Chapitre 1 : Mon dernier jour


495 avant Jésus-Christ.
L'Attique, une région de ce qui sera plus tard la Grèce.


Rune

Je marchais calmement. Le soleil se levait à peine. La chaleur était encore supportable. Et elle le serait encore pendant deux heures, exactement le temps qu'il me faudrait pour atteindre ma destination : Athènes. La merveilleuse cité. Le centre de commandement de notre peuple. Athènes, la ville protégée par Athéna, déesse de la guerre et de la sagesse. La seule cité de tout le monde connu où le pouvoir était entre les mains du peuple. La démocratie ! Voilà où résidait la force de mon peuple. J'avais toujours pensé que les humains ne devaient pas détenir le pouvoir. Cette faveur était réservée aux dieux, et nous, humbles humains, n'avions pas le droit de nous prendre pour des dieux.
La démocratie et la justice. Les deux raisons de mon voyage. J'avais été élu pour participer à l'Héliée, pour rendre la justice. De ce fait je devais me rendre trois jours par semaine à la majestueuses cité. Nous étions 6000 citoyens à l'Héliée, mais nous ne devions pas tous venir chaque jour. Certains ne venaient qu'une fois par an, d'autres tous les jours. Certains prétextaient que leur ferme et leur terre réclamaient beaucoup de travail et d'autres simulaient la fatigue ou la maladie pour échapper à la corvée. Et malgré tout nous touchions un salaire. Je serai d'avis que je touche plus que les autres. J'avais, moi aussi, une terre à travailler et des enfants à élever. Ca ne m'empêchait pas de venir. Mes esclaves pouvaient facilement gérer mon domaine. Et puis j'étais le juge le plus sûr d'Athènes. Tout le monde réclamait ma présence au tribunal, parce qu'on savait que j'étais le plus impitoyable et le plus juste de tous les juges.

J'aimais bien marcher dans la campagne à l'aube. Tout était silencieux. Qu'est-ce que j'aime le silence ! Quand on n'entend plus rien, c'est le bonheur. Les sourds sont les élus des dieux. Ce n'est pas que je déteste le bruit. Ca ne me gêne pas de me retrouver dans une foule bruyante dans les rues d'Athènes, dans une auberge ou sur une place public. Mais j'aime bien écouter le silence, c'est très reposant. Le silence est une musique merveilleuse. C'est le symbole du repos. Du repos éternel même ! Les morts ont bien de la chance. Quoique ! Je ne sais trop quel sort leur réserve le dieu des enfers. Qu'Hadès protège ma chère épouse Hélène. Voilà un an qu'elle m'a quitté. Je dois désormais élever nos deux fils seul, avec l'aide de mes esclaves. Je n'oublie jamais de prier Hadès chaque matin et de lui laisser une offrande.
Etant un athénien je dois rendre un culte à Athéna. Mais elle n'est pas la seule à recevoir nos offrandes. Nous organisons souvent des fêtes religieuses où tous les citoyens sont conviés à participer. Nous rendons grâce à Déméter quand nos cultures sont réussies. Nous célébrons le jour d'Hermès quand nos commerces réussissent. Et parfois même nous fêtons Dionysos quand tout va bien. Mais je n'ai encore jamais vu de fêtes en l'honneur d'Hadès. Etrange ! Pourtant mon peuple pense à rendre un culte à tous les dieux même les plus insignifiants : Arès, Poséidon, Nikè …
Néanmoins chaque athénien a le droit à un culte personnel. Dans ma demeure j'ai le droit de prier le dieu de mon choix. Et j'ai naturellement choisi Hadès. Bien sûr, la mort de ma femme y est pour quelque chose mais j'ai toujours admiré ce dieu. D'abord il est le plus puissant de tous. C'est le maître des enfers. Il règne sur un territoire bien plus vaste et plus important que la terre et les océans réunis. Ensuite c'est le dieu de la justice. Oui, Dikè est censée être la déesse de la justice mais lui, il l'applique. Cet être infiniment juste récompense les hommes justes et punit les mécréants. Qu'est ce que je l'admire !
Je lui rends hommage tous les jours mais si je pouvais le servir personnellement ce serait le bonheur. Un honneur inestimable.



