Chapitre 9 : Requiem pour un guerrier


-Enfin tu te montres, commença Mime. C'est mon jour de chance, dirait-on. J'ai déjà quasiment vaincu un chevalier d'or ennemi de la princesse Hilda et voilà que le destin m'offre sur un plateau le traître que tout le monde recherche.
-Hum, ricana Hagen. De la part d'un homme qui a assassiné son propre père, tes paroles me font doucement rigoler. Sais-tu seulement ce que le mot traître signifie ?

L'espace d'une seconde, le visage de Mime se durcit et un éclat meurtrier illumina son regard.

-Tiens, un semblant de réaction ? Ironisa Hagen. Le froid et toujours impassible Mime serait-il capable de ressentir des émotions humaines ?
-Ne parle pas de choses qui te dépassent, Hagen, l'avertit Mime. Mieux que quiconque je sais ce qu'est la trahison d'un être cher. Quant à ce crime dont tu m'accuses, tu n'as aucune preuve concrète, ce ne sont que des rumeurs…

Mime marqua un silence prolongé puis reprit la parole en fixant Hagen droit dans les yeux.

-Mais cependant, il est inutile de me voiler la face et fuir mes responsabilités. C'est effectivement moi qui ai tué cet homme qui se disait mon père.

Hagen fut étonné par une telle franchise, d'autant que Mime avait prononcé ces paroles avec le même ton monocorde et désinvolte que d'habitude et Freya le regarda d'un air horrifié.

-J'ai toujours cru que ces odieuses rumeurs étaient totalement infondées, s'écria-t-elle. Comment as-tu pu tuer ton propre père ?! C'est totalement insensé !
-Votre naïveté et votre candeur sont touchantes, Princesse Freya, répondit-il. Vous ignorez totalement quel genre d'homme il était réellement… Un être froid et dur, prêt à tout sacrifier pour arriver à ses fins, mais avec un semblant de conscience, je suis obligé de l'admettre. Il ne m'a pas abandonné après avoir lâchement assassiné mes vrais parents…
-Tes vrais parents ? Demanda Hagen. Tu as donc été adopté…
-Exact, par un homme qui a naïvement cru que ce geste suffirait à lui pardonner aux yeux des dieux le meurtre d'un homme déjà blessé et de sa femme sans défense. Mais ses crimes l'ont rattrapé et je l'ai tué de mes mains le jour où j'ai découvert la vérité. Nul autre que moi n'avait ce droit, il devait périr de ma main afin d'assumer ses actes.
-Volkel, le plus puissant guerrier divin d'Asgard ?! Demanda Freya. D'après la légende, il s'agissait d'un guerrier droit et très juste, je ne peux pas croire qu'il ait commis les atrocités dont tu l'accuses !
-Je vous avertis, Princesse, ne vous aventurez pas sur ce terrain avec moi, lança Mime très sèchement. Vous ne connaissiez pas cet homme, moi oui, je sais très bien de quoi je parle !
-Je t'interdis de parler à Freya sur ce ton, intervint Hagen. Et nul ne sait si tu nous dit la vérité. Je vous connais tous deux de réputation ton père et toi et la tienne est loin d'égaler la sienne. Peut-être l'as-tu assassiné pour une toute autre raison et tu as ensuite monté cette histoire de toutes pièces pour t'innocenter ou te déculpabiliser !
-Cette fois, ça suffit, s'écria Mime. Je ne vais pas m'acharner davantage à essayer de vous convaincre ! Prépare-toi, Hagen, c'est à ton tour de connaître la défaite à présent !
-Attends !! Retentit une voix derrière lui.

Mime arbora alors un air désabusé, emplit de lassitude. Le chevalier du Lion venait de se relever et le défiait à nouveau.

-Toi… Tu es toujours décidé à te mesurer à moi malgré tes échecs répétés? C'est totalement ridicule et ça devient exaspérant.
-Tu n'as pas d'autre choix que de me tuer si tu veux stopper ce combat, dit Aiolia.
-Alors tu vas être exhaussé, répondit Mime en lui faisant face.

