Prologue


15 Juillet 1989

Hadès: La Confrontation Finale

Le majestueux temple commença à s'affaisser et la Terre trembla sous nos pieds. Pourtant nous restions immobiles, regardant Saori serrant le corps sans vie de Seiya dans ses bras. Les larmes perlèrent de mes yeux. Nous allions le rejoindre dans la mort. Le regard de Saori croisa le mien ; elle me fit un pauvre sourire et son aura dorée vint alors la recouvrir. Je sentis mes jambes flageoler et mes frères, Hyoga, Shiriu et Ikki disparurent dans la lumière. Un moment plus tard, je me trouvais dans une prairie, regardant le temple s'effondrer. Je fus pris de vertige et tombai à genoux. J'enfonçai ma tête dans le sol ; les cris et pleurs de mes amis résonnaient dans mes oreilles. Je m'évanouis.

- Shun! SHUN!

La voix de Hyoga m'arrivait accompagnée de secousses de ses mains sur mes épaules. Je clignai des yeux, me concentrant lentement sur le russe blond aux yeux bleus qui se tenait devant moi.

- C'est fini ? C'est VRAIMENT fini ?

Le corps de Seiya me paraissait petit de là où je me trouvais et je pouvais à peine percevoir Shiriu aider Athéna à se lever. Hyoga hocha la tête, des larmes coulant sur son visage.

- Da. Da, petit Shun. C'est fini.

Mon frère tourna le corps de Seiya et le leva lentement. L'énorme plaie brilla de rouge et me rappela l'horrible vérité. Seiya était mort, son cœur coupé en deux par l'épée noire d'Hadès. Je ravalai mes larmes et me demandai comment nous pourrions être des chevaliers sans lui.

- Nous devons retourner sur Terre.

Ces mots semblaient écorcher la bouche de mon frère et la peine qu'il ressentait était gigantesque. Mes larmes m'empêchaient presque de voir, à présent.

- Non ! Nous ne pouvons pas ! Pas maintenant, pas sans…
- Il aurait voulu qu'on vive, merde ! rétorqua Hyoga.

Je me forçai à me relever. Une douleur me lança alors horriblement et je tombai dans les bras de Hyoga.

- Seiya… Il est notre âme. Il est parti…

Ikki baissa la tête et les bras de Hyoga se resserrent autour de ma taille. Ses larmes tombèrent sur mes épaules.

- Nous devons rentrer. Seiya n'abandonnait jamais. Nous ne devrions pas non plus. Nous devons continuer à vivre.

Shiriu et Saori s'approchèrent d'Ikki. Mon frère reposa le corps de Seiya sur le sol. Gémissant, Saori tomba à genoux à côté de Seiya et serra fort son corps.

- Merde, Seiya, pourquoi as-tu abandonné ? Pourquoi es-tu mort ?

Ses pleurs se perdirent dans les plaines d'Elysion. Shiriu serra ses poings contre son corps.

- S'il avait pu vivre, ma Déesse, il l'aurait fait. Mais même son énorme volonté ne peut faire rebattre un cœur qui a été sectionné en deux, pas plus que soigner une âme que l'Epée Noire d'Hadès a tranchée.

Elle s'agrippa encore plus au corps de Seiya, et approcha son visage du sien. Pendant un bref moment morbide, mon esprit se rappela l'épée du Dieu des Morts plongeant dans la poitrine de Seiya. Il était mort en protégeant Saori… Et il souriait quand il mourut dans ses bras. Le sourire était toujours là, d'ailleurs. Je me demandai un instant s'il était bien réel. Je voulais croire que Seiya était vivant. Je voulais le voir se lever et nous faire passer pour des imbéciles. Mais cela n'arrivait pas.

- Seiya, tu ne peux pas mourir ! cria Athéna. Tu es un Chevalier Divin ! Tu es immortel ! Sers-toi du huitième sens, dépasse la mort ! Pourquoi n'es-tu pas là ? Ouvre les yeux ! S'il te plaît, Seiya, s'il te plaît, pour ta famille…

Shiriu posa ses mains sur ses épaules.

- S'il vous plaît, Déesse Saori, nous devons retourner sur la Terre.
- Pas sans Seiya !

Le ton de Saori était sans appel. Pas sans Seiya, fit mon cœur en écho. Que ferions-nous dans le monde des mortels ? Mes larmes redoublèrent de vigueur. Nos pouvoirs nous condamnaient à demeurer en marge des autres. Nous n'étions pas des enfants… Seiya était mort. Je frissonnai contre Hyoga.

- Même si nous le voulions, nous ne pourrions être ce que nous étions, Hyoga. Nous avons trop vu, trop vécu…

En un sens, Seiya avait de la chance. Je regardai Saori caresser le visage de Seiya. Ses larmes mouillaient l'armure dorée qu'il portait. Seiya ne voulait pas nous revenir. Il était en paix ; pourquoi devrions-nous le faire revenir ?

