême. C'était la première fois qu'Hadès levait la main sur lui et il en ressentait la douleur dans son cœur encore plus que dans sa chair.

- Ma… Majesté… Je vous en prie… Pardon… Pardonnez-moi.

La voix d'Hadès était dure et cassante, à la mesure de la rancœur qu'il éprouvait toujours pour l'assassin de sa sœur.

- Tu as un seul moyen de te faire pardonner : me prouver ta valeur !

Hadès s'éloigna. Thanatos se releva, honteux d'avoir suscité la colère de son dieu et pleurant des larmes de rage d'avoir ainsi été humilié.
Il scruta alors intensément le ciel des Enfers : aucune des 108 étoiles de l'hémisphère nord et de l'hémisphère sud n'y brillait plus.
Il souffla entre ses dents :
" C'est décidé ! Je vais lui prouver ma valeur en rallumant dans le ciel les 108 étoiles maléfiques ! Et alors il sera fier de moi et il m'aimera à l'égal de Pandore ! "

Thanatos s'envola vers le château d'Helstein. Plus loin dans la prairie des Asphodèles Hadès était en grande discussion avec Egée, l'architecte de la nouvelle Elision, en voyant Thanatos s'envoler vers la Terre il s'adressa à Egée.

- Egée, vous souvenez-vous de Célesta ?

Egée creusa dans les recoins de sa mémoire.

- Célesta, non ça ne me dit rien.
- Hum, autrefois elle portait le nom d'Elysée.
- Elysée ! Ah oui je me rappelle maintenant ! C'est cette petite fille qui fut la première à entrer à Elision, n'est-ce pas ?

Hadès approuva. Egée semblait perplexe comme si un détail lui revenait en mémoire.

- Mais votre majesté, ne s'est-elle pas échappée d'Elision dans les temps mythiques ?

Hadès regarda la traînée que le cosmos de Thanatos laissait dans le ciel. Ses yeux exprimaient une infinie nostalgie.

- Oui c'est cela même… L'époque où elle jouait avec ses frères jumeaux lui manquait…

Château d'Helstein

Thanatos venait de prendre sa décision : il allait s'engouffrer dans le trou qui menait au monde des morts et en ramener les âmes des 108 spectres. Ainsi Hadès serait fier de lui, ainsi il lui révélerait son passé. Et tant pis si en son absence il ne restait personne pour veiller sur Pandore.
Thanatos concentra son cosmos et fit voler en éclats les rochers qui obstruaient l'entrée de l'Enfer.
Cela fait il sauta dans le tunnel qui menait en Enfer mais à ce moment il ne se rendit pas compte qu'un papillon de la mort, fairy s'était accroché à ses vêtements.
C'est ainsi que le dieu de la mort et le dernier des 108 spectres partirent pour l'Enfer.

Peu de temps après une autre personne, une mortelle qui parmi toutes celles de son espèce était celle à qui Hadès tenait le plus s'approcha de ce tunnel maudit.
Elle se mit à appeler.

- Thanatos ! Thanatos !

Seul l'écho lui répondit.

- Ah ça je parie qu'il est parti en Enfer pour m'échapper. Moi qui allais lui proposer de m'emmener en Asgard pour y voir Hadès. Rester éloignée de lui m'est insupportable. Eh bien tant pis, puisque Thanatos ne veut pas m'y emmener j'y irai par mes propres moyens !

Et pendant que les elfes la cherchaient dans tous les coins et recoins du château Pandore partit pour Asgard.

*
* *

Meikai

L'Enfer tel que le connaissaient les morts qui souffraient éternellement dans les 9 prisons n'existait plus. La vague du néant était passée sur ce monde de ténèbres réduisant à l'état de ruines fumantes l'œuvre millénaire du seigneur ténébreux.
Thanatos avançait dans ce paysage de destruction qui lui faisait penser à des ruines archéologiques suivi du dernier des invisibles fairy.
Depuis la renaissance d'Hadès le néant avait commencé à refluer, rendant visibles les ruines de l'Enfer.
En entrant dans ce royaume dont il n'était pourtant guère familier Thanatos fut surpris de n'y voir âme qui vive si l'on peut dire…
En effet les morts libérés du cosmos d'Hadès comme les guerriers divins l'avaient été il y a peu de celui de Hell auraient dû pouvoir sortir de l'Enfer alors quelle était la raison de ce silence oppressant ?
En traversant la porte d'entrée des Enfers qui portait encore l'inscription erronée : " vous qui entrez ici abandonnez tout espoir " il comprit la raison de ce silence, du moins partiellement.
Sur les rives de l'Achéron, à deux pas de la porte de sortie de l'Enfer se tenait le seul homme qui avait été sur le point de ressusciter, il était debout immobile comme un poteau tendant encore le bras vers cette liberté qu'il n'avait pas réussi à embrasser.
Thanatos jeta un regard circulaire autour de lui, partout il voyait des âmes mortes, les morts qui avaient tenté de quitter l'Enfer avaient été surpris par le Néant et leur bouche était encore grande ouverte pour crier leur terreur.
Thanatos était perplexe : la peur du néant était sans doute grande mais après tout ce n'était rien de plus que la mort, la même qu'ils subissaient tous les jours alors pourquoi cette expression d'effroi sans nom sur leurs visages, certains jetaient même un regard apeuré derrière eux comme pour surveiller l'avance d'un terrible ennemi. Qu'est-ce que cela pouvait bien vouloir dire ?
Thanatos haussa les épaules, au fond tout ce qui pouvait arriver à des hommes morts ou vivants lui importait peu… Pour l'instant son esprit était obnubilé par deux choses : le regard méprisant d'Hadès et celui si troublant de Célesta.
Célesta… Pour connaître la vérité sur elle il était prêt à prendre des risques insensés comme abandonner Pandore contre les ordres de sa majesté…

Il poursuivit son excursion aux Enfers sans trop se soucier des statues de terreur qui se dressaient devant lui. Arrivé devant les bords de l'Achéron Thanatos fit vibrer son cosmos pour appeler la barque de Charon mais au moment d'y grimper il blêmit : où était passé le corps du passeur des Enfers ? Il était pourtant sûr que celui-ci était mort dans sa barque. Qui avait bien pu faire disparaître ce corps avec son surplis ?
Parvenu à la 1ère Prison, celle que gardait Rune de Balrog, Thanatos constata le même phénomène : au milieu des ruines de la prison on ne distinguait pas l'ombre d'un morceau de surplis comme si aucun spectre n'avait habité là.
Thanatos nota cependant un détail étrange : le livre de Rune sur lequel étaient consignés tous les péchés des âmes jugées avaient disparu, que signifiait cela ? Qui avait pu voler un tel objet ?
Thanatos poursuivit son excursion en Enfer suivi discrètement par le dernier des fairys mais à chaque prison le même phénomène se produisait : il n'y avait trace nulle part des spectres d'Hadès, étoiles célestes commises à la garde des prisons et plus troublant il n'avait encore vu aucune âme défunte dans les parages. Certes la plupart avaient été anéanties par le néant mais l'Enfer était vaste et le cycle de la vie et de la mort s'était poursuivi depuis la défaite d'Hadès alors qu'était-il advenu de ces âmes mortelles ?
Thanatos continua son exploration jusqu'à arriver en vue des sphères des juges : la Caïna, l'Anténora, la Toloméa et la Giudecca, la sphère qu'habitait Pandore en l'absence d'Hadès.
Ce qui le choqua tout de suite était l'aspect des sphères : celles-ci ne semblaient pas avoir souffert de la défaite d'Hadès mais ce n'était qu'une illusion. En s'approchant bien Thanatos put constater que les griffons qui ornaient le temple de Minos avaient été décapités.

- Que signifie ?

Thanatos entendit une voix éteinte derrière lui, il s'agissait d'une âme mortelle, la première qu'il lui fut donné de voir.

- Les griffons n'ont plus de tête n'est-ce pas ? Hihihi
- D'où vient votre hilarité ?

L'âme mortelle afficha un sourire malicieux, preuve qu'il n'était plus sous la domination du cosmos d'Hadès.

- Les spectres étaient des loups mais aujourd'hui ils n'ont plus de crocs. Hihihi !
- Vous voulez dire qu'il reste des spectres en Enfer ?
- Peut-être mais ils ne sont plus que des porcs à présent, les loups qui avaient encore des crocs ont été bannis dans les limbes. Hihihi !