Les deux hommes se faisaient à nouveau face, le cosmos flamboyant.

-Je constate avec plaisir que l'intensité de ton cosmos n'a que peu baissé, lui fit remarquer Mime. Mais ton armure est désormais endommagée et tu es très affaibli physiquement. Le combat ne peut que tourner à mon avantage, admets-le.
-C'est ce qu'on va voir, répondit Aiolia.

Hagen avait reculé en emmenant la princesse hors d'atteinte du combat. Il fut rejoint par les deux chevaliers de bronze qui s'étaient relevés tant bien que mal :

-Tu dois l'aider, Hagen, lui dit Jabu. J'ai vu une partie de leur combat tout à l'heure et Aiolia était nettement surpassé. Il n'arrivera pas à le battre seul !
-Ne t'en fais pas, je pense que cette fois, il parviendra à lui tenir tête et même à prendre l'avantage. Mais parlons plutôt de toi et de ton camarade, dit-il en durcissant le ton et en le foudroyant du regard. Je croyais vous avoir demandé de rester dans la grotte et de veiller sur la princesse !
-C'est-à-dire que, commença Jabu, penaud et quelque peu effrayé.
-C'est moi qui ai voulu sortir, Hagen, ne t'en prends pas à eux, intervint Freya. Ils n'avaient pas d'autre choix que de me suivre s'ils voulaient me protéger.
-Mais enfin Princesse, vous n'êtes pas raisonnable ! Et si vous étiez tombée sur un guerrier divin seul ? Je sais que ni Syd ni Siegfried ne vous auraient fait du mal, mais quelqu'un comme Albérich aurait fait bien peu de cas de vous et de ces deux chevaliers !
-Oui mais ça n'est pas arrivé, dit-elle calmement. Et je ne supportais plus de rester cachée pendant que tu risquais ta vie à l'extérieur !

Suite à ces paroles, Hagen se radoucit et posa un bras protecteur sur les épaules de Freya. Il se concentra à présent sur l'assaut imminent entre Mime et Aiolia, rapidement imité par Jabu, Ichi et Freya.

-Bien chevalier ! Ecoute donc une ultime fois ton requiem !

Mime porta rapidement ses doigts sur sa lyre afin d'envoûter à nouveau Aiolia avec sa musique enivrante mais il stoppa net lorsqu'il effleura la première corde. Il se rendit compte avec stupeur que le courant d'air glacial d'Hagen était allé jusqu'à geler son instrument lui-même. Au même moment, Aiolia se précipita vers lui, le poing menaçant. Mime, décontenancé par la situation eut tout juste le temps de projeter une salve de rayons lumineux qui atteignirent en partie Aiolia mais celui-ci parvint à esquiver la majorité. Une fois au contact, il porta un coup de poing que Mime intercepta sans réelle difficulté mais il enchaîna de suite avec un coup de pied latéral visant la lyre qu'il tenait dans l'autre main. Par un réflexe foudroyant, Mime recula à temps pour éviter l'impact mais le pied d'Aiolia toucha les cordes de son instrument, lesquelles volèrent en éclat aussi facilement que s'il s'agissait de cristal. Mime atterrit plusieurs mètres plus loin et constata horrifié le triste état dans lequel se trouvait à présent sa lyre.

-Excellent ! S'écria Jabu. Joli travail, Hagen !
-Toute la tactique et la puissance de Mime repose sur sa musique qui trompe les sens de ses adversaires. A présent qu'il ne peut plus s'en servir, je pense qu'il ne gagnera pas, Aiolia lui est supérieur dans le domaine de la force pure, affirma Hagen. Mais ne crions pas victoire trop tôt, Mime reste quand même un combattant redoutable avec ou sans sa lyre, s'il a réellement tué son père à mains nues…

Mime ne bougeait plus et son regard semblait perdu dans le vide. Il se ressaisit soudain et laissa tomber sa lyre dans la neige.

