Chapitre 10 : Maîtres Et Disciples


• Ta nouvelle Armure céleste est incroyablement résistante, Shiryu, déclara Altéa, apparemment embêtée. Je vais être obligée de faire beaucoup mieux que ça.

Beaucoup mieux ? Shiryu n’avait pas du tout envie d’assister à ça. Son Armure fraîchement renforcée par son passage dans la Fontaine avait fière allure, mais Shiryu le savait mieux que quiconque : l'Armure ne faisait pas le Chevalier. Pourtant, elle n’avait pas une égratignure et seul son corps semblait avoir reçu l’attaque d’Altéa d’Oligol. Il se releva sans trop de difficultés. Shiryu fixait la Guerrière alors qu’elle marchait vers lui, l’image du Lion dans son dos et un rugissement céleste parcourant la pièce. La constellation du Lion disparut enfin et le Chevalier du Dragon pensa avoir rêvé.

• Je perds la tête, murmura-t-il.

Quand il vit la constellation de Thor de Gamma apparaître dans le dos d’Altéa alors qu’elle s’immobilisait à une dizaine de mètres de lui, Shiryu faillit perdre l’équilibre.

• Mais c’est impossible ! lâcha-t-il avec une belle assurance.

Le Chevalier Céleste de la Sphère Lunaire commença sa course d’élan, une course rapide et puissante comme Thor était capable de la faire. Son poing gauche s’abaissa jusqu’à sa ceinture et devint instantanément baigné d’une incandescence rouge-vif. Des éclairs de la même couleur vinrent tourner en spirale autour de son avant-bras. Altéa hurla durant sa charge et le poing et le corps ne firent plus qu’un. Shiryu pensa à esquiver la comète, mais ne voulut pas risquer un impact à la jambe en sautant par dessus son adversaire. Ce n’était pas le moment d’être handicapé pour le reste de l’aventure. Il croisa les bras, se protégeant derrière son bouclier, n’ayant même pas eu le temps de brûler un cosmos. Le choc fut rude, mais contenu. Shiryu recula de dix bons mètres sous l’impact et ne perdit l’équilibre que vers la fin. Il ne tomba que de quelques marches, l’avant-bras endolori, et se releva immédiatement, sentant la colère le gagner. Qui était-elle pour connaître Le Poing du Titan et le l’Éclair Foudroyant ?

• Ça n’a pas de sens ! Comment peux-tu connaître les attaques d’Aiolia du Lion et de Thor de Gamma ? interrogea Shiryu.
• La question n’est pas celle-ci, Dragon. La question est : comment toi, as-tu réussi à apprendre Les 100 Dragons de Rozan en ne voyant l’attaque qu’une fois et sans t’être jamais entraîné à la reproduire…

Shiryu en resta bouche bée. Il n’avait même pas fait attention. Les 100 Dragons étaient presque sortis d’eux-mêmes alors qu’il était en train de se consumer dans son propre cosmos. C’était juste avant de sortir cette attaque qu’il l’avait comprise et non pas quand il avait vu Doko de la Balance la pratiquer. Sur le moment, il n’avait rien vu du tout. Mais avant d’envoyer Queen de la Mandragore rejoindre ses amis, il avait compris. Juste à ce moment là.

• Serait-il possible que tu aies la faculté, comme je l’ai fait avec l’attaque de mon Maître, d’apprendre toutes les techniques que tu vois ? demanda Shiryu sans y croire.
• De les mimer, Chevalier… répondit une Altéa tournée sur le côté, les mains jointes dans son dos, le regard perdu vers les détails de son dôme.
• Mais alors, si tu nous observes depuis le début… Si tu es aussi ancienne qu’Hypnos… commença le Dragon.
• Plus ancienne encore… Bien plus, Shiryu, corrigea la Guerrière.
• Si c’est vrai, tu dois connaître un nombre d’attaques impensable… Des Chevaliers d’Or aux Guerriers Divins, en passant par les Marinas… C’est impossible ! Il est déjà rare qu’un Chevalier d’Or possède plus de trois attaques différentes. Comment pourrais-tu en avoir appris des dizaines ?
• Encore une fois, la question n’est pas celle-ci. La question est : comment toi, as-tu réussi à apprendre l’attaque de ton Maître en ne la voyant qu’une fois, et sans la comprendre ni la pratiquer ?