Thanatos fut stupéfait, qui avait bien pu faire cela, quel mort avait-il acquérir un tel pouvoir sur ses semblables ? Mais dans l'immédiat il lui fallait apprendre où trouver ceux qui gouvernaient en Enfer.
Thanatos secoua assez vigoureusement l'âme mortelle.

- Où se trouvent-ils ? Où sont ceux qui ont banni les spectres dans les limbes ? Et surtout que s'est-il passé ici ?
- Ce qu'il s'est passé ? L'Enfer s'est réveillé un jour orphelin de Dieu mais il s'est relevé grâce au pouvoir d'un homme encore plus grand que Dieu ! Hihihi
- Plus grand que Dieu ! Vous voulez dire plus grand que sa majesté Hadès ?

L'âme mortelle échappa à l'étreinte de Thanatos, parmi le mélange de sentiments qui l'habitaient alors on distinguait aisément la peur.

- CHUT ! Il ne supporte pas que son nom soit prononcé ou écrit ! Le porteur de l'épée ne veut pas que soit prononcé le nom de cet homme ! Il admet juste que nous l'appelions " l'invisible " (Hadès veut dire invisible en Grec).

Thanatos desserra son étreinte il commençait à comprendre ce qui s'était passé en Enfer. C'était encore plus grave que ce qu'il imaginait : un homme mortel avait pris possession de l'épée des illusions et voulait maintenant remplacer Dieu !
Suivi par fairy il se rendit à Giudecca qui était devenu le lieu du jugement.

Giudecca

On dit souvent que lorsqu'un régime change le décor ne change pas, il n'y a que les hommes qui le font. C'était particulièrement vrai dans le cas de la Giudecca à ce moment : rien dans la disposition de la sphère n'avait changé : des rideaux cachaient toujours aux spectateurs le visage du maître des lieux, les deux énormes statues de dragons avaient été rénovées. Mais contrairement au temps d'Hadès les morts s'entassaient dans la grande salle en attente de leur jugement. Aujourd'hui était un jour ordinaire dans la Giudecca depuis la défaite d'Hadès.

Un homme de grande taille aux cheveux vert clair très longs qui retombaient en cascade sur ses épaules se tenait debout très droit malgré les nombreuses cicatrices qu'il portait aux jambes et aux bras, preuve des mauvais traitements qu'il avait dû subir.
Il était entouré par d'anciens soldats d'Hadès qui appartenaient à la classe des squelettes et qui de ce fait n'étaient protégés par aucune des 108 étoiles.
Ils étaient armés d'une simple faucille dont ils se servaient auparavant pour tourmenter les morts.

Une voix puissante venue de derrière les rideaux qui cachaient autrefois l'âme d'Hadès appela l'homme qui se trouvait au bout de la salle.

- Approche étoile céleste de la Valeur que nous puissions statuer sur ton sort.

L'homme qui avait été ainsi appelé se dirigea à pas lents vers le trône, la noblesse de son maintien imposait le respect à toute l'assistance.
Arrivé à proximité du trône il resta debout. Plusieurs squelettes le frappèrent de leurs faucilles mais il n'eut aucun mal à les retourner contre eux de sorte qu'il resta debout au milieu de quelques estropiés.
La voix s'éleva encore une fois.

- Alors Minos, étoile céleste de la valeur, tu ne te soumets toujours pas ?
- Jamais ! Répondit Minos avec fermeté.

Un silence suivit.

- Comme c'est dommage, tu dois pourtant savoir que c'est moi et moi seul qui ai sauvé ton âme de son errance éternelle dans la dimension intermédiaire et t'ai donné une nouvelle chance.
- Je sais tout cela mais je ne te vendrai pas mon âme car même affaibli par les mauvais traitements, même mort je reste un spectre de sa majesté HADES !

Les voûtes de la Giudecca tremblèrent sous la violence de la déclaration de Minos et certains morts tombèrent même à genoux en entendant prononcer le nom de leur ancien maître.

- Quelle impertinence Minos ! Hadès était un dieu, il prenait plaisir à vous faire souffrir et vous considérait vous tous les spectres comme des esclaves ! Aujourd'hui vous n'avez plus besoin de Dieu car votre maître est encore plus grand que Dieu. D'un simple geste je peux prendre une vie ou la donner. Par un mot de moi vous pouvez avoir accès à toutes les richesses du paradis ou subir les tourmentes de l'Enfer ! Voilà pourquoi je suis plus grand que Dieu !

Des ovations vinrent saluer ce pathétique discours mais Minos reprit.

- Condamner les coupables à la souffrance est justice ! Si aucun humain n'a goûté aux plaisirs d'Elision c'est parce qu'Elision est la Terre des dieux, nous autres ne pouvons qu'en rêver mais au moins il nous reste cela. Condamner les morts arbitrairement au paradis ou à l'Enfer et détruire les âmes de ceux qui te résistent comme tu l'as fait pour les morts qui tentaient de fuir par l'Achéron c'est l'abomination !
- Tais-toi ! Si je fais un geste ton âme sera détruite et l'étoile céleste de la valeur s'éteindra !
- La violence ! Tu ne connais donc que ça… Pff - Minos souffla avec mépris - tu n'es qu'un bouffon sanglant Sisyphe !

Un flux d'énergie transperça les rideaux qui masquaient l'identité du maître des lieux et vint frapper Minos en pleine poitrine.
Minos tomba à Terre, blessé. Les liens qui enserraient ses poignets s'étaient défaits et il tentait péniblement de se relever.
Sisyphe était descendu de son trône. Dans sa main droite pendait l'épée des illusions dont Hadès avait transpercé Seiya, cette arme fantastique capable d'ébrécher le bouclier de la Justice était couverte d'inscriptions runiques incompréhensibles pour tout autre que son détenteur d'origine.
Minos avait le visage orienté vers le sol, ses longs cheveux traînaient à Terre.
Sisyphe s'approcha de lui.

- Tu es faible Minos ! Mort tu n'es plus que l'ombre de ce que tu étais quand tu portais le surplis du Griffon… N'as-tu pas envie de redevenir ce puissant combattant que tu étais alors ? Tu sais que l'épée des illusions a un pouvoir infini sur les étoiles maléfiques…

Minos releva la tête, ses yeux étincelaient de rage.

- Oui je désire ardemment mon surplis en ce moment…
- Tu n'as qu'un mot à dire…

Sisyphe approcha l'épée des illusions de Minos.

- Jure sur cette épée de toujours servir ton dieu.

Minos saisit l'épée à deux mains si fort que son sang coula sur les runes de l'épée des illusions.

- Je jure ! … Que tant qu'une étincelle de vie… brûlera en moi… Je me battrai … pour la gloire d'Hadès !

Sentant le danger Sisyphe voulut retirer l'épée des illusions de l'emprise de Minos, les squelettes s'avancèrent et commencèrent à caresser le dos du juge de leurs faucilles.
Celui-ci, au contact de l'épée de son maître semblait avoir retrouvé un souffle de vie, si faible que fût son cosmos à ce moment il l'intensifia à son paroxysme.
" Cosmic Marionetton "

Les fils invisibles crées par le cosmos de Minos s'enroulèrent autour des squelettes et disloquèrent leurs corps par une simple impulsion mentale de leur maître.
Quelques uns des fils du cosmic marionetton vinrent s'enrouler autour du bras de Sisyphe qui tenait toujours l'épée des illusions malgré le danger évident que cela représentait.
Minos sourit.

- Tu as été imprudent Sisyphe une simple pensée me suffira pour t'arracher ce bras par lequel tu tiens l'épée de mon maître.
- Minos arrête ! Si tu fais cela l'épée sera sans doute endommagée et ce nouvel Enfer détruit !
- Puisqu'il ne s'est pas reconstruit par la volonté d'Hadès autant qu'il disparaisse !

A ce moment Minos sentit une douleur atroce lui strier le dos. Il venait de recevoir un coup d'une extrême violence, un coup porté par un spectre aujourd'hui dévoué à Sisyphe : Gigant du Cyclope !
Celui-ci regardait Minos de son œil unique tout en continuant à frapper comme un sourd.