-Très bien Aiolia ! Tu as réussi grâce à l'intervention de ce traître d'Hagen à détruire mon atout le plus précieux mais ne crois pas avoir gagné pour autant. Tu es bien mal en point et ma prochaine attaque te pulvérisera ! Je vais intensifier mon cosmos à son paroxysme et te porter un coup mortel, avertit-il son adversaire.
-J'accepte le défi, Mime. Je vais faire de même et cet assaut sera sans doute le dernier de notre combat, répondit Aiolia.

Mime se concentra et une immense aura blanche l'entoura. Pour la première fois, son visage était traversé par un rictus, preuve de son implication totale dans cette lutte mortelle. De son coté, Aiolia aussi libéra toute l'intensité de son énergie et les deux ennemis étaient prêt à déverser leurs pluies de coups l'un sur l'autre.

-Incroyable, dit Jabu. Le cosmos de Mime est aussi puissant que celui d'Aiolia ! Impossible de déterminer le vainqueur. Courage, Aiolia ! Encouragea-t-il son camarade. J'ai foi en ta victoire, et Athéna aussi croit en toi, ne la déçois pas !

Le déploiement de puissance des deux hommes était tel que toute la neige aux alentours avait presque entièrement fondu.

-Par le plasma foudroyant !! Cria Aiolia.

Aussitôt, il projeta son cosmos sous la forme de multiples rayons qui laminèrent tout sur leur passage, allant même jusqu'à creuser profondément dans le sol. De son coté, Mime déclencha son attaque qui revêtait exactement la même forme et qui vint contrer avec la même violence le plasma foudroyant d'Aiolia. Durant d'interminables secondes, les deux hommes se tinrent tête sans qu'aucun des deux ne prenne l'avantage. D'innombrables gerbes d'énergie fusaient ça et là, certaines suffisamment dangereuses pour persuader les quatre spectateurs à s'éloigner rapidement afin d'éviter d'être blessés eux aussi. Mime réussissait tant bien que mal à contenir Aiolia et refusait de céder ne serait-ce qu'un pouce de terrain.

-Je n'ai pas encore dit mon dernier mot, dit-il. Je peux encore augmenter la vitesse de mes rayons !

Soudain, il s'aperçut que la forme de l'attaque d'Aiolia commençait à changer. Les traits lumineux semblaient se rejoindre pour former une énorme boule de feu vibrante.

-Découvre ma plus puissante attaque, Mime ! L'éclair foudroyant !! Hurla Aiolia.

De son poing jaillit soudain cette boule de feu qui transperça aisément le rideau lumineux protecteur de Mime.

-Impossible, pensa-t-il à toute vitesse. Je dois le repousser ou je serai complètement écrasé.

Malgré toute sa volonté, il fut frappé avec une force extrême dépassant tout ce qu'il avait pu imaginer jusqu'à présent. Une grande partie de son armure divine fut arrachée et il s'écroula à terre, s'enfonçant profondément dans la terre sous la violence de l'impact.

-Il l'a eu !! S'écrièrent en même temps Jabu et Ichi. Hagen et Freya se montrèrent moins enthousiastes car même s'ils ne portaient pas particulièrement Mime dans leur cœur, il s'agissait de l'un des leurs. Jabu couru soutenir Aiolia qui était quelque peu chancelant après avoir fourni un effort aussi intense.

-Merci de ton aide, Jabu, dit-il reconnaissant.
-Tu as été formidable, je n'ai jamais vu une telle puissance ! En tout cas, tu l'as bien remis en place ce prétentieux, il ne méritait pas moins !
-Je ne crois pas qu'il soit encore mort, affirma Aiolia.
-Tu plaisantes ? Il est impossible de survivre à une telle attaque. De plus, j'ai bien vu qu'il avait été frappé de plein fouet !
-Allons voir quand même.

Les deux chevaliers se dirigèrent vers le point d'impact de l'éclair foudroyant. Au fond gisait allongé sur le dos Mime, le corps ensanglanté et couvert de vilaines blessures. Il semblait respirer encore, ce qui étonna grandement Jabu. Ses paupières s'ouvrirent lentement et laissèrent apparaître ses yeux rougeoyants mais ceux-ci semblaient avoir perdu leur éclat, comme s'il savait qu'il n'avait plus que quelques minutes à vivre. Hagen s'était approché lui aussi et rejoint son camarade à l'agonie.

