Chapitre 9 : Altéa d'Oligol.


Shiryu avait du mal à comprendre pourquoi il n’arrivait pas à ressentir la présence qui venait de se manifester, a fortiori avec la puissance qui résonnait dans toute sa nouvelle Armure. Il voyait bien sa silhouette, nappée d’ombre et de mystère, mais ne parvenait pas à croire que quelqu’un était bel et bien là, sous ses yeux. Aucun son. Aucun cosmos. Le Dragon n’apprécia pas du tout l’idée d’avoir à combattre un ennemi qui ne laissait aucune trace dans le cosmos. Tout comme Saori, Hypnos ne bougeait pas d’un pouce. Il arborait ce visage qui voulait dire qu’il se détachait complètement de ce qui allait arriver, comme si ce n’était pas le moins du monde son problème. Shun regardait ses chaînes sans pour autant brûler son cosmos et Shiryu nota qu’elles ne réagissaient pas du tout, comprenant alors la frustration de son jeune ami. Il osa à peine regarder Hyoga, s’attendant à ce qu’il soit déjà en train d’exécuter la Danse du Cygne. Pourtant, il était bien calme, au moins autant que Shiryu, dans son Armure resplendissante. Le Dragon prit la parole en faisant un pas en avant et en fronçant les sourcils afin de mieux discerner la silhouette.

• Qui es-tu ? demanda-t-il.

La silhouette se déplia lentement, avec une élégance que seule une femme Chevalier pouvait démontrer. Elle descendit les quelques marches qui la séparaient du sol avec calme et précaution, comme s’il ne fallait pas déranger l’endroit. Puis, elle avança lentement vers la lumière. Tout le monde se rapprocha instinctivement de quelques pas mesurés, sauf Hypnos qui restait en arrière. La femme Chevalier, si tel était bien son titre, faisait presque une tête de plus que Marine ou Shina. Elle apparut clairement dans la lumière multicolore diffusée par l’incroyable verrière. Shiryu faillit en perdre le sens de la parole. La femme Chevalier était la plus jolie chose qu’il avait été donné au Dragon de contempler.

• Je m’appelle Altéa d’Oligol, Chevalier Céleste de la Sphère Lunaire. Toi, tu es le Dragon, Shiryu.

Shiryu fit tout pour ne pas paraître étonné.

• Comment connais-tu son nom, Altéa ? demanda Hyoga sans une once d’agressivité, lui aussi sous le charme.
• Je vous connais tous, Hyoga. Tu as formidablement combattu devant le Pilier de l’Océan Arctique. Je suis heureuse de constater que ta blessure au cou ne s’est pas rouverte en Hadès.

Hyoga resta médusé.

Altéa avait les cheveux d’un bleu froid comme les terres d’Asgard, à peu près comme Aphrodite, qui couraient d’un catogan de coton jusqu’à ses genoux. Ses yeux verts parfaitement maquillés de rouge semblaient vous figer pour l’éternité dans un cercueil de glace. Son Armure étincelait du bleu violacé d’une nuit de pleine lune, et certaines parties et jointures grises comme de l’anthracite, rappelaient elles la brillance particulière du charbon humide. Ne portant pas de protection haute au niveau des bras, l’Armure d’Altéa révélait une couleur de peau plus hâlée que celle de son visage. Les courbes de ses jambières s’arrêtant à mi-cuisses frisaient la perfection, tout comme la partie très échancrée du bassin. Son casque était quant à lui du plus simple appareil, de la même couleur gris-charbon que ses épaulières surdimensionnées. La cape bleue qui descendait jusqu’au sol rappelait celle d’Aiolia dans ses mouvements et s’accordait parfaitement avec la couleur plus pastel de ses cheveux lisses. Ce tableau aurait été un summum de perfection et d’enchantement, s’il n’avait pas existé un dur rappel à la réalité sur le casque et les épaulières de la Guerrière. Effectivement, à ces endroits stratégiques pour tout adversaire de mêlée, trônaient d’inquiétantes lames couleur acier. Elle fit un pas en avant.