- Relâche tout de suite notre maître ou j'écraserai tout ton corps !
- Ne me dis pas que tu crois à ses promesses !
- J'y crois autant que je croyais en celles d'Hadès, allez lâche-le Gigant Smash !

Cette fois Gigant avait visé la moelle épinière et Minos lâcha prise. Il tomba à terre, Sisyphe en profita pour reprendre son souffle.
Dans sa semi-inconscience, subissant les coups de Gigant qui résonnaient de moins en moins fort dans son cerveau Minos murmurait.

- Suis-je destiné à mourir ainsi ? L'Enfer tel que je le connaissais n'est plus et les porcs s'entassent dans la Giudecca. Les étoiles maléfiques ont cessé de briller et l'humanité se détruira un jour elle-même… Mais une fois, au moins une fois j'aimerais voir le visage de sa majesté pour qu'il me dise si j'ai failli à mon devoir.

Un papillon transparent vint se poser sur ses lèvres.

- Un… un fairy… il en restait donc un… - une larme coula sur la joue de Minos - Pourquoi es-tu venu mourir avec moi, une seul mort inutile suffit…

Sisyphe sembla sur le point de vouloir exécuter la volonté de Minos, son épée se rapprocha de la gorge du juge déchu puis au dernier moment, quand Gigant commençait à sentir des frissons de plaisir lui parcourir l'échine à l'idée de voir souffrir son ancien maître, se ravisa.
Sisyphe reprit son souffle, fit signe à Gigant de cesser de frapper Minos et se rassit sur son trône.
Il prit alors une voix solennelle.

- Ames défuntes qui avez souffert pendant des siècles de la cruauté des spectres et vous spectres qui avez souffert de la cruauté des juges, que voulez-vous faire de cet insolent qui a osé cracher sur votre Dieu, celui qui vous rend la force, celui qui vous rend la vie ?

Des acclamations s'échappèrent alors de la foule, puis suivirent des imprécations dans lesquelles on pouvait aisément distinguer le même son : " la mort ! " Evidemment pour un mort la mort ne pouvait signifier grand-chose mais la mort à laquelle ils se référaient était la plus terrible de toutes, celle qui annihilait complètement l'âme défunte, c'était l'anéantissement !

Dans les yeux de Sisyphe, Minos put lire toute la rancœur de la pauvre créature mortelle qui a enfin l'occasion de traîner ses maîtres dans la boue. Aussi devina-t-il aisément ce qui allait suivre. Sisyphe se leva puis fit taire les acclamations.

- Oui cet homme mérite la mort mais il ne sera pas dit que mon règne est celui de l'injustice, aussi nous allons le juger comme l'étaient les âmes défuntes auparavant.

Sisyphe se retourna vers deux âmes défuntes qui se tenaient dans l'ombre à ses côtés.

- Tantale, Ixion, vous qui avez remplacé Eaque et Rhadamanthe après les avoir condamnés qu'en pensez-vous ? Cet homme est-il coupable ou innocent ?

Minos s'était relevé, il ne semblait pas prêter attention à son " procès ". Tantale était un des pires criminels de tous les temps, fils de Zeus il avait osé tuer son fils et le donner à manger aux dieux de l'Olympe, son sort avait été le Tartare. Ixion était peut-être moins coupable : s'étant amouraché d'Héra il était tombé dans le piège que le grand Zeus lui avait tendu et de son union avec une pâle copie d'Héra étaient nés les monstrueux et brutaux centaures qui n'avaient rien à voir avec le sage Chiron. Pour avoir convoité la reine des dieux son sort avait été le Tartare, il y avait développé une haine farouche pour les dieux et leurs avatars. Autant dire que l'issue du procès ne faisait aucun doute.
Toute l'attention de Minos était focalisée vers ce minuscule fairy qui avait suivi Saga et les autres dans la maison de la Vierge, ce papillon était la dernière réminiscence de Myu, l'étoile céleste de féerie. Minos concentra son cosmos et réussit à établir une liaison télépathique avec le papillon.

Pendant ce temps le procès se poursuivait. Tantale s'était levé sa voix était aussi desséchée que sa langue qui avait passé des siècles à attendre qu'un fruit interdit veuille bien la rafraîchir.

- Cet homme est le dernier serviteur d'un dieu qui nous a fait souffrir pendant des siècles ! Nous lui avons proposé la vie mais au lieu de ça il a craché sur notre Dieu ! Il mérite la mort !

Ce fut alors le tour d'Ixion.

- Parce que j'ai commis le crime de convoiter ce qui appartenait à un dieu j'ai été condamné au Tartare ! Les dieux sont nos ennemis ! Ils prennent plaisir à nous faire souffrir ! En tuant l'âme de cet homme qui est un de leurs avatars nous exorcisons notre peur des dieux ! Je vote la mort.

Minos se trouvait dans un univers multicolore, dans sa main reposait le dernier fairy mais celui s'y s'envola et vint se poser un peu plus loin.
Minos s'approcha de lui mais le fairy n'était plus là, à sa place se trouvait un homme très blond aux yeux d'insecte. Il s'agissait du spectre de l'étoile céleste de féerie. Minos était surpris, il était pourtant sûr que tous les spectres avaient été défaits…

- Tu… tu es Myu ? Co… comment as-tu survécu ?

Myu sourit.

- Non majesté Minos, je ne suis pas Myu, je suis ce qu'il reste de lui… Comme vous le savez Myu était un spectre à part, il avait la capacité de muer…
- Je sais cela.
- Oui mais ce que vous ne savez pas c'est que lors de sa défaite face à Mû de Jamir, Myu a voulu remplir sa mission coûte que coûte, il a donc transmis une partie de son cosmos et son âme au dernier des fairy, à savoir moi.
- Mais où est Myu alors ?

L'image du spectre commençait à se dissiper.

- Cela je ne le sais pas mais probablement se trouvait-il au même endroit que vous ? Toujours est-il que ma mission est de vous dire que tout espoir n'est pas perdu pour ce monde. Car sa majesté Hadès a survécu.
- Comment ?

L'image de Myu semblait s'évaporer comme l'avaient fait avant elles les âmes de Sion et Saga.

- Je ne peux en dire plus… Le messager de la mort arrive et vous devez gagner du temps !

L'image du spectre s'évapora et Minos revint à la réalité. Le fairy qu'il tenait dans les mains bougeait encore mais faiblement. Il avait eu le temps de lui révéler sa mission et c'était le plus important à ses yeux.

Sisyphe se leva de son trône, il descendit quelques marches et vint se placer devant Minos.

- Bien les juges ont délibéré et leur verdict est la mort, mais moi qui suis plus grand que Dieu, moi qui suis le dernier juge te condamne toi, Minos à la vie !

Un silence suivit que seuls vinrent troubler quelques murmures d'étonnement.

- Je te condamne à l'enfer de la 6ème malebolge, celle où vont les hommes qui comme toi ont abusé de leurs pouvoirs dans l'exercice d'une profession sacrée mais pour que ton supplice soit encore plus délectable je vais te rendre la vie Minos.

Sisyphe abattit l'épée des illusions sur Minos et celui-ci comprit que son âme était devenue son corps de chair bien qu'il n'ait pas quitté l'Enfer, c'était là un des pouvoirs de cette épée dans laquelle Hadès avait stocké une partie de son cosmos.

- Alors Minos acceptes-tu mon jugement ? Acceptes-tu le jugement de Dieu ?

Minos affecta de prendre une position humble.

- J'accepte le jugement de Dieu mais celui-ci ne me frappera pas maintenant car la seule personne que je reconnais comme telle n'est pas ici.
- Qu'est-ce que tu racontes ? Hadès est mort, son empire n'est plus ! Il ne reste plus que moi Sisyphe qui suis plus grand que Dieu !
- Tu te trompes Sisyphe, misérable larve qui a osé posé la main sur l'épée des illusions, Hadès est vivant !

Puis se retournant vers la foule des âmes mortelles.

- Oui Hadès est vivant ! Et c'est devant lui que vous devrez répondre de vos actes !