Ca fait maintenant une bonne heure que le soleil s'est levé. Je suis à mi-chemin de la cité. Mon dème est sacrément éloigné de la capitale. Mais nous ne sommes pas les plus malchanceux de l'Attique. Ceux qui vivent dans la plaine de Marathon sont maudits, ils n'arriveront jamais à rien. Et pourtant je suis fier de ma polis qui est la plus grande (à tous les sens du terme) de toutes. Il paraît que nous, les grecs, sommes prompts à l'arrogance mais j'en doute. Ma cité est LA CITE du monde moderne.
Laissez-moi vous dépeindre rapidement notre merveilleuses région ainsi que notre formidable organisation.

La cité d'Athènes s'étend actuellement sur toute l'Attique. Ce sont les territoires qui entourent la ville. Nous avons beaucoup de montagnes dans le centre. Mais la mer est présente tout le long de nos côtes. Les grecs sont réputés pour être d'excellents marins. Il nous faut donc de nombreux accès à la mer. Bien sûr cela peut entraîner des désagréments. Les plaines de Marathon et d'Eleusis sont en partie insalubres à cause des marais qui s'y trouvent. Heureusement nous avons la " terre du milieu " située entre l'Hymette et le Laurion : une région incroyablement fertile bénie par Déméter. Dans cette " Mésogée " nous cultivons de tout : des cyprès, des vignes et des oliviers. Tous ces produits athéniens sont réputés dans tout le monde connu. Normal, l'olivier est un des symboles d'Athéna, la déesse protectrice de la cité. De plus nous produisons énormément de vin et d'huile d'olive. Ainsi nos artisans ont beaucoup de travail. Nous devons produire de grandes quantités de jarres pour transporter nos produits. C'est pour ça que la céramique a une telle importance à Athènes.

Les athéniens sont répartis en 139 dèmes. Ce sont des villages (ou plus rarement des quartiers) où les citoyens sont inscrits sur un registre. Encore une preuve de notre supériorité ! Nous savons exactement combien nous sommes, ainsi nous pouvons mieux gérer nos ressources. A l'heure qu'il est nous devons être 40000 citoyens dans toute l'Attique. Et avec nous il y a quelques trois cents mille créatures (enfants, femmes, métèques, esclaves) que je ne compterai pas.
Je parle des citoyens parce qu'ils sont le cœur et l'âme de la cité. Nous sommes une démocratie et le peuple détient le pouvoir. Chaque homme possède alors des droits et des devoirs. Nous sommes tous égaux devant la loi (Hadès doit être fier de nous). Nous pouvons tous posséder de la terre et participer aux décisions de la cité. Mais les devoirs sont bien plus nombreux. En cas de guerre (et ça risque d'arriver avec ce sale perse Darius qui attaque les cités grecques), chaque citoyen doit défendre sa cité. En politique, nous devons participer à l'Assemblée, où nous avons tous le droit de prendre la parole, de voter les lois et les décisions. En justice, nous devons participer au tribunal si nous avons été élus (comme moi). Enfin nous avons le devoir de participer aux fêtes religieuses. Il y a en effet certains humains méprisables qui préfèrent travailler plutôt que de prier pour leurs dieux.

Bien sûr, être athénien réclame énormément de qualités. Il faut être un grec pur sang. J'ai eu deux parents athéniens et mon père était citoyen (qu'Hadès les protège à présent). J'ai dû faire mon service militaire à dix-huit ans et à vingt ans je suis devenu citoyen à part entière. Après j'ai épousé Hélène, j'ai repris les terres de mon défunt père, j'ai eu mes deux fils …

Plongé dans mes réflexions, je n'ai pas remarqué que j'arrivais aux abords de la ville. Mais le bruit me ramène rapidement dans le monde réel. Zut ! Je n'aime pas ce bruit. J'ai toujours l'impression que c'est une saleté qui vient salir la pureté du silence. Mais je m'en accommode. Il ne faut pas laisser nos passions personnelles interférer avec nos actions.