- Hyoga, si Seiya voulait revenir…

Soudain la cosmo-énergie de Saori entra en éruption. Shiriu et Ikki reculèrent, interdits. Dans ses bras, le corps de Seiya était totalement baigné par son aura. Je regardai, trop abasourdi pour parler.

- Ecoute-moi, Seiya, s'il te plaît…

La main de Saori toucha le cœur de Seiya. L'adoration perçait sous chacun de ses mots.

- Je mourrais pour être avec toi. Reviens, ou nous te rejoindrons.

Mourir. Tel n'était-il pas notre destin ? Je vis les yeux de mon frère se fermer. Ceux de Shiriu firent de même. Le désespoir se saisit de mon âme. J'étais à peine un adulte et la mort semblait une alternative tellement plus plaisante que la vie… Aucun de nous ne pouvait vraiment rentrer sans Seiya. Une étincelle de lumière entoura Seiya. Pendant un moment, je crus que c'était l'aura d'Athéna avant de réaliser qu'elle était bleue. Elle brilla, dansa autour de son corps avant de rentrer comme de l'eau dans sa poitrine. Les ailes dorées de son armure s'animèrent et devinrent blanches. L'espace d'une seconde, tout son corps fut dissous dans une lumière blanche. Saori recula, les larmes séchant sur son visage.

- Seiya ? murmura-t-elle.

Je tendis mon esprit, mais ne pus trouver l'âme de Seiya. Quoique ait été la chose qui avait touché son corps, elle était bien loin de la compréhension des chevaliers. L'aura de Saori s'éleva à nouveau. Elle s'approcha, s'agrippant fort à son sceptre.

- Seiya ! Laisse-le en paix, quoique tu sois !

Mes frères et moi nous sommes remis en garde pour faire face à une autre menace qui allait sûrement apparaître. Nos blessures se rappelèrent alors à nous, nous criant de nous reposer, de cesser de nous battre… La lumière s'agrandit et devint opaque. Je parvins pourtant à distinguer des ailes blanches et un corps délicat prendre forme à l'endroit où reposait Seiya. Comme un ange, il n'avait pas de sexe, juste une beauté dépassant l'imagination. L'explosion qui suivit m'aveugla, m'obligeant à regarder ailleurs. Les cris de ma famille me confirmèrent qu'eux aussi avaient été surpris. Quand ma vue revint, Saori était à genoux. Seiya reposait, les ailes blanches de son armure grandes ouvertes, sur ses cuisses. Ses joues avaient repris de la couleur ; son armure divine était de nouveau intacte. L'ange était parti ; il nous avait rendu Seiya. Shiriu et Ikki s'approchèrent.
Le sourire qu'arborait Seiya s'agrandit encore et pendant un bref instant, je jure qu'il était plus délicat et plus beau que n'importe quelle créature que j'avais vue, un peu comme l'ange. L'image disparut et je vis l'habituel visage de gamin apparaître. Il frotta ses yeux et tenta de s'asseoir. La mâchoire de Saori se décrocha un instant. Puis elle se précipita dans les bras de Seiya.

- Seiya, tu es vivant ! Tu es vivant !

Un bref instant, il ne réagit pas, comme s'il ne reconnaissait pas son propre nom. Puis il sembla se réveiller.

- Saori… Je suis là. Je suis là pour toi…

Il parut à nouveau confus, comme s'il ne comprenait pas pourquoi il avait dit ce qu'il venait de dire.

- Hé, pourquoi vous pleurez tous ? Je me suis juste évanoui quelques instants…
- Hadès t'a tué, lui répondis-je en séchant mes larmes.
- Ah, c'est tout ? Je ne m'en souviens absolument pas.
- Tu n'en as pas besoin, fit Saori en le serrant fort. Tu es de retour, c'est tout ce qui compte.

Surpris, Seiya se gratta la tête. Puis ses larmes se joignirent aux nôtres et il murmura :

- Je vous aime, les gars…

Aucun de nous ne put retenir ses larmes. Je vis Athéna faire un clin d'œil, ce qui amena une ravissante couleur rouge sur le visage de Seiya. Ses longs cheveux mal peignés tombaient sur les épaules dorées de son armure. Il se releva, ses ailes volant au gré du vent. Il prit Saori dans ses bras.

- Tu l'as fait. Je savais que tu le pouvais, Athéna.

Ces mots disparurent soudainement en un écho lointain. Une main glacée s'empara de mon âme ce qui entraîna des vibrations insoutenables dans ma tête.

SHUN.

Cette voix était incontestablement la mienne, mais plus grave. Je regardais autour de moi vers mes amis, m'attendant à moitié à voir quelqu'un d'autre que nous à Elysion. Personne ne me retourna mon regard et la scène qui se déroulait sous mes yeux s'obscurcit, comme un voile gris qui serait jeté entre le monde et moi. La voix était dans ma tête.

C'était HADES!

La confortable étreinte de Hyoga s'évanouit dans la nuit. La nuit envahit la salle du trône d'Hadès. Je vis stupidement mon propre visage, avec une chevelure noire… Hadès sourit. Avec horreur, je vis mon propre visage faire un rictus.