Sisyphe recula de plusieurs pas, des sueurs froides coulaient de son front jusqu'à son menton, ses bras semblaient avoir perdu toute force et l'épée des illusions pendait inutile à son côté. Dans ses yeux se lisait une peur sans nom, la peur la plus ancienne du monde, la peur de Dieu !
En reculant Sisyphe s'aperçut du changement d'attitude de " ses juges " : Tantale était tombé à genoux et semblait à la recherche d'un trou de souris assez grand pour le cacher, quant à Ixion il était tombé face contre terre comme attendant le châtiment divin. Le spectacle de la panique des âmes défuntes n'était pas plus réjouissant. Sisyphe paraissait atterré, il se souvenait de l'époque si proche où il devait soulever tous les jours une énorme charge jusqu'au sommet d'une montagne et comment au moment d'accomplir sa besogne ses forces l'abandonnaient ! Il ne voulait plus revivre cela ! Il se souvenait du jour où l'épée des illusions traversant les dimensions était venue échouer dans le Tartare, cela ne pouvait être un hasard ! Enfin il se souvenait de la dévotion des morts qui le prenaient pour Dieu, cela lui rappelait les temps heureux où il était roi de Corinthe, cela ne pouvait s'achever ainsi ! Un brusque accès de colère l'envahit et il pointa l'épée d'Hadès sur Tantale toujours aussi pitoyable, il pensa de toutes ses forces à des flammes et les flammes apparurent…
L'âme de Tantale se consuma à jamais pour ne plus se réincarner. Il renouvela son triste exploit avec Ixion qui tentait de fuir.
Un tel accès de violence gratuite terrorisa la foule des âmes défuntes. Sisyphe se retourna pour affronter le regard méprisant de Minos.

- Tu es vraiment pathétique ! Comment peux-tu te comparer à Hadès ? Tu n'es pas digne de marcher sur la même terre que lui.

La colère s'empara à nouveau de Sisyphe qui lança à Gigant l'ordre d'exécuter Minos. Gigant ne bougea pas.

- Eh bien Gigant tu te bouges ?!

Gigant fit un pas en avant puis s'écroula comme une masse à terre, tout près de Minos qui put entendre ses dernières paroles : " Hadès, Sisyphe, l'immortalité… que des mensonges " Et il s'éteignit.
Derrière lui se tenait un homme de haute taille dont les yeux argentés brillaient dans l'obscurité.
Sisyphe garda son sang-froid.

- Hum tu dois être fort pour t'être introduit jusqu'ici sans que je remarque ton cosmos, d'où viens-tu ?

Thanatos toisa Sisyphe un instant puis lui répondit, son sourire carnassier aux lèvres.

- De la Terre pour t'annoncer ton retour à la poussière.

Sisyphe parut un moment surpris puis feignant l'incrédulité prit le parti d'éclater de rire.

- Tu veux me tuer ? Moi l'invincible porteur de l'épée ?! Pff Imbécile. Tu n'es pas digne de te battre contre moi, meurs donc de la main des spectres déchus.

Un certain nombre de spectres qui par la grâce de l'épée des illusions portaient à nouveau un surplis se rassemblèrent autour de Thanatos qui souriait en gardant les yeux fermés.

- Pfff… A-t-on jamais vu ça ? Les souris voudraient mordre le chat…

Plusieurs spectres se jetèrent sur Thanatos qui fit exploser son cosmos réduisant leurs surplis en poussière. L'un deux survécut et son poing vint frapper Thanatos à la mâchoire.

- Pitoyable… Pfff, comment t'appelles-tu toi qui es protégé par une des étoiles maléfiques ?

Le spectre répondit étrangement sans peur.

- Je suis Yvan du troll, l'étoile céleste de la défaite !
- C'est bien toi qui étais en charge de la 3ème prison non ?
- Si !
- Pourquoi as-tu rejoint les rangs d'Hadès puis ceux de Sisyphe ?
- Parce que celui qui porte l'épée peut nous donner la vie éternelle, voilà pourquoi !

Thanatos sourit, il saisit le poing d'Yvan et l'écrasa. Puis approchant son visage de celui du spectre.

- Je suppose que pour toi la douleur n'est rien puisque tu crois en l'immortalité, n'est-ce pas ?
- Arrgh ! Oui exactement ! Quoique tu me fasses je survivrai !
- Alors écoute bien mon petit secret.

Thanatos s'approcha très près de l'oreille d'Yvan et lui dit si bas que c'en était presqu'un murmure : " l'immortalité n'est qu'un leurre, un leurre pour faire avancer les porcs tels que toi ! Même les dieux ne la possèdent pas ! "
Yvan pris de panique tenta de s'échapper mais Thanatos avait resserré son éteinte sur son poing.

- Mais si je ne dispense pas l'immortalité au moins je peux te montrer la mort ! Terrible Providence !

L'attaque de Thanatos partit d'un seul coup et faucha Yvan et tous les squelettes qui se trouvaient sur sa trajectoire.
Le dieu de la mort se retourna vers Minos.

- Alors qu'est-ce que tu attends ? J'ai ouvert le passage ! Vas t'occuper d'arracher l'épée des illusions à Sisyphe au lieu de rester planté là !

Minos fut surpris par ce ton impérieux auquel il n'était guère habitué sauf de la part de Pandore. Il prit pourtant le parti d'obéir et se lança à la poursuite de Sisyphe qui se dirigeait vers le mur des Lamentations.
Dans sa course le fairy qu'il tenait dans ses mains lui échappa, exécuta un vol plané et parut sur le point de s'écraser su le sol quand le cosmos de Thanatos l'attira vers lui.
Thanatos amena le fairy en face de lui et concentra son cosmos pour une liaison télépathique.
" Tu as rempli ta mission Myu. C'est bien, par delà la mort tu es resté fidèle à sa majesté, tu vas maintenant pouvoir te reposer. "
Le cosmos de Thanatos entoura fairy puis l'éleva vers la voûte de Giudecca où il se colla avant de se transformer en chrysalide.

- Myu de l'étoile terrestre de féerie ton âme est toujours dans ce fairy et je t'ai donné assez d'énergie pour survivre, si tu es digne de ta réputation tu retrouveras le chemin de la vie.

Thanatos fit à nouveau exploser son cosmos mais en voyant l'effet que cela produisait sur les morts il comprit qu'il avait eu tort de sous-estimer Sisyphe.
" Ils se relèvent ! "

*
* *

Minos

Je courais à la poursuite de Sisyphe dans ce dédale qu'était devenue la sphère de la Giudecca. Au bout d'un moment j'arrivai en vue du mur des Lamentations qui comportait toujours ce trou béant que les chevaliers d'or y avaient creusé au prix de leur vie.
Je m'arrêtai, Sisyphe ne pouvait pas être bien loin : derrière ce mur se trouvait la dimension intermédiaire où nul mortel ne pouvait pénétrer alors où était-il ?
Je fermai les yeux en tentant de me concentrer sur le cosmos de cet homme…
Un long silence… le bruit lointain de la lutte de Thanatos contre les spectres…
Puis finalement une détonation !
Je n'eus que le temps de me jeter à terre pour éviter l'attaque qui venait de partir dans ma direction. Je sentis comme un courant effleurer mes cheveux puis plus rien… le bruit d'une cape qui frôle le sol.
J'envoyai mon cosmos dans cette direction, un pilier explosa sous l'impact révélant à mes yeux le roi des imposteurs, Sisyphe !
Je ne pus retenir un cri de contentement.

- Ah enfin je te tiens !

Sisyphe ne semblait pas vraiment inquiet, il continuait à jouer avec l'épée des illusions comme s'il s'agissait d'un jouet.

- Tu me tiens dis-tu ? Mais que veux-tu faire de moi ?
- Te prendre l'épée des illusions bien sûr mais la vie aussi…Seulement Je n'ai pas encore décidé dans quel ordre j'allais m'y prendre !

Sisyphe observa mon sourire carnassier puis éclata de rire tandis que ses petits yeux se plissaient de malice.

- Prendre ma vie… Pfff, cesse donc de me sous-estimer ! N'as-tu pas vu l'impact laissé par mes coups ?

Je me retournai pour apprécier la force de ses coups, effectivement la paroi du palais était en miettes mais ce n'était pas plus impressionnant que ça. N'importe quel spectre qui ne soit pas un squelette aurait fait de même.

- Si c'est avec un coup aussi faible que tu veux m'abattre…
- Comment ?
- Je dis que ce coup est faible ! Je l'ai évité sans même avoir ressenti ton cosmos au préalable ! Pour que j'aie eu le temps de me baisser la vitesse de ce coup ne devait pas dépasser mach 6!

Sisyphe parut décontenancé.