• Andromède… Tous ceux qui ont pris ta gentillesse pour une faiblesse n’étaient que des fous. Je te remercie de ta joie de vivre, même si ton air mélancolique m’attriste parfois, reprit le Chevalier de la Sphère Lunaire.

Altéa dit ces mots avec un sourire et un regard de respect et de compassion, qui toucha énormément Shun, le laissant entre la mélancolie et la joie de vivre à l’instant évoquées… « Incroyable… », pensa-t-il.

• Athéna… Votre présence ici m’honore au plus haut point. La bonté de l’avatar que vous avez choisi dans cette vie a toujours su faire la différence. La jeune Princesse a démontré plus de courage qu’à son tour, et continue visiblement de le faire.

Saori n’avait pas les mots pour demander à Altéa si une personne si clairvoyante était une ennemie ou une alliée.

• Hypnos… Je m’attendais à ta venue, depuis plus d’un millier d’années. Bienvenue à toi, dieu du Sommeil. Veille à ne pas t’écarter du chemin que tu as choisi. Tu pourrais perdre la première chose qui ait jamais eu un sens dans ta vie de dieu.

Hypnos s’était attendu à tout sauf à ça. Elle l’attendait ? Comment était-ce possible ? Si elle était aussi ancienne que lui, peut-être l’avait-elle observé depuis le début. Était-ce là le pouvoir des Gardiens de Sphères ? Comment Hypnos pouvait-il ne pas être offensé par les remarques condescendantes de la Guerrière ?

• Quant à toi Dragon… Que la Lune me garde de te cacher la vérité. Tu es celui qui me fascine le plus...

Shiryu fut autant touché qu’inquiété par le compliment du Chevalier.

• Tu es si… bon. Et pourtant si triste… Tu ressembles plus à Andromède que tu ne le penses. Ton esprit de sacrifice t’honore et ta fidélité à Seiya encore plus. Avec un camarade comme toi à ses côtés, tout Chevalier pourrait devenir un dieu… C’est toi que je veux combattre. Tous les autres peuvent passer.

Shiryu n’en croyait pas ses oreilles et les autres non plus. Elle était bel et bien une ennemie et avait choisi le Dragon pour adversaire. Mais pourquoi ? Parce que Shiryu la fascinait ? Était-ce un piège ? La gentillesse apparente d’Altéa rappela trop à Hyoga sa rencontre avec Kassa des Lyumniades, et Shun regardait toujours fixement sa chaîne. Shiryu dut prendre une décision et la prit vite. Hyoga ne devait pas se battre pour le moment car il était trop instable pour une raison ignorée, Shun était trop désavantagé sans ses chaînes, Saori ne savait pas se battre et devait être protégée, et Hypnos n’avait que faire de la situation.

• J’accepte ton défi, Chevalier. Mais avant, je souhaite te poser quelques questions, essaya le Dragon.
• Je t’écoute avec attention, Chevalier divin du Dragon.

Chevalier divin du Dragon… Shiryu n’avait jamais entendu ce titre prononcé, mais fut obligé d’admettre intérieurement que le chemin qu’il avait parcouru pour en arriver jusqu’à ce niveau était énorme.

• Où sommes-nous exactement ?
• Vous vous trouvez tous dans la Sphère Céleste de la Lune, mon Domaine. Je garde cette Sphère des assauts extérieurs et la protège des envahisseurs.

Des envahisseurs ? Shiryu n’avait jamais pensé à la chose sous cette forme. Même si leur cause était juste, les Chevaliers de Bronze avaient en effet été des envahisseurs au Sanctuaire, à Asgard, chez Poséidon et en Hadès. Altéa ne leur avait rien fait, ni aucun des Gardiens des autres Sphères. Seiya était mort, reposait où il devait être selon la nature des choses, et pour la première fois, le Dragon se sentit réellement un envahisseur…

• Est-ce que… commença Shiryu. Est-ce que nos nouvelles Armures son nées du sang mélangé dans la Fontaine des Libations ?
• Oui... Le sang mélangé d'Athéna et d'Hypnos vous aura certainement donné des Armures encore plus puissantes, mais elles auraient évolué de toutes façons. Une Armure normale, même divine, ne peut vous être d'une grande utilité dans le Réseau Céleste. La Fontaine vous a conféré le pouvoir de voyager entre les Sphères. C'est pourquoi vos Armures divines sont réellement devenues des Armures Célestes, tout comme la mienne.
• Des Armures Célestes ? Ce lieu est incroyable... pensa Shiryu à haute voix.
• Dois-je vous rappeler que vous êtes pressés ? L’interrompit Altéa avec la plus grande correction possible, en levant une main et en fermant ses yeux verts, laissant apparaître tout le dangereux éclat de ses paupières rouges.