-Mime, commença-t-il. Crois-le ou pas, mais je suis désolé de ce qui t'arrive. Si j'ai agi comme ça, c'est pour le bien d'Asgard. Ca n'était absolument pas dirigé contre toi.
-Inutile de t'excuser, répondit-il d'une voix très sereine. Tu as choisi ton camp et tu te donnes au maximum pour une cause, ce que je n'ai jamais pu faire. Même si j'ai réellement été vaincu par deux hommes et non un seul, j'accepte la mort car je la mérite en vérité…
-Tu veux parler de ton père, n'est-ce pas ?
-Exact…chuchota-t-il alors que son souffle commençait à s'éteindre. Je l'aimais sincèrement et il a toujours été très bon avec moi, même s'il était rude comme tout guerrier qui se respecte. Et en fait, je ne connais pas réellement la vérité sur la mort de mes parents… je l'ai tué alors qu'il était en train de ma raconter son histoire mais j'étais tellement en colère que je n'ai pas attendu… Et il n'a même pas esquissé un geste de défense. Mais j'ai regretté aussitôt mon impulsivité et je me suis haï longtemps pour ça, je ne lui ai même pas donné une chance de s'expliquer…

Mime se mit à tousser et du sang s'écoula de sa bouche tandis qu'il avait du mal à respirer. Hagen s'accroupit et le saisit dans ses bras afin de le redresser.

-Merci, dit Mime.
-Continue ton histoire, le poussa Hagen.
-C'est après cette histoire que je suis devenu cet être froid que vous connaissiez, je me suis enfermé dans mes mensonges afin de libérer ma conscience de ce fardeau. Et j'ai fini par devenir moi aussi dur et cruel, ce que je reprochais pourtant à mon père. Quel misérable j'ai pu être… Mais aujourd'hui, je meurs et je tiens à ce que la vérité soit rétablie.
-Elle le sera, je te le promets, jura Hagen.
-Je te remercie… Et toi, Aiolia, dit-il en élevant la voix de sorte que le chevalier d'or l'entende. Merci pour ce combat passionnant et bravo pour ta dernière attaque, elle était de toute beauté…
-Permets-moi de te féliciter à ton tour, tu le mérites plus que moi. Sans l'intervention d'Hagen, jamais je ne t'aurais vaincu et c'est moi qui devrais agoniser dans ce cratère à ta place.
-Le destin en a décidé autrement et il a fini par me rattraper moi aussi, c'était inexorable…

Freya s'était approchée elle aussi et avait du mal à dissimuler ses larmes devant la tristesse de l'histoire de Mime et tant d'honnêteté de sa part.

-Ne pleurez pas, jeune princesse, dit Mime à son encontre, je n'en vaux vraiment pas la peine, je vous assure.
-Ne dis pas n'importe quoi ! Tu regrettes tes actes à présent, n'est-ce pas le plus important?
-On peut dire ça, effectivement… Mais il est trop facile de se confesser sur son lit de mort. Le véritable courage est d'arriver à vivre avec ses erreurs et de les assumer entièrement, ce que je n'ai pas pu ou pas su faire. J'ai été un lâche toute ma vie…
-Non, ne dis pas ça ! Tu t'es battu pour le royaume d'Asgard et Odin t'a estimé digne de devenir un guerrier divin, je suis sûre que ce n'était pas une erreur !
-Merci de votre confiance et de votre gentillesse, ça me touche beaucoup… Je peux mourir en paix à présent…

Lentement, les yeux de Mime se fermèrent pour ne plus jamais se rouvrir et son souffle s'éteint à jamais.

-On ne peut pas le laisser comme ça, dit Aiolia.
-Laisse-moi faire, je vais lui confectionner un cercueil de glace, répondit Hagen. Ainsi son corps échappera à la décomposition et la laideur de la mort.