L'Héliée était située à côté de l'Agora (la grande place où se réunissait l'Assemblée). Notre bâtiment était majestueux. Les puissante colonnes qui encadraient les escaliers imposants. Cette vision grandiose pouvait imposer le silence de par sa seule nature.
Et j'adorais cette idée que les accusés restent silencieux pendant qu'on décidait de leur sort. Malheureusement les autres juges étaient extrêmement bruyants. Je montais lentement les marches. Je ne sais pas pourquoi mais je sentais que les escaliers avaient un pouvoir divin. Après tout, les légendes racontaient qu'on pouvait atteindre l'Olympe en utilisant un escalier. Mais personne n'a trouvé ce fameux escalier à ma connaissance. Pouf ! C'est pénible de gravir ces marches avec cette chaleur. Mais c'est mon devoir. Je dois y aller. Aujourd'hui est un jour d'une immense importance. J'ai un jugement ce matin et cette après-midi l'Assemblée doit décider ce que nous ferons face à cette guerre qui menace de se déclencher. Et bien sûr la tension monte et tout le monde attend de voir le résultat de ce matin. Je ne connais pas l'affaire en détails mais il me semble qu'un grec a assassiné un marchand perse. Quelqu'un pourrait-il me renseigner ?
Mais qui vois-je ? Procuste ! Mon beau-frère (enfin ex-beau-frère).
Un grand gaillard qui mesure presque deux mètres de haut. Un athlète formidable même à son âge. Il a participé aux jeux olympiques pour la gloire d'Athènes, ça fait de lui un homme respectable. Mais apparemment il ne sait toujours pas se coiffer, ni se vêtir convenablement.

" _Bonjour citoyen Procuste !
_Bonjour citoyen Rune.
_Que fais -tu à l'Héliée ce matin ? Tu n'as pas été élu juge à ma connaissance.
_C'est juste. Je suis venu m'enquérir du déroulement des affaires. Vois-tu l'accusé, Périclos, est une de mes connaissances.
_Vraiment ? Dis-moi si tu le penses honnête.
_Pour sûr il est honnête ! Nous avons voyagé ensemble sur le Kraken pendant dix ans et il a toujours été un citoyen modèle.
_Sais-tu de quoi il est accusé ?
_Bien sûr ! Il a découvert que Sinbad le marchand perse était en fait un espion à la solde du roi Darius. Périclos a essayé de l'arrêter seul. C'est un héros.
_Un héros qui a tué un homme !
_Allons Rune ! Il a tué un ennemi. Ce n'est pas grave. Et qui ira pleurer la disparition d'un étranger ?
_Nous verrons ce que décidera le tribunal.
_Oui.Je suppose que tu vas le considérer coupable d'avance, mais les autres auront plus de jugement.
_Ne plaisante pas avec la justice.
_Je ne plaisante pas. Cette affaire est grave. La découverte d'un espion nous laisse penser que les perses vont attaquer. Il nous faut reformer une armée rapidement.
_Tu ne crois pas qu'Athéna nous protégera ?
_Ah ! Ah ! Ah ! Rune ! Tu crois encore aux chevaliers d'Athéna à ton âge ! Tu n'as pas honte ?
_Pourtant … on raconte qu'ils ont terrassé les géants.
_C'était il y a des dizaines d'années ! Les gens ont inventé des tas d'histoires depuis.
_Merci pour ton avis. Mais le procès de ton ami va commencer, je ne voudrais pas manquer le début.
_Très bien !Bonne journée ! "