Elle avait raison, et Hypnos le savait. Il décida de prendre l’initiative pour que ses pantins de compagnons d’arme se remettent à bouger d’eux-mêmes, tellement surpris qu'ils étaient par leurs nouveaux jouets. Il commença à courir en direction d’Altéa et passa à sa hauteur. Elle le laissa passer, les yeux toujours fermés. Il sentit presque à son contact une once de cosmos. Elle était elle aussi d’essence divine, ou pire encore. Cela ne faisait aucun doute. Il hésita presque à s’arrêter, se disant qu’il serait le seul à pouvoir la battre. Mais il se ravisa aussitôt. Il avait mieux à faire que de protéger des gamins certains de leur niveau.

• Pffft… fit Hypnos à voix basse dans sa course d’élan.

Il sauta de palier en palier et disparut dans l’ombre du fond de la coupole. Hyoga commença à partir lui aussi. Shun lui prit la main.

• Hyoga ! Nous ne pouvons laisser Shiryu combattre seul. Peut-être que si nous restions…
• Shun… l’interrompit le Cygne. Si je laisse Shiryu seul avec Altéa ou qui qu’elle soit, c’est parce qu’il le souhaite.

Andromède regarda le Dragon. Il marchait lentement afin de se retrouver en face de la Guerrière, qui se tenait elle légèrement tournée vers la droite, en direction de Saori. Son ami avait effectivement l’air décidé, à la fois subjugué et pas du tout rassuré par l’aura d’Altéa, à défaut de cosmos. Shun regarda Saori qui s’approchait de Shiryu. Elle arriva à sa hauteur et posa sa main sur les griffes du Dragon.

• Shiryu… Je n’essaierai même pas de te dissuader de l’affronter seul. Je sais que je n’en aurais le pouvoir qu’en te l’ordonnant et je ne souhaite pas le faire. Sois juste prudent… Elle semble tout connaître de nous.
• Oui, Princesse, répondit Shiryu en inclinant légèrement la tête.

Saori rejoignit Hyoga et Shun, puis ils partirent vers le fond de la superbe salle. Shiryu s’occuperait du type d’issue qu’il aurait à prendre lorsqu’il aurait battu Altéa. Si elle voulait réellement se battre.

• Je suis heureuse que tu sois resté, Dragon. J’attends depuis plusieurs semaines de revoir Les 100 Dragons de Rozan

Si le Chevalier du Dragon avait pu tenter quelques mots de surprise, il l’aurait fait. Il n’en eut pas le temps, ni la faculté. Il n’avait rien vu. Altéa était là, immobile, à lui sourire. Il ressentit pourtant un impact d’une violence inouïe lui traverser le thorax et le projeter en arrière, comme s’il avait pris l’Éclair Foudroyant d’Aiolia de plein fouet. Il n’eut même pas le temps de hurler sur l’impact, qu’il était déjà quinze mètres plus loin, des traînées laissées par ses bottes dans le sol lacérant la pièce sur vingt centimètres de profondeur. Il n’avait pas levé son bouclier. Il n’avait pas croisé ses avant-bras en position de défense pour absorber la pression du choc. Il n’avait rien fait, vu, ou entendu. L’énergie cinétique le projeta contre un pilier qui explosa littéralement sous l’impact.

Quand il releva la tête, la première chose qu’il vit fut le sang qui s’écoulait de sa lèvre sur le marbre rose. La seconde fut la traînée labourée dans le sol par ses bottes sur vingt-cinq mètres au moins. La troisième fut une vision de cauchemar. Altéa était toujours immobile, à la même place, mais baignée dans un cosmos rouge comme le sang. Derrière elle, baignait dans une lueur fantomatique la constellation du Lion…

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