Joignant le geste à la parole, Hagen tendit le bras vers Mime et un courant d'air froid enveloppa complètement ce dernier jusqu'à ce que le trou dans lequel il reposait fût entièrement rempli de glace.

-Voilà, c'est fait. Plus rien ne le pourra l'importuner à présent.
-On dirait qu'il sourit dans la mort, remarqua Freya, émue.
-Ce n'est pas une impression, affirma Hagen. Il est mort sans regret ni amertume.

Aiolia se dirigea vers Hagen et lui tendit la main :

-Je te remercie pour ton aide, sincèrement. Sans toi, je ne serais plus de ce monde à présent.
-Sois le bienvenu, dit-il en saisissant la main tendue. Tu en aurais fait de même pour moi. Enfin, je l'espère, rajouta-t-il avec un sourire. Ca te coûte de me dire ça, n'est-ce pas ?
-Tu n'as pas idée, dit Aiolia en souriant à son tour. Bon, je pense qu'il n'y a pas une minute à perdre, mettons nous en route vers le palais.
-Ca ira Aiolia, tu peux marcher ? S'inquiéta Jabu.
-Bien sûr que oui, répondit-il, un brin vexé. Je suis un chevalier d'or et nous récupérons toujours très vite de nos combats, aussi meurtriers soient-ils !

Jabu préféra se taire et se mit en marche ainsi que tous les autres vers le palais d'Hilda et les guerriers divins restants.



-La situation est grave, Siegfried, dit Syd. Mime aussi a été défait. Pourquoi restes-tu là, sans réagir ?
-Je sais, répondit-il. Les chevaliers d'or ne tarderont pas à pénétrer dans l'enceinte du palais, deux d'entre eux sont quasiment à sa porte et il ne reste plus que toi et moi pour le protéger.
-Et Albérich ? Tu penses qu'il a fui ?
-Cela ne m'étonnerait pas de la part de ce serpent malfaisant. Je n'arrive pas à comprendre comment cet être vil et lâche a pu être choisi par Odin pour devenir l'un de ses guerriers.
-Moi non plus. Nous n'aurions jamais du le laisser quitter le palais !
-Tu oublies que la princesse Hilda est de son coté. D'ailleurs, il est de mon devoir d'aller l'avertir de la gravité de la situation. Toi, surveille les arrivées au château et défend-le si nécessaire.

Syd acquiesça d'un geste de la tête et c'est sur ces mots que Siegfried le quitta afin de se rendre dans la salle du trône. L'idée de se confronter à nouveau à Hilda, qui plus est en étant porteur de tristes nouvelles, le rendait nerveux à tel point qu'il en tremblait presque. Ca n'était pas la peur, bien sûr, mais depuis quelques temps, il se sentait prodigieusement mal à l'aise en la présence de sa souveraine. Il aimait toujours être en sa présence, veiller sur elle et il pouvait la parcourir du regard sans jamais s'en lasser. Mais avant que commence cette guerre sanglante qui avait déjà vu tomber trois de ses camarades, Hilda semblait apprécier sa compagnie tandis que maintenant, elle ne semblait plus le considérer que comme un subordonné tout juste bon à obéir à ses ordres.

-Mais qu'est-ce qui m'arrive ?! Pensa-t-il . Je suis un idiot, Hilda me traite exactement comme ce que je suis, un simple serviteur. Elle m'a déjà tant donné, elle m'a recueilli et a fait en sorte que je ne manque jamais de rien. Je n'ai pas le droit de lui en demander plus et je ne devrais même pas y penser. J'ai vécu comme dans un rêve jusqu'à maintenant et à présent que la réalité me rattrape, je n'ose lui faire face. Ma place n'est pas à ses cotés mais bel et bien au combat, me battant pour assurer sa protection ! Si nous gagnons, peut-être me regardera-t-elle autrement… Si elle pouvait voir l'homme et pas seulement le guerrier…

Siegfried stoppa sa réflexion en arrivant devant la grande porte derrière laquelle se trouvait Hilda et l'ouvrit sans ménagement. Hilda se tenait toujours assise sur son trône et ne semblait même pas avoir remarqué la présence de Siegfried avant qu'il ne s'agenouille à quelques mètres d'elle.