Shiryu restait perplexe. La question avait du sens et Altéa le savait. Shiryu n’en savait rien. Il avait réussi, un point c’est tout.

• J’espère que vous êtes conscients du niveau que vous avez atteint, toi et tes compagnons, reprit Altéa. Défier des dieux et leur survivre… Mais vous ne savez pas encore tout.

Le Dragon se mit en position d’attaque. Un cosmos brûlant apparut autour de lui.

• Qu’est-ce que c’est que ce cosmos, Chevalier ? N’es-tu pas encore capable d’atteindre le septième sens à chaque fois ?

La question frappa Shiryu en plein cœur. Il avait réussi à accomplir des miracles dans des cas extrêmes, lorsqu’il était poussé dans ses derniers retranchements. Mais il savait qu’il ne trouvait l’appui du septième sens que dans des conditions de stress bien particulières. Quand tout espoir semblait perdu. Quand il était dépassé par le niveau ou par le nombre. Quand il n’avait plus rien à perdre. Ni sa vie, ni rien d’autre. Son cosmos disparut comme il avait brûlé.

• C’est là que se situe la différence entre un Chevalier de ton niveau et un Chevalier d’Or comme Saga des Gémeaux. Lorsque Saga frappait, le septième sens était avec lui à chaque attaque. Souviens-toi de votre déconfiture essuyée contre Siegfried de Dubhe. Les assauts répétés de cinq Chevaliers de Bronze, d’un Chevalier d’Argent et même d’un Marina n’ont pas suffi à affaiblir sa volonté ou à transpercer son cosmos.

C’était pourtant vrai. Siegfried avait essuyé plusieurs attaques au septième sens sans même vaciller ou essayer de les parer. Son cosmos était puissant à ce point.

• Si tu ne m’attaques pas avec le septième sens à chaque coup tenté, aucun ne m’atteindra jamais. Tu dois être à ton niveau maximal constamment, même si ton corps doit se consumer dans ton cosmos. Un coup de chance ne te sauvera pas contre moi. Et j’ai une autre question pour toi, Chevalier. Crois-tu pouvoir ressortir Les 100 Dragons à volonté ? Sans être dans une situation critique, entre la vie et la mort ?
• Je ne sais pas, avoua Shiryu.
• Vous faites de plus en plus appel au septième sens. Il va finir par devenir votre niveau normal de combat, mais tu n’en es pas encore là selon toute vraisemblance.
• Peut-être bien, avoua encore le Dragon. Mais je n’ai pas besoin d’en être là pour te vaincre. Ma cause est juste et je saurai trouver la force quand il faudra pour te vaincre, Altéa.
• Bien sûr que non… essaya-t-elle de le convaincre.

Shiryu ne savait plus sur quel pied danser. Il avait essuyé deux attaques d’une force terrifiante, mais sentait bien au fond de lui que si Altéa avait voulu lui faire réellement mal, il ne se tiendrait peut-être pas debout en ce moment. Elle lui parlait comme son Maître savait le faire et comme lui seul en avait le droit. Pourtant, Shiryu n’en était pas offensé. Bien au contraire. Il était en face d’un adversaire fabuleux qui possédait une connaissance sans fond et un pouvoir dont il n’avait jamais soupçonné l’existence. Il devait en savoir plus.

• En quoi ta cause est-elle juste, Chevalier ? demanda la Guerrière. Seiya a gagné sa place au Paradis plus que quiconque. Il a le droit de reposer en paix. C’est dans l’ordre naturel des choses. Ta Princesse n’est pas captive et aucune menace ne plane sur le Monde que tu défends avec talent. Tu t’introduis ici, guidé par Hypnos dont la réputation n’est plus à faire, afin de venir sortir ton ami du repos des braves. Tu t’élèves contre la volonté des dieux pour une raison qui n’en est même pas une. Crois-tu que le Chevalier Pégase souhaite être réveillé en ce moment ?