Je me suis dépêché de troquer mes vêtements de voyage poussiéreux contre une toge blanche. Et je suis allé m'asseoir rapidement dans les gradins. Bien sûr, mon arrivée n'est pas passée inaperçue. Tout le monde me connaissait à l'Héliée. Des regards chargés de haine ou de respect me cernaient mais je n'en avait que faire. Pour moi la justice ne devait pas être une affaire de popularité. La justice est la justice. C'est pas compliqué. Ces imbéciles me détestent parce qu'ils me pensent responsable des peines que j'ai infligé à leurs proches. Quels idiots ! Ils devraient savoir que ces imbéciles stupides se sont eux-mêmes trahi le jour où ils ont commis leurs méfaits. Et je trouve encore plus méprisable l'attitude de nos prétendus juges qui ne pensent qu'à leurs propres intérêts. Ils ne sont pas venus là pour rendre la justice mais pour s'arranger.
Je suis profondément choqué par cette attitude mais il faut faire avec. Tout le monde est un jour puni pour ses crimes, ils devraient savoir que personne n'échappe à la mort.

Nous avons attendu un moment, que tous les juges soient assis pour faire entrer l'accusé. Il était propre. Ca signifie qu'il n'a pas encore séjourné dans nos geôles. Donc un des juges s'occupe de lui. Et si un juge est prêt à le protéger c'est qu'il est déjà convaincu de son innocence. Je regardais un peu plus attentivement l'accusé. Des cheveux noirs (très sales) encadraient une face carrée où des dents manquaient. Il avait le nez cassé. Et son importante musculature confirmait les dires de Procuste. C'est bien un marin. C'est un pauvre de toute évidence à en juger par ces vêtement grossiers.
J'en déduis qu'il doit vénérer Hermès ou Poséidon, de part son métier. Il ne craint donc pas de voler ou de tuer. C'est un grec, sa haine pour les étrangers est admise. Ca fait déjà un bon suspect.

Des gardes le surveillaient étroitement.
Faut-il en déduire que certains juges sont intimement convaincus de sa culpabilité ou bien, est-ce une mise en scène ?

Le juge qui allait essayer de le défendre descendit à sa rencontre.
Gigant ! Une fripouille infâme !
Cet individu aurait vendu ses dieux s'il l'avait pu.

Je détestais cet individu !
Il était malhonnête !
Son grand âge (il aura bientôt cinquante ans) l'a bien affligé. Il ploie constamment sous son propre poids et seule une canne lui permet de tenir debout. Ses longs cheveux noirs encadrent son visage grimaçant. Il a perdu beaucoup de dents et son œil droit (remplacé par un œil de verre). Mais sa laideur physique n'est rien en comparaison de sa laideur intérieure.

Personne ne s'offusqua quand il commença son discours.
Je compris immédiatement que cet homme, Périclos, avait déjà été jugé.

" _Honorables citoyens d'Athènes. Nous sommes réunis aujourd'hui pour juger cet homme. Cet homme, que dis-je ? Ce héros ! Qui n'écoutant que son courage n'a pas hésité à affronter un espion perse pour mettre fin à ses plans diaboliques.

Un murmure d'approbation parcourut la foule.

_Je crois que tout le monde sera d'accord avec moi pour dire que cet homme n'a rien commis de répréhensible et que nous devons libérer ce héros immédiatement.

La foule se leva et applaudit.
Ils se mirent à scander " LIBEREZ-LE ! "
Gigant attendit que le bruit se calme pour continuer.

_Mais comme nous sommes à Athènes nous allons voter pour savoir si cet homme est innocent.

Eh gros malin ! Tu crois peut-être que je vais laisser ce criminel s'échapper.

_Arrête ! Si nous sommes une démocratie nous devons laisser tout le monde s'exprimer !

Ma voix imposa immédiatement le silence. Tout le monde se tourna vers moi. Je les sentais tous tendus. Mes adversaires espéraient que je n'interviendrais pas mais les partisans de la justice s'impatientaient. Tous savent que je suis toujours le seul à me battre pour la vérité. Quand il le faut je n'hésite pas à m'opposer à tous pour faire triompher la justice.