-Qu'y-a-t'il, Siegfried? Demanda-t-elle de son désormais habituel ton autoritaire.
-Princesse Hilda, la situation est grave, je dirais même alarmante. Trois d'entre nous ont été vaincus et nous n'avons plus de nouvelle d'Albérich. Il ne reste plus que Syd et moi pour garantir votre protection, c'est pourquoi je vous suggère de quitter le château.
-C'est une plaisanterie, je suppose. Si tel est le cas, sache qu'elle est d'un goût douteux. Je suis la souveraine d'Asgard et il est hors de question que je prenne la fuite.
-Mais enfin Princesse, tenta de la convaincre Siegfried, ça pourrait être très dangereux ! Qui sait ce qu'ont en tête les chevaliers d'Athéna ! Si jamais ils mettent la main sur vous…
-Les laisseras-tu faire ? Lui demanda-t-elle.
-Non, bien sûr que non, je mourrais s'il le fallait, mais…
-Alors tout va bien, je n'aurai rien à craindre tant que tu seras là.

Siegfried ne savait que dire. Une telle confiance le touchait profondément et il s'efforcerait de ne pas la trahir. Il s'agissait cependant aussi d'être réaliste, les chevaliers d'or avaient prouvé qu'ils étaient des adversaires redoutables et la victoire était loin d'être acquise, elle pourrait même se révéler inaccessible. Mais apparemment, il ne lui restait plus qu'à aller se battre pour tenter d'arracher cette victoire si précieuse aux yeux de sa souveraine tant aimée.

-Bien, votre majesté, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour tenter de vaincre nos ennemis.
-Qu'en est-il de Syd ? Où est-il ? Lui demanda-t-elle soudainement.
-Il est parti surveiller l'entrée de votre palais et a reçu l'ordre d'intercepter quiconque tentera d'y pénétrer. Je vais d'ailleurs aller le rejoindre avec votre permission car deux chevaliers sont en passe d'y arriver et Syd ne fera pas le poids à un contre deux.
-Non, tu restes ici. Et inutile de te faire du souci pour lui, affirma-t-elle curieusement.
-Comment ? S'étonna Siegfried.
-Tu sous-estimes le vrai pouvoir de Syd.
-Vous me cachez quelque chose, Princesse, s'enquit Siegfried. Dites-moi la vérité, je vous en prie, que je sache à quoi m'en tenir afin d'organiser au mieux la défense du palais.
-Bien, après tout, ça ne sera bientôt plus un secret. Syd est protégé en secret par son étoile jumelle, un guerrier qui se nomme Bud. Cet homme est également son frère jumeau.
-Jamais je n'avais eu vent de cette histoire. Et Syd lui-même est-il au courant ?
-Je ne crois pas, mais peut-être l'a-t-il découvert depuis.
-Mais cet homme est-il un guerrier divin ? Connaissez-vous l'étendue de ses pouvoirs ?
-Il n'est pas un guerrier divin à proprement parler, il serait plutôt un assassin de l'ombre, aussi efficace que discret et j'ai toute confiance en lui. Les chevaliers d'Athéna périront sans même comprendre ce qui leur arrive, dit-elle en partant dans un éclat de rire.
-Vous ne devriez pas faire confiance à ce genre d'homme, Princesse ! Qui sait quelles sont ses réelles motivations, peut-être vous trahira-t-il un jour ?
-Il n'osera jamais faire ça car son but est de devenir un véritable guerrier divin.
-Et comment doit-il faire ? Je suppose qu'il doit prendre la place de son frère… Qui vous dit qu'il ne tuera pas pour ce faire ?
-Assez d'interrogation ! Répondit-elle en s'emportant brusquement. Je fais ce que bon me semble et je sais qu'il nous débarrassera de nos ennemis. Peu importe la manière, seul le résultat compte à mes yeux !