- Minos !! Je vais te prouver que mon attaque n'est pas aussi faible que tu le penses ! Reçois le Deep Impact !

Sisyphe se mit en position et décocha son attaque, c'était un coup assez basique qui consistait à l'instar des météores de Pégase à faire exploser son cosmos et à le libérer si brutalement que les coups de poing devenaient aussi durs que du roc !
Sans doute cette attaque aurait-elle pu toucher un spectre moyen mais pour moi c'était une aimable plaisanterie !
J'arrêtai tous ses coups sans bouger en déplaçant très vite mes poings comme le faisait tout guerrier digne de ce nom en présence d'une attaque ne dépassant pas trois fois la vitesse du son.

Les coups continuaient à pleuvoir mais sans que leur vitesse augmente, pour Sisyphe, le 7ème sens, l'Ultime cosmos était encore loin.
Puis jugeant que la plaisanterie avait assez duré je saisis un de ses poings et le retournai avec force.
Rien, pas un cri de douleur !

- Que ?!

Incroyable ! Je tâtai mon flanc et constatai qu'il avait été défoncé par un coup porté avec une violence extrême ! Comment cela était-il possible ?
J'entendis alors le rire de Sisyphe.

- Alors Minos on est plus capable d'arrêter une attaque portée à mach 6 ?
- C'est impossible ! Je suis sûr d'avoir saisi ton poing au moment où tu portais ton attaque, comment as-tu fait pour me blesser ?
- C'est exact Minos : tu as bien saisi mon poing mais tu n'as fait que saisir l'une de mes images !
- Comment ?!

Un silence suivit, Sisyphe était partagé entre la prudence et le désir de me faire partager ses secrets.

- L'épée des illusions porte bien son nom tu ne trouves pas ? Grâce à cette épée un guerrier moyen comme moi peut démultiplier le nombre de ses images lors d'un combat et chacun des coups qu'un de mes reflets porte est tout aussi réel que le sang que tu verses maintenant.
- Cela ne change rien ! Tes attaques seront toujours aussi lentes !
- C'est vrai mais comment feras-tu pour toutes les éviter si tu ne sens pas mon cosmos au moment où je te frappe ? Car tu dois savoir que l'épée des illusions rend mon cosmos indétectable !

C'était donc ça, c'est pour cela qu'aucun dieu n'avait ressenti la reconstruction de l'Enfer ! Sisyphe avait utilisé le pouvoir de l'épée pour cacher son cosmos ! Quel scélérat !

- Tu ne perds rien pour attendre ! Quand Thanatos sera là !
- Quand Thanatos sera ici il se fera battre tout comme toi car grâce à cette épée je peux accorder un sursis de vie à tous les spectres qui se sont mis à mon service ! Et même un dieu ne peut brûler son cosmos indéfiniment ! Tu vois Minos ! La combinaison de mon intelligence et de l'arme d'un dieu fait que moi Sisyphe suis plus grand que Dieu !

*
* *

Thanatos se battait toujours contre des spectres qui se relevaient toujours plus blessés après chacun de ses coups. Il fit à nouveau exploser son cosmos mais la diminution de son intensité était palpable.

Thanatos : c'est à n'y rien comprendre ! Leurs corps sont morts pourtant ! Et ils continuent à se relever pour m'affronter ! D'où leur vient une telle obsession ?
A moins que ? Mais oui j'ai compris ! C'est l'épée des illusions et son pouvoir qui leur donne un sursis de vie à chaque fois que je la leur prends… J'ai déjà observé ce phénomène : à l'époque où il existait encore des hommes bons et que les dieux vivaient sur Terre les hommes étaient attirés comme des papillons par la flamme par les attributs divins. J'ai compris ! Ce qui fait avancer ces hommes dont les corps sont morts c'est l'épée, son pouvoir ! C'est comme une drogue ils ne peuvent pas s'en passer !
Mais cela m'est égal je dois empêcher ces forcenés de passer par tous les moyens jusqu'à ce que Minos se soit emparé de l'épée des illusions !

Je me rue vers le couloir qui communique avec le mur des Lamentations puis ayant étendu les bras j'invoque mon attaque la plus macabre : la Deadly Restriction !

Un mur transparent et sombre se forme autour de moi, bloquant l'accès au couloir. Plusieurs spectres projettent leurs cosmos dans sa direction, mon mur de ténèbres semble se replier sur lui-même puis leur renvoie leur attaque.

- Je vous préviens spectres et squelettes !! Tous ceux qui passeront ce mur mourront et pour ceux qui sont déjà morts leurs âmes seront annihilées.

J'appréciai l'effet de ma déclaration sur les spectres, ils avaient vraiment l'air terrifiés par l'idée de ne plus jamais pouvoir se réincarner, en fait je n'étais pas sûr moi même de pouvoir détruire une âme mais il était certain que quand une âme mortelle était détruite dans le monde des morts, la probabilité qu'elle retrouve le chemin de celui des vivants était vraiment très faible !

Trois spectres revêtus de leurs surplis firent un pas vers moi.

- Que tu crois !
- Comment ?!
- Nous avons vu ton combat dans les limbes ! Nous savons que ta " Deadly Restriction " est une technique purement défensive ! Tu n'as aucune chance si nous t'attaquons tous en même temps !

Ils firent un autre pas dans ma direction.

- Moi Niobé de Deep de l'étoile terrestre obscure !
- Moi Rock du Golem de l'étoile céleste de la cible !
- Moi Charon de l'étoile céleste interstellaire !
- Nous les spectres ressuscités nous allons prendre ta vie !

Je les vis intensifier leurs cosmo énergies à leur paroxysme, elle était plus grande que je m'y attendais, à croire que le désir de l'épée des illusions leur donnait des forces supplémentaires !

- Prends ça Rolling Bomber stone !
- Que mon Edding Curent Crusher t'emporte!

Les deux attaques devaient être plus efficaces que celles des autres spectres car elles traversèrent les ténèbres de la Deadly Restriction et frappèrent Thanatos. Un flash lumineux suivit, quand la lumière se dissipa Thanatos avait les yeux fermés et les sourcils froncés, il semblait en état de léthargie.

Rock et Charon se précipitèrent dans la direction du mur des lamentations. Thanatos ne bougea pas, comme si les évènements ne le concernaient plus.
Rock et Charon ne purent s'empêcher d'y voir de la lâcheté.

- Dire qu'on prenait ce type pour un dieu ! Il n'est même pas capable de riposter à nos attaques, allez ôte-toi de là !

Thanatos gardait les yeux fermés mais un sourire méprisant passa sur ses lèvres.

- Maintenant au moins tout est clair… Je comprends les raisons de notre défaite…
- Quoi ?!
- Jamais les 108 étoiles n'avaient protégé des combattants aussi faibles que vous… Pfff dire que dans les temps mythologiques ces étoiles protégeaient des héros, des êtres bons qui étaient parfois invités à Elision… Les choses ont bien changé…
- Que… que dis-tu ?
- Je dis que jamais il n'y eut de pires combattants que vous ! Non seulement vous êtes faibles mais en plus vous êtes corrompus au plus haut point !
- Comment oses-tu ?!

Thanatos ouvrit les yeux, son regard irradiait de mépris pour ses adversaires.

- Rock, Charon ! Si j'ai fait cesser les ténèbres de la " Deadly restriction " c'était pour évaluer vos cosmos ! Jamais je n'aurais pensé qu'ils fussent aussi faibles ! En plus de ça vous avez vendu votre âme à Sisyphe !
- Grrrr !!
- Je ne vous le pardonnerai jamais ! Vous n'êtes plus dignes d'être protégés par les 108 étoiles car vous avez trahi Hadès ! Je ne laisserai pas vos âmes souillés par la traîtrise faire un pas de plus dans la Giudecca !

Le cosmos de Thanatos qui s'était brusquement élevé retomba d'un coup.

- C'est bon vous pouvez passer.
- Comment ?!
- Je n'utilise pas mon poing contre des larves telles que vous ! Allez donc rejoindre votre maître pendant que j'ai le dos tourné.