_Oui ? Citoyen Rune. Désires-tu nous faire partager ton opinion ?
_Certainement citoyen Gigant. Cet homme n'est pas un héros !

La foule commença à me huer. Je continuais mon discours en n'y prêtant pas attention. Mais je me rendis compte que personne ne m'entendait à cause de tout ce chahut.
Je descendis les gradins en direction de la place qui occupait le centre de la pièce.
Ils ont intérêt à se taire ou je vais les massacrer. Je n'aime pas le bruit mais je supporte encore moins les insultes.

J'attendis un moment que le silence régna à nouveau.

_Ecoutez-moi ! Cet individu a tué un homme. C'est un crime grave.

Immédiatement, tout le monde se calma. Ils savaient tous qu'il ne faut pas m'interrompre pendant un discours. Je peux réduire au silence une personne d'un seul regard, d'une seule parole. Et quand ça ne suffit pas je n'hésite pas à frapper.

_Rune ! Cet argument est irrecevable.

Je me retournais vers mon adversaire pour lui faire face.

_Qu'est-ce que tu dis Gigant ?
_J'ai dit que ton argument est irrecevable. Il n'a pas tué un homme, il a tué un ennemi.
_Oh vraiment ? Et qu'est-ce qui nous prouve que Sinbad était bien un espion ?
Periclos ! Avais -tu des preuves ?

Apparemment ce criminel avait dû recevoir les conseils de mes confrères. Il répondit sans hésitation.

_J'ai trouvé une lettre en perse qui décrivait toutes nos installations défensives, dans son échoppe.
_Intéressant. Et que faisais-tu dans son échoppe ?

Je le foudroyais du regard. Je sentais qu'il commençait déjà à paniquer mais il tenait bon. Pas d'inquiétude à avoir, j'arrive toujours à les faire craquer.
Tout coupable sait qu'il est en tort. Cette idée le ronge et le torture. Et finalement elle peut le détruire. C'est pour ça qu'ils ont besoin d'avouer.

_ J'étais venu pour fouiller ses papiers …
_Tu étais venu voler oui !

Gigant sentit que l'autre allait abandonner mais il ne voulait pas que la justice triomphe.

_Rune ! Tu inventes n'importe quoi ! Periclos soupçonnait Sinbad depuis un moment. Il avait déjà des soupçons, il a voulu les confirmer.
_Vraiment ? Et puis-je voir cette fameuse lettre ?
_Non ! Sinbad l'a détruite quand il a su que nous l'avions trouvé.
_Comme c'est pratique ! Et dis-moi Periclos, parles-tu le perse ?
_Oui.
_Et sais-tu l'écrire ?
_Oui.
_Donc tu lis parfaitement bien le perse ?
_Ou… (Gigant lui donna un coup de coude imperceptible et lui fit signe avec les yeux). Non !
_Ah bon ? (Zut ! Il a évité mon piège) Alors comment as-tu fait pour lire cette lettre ?
_Il me l'a apporté.
_Gigant ! Tu savais que cet homme allait voler un marchand et même quand tu as eu des preuves de son crime tu ne l'as pas dénoncé. Ca m'étonne (pas du tout) de toi.
_Mais non ! Nous avions tous des soupçons. Et en tant que citoyen je devais l'aider.
_Tu as donc traduit la lettre ?
_Oui.
_Je sais que tu connais parfaitement toutes les langues étrangères alors je ne mettrai pas ta parole en doute. Mais je me demande comment Periclos a fait pour tomber sur la seule lettre qui était destinée aux troupes perses.
_Un coup de chance ! C'était la seule qu'il avait dissimulé !
_ Tu l'as donc espionné ?
_Oui. Ce perse me semblait malhonnête. Les étrangers cherchent toujours à nous nuire.
_Très bien. Donc vous avez agi dans l'intérêt de la cité. Mais je m'interroge. Qu'est-il advenu des possessions de Sinbad ?
_Heu …
_Oui Periclos … je t'écoute.