La réflexion d’Altéa était hypnotique. Chaque phrase faisait plus mal que la précédente et chaque question lui transperçait le cœur. Avait-il le droit de faire ce qu’il faisait, juste parce qu’Hypnos le lui avait dit ? Était-il juste d’arracher Seiya au sommeil du Paradis afin d’éviter une prochaine guerre dans deux cent années ? Rien n’était moins sûr. Mais Shiryu avait compris une chose et il n’en démordrait pas.

• Altéa… Tes questions sont pleines de sens et me font douter de tout sauf d’une chose…
• Ah… Et de quoi s’agit-il, Chevalier ? répondit Altéa au Dragon.
• Peut-être que je n’ai pas le droit d’être ici. Peut être qu’Hypnos suit un plan personnel et qu’il nous a menti. Peut-être Seiya ne doit-il pas être réveillé. Mais je ne trouverai pas ces réponses ici, dans cette pièce. Je dois aller jusqu’à la Sphère de Cristal et je déciderai là-bas. Je n’apprendrai rien en faisant demi-tour. Je dois aller jusqu’au bout, pour comprendre et pour voir si… Si ma cause est juste.

Altéa se mit face à Shiryu. Les ailes du Dragon dépliées dans son dos, le Chevalier de Bronze avait fière allure. Il était sage. C’est pour cette raison qu’elle l’avait choisi… Entre autres. Il avait compris qu’il ne pourrait savoir si pour la première fois de sa vie, sa cause était injuste, qu’en allant au bout du chemin. Peut-être qu’il perdrait tout, qu’il essuierait mille morts et arriverait à la Sphère de Cristal avec une Armure en miettes, le corps criblé de coups et de blessures. Peut-être que ses amis seraient tous morts pour qu’il arrive jusque là. Mais s’il comprenait alors que lui et ses amis n’auraient jamais dû venir, il repartirait en arrière. Elle le savait. Elle le sentait. Il avait vraiment fière allure.

• Je vois que tu commences à comprendre et je salue ton courage. Tu te bats pour la première fois sans savoir si ta cause est juste et je sais par expérience que c’est chose difficile. Tu mérites de passer ma Sphère… Mais tu n’es pas prêt.
• Je… commença Shiryu. Je le pense aussi. Voulez-vous… m’enseigner ce que vous savez ?

Altéa fut surprise pour la première fois de sa vie, ou elle en eut l’impression. Jamais elle ne se serait attendue à ça. Il était déterminé, courageux, puissant, mais humble à la fois. « Pas étonnant qu’il soit arrivé jusqu’ici… », se dit la Guerrière. Elle n’avait jamais eu l’intention de le tuer, mais l’arrêter avait fait partie de ses plans. Elle savait que rien ne pourrait l’empêcher d’aller jusqu’à son ami à part la mort. Elle le respectait. Doko de la Balance n’avait pas démontré la sagesse qu’on lui prêtait souvent lorsqu’il avait foulé le sol de sa Sphère. Plus jeune pourtant, Shiryu démontrait plus de sagesse et d’humilité que son Maître il y a deux cent ans.

• Ton humilité honore ton Maître, Chevalier. Je dois bien avouer que je suis surprise par tant de sagesse. Très bien. Le temps nous est compté, mais je vais t’apprendre ce que je sais. Ou à tout le moins essayer de te donner la base. Le reste dépendra de toi.
• Je suis prêt, déclara Shiryu avec un signe respectueux de la tête.

Vraiment, ses semaines de méditation aux Cinq Pics de Rozan l’avaient transformé. Il ne le savait pas encore, mais il avait changé. L’impétuosité créée par sa relation d’amitié avec le Chevalier Pégase avait disparu et l’héritier du Dragon était enfin en train de naître. Altéa se mit en position d’attaque. Une position familière pour Shiryu. Celle de Shura du Capricorne. La constellation du Chevalier d’Or apparut derrière la Guerrière dans un brouillard doré, comme un mirage.

• Tu dois ne faire qu’un avec le septième sens, Chevalier. Il ne doit plus être un outil utilisé par l’espoir ou le désespoir. Il doit être avec toi, t’accompagner en chaque endroit et à chaque instant.