Rock et Charon se précipitèrent en direction du mur des Lamentations mais au moment où ils allaient atteindre le couloir une force invisible les retint. Leurs pas se firent plus lourds, leurs os commençaient à craquer sous eux, tout se passait comme s'ils vivaient un vieillissement accéléré ! Charon porta sa main à son visage, encore forte il y a une seconde, elle était maintenant tordue d'arthrose et ne tarda pas à tomber en poussière. Rock et Charon s'écroulèrent et leurs corps partirent en fumée sans laisser de traces.
La voix de Thanatos qui ne s'était pas retourné s'éleva alors :

- J'ai dit que je n'utiliserais pas mon poing contre vous mais la " Deadly Restriction " est l'essence même de mon cosmos, grâce à cette technique je n'ai pas à lever la main pour tuer mon ennemi, il me suffit qu'il pénètre mon aura.

Niobé de Deep s'avança alors.

- Impressionnant !
- Tu veux mourir toi aussi ?
- Pfff, ne me confonds surtout pas avec les deux autres, moi Niobé de Deep suis la seule étoile terrestre à avoir défait un chevalier d'or !
- Pfff, celui du Taureau… pas mal… mais tu ne lui as pas survécu longtemps je crois…
- Quelle arrogance, méfie-toi Thanatos, celui qui va mourir sera peut-être toi ! Reçois la Deep Fragance !

Un parfum envoûtant s'échappa du cosmos de Niobé et vint entourer Thanatos qui ne réagit pas.

- Tu ne réagis pas, tu as raison Pfff, même si tu t'arrêtais de respirer la Deep Fragance pénètrerait en toi par la peau, elle va ensuite attaquer ton système nerveux et paralyser tout ton corps ! Adieu dieu de la mort.
- Niobé, jusqu'où va ta bêtise ?
- Comment ?!

Thanatos ouvrit les yeux, fit un pas en avant et respira le parfum mortel de Niobé à pleins poumons. La pièce entière se vida du parfum qui pénétra entièrement Thanatos. Celui-ci arborait un sourire ravi.

- C'est donc cela ton parfum mortel qui a perdu le gardien de la deuxième maison ? Je dois dire que cela n'est pas déplaisant…
- Comment ?! Tu… tu apprécies ce parfum ?
- Oui il me rappelle vaguement celui que l'on peut sentir en se penchant au dessus du trou qui mène au Tartare. D'ailleurs je tiens à t'en faire profiter !

Thanatos éleva son cosmos, son aura créa un halo lumineux autour de lui et des ailes d'ange apparurent dans son dos comme pour Hypnos lorsqu'il invoquait l'Elision Breathe .

- Allons Niobé respire, enivre-toi du parfum de la mort, le souffle du Tartare. Tartarus Breathe.

Les ailes d'ange se déployèrent et un parfum macabre s'en échappa, le véritable souffle des profondeurs infernales, le souffle du Tartare !
Niobé : mon corps tout entier se fige et je sens mon esprit partir, est-ce ainsi qu'il donne la mort, je ne sens plus rien que ce souffle atroce ! Et… rien… le néant.

Niobé s'effondra et avec lui tous les spectres et squelettes qui avaient respiré le souffle de Tartare.

Thanatos : Si le sommeil n'anéantit rien, la mort annihile tout. Le souffle du Tartare est différent, il ne détruit pas mais donne un avant-goût des souffrances du Tartare. C'est la punition réservée à ceux qui déshonorent leur étoile protectrice. Hum, Hypnos n'approuverait sûrement pas…

Terrifiés par ce qui venait de se produire les autres spectres reculèrent mais à l'expression sur leurs visages je comprenais aisément qu'ils n'attendaient qu'une occasion pour rejoindre Sisyphe et l'épée des illusions. Rien à faire je ne peux venir en aide à Minos. Je lève alors la tête vers le plafond de la Giudecca où une chrysalide est toujours accrochée.
" Myu je t'en prie sois vivant et va prêter main forte à Minos pour reprendre le bien de notre maître ! "

A ce moment Thanatos ne vit pas passer tout près de lui, presque furtivement une jeune femme au teint mat qui portait aux poignets des bracelets en forme de serpents. En passant près de lui elle lâcha pourtant " Quelle puissance mon amour ! "

*
* *

Minos gisait à terre tandis que Sisyphe, invisible, fanfaronnait.

- Alors Minos trouves-tu toujours mon Deep Impact aussi faible ?
- Tu… tu n'es qu'un lâche… tu te sers du pouvoir de l'épée pour éviter l'affrontement direct…

Sisyphe se tut. Il avait dû être touché par cette réflexion de Minos.

- Tu vas payer pour ton insolence ! Cette fois tu me verras pendant tout l'assaut car je vais t'achever !

Minos se releva, son stratagème avait réussi ! Sisyphe était tombé dans le piège de la vanité !
Sisyphe commença une danse bizarre autour de Minos cherchant à lui faire perdre ses repères, le rythme de la danse s'accélérait grâce au pouvoir de l'épée tandis que les cercles que décrivait Sisyphe se rapprochaient toujours plus de Minos.

Minos : j'ai compris ! Il essaie de brouiller ma perception de l'aire du combat en changeant continuellement de position.

Minos lança un flux d'énergie à droite, un mur s'écroula. Sisyphe pouffa de rire. " Face à ma technique secrète la tienne ressemble à celle d'un enfant, tu ne peux rien contre la formidable danse car les ténèbres produits par l'épée t'empêchent de mesurer la distance entre nous ! "

Minos lança un autre flux d'énergie vers les piliers qui l'environnaient, il ne réussit qu'à produire un nuage de poussière.
Sisyphe pouffa : " vous perdez la tête juge des Enfers ? Pfff… Sachez que cette technique a été inventée pour sceller les techniques de combat basées uniquement sur la puissance "

- Si fort sois-tu tu n'es qu'un enfant pris dans la formidable danse !
- Argh comment un minable comme toi a-t-il pu mettre au point une telle technique ?
- Comme j'e l'ai toujours fait : par le vol ! Cette technique je l'ai apprise en espionnant une petite déesse blonde qui haïssait Hadès et maintenant cette technique est mienne !

Le rythme de la danse s'accélérait, il atteignait presque la vitesse de la lumière et le pire c'était que les yeux de Minos parvenaient à saisir l'image du roi des voleurs, ce qui avait pour effet de le déconcentrer.

Minos : Il réduit l'écart ! Si ça continue il n'aura qu'à tendre le bras pour me frapper !
Hum il a raison : rien ne sert d'utiliser la force contre une telle attaque ! Le seul moment où je pourrai le frapper sera celui où il se dévoilera, le moment où il me frappera, oui c'est à ce moment qu'il faudra frapper ! Mais avant cela je dois rester immobile, de marbre.

Minos expira l'air contenu dans ses poumons puis ferma les yeux. Il ressemblait alors à un de ces habitants de Pompéi figé dans la roche, rien ne pouvait troubler sa concentration… Aucun bruit ne pouvait lui échapper, pas le moindre. Mais comment situer Sisyphe avec précision ? Il ne pouvait pas prendre le risque de frapper encore une fois une illusion.

Minos sourit, il avait la solution !
Sisyphe tournait de plus en plus vite, arrivé à 50 cm de Minos! Il n'avait plus qu'à étendre le bras et le juge serait décapité, seulement Sisyphe hésitait, comme tout combattant sur le point de triompher il appréhendait ce moment fatidique où dans le dernier assaut il ne ferait plus qu'un avec son adversaire !
Le rythme de sa danse se ralentit un millième de seconde avant de reprendre mais c'était déjà trop tard, il était tombé dans le piège !

Minos : Cosmic Net !

Sisyphe ne vit qu'au dernier moment les milliers de fils invisibles que Minos avait tendu autour de lui, sans le savoir Sisyphe avait dévoilé sa position en ralentissant sa danse mais à ce moment le roi des voleurs était trop obsédé par le moment fatidique où il allait frapper pour s'en préoccuper.

Sisyphe : Meurs Minos ! Deep Impact !!

Le poing de Sisyphe déchira des milliers de fils invisibles qui à son contact se détruisirent d'eux-mêmes. Le choc de la destruction des fils arriva en amplifié aux oreilles de Minos comme une araignée sent lorsqu'une proie se prend dans sa toile. Minos se retourna en un millième de seconde vers Sisyphe, projetant son poing vers celui du roi des voleurs qui voulait remplacer Dieu !

Minos : A droite !! Griffon Fang !

Les deux attaques se croisèrent et un flash lumineux suivit qui rendit invisible l'image des deux adversaires.