Gigant intervint.

_Elles ont été confisquées.
_Oh vraiment ? Peux-tu m'expliquer cela en détails.
_Elles ont été confisquées. C'est simple.
_Je suis un peu bête citoyen, alors explique-moi clairement ce que vous avez fait.

Il resta silencieux un moment. Cet être fourbe espérait sans doute s'en tirer avec un mensonge mais il se doutait déjà que j'éventerai le stratagème.

_Nous avons récupéré ses affaires.
_Qui est ce nous ?
_Moi, Periclos et quelques marchands athéniens.
_ Et tu n'as pas pensé à demander son avis à l'Héliée. Où te crois-tu ? A Sparte ? Ici, il y a des lois ! Les lois sont faîtes pour être suivies.

J'élevai le ton.

Citoyens !
Cet homme Periclos est coupable ! C'est indéniable !
Il a assassiné de sang-froid le marchand perse Sinbad. Pour maquiller son forfait, il a inventé cette histoire absurde de lettre avec l'aide certaine de complices. Et finalement il a volé les possessions de sa victime.
Pouvons-nous tolérer cela ?
Accepterons-nous que de tels crimes restent impunis ?
NON !
Cet homme est coupable.

_Suffit ! coupa Gigant.
Rune ! Tu divagues !
Ce perse était un ennemi.
Il fallait le tuer.
_Arrête citoyen ! Si Periclos avait vu juste, il aurait prévenu les soldats. Au lieu de cela il a assassiné un brave homme et l'a dépouillé.
Peut-on accepter cela ?

Evidemment si je présentais les faits de cette manière, tout le monde allait suivre mon opinion.
Le malandrin qui me faisait face inventa une nouvelle ruse. Il chercherait à déformer la vérité pour que cette histoire innocente le criminel.

_Allons …tu as raison, ce sont des crimes graves. Mais n'oublions pas que c'était un perse.
_Et alors ? C'était un marchand. On n'a pas le droit de tuer des personnes qui ne sont pas impliquées dans une guerre.
_Et puis ce n'était qu'un métèque !

Un argument terrible mais on verra s'il l'emporte avec ça.

_Et alors ?

Une de mes phrases terribles.

_Tu sais bien que les humains, si on peut les appeler ainsi, qui ne sont pas des citoyens d'Athènes sont considérés comme des sous-hommes.
_Certainement ! Mais même les citoyens n'ont pas le droit de prendre la vie d'un sous-homme. Seuls les dieux ont ce droit.
_Foutaises ! Nous sommes les élus des dieux ! Nous avons le droit de vie et de mort sur les êtres inférieurs.
_ Tes propos sont absurdes. Les citoyens ne doivent pas posséder ce droit. Seuls les dieux ont ce droit. Et ensuite, je suppose que personne dans cette salle n'aimerait savoir que sa femme ou que son fils a été assassiné et que le meurtrier a été gracié.
_ Rune. Nous savons à quel point la perte de ta femme t'a blessé mais ça n'a aucun rapport.

Oh le, !/*-*-# !!!! Oser me ressortit ça en plein procès. Tu me paieras ça !
Mais pour le moment je vais te retourner l'argument.

_Si justement ! Il y a un rapport !
Nous devons punir tous les crimes commis sur les êtres qui ne sont pas citoyens où nous encouragerons le crime.
_ Oh ! Tu crois vraiment que la vie d'une vermine vaut plus que l'honneur d'un citoyen.

Attends ! Il a traité ma femme de vermine ou je divague.