Le ton qu'elle avait employé indiquait que la conversation était finie et Siegfried ne tirerait plus rien d'elle. Mais à présent, la situation lui semblait plus claire. Voilà comment Syd était parvenu à vaincre aussi facilement en Grèce ! Ils avaient été deux à s'attaquer au chevalier du Taureau et Bud l'avait sans aucun doute frappé de dos. Il espérait vraiment que Syd était au courant de cette histoire car si ce n'était pas le cas, il pourrait preuve d'un excès de confiance fatal. Mais une fois de plus, il était cloîtré ici, condamné à observer la bataille de loin sans pouvoir intervenir…



-Il faut absolument que je voie Siegfried ! Annonça soudainement Hagen à ses compagnons. Tout ceci a pris des proportions inquiétantes, je dois lui parler !
-Dans ce cas, tu ferais mieux de te dépêcher, dit Aiolia, Aldébaran et Milo ne vont certainement pas tarder à atteindre le palais.
-Il n'ont certainement pas pris le chemin le plus court, je devrais y être avant eux. Princesse Freya, il me faut vous quitter une fois encore mais je vous promets de revenir d'ici peu.
-D'accord, acquiesça-t-elle. Essaie de convaincre Siegfried du mieux que tu peux.
-Je m'y efforcerai, promit-il. Quant à vous deux, dit-il en s'adressant aux chevaliers de bronze, je compte sur vous pour veiller sur elle !

Aussitôt dit, Hagen s'en fut à grandes enjambées et en quelques secondes, il n'était déjà plus visible de ses compagnons. Le petit groupe se remit en route quand Jabu s'écria :

-L'étoile secondaire !
-Comment ? Demande Aiolia, étonné.
-Nous devons avertir Aldébaran et Milo pour le double de Syd !
-Je ne comprends rien à ce que tu racontes ! Sois plus précis, répondit Aiolia
-Je n'ai pas le temps de t'expliquer, il faut que j'aille les prévenir où ils se feront tuer tous les deux ! Princesse, expliquez-lui et toi Ichi, veille sur elle jusqu'à ce que je revienne !

Là-dessus, Jabu se précipita à son tour sur les traces des deux chevaliers d'or. D'après ce qu'il lui semblait percevoir, ils n'étaient pas très loin du palais et ils n'avançaient pas très vite, sans doute par prudence. Cependant, à peine avait-il parcouru quelques centaines de mètres qu'une voix surgit aux alentours :

-Halte !

Surpris, Jabu s'arrêta net et chercha du regard celui qui avait parlé ainsi. Celui-ci surgit de l'ombre et se positionna devant lui. Il était vêtu d'une armure aux reflets bleus foncés et dont la morphologie faisait penser à du diamant. Sa couronne semblait évoquer un esprit mauvais avec un regard rouge vif mais ceci n'était rien comparé aux yeux de cet homme qui exprimaient à la foi méchanceté, cruauté et cynisme. Il portait dans sa main droite une arme qui semblait avoir été taillé également dans du diamant mais sa couleur tirait plus vers le rouge.

-Où comptais-tu aller ainsi, chevalier d'Athéna ?
-Tu es un guerrier divin, je présume, dit Jabu.
-Exact, je suis Albérich de Megrez, guerrier divin de Delta. Et toi, qui es-tu, que je sache qui je vais tuer ?
-Jabu, chevalier de bronze de la Licorne, répondit-il, s'efforçant de ne pas laisser apparaître sa peur.
-Un chevalier de bronze, dis-tu. N'est-ce pas là la caste la plus basse parmi la chevalerie d'Athéna ? Nous estime-t-elle donc si peu qu'elle s'imagine que nous serons vaincu par des moins que rien dans ton genre ?

Jabu ne répondit pas à cette insulte et se mit en garde, décidé à se battre jusqu'au bout même si l'issue du combat lui sera forcément défavorable. Son adversaire fit de même et il arborait le sourire moqueur du chasseur qui allait s'amuser avec sa proie…

-Seiya, pensa Jabu, se surprenant lui-même à penser à son compagnon et frère en ce moment crucial. Je crois que je vais bientôt te rejoindre…

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Cette fiction est copyright Thomas Lafargue.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.