Un bruit sourd, un membre humain retomba sur le sol de la Giudecca, c'était le bras avec lequel Sisyphe avait tenté de frapper Minos.
Sisyphe était pâle, il tentait tant bien que mal de stopper l'hémorragie avec son bras libre mais il avait besoin de ce bras pour tenir l'épée des illusions !

- Co… Comment ?
- C'est très simple : je ne pouvais pas mesurer l'écart entre nous alors j'ai tendu des fils invisibles autour de moi, en les détruisant de ton poing tu m'as toi-même indiqué ta position par delà les ténèbres de l'épée des illusions.
- Tu… tu es vraiment un maître de la manipulation Minos…

Sisyphe sourit d'un air mauvais.

- Tu crois avoir gagné n'est-ce pas ? Mais tu te trompes : j'ai encore un atout dans ma manche !

Sisyphe courut vers le fond de la pièce avec toute la vélocité que ses jambes lui permettaient. Minos n'eut pas le temps de le retenir, il se jeta dans la dimension intermédiaire !
A la grande surprise de Minos Sisyphe n'explosa pas ! Le roi des voleurs éclata de rire.

- Cela t'étonne n'est-ce pas ? Cet univers m'a reconnu comme un dieu parce que je porte l'épée des illusions ! Ah Ah Ah !!!

Minos essayait de faire preuve de persuasion malgré son désarroi.

- Ne sois pas stupide ! Sans ailes tu vas dériver dans cette dimension sans espoir de retour ! Reviens pendant qu'il en est encore temps !
- Tu me prends pour un crétin ! Si tu me veux viens me chercher !

Minos hésitait : il savait trop bien ce que signifiait entrer dans la dimension intermédiaire sans l'aide d'un dieu.

- Alors tu ne viens pas me rejoindre Minos ? Avoue donc que malgré tes beaux discours tu as peur de mourir comme tout le monde ! Ah ah ah ah ! Mais moi Sisyphe suis maintenant un dieu puisque je porte cette épée, tu ne peux rien contre moi !

Minos recula pour prendre son élan : si seulement il pouvait survivre ne serait-ce qu'une seconde dans cette dimension alors il aurait peut-être le temps d'arracher l'épée des illusions à Sisyphe ! Minos prit son élan et cria : " majesté Hadès venez-moi en aide ! " Quand une main se posa sur son épaule et l'empêcha fermement d'aller vers son destin.
Minos se retourna et ce qu'il vit le stupéfia !

Myu du Papillon de l'étoile terrestre de féerie au stade ultime de sa mutation se tenait devant lui.
Myu lui adressa un sourire chaleureux malgré ses yeux d'insecte.

- Majesté Minos ne commettez pas cette folie. La vie que m'ont accordée leurs majestés Thanatos et Hadès a moins de valeur que la vôtre.

Minos hésita avant de répondre, jamais il n'avait connu un tel respect de la part d'un spectre, sauf peut-être de la part de Rune qu'il avait lui-même formé. Mais ce qui l'étonnait le plus c'était que ce spectre parle de se sacrifier pour la gloire d'Hadès ! La plupart des spectres étaient des êtres pourris jusqu'à la moelle que seule la promesse de l'immortalité motivait, et de ce fait ils avaient souvent beaucoup de mal à harmoniser leur cosmos avec leur étoile protectrice, d'où leur faiblesse. Alors pourquoi ?

Myu passa à côté de Minos, il se pencha sur la dimension intermédiaire, ses ailes de papillon se déplièrent dans une explosion de couleurs vives.

- Je sais ce que vous pensez majesté Minos. Vous vous dites que les simples spectres ne sont que des esclaves et que seuls les juges ont assez de courage pour se sacrifier au nom de leur dieu mais vous vous trompez. Tous les spectres ont eu l'occasion de se rallier à Sisyphe, seule huit ne l'ont pas fait… Mais ces 8 étoiles sont spéciales car le cosmos de leur protégé est nourri par l'amour et le respect qu'il porte à sa majesté Hadès.

Minos ne trouva rien à dire, stupéfait qu'il était par cette profession de foi de la part d'un être qui n'était peut-être pas humain. Ainsi il existait des spectres qui se battaient parce qu'ils avaient foi en leur cause !
Myu se pencha vers la dimension intermédiaire, il s'apprêtait à plonger à la poursuite de Sisyphe quand il sentit une force irrésistible le retenir.
Minos venait d'utiliser les fils du Comic Marionetton sur lui !

- P… Pourquoi ?
- Imbécile ! Si tu fais un pas de plus ton corps volera en morceaux ! Cette dimension rejette tout ce qui n'est pas divin.
- Je sais cela mais je crois pouvoir y arriver.
- Comment ?!

Minos relâcha sa prise tandis que le corps de Myu se couvrait de papillons, les fairys.

- Ces papillons ont le don de téléportation. Si je combine mes pouvoirs avec les leurs je devrais pouvoir m'élancer à la vitesse de la lumière dans cette dimension et même si mes chances sont infimes je réussirai peut-être à me saisir de l'épée des illusions avant que mon corps ne vole en éclat.

Myu concentra son cosmos, les fairys recouvrirent tout son corps le nimbant d'une aura multicolore. Il appela alors son attaque ultime sur lui-même :
" Fairy Thronging ! "

Les fairys se volatilisèrent en même temps que le corps de Myu qui disparut à la vue de Minos.

Myu avait atteint la vitesse de la lumière dans la dimension intermédiaire grâce au don de téléportation de ses papillons. Il sentit la vitesse carboniser sa peau mais de cette façon l'atmosphère de la dimension intermédiaire, le Styx, ne l'affectait pas.
Myu sentit un craquement : autour de lui ses fidèles fairys étaient en train d'exploser un à un comme des ballons trop gonflés !

Myu : Je dois me dépêcher ! Il ne me reste plus que le temps de porter un coup avant que la protection que m'offrent mes fairys ne cède !

La vitesse de Myu s'accrut encore et il arriva en vue de Sisyphe qui dérivait le long du Styx. Au moment d'arriver au contact Myu hésita.
Que faire ? Comment l'attaquer sans risquer de faire sauter ma protection ? Tant pis je n'ai pas le choix ! Ma priorité est de lui arracher l'épée de sa majesté !

- Prends ça Sisyphe ! Fairy Thronging !

Sisyphe se retourna juste à temps pour voir les fairys survivants quitter le corps de Myu et déferler sur lui. Il se ressaisit pourtant.

- Deep Impact !!

Les deux attaques se croisèrent en un flash lumineux projetant les deux combattants à grande distance l'un de l'autre. Sisyphe ne lâcha pas l'épée des illusions : malgré sa puissance la nuée des fairys n'était pas parvenue à faire lâcher à l'homme qui voulait remplacer Dieu l'instrument de sa vengeance.
Myu dériva quelques secondes qui lui parurent une éternité dans le Styx, il s'attendait à tout moment à ce que son corps vole en éclats , il ne savait pas si l'épée avait été libérée mais il allait mourir en tant que guerrier d'Hadès et il en était content.
Quelques secondes passent puis rien.
Myu rouvrit les yeux, il était entouré d'une cosmo énergie qu'il n'avait jamais ressentie auparavant mais qui lui faisait vaguement penser à celle de Thanatos.
Une voix féminine l'apostropha.

- Alors tu te réveilles ?
- Qui… qui êtes-vous ?

La question parut la troubler.

- Qui… qui je suis ? Pour l'instant appelle-moi Célesta joli papillon.

Myu rougit en entendant le compliment. Son émotion fut de courte durée car il aperçut dans une sorte de bulle de vie le corps de Sisyphe !

- Co… Comment ?! Vous lui avez sauvé la vie !
- Comme j'ai sauvé la tienne papillon : en utilisant mon cosmos divin pour te soustraire à l'atmosphère du Styx. Mais ne te trompe pas ! Cet homme aurait pu survivre seul à la dimension intermédiaire grâce à l'épée des illusions, si je l'ai enfermé dans une bulle de vie c'est pour ne pas risquer de perdre l'épée et parce que… parce que sa vie m'appartient !

Célesta s'approcha de la bulle de Sisyphe, elle le réveilla d'une voix presque maternelle.
Sisyphe ouvrit les yeux et ce qu'il vit le terrifia car les yeux de la personne qu'il avait devant lui étaient les mêmes que ceux du serpentaire ! Cet horrible engin de mort qu'il avait retourné contre Hadès dans les temps anciens.