Shun, tu ne peux pas m'échapper. J'existe en toi. Nos âmes sont toujours liées. Athéna a peut-être détruit mon corps originel, mais son sang ne pourra jamais nous vaincre tous les deux ! Tu ES moi !

- Jamais !

C'était impossible ! Mon âme était libérée d'Hadès ! Elle devait l'être ! Mais je ressentis sa fureur et sa douleur prendre racine dans mon âme, comme des engrais noirs se développant et grandissant. Je devais détruire Athéna et ses chevaliers ! J'étais Hadès et, en cet instant, je sus que la Grande Eclipse plongeait toujours le monde dans l'obscurité ; un froid égal à un hiver nucléaire allait s'abattre sur le monde, amenant la mort sur tous les mortels ! Hadès et la Terre allaient plus ne faire qu'un et toutes les âmes seraient miennes !

NON ! Je ne voulais pas ça ! Shun n'était pas mauvais ! Shun était un chevalier ! Le désir… La tentation monta. Pourquoi ne pas façonner le monde en quelque chose que je voulais ? Qui pourrait me barrer le chemin ? Les autres Chevaliers Divins étaient trop faibles. Hadès était avec moi et il était temps de faire payer Athéna et ses Chevaliers !

Hyoga manqua de tomber à la renverse, puis se redressa. Les autres chevaliers me regardèrent, leur visage pâle de terreur. Shiriu pouvait à peine se tenir sur ses jambes avec son bras cassé et mon frère était pétrifié par la loyauté qu'il devait avoir. Je souris, sentant mes crocs pincer mes lèvres. Mon regard trouva Pégase, seul avec Athéna. Parfait. Je les détruirais ensemble. Je me concentrai. Je pus voir leurs visages alors que ma brillante aura rose devint noire. Seiya ferma ses poings et plaça Athéna qui protestait derrière lui. L'imbécile, ne se rendait-il pas compte qu'elle était la seule adversaire digne de moi ? Les chevaliers n'étaient que des boucliers, de la chair à canon, utiles uniquement pour fatiguer les ennemis jusqu'à ce qu'Athéna puisse les combattre. Je savais cela à présent. J'avais cessé de la croire. Les chevaliers de Bronze avaient été créés dans le seul but de se faire massacrer au cours des interminables Guerres Saintes. Athéna et Zeus étaient coupables de la peine que je ressentais ; tout comme l'était Hadès ! Ils s'étaient servis de nous et je comprenais enfin la vérité !

- Pégase, noble imbécile, essaie ! Essaie de m'abattre !

La voix qui venait de parler n'était pas celle du petit Shun ; elle était noire et effrayante. Je vis Seiya déglutir difficilement et faire un pas en avant.

- SHUN!

Ses jambes cédèrent et il se retrouva par terre. La glace qui enserrait mon cœur disparut alors.
J'étais en train de regarder mes amis et je sentis des larmes au bord des mes yeux. NON ! Je ne voulais pas leur faire de mal ! Ils étaient mes amis, ma famille ! Je les aimais de tout mon cœur ! J'hurlais alors les seuls mots qui pourraient me sauver.

- Tuez-moi ! Tous ensemble, pendant que je suis encore mortel !

Des auras dorées brillèrent dans l'air. Les quatre Chevaliers Divins restant et la déesse Athéna firent appel à leur cosmos et leur pouvoir me frappa de plein fouet. Je fus projeté dans une colonne et retombai dans un nuage de poussière. Je souffrais légèrement mais, à ma grande horreur, je pouvais me relever. Les Chevaliers et Athéna ne pouvaient m'atteindre ! Ils étaient trop faibles pour me détruire. Le corps originel avait été créé par le pouvoir d'Hadès. Mais celui-là avait nos deux âmes, le pouvoir du Chevalier Divin d'Andromède lié à celui du Maître des Profondeurs, et ensemble nous étions bien plus puissants que le corps originel. Je levai la tête pour les voir se maintenir debout avec difficulté, privés de tout pouvoir. La noirceur à l'intérieur de moi cria de plaisir. Ils allaient être faciles à tuer ! Je serais victorieux alors qu'ils me croyaient défait !

NON ! Je ne voulais pas ça ! Il n'y avait plus qu'une seule chose que je pouvais faire. Mes amis ne pouvaient pas se battre seuls. Les chevaliers restants sur Terre attendaient toujours. Il fallait que je les amène ici. La noirceur se saisit à nouveau de mon cœur. Mon âme souillée monta dans mon cerveau et changea l'amour en douleur, et la douleur en haine. Je me concentrai et attrapai mes nouveaux opposants. Des éclairs zébrèrent à l'intérieur du Temple. De nombreuses nouvelles silhouettes prirent forme. Les Chevaliers se redressèrent, galvanisés une dernière fois.

Je respirai un grand coup et criai.

- POUR L'AMOUR DE LA LIBERTE, DETRUISEZ-MOI, CORPS ET AME !

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Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.