Shiryu se redressa complètement et ferma les yeux. Il joignit ses mains en position de prière comme aurait pu le faire Shaka de la Vierge et rechercha cet état de plénitude qu’il avait appris à atteindre ces dernières semaines. Son cosmos explosa en des effluves vertes et commença à se répandre dans la pièce.

• Abandonne-toi au septième sens. Qu’il devienne un ami qui ne te quittera plus jamais. Qu’il devienne une partie de toi au commencement, puis tout ton être. Qu’il devienne le Dragon.

Shiryu avait les yeux fermés, mais pouvait voir Altéa comme en plein jour dans les jardins de fleurs de la fondation Kido. Il n’était pas dans une situation de crise ou d’urgence et se sentait bien. Aucune menace directe ne pesait sur lui ou sur le Monde. Saori allait bien, ses amis aussi et Seiya, même s’il était tombé au combat, reposait d’un sommeil mérité. Aucun adversaire qui voulait le tuer et aucune attaque désespérée. Pourtant, il sentit le septième sens affluer en lui et s’abandonna à son étreinte. La douleur de son avant-bras s’évanouit totalement. Son cosmos emplissait toute la salle et Altéa abattit son bras à la vitesse de la lumière.

Il dévia le coup en se décalant légèrement sur le côté et en le faisant rebondir sur son bouclier. Il avait vu la trajectoire parfaite du trait lumineux, qui lui avait semblé presque lent. Altéa recommença. Son bras bougea encore à la vitesse de la lumière, puis encore, et encore, et encore… Shiryu sauta pour éviter un coup aux jambes et retomba juste à temps pour éviter un coup à la tête. Altéa ne plaisantait pas. Une mèche de cheveux de Shiryu effleura le sol avant d’être consumée par son cosmos. Il esquiva encore trois coups, avant d’être obligé de se protéger deux fois de suite derrière son bouclier. Il ne recula que d’un pas alors que ce calibre d’attaque aurait du l’emmener dix mètres plus loin. Il esquiva un neuvième coup en se rapprochant de son adversaire, qui arrêta ses attaques. Le Dragon ouvrit les yeux, un sourire de joie sincère sur son visage.

• C’est incroyable… Je…

Shiryu fut frappé par l’état du sol à ses pieds. Les gigantesques carreaux de marbre étaient lacérés comme de vulgaires feuilles de papier. Il perdit le compte des sillons qui s’entrecroisaient et comprit qu’il avait dû éviter des dizaines et des dizaines de fois le Tranchant d’Excalibur. Il regarda Altéa, interloqué.

• Vois ce que le septième sens est capable de produire, Dragon, lâcha-t-elle avec un sourire amusé.
• C’est la première fois que j’atteins le septième sens avec autant de facilité, et sans aucun enjeu… Je ne pensais même pas que c’était possible. Enfin, je veux dire… que je n’y avais jamais réfléchi.
• C’est tout votre problème. Vous avez livré bataille sur bataille sans aucun temps pour méditer sur votre progression. Sans prendre de recul et réfléchir aux choses incroyables que vous avez découvertes. Le septième sens fait partie du Chevalier du Lion car il s’entraîne chaque matin à ne faire qu’un avec lui, afin de pouvoir l’invoquer à chaque instant.
• Je comprends… Nous n’avons jamais pu nous entraîner. Tous nos entraînements n’étaient que batailles…
• Exactement, acquiesça Altéa. Maintenant essaie de m’attaquer.

Shiryu se concentra à nouveau durant quelques secondes. Son cosmos recommença à brûler et tel un enfant découvrant un nouvel ami, il s’abandonna au septième sens. Sans pression, sans stress et en toute amitié. Lorsqu’il ouvrit les yeux, Altéa ne bougeait pas d’un pouce. Elle se tenait debout, en position de défense, ce qui posait le décor : elle savait qu’elle aurait peut-être à prendre son attaque au sérieux. Le cosmos de Shiryu brûlait tellement qu’il finit par tout voir en jaune. Son corps prit de lui-même une position d’attaque ne révélant aucune faille.

• Tu voulais tant le voir, Altéa… L’ultime coup du Dragon ! LES 100 DRAGONS DE ROZAN !!!