- Le… le Serpen…le Serpentaire !!

Une peur sans nom déforma son visage.

- Mon nom est Célesta et c'est à cause de toi qu'il y a de cela des siècles j'ai mordu la main de mon maître le grand Hadès ! C'est à cause de toi que je n'ai jamais revu mes frères et que sa majesté me déteste ! Si je t'ai sauvé la vie c'est pour pouvoir te tuer moi-même !
- Ah… ah…
- Mais avant cela laisse-moi te poser une question Sysiphe. De ta réponse dépendra ton sort !
- Quelle est-elle ?

Célesta pointa un doigt inquisiteur sur Sisyphe.

- Pourquoi veux-tu remplacer Dieu ?
- Parce que c'est le destin de tout homme d'affronter Dieu ! Et quand nous l'aurons tué nous pourrons jouir en paix des richesses du paradis !

Un court silence suivit.

- Alors considère que ma présence ici est le signe que Dieu veut se battre avec toi !
- Je suis prêt ! L'épée des illusions me donnera la force de te battre !

Célesta eut une moue de dégoût.

- Crois-tu que le premier homme qui voulut défier Dieu usa de l'arme de celui-ci ? Notre duel sera sans artifice roi des voleurs !

Célesta tendit le bras vars Sisyphe, son cosmos s'intensifia et tout ce que Sisyphe vit fut la tête métallique du Serpentaire. Lorsqu'il rouvrit la main l'épée des illusions ne s'y trouvait plus, il ne ressentait aucune douleur et pourtant son avant-bras saignait abondamment. L'épée elle se trouvait à quelques pas de Célesta.

- Deadliest Bite ! J'ai porté mon attaque si vite que ton sang a coulé avant même que tu ne ressentes la douleur de la blessure.
- Ah c'est impossible… Mais même sans l'épée je peux t'affronter et te vaincre !

La jeune déesse aux cheveux blonds cendrés eut un sourire sadique.

- M'affronter ? Mais sache que pour m'affronter il faudrait que tu puisses te battre sur le même sol que moi.

Célesta leva le sort qui retenait Sisyphe dans la bulle de vie. Celle-ci se volatilisa et le corps de Sisyphe commença à se détruire de l'intérieur.

- Je suis Sisyphe ! Je suis l'homme plus grand que Dieu ! Prends ça Célesta Deep Impact !

Sisyphe avait rejoint ses bras dans un ultime et pathétique effort pour lancer son attaque mais Célesta avait été plus rapide et sa main s'était refermée sur le poing droit de Sisyphe avant que celui-ci n'ait pu lancer son attaque.

- Est-ce là la force de l'homme qui voulait affronter Dieu ? C'est pathétique ! Nul homme ne peut briller plus fort que Dieu et tu en fais l'amère expérience !

Elle referma alors sa main sur le poing de Sisyphe et la masse d'énergie qu'elle contenait rendue instable explosa littéralement détruisant le poing du voleur.
Célesta le regarda sans aucun soupçon de pitié dans ses yeux. " Le voleur est puni par là où il a pêché " semblait dire son regard.
Celui-ci lâcha un cri de douleur, les derniers soupçons de la cosmo énergie de la bulle de vie étaient en train de s'évaporer et une pression formidable écrasait tout son corps.

- Ah non ce n'est pas possible ! Je ne peux mourir ainsi ! Pas après être devenu un dieu !

Une lueur sauvage passa dans les yeux de Célesta.

- Tu n'es qu'une ordure qui s'est prise pour un dieu et les ordures elles finissent en poussière ! Adieu Sisyphe ! Que les crocs du Serpentaire te déchirent !

L'attaque de Célesta annihila ce qui restait du corps de Sisyphe qui disparut en cendres dans le Styx. Célesta fit volte face.
" Je n'ai aucune pitié pour un homme comme lui ! "

Célesta attira à elle l'épée des illusions par télékinésie mais ne commit pas le blasphème de la toucher.

*
* *

Les morts qui se tenaient face à Thanatos et menaçaient de le submerger stoppèrent leur élan, certains s'écroulèrent à terre et leurs âmes furent réduites en poussières, d'autres restèrent plantés là se rendant compte que leur Dieu étant mort ils étaient à nouveau orphelins.
Thanatos émit un soupir de soulagement.

- Ouf ça a été juste !
- Comme tu dis Thanatos.

L'interpellé se retourna pour découvrir derrière lui Célesta, Minos et Myu. L'épée des illusions était en suspension au-dessus d'eux.

- Cé… Célesta !
- Elle-même !
- Que… que fais-tu là ?

La jeune déesse baissa la tête honteuse.

- C'est parce que j'ai quitté mon poste en Enfer que Sisyphe a pu faire ce qu'il a fait, il était normal que je répare mes erreurs.

Thanatos avait du mal à contrôler les tremblements qui l'agitaient à l'idée de l'avoir encore une fois devant lui. Il parvint toutefois à articuler.

- Bien je suppose que si tu es ici c'est que tu as trouvé les réponses à tes questions et que tu as choisi ton camp. Viens avec moi, nous apporterons ensemble son épée à l'empereur Hadès.
- Non tu la lui apporteras tout seul mon frère car ma place est ici : en Enfer.
- Comment m'as-tu appelé ?

Célesta avança vers Thanatos, elle s'approcha si près de lui qu'elle put sentir les battements irréguliers de son cœur et le souffle de sa respiration.
Leurs lèvres se touchaient presque.
" Alors c'est vrai : tu as renoncé à l'amour et aux sentiments en devenant un dieu… Mais peut-être cela te rafraîchira-t-il la mémoire ? "

Célesta se mit sur la pointe des pieds pour arriver à la hauteur de Thanatos, ses lèvres se rapprochèrent de celles du dieu de la mort. Celui-ci l'imita et quand leurs lèvres se touchèrent il en éprouva un bien-être fou et à ce moment-là il n'aurait échangé sa place pour rien au monde.
Leur baiser se prolongea longtemps.
Myu et Minos détournèrent la tête, gênés.
Lorsque Célesta relâcha à regret son étreinte Thanatos sentit un courant froid lui traverser le cœur et un seul mot lui vint à la bouche :
" E… Elysée ? "
Elysée posa son doigt sur les lèvres de Thanatos.
" Oui c'est bien moi, mais chut il n'en faut point trop dire… il me suffit que tu aies retrouvé tes souvenirs. "

Peu de temps après Thanatos, Minos et Myu prirent le chemin de la Terre sous les yeux d'une petite déesse qui les regardait s'éloigner depuis la Giudecca.

Note de l'auteur : pour connaître l'histoire de Thanatos, Hypnos et Célesta il est conseillé de lire l'annexe correspondante.

*
* *

Asgard

Pandore marchait depuis des heures dans la neige glaciale seulement couverte par une robe légère. Chacun de ses pas se faisait plus douloureux car le froid anesthésiait ses nerfs rendant ses jambes plus lourdes.
Pandore tentait de rentrer sa tête dans sa cape pour se protéger du froid mais c'était peine perdue.
Elle trébucha alors sur une souche rendue invisible par la neige et s'étala de tout son long sur la terre du royaume d'Asgard. Elle tenta de se relever mais une voix infiniment plus douce que celle de la survie lui soufflait les mots de l'abandon, les mots de la mort.
Pandore tendit sa main en avant et parvint à articuler très faiblement :
" Ha… Hadès… petit frère… tu m'as promis… de veiller sur moi… comme j'ai veillé sur toi… quand tu étais petit… "
Sa main retomba sur la neige immaculée et ses yeux se fermèrent comme les rideaux sur une pièce de théâtre.

Loin très loin de là retentit un bruit dans le palais d'Asgard. Freya se précipita craignant le pire. Elle vit Hadès debout au milieu de la pièce les débris d'un verre de vin à ses pieds. Il semblait tétanisé. Freya lui adressa la parole mais tout ce qu'elle tira de lui fut un froncement de sourcils.
Inquiète elle osa :

- Votre majesté que vous arrive-t-il ?

La voix d'Hadès avait changé, elle était presqu'enfantine.

- Pandore… Elle m'a appelé.

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Cette fiction est copyright Diego Jimenez.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.