_ Gigant ! Tu devrais savoir que l'honneur, c'est de respecter la vermine. Réponds-moi. Souhaiterais-tu voir mourir ton fils pour préserver ton honneur ?
_Cela n'a rien à voir ! Mais oui ! Je préfèrerais voir mourir mon fils pour préserver mon honneur.
_ Tu places ton honneur au-dessus ?
_ Bien sûr ! Je ne suis pas un imbécile comme toi.
Tu n'as jamais eu d'honneur. Tu as préféré t'occuper de ta famille et de tes êtres inférieurs plutôt que de t'occuper de la cité.
_ Retire ce que tu viens de dire tout de suite. Je me suis occupé de ma famille et j'ai servi la cité. J'ai fait mon service dans l'armée, je viens souvent à l'Agora suivre les discussions et je suis régulièrement à l'Héliée pour rendre la justice.

La foule suivait avec attention le débat.

_ Ca c'est ton point de vue. Mais beaucoup pense que tu n'en as pas fait assez.
Tu as préféré t'occuper de ta femme mourante plutôt que de participer à nos missions de reconnaissance.
_ Comment ! Tu oses me reprocher ça ! Mais qui serait assez monstrueux pour laisser une mourante seule.
_ Bof ! Elle ne méritait pas ton attention cette …

PAF !

Je n'avais pas vu mon point partir mais je l'ai clairement vu s'écraser sur le visage de Gigant. Il n'a pas compris ce qui lui arrivait. Cet imbécile n'aurait jamais imaginé que j'irai jusqu'à le frapper mais là il avait dépassé les bornes.
Il s'écroula par terre.
Oups ! J'y étais allé un peu fort, mais qu'importe ! Il l'a bien mérité.

_Gigant ! Tu es allé trop loin ! Et de plus tu cherches à détourner le sujet de notre débat.
Nous ne sommes pas ici pour me juger. S'il le faut nous le ferons plus tard. Mais pour l'instant nous devons régler le sort de cet assassin.

Je pointai un doigt accusateur vers Periclos pour être sûr que tout le monde le regarde.

_Honorables citoyens ! criai-je rageusement.
Ce Periclos est coupable, vous en êtes tous convaincus.
Et de plus le citoyen Gigant est son complice.
Il a cherché à nous abuser avec cette fausse lettre. Et maintenant qu'il n'a plus d'excuses, il cherche à m'attaquer personnellement, ce qui prouve son implication.
Votez coupable !

_Arrêtez !

Gigant se releva avec l'aide d'un garde.
_Rune ! Tu es stupide !

Il signait du nez et un énorme bleu envahissait son visage.
Je ne pensais pas l'avoir amoché à ce point.

_Excuse-moi citoyen mais tu as dépassé les limites.
_ Imbécile ! Tu n'es pas digne d'être un athénien. Tu places la vie des sous-hommes au-dessus de l'honneur. Tu défends les femmes, les métèques et les esclaves ! C'est une honte ! Si Athéna te voyait ! Tu fais honte à notre cité !

Sentant qu'il en disait trop, il recula pour que les gardes puissent le protéger.
Si j'avais voulu, j'aurais pu les exterminer. Quand je suis en colère je possède une force sans limites.

_ Athéna est l'amie de Dikè, la déesse de la justice. Tu devrais savoir où est ton camp Gigant.
Vous tous ! Vous devez le savoir !

_Non !
_ Quoi ? Tout le monde sait que cet homme est coupable. La seule chose qui vous gêne est qu'il a tué un étranger. Mais rappelez-vous qu'il reste un criminel. Cela devrait suffire à le faire condamner. En tous cas ma décision est prise !

Je pris les deux jetons et me dirigeais vers l'urne.

Nous avons un système très ingénieux à l'Héliée.
Chaque juge reçoit deux jetons différents. Ce sont deux petits disques avec une tige au centre. Pour la moitié d'entre eux la tige est pleine, pour l'autre la tige est vide. Ainsi quand nous votons personne ne peut voir ce que nous avons décidé.
Mais je vote toujours avec le même jeton, toujours avec la tige creuse, toujours coupable.

Je levais bien haut la main pour montrer mon jeton puis je le déposai dans l'urne.
Puis je me tournai vers l'Assemblée, qui observait silencieusement mes gestes.

_A vous de décider maintenant. "

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