Shiryu n’eut l’impression que d’envoyer un seul Dragon avec son poing droit. Pourtant, la salle fut vite constellée de dizaines de Dragons volant vers leur proie en hurlant à déchirer le ciel. Shiryu les vit tous fondre vers une tout autre Altéa. Son visage était déformé par la concentration et ses pupilles étaient aussi rouges que ses paupières. Elle s’abaissa de vingt centimètres vers le sol, tel un animal prêt à bondir, le bras gauche tendu dans son dos. Il perçut très clairement l’aura du Bélier et comprit ce que son adversaire s’apprêtait à déployer.

• Arrête ! hurla un Shiryu prit de panique, le bras toujours tendu. Un Cristal Wall ne suffira pas à arrêter cette attaque !
DIAMOND WALL !!! hurla-t-elle en fendant l’air avec son bras tendu, ouvrant sa paume vers Shiryu.

Un Mur de Diamant souple constellé d’étoiles se matérialisa en face de la belle Altéa. Chaque Dragon venant s’écraser dessus laissait un impact circulaire de poussière cosmique bleutée. Le Mur trembla mais ne vacilla pas d’un pouce. Le dernier Dragon vint mourir devant le visage du Chevalier Céleste. Le niveau de vibration dégagé par le Mur de Diamant résonnait avec l’Armure de Shiryu. A chaque rayon de lumière qui le balayait pour en révéler la surface, le bouclier du Dragon vibrait de plus belle. Altéa souriait, les yeux verts comme le Jade.

• Félicitations, Chevalier. Cette attaque est vraiment hors-norme. Il est impossible d’éviter la morsure de cent Dragons. Je devais donc leur faire mordre autre chose que mon Armure, ironisa la Guerrière. Mais je te rassure, ton attaque était fabuleuse. Sans aucune prétention, tout autre adversaire aurait péri sur l’instant.
Diamond Wall… C ’est incroyable. Serait-ce une attaque de Mû du Bélier ? Je ne l’avais jamais vue.
• Et c’est normal, Shiryu. Cette défense appartient à Sion du Bélier. Son disciple ne l'a jamais trouvée. C’est son Arcane.
• Son Arcane ? Tu veux dire que c’est le coup ultime de Sion du Bélier ? essaya Shiryu.
• Pas exactement. Le Mur de Diamant est l’Arcane suprême du Bélier. De l’esprit du Bélier…
• Ce serait l’attaque suprême de la constellation du Bélier…
• En effet. De même qu’il existe un Arcane du Dragon.
• Oui… confirma Shiryu, pensif. Les 100 Dragons de Rozan

Altéa ne pu réprimer le même type de sourire qu’Hypnos aimait à arborer sur son visage présomptueux. Mais Shiryu ne put que constater qu’elle l’utilisait avec plus de gentillesse que le dieu du Sommeil.

• Absolument pas, Shiryu. Les 100 Dragons de Rozan ne sont pas ton Arcane. C’est une attaque fabuleuse puisque ta constellation t’y prédispose, mais ce n’est pas l’Arcane du Dragon.
• Tu veux dire… qu’il existe plus puissant que Les 100 Dragons ?
• Je ne sais pas s’il faut parler de puissance… Mais oui.
• Connais-tu cette technique ? demanda un Shiryu intrigué comme jamais auparavant.

• Non… Ton Maître ne possédait pas cet Arcane si c’est ce que tu te demandes. Il possédait par contre l’Arcane de la Balance, qu’il a découvert dans la Troisième Sphère sans pour autant avoir le temps de l'employer. Je n’ai jamais vu l’Arcane du Dragon, mais je sais qu’il existe. Il en existe un pour chaque constellation qui sommeille dans la Sphère du Zodiaque. Là-haut, bien après ma Sphère, repose l’esprit du Dragon. Il est le détenteur de l’Arcane.
• Je comprends… C ’est l’attaque finale de l’Esprit de ma constellation.
• Oui… Elle sommeille quelque part, dans ton Armure, ton esprit… Tu devras la découvrir seul, quand tu ne feras plus qu’un avec le cosmos.
• Un avec le cosmos…

Shiryu venait de comprendre. C’est pour ça que la Chaîne d’Andromède ne percevait rien de toi et que je n’arrivais pas à sentir ta présence. Tu ne fais qu’un avec le cosmos.

• Oui… C ’est le stade supérieur, dit Altéa sans aucune arrogance. Le stade où ton cosmos ne brûle plus. Si la chaîne de Shun ne me sentait pas, c’est parce que lui ne me sentait pas.

Le Dragon comprit alors qu’il lui restait du chemin à parcourir. S’il voulait arriver jusqu’au corps de son ami, il devrait certainement apprendre à ne faire qu’un avec le cosmos, et là, il découvrirait l’Arcane du Dragon.

• Maître… Je jure devant vous d’y arriver. Je trouverai l’Arcane du Dragon ! lança-t-il vers la verrière.

A ce moment précis, Altéa jura elle aussi de suivre la progression de ce Chevalier si exceptionnel qu’était le Dragon. Elle s’écarta du chemin et ouvrit la main en signe d’approbation, invitant Shiryu à la quitter.

• Va, Dragon. Va rejoindre tes amis et passe-leur ce savoir. Si vous voulez réussir dans votre quête, ils doivent aussi ne faire qu’un avec le cosmos. Soyez en paix avec le septième sens et apprenez à vivre avec lui à chaque instant. Il n’est pas un outil, mais votre ami. Aiolia l’avait compris et d’autres avant lui.

Shiryu ressentit de la tristesse à l’idée de devoir laisser Altéa ici, seule pour des siècles durant. Il aurait voulu encore en apprendre plus avec elle et la compter parmi ses compagnons d’arme. Il aurait souhaité se battre à ses côtés, lui montrer le paysage des Cinq Pics, l’orphelinat et ses enfants toujours en quête d’un tour pendable et que ses amis la connaissent comme lui l’avait connue. Mais ce n’était pas sa place. Il devait avancer et elle rester ici. Il voulut la remercier. Il approcha d’elle à pas mesurés jusqu’à se trouver à sa hauteur. Il chercha des mots qui ne viendraient jamais et se mit à courir en fermant les yeux vers la sortie de la Sphère. Il les rouvrit en arrivant devant une arche de marbre s’ouvrant sur un long couloir blanc et s’engouffra à l’intérieur sans réfléchir. Il savait qu’Altéa ne s’était pas retournée et qu’elle avait aussi fermé les yeux... Il ne l’oublierait jamais.

• Il n’est pas encore prêt… C’est trop tôt… déclara une voix amicale devant Altéa d’Oligol.
• Si, il l’est. Plus que tu ne l’étais à son âge, répondit Altéa avec douceur en ouvrant les yeux.

Doko de la Balance se tenait devant elle dans son Armure d’Or, ses six paires d’armes dépassant de son dos et des jointures de son Armure. L’aura qui le baignait lui donnait des allures de combattant implacable. Il ne portait pas son casque et son sourire amical suffit à remplir la pièce de souvenirs regrettés.

• Peut-être avez-vous raison, Maître. Peut-être est-il plus sage que moi. Il a étudié très dur. Mais je m’inquiète pour lui.
• Il n’y a pas de raison. Avec sa volonté et son niveau actuel, même moi, je ne pourrais peut-être pas l’arrêter sans faire appel à mon réel pouvoir.
• C’est grâce à vous… Vous savez, je n’ai jamais oublié vos enseignements. Je… tenta Doko.
• Je sais, Chevalier, l’interrompit Altéa. Moi non plus je ne t’ai jamais oublié. Je n’oublie jamais un Chevalier et encore moins mon meilleur disciple.

Devant le sourire chaleureux de son Maître, Doko de la Balance repensa à son propre entraînement dans les rizières de Chine. Altéa avait été si douce et pourtant si inflexible parfois. Il la revit s’abriter de la pluie sous son éventail et jouer seule au Mah-Jong, alors que lui accomplissait des exercices impossibles sur les collines. Il espérait avoir donné la même chose à Shiryu. Il commença à se transformer en poussière d’étoile dorée. Il se dématérialisa totalement et les flocons de cosmos pur montèrent vers l’incroyable verrière qui donnait sur l’espace.

• Repose en paix, Doko. Ton Dragon n’a pas fini d’éclairer le ciel...

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